HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE V. — LE GOUVERNEMENT DE LA SOCIÉTÉ.

CHAPITRE III. — LA NOBLESSE[1].

 

 

I. — LE ROI ET LE RECRUTEMENT DE LA NOBLESSE.

TOUJOURS le mot noblesse était escorté dans les édits et déclarations par des qualificatifs d'honneur : second ordre du royaume, bras droit du roi, l'appui le plus ferme des couronnes. Pourtant la noblesse n'était plus qu'une caste mal close et désordonnée.

Colbert aurait voulu savoir au juste l'état où elle se trouvait : Sa Majesté, dit-il aux enquêteurs en 1663, doit être particulièrement informée de tout ce qui concerne... les principales maisons de chacune province, leurs alliances, leurs biens, leurs mœurs et leur conduite, s'ils commettent des violences sur les habitants de leurs terres..., s'ils favorisent ou empêchent les procédures de la justice royale. Pour le reste des nobles, le Roi désire savoir la quantité et les noms les plus accrédités ; s'ils cultivent leurs terres par leurs mains ou s'ils les donnent à des fermiers, étant une des essentielles marques de leur humeur portée à la guerre ou à demeurer dans leurs maisons. Mais Colbert avait en toutes matières des curiosités qui ne pouvaient être satisfaites. Dresser un état de la noblesse de France était chose impossible. Les généalogies, exception faite pour quelques très rares maisons illustres, étaient incertaines et compliquées de faux et de légendes. La transmission héréditaire des noms patronymiques n'avait commencé qu'à la fin du XIIIe siècle, et la tenue des registres d'état civil, qu'au XVIe. Le nom très ancien d'une terre ne prouvait pas l'ancienneté d'une famille, puisqu'il passait par mutation d'une famille à une autre. Dans la même famille, les frères portaient des noms différents. En 1614, les États généraux avaient inutilement demandé que les nobles fussent obligés de signer par leurs noms patronymiques. Pas plus que les noms de seigneuries, les armoiries ne prouvaient rien ; il n'en était pas de plus belles que celles qu'usurpaient les vilains. La science héraldique naissante était très obscure.

Le gouvernement de Louis XIV ne mit point d'ordre dans cette cohue. Il ne protégea point la noblesse contre l'intrusion des faux nobles, si nombreux qu'on pourrait dire que la noblesse se recrutait surtout par l'usurpation. Le Roi ordonna en 1661, en 1666 et en 1668 des recherches de faux nobles, afin de faire cesser un abus préjudiciable à l'honneur de la véritable noblesse, et à nos sujets contribuables aux tailles, comme dit une Déclaration ; mais l'intention vraie, légitime d'ailleurs, était de ressaisir des contribuables évadés. La recherche était une opération de fisc. Le Roi faisait état à l'avance des amendes à percevoir sur les usurpateurs, et il affermait l'entreprise à un traitant. Une administration s'organisait, vexatoire à l'habitude. Elle demandait leurs titres, non seulement aux suspectés de fausse noblesse, mais à tous ceux qui soutenaient être nobles. En 1670, l'opération fut suspendue à cause des vexations et abus qui se commettent dans la recherche. Bientôt, elle fut reprise, la guerre de Hollande obligeant le Roi aux affaires extraordinaires. Les mêmes abus sont répétés. Des traitants inquiètent de vrais gentilshommes, font des compositions avec les usurpateurs. Des familles connues publiquement pour roturières... jouissent à présent du privilège de noblesse avec titre. Des individus jugés, condamnés, inscrits au rôle de la taille, se sont maintenus quand même dans l'exemption qu'ils avaient usurpée. En la plupart des provinces la recherche a été presque inutile. Elle est arrêtée à partir de l'année 1674, pour être reprise avec le même succès vingt-deux ans plus tard. Exemple nouveau de l'incapacité, tant de fois prouvée, du gouvernement royal à suivre un dessein jusqu'à l'achèvement.

Depuis longtemps, les rois s'étaient attribué et réservé le droit d'anoblir. Ils anoblissaient des catégories de personnes, comme, par exemple, les officiers de l'armée ou les officiers de judicature après un certain temps de services, ou bien des personnes individuellement pour les récompenser de leurs mérites, ou enfin ils vendaient la noblesse, dans les moments de pénurie, par fournées. Louis XIV fit, comme ses prédécesseurs, des fournées de nobles.

Un édit, qui offre au public des titres de noblesse, commence par déprécier la noblesse de naissance : La noble extraction et l'antiquité de race, qui donne tant de distinction parmi les hommes, n'est que le produit d'une fortune aveugle. Au contraire, est vantée la noblesse présent du prince, qui sait récompenser avec choix les services importants que les sujets rendent à leur patrie. Il y a d'ailleurs, d'autres services que ceux qui sont rendus les armes à la main, et le zèle se fait connaître de plus d'une manière :

C'est ce qui nous a fait prendre la résolution d'accorder cinq cents lettres de noblesse dans notre royaume pour servir de récompense à ceux de mes sujets qui, en les acquérant pour une finance modique, contribueront à nous fournir les secours dont nous avons besoin pour repousser les efforts obstinés de nos ennemis.

L'édit énumère les honneurs et profits de l'affaire : Les impétrants pourront prendre la qualité d'écuyer et parvenir au degré de chevalier, jouir et user de tous les honneurs, prérogatives, prééminences, franchises, libertés, exemptions et immunités dont jouissent les autres nobles de notre royaume..., porter armoiries timbrées... qui seront empreintes et blasonnées dans nos lettres d'anoblissement... A la fin est rappelée la modicité du prix : à la charge de nous payer les sommes auxquelles ils seront modérément taxés en notre Conseil. C'est un prospectus très bien fait. Si la marchandise ne trouvait point preneur, le Roi en imposait l'achat. La Roque écrit dans son traité de la Noblesse : Nous en voyons qui ont été faits nobles de force par des édits, ayant été choisis moyennant finances : de ce nombre Richard Grain d'Orge, fameux marchand de bœufs du pays d'Auge qui fut obligé d'accepter ce privilège et de payer mille écus de finance, l'an 1577. De pareilles contraintes furent exercées contre des roturiers récalcitrants au temps de Louis XIV.

Le Roi n'était pas même loyal marchand. De temps à autre, — quatre fois au moins de 1666 à 1715, — il confirmait les anoblissements, c'est-à-dire qu'il obligeait les anoblis à payer une finance nouvelle. Pas plus que la recherche des faux nobles, cette façon d'anoblir n'était propre à restaurer l'honneur de la véritable noblesse.

 

II. — LA NOBLESSE HORS DE L'ÉTAT.

LA noblesse n'avait pas de fonction propre, qui la distinguât du reste de la nation. Les fiefs étaient toujours grevés de l'obligation au service militaire. On voit des gouverneurs de provinces passer des revues de la noblesse et la convoquer pour combattre des émeutes, ou pour protéger les côtes contre l'ennemi. Mais depuis longtemps les rois avaient substitué aux milices féodales l'armée royale professionnelle. Des nobles pouvaient ne jamais servir, et beaucoup, en effet, ne servaient jamais. L'appel des fieffés n'était plus qu'une ressource extrême.

Ce qu'il donnait, on l'avait vu en 1635, on le revit en 1674. Le Roi convoqua le ban et l'arrière-ban de quatorze provinces les plus voisines de la guerre. Le spectacle fut lamentable, de ces quelques milliers de hobereaux qui rejoignirent à Nancy l'armée de Créqui. Le maréchal en écrivit de très vives doléances ; encore n'osa-t-il pas tout, dire : Je retranche bien des choses qui seraient désagréables à lire, comme elles me sont très désagréables à écouter. Il conduisit l'arrière-ban à l'armée de Turenne. Le maréchal ne garda pas longtemps cette noblesse difficultueuse dont la lenteur dans une marche vers Saverne faillit être désastreuse. Il la renvoya en Lorraine. Là ces gueux incommodés pillèrent à cœur joie. Il n'y a pas de désordre, écrit un intendant, que cette noblesse n'ait fait partout où elle a passé. Elle ne tint pas devant l'ennemi. La noblesse d'Anjou, attaquée par un des partis qui couraient la campagne, fut capturée tout entière, excepté quelques fuyards agiles. Créqui pria qu'on le débarrassât de ces gens peu habitués au commandement et qui ne peuvent souffrir une pauvreté, en servant, qu'ils supportent dans leurs maisons. A tous moments, ils perdent le respect pour leurs officiers en négligeant le service ou se proposent la retraite. Les deux mois de service ordonnés par la convocation étant passés, ils se plaignirent d'être éloignés de chez eux. Et comme on les voulait garder un mois encore, en leur donnant solde, vivres et fourrage, quelques centaines, un des commandants en tête, partirent un beau jour de Metz, malgré la défense du maréchal. L'ordre arriva de les renvoyer : Je souhaite ardemment, écrivit le maréchal, que le Roi n'ait jamais besoin de rassembler sa noblesse, car c'est un corps incapable d'action, et plus propre à susciter des désordres qu'à remédier à des accidents.

L'an d'après pourtant, la seconde moitié du contingent noble fut appelée, mais une ordonnance offrit la dispense de servir, moyennant une taxe calculée sur le revenu. Nous ne doutons pas, disait le Roi, que notre noblesse ne soit bien aise pour une somme si modique de se dispenser de marcher en personne. Les seuls nobles de Normandie déclarèrent qu'ils aimaient mieux aller à la guerre, mais le Roi répliqua : Il ne serait pas convenable, ni de la dignité de l'arrière-ban de mon royaume, qu'il parût en petit nombre. L'arrière-ban, ce fut donc quelques milliers de livres prélevées sur les gentilhommières[2].

Un grand nombre de nobles, en France, avaient la passion des armes. Ils usaient des privilèges qui leur réservaient l'honneur de servir dans certains corps et les hauts grades dans l'armée. A chaque campagne, des volontaires nobles accouraient aux champs de bataille. Beaucoup de sang noble fut noblement répandu pendant les interminables guerres. Mais le service des armes n'était pas le privilège ou la fonction du second ordre de l'État. Le Roi ne voulait pas que la noblesse eût une fonction. Il aurait craint sans doute d'être le prisonnier d'une armée noble.

D'autre part, la noblesse fut rigoureusement exclue du grand service politique, du ministère et de tous les conseils. Louis XIV l'expulsa des rares positions qu'elle avait gardées. Les seuls pairs avaient conservé une prérogative politique, le droit de siéger au Parlement, mais l'annulation du Parlement la rendait vaine. Le Roi, pour diminuer sans doute l'importance de la pairie, accrut le nombre des duchés-pairies.

 

III. — LE ROI NOURRIT LA NOBLESSE.

DEPUIS longtemps une grande partie de la terre noble avait passé à l'Église et surtout aux magistrats et aux financiers. Si certains morts revenaient au monde, disait La Bruyère, et s'ils voyaient leurs grands noms portés, et leurs terres les mieux titrées, avec leurs châteaux et leurs maisons antiques, possédées par des gens dont les pères étaient peut-être leurs métayers, quelle opinion pourraient-ils avoir de notre siècle ? Les grandes fortunes qui restaient étaient souvent mal administrées. C'était une marque de noblesse que de ne rien connaître à ses propres affaires. L'orgueil de paraître crût à mesure que diminuait l'intrinsèque valeur de la noblesse ; l'émulation à disputer aux financiers la gloire des palais, des jardins, des terrasses et des belles eaux achevait la ruine.

La noblesse ne pouvait s'enrichir au service du Roi. Il en coûta cher à Mme de Sévigné pour acheter au chevalier son fils de modestes charges d'officier dans les gendarmes de Monseigneur, et pour l'équiper, à chaque campagne. Son gendre, lieutenant-général du Roi en Provence, répétait au château de Grignan la représentation de Versailles : une cour d'officiers, de gentilshommes et de pages, la foule des invités dans la galerie, en fête, la table ouverte — la cruelle et continuelle chère, comme disait la marquise, — les grands meubles, les tableaux de France et d'Italie, les tables de jeu sous les bougies de cire. Un jour, le marquis de Grignan écrira au chancelier Pontchartrain : Je demeure sans aucune subsistance. L'histoire du chevalier de Sévigné ou du marquis de Grignan est celle d'une foule de nobles. Le chevalier n'osant plus expliquer à sa mère ses raisons sur l'argent qu'il désirait d'elle, pria Mme de La Fayette de les lui écrire. Ces raisons sont si bonnes, écrivit Mme de La Fayette, que je n'ai pas besoin de vous les expliquer tout au long, car vous voyez d'où vous êtes la dépense d'une campagne qui ne finit point. Tout le monde est au désespoir et se ruine ; il est impossible que votre fils ne fasse pas un peu comme les autres. De médiocres braves gens se ruinaient obscurément. Deux nobles berrichons authentiques comparurent devant les enquêteurs pour la recherche de la noblesse. L'un déclare qu'il a servi le Roi plusieurs années et y a consumé tout son avoir, qu'il n'a aucun bien et ne subsiste que par ce qui lui est fourni par la demoiselle de La Vergne, sa femme. L'autre est revenu de l'armée si pauvre qu'il a été imposé à six sous par quartier dans sa paroisse, pour la taille.

Les relations des intendants, au cours de l'enquête ordonnée par Colbert, concluent à une pauvreté presque générale de la noblesse. En Anjou, en Touraine, en Maine se trouvent quelques familles riches, et d'autres convenablement accommodées. Mais dans ces familles des cadets sont misérables. En Anjou, le marquis de Vezins, du nom d'Andigney, possède 36.000 livres de rentes ; il a sept ou huit cadets fort gueux. Et souvent les plus belles fortunes sont grevées de dettes. La cause des dettes, c'est la grande dépense, faite à la cour, ou le jeu, ou une vie licencieuse. Les rapports ne nomment, pour ces trois provinces, que les familles les plus considérables. En Touraine, où le duc de Luynes a son duché, qui contient un grand pays, où le marquis de Vassé, du nom de Groignet, est estimé riche à 80.000 livres de rentes, et le comte de Grandbois et le marquis de Moussy, à 30.000, 400 familles jouissent de la noblesse. Quelques-unes ont 2.000 livres de rentes et au-dessous, les autres sont incommodées. — Pour d'autres provinces, les renseignements sont les mêmes ou pires. Il n'y avait pas de noblesse plus gueuse que celle de Bretagne. L'intendant de Moulins, après avoir marqué en détail le bien des seigneurs du Bourbonnais, lequel monte assez haut, ajoute : Quoiqu'il semble par cette supputation que la noblesse du Bourbonnais soit assez riche, la vérité est néanmoins qu'elle est fort endettée, et qu'il y a plus de la moitié d'incommodée et de pauvre. De même pour les nobles de la Marche : On ne doit pas croire que le bien qui a été marqué ci-dessus appartenir aux gentilshommes de la Marche en fonds de terre soit à eux entièrement et inférer de là qu'ils soient riches, y en ayant quantité d'entre eux qui sont fort endettés et peu aisés par conséquent. Pour le Dauphiné, un mémoire de 1654 dit que la noblesse est composée de plus de douze cents gentilshommes, la plupart pauvres, mais courageux et glorieux, et qu'elle sert volontiers et se trouve en grand nombre dans les armées du Roi.

Honteuse d'être pauvre, la noblesse cachait du mieux qu'elle pouvait sa misère. Un édit qui ordonna, en 1673, l'enregistrement des oppositions des créanciers hypothécaires, fut révoqué à la prière des nobles qui voulaient sauver le mystère de leur fortune. Des courtisans décavés continuaient à payer de mine : Ils n'ont jamais le sou, écrit Mme de Sévigné, et font tous les voyages, toutes les campagnes, suivent toutes les modes, sont de tous les bals, de toutes les courses de bagues, de toutes les loteries, et vont toujours, quoiqu'ils soient très abîmés. Ils vont ainsi jusqu'au jour où par l'effet d'un accident survenu à la machine, tout se renverse.

La noblesse n'avait aucun moyen honorable de s'enrichir. Les métiers et le négoce, auxquels d'ailleurs elle n'était pas portée, lui avaient été interdits par ordonnances répétées des rois qui voulurent, aux XIVe et XVe siècles, la réserver tout entière au service des armes. Il n'était pas même permis à un gentilhomme de devenir un grand laboureur. Un ancien édit, renouvelé en 1661, limitait à quatre le nombre de charrues que les ecclésiastiques, gentilshommes, bourgeois et autres privilégiés pouvaient exploiter eux-mêmes. La raison était que la terre labourée par un privilégié, n'aurait pas payé la taille roturière. La noblesse, victime de ses propres privilèges, n'avait donc pas le droit de travailler. Vivre noblement, c'était vivre à ne rien faire. La carrière même des offices fut fermée aux nobles, par le prix dont il en fallait payer l'entrée. Votre noblesse, disait en 1617 une assemblée des notables de Normandie, est privée d'entrer aux charges de la république, ne les pouvant acheter un prix si déréglé, combien que vous et vos prédécesseurs lui ayez promis de les préférer à tous autres.

Il fallut donc que les gentilshommes vécussent d'expédients, dont les principaux furent le jeu, les dettes et les mésalliances. Tout le beau monde jouait, dans les brelans, dans les salons, chez le Roi, un jeu effroyable, continuel, sans retenue, sans bornes. Payer ses dettes à ses valets, aux ouvriers, aux marchands, passait pour une vertu, qui annonçait la conversion. M. de Guitaut, dit Mme de Sévigné, me paraît fort préoccupé de son salut... ; il est possédé de l'envie de payer ses dettes et de n'en point faire de nouvelles ; c'est le premier pas que l'on fait dans ce chemin, quand on sait sa religion. Enfin les mésalliances ne se comptaient pas. Il faut prendre à la lettre cette parole de La Bruyère : Un homme fort riche.... peut mettre un duc dans sa famille et faire de son fils un grand seigneur. La Bruyère encore a écrit cette vérité : Le besoin d'argent a réconcilié la noblesse avec la roture. L'homme riche entrait partout. Devant l'argent s'abaissait toute fierté et jusqu'à la majesté du Roi. Au fond, l'étrange disproportion... entre les hommes était mise, autant que par la qualité des personnes, par le plus ou le moins de pièces de monnaie. La belle société de Paris et de Versailles était plus mêlée, comme on dit, qu'elle ne paraît au premier regard. On y voyait des extrémités se rapprocher. C'était comme une musique qui détonne... comme des couleurs mal assorties.

Cependant, ces expédients divers ne suffisaient point à faire vivre la caste oisive et ruinée. Le Roi fut conduit par une sorte de nécessité à la vouloir nourrir.

Le Concordat de 1516 ayant donné au roi de France la disposition d'un très grand nombre de bénéfices, Louis XIV, comme ses prédécesseurs, nourrit la noblesse sur le fonds de l'Église. Les ducs de la Rochefoucauld, dit Saint-Simon, s'étaient accoutumés... à ne vouloir chez eux qu'un successeur pour recueillir tous les biens et toute la fortune du père, à ne marier ni filles ni cadets, qu'ils comptaient pour rien, et à les jeter à Malte et dans l'Église. Le premier duc eut quatre fils, dont un fut évêque de Lectoure, un se contenta d'abbayes, un entra dans l'ordre de Malte, et six filles, dont quatre furent abbesses et une religieuse ; une seulement plus coriace voulut un mari. Le second duc eut cinq fils : trois furent chevaliers de Malle, un fut prêtre fort mal appelé, car il n'avait de prêtre que le nom. Les trois filles moururent sibylles, dans un coin de l'hôtel de La Rochefoucauld. Une fois entrés dans une famille, les bénéfices y demeuraient, passant du frère au frère, de l'oncle au neveu. En 1667, pendant le siège de Lille par le Roi, le marquis de Puisieuz, un jour qu'il était dans la tranchée, apprit la mort d'un de ses frères, abbé de Saint-Baasle au diocèse de Reims. Il pria M. de Turenne de demander cette abbaye au Roi pour un autre de ses frères. Le maréchal fit la commission, en excusant M. de Puisieux, qui ne pouvait quitter la tranchée, de ne point être venu présenter lui-même sa requête. Le Roi accorda l'abbaye sur-le-champ. Le jeune abbé, qui, plus tard, devint évêque de Soissons, et fut, au reste, un bon évêque, avait alors onze ou douze ans. Le Roi donnait aussi à des beignes, qui demeuraient laïques, des abbayes en commende, ou encore Il assignait des pensions sur le revenu d'une abbaye ou d'un évêché. Le jour où elle apprit que M. de Nevers avait reçu mille livres sur un évêché[3], Mme de Sévigné écrivit : Je ne vois pas bien pourquoi, si ce n'est pour une augmentation de violons dont il se divertit tons les soirs.

Une partie de la noblesse s'éteignit dans le célibat d'Église. Par là fut évité le trop fort encombrement d'un prolétariat noble. Par là aussi, la noblesse fut privée de l'aiguillon salutaire qu'est. la nécessité de gagner son pain. L'usage que le Roi fit des biens de l'Église, la nourriture assurée à tant de cadets faméliques, contribuèrent à perpétuer la confusion de noblesse avec fainéantise. Et le Roi fut pourvu d'un si commode moyen de multiplier ses bienfaits qu'il l'employa pour accroître sa clientèle d'obligés. On a dit que le Concordat qui mit dans les mains du prince la collation des biens ecclésiastiques,... lui recomposa ce domaine de récompenses, qui avait fait la force des premières races, et que la monarchie a dû peut-être deux siècles d'existence à ce fameux traité[4]. Sous les deux premières races, en effet, la distribution de dons à des personnes et des familles avait été un des principaux ressorts du gouvernement. L'une et l'autre, jour par jour, avaient dépensé leur avoir et leur pouvoir. Les derniers Mérovingiens et les derniers Carolingiens furent des fainéants, parce que, n'ayant plus rien à donner, ils ne pouvaient plus rien faire. Or, le roi de la troisième race ne s'est jamais élevé à l'idée nette d'une puissance publique impersonnelle. Il a continué de recourir au procédé primitif et grossier d'obliger des personnes envers lui par des munera et des dona. Il allait ainsi à la ruine. Il y serait arrivé plus vite, si la disposition des biens d'Église ne l'avait aidé à ménager son propre fonds.

De ce propre fonds, d'ailleurs, le Roi dépensa beaucoup à entretenir la noblesse.

Aux plus grands seigneurs, il donna les grands offices de la couronne ; dans le service des grands officiers il rangea les beaux noms de France. Autant qu'il désira rassembler la noblesse sous sa main, autant s'empressa la noblesse à s'y venir courber. Le siècle d'avant, de grands nobles étaient encore, dans les provinces, des chefs de noblesse. Ils étaient entourés de vassaux, de pages et de soldats, qu'ils emmenaient à la guerre et qu'ils faisaient servir dans les garnisons de leurs châteaux ou dans les places dont ils étaient les gouverneurs. La noblesse féodale étant devenue noblesse de cour, les vieux cadres furent brisés, tout le flot noble afflua vers la Cour. C'est pourquoi le Roi augmenta le nombre des pages de la grande et de la petite écurie, et prit soin de les choisir seulement parmi les gens de qualité. Il augmenta aussi les compagnies de ses gardes du corps, à cause du grand nombre des gens de qualité ou de service qui s'empressaient, continuellement pour y avoir place. Tous les services se surchargèrent et la cour devint une population.

Le Roi, tout le jour, y distribuait des plaisirs et des grâces. Tout le monde espérait de lui quelque chose : Il peut arriver, disait Mme de Sévigné, qu'en faisant sa cour on se trouvera sous ce qu'il jette. Je lui embrasserai encore les genoux, et si souvent que j'irai peut-être enfin jusqu'à sa bourse, écrivait Russy-Rabutin. Les mains se tendaient vers la miraculeuse inépuisable main. Et ce qui palpitait encore d'ancienne énergie s'apaisa dans cette mendicité, sous le vouloir calme, patient, insistant du Roi. Les hauts factieux d'autrefois, leurs fils et leurs petits-fils, les Condé, les Bouillon, les Lorrains devinrent des domestiques qui servaient une personne et l'adoraient, cependant que le Maître, occupé à regarder et à manœuvrer ce cortège de prisonniers, s'emprisonnait lui aussi en sa cour, et perdait de vue le monde réel caché par le décor. La Cour fut un des lieux les plus brillants du monde, un des plus funestes.

Enfin le Roi nourrit la noblesse par la guerre.

En 1661, en ouvrant la session des États de Languedoc, le Gouverneur les avertit de ne pas espérer que les dépenses militaires cessassent, bien que la paix fût faite. Il faut bien, dit-il, donner de l'occupation à toutes les parties de l'État... ; le Roi ne peut pas refuser de l'emploi à tant d'officiers illustres qui ont consacré leur vie et leur temps pour notre conservation, sans commettre une injustice dont Sa Majesté est incapable. A propos de l'augmentation des compagnies de gardes du corps, dont Colbert lui reprochait la solde triplée et même quintuplée, et l'argent qu'elles dépensaient en fanfare et ornements, Louis XIV a dit : Je ne pus m'empêcher....

La noblesse militaire de cour n'était point d'humeur à se satisfaire par des parades. Elle voulait faire la guerre. Une des grâces qu'elle demandait au Roi, c'était le péril, le plaisir, l'honneur de la guerre. Le Roi donne cette raison parmi celles qui le portaient à marcher aux Pays-Bas, l'année 1666 : Tant de braves gens que je voyais animés pour mon service, semblaient me solliciter à toute heure de fournir quelque matière à leur valeur. Lorsque, l'année d'après, la campagne de Flandre fut décidée : Au premier bruit, dit-il, je vis en un instant grossir ma cour d'une infinité de gentilshommes qui me demandaient de l'emploi. S'il ne donnait pas l'emploi, les gentilshommes le prenaient :

L'empressement de me servir était si grand que ma plus grande peine, en toutes les occasions qui s'offraient de faire quelque chose, était de retenir ceux qui se présentaient, comme il parut lorsque je voulus jeter du monde sur mes vaisseaux à Dieppe. Car, outre les gens commandés, il se présenta un si grand nombre de volontaires que je fus obligé de les refuser tous, et même d'en châtier quelques-uns de première qualité qui, sachant qu'ils seraient rennes, s'étaient mis en chemin sans m'en demander congé.

En effet, le duc de Foix, le comte de Saux, le marquis de Ragny, reçurent l'ordre de retourner et celui de se rendre à la Bastille, où, dit le Roi, je les tins quelques jours enfermés. Mais, autant qu'il pouvait, il contentait l'humeur de ses gentilshommes. Il écrivit un jour à l'amiral, duc de Beaufort :

Mon cousin, Vivonne s'en va sur mes vaisseaux pour ne pas demeurer oisif dans un temps où les occasionnaires n'ont pas grand'chose à faire ailleurs. Je vous le recommande comme une personne pour qui vous savez que j'ai beaucoup d'affection.

Occasionnaires, il avait fallu créer ce mot pour définir une profession nombreusement achalandée, celle des gentilshommes qui guettaient les occasions de ne pas demeurer oisifs. Le Roi lisait dans des yeux la prière : Donnez-moi quelque chose à faire.

L'habitude, prise depuis longtemps, fut conservée, de la guerre presque perpétuelle. La Cour voyait partir sa jeunesse au printemps. Les femmes, les vieillards, les prêtres, les ministres, les gens de robe, qui seuls étaient demeurés, attendaient les nouvelles des camps et des armées. Au retour des gentilshommes soldats, qui venaient prendre à la Cour leurs quartiers d'hiver, la campagne passée remplissait les conversations. On discutait les plans de M. le Prince, de M. de Turenne, de M. de Luxembourg ou de M. de Créqui. On contait les passages des rivières de Flandre, d'Allemagne, de Hongrie, de Catalogne, d'Italie, les descentes aux côtes siciliennes, irlandaises, barbaresques, les grandes batailles, les petits combats, comment fut défait tel parti d'ennemis, emportée telle demi-lune. Louis XIV vivait entouré d'un parti ardent, et qui jamais ne se refroidit, de la guerre perpétuelle.

Cependant, ni l'Église, ni la Cour, ni l'armée ne suffisaient à faire vivre la noblesse de France. Des milliers de familles demeurèrent inoccupées. On a rencontré la noblesse campagnarde partout, an chapitre des finances, au chapitre des lois, de la justice et de la police, au chapitre des paysans, concurrente du Roi par ses prélèvements sur la substance paysanne, dont elle ne lui laisse que les restes, exploitant à outrance la justice et les droits seigneuriaux, grapillant le plus qu'elle peut de corvées et d'argent, faussant la répartition des tailles, obstacle à la circulation sur les routes et sur les rivières par ses péages ou même par son brigandage. Le hobereau était un terrible gêneur pour la monarchie.

C'est qu'il était lui-même gêné terriblement.

Ce serait une injustice envers la grande et la petite noblesse que de ne pas les plaindre de la destinée qui leur fut faite. Une caste laissée sans emploi ne peut point ne pas se pervertir. On accuse la noblesse de légèreté, de vanité, de malfaisance ; mais le moyen de n'être pas léger et vain dans l'oisiveté de Versailles, et, pour le hobereau, de n'être point malfaisant, s'il est pauvre, comme il l'est en effet, et si les mœurs, si la loi elle-même lui interdisent le travail, comme elles le lui interdisent ? Ce hobereau, le théâtre et les moralistes s'amusent de son orgueil : Le noble de province... répète dix fois le jour qu'il est gentilhomme, traite les fourrures et les mortiers de bourgeoisie, occupé toute sa vie de ses parchemins et de ses titres... Mais de quoi donc La Bruyère veut-il que soit occupé le hobereau, puisque, lui-même, il dit que ce noble est inutile à sa patrie, à sa famille et à lui-même, souvent sans toit, sans habits... ?

La réduction de la noblesse à l'inutilité est un des malheurs de notre histoire[5]. La royauté, après qu'elle eut vaincu sa concurrente et l'eut dépouillée de l'autorité politique, ne pouvait-elle l'employer au service de l'État ? Être noble, ce n'était pas être méchant et incapable nécessairement. Là ou la noblesse était encore admise à servir — dans l'armée, dans les grands gouvernements, dans les ambassades — des hommes se révélèrent de vive intelligence et de toutes aptitudes. Les intendants reconnaissaient qu'il y avait de bons nobles. En Anjou, le nom de Brissac est aimé. Le marquis de la Bretèche, ancien capitaine aux gardes, vit avec honneur dans la province où il réside souvent. Hamelinière-Pantin est un brave gentilhomme qui a fort bien servi, fort honnête homme. En Touraine, le sieur d'Hervault est fort sage et honnête homme, arbitre des différends de la noblesse. Le marquis de Sourdis a de l'esprit, et il est fort habile arbitre de la noblesse. Le comte de Grandbois et ses trois frères sont gens pacifiques qui ne se mêlent de rien. Le marquis de Châteaurenault passe pour fort honnête homme, et son nom est estimé dans le pays. Le marquis de Moussy encore est très honnête homme. En Poitou, M. de Toucheprès est plein de cœur, médiateur des différends de la noblesse. M. de Jaucourt est fort sage, aimé de tout le monde, fort charitable aux pauvres et surtout aux passants. Le marquis de Chambost est fort vertueux, aimé de tous, prêtant son argent aux collecteurs pour leur sauver les frais, aimé et chéri de tout le monde. Dans le pays de Rouen, M. de Basqueville a crédit parmi la noblesse et les peuples. M. de Mouchy-Mémont a beaucoup d'esprit de conduite. M. Pestel, sieur de Saint-Laurent, a beaucoup de conduite. M. de Montigny a beaucoup de crédit et zèle pour le service du Roi. M. de l'Estendart, les sieurs de Roncherolles-Pont-Snint-Pierre, le marquis de Saint-Luc, le comte de Maillevrier ont beaucoup de crédit parmi la noblesse et les peuples. En Bourbonnais, il est à remarquer que la plupart des gentilshommes... jouissent de leurs terres par leurs mains, excepté ceux qui servent actuellement dans les armées. Dans la Haute-Marche, les gentilshommes sont assez modérés et craignent la justice ; plusieurs ont peu de biens et les font valoir et en jouissent à leurs mains... Enfin, voici, pris en Poitou, le type d'une sorte de gentilshommes avec qui le Roi et même les intendants auraient pu s'entendre, s'ils l'avaient bien voulu : le baron Dufresne est estimé riche de 15.000 l. de rentes ; il n'a aucune dette, réside ordinairement aux Urbelières.... ; il est en réputation d'honnête homme et d'habile parmi la noblesse, qui le considère fort ; il a autrefois commandé un régiment ; il est homme de bonne chère, ce qui contribue à le faire aimer.

Richelieu aurait voulu sauver de la ruine la noblesse qu'il considérait comme un des principaux nerfs de l'État. Il représentait au Roi qu'elle a été depuis quelque temps rabaissée par le grand nombre des officiers que le malheur du siècle a élevés à son préjudice. Il faut la soutenir, disait-il, contre les entreprises de telles gens, la conserver en la possession des biens qu'elle a hérités de ses pères, et procurer qu'elle en puisse acquérir de nouveaux ; établir, à son usage, cinquante compagnies de gendarmes, et... pareil nombre de chevau-légers payés dans les provinces ; abolir la vénalité des gouvernements du royaume et de toutes les charges militaires et des charges de la maison royale ; donner aux gentilshommes, en raison du bonheur qu'ils ont d'être d'une naissance noble, et en considération de leur mérite, accès libre là où toute sorte de gens sont reçus par le sale trafic de leur bourse. Il suffirait de discipliner la noblesse pour lui rendre les vertus qui donnèrent lieu à César de la préférer à toute autre. Cette noblesse, qu'il avait commencé de discipliner, le cardinal Pensait qu'elle aurait porté dans l'emploi la qualité et l'autorité, qui, d'ordinaire, est sa compagne, un particulier désir d'honneur et de gloire, le lustre et la libéralité. Mais peut-être il était bien tard pour entreprendre une si extraordinaire expérience. Les sages, les honnêtes hommes, les modérés, les vertueux, dont les intendants louaient la bonne conduite, étaient assurément une minorité petite dans le corps de la noblesse. Les habitudes de désordre dans l'oisiveté, que la majorité gardait, autorisaient le gouvernement à croire que la noblesse était incapable d'emplois utiles. Et le Roi ne demandait pas mieux que de le croire. Les petites gens sorties de la roture, qui emplissaient ses conseils, entretenaient en lui le vieux sentiment de méfiance contre les nobles d'épée si longtemps rebelles. Et les souvenirs de la Fronde hantaient l'esprit médiocre de Louis XIV.

Cependant le Roi garda un préjugé en faveur de sa noblesse. Il lui faisait l'honneur de se croire de même race qu'elle. Lui aussi, i était gentilhomme, le premier gentilhomme de France. Il sentait l'utilité d'une hiérarchie descendant vers les peuples, qu'elle reculait dans les lointains. Il savait que les privilèges et honneurs de sa noblesse avaient leur appui en sa force, et que la noblesse, le sachant aussi, lui demeurerait fidèle. De là, une étrange contradiction le roi gentilhomme, qui abaisse la noblesse à n'être plus qu'un cortège et un décor ; une noblesse bras droit du Roi, mais dont le Roi se sert le moins qu'il peut ; une noblesse privilégiée, mais inutile, onéreuse, chère à nourrir, condamnée à devenir odieuse de plus en plus.

 

 

 



[1] SOURCES. L. Chérin, Abrégé chronologique d'édits... concernant le fait de la noblesse, Paris, 1788. Isambert. Recueil..., t. XVIII et XIX. Clément, Lettres..., voir à l'Index les mots : Noblesse, Anoblissements, Gentilshommes, Seigneurs. Depping, Correspondance..., surtout au t. II. Mémoires des intendants. Mémoires de Louis XIV. Les mémoires et correspondances du temps, notamment : les Mémoires du duc de Saint-Simon. Écrits inédits de Saint-Simon, publ. par Faugère, Paris, 1882-93, 8 vol. Spanheim, Relation de la cour de France en 1690. Mme de Sévigné, Lettres. La Bruyère, Les Caractères.... aux chapitres : De la ville, De la Cour, Des Grands, De quelques usages.

OUVRAGES. Loyseau, Traité des seigneuries. La Roque, Traité de la noblesse, Rouen, 1786, 2 vol. Du même auteur : De l'origine des noms et surnoms, Paris, 1681. Guyot, Répertoire..., au mot : Noblesse. La Chesnaye des Bois et Radier, Dictionnaire de la noblesse, 3e édit., Paris, 1863-82, 18 vol. Louandre, La noblesse française sous l'ancienne monarchie, Paris, 1880. Gasquet, Précis des institutions politiques et sociales de l'ancienne France, Paris, 1885, 2 vol. Lemontev, Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV, Paris, 1818. Walkenaer, Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, dame de Bourbilly, marquise de Sévigné, 4e édit., Paris, 1856-65, 6 vol. Taine, La Fontaine et ses fables, 16e édit., Paris, Hachette, 1903. Bertin, Les mariages dans l'ancienne société française, Paris, 1879. Allaire, La Bruyère dans la maison de Condé, Paris, 1886, 2 vol. Masson, Le marquis de Grignan, Paris, 1887. De Vaissière, Gentilshommes campagnards de l'ancienne France, Paris, 1903.

[2] C. Rousset, Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, 4 vol., 7e édit., Paris, 1891, chap. VII et VIII (au t. II).

[3] Voir, sur l'usage que Louis XIV fit des bénéfices, Gérin, Recherches historiques sur l'assemblée du clergé de France de 1681, Paris, 1872, 2e édition, le chapitre I : La RégaleLes biens de l'Église sous Louis XIV.

[4] Lemontey, Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV, p. 118.

[5] L'histoire de la réduction de la noblesse à l'inutilité est à faire. L'idée d'une incapacité de ce corps à être utile est un préjugé grossier. La noblesse a été la victime de la fatale conception légiste du pouvoir absolu à la façon romaine, qui ne permettait pas de lui faire place dans le gouvernement ; — du fait que, sa fonction principale ayant là à l'origine le service des armes, l'idée d'une fonction militaire de la noblesse survécut à la réalité et permit toute une phraséologie mensongère, dont le Roi paya sa noblesse, dont la noblesse se paya elle-même ; — de l'exemption d'impôts, très funeste, car elle fut, au moins en partie, cause que les rois lui interdirent le travail productif et l'exclurent de la vie économique en même temps qu'ils l'excluaient de la vie politique, et elle la désintéressa de l'impôt, ce qui empêcha qu'il y eût cause commune entre elle et les non exempts : — de l'inaptitude nationale ail groupement et à la persévérance dans un dessein concerté : — de régime qui, en assurant la continuité de la puissance de la famille par le droit d'alpage. laissait aux cadets la qualité de nobles, qui entraînait l'incapacité de travail : — de révolution économique d'où sortit la richesse mobilière ; de la perpétuelle méfiance et mambo volonté des rois, etc.