HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE PREMIER. — LA CONVENTION GIRONDINE.

CHAPITRE PREMIER. — LES DÉBUTS DE LA CONVENTION.

 

 

I. — LES PREMIÈRES SÉANCES DE LA CONVENTION.

AU moment même où la victorieuse canonnade de Valmy prenait fin — le jeudi 20 septembre 1702, vers cinq heures et demie du soir —, les députés à la Convention nationale présents à Paris se réunissaient pour la première fois aux Tuileries. Après avoir procédé à la vérification de leurs pouvoirs, ils nommèrent leur bureau. Le président fut Petion, et ce choix semble marquer un désir d'union entre Paris et la province : le beau, naïf et vaniteux Jérôme Petion était maire de Paris au 10 août, et très populaire alors, mais il avait été élu député à Chartres, où il était né et d'où il avait déjà été envoyé aux États Généraux. La séance, qui n'avait pas été publique, fut levée à une heure du matin. Le 21, vers midi, la Législative délibérait au lieu ordinaire de ses séances, dans la Salle du Manège, quand douze commissaires, envoyés par la Convention réunie de nouveau aux Tuileries, viennent l'informer que l'Assemblée nouvelle est constituée et va venir prendre possession de la salle. Aussitôt le président, François de Neufchâteau, déclare que la Législative cesse ses fonctions ; il se lève et, suivi de ses collègues, il se rend aux Tuileries et présente aux représentants de la nation l'hommage de son respect et de sa confiance. Puis les Conventionnels, escortés des Législateurs, quittèrent les Tuileries-pour le Manège, où ils entrèrent processionnellement. La transmission des pouvoirs avait été légale, pacifique et majestueuse. La Convention commençait, qui devait durer jusqu'au lundi 26 octobre 1795.

Les députés présents (ils étaient environ trois cents, à peine un peu plus, peut-être même moins) paraissent à leurs discours avoir été émus de la grandeur et de la difficulté de leur tâche. Dans la langue politique du temps, la Convention était par définition une Assemblée chargée de rédiger un nouveau pacte social, tout en parant aux nécessités du moment. Elle représente directement la souveraineté nationale. Quand elle paraît, tout cesse : il n'y a plus de constitution, de lois, de fonctionnaires, rien. Elle doit tout reconstruire, ayant comme but et comme moyen la liberté et l'égalité. Mais le pourra-t-elle ? Déjà il ne s'agit plus du péril extérieur et de l'invasion menaçante. Seul Danton y fait allusion, très brièvement, et pour indiquer que le danger est passé. Mais, à l'intérieur, si la royauté est vaincue et le roi prisonnier, n'a-t-on pas à craindre un retour offensif du despotisme ? Des rumeurs circulent, inquiétantes, de tribunat, de dictature, de triumvirat. Marat, député de Paris, les a propagées, comme il a soutenu aussi la nécessité des massacres, et plusieurs députés de Paris semblent solidaires de Marat. Il faut d'abord rassurer l'opinion. Danton le comprend. Il fait voter deux déclarations (21 septembre) : il ne peut y avoir de constitution que celle qui est acceptée par le peuple ; les personnes et les propriétés sont sous la sauvegarde de la nation. Ainsi Danton donnait des garanties contre toute tentative d'usurpation ou de désordre ; il semblait s'être séparé de la députation de Paris ; mais, au fond, la formule qu'il avait fait adopter n'excluait pas l'hypothèse d'une restauration monarchique par protectorat ou dictature. D'autre part, pour laisser à la Convention le temps d'agir, il est décrété que provisoirement les lois non abrogées resteront exécutoires, que les fonctionnaires non révoqués seront maintenus, et que les contributions publiques continueront à être perçues comme par le passé.

Déjà quelques orateurs avaient parlé de l'abolition de la royauté. Collot d'Herbois proposa qu'on la votât d'emblée : à l'assemblée électorale de Paris, qu'il avait présidée, la demande avait été faite, et il s'en souvenait. Quinette, Basire essaient inutilement d'empêcher un vote trop précipité, et qui d'ailleurs allait contre le principe que la constitution devait être acceptée par le peuple ; Grégoire, d'autres encore, insistent, et la Convention décrète à l'unanimité que la royauté est abolie en France. On applaudit ; on crie : Vive la Nation ! Et, dans l'Assemblée qui les acclame, cent cinquante chasseurs défilent au son de leurs trompes pour aller défendre la patrie.

Abolir la royauté, c'était évidemment établir la République. Le terme est employé déjà le 21 septembre à la séance du soir. Encore fallait-il le reconnaitre. Billaud-Varenne s'y employa. C'était un esprit exact et méthodique, capable de tirer les actes des principes, qui, sans jamais se poser en chef, exerça souvent une action décisive dans l'histoire de la Convention. Le 22 au matin, il fit décréter que les actes publics porteraient dorénavant la date de l'an Ier de la République. Décision de pure forme, et qui passa presque inaperçue. Le Moniteur ne la signala que le 26, et peu exactement. Comme le remarquait plus tard Lanjuinais, la République a été décrétée avant d'avoir été délibérée. Danton et Robespierre, Vergniaud et Buzot, tous les chefs se sont tus. Mais un député modéré, Poullain-Grandprey, se félicitait, le jour même, de la superbe opération qu'on venait d'exécuter l'abolition de la royauté et la proclamation de la République, ajoutait-il, chacun de nous en avait apporté le vœu, et toute discussion devenait inutile.

Quelques jours auparavant, des troubles avaient éclaté à Orléans, où les sections se trouvaient en conflit avec la municipalité. Prenant texte de cet incident, Danton fit voter dans la même séance (le 22) que les corps administratifs, municipaux et judiciaires seraient renouvelés en entier, et que le peuple aurait le droit de choisir les juges indistinctement parmi tous les citoyens. Danton avait parlé la veille en modéré ; mais sa politique était de donner des gages à tous les partis. Comme lui, la Convention venait de se contredire, et le maintien provisoire des autorités constituées n'avait duré qu'un jour. — Un rapport du ministre de l'Intérieur Roland, dont il fut donné lecture le 23, essaya de rallier les modérés. Pessimiste et filandreux, il prévoyait les pires événements. Dans beaucoup de départements, et plus encore à Paris, le désordre, l'anarchie et la désorganisation grandissent. La Convention pourrait être mise en péril. Elle devrait s'environner d'une force armée imposante, d'une troupe soldée d'hommes qui n'aient d'autre destination que le service militaire. — Kersaint, Vergniaud, Lanjuinais, Buzot obtiennent le lendemain (24 septembre) qu'une commission étudiera les moyens de rétablir l'ordre, de réprimer les provocations au meurtre et de donner à la Convention une force publique prise dans les 83 départements. L'idée maladroite d'une garde prétorienne telle que la proposait Roland est abandonnée, mais le principe est maintenu. La Convention se défiait donc de Paris, et les députés modérés rendirent la députation parisienne responsable des craintes qui les obsédaient.

La séance du 25 septembre ne fut qu'un long cri de passion furieuse. Robespierre, le premier élu de Paris, fut nominativement dénoncé. Il n'avait pas encore prononcé une parole à la Convention. Il se défendit en un discours long, hautain et volontairement vague. Marat brandit son pistolet et menaça de se tuer sur place si on le décrétait d'accusation ; mais, par une remarquable atténuation de ses violences récentes, il rendit hommage à l'Assemblée Conventionnelle pour ses premiers travaux. Aux départementaux, les Parisiens reprochaient de vouloir rompre l'unité de la nation ; aux Parisiens, les départementaux reprochaient l'insupportable tyrannie que depuis le 10 août la capitale prétendait exercer sur la France. Lasource disait : Je ne veux pas que Paris, dirigé par des intrigants, tyrannise la République. Il faut que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d'influence comme chacun des autres départements. Et Robespierre répondait : Ou nous a dit sans preuves : Vous aspirez à la dictature. Les calomnies de nos accusateurs nous font soupçonner qu'ils veulent faire de la République française un amas de républiques fédératives. Une fois de plus, Danton s'éleva contre toute idée de dictature ; il parla contre Marat, mais en l'excusant, et il fit voter un décret qui ne réalisait l'union qu'en apparence, puisqu'il ne comportait aucune mesure positive contre le mal présent. La Convention nationale déclare que la République française est une et indivisible. Néanmoins quelques députés, Cambon, Vergniaud surtout, avaient cité des faits si précis à la charge de la Commune de Paris, de son comité de surveillance et de ses commissaires dans les départements, qu'on en fut inquiet à l'Hôtel de Ville, et qu'à la séance du soir une députation du Conseil général vint désavouer à la Convention les commissaires et le comité de surveillance ; s'ils ont dépassé leurs pouvoirs, c'est à la Convention de les punir.

Votes d'enthousiasme, dont les dessous restent obscurs, querelles intestines et attaques persistantes, contradictions et impuissance, difficulté extrême de suivre avec méthode une discussion commencée, délibération sans cesse interrompue ou déviée par des incidents toujours renouvelés, les députations, les dépêches, les rapports, les pétitions : telle était la Convention après six jours d'existence, et telle elle sera toujours. Pendant ces premières journées, Danton s'est beaucoup dépensé : il voulait réaliser l'union autour de sa personne, et sa forte parole n'a pas été sans action sur les nouveaux venus, qui hésitaient à prendre parti dans le conflit mortel légué par la Législative à la Convention. Était-il nécessaire d'en accepter l'héritage ? Déjà la Commune de Paris vient d'esquisser un mouvement de soumission à la majesté de la représentation nationale. A l'aube de temps nouveaux, le passé ne doit pas peser sur le présent. L'union semble possible.

 

II. — COMPOSITION DE L'ASSEMBLÉE.

LE nombre des députés devait être le même qu'à la Législative, soit 745 ; mais les départements des Bouches-du-Rhône et de la Drôme élurent chacun deux députés supplémentaires pour représenter le Vaucluse, devenu français et qui ne fut organisé en département que le 25 juin 1793. Le total fut donc de 749. Plus tard, les décès, les démissions, les proscriptions, l'arrivée retardataire des députés des colonies, les élections ultérieures dans les départements nouvellement formés du Mont-Blanc (27 novembre 1792), des Alpes-Maritimes (31 janvier 1793) et du Mont-Terrible (23 mars 1793), amenèrent à la Convention 154 suppléants ou députés nouveaux. On compta finalement 903 Conventionnels effectifs, desquels 778 avaient déjà siégé au 2 juin 1793, 865 au 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), et 703 siégeaient encore à la clôture de l'Assemblée.

Sur les 903 Conventionnels, 285 avaient fait partie des précédentes Assemblées, dont 96 à la Constituante et 189 à la Législative. Au moment de leur élection, 215 députés étaient hommes de loi, juges, avocats, avoués, notaires, et 379 occupaient des fonctions d'administration locale, électives pour la plupart, dans les départements, les districts ou les communes. Même si, comme il est probable, ces chiffres peuvent être corrigés pour quelques unités, la prépondérance des hommes de loi et des fonctionnaires locaux reste indéniable. Ils forment à eux seuls plus des deux tiers de la Convention (624 sur 903). Parmi les députés nouveaux, presque tous sont gens d'expérience, qui ont déjà pris part aux affaires de leur pays. Dans l'ensemble, la Convention correspond bien à la France nouvelle, la France bourgeoise, sérieuse et active, des hommes de loi, des publicistes et des administrateurs. Toutes les professions sont représentées et toutes les classes, même les anciennes classes sociales ci-devant privilégiées. Bref, l'Assemblée apparaît comme l'mage vivante et presque fidèle de la France régénérée.

Entre la Gironde qui voudrait gouverner comme parti national et la Montagne au début peu nombreuse et groupée autour de la députation de Paris et de Seine-et-Oise, siègent ceux qui observent et qui attendent, la Plaine ; ceux qui vont de l'un à l'autre, le Ventre ou le Marais ; ceux qui se défient et parfois se défilent, le Centre. Ce ne sont pas tous des hommes nouveaux ; beaucoup ont siégé dans les Assemblées précédentes. Mais, dans le conflit qui met aux prises Girondins et Montagnards, ils se refusent à s'agréger. Ils sont tout ensemble crédules et méfiants, sinon craintifs, encore que presque tous très ardemment dévoués à la Révolution ; car c'est une des singularités de la Convention, dans l'histoire des Assemblées délibérantes, qu'elle ne comporte pas d'opposition réactionnaire ou négative. Et, de même, les deux grands partis sont au fond d'accord sur toutes les questions essentielles : le gouvernement révolutionnaire a été dirigé par la Montagne ; mais son premier établissement et ses éléments les plus caractéristiques datent du temps où la Gironde disposait encore de la majorité.

Dans les premiers temps, quelques députés, et non des moindres, passèrent d'un camp dans l'autre ; mais telle fut la poussée des événements en ces mois fiévreux que très vite, et bon gré Mal gré, tous les députés prirent parti. Il est permis de classer comme Girondins non seulement ceux qui furent proscrits ou condamnés, mais aussi tous ceux qui ont protesté contre les proscriptions et de qui l'on sait qu'ils ont sympathisé avec les hommes d'État, ou qui leur ont donné leur vote au scrutin célèbre du 13 avril 1793 contre Marat. Il est permis d'appeler Montagnards ceux qui en même jour votèrent pour Marat, et qui ont participé à l'exercice à gouvernement révolutionnaire, soit en siégeant dans les deux grands Comités de salut public et de sûreté générale, soit en acceptant s missions dans l'intervalle compris entre mars 93 et juillet 94. Le reste des députés forme le Centre, et le fait qu'une trentaine selle-ment des crapauds du Marais ont donné des gages effectifs de leur adhésion à la Gironde ainsi qu'à la Montagne prouve bien que le centrisme constitue un état d'esprit positif et non pas seulement une attitude négative de prudence peureuse. — Le pointage des partis tels qu'ils viennent d'être définis donne, pour les 778 députés qui ont siégé jusqu'au 2 juin 1793, une proportion approximative de 35 p. 100 pour la Gironde, de 26 p. 100 pour le Centre et de 3 p. 100 pour la Montagne. Les trois partis ont fini par se balancer numériquement.

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III. — LA POLITIQUE À PARIS.

DANS le pays, les partis politiques ne concordent pas exactement avec ceux de la Convention. La nation reste divisée entre aristocrates et patriotes. Les modérés ne présentent pas deux variétés distinctes d'opinion, comme les Centristes et les Girondins dans l'Assemblée. Il existe une opposition réactionnaire de royalistes et de catholiques romains, qui ne sont représentés ni à la Convention, ni même dans les assemblées locales. Il est probable que plusieurs Conventionnels sont, au début tout au moins, secrètement orléanistes ; on ne trouve pas trace d'un parti orléaniste dans le pays. Enfin, la Convention n'est pas la seule assemblée politique du pays : vis-à-vis d'elle, à Paris même, la Commune du 10 août n'oubliait pas qu'elle avait exercé naguère une sorte de dictature.

Légalement, la Commune dépendait du Département ; mais, depuis le 10 août, le Département a été remplacé par une commission provisoire. Quand il est enfin reconstitué (20 janvier 1793), après nombre d'incidents, son personnel est nettement Montagnard. La Commune, avec sa hiérarchie compliquée de la municipalité, du parquet, du corps municipal et du conseil général, était tout ensemble insurrectionnelle et légale, car les insurgés du 10 août s'étaient substitués aux notables du conseil général en laissant en fonctions le corps municipal. Ce fut seulement le 2 décembre qu'un nouveau conseil général fut élu, avec un procureur-syndic (Chaumette) et ses deux adjoints (dont Hébert), qui se classaient parmi les Montagnards les plus avancés. Mais dans la Commune de Paris, qui est un État dans l'État, chacune des 48 sections apparaît comme une miniature d'État. La section est plus qu'autonome, elle est le souverain, puisque l'assemblée sectionnaire est le peuple même, en chair et en os. Au-dessous d'elle, il n'y a plus rien que l'individu impuissant. Elle est jalouse de son indépendance. Elle prend parfois des arrêtés en contradiction avec ceux de la Commune, voire avec les décrets de la Convention. Pour lutter contre la Convention, la tactique de la Commune est de prendre appui sur les sections ; pour lutter contre la Commune, la Convention eut parfois le concours des sections. Suivant leurs dispositions, les républiques sectionnaires allaient tantôt à la Commune, tantôt à la Convention.

L'assemblée de la section est une société politique, plus active et vivante que toute autre. Il subsiste cependant quelques clubs particuliers de quartier, mais peu, et qui tendent à se confondre avec la section. Ils ne pouvaient être utiles qu'avant le 10 août, quand tous les citoyens, n'étant pas électeurs, n'avaient pas accès à la section. Deux grands clubs politiques les éclipsent tous : sur la rive gauche, les Cordeliers ou Société des amis des Droits de l'homme et du citoyen, sur la rive droite, les Jacobins ou Société des amis de la Constitution, devenue depuis le 21 septembre la Société des Jacobins, amis de la Liberté et de l'Égalité. Un membre avait proposé le titre d'amis de la République ; Lauze-Deperret (un Girondin) empêcha la motion de passer. Le vote prouve que les Jacobins n'étaient pas encore ralliés à l'idée républicaine, et il resta acquis, même lorsque, quelques instants plus tard, à la fin de la même séance, Collot d'Herbois apporta la nouvelle que la royauté venait d'être abolie. Les Cordeliers conservent intacte toute l'ardeur parisienne et l'élan révolutionnaire des mois précédents. Les Jacobins, d'esprit plus rassis, plus prudents et positifs, deviennent la force régulatrice de la Révolution. Voisins du Manège, fréquentés par nombre de députés, ils maintiennent le contact entre la Convention et le peuple. Un curieux chassé-croisé s'opéra dans les trois derniers mois de 1792. La plupart des députés qui s'étaient fait connaître aux Cordeliers passèrent aux Jacobins, pendant que les Jacobins se purgeaient des Girondins. Il en résulta que les Jacobins s'identifièrent avec le parti Conventionnel de la Montagne, que les Girondins n'eurent plus de clubs à Paris, et que les Cordeliers n'eurent pas à la Convention de groupe organisé pour leur servir de porte-parole. L'esprit cordelier est donc resté à la porte de l'Assemblée, comme l'esprit royaliste et catholique-romain, et la Convention, incomplète à l'extrême droite, a été incomplète aussi à l'extrême gauche. Quelques clubs locaux étaient affiliés aux Cordeliers en même temps qu'aux Jacobins, mais, dans la France entière, comme à Paris même, presque toutes les sociétés populaires étaient en correspondance régulière avec les Jacobins, qu'elles considéraient comme leur société-mère et dont on comprend ainsi l'incomparable puissance d'action.

La presse était libre, mais la publication des journaux royalistes était devenue impossible depuis le 10 août, le 21 septembre, et le décret du 4 décembre qui punissait de mort quiconque proposerait ou tenterait d'établir en France la royauté ou tout autre pouvoir attentatoire à la souveraineté du peuple. La vieille Gazette de France expire le 24 janvier 1793, trois jours après son Roi. La presse Girondine était brillante et ses rédacteurs célèbres : Gorsas au Courrier des Départements, Brissot avec le courageux Girey-Dupré au Patriote français, Carra et Mercier aux Annales patriotiques, Dulaure au Thermomètre du jour, Condorcet à la Chronique de Paris. Carra avait été élu député à la Convention dans 7 départements et Condorcet dans 5, alors qu'après eux un seul candidat était proclamé 4 fois (et c'était un étranger, Thomas Paine), 3 autres, 3 fois, et 9, 2 fois. La Chronique du Mois (ou Cahiers patriotiques) de Nicolas Bonneville (mensuelle) était rédigée par quelques-uns des Girondins les plus connus. Louvet collaborait au Journal des Débats. Le Moniteur était, comme les autres journaux d'information, favorable au parti le plus fort. Enfin la plupart des journaux ou périodiques qui sont créés ou transformés à la fin de 1792 sont nettement Montagnards, ou destinés à le devenir. Les plus connus sont en septembre le Journal de la République française de Marat (suite de l'Ami du Peuple), les Lettres de Robespierre à ses commettants (hebdomadaires), suite du Défenseur de la Constitution, le Républicain, journal des hommes libres, de Duval, et les Nouvelles politiques du Conventionnel Monestier (suite de la Gazette universelle) ; en décembre, l'Abréviateur universel. Les créations ou transformations cessent alors, et la presse politique ne subit plus de changement notable pendant six mois. La Révolution du 10 août et l'ouverture de la Convention en ont modifié les éléments, mais sans les accroître. De 89 à 92, le recul est manifeste.

L'apathie politique est devenue prodigieuse. On comptait 829 membres du corps électoral ou électeurs au second degré, soit 82 900 citoyens actifs, à Paris, avant le 10 août, ce qui correspond à environ 150.000 ou 160.000 citoyens, si l'on admet qu'il existe 2 citoyens pour 1 citoyen actif ou 1 citoyen pour 3 habitants (la population de Paris étant alors un peu au-dessus du demi-million). Le nombre moyen des citoyens pour chacune des 48 sections est donc de 3.000 approximativement. Or, les chiffres électoraux révèlent ce fait étonnant que, même pour voter, c'est tout au plus si 150 à 300 citoyens fréquentent leurs sections : un citoyen sur 10, sinon sur 20 ! Sans doute, beaucoup sont absents, partis comme volontaires, émigrés à l'étranger ou réfugiés à la campagne. Les bourgeois se croyaient plus en sûreté au village que dans leur section. Moins connue que l'émigration au dehors, l'émigration des grandes villes dans les campagnes pourrait avoir eu des conséquences politiques tout aussi graves. La ville a changé d'aspect. Plus de carrosses, ni de livrées, ni de belles toilettes. Les derniers vestiges de la vie de Cour ont disparu. L'emploi du vocable Citoyen à la place de Monsieur date d'octobre 1792. Les étrangers sont partis. Paris a l'air d'une ville de province. Il s'est comme vidé. Mais, si nombreux qu'aient été les départs, le chiffre des habitants l'emporte encore en des proportions énormes sur celui des sectionnaires et des communalistes. Paris est mené par une minorité. Moins le nombre des électeurs est grand, plus les élections sont radicales. Le gros de la population est indifférent, secrètement hostile. Il y a là une force incommensurable de réaction latente, et qui s'ignore. Seuls les sectionnaires agissent, parce qu'ils sont les maîtres des groupements constitués. Ils sont en petit nombre, leur opinion n'est pas celle des habitants du quartier, parfois même il leur arrive d'être mis en minorité par quelques modérés qui se réveillent, mais retombent bientôt dans leur torpeur habituelle. Et pourquoi les Girondins, malgré tout leur talent et leurs efforts, n'ont-ils jamais réussi à galvaniser la masse inerte constituée ainsi par les neuf dixièmes des Parisiens, sinon parce qu'ils apparaissaient aussi lointains, étrangers et hostiles que les communalistes et les sectionnaires ?

 

IV. — L'OFFENSIVE GIRONDINE.

LA querelle de la Gironde et de la Montagne est confuse, enchevêtrée et monotone, malgré le renouvellement incessant des incidents quotidiens. Devant une Assemblée indécise, anxieuse et qui parfois s'apeure, c'est la lutte de deux états-majors, peu nombreux l'un et l'autre. Les Girondins ont presque toujours l'appui du Centre, quand par exception le Centre se décide à prendre parti ; même ils sont aidés par quelques députés devenus ensuite Montagnards ; ils ont la majorité : la Convention est girondine. Les Montagnards en sont réduits à la députation parisienne, accrue de quelques unités à peine. Leur force est au dehors. Elle est à la Commune, aux sections, aux clubs et surtout aux Jacobins, aux tribunes. Les Girondins sont isolés à Paris, mais ils comptent sur le concours des administrations départementales. Les débats Conventionnels ont donc un double aspect. D'une part, les Girondins essaient, en une offensive vigoureuse, de réduire à l'obéissance le Pâris de la Commune et des sections. D'autre part, ils essaient de réduire au silence les députés de Paris, et d'organiser sans eux, sinon contre eux, le travail parlementaire.

Il est inutile d'entrer dans le détail de la lutte qui mettait aux prises la Commune et la Convention. Chaque jour amenait de nouveaux incidents. Tantôt arrogante et agressive, tantôt au contraire humblement courbée en excuses encore menaçantes, et jamais réconciliée, tantôt unie avec le Département, la municipalité et les sections, tantôt seule, la Commune résistait avec souplesse et ténacité. L'ordre ne fut pas troublé ; la Commune en revendiquait le mérite, que la majorité Girondine lui déniait âprement. C'est que jamais la Convention n'eut ni ne put donner l'impression qu'elle était vraiment l'Assemblée souveraine ; et, parce que tout à côté d'elle, à Paris même, son autorité était quotidiennement bafouée, elle se sentait en péril. Une dictature nouvelle de la Commune était toujours à craindre, et l'aide du Conseil exécutif provisoire paraissait de plus en plus douteuse.

Deux ministres avaient été élus députés : Danton et Roland. Danton donna sa démission de ministre (dès le 21 septembre), Roland aussi (25 septembre), et encore Servan, qui se disait malade. Restaient Clavière aux Finances, Lebrun aux Affaires étrangères et Monge à la Marine, qui tous trois, dans les derniers temps, avaient évolué de Roland à Danton. Le ministère menaçait donc d'échapper aux Girondins. Buzot, l'ami intime et platonique de Mme Roland, proposa que Roland fût invité à rester provisoirement en charge (29 septembre). Si vous lui faites une invitation, faites-la donc aussi à Mme Roland, gronda Danton. La Convention venait de décréter le principe de l'incompatibilité entre les fonctions de ministre et celles de député : elle passa à l'ordre du jour sur la proposition de Buzot. Alors Roland, n'étant pas invité à rester ministre, retira sa démission et cessa d'être député. Ce fut un grand malheur pour la Gironde. Le vertueux Roland n'avait rien d'un homme d'État. Il croyait agir en épandant ses plaintes filandreuses, et il prenait son pédantisme pour de l'autorité. Pache, qu'il avait désigné comme son successeur éventuel à l'Intérieur, fut élu à la Guerre (3 octobre), et François de Neufchâteau à la Justice (6 octobre) ; il refusa, et ce fut Garat qui remplaça Danton (9 octobre) ; il prit séance au Conseil exécutif le 11 octobre : la veille, Danton avait été élu président des Jacobins. Le département de la Justice est donc resté sans titulaire pendant vingt jours pleins, et il est possible que Danton ait fait tout l'intérim. Or le bonhomme Pache, que Roland croyait de ses amis, se hâta de lier partie avec les communalistes et les Montagnards. Quant à Garat, c'était un homme de lettres intelligent et libéral, mais sans convictions réelles ; il avait la voix douce, le caractère faible et l'ambition prudente. Bref, Roland se trouva bientôt complètement isolé dans un ministère dont il paraissait le chef.

Lorsque Danton quitta définitivement le Conseil exécutif, les rolandistes imaginèrent, pour l'accabler, un vilain tour. Ils firent décréter que les ministres devaient rendre compte de leurs dépenses secrètes (10 octobre) ; Roland s'exécuta avec une vertueuse solennité (18 octobre), mais Danton fut obligé d'avouer, assez piteusement, qu'il était incapable d'en faire autant. Ses trois anciens collègues, Clavière, Lebrun et Monge, attestèrent plus tard (7 novembre), mais en termes fort vagues, que les comptes de Danton avaient été soumis au Conseil en l'absence de Roland : querelles misérables qui prouvent la désorganisation du ministère, en même temps qu'elles trahissent les tripotages de Danton, son évolution vers la Montagne et sa brouille avec Roland.

Le long rapport que le ministre de l'Intérieur présenta à la Convention (le 29 octobre) sur l'état de Paris n'était qu'un réquisitoire acrimonieux et confus. Roland avait peur de Paris, et il en faisait peur, comme si l'on était toujours à la veille de nouveaux massacres. La délibération qui suivit fut longue et passionnée. Aux attaques du ministre, Robespierre voulut répondre ; la droite l'invectiva. Danton, fidèle à son système de prudence, désavoua Marat, lâchement (l'expression est des Révolutions de Paris) ; il critiqua Roland, nia qu'il y eût un parti de dictature ou une faction de Robespierre. Louvet débita alors un discours depuis longtemps préparé. Aprement, il condamna tous les actes de Robespierre, présenté comme l'allié de Marat, il attaqua aussi Danton, moins violemment (parce que Danton avait pris soin de parer le coup), et il conclut en accusant Robespierre d'avoir évidemment marché au suprême pouvoir. L'accusé obtint quelques jours pour préparer sa défense.

Le brillant Barbaroux crut le moment venu de pousser l'offensive plus avant, et, sans avoir consulté ses amis, il proposa à l'improviste (30 octobre) plusieurs mesures de combat, et d'abord que la Convention quittât Paris si elle y était avilie. La majorité eut la sagesse de ne pas partager l'exaltation du jeune Marseillais. De même, le discours que Robespierre prononça le 5 novembre, en réponse à M. Louvet, fit si grande impression que l'Assemblée, malgré les efforts désespérés de Louvet et Barbaroux, déclara l'incident clos. La thèse de Robespierre était qu'il fallait résolument passer condamnation sur tous les faits de la Révolution du 10 août. Sous une phraséologie qui nous parait obscure aujourd'hui, mais qui ne l'était pas pour les Montagnards, l'argumentation est très nette et pressante.

Voulez-vous une révolution sans révolution ? demandait Robespierre. S'il est vrai qu'une grande nation ne peut s'élever par un mouvement simultané et que la tyrannie ne peut être frappée que par la portion des citoyens qui est plus près d'elle (les Parisiens), comment ceux-ci oseront-ils l'attaquer, si, après la victoire, les délégués venant des parties éloignées de l'État (les Conventionnels) peuvent les rendre responsables de la durée ou de la violence de la tourmente politique qui a sauvé la patrie ? Ceux-ci (les Parisiens) doivent être regardés comme fondés de procurations tacites pour la société tout entière.

Peut-être les Girondins les plus échauffés avaient-ils espéré faire décréter la mise en accusation de Robespierre. Leur échec est d'autant plus grave que désormais ce sera Robespierre et non Danton qui apparaîtra comme le chef de l'opposition.

Tout le conflit — Commune et Convention, Montagne et Gironde, Paris et départements — se concentra pacifiquement pendant trois mois autour du projet de garde départementale. La Commission élue le 24 septembre se composait de 6 membres : 3 Girondins et 3 Montagnards. Elle n'aboutissait à rien, et fut portée à 9 membres (6 octobre) : la majorité passa aux Girondins. Le 8 octobre, Buzot proposa que chaque département (y compris le département de Paris) envoyât à la Convention 4 fantassins et 2 cavaliers par député, soit près de 4.500 hommes. La Chambre écouta le projet, mais omit de le discuter. Le 27 octobre, nouveau rapport de Buzot : il s'agit cette fois de prendre des mesures contre les provocations au meurtre ; la question parut difficile, souleva des objections de principe : La liberté de la presse ou la mort ! s'écria Danton. La Convention ne se prononça pas.

Mais les Girondins tenaient à leur garde et, à force d'entendre dire que la Convention n'était pas en sûreté à Paris, les départements commençaient à s'inquiéter. Plusieurs prirent l'initiative d'envoyer à l'Assemblée des adresses de dévouement et tout ensemble de méfiance à l'égard de Paris. Les premières de ces adresses émanent de l'administration départementale du Finistère (10 octobre) et du Calvados (20 octobre). Mieux encore : les départements envoient des corps de volontaires ou de fédérés pour défendre la Convention ; 1.090 Marseillais arrivent à Paris, et leurs délégués se présentent à l'Assemblée le 21 octobre ; 5.000 fédérés venus d'un peu partout étaient déjà présents le 8 novembre. Ainsi la garde départementale se trouvait spontanément au complet.

Comme bien on pense, les autorités parisiennes étaient fort mécontentes des adresses départementales et de la garde inattendue : on le serait à moins. Chaumette dans un discours à la Commune (le 14 octobre), quelques sections dans une adresse à la Convention (le 19 octobre) font entendre leurs protestations et leurs menaces. Il est vrai que d'autres sections, plus modérées, protestent contre les protestations, et Gonchon, l'orateur populaire des faubourgs (peut-être secrètement d'accord avec les chefs Girondins), tient à la barre de la Convention un discours en faveur de la garde départementale (21 octobre). Les Montagnards essaient de faire décréter l'envoi immédiat des fédérés aux frontières (4, 8 et 10 novembre.) : la Convention refuse. — Mais Paris, qui n'a pu se débarrasser des départementaux, leur fait bon accueil. La Commune convie les Marseillais à un serment solennel (6 janvier), les Jacobins prêtent leur salle aux fédérés (9 janvier), des cérémonies sont organisées par la Commune (14 et 17 janvier), où Parisiens et départementaux fraternisent, se prouvent les uns aux autres qu'ils sont bons républicains. La paix est faite. Les fédérés demandent à participer avec les Parisiens à la garde des députés (13 et 16 janvier), la Convention y consent par décrets rendus aussitôt, et le service en commun commence dès le 18 janvier. Tout finissait pour le mieux. La Convention n'avait pas voté la garde départementale, mais elle l'avait eue, et, si Paris est resté calme, même aux jours les plus agités du procès royal, c'est grâce à la modération conciliante des autorités parisiennes, mais aussi grâce à la présence des départementaux armés, venus pour protéger les députés, cherchant des adversaires et trouvant des amis. L'unité révolutionnaire n'était pas encore brisée, les haines furieuses de la Convention contre elle-même laissaient la nation intacte, et la majorité Girondine a fait un acte de sagesse en ne votant pas la création de sa garde quand il la fallait créer, suivi d'un acte de prudence en la retenant à Paris après qu'elle se fut créée. D'une façon générale, il s'en faut que la Gironde ait été impuissante ou aveugle pendant les trois premiers mois de la Convention. Dans ses rapports avec la Commune, elle n'a, il est vrai, obtenu.que lentement et incomplètement le renouvellement des corps élus. Du moins les troubles ont pris fin, et l'organisation spontanée de la garde départementale a contribué fortement au maintien de l'ordre. Mais, pour défendre Paris et se défendre eux-mêmes contre l'offensive fougueuse des Girondins, les Montagnards ont dû donner toutes leurs forces. Leur énergie a eu souvent raison de la majorité. Leur petit groupe s'est accru. Au début, la conciliation était encore possible entre la droite et la gauche. Maintenant les partis sont nettement tranchés. Le premier des députés qui ait volontairement quitté la Convention porte un nom symbolique. Il s'appelle Polycarpe Pottofeux. Il démissionna le 8 novembre, et c'est bien vers cette date en effet que les gens d'humeur paisible et ménagère commencèrent à se sentir mal à l'aise dans l'Assemblée Conventionnelle : le procès du Roi commençait, qui rendit irrémédiable la rupture entre la Gironde et la Montagne.

 

V. — LE PROCÈS DU ROI.

LA Convention n'avait pas seulement à rédiger une nouvelle constitution, elle avait aussi à régler le sort de l'homme qui personnifiait la constitution précédente. Elle procéda lentement, avec prudence et méthode. Autant elle était parfois incohérente dans les motions qu'elle adoptait au jour le jour, autant elle savait mettre, quand il le fallait, de logique rigoureuse dans la conduite de ses débats.

Louis XVI était prisonnier au Temple avec sa famille : la reine, Madame Élisabeth, sœur du Roi, Madame royale, fille du Roi, âgée de quinze ans, et le Dauphin qui n'avait que huit ans. La surveillance ressortissait à la Commune, qui, malgré les lamentations de Roland, ne daignait pas lui en référer. Les précautions accumulées étaient nombreuses et minutieuses. A mesure qu'elle se prolongeait, la captivité devenait plus stricte. Au début, le Roi pouvait voir sa famille pendant toute la journée, puis, à partir d'octobre, aux repas seulement et à la promenade. Il donnait des leçons à son fils, il lisait et priait. Sa piété qui s'exaltait et son caractère flegmatique l'aidaient à supporter les épreuves. Du reste, il n'a jamais été maltraité. Sa table était bien fournie et ses repas plantureux, à son ordinaire. On lui fournissait en abondance les livres et les vêtements qu'il demandait. Il n'avait pas perdu l'espoir.

Son procès se poursuivait lentement, et non sans péripéties, comme la découverte de papiers secrets cachés dans une armoire de fer aux Tuileries (20 novembre). Le premier rapport introductif, par Dufriche-Valazé, date du 4 octobre, l'acte énonciatif des crimes de Louis du 11 décembre. Dès le 30 novembre, Jeanben résumait ; d'un mot la thèse Montagnarde : Si Louis XVI est innocent, nous sommes tous des rebelles ; s'il est coupable, il doit périr. Robespierre insista, paraphrasant la même idée (3 décembre) : Louis ; dénonçait le peuple comme rebelle ; la Révolution et le peuple ont fait que lui seul était rebelle. Louis ne peut donc être jugé, il est déjà jugé, il est condamné, ou la République n'est point absoute. Il ne s'agit donc pas de suivre tant bien que mal les formes de la procédure judiciaire qui sont autant de garanties pour l'accusé, il s'agit d'un acte politique. Il faut proclamer, d'emblée, par insurrection et pour le salut public, la condamnation à mort du coupable. A droite et au centre, on essayait au contraire de retarder le plus possible la décision finale. On jugeait inutile et dangereuse la condamnation capitale. Après la comparution du Roi devant l'Assemblée et l'inutile plaidoirie de Desèze assisté de Malesherbes et Tronchet (26 décembre), les Girondins les plus notoires : Salle (27 décembre), Buzot (28), Vergniaud, dans un discours admirable d'éloquence et de pensée prophétique (31 décembre), et, après lui, Brissot (1er janvier), Gensonné (2 janvier), Petion (3 janvier), soutinrent la thèse de l'appel au peuple, et que le jugement de la Convention, quel qu'il fût, devait être soumis à la ratification populaire.

Pendant ces longs débats, les royalistes — car il y en avait. encore, malgré tout, — ne firent rien. Plus de cent personnes se présentèrent pour coopérer à la défense de Louis devant ses juges : mouvement généreux, mais bien restreint. Des maréchaux de France offrirent à Malesherbes de monter à cheval... pour faire les commissions. Faute de journaux, les royalistes publièrent quelques brochures en faveur du Roi, ils affichèrent des placards et répandirent des complaintes. La plus connue se chantait sur l'air du Pauvre Jacques : Ô mon peuple, que vous ai-je donc fait ? On la vendait par milliers, elle faisait oublier l'hymne des Marseillais. Dans les guinguettes, les buveurs s'attendrissaient ; dans les boutiques, les marchands s'indignaient : Nous sommes des lâches ! mais personne ne bougeait.

On parlait de menées suspectes, de projets de massacre ; mais, comme le rapportait Marat de ses adversaires, ils disent qu'ils votent sous les poignards, et il n'y en a pas un seul qui soit égratigné. Et Marat riait aux éclats, et il avait raison. La ville et la Chambre étaient agitées ; les incidents surgissaient, fréquents, subits et violents, entre les députés — deux Conventionnels, excédés, donnèrent leur démission vers la fin des débats (Kersaint et Manuel) — ; les tribunes s'énervaient ; l'on ne parle que de sang et de poignards, écrivait un brave paysan, devenu administrateur et député de son département, Dubreuil-Chambardel, il faut que l'amour de la patrie soit bien profondément gravé dans mon cœur pour supporter tous les dégoûts que l'on essuie dans cette malheureuse ville où l'anarchie règne, — et l'ordre avec l'anarchie, pourrait-on ajouter. Il s'en faut en effet que la Convention ait condamné Louis XVI sous les menaces de la rue. Elle n'avait pas encore cessé d'être libre, et elle ne courait aucun danger.

Le 14 janvier, après une longue et orageuse discussion, elle décréta, sur la motion du Girondin Boyer-Fonfrède, qu'elle voterait successivement sur la culpabilité, la ratification par le peuple et la pénalité. Le lendemain il fut décidé que le scrutin aurait lieu par appel nominal, à la tribune, et que les députés pourraient motiver leurs votes. — Les deux premiers appels nominaux commencèrent aussitôt (15 janvier), pour durer jusque vers 10 heures du soir. Sur la première question, 28 députés étaient absents, malades ou en mission, 3 ont été omis au procès-verbal, 11 se récusèrent ; tous les autres, au nombre de 707, répondirent affirmativement (dont 16 avec des réserves de forme). Ainsi, c'est à l'unanimité que la Convention a déclaré Louis Capet coupable de conspiration contre la sûreté générale de l'État. — Le deuxième scrutin accusa 29 absents, 9 abstentions, 287 oui — les appelants 424 non : à la majorité de 68 voix sur 711 votants le jugement rendu contre Louis Capet ne sera pas envoyé à la ratification du peuple. L'idée que les principaux Girondins avaient si brillamment défendue quelques jours auparavant était, cette fois, définitivement repoussée. Du reste, l'ordre même des questions, tel qu'il avait été adopté, marquait déjà un recul. La droite eût préféré que l'appel au peuple vint en première ligne, la gauche en troisième ligne, et, comme d'ordinaire, la Convention avait adopté un moyen terme.

La séance qui suit est l'une des plus dramatiques de la Convention. Elle se prolongea pendant plus de trente-six heures consécutives, du 16 janvier vers dix heures du matin, jusqu'au 17 après dix heures du soir. Pendant les premières heures, on expédia les affaires courantes, on se querella sur les machinations que la gauche et la droite s'imputaient réciproquement ; Lanjuinais demanda que le décret de jugement fût rendu à la majorité des deux tiers ou des trois quarts de voix, Danton répondit que la majorité usuelle (de la moitié des voix plus une, ou, en cas de chiffre impair, plus une demie), suffisante pour faire une loi, devait suffire aussi pour défaire un roi. L'appel nominal ne commença que vers huit heures du soir et continua pendant vingt-quatre heures : les députés voulurent presque tous motiver leur vote. Qu'on s'imagine l'aspect de la Salle du Manège, pendant cette longue nuit d'hiver, l'air vicié qu'on y respirait, l'attitude ensommeillée et fiévreuse des spectateurs et des députés. — Le vote avait lieu par département, et, dans chaque département, d'après l'ordre d'élection. Le roulement d'usage aux appels nominaux appelait en première ligne, pour ce scrutin, le département de la Haute-Garonne, — le deuxième scrutin ayant commencé par le Gard et le premier par le Finistère, — et dans la Haute-Garonne le premier élu était Mailhe. Il vota pour la mort, mais il ajouta : Si la mort a la majorité, je crois qu'il serait digne de la Convention nationale d'examiner s'il ne serait pas utile de retarder le moment de l'exécution. C'était là une manœuvre nouvelle de la droite. Battue sur l'appel au peuple, elle posait inopinément la question du sursis, qui pouvait annuler tous les votes acquis. Plusieurs députés se rallièrent plus ou moins nettement à l'amendement Mailhe, et les Montagnards tirent courir le bruit que l'Espagne, dont l'ambassadeur venait d'intercéder en faveur du Roi, avait tout simplement acheté Mailhe à prix d'argent.

Quand le dépouillement fut terminé, le Girondin Vergniaud, président de quinzaine, déclara, au milieu d'un profond silence et avec l'accent de la douleur, que, la majorité étant de 361 pour 721 votants et 366 membres ayant voté la mort, la peine que la Convention prononce contre Louis Capet est la mort. Dès la fin de l'interminable séance, alors que les trois avocats du Roi, introduits dans la salle, soumettaient à l'Assemblée l'appel que le condamné interjetait à la Nation, — dont Guadet prit texte pour poser la question du sursis, puisque aussi bien l'appel était contradictoire avec le deuxième vote de la Convention contre la ratification par le peuple, — puis, le lendemain matin (18 janvier), quand une nouvelle séance commença, on se rendit compte que les chiffres officiellement énoncés n'étaient pas exacts. La bonne foi du bureau est hors de contestation. Le président et ses six secrétaires étaient tous Girondins ; aucun n'avait voté la mort sans restriction. Mais la fatigue et le bruit rendaient presque impossible un pointage, déjà fort ardu par lui-même, car on a grand'peine à définir certains votes avec précision et à les classer. La hâte et le désordre étaient si grands que ce fut seulement le 18 janvier qu'on s'avisa du nombre exact des membres de la Convention, et qu'il était de 749 : jusqu'alors, tous les pointages avaient été établis sur le chiffre de 7e, comme à la Législative. Enfin, il fallait déterminer la portée de l'amendement Mailhe : le sursis y était-il inséparable de la condamnation à mort ? Il semble infiniment probable que telle était en effet l'intention de Mailhe et de ses amis. Deux des membres du bureau, le président et un secrétaire, ont voté comme Mailhe, et, dans la première proclamation du vote, le bureau a relevé à part, sans les faire entrer en ligne de compte dans la majorité, les suffrages émis en faveur de l'amendement Mailhe. Mais le bureau pouvait s'être trompé. Mailhe, interrogé, refusa de répondre et prudemment disparut, se disant malade. Bref, un contre-appel parut nécessaire.

On y consacra la séance du 18, et c'est d'après le contre-appel qu'ont été établis les chiffres officiels et définitifs. Entre l'appel et le contre-appel, aucun député n'a changé d'avis, mais plusieurs ont précisé leur vote, et tous, semble-t-il, dans un sens favorable à la majorité déjà connue. Or celle-ci était si infime, les nuances entre les opinions voisines étaient si délicates, et tant de votes prêtaient à interprétations diverses, que les résultats du contre-appel sont, à les regarder de près, quelque peu différents des suffrages émis la veille. En bonne critique, ceux-ci doivent seuls être considérés comme l'expression des sentiments vrais de la Convention ; le contre-appel est comparable à un deuxième tour de scrutin après un ballottage-inavoué. Enfin le contre-appel classe résolument dans la majorité pour la mort toutes les voix acquises à l'amendement Mailhe. La majorité nouvelle fut de 387 voix contre 334 sur 721 votants, mais, si l'on en déduit les 26 voix de l'amendement Mailhe, il reste un chiffre de 361, qui est exactement égal à celui de la majorité absolue. Louis XVI a donc été condamné à mort à une demi-voix de majorité. Parmi les cinq abstentionnistes, l'un au moins, Morisson, avait fait connaître nettement son opinion dès le 13 novembre 1792 : il opinait pour le bannissement sous peine de mort. Il était présent : s'il avait pris part au vote, le scrutin le plus formidable de la Révolution n'eût été qu'un ballottage.

La Convention se devait à elle-même d'affirmer plus nettement sa volonté. Loyalement, elle avoua les légitimes scrupules de sa conscience collective. Aux trois questions qu'elle s'était posées, elle ajouta une quatrième. Buzot, Brissot, et l'Anglo-américain Th. Paine, dont Bancal des Issarts communiqua l'opinion à l'Assemblée, obtinrent, contre la Montagne et malgré un incisif discours de Barère — un Centriste en évolution vers la gauche — que la Convention examinerait s'il ne serait pas sursis à l'exécution du jugement de mort rendu contre Louis Capet, dernier Roi des Français (19 janvier). Ainsi, tout était remis en question, et le dernier vote, inattendu, se trouvait être aussi le plus important. Qu'eût été une condamnation à mort, avec un sursis indéfini ? Les résultats de l'appel nominal furent proclamés le 20 janvier, vers une heure du matin. On compta 39 absents, 20 abstentions, et la majorité sur 690 votants était de 346. Le sursis était rejeté par 380 voix contre 310. La majorité acquise est donc de 34 voix. Elle est supérieure à la majorité pour la condamnation capitale, même avec l'adjonction des voix Mailhe. Elle s'explique par la lassitude, par l'idée de plus en plus pressante que la mort du Roi est inévitable et nécessaire, par la force entraînante de la Montagne et, pratiquement, par le déplacement de quelques voix, surtout par la dislocation du groupe dont 14 membres ont voté pour le sursis, mais 12 contre. Avant la fin de la séance, qui n'a été levée qu'à trois heures du matin, Cambacérès obtint que le Roi pourrait appeler auprès de lui le ministre du culte qu'il indiquerait pour l'assister dans ses derniers moments. Le soin des mesures à prendre pour le supplice était laissé au Conseil exécutif, assisté du Département et de la Commune de Paris.

Le 20 janvier, dans l'après-midi, Garat se rendit au Temple et notifia au Roi le décret de condamnation. Louis passa la soirée avec le prêtre qu'il avait demandé, un insermenté, l'abbé Edgeworth de Firmont, ancien confesseur de Madame Élisabeth. Il consacra deux heures aux siens : il ne devait plus les revoir. A onze heures du soir, il prit son dernier repas, puis il se confessa. En ville, les royalistes étaient atterrés. Le baron de Batz méditait un coup de main pour délivrer le Roi quand on le mènerait à l'échafaud : son complot n'eut même pas un commencement d'exécution. Dans un restaurant du Palais Égalité, à cinq heures, un ancien garde du corps, fils d'un architecte parisien, Philippe de Pâris, tua d'un coup de sabre au ventre le député Lepeletier de Saint-Fargeau, qui avait voté pour la mort et contre le sursis. Surin place de la Révolution (aujourd'hui de la Concorde), le bourreau Sanson faisait dresser l'échafaud.

Le lendemain, lundi 21 janvier 1793, le Roi, tôt levé, entendit à six heures du matin la messe qu'Edgeworth célébra devant lui ; il communia, et eut ensuite plus d'une heure à attendre. Dans les rues, la générale battait. Toute la force armée était mobilisée, sous les ordres de Santerre, commandant général 'de la garde nationale de Paris. De la prison à l'échafaud, le long des boulevards, la troupe, les sectionnaires et les fédérés départementaux formaient une double haie ininterrompue. Sur la place de la Révolution, près de vingt mille hommes étaient massés. Un ministre avait prêté son carrosse, qu'escortaient environ quinze cents hommes. Au sortir du Temple, vers huit heures et demie, on entendit, parait-il, quelques cris de Grâce, vite étouffés au bruit des tambours de l'escorte, et les roulements continuèrent sans interruption jusqu'à la fin du supplice. Le temps était brumeux et pluvieux ; en ville, la vie était suspendue, les boutiques fermées, les ateliers déserts : tous les hommes valides étaient sous les armes.

A dix heures, le cortège arriva enfin place de la Révolution. La portière du carrosse ouverte, le Roi resta quelques instants sans descendre. Espérait-il encore, contre tout espoir ? Achevait-il ses prières ? Voulait-il, par un reste d'orgueil royal, marquer qu'il n'irait à la mort qu'à la minute voulue par lui ? Il avait tout son sang-froid, mais quand, au pied de l'échafaud, l'exécuteur dut lui faire ôter son habit, lui lier les mains derrière le dos et lui couper les cheveux, il tenta une courte résistance, vite calmée par quelques mots d'Edgeworth, dont une légende presque immédiate a fait : Fils de saint Louis, montez au ciel ! Il gravit l'échelle, soutenu par l'abbé. Son visage était congestionné. Il s'élança au bord de la plate-forme et cria : Peuple ! Je meurs innocent ! Je pardonne.... Sur l'ordre des généraux, les tambours redoublèrent leurs roulements. Il frappa du pied et essaya encore de résister pendant qu'on le liait sur la planche à bascule. Il parlait toujours, et, puisque la foule ne pouvait plus l'entendre, il parlait au bourreau et à ses aides : Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m'inculpe, je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. Il criait encore quand le couteau tomba.

Un aide prit la tête et la montra. La foule criait : Vive la Nation ! Et, pendant qu'un tombereau menait le corps au cimetière de la Madeleine, elle se précipita vers l'échafaud, pour toucher du sang royal. L'habit que Louis avait dû quitter fut en un instant déchiqueté et partagé. Une courte ronde s'organisa, au chant de la Marseillaise : c'était la détente brusque après l'angoisse. La dislocation des troupes se fit paisiblement et, pour peu qu'on y veuille songer, cette mobilisation de près de cent mille hommes, Parisiens et départementaux, opérée dans l'ordre le plus parfait, sans le moindre indice de résistance, sans aucun incident fâcheux, constitue peut-être le spectacle le plus digne de respect que la Révolution se soit donné à elle-même. La vie reprit peu à peu. Le soir, les théâtres étaient ouverts et les cafés remplis ; l'on parlait autant de l'assassinat de Lepeletier que de la mort du tyran. Dans le pays comme à Paris, l'indifférence pour le Roi a été complète. Quelques adresses isolées de compliments à la Convention ne constituent pas un mouvement d'opinion. L'assignat a perdu 20 points dans le courant de janvier : c'est la chute la plus profonde qu'il ait jamais faite, et il ne s'en est jamais relevé, mais la cause en est sans aucun doute dans les complications extérieures, et non dans l'exécution de Louis XVI. Roland a donné sa démission le 22 janvier sous un prétexte quelconque. Depuis longtemps il était débordé, et la défaite de ceux des Girondins qui avaient voulu sauver le Roi acheva de le décourager. Une pompe funèbre en l'honneur de Lepeletier, le 24 janvier, avec une dramatique mise en scène organisée par M.-J. Chénier et qu'on imita ensuite dans quelques villes des départements, réveilla l'ardeur des énergies révolutionnaires. Louis XVI était déjà oublié.

Dans une proclamation aux émigrés, datée de Hamm en Westphalie le 28 janvier, le comte de Provence déclara le dauphin. Roi de France et de Navarre sous le nom de Louis XVII, lui-même-devenait Régent, et son frère cadet, le comte d'Artois, lieutenant général du royaume. Avec l'appui des souverains alliés, il espérait libérer les prisonniers du Temple, rétablir la monarchie sur les bases inaltérables de son antique constitution, et la religion de nos pères dans la pureté de son culte et de sa discipline. Il voulait aussi infliger une punition exemplaire aux crimes et venger le sang de Louis XVI : vaines menaces, et si maladroites que le Moniteur prit soin de les publier intégralement, le 26 février. A cette même date une scène macabre, à l'autre bout de la France, consacrait la défaite des royalistes de l'intérieur. Le marquis de la Rouerie, qui se tenait caché au château de la Guyomarais (Côtes-du-Nord) depuis le 9 novembre, après l'échec de son complot royaliste dans les départements de Bretagne et du Poitou en août 1792, était malade depuis quelques jours lorsqu'il apprit l'exécution du Roi. Son émotion fut telle qu'il prit une fièvre cérébrale et mourut (30 janvier.) Peu après, sa retraite était découverte, ses papiers saisis et, pour qu'aucun doute ne subsistât sur son identité, son corps fut exhumé (26 février). On arrêta les membres de la famille de La Guyomarais qui lui avaient donné asile, à défaut des affiliés, dont on ne put retrouver la liste. Mais, La Rouerie mort, l'organisation royaliste de l'Ouest, la seule qui existât alors en France, était frappée à la tète, et périt.

La France était alors tellement détachée de la royauté, du moins en apparence, que l'exécution du 21 janvier semble n'avoir ni beaucoup nui, ni beaucoup servi au gouvernement nouveau de la République. En somme, la Convention avait trois partis à prendre, trois seulement : sauver le Roi, l'exécuter sans le juger, ou le juger pour l'exécuter s'il était condamné. Les trois partis étaient représentés, le premier par la droite composée de Girondins et de Centristes : les Appelants ou partisans de l'appel au peuple ; le second, par le groupe compact et cohérent des Montagnards renforcés de quelques Centristes ; et le troisième enfin, par le Centre avec le reste des Girondins. La Convention a jugé le Roi et elle l'a condamné, c'est-à-dire qu'en fait la Plaine a réalisé ce que voulait la Montagne, puisque le Roi a été exécuté, mais non comme le voulait la Montagne, puisque l'exécution a été précédée d'un jugement et d'une procédure : elle s'est rencontrée avec la Montagne, mais elle n'a pas été dominée par la Montagne. Après le premier appel nominal du vote sur la pénalité, la proportion des régicides se trouve d'environ 80 p. 100 dans la Montagne, 38 p. 100 dans le Centre et 14 p. 100 dans la Gironde.