HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE II. — LES OPÉRATIONS MILITAIRES.

CHAPITRE VII. — LES TRANSFORMATIONS DE LA GUERRE.

 

 

I. — L'ARMEMENT DE L'INFANTERIE.

EN même temps que la guerre se fixait sur un front de tranchées, les problèmes nouveaux que cette guerre de positions donnait à résoudre, le désir de vaincre un adversaire égal par un outillage supérieur, amenaient une transformation des armements en concurrence. Et cette transformation se prolongea jusqu'à la fin de la guerre.

Le fantassin, dans toutes les armées, était parti en guerre avec un fusil à répétition, alimenté par un magasin ou par un chargeur, d'un calibre variant de 6,5 à 8 millimètres, d'une portée supérieure à 2.000 mètres, la vitesse initiale du projectile étant un chiffre entre 600 et 850 mètres. Cette arme répondit, en somme, aux besoins, et ne fut changée dans aucun des camps pendant la guerre. Chaque pays se flattait d'avoir un modèle de fusil automatique ; mais, dans aucun, il ne fut mis en service en grand nombre.

Naturellement, on désirait, d'un côté comme de l'autre, augmenter la rapidité du tir et par conséquent la densité des balles, sans augmenter le nombre des hommes en ligne. Le problème était résolu dès le temps de paix par la mitrailleuse. Dans toutes les armées, la mitrailleuse avait la munition d'infanterie. Elle différait d'un pays à l'autre par le système de refroidissement à eau ou air et par l'affût.

Les Allemands entrèrent en guerre avec une mitrailleuse pesant au total 53 kilos ; les Français avec une mitrailleuse pesant 58 kilos. Le nombre des mitrailleuses était sensiblement le même : une compagnie de 6 tubes par régiment dans l'armée allemande, une section de 2 tubes par bataillon dans l'armée française. L'armée française possédait au début de la guerre 5.100 mitrailleuses, dont 2.020 dans les corps de troupes.

On s'aperçut aussitôt de l'extrême puissance de cette arme ; on eut tendance à la multiplier. D'autre part, on reconnut l'avantage d'avoir une mitrailleuse légère, qui pût être enlevée à temps d'une tranchée perdue ou suivre une offensive. Les Français résolurent le problème par le fusil mitrailleur, qui pesait 9 kilos et qui était en usage au moment de la bataille de la Somme, — les Allemands par la mitrailleuse légère 08/15, qui en pesait 17. Un modèle ultérieur, 08/18, ne pesait plus que 13 kilos et demi. A la fin de la guerre, un bataillon allemand avait 12 mitrailleuses lourdes et 21 légères, un bataillon français 12 mitrailleuses et 36 fusils mitrailleurs. Une sorte particulière de mitrailleuses fut créée pour les avions, à la fois très légère et montée sur un affût qui lui permit de tirer dans tous les azimuts.

Les progrès de la guerre transformant les objectifs, il fallut, pour percer les parapets, boucliers, sacs à terre et autres engins de protection, transformer le projectile. L'armée allemande tira une balle à noyau d'acier. Mais celte balle se trouva elle-même impuissante, dans l'automne de 1917, contre les chars d'assaut. Il fallut employer contre eux un fusil d'un calibre plus fort, le fusil T, avec une cartouche plus lourde. Contre les buts aériens, pour suivre la projection, on usa des balles lumineuses ; pour faire exploser les ballons et allumer les réservoirs d'essence des avions, des balles incendiaires.

Pour le combat rapproché, les Russes et les Japonais avaient fait usage, devant Port-Arthur, de la grenade à main, puis de la grenade à fusil. Quand, en 1914, les adversaires d'égale force, immobilisés l'un par l'autre et demeurés au contact, commencèrent à s'enfoncer dans les tranchées, en se dérobant au tir tendu du fusil, ils cherchèrent à s'atteindre en envoyant à la main, par-dessus le parapet, des charges d'explosifs dans des boîtes à conserves ou des bouteilles d'eau minérale, munies d'un détonateur. Ces engins primitifs furent remplacés par la grenade qui se révéla une arme très puissante. La grenade elle-même fut ; ou lancée à la main, le bras tendu, ou par le fusil, comme la grenade V. B. de l'armée française, ou enfin par des appareils spéciaux, comme le granatwerfer et le minenwerfer léger de l'année allemande.

L'armée allemande possédait, dès avant la guerre, pour écraser un objectif' à petite distance, sous une forte charge d'explosif, une arme tenue secrète et nommée minenwerfer. Destiné à remplacer l'artillerie lourde dans des conditions de petite portée et de bonne observation, ce minenwerfer lourd appartenait au matériel de siège. Mais, une pareille arme n'étant pas moins utile pour la défense, l'armée allemande avait adopté un minenwerfer moyen, destiné à démolir les sapes de l'assaillant, et qui appartenait au matériel de place.

Cette arme exclusivement allemande fit ses preuves dès les premiers sièges. La guerre de position lui donna un emploi plus général. D'abord en très petit nombre et faiblement approvisionnés, les minenwerfer furent construits fiévreusement. L'inconvénient est qu'ils concentraient sur eux les feux de l'artillerie adverse : il fallut les retirer un peu en arrière de l'infanterie. D'autre part, le système défensif de chaque parti se développant tous les jours en profondeur, il leur fallait battre une zone plus profonde. Ces deux raisons amenèrent à accroitre leur portée. On s'étudia aussi à accélérer leur tir.

Ils formèrent ainsi une arme économique et très puissante, que les Allemands développèrent largement. Tandis que le programme Hindenburg demandait le doublement de la production pour tout le reste du matériel, il multipliait par 5 ou 6 celle des minenwerfer. Dans l'été de 1915, il eut dans chaque corps d'armée une Abteilung de minenwerfer légers, moyens et lourds. La création de ces unités permit des concentrations de feux et un nouvel emploi tactique de l'arme. Des bataillons de minenwerfer furent en outre constitués et laissés à la disposition du grand quartier.

Dans l'automne de 1915, chaque division reçut une compagnie de minenwerfer, qui en comprit d'abord 2 lourds, 4 moyens, 6 légers, puis 3 lourds, 6 moyens et 12 légers. En 1916, le nombre des compagnies fut porté à 2 par division, chaque armée ayant de plus un bataillon. Il fut de plus formé des compagnies de montagne (4 moyens, 8 légers).

Arriva, le 1re juillet 1916, la bataille de la Somme. Sous le feu écrasant des Alliés, minenwerfer lourds et moyens furent mis en pièces, tandis que les légers échappèrent et jouèrent un rôle important dans la défense. On les sépara donc des autres en les donnant aux compagnies d'infanterie et en ne laissant aux troupes spéciales que les lourds et les moyens. Pour familiariser le fantassin avec sa nouvelle arme, on créa des écoles aux armées.

Cependant les changements tactiques exigeaient plus de portée, le renforcement des défenses plus de pénétration pour les mines lourdes, la reprise de la guerre de mouvement plus de mobilité pour les minenwerfer légers, le péril croissant des tanks une adaptation nouvelle. Contre les tanks, on tira à trajectoire plus tendue. La mobilité fut donnée par un nouvel affût. Il y eut, comme dans les munitions d'artillerie, des mines incendiaires, des mines éclairantes, des mines donnant des nuages. En 1917, une adaptation spéciale à l'envoi des gaz constitua le gaswerfer. Enfin, dès l'hiver de 1916-17, des mines spéciales tirées vers l'arrière envoyèrent des renseignements jusqu'à 1.800 mètres : ce sont les nachrichtenminen. Le minenwerfer a retardé la défaite de l'Allemagne.

Les Français, de leur côté, après avoir tiré des arsenaux les vieux mortiers lisses, construisirent des crapouillots. En 1918, cette artillerie de tranchée a joué un rôle essentiel dans la destruction des premières lignes allemandes.

En outre, l'infanterie française a reçu pendant la guerre un petit canon à tir tendu, le canon de 37, tirant un obus à pointe d'acier animé d'une grande vitesse, et un mortier d'accompagnement, envoyant sur une trajectoire courbe un obus de plusieurs kilos. Des deux armes, fusils et mitrailleuses, dont, elle disposait en 1914, elle a passé en 1918 à 9 modèles d'armes différentes.

Cet armement varié amène une variété analogue dans l'intérieur du bataillon. En 1918, celui-ci comprend 3 compagnies, plus une compagnie de mitrailleuses et une section d'engins d'accompagnement (1 canon de 37 et 1 mortier). La compagnie met en ligne 100 voltigeurs (c'est le nom donné aux hommes armés de fusils) et 40 fusiliers mitrailleurs formant 12 groupes. Le bataillon de 1914, qui comprend 1.000 hommes uniformément armés du fusil, plus 2 mitrailleuses, a comme premier approvisionnement 123.000 cartouches. Le bataillon de 1918, avec 750 hommes, dispose de 142.000 cartouches, 1.200 grenades et 400 projectiles pour les engins d'accompagnement.

 

II. — LES TRANSFORMATIONS DE L'ARTILLERIE.

L'ARMÉE française était entrée en campagne avec un canon de 75, qu'on estimait suffisant pour toutes les taches. L'artillerie divisionnaire était de 36 pièces, l'artillerie de corps d'armée de 48, ce qui faisait pour un corps d'armée à deux divisions 120 canons. Au total, les armées disposaient de 3.793 canons de 75. L'artillerie lourde n'existait ni à la division, ni au corps, mais sen le ment à l'armée, et en petit nombre, au total 300 matériels répartis entre quatre types : quelques 105 longs 1913, tirant 11.000 mètres le 120 court 1890 obusier léger à portée de 5.000 mètres ; le 120 long 1878, tirant à 9.000 mètres ; le 155 court 1904, le Bimailho, tirant à 6.000 mètres.

L'armée allemande a comme canon de campagne un canon de 77, à raison de 108 pièces seulement par corps d'armée. Mais elle a de plus à la division 18 obusiers légers de 105, tirant à 6.000 mètres, au corps 16 obusiers lourds de 150, tirant à 8.000 mètres, à l'armée des groupes de mortiers de 210 tirant à 9.000 mètres, et de canons longs, 100, 130, 150, tirant à 10, 13, et 14 kilomètres. Soit au total 9.000 pièces lourdes, 1 500 obusiers légers de 105 et 5.000 canons de 71.

La supériorité de l'armée allemande en artillerie moyenne et lourde est écrasante. Il existait heureusement en France, dans les arsenaux et dans les forts, un matériel dit matériel de Bauge, construit entre 1877 et 1882, en très bon état, canons de campagne de 80 et de 90, canons de. 95, de 120 long, de 155 long, de 155 court, mortiers de 220 et de 270, au total au moins 7 500 bouches à feu approvisionnées à 60 millions de coups. On commença à les utiliser à la fin d'août 1914. C'est l'artillerie de Bauge qui fera les opérations de 1915, y compris la Champagne, exécutant la contre-batterie avec ses canons longs et le pilonnage avec ses pièces courtes. Elle sera encore le principal de l'artillerie lourde à Verdun (hiver et printemps 1916) et même sur la Somme (été et automne 1916). Mais ses calibres moyens, qui jouent le rôle principal, ne font que du tir tondu.

Comme munitions, l'artillerie française partit avec un approvisionnement de 1 390 coups par pièce. On avait de plus prévu une production journalière de guerre de n.000 coups de 75, et de 405 obus de 155.

En somme, les défauts de l'artillerie étaient les suivants : nombre insuffisant de munitions, manque de pièces à tir courbe, manque d'artillerie lourde moderne.

Dès le milieu de septembre, le commandement en chef demandait 40.000 coups par jour, d'extrême urgence ; le 2 janvier 1915, 80.000. Il fallut recourir à toutes les offres, sans garanties suffisantes ; le 10 novembre, on fabriquait 18.000 obus par jour, fin décembre 56000, en janvier 1916 63.000. Malheureusement, cette vulgarisation donna des obus qui faisaient éclater les pièces. Il se produisit en 1915 une véritable crise et il fallut monter la fabrication de canons neufs. Enfin la production se régularisa. Elle atteignit, en 1916, 150.000 obus de 75 par jour, et une quinzaine de tubes. Elle s'éleva ensuite à 200.000 obus. Le 21 mars 1918, les stocks dépassaient 2i millions de coups de 75, 750.000 de 105, et 3.500.000 de 155.

La fabrication des explosifs prit un énorme développement. Avant la guerre, la France fabriquait par an 1.200.000 tonnes d'acide sulfurique par le procédé des chambres de plomb, et 6.000 tonnes d'acide fumant, dit oleum ; à la fin de la guerre, la production annuelle avait passé à près de 2 millions de tonnes d'acide des chambres, et 300.000 tonnes d'oleum. La consommation de nitrate était avant la guerre de 320.000 tonnes, dont les 7/8 pour l'agriculture ; en 1916, elle fut de 540.000 tonnes, entièrement pour les munitions. Ces nitrates étaient traités par l'acide sulfurique, pour obtenir l'acide nitrique. Mais on obtenait encore celui-ci synthétiquement, soit par l'oxydation de l'azote dans l'arc électrique, ce qui se pratiquait à Pierrefitte, soit par l'oxydation de l'ammoniaque. On fit ainsi plus de 60.000 tonnes d'acide nitrique synthétique. Quant à la production totale d'acide nitrique, elle passa de 15.000 à 50.000 tonnes par mois.

Le problème de l'alcool était très compliqué, l'ennemi occupant une partie de nos distilleries. On réussit néanmoins à fabriquer de 1.500.000 à 2 millions d'hectolitres par an ; on importa le reste, 1.200.000 hectolitres en 1916, 1.400.000 en 1917. L'éther était fabriqué par le procédé classique, en chauffant l'alcool avec l'acide sulfurique.

La nitration du coton donne le coton-poudre ; gélatinisé par le mélange alcool-éther (ou par d'autres solvants), le coton-poudre devient la poudre B. Le plan de mobilisation avait prévu la fabrication journalière de 24 tonnes ; en juillet 1917, elle était voisine de 500 tonnes. La production totale pendant la guerre a été de 310.000 tonnes ; en outre, 120.000 tonnes ont été importées des États-Unis.

Les explosifs brisants sont constitués par des hydrocarbures aromatiques (benzène et toluène), ou des phénols tirés de la houille. La production du phénol passa de 1 tonne par jour à 250. La nitration du phénol donnait la mélinite, dont la fabrication atteignait 500 tonnes par jour et fut de 230.000 tonnes pour toute la guerre. La nitration du toluène donna la tolite, dont la fabrication passa de 150 kilos à 60 tonnes par jour et atteignit pour toute la guerre 40.000 tonnes.

L'accroissement des matériels lourds se fit assez lentement. Dans la première moitié de 1916, les canons de 105 étaient arrivés à former groupe par corps d'armée ; mais on les ménageait, leur usure étant rapide. Les nouveaux canons courts de 155 (Schneider ou Saint-Chamond) ne comptaient pas encore. Ils ne sont entrés en ligne eu grand nombre qu'à la fin de 1917.

Ce n'est que le 30 mai 1916 que le programme d'artillerie lourde a été réellement établi. On commanda 4 690 matériels, formant la dotation en artillerie lourde à tir rapide de 90 divisions d'infanterie (155 court), de 40 corps d'armée (155 long), plus 10 régiments à tracteur court (48 matériels par régiment), 10 régiments à tracteur long. enfin 800 pièces sur voie ferrée.

Ce programme n'était pas terminé an moment de l'armistice, en novembre 1918. Toutefois l'offensive finale de juillet 1918 a pu être faite, pour la première fois, avec des moyens suffisants. On donnera une idée du développement de l'artillerie en disant que les artilleurs comptaient, en mai 1915, 394.000 combattants et, en octobre 1918, 401.000. Dans le même temps, l'infanterie était tombée de 1.526.000 combattants à 851.000. Les effectifs de l'artillerie, comparés au nombre total des combattants, représentaient 18,4 p. 100 en mai 1915. 32,7 en octobre 1918. — L'artillerie légère avait passé  de 4.000 pièces à près de 5.000, l'artillerie lourde de 300 à plus  de 5.000. De leur côté, les Allemands avaient. en 1918, 12.500 pièces d'artillerie légère, dont un tiers (et non plus un quart) d'obusiers, et 7.860 pièces lourdes.

 

III. — LES ARMES NOUVELLES.

LE 29 juillet 1899, au congrès de la Haye, les nations européennes s'étaient interdit l'emploi de projectiles ayant pour effet unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères. Cependant l'invulnérabilité relative de l'adversaire dans les tranchées engagea les Allemands à manquer une fois de plus à leur parole, et à essayer dès la fin de janvier 1915 un obus dont l'action principale était due aux gaz qu'il émettait en se brisant, l'obus T. Mais d'une part la saison était peu favorable. et d'autre part il parut plus efficace de concentrer le gaz dans des récipients et de le faire porter par le vent. On constitua pour leur manipulation une troupe spéciale, et la première émission en grand eut lieu le 22 avril 1915 à Langemark, au nord d'Ypres, sur un front de 6 kilomètres. L'émission dura 5 minutes, par un vent de 2 à 3 mètres à la seconde, et créa un nuage de 600 à 900 mètres de profondeur. L'effet fut foudroyant. Heureusement les Allemands n'exploitèrent pas à fond leur succès tactique. Les Anglais exécutèrent à leur tour une attaque  aux gaz de grand style à Loos le 25 septembre 1915. Ce fut le tour des Allemands, qui n'avaient pas cru à ce danger, d'être surpris.

L'emploi de la nappe de gaz dans une attaque était très délicat. La longueur des préparatifs, la dépendance du vent, le danger permanent que les bouteilles chargées représentaient pour les troupes amies, la difficulté de suivre le nuage à bonne distance, le perfectionnement des masques et de la discipline chez le défenseur firent qu'en somme aucun grand succès n'a été dû à l'emploi de ces nappes. Elles ont été surtout un moyen d'inquiéter l'adversaire et de lui infliger des pertes.

Au printemps de 1917, les troupes britanniques employèrent des torpilles à gaz qui, lancées à la fois et en grand nombre (plusieurs centaines), créaient un nuage si fort et si subit, que les mesures ordinaires d'alarme étaient impraticables et l'emploi même du masque difficile. Les Allemands employèrent à leur tour ce procédé en Italie en octobre 1917. Peu à peu ce système plus commode remplaça celui des nappes. L'armée allemande comprit 9 bataillons de gaswerfer.

Cependant il était bien évident qu'un emploi vraiment souple, efficace et précis des gaz dans une action de grand style ne pouvait être fait que par l'artillerie. Ce fut en Argonne, dans l'été de 1915, que les Allemands employèrent dans ce dessein un nouvel obus, l'obus K, qui agissait plus violemment que l'obus T sur les organes de la respiration. Mais ces obus étaient encore médiocrement en faveur. La consommation ne dépassait pas 24.000 coups par mois. Un progrès décisif fut obtenu par l'apparition de l'obus à croix verte, au mois de mai 1916.

Celui-ci était fondé sui une idée expérimentée avec succès par les artilleurs français dès le printemps de 1916. C'était la suppression de la charge d'explosif, qui contrariait la formation du nuage. L'obus français à phosgène qui causa des pertes aux Allemands était construit sur ce principe. Ils l'employèrent à leur tour dans l'obus à croix verte, qu'ils tirèrent en grande quantité à 'Verdun dans l'été de 1916.

L'effet de cet obus ne dépendait plus de la direction du vent. Il demandait seulement un vent faible. Les divers calibres reçurent des munitions vertes. Leur principal emploi était de créer des barrages ou de neutraliser des zones (gassümpfe). Du coup le problème de la contre-batterie, jusque-là insoluble, se trouvait résolu. Dans l'été de 1917, les Allemands firent un nouveau et important progrès par l'emploi de deux munitions nouvelles, la jaune et la bleue. En particulier, la munition jaune, c'est-à-dire l'ypérite, infectait une région pour des jours entiers en été, pendant des semailles entières en hiver. L'obus faisait peu de fumée, la présence de poison était difficile à déceler, et son action se manifestait par des brûlures. Les objets infectés corrodaient la peau. Les aliments ypérités devenaient mortels. Employée d'abord en Flandre eu juillet 1917, la munition à croix jaune l'ut bientôt produite à raison de 1.000 tonnes par mois. Une combinaison d'ypérite et d'explosif donna l'obus brisant ZB. La munition à croix bleue, qui apparut dans le même temps, était un composé de l'arsenic, qui donnait un gaz lourd, produisant un nuage très actif — il suffisait de trois milligrammes pour mettre un homme hors de combat pendant un quart d'heure —, et qui présentait la propriété de traverser les masques. On combina la munition bleue avec l'explosif de façon à donner un obus à la fois brisant et toxique, dont la production dépassa un million de coups par mois. On tira aussi l'obus bleu avec l'obus vert, le premier contraignant l'adversaire à retirer son masque, et à se livrer à l'action du second. L'emploi de ces obus a été constant, soit dans la campagne défensive des Allemands en 1917, soit dans leur campagne offensive de 1918.

Les Alliés se trouvèrent pris au dépourvu par l'agression des gaz. En France, une première commission se réunit le 28 avril 1915 ; le service fut définitivement organisé, sous le nom de Service du matériel chimique, par un arrêté du 17 septembre 1015. Dirigé par le général Ozil, ce service comprenait un organe d'études, l'Inspection des Études et Expériences chimiques, et un organe de fabrications, la Direction du Matériel chimique de guerre.

L'Inspection des Études était elle-même divisée en deux sections, Section des produits agressifs et Section de protection. La protection fut d'abord faite par des moyens de fortune : lunettes et tampons. La Commission des Études chimiques adopta le 28 juillet 1915 une compresse imprégnée d'huile de ricin, contre le chlore et le bromure de benzyle ; le 16 août, une seconde compresse au sulfonitrate de soude, contre le phosgène ; enfin, le 31 août, une troisième compresse à l'acétate basique de nickel contre l'acide cyanhydrique : le 25 octobre, les deux dernières compresses furent réunies en une seule modifiée ; et ce système dura jusqu'à la fin de 1917. Quant à l'appareil même de protection, on adopta, à la fin de 1915, le masque M2, avec des viseurs en cellophane, remplacé en février 1918 par le masque A. R. S., très léger et très commode. On fabriqua 30 millions de masques M, et 5 millions de A. R. S. Ceux-ci exigèrent le travail de 12.000 ouvriers. En même temps qu'on se protégeait, il fallait riposter. Le seul gaz suffocant dont l'emploi fût immédiatement possible était le tétracklorosulfure de carbone, proposé par le professeur Urbain, et qui se fabriquait avec du sulfure de carbone et du chlore gazeux. On en chargea un grand nombre d'obus pour l'offensive de Champagne. Mais il n'était qu'un moyen de fortune, et insuffisamment agressif. On pensa au phosgène et à l'acide cyanhydrique, qu'on employa dans un mélange nommé vincennite. On attendit que les Allemands eussent eux-mêmes employé des produits de tonicité égale, et les premiers obus au phosgène furent tirés à Verdun en février 1916, les premiers obus à la vincennite sur la Somme en juillet. La vincennite foudroie, mais, à dose non mortelle, elle ne laisse pas de traces ; le phosgène, quelques heures après l'inhalation, produit un malaise, suivi de mort subite. On se servit encore en 1916 de chloropicrine. L'acroléine servit à charger les grenades. Enfin, quand les Allemands se furent servis d'ypérite (sulfure d'éthyle dichloré), on chercha à fabriquer ce corps : le problème fut résolu au commencement de 1918. On en fabriqua 240 kilos en mars, 7 tonnes en avril, pour arriver à 510 tonnes en octobre. Au total on chargea en produits toxiques, du 1er juillet 1915 au 11 novembre 1918, 13 millions d'obus de 75, 4 millions d'obus lourds et de bombes, sans compter 1.100.000 grenades à acroléine.

Devant les ravages du feu, on chercha à rendre invulnérable l'infanterie qui attaquait. C'était au cours de la retraite, en septembre 1914, écrit le lieutenant Lestringuez ; le colonel Estienne, qui commandait alors le 22e régiment d'artillerie, cheminait silencieusement à pied, tenant son cheval par la bride, lorsque, longeant un champ de terre grasse et molle, le colonel s'arrêta court et, se tournant vers son état-major : Celui qui le premier pourra faire rouler là-dessus des cuirassés de terre, armés et équipés, dit-il, aura gagné la guerre. Le décembre 1915, le même officier écrivait au général en chef : J'estime qu'il faut six mois et dix millions pour réaliser le matériel nécessaire au transport d'une vingtaine de mille hommes, force suffisante pour enlever par surprise les lignes successives sur 40 kilomètres de front et permettre l'irruption des masses disposées en arrière. Le 12, le colonel Estienne exposa au général Janin son système : il partait de la chenille, voie ferrée articulée et sans fin, que l'appareil déroule sous ses roues, et qui est en usage dans les tracteurs agricoles. J1 adaptait au tracteur Holt un blockhaus d'acier, qui recouvrait l'équipage, l'armement (un canon et deux mitrailleuses) et le moteur. L'appareil était long de 4 mètres et pesait 12 tonnes. Les chars d'assaut devaient partir au petit jour, surprendre l'ennemi, attaquer les tranchées et ne les dépasser qu'après les avoir livrées à l'infanterie.

Il construisit avec l'ingénieur Brillé, du Creusot, un char, dit char Schneider. En février 1916, 400 de ces chars furent commandés par l'état-major. De son côté, le ministère de l'Armement commanda aux forges de Saint-Chamond 400 chars d'un type plus lourd. Enfin les Anglais étudiaient de leur côté le même problème en 1915, et réalisaient deux types, le petit et le grand Willie. Au début de 1916, M. Winston Churchill obtint que 125 grands Willies fussent commandés à la maison Foster ; pour assurer le secret, les plaques de blindage passeraient pour être destinées à des réservoirs de pétrole pour la Russie. De là nom de réservoir, tank, donné à l'appareil.

Les tanks britanniques sortirent pour la première fois sur la Somme le 15 septembre 1916, et emportèrent quatre villages ; mais l'effet de surprise se trouvait dépensé. D'autre part, les chars d'assaut français furent mal engagés le 16 avril 1917, et parurent discrédités. Les choses en étaient là, quand, le 20 novembre 1917, les troupes britanniques exécutèrent sans préparation d'artillerie une attaque par les tanks, par surprise et en masse, devant Cambrai. Cette fois les formidables lignes de la position Siegfried furent traversées.

Cependant, dès le 27 novembre 1916, le général Estienne avait proposé un char léger, le char Renault. Les essais eurent lieu en mars 1917, et prouvèrent les qualités offensives du nouvel engin. Les combattants le réclamaient. Il commença à sortir en séries à la fin de 1917. La première unité armée fut constituée le 1er janvier 1918. C'était un bataillon, comprenant en théorie 75 chars, montés par 20 officiers, 48 sous-officiers, 56 brigadiers et 247 hommes. En août, il existait 15 de ces bataillons, avec plus de 1.100 chars, et en novembre 25 bataillons avec plus de 2.000 chars. Du 31 mai au 18 juillet, les chars légers gardent la lisière de la forêt de Villers-Cotterêts, et couvrent les préparatifs de la grande attaque Mangin du 18 juillet, où ils jouent un rôle essentiel. Bientôt ils reçoivent le nom populaire qui les a consacrés : ce sont les chars de la victoire. Au moment de l'armistice, l'artillerie d'assaut (A. S.) comprend 8 régiments (501-508). Chaque régiment comprend un groupement de chars lourds (Schneider ou Saint-Chamond) et 3 bataillons de chars légers. Les régiments sont groupés en 3 brigades.

Ce fut une des erreurs de l'Allemagne de n'avoir pas compris l'importance des chars d'assaut. Cette arme n'a pour ainsi dire pas existé dans l'armée allemande.

On peut dire que la guerre dans les airs s'est développée entièrement pendant les opérations. Au moment où elles commencent, l'aéronautique possède trois sortes d'instruments, le ballon captif, le ballon dirigeable et l'avion. Mais l'avion a déjà, si récent qu'il soit, éclipsé les deux autres. Les ballons captifs ont été complètement condamnés : les compagnies d'aérostiers ont disparu des for mations de campagne. Il ne subsiste que les compagnies des quatre grandes places de l'est : Verdun, Toul, Épinal, Belfort. Elles se servent de ballons sphériques. — Comme dirigeables, nous possédons seulement quelques unités de type souple, ne dépassant guère 9.000 mètres cubes ; après un moment de défaveur devant le succès de l'avion, on a mis en chantier une nouvelle série, toujours de type souple, mais de grande dimension, dépassant 20.000 mètres cubes. Les dirigeables de cette série sont en chantier quand la guerre éclate : ils firent leurs essais à la fin de 1914. Ce fut un échec ; mais, à ce moment, l'expérience avait déjà exclu le dirigeable de la guerre terrestre. — L'avion était apparu aux manœuvres de Picardie en 1910 ; en 1912 et 1913, le service avait été organisé, chaque parti disposant d'un groupe de 3 escadrilles, destiné à l'exploration stratégique. A la mobilisation, chaque armée dispose de 4 à 5 escadrilles, qui sont simplement des organes de reconnaissance. Ces reconnaissances, ordonnées par l'armée, sont faites par des officiers rattachés au deuxième bureau de l'état-major. Leur chef s'appelle chef des reconnaissances aériennes. Les avions sont, ou des biplans sans fuselage, ou des monoplans, à moteur fixe ou rotatif. Les vitesses de vol varient de 80 à 115 kilomètres à l'heure. Presque tous les appareils montent très lentement, s'élevant à 2.000 mètres en une heure et demie ; seuls le biplan Caudron et le monoplan Morane atteignent cette hauteur en vingt-cinq à trente minutes.

L'aviation allemande est à peine équivalente, mais l'aérostation allemande est très supérieure.

Pendant la première phase de la guerre, jusqu'à la bataille de la Marne, le rôle des avions est surtout la recherche des colonnes ennemies. Mais, dès le 10 septembre, une note du Grand Quartier prescrit l'affectation d'avions aux artilleries de corps d'armée, dès que le rôle stratégique de ces avions diminue d'importance.

Les lignes une fois stabilisées, et le travail de reconnaissance stratégique n'ayant plus de raison, l'aviation reçoit pour mission de reconnaitre les tranchées à détruire, d'observer le tir de l'artillerie, enfin de coopérer à ce tir par des bombardements.

En 1915, il existe ou il doit exister, par armée, un groupe de deux escadrilles ; par corps d'armée, une escadrille ; par régiment d'artillerie lourde, une section d'avions. Cette aviation est affectée à l'observation et au réglage. L'aviation de bombardement reste aux ordres du haut commandement ; elle se compose, en mai 1915, de 4 groupes à 4 escadrilles, composés d'avions Voisin, portant des obus de 90 et de 155. Dès leur première sortie, ils bombardent Ludwigshafen ; peu après, Carlsruhe. Les 4 groupes sont réunis à Malzéville, sous le commandement du commandant Roisin.

Les Allemands ripostent en créant l'aviation de combat. Leurs avions de chasse rendent le bombardement onéreux : l'expédition sur Sarrebruck, le 9 août, conte 9 avions. Le Voisin ne peut plus sortir le jour. Non seulement le bombardement fait faillite, mais l'observation est gênée par les chasseurs de l'ennemi. — De leur côté, les Français se donnent une aviation de combat, en utilisant en monoplace le biplan Nieuport. Au début de 1916, il y a par armée une escadrille Nieuport à deux fins, chasse et exploration.

Quand les Allemands attaquent le 21 février à Verdun, ils ont sur le champ de bataille la supériorité absolue de l'air. Le commandement français concentre alors à Verdun 8 des escadrilles Nieuport (sur 15), les équipe en monoplaces et en fait un groupement de combat sous les ordres du commandant de Rose. La tactique suivie par celui-ci est d'envoyer de grosses patrouilles dans les lignes ennemies, entre le front et l'alignement des drachen, et d'attaquer dans cette zone tous les avions rencontrés. L'ennemi, pour couvrir ses appareils, est contraint de lâcher les nôtres, qui peuvent accomplir leur mission d'observation. Celle-ci se développe extrêmement. Les péripéties de la bataille sont connues par les renseignements d'avions. Les photographies sont envoyées jusqu'aux commandants de compagnies et de batteries, ce qui impose jusqu'à 5.000 tirages. Enfin, de même que le terrain a été divisé en secteurs de corps d'armée à l'intérieur desquels les divisions se remplacent sans que le corps bouge, il est divisé en secteurs aéronautiques, où l'installation et le commandement sont permanents.

Pour la bataille de la Somme, en juillet, on crée à Cachy le groupe de combat Brocard. II a pendant les premières semaines la domination complète du ciel. Mais les Allemands renforcent leur aviation, qui redevient mordante. Pour que les observateurs français puissent remplir leur mission, il faut qu'ils soient protégés. Il faut, à côté de l'aviation de combat offensive, une aviation de combat défensive. Elle remplira sa mission par un jeu de patrouilles hautes et basses, entre lesquelles il existera pour les aviations d'observation une zone de sécurité. L'observation se perfectionne. Dans l'action, l'avion relève l'emplacement de l'infanterie amie, et le fait connaître au commandement par des cartes où il l'a tracé. Il réalise ainsi le problème des liaisons.

Cependant, au cours de la bataille, l'ennemi reprend la maîtrise de l'air. Nos avions sont démodés. De nouveaux modèles sortent pour l'offensive du 16 avril 1917. Mais le temps est déplorable. De plus, l'ennemi, convaincu, comme l'écrit von Below après la Somme, que la maîtrise de l'air dans la guerre de position est une nécessité primordiale, a renforcé son aviation de chasse. Elle protège une aviation d'observation instruite et entreprenante. Ses balles lumineuses brûlent nos saucisses, tandis que l'attaque générale que nous tentons le 6 avril contre ses drachen échoue. Il a trouvé le moyen de se garder contre la fusée Leprieur. Enfin, dans l'été de 1917, les Allemands, qui n'avaient encore pratiqué que le bombardement de nuit (apparu à la fin de la bataille de la Somme), entreprennent le bombardement de jour, grâce au Gotha-Friedrichshafen.

A l'automne de 1917, le commandement français fait un effort considérable. Un programme de 2.870 avions avait été prévu pour le 1er mars 1918 ; il est remplacé en octobre 1917 par un programme de 4.000, auquel succède un programme de 4.200, réalisable le fer octobre 1918. Enfin, en avril 1918, le programme est porté à 6.000, à réaliser en octobre 1919.

Ces programmes ne furent pas complètement exécutés. Au 1er avril 1918, l'armée française avait en ligne 2.750 avions, dont 930 de chasse, 420 de bombardement et 1.400 d'observation ; au 1er août, 2.975 ; à l'armistice, 3.437. Il y avait 25 escadrilles en service en août 1914 ; il y en a 258 en novembre 1918.

L'accroissement en nombre amène, en 1918, la formation de grandes unités : l'escadre à 3 groupes, et la division aérienne, à 2 brigades de 2 escadres. Enfin les appareils de 1917, démodés aussitôt qu'apparus, sont remplacés par ceux qui termineront la guerre : pour l'observation le Salmson et le Spad biplace, pour le combat le Spad monoplace 220 HP, pour le combat et l'observation le R II triplace Caudron, pour l'observation et le bombardement le Bréguet.

A ses anciennes missions d'observation et de maîtrise de l'air, l'aviation ajoute une mission nouvelle, qui est l'attaque des points faibles de l'adversaire, par la bombe et par la mitrailleuse. Il y aura donc une aviation offensive, composée d'escadres de combat et de bombardement, à la fois pour assurer la supériorité dans l'air et pour attaquer les objectifs au sol. Au 1er mars 1918, l'aviation offensive est répartie en deux masses : 1° l'aviation réservée du groupe d'armées du nord (580 avions), qui va devenir la division aérienne (630 avions au 1re août, 732 à l'armistice) ; 2° l'escadre II (115 avions), massée dans l'est. Le mode d'emploi est de concentrer toute cette aviation offensive sur le point que l'ennemi attaquera ; cette concentration suppose elle-même des terrains d'aviation échelonnés sur tout le front ; on y travaille depuis 1917. C'est ainsi que, quand les Allemands attaquent le 21 mars en Picardie, l'aviation réservée, qui était d'abord massée en Champagne, porte un de ses groupements à Airaine (près d'Amiens) et l'autre à Beauvais, tandis que l'escadre II se porte de Vaucouleurs sur la Ferté-Milon.

La guerre ayant repris la forme du mouvement, l'emploi de l'aviation offensive comporte trois phases. Au début de l'action, aussitôt après la rupture d'un front, que l'ennemi avance ou qu'il recule, on revoit des colonnes sur route ; bombardiers et chasseurs les attaquent à basse altitude. Cette période dure peu. Vient alors une phase où les bombardiers poussent jusqu'aux grandes gares qui sont les centres de l'activité ennemie. Mais ces expéditions même deviennent de plus en plus difficiles, et, à partir de septembre 1918, l'aviation se borne aux opérations du champ de bataille.

L'énorme extension des fronts de combat en 1918 a rendu d'autre part plus difficile le rôle de l'aviation défensive, qui, en rassemblant les quatre cinquièmes de ses forces, pouvait bien en 1917 interdire le front de 15 kilomètres de la Malmaison, mais qui doit protéger le 15 juillet 1918 un front de 130 kilomètres. Or, les forces de protection sont une escadrille de combat par armée et des groupes de combat isolés (6 au 15 juillet), dotation notoirement insuffisante.

Enfin le rôle de l'observation a été lui-même transformé par la grande innovation de 1918, la réapparition de la surprise dans la guerre, inaugurée par les Anglais à Cambrai le 20 novembre 1917. Comme on sait qu'on sera attaqué par surprise, le renseignement prend une valeur énorme : l'aéronautique de la 4e armée a prévu et éventé l'attaque du 15 juillet. Il en résulte que l'on crée de nouveaux organes de recherche. Le groupe d'armées a un groupe de reconnaissance à deux escadrilles. Une des deux escadrilles de combat de l'armée est remplacée par une escadrille d'observation. On voudrait descendre jusqu'à l'escadrille divisionnaire. Mais, la création de ces 110 escadrilles étant impossible, on se borne à donner une escadrille à chacune des 16 divisions volantes, une escadrille a chacun des 19 corps à 3 divisions, et 3 escadrilles à chacun des 14 corps à 4 divisions : au total, 63 escadrilles.