I. — LA RELIGION DE RICHELIEU. RICHELIEU a certainement beaucoup varié et la distance est grande de l'orateur du Clergé de 1614 à l'homme d'État qui condamnait, en 1626, le livre de Santarel, et qui, à la fin du ministère, était en lutte ouverte avec le nonce du pape et les Assemblées du Clergé. Pourtant, il ne fut jamais un gallican, ni au sens parlementaire, ni au sens des Richeristes. Encore dans son Testament politique, il écrivait : Les personnes qui se consacrent à Dieu et s'attachent à son Église sont si absolument exemptes de la juridiction temporelle des Princes qu'elles ne peuvent être jugées que par leurs supérieurs ecclésiastiques. Le Droit divin et celui des gens établissent clairement cette immunité. A la fin, comme au commencement de son ministère, il protestait contre les empiétements des parlements et autres justices royales sur les justices d'Église, et proposait de définir et de restreindre les appels comme d'abus. Il n'a pas cessé de réclamer pour les personnes consacrées au ministère de la religion le droit de tenir le premier rang auprès des princes souverains, non seulement en ce qui concerne le spirituel, mais en outre en ce qui regarde le gouvernement civil et politique.... Devenu chef du Conseil, il s'entoura de prêtres et de moines. Il employa dans la diplomatie son frère, Alphonse Du Plessis, archevêque de Lyon, le P. Bérulle et le cardinal de Marquemont ; il fit du cardinal de La Valette un général, de l'archevêque de Bordeaux, Sourdis, un amiral. Deux évêques de Mende, Du Plessis-Houdancourt, et son successeur, Cruzy de Marcillac, l'évêque de Nantes, Beauveau, furent des munitionnaires de marque. L'évêque d'Auxerre, Pierre de Broc, était le chasse-avant du maréchal de Châtillon, dont la lenteur était proverbiale. Le Cardinal lui-même, au camp devant La Rochelle, fut lieutenant général des armées du Roi, et, dans la campagne d'Italie, en 1630, se montra à la tête des troupes, à cheval, armé et cuirassé. Le P. Joseph, un moine, fut son conseiller le plus écouté ; et ce fut un cardinal — Mazarin — qu'il désigna pour son successeur. Il ne faut donc pas se représenter Richelieu comme un homme d'État qui, par hasard, serait d'Église ; mais comme le type représentatif d'une époque où le Clergé, soutenu par l'opinion, aspirait au premier rôle dans la société et dans l'État. Il était religieux et pratiquant. En 1621, il promit par écrit de faire dire une messe à perpétuité tous les dimanches, en sa maison de Richelieu, si Dieu, par l'intercession de l'apôtre saint Jean, le délivrait dans huit jours d'un mal de teste extraordinaire. En 1633, il se fit apporter de Meaux les reliques de saint Fiacre, dont le contact guérit les hémorroïdes. En 1636, au mois de mai, il inspirait à Louis XIII un vœu à la Vierge, avant que les armées commencent à travailler. En février 1638, pour remercier Dieu des succès obtenus sur les ennemis du dedans et du dehors, il publia une déclaration par laquelle Louis XIII consacrait à la très saincte et très glorieuse Vierge, sa personne, son État, sa couronne et ses sujets[2]. A chaque épreuve, nationale ou personnelle, Richelieu eut des crises de ferveur et songea plus sérieusement à son salut. Il était du monde et vivait dans le monde, goûtant en grand seigneur les Mes, les comédies, les réunions de femmes parées. Il eut pour Madame de Chevreuse, l'incorrigible conspiratrice, une indulgence qui trahit la tendresse, et il ne resta pas, dit-on, insensible à la beauté d'Anne d'Autriche. Il aimait trop, selon la chronique scandaleuse, sa nièce, Madame de Combalet, qu'il fit duchesse d'Aiguillon et ne voulut jamais laisser entrer au couvent. Mais sa foi était ardente et entière[3]. II. — MANIFESTATIONS DE LA RENAISSANCE CATHOLIQUE AU XVIIe SIÈCLE. C'ÉTAIT le moment où le catholicisme, ranimé et attisé, redevenait un foyer de vie morale et religieuse, où non seulement dans les cloîtres, mais jusque dans le monde, il y avait des âmes qui se consumaient d'amour divin et se proposaient un idéal de vertus surhumaines. Un président au parlement de Bordeaux, Gourgues, et sa femme, après avoir eu une fille, vécurent comme frère et sœur. La jeune femme (elle mourut à 23 ans) s'habillait en pauvresse et allait demander l'aumône pour l'amour de Dieu. Mme de La Peltrie (Marie-Madeleine de Chavigny), qui renonçait au couvent pour obéir à son père, contractait aussi avec M. de Bernières un mariage blanc. Une Ursuline, Marie de l'Incarnation, d'une famille bourgeoise de Tours, voyait le Christ et le touchait. Venez donc que je vous embrasse, suppliait-elle, et que je meure entre vos bras sacrés ! Le P. de Condren, second général de l'Oratoire († 1641), eut, dans un élan d'amour vers
Dieu, une palpitation si violente que plusieurs de
ses côtes changèrent de place pour donner de l'espace à son cœur et qu'il se
forma sur sa poitrine une éminence qui y parut toujours depuis.
Condren dirigeait tout ce qu'il y avait de saints
dans Paris : Olier, le fondateur de Saint-Sulpice ; Bertaut, qui se dévoua tout entier à arracher les femmes débauchées
de leurs désordres ; Bernard (le pauvre
prêtre) ; une servante nommée Barbe, dont
l'état approchait de celui des Catherine de Sienne et des Madeleine de Pazzi
; et quantité d'autres. Aussi avait-il coutume de dire que ce dernier siècle (le XVIIe) était le
siècle des saints et ne cédait en rien aux premiers temps de l'Église, et
qu'il y en avait tant et plus, mais que leur grâce était la vie cachée. L'histoire du Canada sous Richelieu est un chapitre d'histoire religieuse, illustré de prédications, de visions et de martyres. Avec quelques rares colons, abordent nombreux sur ces nouvelles terres des missionnaires et des religieuses, qui rêvent de convertir les sauvages et d'arracher quelques provinces à l'empire du démon. C'est au Canada que se déverse le flot, contenu en France, du prosélytisme catholique. En ce temps-là, Olier, à Paris, et un receveur des taxes, Jérôme Le Royer de La Dauversière, à La Flèche, entendirent des voix qui ordonnaient à celui-ci de fonder un nouvel ordre de sœurs hospitalières, à celui-là, un nouvel ordre de prêtres missionnaires, dans l'île de Montréal, sur le Saint-Laurent. Un peu plus tard, les deux visionnaires, s'étant rencontrés à Meudon, d'instinct se seraient reconnus. Ils formèrent, avec quelques autres personnes pieuses, la Société de Notre-Dame de Montréal, pour établir, au milieu de peuplades sauvages, une mission de prédicateurs, une école pour les petits Indiens et un hôpital desservi par des religieuses. Sous la garde de quarante soldats et d'un brave capitaine, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, partirent des prêtres et des religieuses qui, après une étape à Québec (1642), débarquèrent dans une île perdue, en chantant des cantiques, et dédièrent leur habitation, berceau d'une ville, à la Vierge, sous le nom de Ville-Marie-de-Montréal. Madame de La Peltrie s'était déjà installée à Québec (1639) avec sur Marie de l'Incarnation et d'autres Ursulines, qui commencèrent à instruire les jeunes sauvagesses. La duchesse d'Aiguillon avait donné l'argent pour construire un hôtel-Dieu (1639). Avec les 16.000 écus d'or que leur légua à cette fin un gentilhomme picard, les Jésuites fondèrent un collège. Près de la ville, à Notre-Dame des Anges, ils ouvrirent, mais sans succès, un séminaire pour les jeunes sauvages ; et, à quatre milles de là, le chevalier Noël Brûlart de Sillery bâtit un village pour recevoir et fixer à demeure les Indiens christianisés. Des Jésuites entraînèrent les Hurons convertis, au bord des grands lacs, loin du contact et des vices des civilisés. En France, le catholicisme s'épanouit surtout en œuvres. Un simple prêtre y organisa la Charité. Vincent de Paul, né de parents pauvres au hameau de Ranquines, dans la paroisse de Pouy, au diocèse de Dax, apprit un peu de latin, fut reçu bachelier en théologie à Toulouse et ordonné prêtre (1600). Pris par les pirates barbaresques, en allant par mer à Marseille, il subit les bagnes de Tunis, et, s'étant sauvé de ceux-là, il entendit parler des nôtres, chez le général des galères, Philibert-Emmanuel de Gondi, dont il instruisait les enfants. Ses séjours à la campagne, dans les propriétés des Gondi, lui remirent sous les yeux les paysans. Ainsi, il vit de près toutes les misères, avant de travailler à les guérir. En 1622, il accepta la charge d'aumônier des galères et
alla à LES GALÉRIENS. Marseille pour s'informer des besoins spirituels des
forçats. Ces malheureux étaient accablez de miseres
et de peines... qui les portoient
incessamment au blasphème et au désespoir. Il
employa tout ce que sa charité luy pût suggérer pour adoucir leurs esprits....
Pour cet effet il écoutait leurs plaintes, avec
grande patience, il compatissoit à leurs peines, il les embrassait, il
baisoit leurs chaisnes, et priait les comices de les traiter plus humainement....
Plus tard, il représenta à Richelieu et à Mme la
duchesse d'Aiguillon que ceux qui devenoient malades demeuroient toujours
attachez à la chaisne sur les galeres, où ils étoient rongez de vermine...
et presque consumez de pourriture et d'infection.
Le Cardinal, touché, fit bâtir à Marseille un hôpital pour les forçats
malades. A Châtillon-les-Dombes, où il avait été quelques mois vicaire en 1617, Vincent de Paul avait fondé une Association, libre et sans vœux, de femmes de toutes les classes, qui prenaient sur leurs loisirs ou leur travail le temps d'assister les malades pauvres, mais ces servantes volontaires ne pouvaient donner que des soins intermittents. Vincent de Paul et l'une de ces femmes de bien qui furent ses meilleurs auxiliaires, Mademoiselle Legras (Louise de Marillac, veuve de M. Legras), créèrent une congrégation vouée an service des pauvres et des malades, qui commença petitement dans une maison de Mademoiselle Legras, proche Saint-Nicolas du Chardonnet. Ce furent les débuts des admirables sœurs de la Charité (1633). L'image la plus populaire de Vincent de Paul le représente emportant dans un pli de son manteau un tout petit enfant. C'est en 1638 qu'il commença l'œuvre des Enfants trouvés. En dix ans, il en recueillit plus de six cents. Mais les dames qui les nourrissaient de leurs aumônes trouvaient la charge toujours plus lourde et menaçaient de la quitter. Vincent de Paul les réunit chez la duchesse d'Aiguillon, et leur parla, avec tout son cœur, de ces enfants qu'elles avaient adoptés par compassion : Voyez maintenant si vous voulez aussi les abandonner. Cessez d'être leurs mères pour devenir leurs juges ; leur vie et leur mort sont entre vos mains. La création d'un Hôpital des Enfants trouvés fut votée par acclamation. Il fonda encore l'Hospice du nom de Jésus (plus tard l'Hospice des Incurables), en 1638, pour hospitaliser quatre-vingts vieillards — et l'Hospice de la Salpêtrière, pour placer tous les pauvres en des lieux où ils seroient entretenus, instruits et occupés. Nombreuses sont, au temps de Vincent de Paul, les institutions charitables. Les Filles de la Providence, fondées par Marie de Lumagne, une de ses collaboratrices (1630), et les Filles de la Magdelaine, dotées par la marquise de Seignelay, une Gondi (1620), travaillaient à retirer ou à préserver du libertinage les jeunes filles pauvres. Les Filles de la Croix (1640) les instruisaient et les protégeaient. Cent orphelines trouvaient un asile à l'Hôpital de la Miséricorde, établi dans le faubourg Saint-Antoine par le Chancelier Séguier. D'autres œuvres se proposaient de recueillir les incurables, de secourir les convalescents, de soigner à domicile les femmes et les filles qui répugnaient à aller à l'hôpital. La plupart des congrégations fondées sous Louis XIII sont plus actives que contemplatives. Pour quelques ordres voués à la prière et qui ne sont pas tous d'origine française, combien d'autres destinés à combattre la misère et le mal ! La Renaissance catholique a son représentant le plus pur et le plus caractéristique en Vincent de Paul. Aimer et agir ne sont qu'un pour lui. Aimons Dieu, dit-il, mais aux dépens de nos bras, à la sueur de nos visages. — Il n'y a que nos œuvres qui nous accompagnent dans l'autre vie. Il était encore plus sensible aux misères morales qu'aux matérielles. Il savait, par expérience, la grossièreté du bas clergé, son ignorance, et ses mœurs capables de corrompre celles des fidèles. Il fonda, pour évangéliser les campagnes, l'Ordre de la Mission, dont les membres s'engageaient à ne prêcher ni administrer les sacrements dans les grandes villes, sinon en cas d'une notable nécessité. D'abord établis au Collège des Bons-Enfants (1627), ils se transportèrent, en 1632, à la maison de Saint-Lazare (d'où leur nom de Lazaristes). Conformément à leurs statuts primitifs, qui les obligeaient à assister spirituellement les pauvres forçats, Vincent de Paul les envoya hors du royaume, à Tunis et à Alger, pour y secourir les pauvres esclaves chrétiens, et puis, contrairement à leurs statuts, cet homme, qui avait le cœur plus grand que le monde, les aventura en pays hérétiques ou infidèles pour conquérir des âmes à Jésus-Christ. Saint-Lazare ne fut pas seulement un séminaire de missionnaires, mais la grande maison de retraite et d'édification de Paris et du royaume. Vincent de Paul y recevait tous ceux, prêtres ou laïques, qui avaient besoin de se recueillir, quelques jours ou quelques semaines, loin du monde, dans une atmosphère d'humilité et de piété. On voyait, réunis pour les mêmes dévotions et assis à la même table, des pauvres et des riches, des laquais et des grands seigneurs, des soldats et des évêques. Les ordinants du diocèse, avant d'être consacrés, y faisaient des retraites de dix jours — et tous les mardis, beaucoup d'ecclésiastiques y tenaient une conférence pour entretenir en eux la grâce de leur caractère (1633). Si l'on considère que Vincent de Paul a, pendant la régence d'Anne d'Autriche, tenu la feuille des bénéfices, on imaginera sans peine quelle action il a dû avoir sur la réforme du haut clergé. Former des prêtres instruits et pieux était la grande nécessité du temps. L'Oratoire n'y suffisait pas, distrait de son premier objet par l'enseignement. Il fallait des séminaires. Adrien Bourdoise (1584-1655), de naissance obscure comme Vincent de Paul, commença, à partir de 1618, à instruire de jeunes clercs et à les préparer à la prêtrise, dans la communauté-séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet. Olier (1608-1657) fit, pour la France entière et le monde, ce que Bourdoise avait fait pour la ville de Paris. Il vivait en communauté, depuis quelques mois, avec plusieurs prêtres à Vaugirard (1641), lorsqu'il devint curé de Saint-Sulpice (1641). Il les emmena avec lui, les logea près de lui et leur confia de jeunes clercs destinés à la prêtrise. C'est l'origine du séminaire de Saint-Sulpice, véritable séminaire national, d'où sortirent tant d'évêques et tant de prêtres savants et pieux. Olier établit des séminaires au Puy, à Nantes, etc., et jusqu'au Canada. Avant lui, le P. Eudes avait fondé en Normandie et en Bretagne les premiers séminaires provinciaux. La Compagnie du Saint-Sacrement ne poursuivait pas telle ou telle œuvre, mais toutes les bonnes œuvres catholiques. Le duc de Ventadour, — laïque héroïquement pur qui avait voué à Dieu sa chère jeune femme, — l'avait créée en 1629 (ou 1630) pour servir de trait d'union entre toutes les sociétés qui se proposaient l'assistance des malades et des pauvres, la moralisation des masses, et la conversion des hérétiques. Elle devait les aider, les exciter, les soutenir de son argent, de son influence, de ses relations. C'était comme une sorte d'office central de bienfaisance et de propagande catholique. Elle eut bientôt des succursales dans les principales villes de province, à Bordeaux, Poitiers, Toulouse, Limoges, Marseille, Grenoble, Lyon, Amiens, Caen, Dijon, etc., qui toutes correspondaient avec le Bureau central de Paris. L'affiliation se faisait d'homme à homme avec beaucoup de mystère. La Compagnie cachait son action et même son existence, pour échapper au contrôle et à la jalousie des évêques, des parlements, des officiers du roi. Elle n'aurait pas été soufferte, si elle avait avoué qu'elle prétendait remédier à toutes les misères sociales et suppléer à l'insuffisance religieuse et morale de l'Église et de l'État. Aussi était-elle organisée en société secrète. Il est remarquable qu'inspirée à l'origine par des religieux, elle ait, sur leur conseil même, exclu de ses comités les réguliers, comme asservis à la volonté de leurs supérieurs. Elle a prodigieusement entrepris et c'est même à la grandeur de ses ambitions et de son action qu'on peut le mieux mesurer la force du mouvement catholique. Très souvent, elle a devancé dans les voies de la charité le héros même de la charité. Avant lui, elle s'est occupée des galériens, avant lui des forçats et des bagnes barbaresques. Consciemment ou inconsciemment, Vincent de Paul a parfois été l'agent de ses œuvres et le distributeur de ses aumônes. Elle a travaillé à purger les quartiers de Paris des filles publiques. Elle a visité les prisons ; elle a nourri les prisonniers, elle les a soignés, elle leur a fourni des prêtres. Elle a recommandé et, quand elle le pouvait, imposé la décence dans les églises. Elle a dénoncé les désordres publics et, malheureusement aussi, les privés aux magistrats ; elle a poursuivi les blasphémateurs, les illuminés, les gens scandaleux. Naturellement les réformés, qui niaient le sacrement de l'autel, étaient particulièrement odieux à la Compagnie du Saint-Sacrement. Elle a organisé des missions pour les convertir et n'a pas négligé des moyens plus profanes. Elle ne s'intéressait aux hérétiques pauvres que si l'assistance devait les ramener au catholicisme. Elle a entretenu et développé l'esprit de prosélytisme et de haine qui aboutira à la révocation de l'Édit de Nantes. Quand on compare le bien et le mal qu'elle a fait, on demeure perplexe. Elle était pleine de bonnes intentions ; elle a soulagé bien des misères ; elle a tenté, avec la force que donne le nombre, de mettre le Christianisme en action dans une société si dure aux misérables et si peu chrétienne par ses institutions. Mais ses pratiques de délation répugnent, et son esprit d'intolérance fait horreur. Du zèle religieux de ce siècle, le jansénisme aussi est né. On se rappelle que la mère Angélique avait réformé Port-Royal des Champs. La communauté, chassée de cette maison par la fièvre, s'était établie à Paris au haut de la rue Saint-Jacques (1626). Elle eut, pendant plusieurs années, comme Directeur spirituel, Zamet, évêque de Langres, prélat fastueusement dévot, qui trouvait le couvent aux relations mondaines, tout en mêlant an relâchement de la discipline des exagérations théâtrales de cérémonies et de pénitences. Mais, en 1636, Saint-Cyran devint Directeur de Port-Royal. Il exclut Zamet de toute influence et même de l'entrée et ramena les religieuses à la rigueur de la règle et à la pratique de la vie intérieure. Zamet, évincé, se plaignit à Richelieu. Il dit, et beaucoup d'autres répétèrent, que le nouveau Directeur spirituel, sous prétexte de sauvegarder la dignité des sacrements, détournait les religieuses de la communion trop fréquente. On citait ce jugement de Saint-Cyran : Non, il n'y a plus d'Église, et cela depuis plus de cinq ou six cents ans ; auparavant, l'Église étoit comme un grand fleuve qui avoit ses eaux claires ; mais maintenant ce qui nous semble l'Église, ce n'est plus que bourbe ; le lit de cette belle rivière est encore le même, mais ce ne sont plus les mêmes eaux. Il aurait parlé du Concile de Trente comme d'une assemblée politique. Richelieu n'était que trop disposé à écouter les accusateurs. Il avait, étant évêque de Luçon, connu Duvergier de Hauranne, qui n'était pas encore abbé de Saint-Cyran, et, devenu ministre, avait essayé de s'attacher cet homme, grand par le caractère, l'austérité de sa vie et l'étendue de sa science théologique. Mais Saint-Cyran avait décliné l'offre qu'il lui faisait de plusieurs évêchés et abbayes. Il restait en relations étroites avec le théologien de Louvain, Jansénius, qui reprenait la question de la grâce et qui était fortement suspect d'avoir lancé contre le roi de France, après le sac de Tirlemont, un pamphlet violent, le Mars Gallicus. Seul ou à peu près de tous les théologiens, Saint-Cyran s'était prononcé contre l'annulation du mariage de Gaston d'Orléans avec Marguerite de Lorraine. Quelques-unes de ses opinions blessaient Richelieu en son orgueil de controversiste. Autrefois, dans son Catéchisme et à ce moment même dans le Traité de la Perfection chrétienne, qu'il avait commencé à la fin de 1636, il enseignait que la crainte des peines de l'enfer (attrition) suffit avec la confession pour racheter les péchés. Or, Saint-Cyran déclarait le salut impossible sans la contrition parfaite, c'est-à-dire sans l'amour de Dieu et le regret de l'avoir offensé. Ce désaccord pouvait avoir en politique son contre-coup. Louis XIII se demandait quelquefois avec inquiétude si l'appréhension des peines éternelles suffirait à l'absoudre de ses alliances avec l'hérétique. Un livre du P. Seguenot sur la Virginité, où cet Oratorien soutenait que la confession sans la contrition était inefficace, redoubla ses angoisses. Richelieu s'informa de la filiation des doctrines du P. Seguenot, et put remonter jusqu'à Saint-Cyran. Le 14 mai 1638, il le fit arrêter et enfermer au Donjon de Vincennes, la conscience assurée, déclarait-il, d'avoir rendu service à l'Église et à l'État. III. — LA RÉFORME DE L'ÉGLISE ET DES ORDRES RELIGIEUX. LA Foi de cette génération devait lui faire paraître encore plus scandaleux les abus que la corruption des clercs, les préjugés du temps et la politique des rois avaient introduits dans l'Église. Les évêchés étaient quelquefois attribués à des enfants, qui, comme le disait, en 1614, l'évêque de Lisieux, Cospeau, étaient encore ou entre les bras de leur nourrice ou régentez dans les collèges ; ils étaient donnés à de grands seigneurs qui n'avaient d'ecclésiastique que l'habit. Souvent aussi le roi assignait des pensions sur les évêchés et les bénéfices comme il l'aurait fait sur une recette générale. La Noblesse et la haute Bourgeoisie s'étaient habituées à considérer les biens d'église et les couvents comme l'espérance des cadets, la ressource des familles nombreuses, la Providence des maisons ruinées. Sans que ce fait puisse être invoqué contre la force et la sincérité de la Renaissance religieuse au XVIIe siècle, il est certain que l'appauvrissement de certaines classes a contribué alors à peupler les couvents. Tandis que Richelieu, aux États généraux de 1614, attribuait la perte et la ruine de l'Église à l'abus des commendes, la Noblesse regrettait le temps où tous les bénéfices ecclésiastiques allaient à ses cadets et où, comme dit un écrit du temps, les chefs des maisons et autres parents des gens d'Église en recevoient une grande utilité, parce qu'ils estoient aydez et soulagez tant en la dépense de leurs enfans mules qu'aux mariages de leurs filles. Par résignation, les abbés commendataires et les possesseurs des cures se transmettaient les bénéfices de père en fils ; et, grâce à ce détour, la commende tournait à la sécularisation. Mais les filles sans dot que les pères mettaient au couvent, les cadets qui se faisaient d'Église pour vivre richement dans le monde, les abbesses choisies dans l'aristocratie, les grands seigneurs transformés en prélats avaient leur façon de comprendre la vie cléricale. Ils continuaient (sauf exception) dans leurs diocèses, quand par hasard ils y résidaient, ou dans les monastères, à recevoir et à donner des fêtes, à chasser et à danser. Ce n'était pas le haut Clergé que rêvait Richelieu. Il faut surtout, écrit-il dans le Testament politique, qu'un Évêque soit humble et charitable, qu'il ait de la science et de la piété, un courage ferme et un zèle ardent pour l'Église et pour le salut des âmes. Il recommande au Roi de ne choisir pour évêques que ceux qui auront passé un temps considérable après leurs études à travailler aux dites fonctions (ecclésiastiques) dans les Séminaires, qui sont les lieux établis pour les apprendre... Il veut obliger les élus de résider dans leurs Diocèses, d'y établir des Séminaires pour l'instruction de leurs ecclésiastiques, d'y visiter leur troupeau. Mais il avait des préjugés de classe et, tout en reconnaissant que les gens de naissance se contenaient plus difficilement en leur devoir, il les préfère pour ces hauts emplois. Les gens qui ne sont que doctes et pieux sont souvent de fort mauvais Évêques, ou pour n'être pas propres à gouverner, à cause de la bassesse de leur extraction, ou pour vivre avec un ménage (économie) qui, ayant du rapport avec leur naissance, approche beaucoup de l'avarice, au lieu que la Noblesse qui a de la vertu a souvent un particulier désir d'honneur et de gloire, qui produit les mêmes effets que le zèle causé par le pur amour de Dieu ; qu'elle vit d'ordinaire avec lustre et libéralité conforme à telle charge et sçait mieux la façon d'agir et de converser avec le monde. Elle ne savait souvent rien d'autre. Aussi Richelieu conclut-il qu'il faut faire sa part à la vertu mal née. Puisque la science, la piété, les bonnes mœurs et la naissance ne se trouvent pas souvent réunies, la meilleure règle qu'on puisse avoir en ce choix (des évêques) est de n'en avoir point de générale, mais de choisir quelquefois des gens sçavans, d'autrefois des personnes moins lettrées et, plus nobles, des jeunes gens en certaines occasions et de vieux en d'autres... En fait, il a surtout nommé des personnes moins lettrées et plus nobles, appartenant aux grandes familles de robe ou d'épée. Il s'est plus préoccupé du service de l'État que du bien de l'Église. Il estime que Du Plessis-Houdancourt fera un très bon évêque de Nancy, car il est savant et propre à prêcher dans la ville et à prendre après le baston de la croix, sy l'occasion s'en présente, pour la deffendre. S'il imposa un coadjuteur à l'évêque de Montauban, Murviel, qui ne se montrait pas actif et zélé à l'honneur de Dieu et salut des âmes, il était tout à fait indulgent pour Cohon, évêque de Nîmes, aussi peu zélé que Murviel, mais qui, à l'Assemblée du Clergé de 4633, batailla pour obtenir au roi des subsides. Malgré ces contradictions, Richelieu a aidé à la réforme. Ni lui ni Louis XIII n'eussent souffert de leurs prélats un manquement public, scandaleux, aux bonnes mœurs. A défaut de vertu, ils imposèrent la décence. Le ferveur religieuse du commencement du siècle s'était manifestée par la fondation d'un grand nombre d'ordres nouveaux ; elle poussait aussi à la réforme des anciens Ordres, qui, sauf les Chartreux, s'étaient beaucoup relâchés. Dans la plupart des couvents, les moines et les religieuses n'observaient plus la clôture, se dispensaient des offices en commun, des veilles débilitantes. Ceux qui étaient de familles riches ou aisées logeaient à part, et, contrairement au vœu de pauvreté, avaient de l'argent et des meubles. Ils recevaient et faisaient des visites. Mais ce n'étaient là que les moindres écarts de quelques-unes de ces abbayes de Thélème. Le Clergé, le Parlement, et même nombre de religieux demandaient le rétablissement de la discipline. Plusieurs monastères de différents ordres d'eux-mêmes travaillèrent et réussirent à se réformer. Les Bénédictins de Lorraine avaient repris, dans sa rigueur, la règle de Saint-Benoît et s'étaient constitués à part sous le nom de Congrégation de Saint-Vanne. Leur exemple fut suivi en France dans les monastères de Saint-Augustin de Limoges (1613), de Saint-Faron de Meaux, de Saint-Pierre de Jumièges, qui, en 1618, formèrent la Congrégation de Saint-Maur. Les abbayes bénédictines de Bretagne étaient, elles aussi, revenues à l'austérité primitive. Mais ces religieux de l'étroite observance n'étaient qu'une faible minorité. Louis XIII intervint. Sur sa demande, le pape Grégoire XV chargea le cardinal de La Rochefoucault de réformer en France les monastères de Saint-Benoît, de Saint-Bernard et de Saint-Augustin (8 avril 1622). Le commissaire pontifical y travailla avec beaucoup de zèle, assisté par Bérulle et soutenu plus tard par le Cardinal-ministre. Mais il y eut bien des résistances. Le couvent des Grands-Augustins de Paris était devenu, dit discrètement l'abbé Houssaye, la fable de Paris et de la France. Bérulle, qui voulut remédier au scandale, fut reçu à coups de pierres. L'un des moines courut à l'autel, s'empara d'un chandelier et essaya de l'en frapper, un autre... leva la main pour le souffleter (1628). Dix ans après (8 juillet), Richelieu demandait au roi trois compagnies de gardes françaises et suisses pour rétablir l'ordre chez les Carmes. A Bordeaux, l'archevêque François de Sourdis, prélat peu endurant, se colleta avec les nonnes de l'Annonciade ; il souffleta la mère abbesse et son aumônier perdit dans la bagarre son manteau et sa barrette. Il installa quatre soldats chez les Dominicains pour aider le prieur à les réduire ; il dut enfoncer la porte des Cordeliers et les expulsa. Olier, chargé de visiter (1638) le couvent de La Regrippière, de l'Ordre de Fontevrault, près d'Angers, trouva porte close ; il fut même contraint de se mettre à couvert pendant la nuit dans une étable pleine d'infection. Le Cardinal s'occupa lui-même des Bénédictins. Cette immense famille monastique était divisée en Congrégations ou Ordres, réformés ou non : Ordre de Cluny, de Cîteaux, Congrégations de Saint-Vanne, de Saint-Maur, de Chezal-Benoît, etc., chacun de ces groupes comprenant un grand nombre de monastères et suivant, à sa façon, plus ou moins fidèlement, la règle de saint Benoît. Richelieu, nommé en 1627 coadjuteur de l'abbé de Cluny et abbé en 1629, avait appelé dans ce monastère des Bénédictins réformés de Saint-Vanne ; il relégua dans les différents prieurés les religieux qui ne voulurent pas s'astreindre à la stricte observance de la règle de saint Benoît. Il pressa l'établissement de la réforme dans l'abbaye de Marmoutier. Il aida la congrégation de Saint-Maur à s'annexer les abbayes de Saint-Germain-des-Prés (1631) et de Saint-Denis (1633). Mais il ne s'oubliait pas lui-même. Il projeta de grouper les congrégations de Saint-Vanne et de Saint-Maur et l'ordre de Cluny, en un corps tripartite dont il aurait été le supérieur généralissime. C'eût été le premier pas vers la réunion, aussi politique que religieuse, de tous les Bénédictins de France et de Lorraine. Il ne réussit qu'à unir l'ordre de Cluny avec la congrégation de Saint-Maur, et cela malgré le pape qui refusa les bulles (1634-1636). Administrateur de Chezal-Benoît et élu en 1637 abbé de Cîteaux, il avait juridiction sur presque tous les monastères bénédictins de France. Avec cette grande puissance, Richelieu n'obtint que de médiocres résultats. L'expulsion des religieux réfractaires, l'intervention des archers et des soldats ne suffisaient pas à changer les mœurs des couvents. Les divers pouvoirs qui s'attribuaient un droit de police sur les moines : papes, évêques, parlements, Conseil du roi, n'agissaient pas souvent de concert. Le principal réformateur, Richelieu, ne se souciait pas assez des contradictions : il signalait les abus de la commende et possédait de nombreuses abbayes en commende. Il touchait déjà 1.500.000 livres de revenus en bénéfices ecclésiastiques, quand il se fit attribuer sur Chezal-Benoît une nouvelle pension de 30.000 écus. Il s'est prononcé à la fin de sa vie contre la discipline
rigide qu'il avait tout d'abord appliquée à Cluny. ... Il vaudroit mieux, dit-il dans son Testament
politique, établir des réformes modérées dans l'observation
desquelles les corps et les esprits pussent subsister aucunement à leur aise,
que d'en entreprendre de si austères que les plus forts esprits et les corps
les plus robustes ayent de la peine à en supporter la rigueur. Il y a un point sur lequel il n'a jamais varié, c'est qu'il était de la prudence du roi d'empêcher la trop grande multiplication des monastères. Il faut..., dit-il, mépriser l'opinion de certains esprits aussi faibles que dévots et plus zélés que prudens, qui estiment souvent que le salut des âmes et celui de l'État dépendent de ce qui est préjudiciable à tous deux. Il pensait aussi qu'en France, pays infecté d'hérésies, la doctrine était nécessaire chez les religieux. La congrégation de Saint-Maur devait pleinement le satisfaire ; elle institua pour les jeunes religieux des cours de théologie dogmatique et de philosophie, et ensuite de positive (histoire de la théologie), de droit canon, de grec et d'hébreux, pour les mettre en état de bien connaître l'Écriture et les Pères. Le supérieur général, D. Grégoire Tarisse, fit commencer les travaux d'érudition qui devaient être la gloire de son ordre. Il enrichit de manuscrits et de livres la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. Il faut faire gloire de cette renaissance des études plus à l'esprit du siècle qu'à l'intervention du cardinal de Richelieu. Mais l'intérêt qu'il leur portait s'est manifesté matériellement en Sorbonne. La Sorbonne était, on le sait, une société de Docteurs logés et nourris dans les bâtiments que Robert de Sorbon, aumônier de saint Louis, avait légués à cette fin. Comme la plupart des actes, c'est-à-dire des examens et des soutenances se passaient dans cette maison, l'habitude s'est établie de confondre la Société de Sorbonne avec la Faculté de Théologie elle-même, qui comprenait, outre les docteurs de Sorbonne, les Docteurs, boursiers en d'autres collèges, et les Ubiquistes, qui n'étaient pensionnaires nulle part. Il y avait à la Sorbonne des boursiers à vie — c'étaient les sociétaires qui se recrutaient eux-mêmes à l'élection parmi les docteurs en théologie — et des boursiers temporaires, étudiants en doctorat nourris et logés gratuitement jusqu'à leur examen. Le chef élu de cette libre association, le Proviseur, était toujours un personnage considérable. Richelieu avait été choisi pour proviseur par la Sorbonne en 1622 alors que sa fortune était encore incertaine. Il lui en était reconnaissant et le montra bien dès qu'il fut ministre. Les bâtiments de la Sorbonne menaçaient ruine ; il les fit raser ainsi que le collège de Calvi et de Notre-Dame des Dix-Huit, qu'il avait achetés, et, sur cet emplacement, chargea l'architecte Jacques Le Mercier de construire une nouvelle et plus ample Sorbonne (1626). La première pierre fut posée en 1627, et les travaux furent poussés si rapidement qu'en 1629 un docteur de Sorbonne, Filesac, louait la beauté de l'édifice proportionnée moins à l'importance de la Société qu'à la grandeur d'Aine du Cardinal. Richelieu fit commencer en 1635 l'église de la Sorbonne, dont le bâtiment était achevé en 1642. IV. — GALLICANISME ET ÉPISCOPALISME. ALORS que l'Église était si puissante et si riche, l'ambition de la diriger ou de l'exploiter devait être plus vive. Des conflits éclatèrent entre le clergé régulier et le clergé séculier, entre le roi et le pape. Le développement rapide des ordres religieux commençait à inquiéter l'épiscopat. Les réguliers, serviteurs immédiats du Saint-Siège, invoquaient les privilèges qu'ils tenaient de Rome pour s'exempter de la juridiction de l'évêque diocésain et, sans sa permission, prêcher et administrer les sacrements. Les curés se plaignaient que les églises des paroisses fussent abandonnées pour les chapelles des couvents. Même un cordelier portugais, le P. Emmanuel Rodrigue, qui avait un grand succès de prédication, avait, en 1621, fait ou laissé imprimer le Sommaire (Compendium) d'un grand ouvrage (Quæstiones regulares), paru en 1609, où il établissait que les ordres religieux étaient d'institution divine, et, à ce titre, indépendants des curés, des évêques, du pouvoir temporel. Ces prétentions provoquèrent dans le haut Clergé un réveil d'esprit gallican, sous une de ses formes, l'épiscopalisme, qui, faisant des évêques presque les égaux du pape, leur attribue toute autorité dans leur diocèse. L'Assemblée du clergé de 1625 fit un règlement pour protéger les curés et les évêques contre les empiétements des réguliers. Ce fut le point de départ d'une campagne épiscopaliste. L'évêque de Belley, Camus, écrivit le Directeur spirituel désintéressé (1631), l'Ouvrage des moines de Saint-Augustin, et le Rabat-joye du triomphe monacal (1623). A la même époque, Saint-Cyran publia (1632-1633) divers écrits anonymes, réunis sous le titre de Petrus Aurelius, pour démontrer le droit de l'épiscopat. L'Assemblée générale du Clergé de 1635 approuva l'ouvrage. Richelieu s'inquiétait de cette querelle. Il avait cru pacifier le monde religieux en obligeant Edmond Bicher, le rénovateur du gallicanisme en Sorbonne, à rétracter les doctrines du Libellus, — et la querelle reprenait sous une autre forme. Il ne voulut intervenir que comme médiateur, prêcha aux religieux la déférence et aux évêques les ménagements ; il décida même les uns et les autres à soumettre leur différend à la Cour de Rome (1633). L'un des plus ardents contre les moines et le pape, leur patron, était l'archevêque de Rouen, François de Harlay, qui avait fait supprimer du manuel du diocèse ce que le cardinal de Joyeuse y avait mis touchant la vraye authorité du pape. Chacun sçait, lui écrivait Richelieu, qu'il y a des questions problématiques au sujet de l'authorité du pape, mais comme il est libre de croire ce qu'on veut en telles matières, il ne l'est pas de révoquer en doute que les papes soient vicquaires généraux de Jésus Christ en terre, et que comme telz ilz ayent une juste primauté sur tous les prélats de l'Église, et on ne peut, sans scandale, donner la moindre impression au peuple qu'on soit mal imbu de cette vérité. L'archevêque persistant, il fut un moment question de saisir son temporel. Harlay céda. Camus, qui continua encore quelque temps la guerre d'écrits contre les moines, fut enfin, lui aussi, obligé de désarmer. Il n'est pas facile de préciser l'opinion de Richelieu sur les rapports du spirituel et du temporel. Les actes de son gouvernement paraissent contradictoires. En 1625, il conseillait au Roi de faire publier le concile de Trente — sous la réserve ordinaire des droits de la couronne — et en même temps d'établir des conciles provinciaux, investis d'une juridiction sur les prélats et les moines, — sous la réserve des droits et authorité de N. S. P. le pape, juge supérieur de l'Église, — lequel serait supplié d'autoriser les dits conciles à test effest comme juges déléguez de sa part en dernier ressort, sauf pour les causes graves dont il lui plaira de se réserver l'appel. Plus tard, lors de ses démêlés avec le pape à propos de politique extérieure et avec le Clergé de France à propos de contributions, il laissa le garde de la Bibliothèque du roi, Pierre Dupuy, publier en 1639[4] le Traité et les Preuves des libertés de l'église gallicane, où étaient réunies les preuves de l'indépendance du roi à l'égard du pape et de son droit de tutelle sur l'Église de France, les deux dogmes du gallicanisme parlementaire ou politique et, pour mieux dire, du régalisme. Sur la plainte du nonce, l'ouvrage fut interdit par le Conseil du roi, mais pour cette seule raison qu'il avait été publié sans privilège. La même année, une ordonnance (26 nov. 1639) renouvelait et aggravait les sanctions contre les mariages clandestins, exigeait le consentement des parents ou des tuteurs, imposait la présence du curé de la paroisse et. de quatre témoins dignes de foi, prononçait la peine de mort contre le rapt. L'État légiférait en des matières que le Concile de Trente, sous peine d'anathème, avait réservées à l'autorité ecclésiastique. Les ultramontains répondirent par des pamphlets. L'Optati Galli de cavendo schismate... liber paraeneticus (janvier 1640) opposa l'autorité de l'Église à l'autorité des princes séculiers, comme si, disait au Parlement le procureur général Molé, les deux puissances étoient contraires et que la spirituelle fust nécessaire seule. Il mit en doute le droit que s'attribua le Roi de faire des édits et ordonnances touchant les mariages ; il lui déniait celui de lever des subventions sur le Clergé, en cas de nécessité de l'État. Il accusa le Cardinal de méditer un schisme et de vouloir se faire élire en un concile national patriarche de l'Église gallicane. Le Parlement ordonna que ce libelle séditieux serait lacéré et brûlé en la cour du palais par le bourreau (23 mars 1640). Un jésuite, le P. Rabardeau, réfuta point par point l'auteur de l'Optati Galli dans son Optatus Gallus de cavendo schismate.... benigna manu sectus, Paris, 1641[5]. Le Roi, dit-il, a le droit d'imposer l'Église ; il est juste que les clercs non seulement par de pieuses oraisons, mais encore par des subsides contribuent, selon leurs moyens, à assurer le salut et l'honneur du Roi, contre les ennemis du dedans et du dehors. Quant à la création d'un patriarche même investi d'une pleine juridiction ecclésiastique, elle ne serait contraire ni à la suprématie du pape ni à l'unité de l'Église. Mais le Roi très chrétien et les évêques français n'y avaient pas songé même en rêve. Le P. Rabardeau avait raison de défendre le gouvernement de méditer un schisme. S'il était vrai que Richelieu en eût fait la confidence au prince de Condé, il ne faudrait voir là qu'une manœuvre pour intimider la Cour de Rome. Entre les gallicans parlementaires et les ultramontains, Richelieu avait la prétention de garder le juste milieu. En telle matière, écrit-il dans son Testament politique, il ne faut croire ni les gens du palais qui mesurent d'ordinaire la puissance du roi par la forme de sa couronne, qui étant ronde n'a point de fin, ni ceux qui, par l'excès d'un zèle indiscret, se rendent ouvertement partisans de Rome. Il demanda à Pierre de Marca, conseiller du roi, ancien président du parlement de Pau, de montrer que les libertés gallicanes sagement entendues n'étaient pas incompatibles avec les droits du Saint-Siège. De là le livre De Concordia sacerdotii et imperii, 1641, qu'on peut considérer comme exprimant les vues de Richelieu sur l'accord des deux pouvoirs. Le principal fondement des libertés de l'Église gallicane, c'est la reconnaissance de la primauté et de l'autorité souveraine de l'Église de Rome, parce que l'Église gallicane étant un des plus illustres membres de l'Église universelle dont le pape est le chef, celle de France ne peut pas jouir des privilèges d'une vraie Église si elle n'est unie de communion avec ce chef. Cette primauté du pape consiste dans le droit de faire des lois générales, de juger sans appel les affaires portées à son tribunal, et de ne pouvoir être jugé ni par les évêques ni par les conciles. Le second fondement des libertés de l'Église gallicane, c'est l'autorité souveraine des rois ; ils l'ont reçue de Dieu et ne connaissent point de supérieur au temporel. S'ils n'ont pas le droit de légiférer ni même de connaître des délits des clercs en matière ecclésiastique, ils peuvent, comme protecteurs de l'Église, faire des lois pour l'exécution des Canons. Marca nie que le principe des libertés gallicanes soit, comme l'enseignent les écoles de théologie de France, la supériorité des conciles sur les papes. Que le pape soit ou non au-dessus des conciles, il est tenu de respecter les coutumes anciennes de l'Église. Il ne peut pas davantage révoquer les privilèges qu'il a accordés aux rois de France pour les récompenser des services qu'ils ont rendus à la papauté. Marca examine en quels cas les appels comme d'abus sont légitimes, et en quels cas non. Il ne peut y avoir appel comme d'abus dans les causes purement spirituelles ou qui regardent l'administration des sacrements ; on n'appelle point d'abus des rescrits du pape, mais seulement de leur exécution. Marcs admet l'appel comme d'abus contre qui viole les Canons et les Décrets confirmés par les Édits de nos rois, pourvu que la violation en soit claire et certaine. Il maintient que les officiers du roi, faisant fonction de leur charge, ne peuvent être excommuniés. V. — IMMUNITÉ FINANCIÈRE DES CLERCS. MAIS si Richelieu délimite le domaine du roi, il entend y rester le maitre. Quand Urbain VIII s'était aperçu (un peu tard) que la lutte entre la France et les Habsbourg profitait surtout aux protestants, il avait offert sa médiation sans succès. Il témoigna son mécontentement comme il put ; il refusa de nommer Richelieu coadjuteur de l'archevêque Électeur de Trêves (1633-1634), puis de l'investir du généralat de l'Ordre de Cîteaux et de l'ordre des Prémontrés. Pour lui faire peur, Richelieu avait envoyé, en 1634, comme ambassadeur extraordinaire, et maintenu, comme ambassadeur ordinaire, le conquérant de la Valteline, le marquis de Cœuvres, devenu le maréchal d'Estrées. Les relations n'en devinrent pas meilleures. Le Conseil du roi (11 juin 1638) défendit les envois d'argent à Rome pour l'expédition des bulles ; le Pape, à son tour, refusa d'investir les évêques nommés par le Roi. Le cardinal Francesco Barberini, gouverneur de Rome, et l'ambassadeur de France étaient en lutte ouverte. Le gouverneur fit saisir dans le couvent de la Trinité-des-Monts des esclaves turcs convertis qui s'étaient réfugiés là pour échapper aux galères, où l'ambassadeur d'Espagne voulait les faire ramener. Mais le couvent étant de fondation royale, le gouverneur avait violé à la fois les immunités de l'Église et les droits du roi. Tandis que Mazarin, devenu l'agent de Richelieu, et le cardinal Antonio Barberini, frère de Francesco, cherchaient un accommodement, un écuyer de l'ambassadeur, Rouvray, attaqua, à coups d'épée et de pistolet, les sbires pontificaux et leur arracha un de ses valets, Biasone, qui tenait un tripot mal famé dans le quartier de l'ambassade. Le gouverneur fit assassiner Rouvray et exposer sa tête à Rome. D'Estrées quitta la ville, et le Roi défendit au nonce du pape, Scotti, de se présenter à son audience jusqu'à ce que son ambassadeur eût reçu satisfaction. Chavigny, le secrétaire d'État, alla porter cet ordre à Scotti, qui répliqua que quand on viendroit aux extrémités, il Papa mellerebbe il Re sotto (le Pape ferait toucher le Roi des épaules) et qu'il savoit bien qu'en ce cas la plupart des évêques de France seroient pour sa Sainteté contre le Roi. Louis XIII piqué interdit à tous les évêques et prélats qui étaient à Paris d'avoir aucune communication avec le sieur Scoty, nonce extraordinaire en ce royaume. Et comme ils demandaient des explications, il leur signifia qu'ils eussent à se mêler de gouverner leurs moines et non des affaires de son État. Le Clergé était, à ce moment, très irrité contre le Ministre, qui prétendait le faire contribuer aux charges du royaume. Même pour prendre La Rochelle, l'Assemblée générale du Clergé qui se tint à Poitiers et à Fontenay (6 février-24 juin 1628) avait voté avec peine un subside extraordinaire de trois millions de livres. Ce fut bien pis quand il s'agit de soudoyer les princes protestants d'Allemagne. L'Assemblée de 1635 (25 mai 1635-27 avril 1636) fut encore plus difficile. Le Clergé plaignait misère ; il défendait avec âpreté ses richesses, le patrimoine des pauvres, comme il disait. Richelieu ne pouvait admettre le principe en vertu duquel le Clergé revendiquait une immunité absolue. Il savait que les besoins de l'État étaient réels, et ceux de l'Église, chimériques et arbitraires. Tandis que les tailles avaient doublé de 1624 à 1639, le Clergé, depuis 1610, avait fait réduire sa subvention ordinaire et annuelle de 1.300.000 livres à 1.173.000. Après l'expérience de 1635, le gouvernement, toujours plus besogneux, était résolu à mettre le Clergé à contribution, sans lui demander son avis. Dupuy, pour préparer l'opinion, inséra dans ses Preuves des Libertez de l'Église gallicane (1639) un mémoire sur les contributions, subsides et autres devoirs auxquels les ecclésiastiques de France sont obligez envers le Roy en cas de nécessité. Une déclaration royale (Saint-Germain, 19 avril 1639) exposa le caractère précaire de la propriété ecclésiastique. Le droit de posséder des biens de mainmorte est un don gracieux du roi, qui peut, s'il le veut, contraindre les ecclésiastiques à vuider leurs mains des dites possessions dans l'an et jour de leurs acquisitions et, à faute de ce faire, les en dépouiller. Ces biens n'étant pas sujets à mutation, le roi perd sur eux ses droits seigneuriaux et royaux. Aussi, pour l'indemniser, les anciennes ordonnances portent qu'il pourra distraire à son profit une partie des biens amortis ou faire payer finance équipolente à la valeur de cette partie. Comme le Clergé n'a pas demandé des lettres d'amortissement, le roi pourrait confisquer les domaines ecclésiastiques, mais il veut bien se contenter du droit d'amortissement. Il ordonne donc que tous les bénéficiers, et que les hôpitaux, confréries, marguilleries, etc. — sauf les hôtels-Dieu actuellement employez à l'entretien et nourriture des pauvres et les nouveaux monastères et couvents establis depuis trente ans en ça —, fournissent à ses commissaires un inventaire détaillé, avec titres à l'appui, de tous leurs biens, héritages, rentes foncières et autres droits. Par un édit de mai 1639, le roi ordonne l'enregistrement, moyennant finances, aux greffes royaux, institués à cet effet, de toutes les lettres de tonsure et autres ordres, actes, collations, provisions, expéditions bénéficiales, — l'établissement en chaque ville et lieu capital des diocèses de ce royaume, d'un garde cel des dits actes et expéditions ecclésiastiques — et la création d'avocats et de procureurs en toutes les officialités et juridictions ecclésiastiques. Il vendait ces offices dont le Clergé devait faire vivre les titulaires. La même année, il prolongea sans terme l'obligation prise en 1635 par l'Assemblée du Clergé de payer pendant cinq ans deux cent mille livres de rente, émises à l'Hôtel de Ville ; puis il invita les bénéficiers à lui verser pendant deux ans le sixième de leurs revenus (octobre 1640). Le Clergé, déjà très irrité par l'obligation de publier la liste de ses biens et revenus, s'indignait que de nouveaux subsides lui fussent imposés sans que le gouvernement consultât une assemblée générale, ni parlât même de la réunir, comme il devait le faire, l'année suivante. Un de ses agents généraux, l'abbé de Saint-Vincent, forma opposition et, malgré la défense du Conseil, écrivit aux diocèses. Le Cardinal consentit à convoquer l'assemblée ; elle s'ouvrit à Paris le 15 février 1641 et de là fut transférée à Mantes dans le diocèse de Chartres dont l'évêque, Léonor d'Étampes, était un ami de Richelieu. Malgré la pression officielle, les 15 provinces ecclésiastiques avaient élu beaucoup d'adversaires du gouvernement, dont quelques-uns, comme l'archevêque de Sens, Octave de Bellegarde, et l'archevêque de Toulouse, Montchal, qui a laissé sur cette assemblée des Mémoires curieux, repoussaient le principe même d'un subside. Richelieu demandait 6 600.000 livres ; l'Assemblée lui offrit 4 millions de livres en trois années si la guerre duroit autant. Le gouvernement abaissa sa demande à 6 millions. La discussion recommença. L'évêque d'Autun, Claude de la Magdeleine, déclara que tous les biens de l'église appartenaient au roi et que Sa Majesté laissant aux ecclésiastiques de quoi pourvoir à la nourriture et entretiennement modéré, pouvait prendre tout le surplus. Il n'y avoit aucun bon Français, ajouta l'évêque, qui ne fût de ce sentiment. Ce discours dit Montchal étonna l'assemblée.... Il y eut des débats violents et les présidents appréhendèrent que comme au second concile d'Éphèse il n'y eut des coups donnez et que cette assemblée ne passât à l'avenir, comme ce synode, pour un brigandage. Après de longues négociations, le Cardinal consentit à faire une nouvelle remise de 500.000 livres. L'Assemblée finit par accepter. Mais les présidents, l'archevêque de Sens et l'archevêque de Toulouse refusèrent de signer la délibération passée par la pluralité des voix. Le Roi envoya D'Emery signifier à l'Assemblée le 3 juin que les présidents se sont rendus indignes par cette action, et commander aux deux archevêques ainsi qu'à leurs adhérents, les évêques d'Évreux, de Maillezais, de Bazas et de Toulon, de sortir le jour même de cette ville et de se retirer dans leurs diocèses, sans passer par Paris. Lorsque D'Emery eut transmis cet ordre, il ajouta, élevant davantage la voix : Je vous ordonne, monsieur de Sens, et vous, monsieur de Toulouse et à M. de Maillezais et à M. de Bazas et à M. de Toulon de me suivre et sortir présentement. L'archevêque de Sens répondit : qu'il recevoit avec honneur et respect tout ce qui venoit de la part du roi, même les paroles injurieuses. D'Emery l'interrompit, disant qu'il n'y avoit point de paroles injurieuses de la part du roi. A quoi l'Archevêque répliqua : Vous me devez donner loisir d'achever et vous entendrez que je les appelle injurieuses venant de votre bouche. Les principaux opposants expulsés, les délibérations furent calmes jusqu'à la clôture (22 août). Le Pape ayant renouvelé les anathèmes contre ceux qui attentent aux droits ou aux biens de l'Église (3 juin 1641), la Chambre des vacations (le Parlement étant en vacances) fit, sur la requête du Procureur général, défense à tous de publier la bulle, sous peine d'être déclarés criminels de lèse-majesté (18 septembre). Ainsi procédait contre l'Église gallicane le Cardinal-ministre, qui, aux États généraux de 1615, déclarait au nom de son ordre : N'est-ce pas une honte d'exiger de personnes consacrées au vrai Dieu ce que les païens n'ont jamais désiré de ceux qui étoient dédiés au service de leurs idoles ? Pourtant il ne faudrait pas croire qu'il eût changé de sentiments et qu'il voulût de parti pris abolir l'immunité des clercs. Ce dessein jurait trop avec la haute idée qu'il avait du Sacerdoce. Mais la détresse des finances lui paraissait constituer ce cas de force majeure (rebus urgentibus) où, de l'aveu des théologiens, l'État était autorisé à toucher aux biens d'Église. Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, Richelieu n'innovait point ; il faisait ce qu'avaient fait les rois précédents ; seule la façon impérieuse et brutale de ses agents ou la sienne donnait aux actes de son gouvernement une marque propre. Il y a même opposition et même contradiction entre sa conduite et ses maximes à l'égard de Rome. Il malmena fort, à l'occasion, Urbain VIII, mais il professait au fond, sur les rapports du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, la doctrine conciliante connue sous le nom de Duvilisme (du nom du docteur en Sorbonne Du Val, son principal auteur), qui admettait à la fois la toute-puissance du roi et la toute-puissance du pape et le droit divin de ces deux puissances[6]. |
[1] SOURCES : Lettres, Mémoires et Testament politique du cardinal de Richelieu. Aubery, Mémoires pour l'histoire du cardinal duc de Richelieu, 1660, II. Joseph Grandet, Les saints prêtres français du XVIIe siècle, ouvrage publié pour la première fois d'après le manuscrit original par G. Letourneau, 1 vol., 1897. Abelly, La vie du vénérable serviteur de Dieu, Vincent de Paul, instituteur et supérieur général de la congrégation de la mission, divisée en 3 livres, Paris, 1664. Louis Batterel, Mémoires domestiques pour servir à l'histoire de l'Oratoire, p. p. Ingold et Bonnardot, II, 1903. Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, XVI. Mémoires de Mathieu Molé, II, S. H. F. Mémoires de Omer Talon, M. et P., 3e série, VI. Collection des Procès-verbaux des assemblées générales da clergé de France, II et III, 1768-69. Mémoires de M. de Montchal, archevêque de Toulouse, 1718, 2 vol.
OUVRAGES
A CONSULTER : G. Fagniez, Le P. Joseph et Richelieu, I et II.
Hanotaux, Histoire du cardinal de Richelieu, I et II. Caillet, L'Administration
sous le cardinal de Richelieu, I. D'Avenel, Richelieu et la monarchie
absolue, 1895, III. Picot, Essai historique sur l'influence de la
religion en France pendant le XVIIe siècle, 1824, 2 vol. Sainte-Beuve, Port-Royal, 1888, I.
Francis Parkmann, The Jesuits in
[2] Cette déclaration, publiée en février 1638, était déjà rédigée en novembre 1637, alors que rien ne faisait prévoir la grossesse inespérée d'Anne d'Autriche. C'est donc à tort qu'on y a vu un vœu ou un remerciement pour la naissance de Louis XIV (5 sept. 1638).
[3] Il fit juger et condamner au feu, le curé de Saint-Pierre de Loudun, Urbain Grandier, bel homme et avantageux, dont les succès inquiétaient les maris et finirent même par troubler dans leur retraite de pauvres Ursulines. Toutes convenoient, raconte Richelieu, d'avoir vu en leurs chambres un homme qu'elles dépeignoient, sans le connoître, tel qu'étoit le curé de Saint-Pierre de Loudun, qui leur parloit d'impureté et, par plusieurs persuasions impies, essayoit d'y attirer leur consentement. Ensuite de ces apparitions, quelques-unes d'elles se trouvèrent tourmentées et faire des actions d'obsédées ou possédées du malin esprit Grandier fut brûlé vif, le 18 août 1634, et mourut impénitent, ce qui fut un témoignage épouvantable de l'abandon que Dieu fait à la mort de ceux qui l'ont abandonné durant leur vie... et de la puissance rigoureuse que le diable exerce à cette extrémité sur ceux qui la lui ont donnée (leur vie) volontairement. Richelieu poursuivit aussi des illuminés qui, prétendant que, dans l'union de l'âme avec Dieu, les actes du corps sont Indifférents, mêlaient leur mysticisme de sensualité.
[4] Ou 1638. G. Demante, Bibliothèque de l'École des Chartes, 1re série, V (1843-1844), p. 597.
[5] Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, nouvelle édition, par le P. Carlos Sommervogel, Bibliographie, VI, col. 1358, 1885.
[6] Certaines opinions de Richelieu scandalisaient les hommes du XVIIIe siècle, comme on peut en juger par les notes de l'éditeur du Testament politique. Sur l'authenticité du Testament politique, si souvent cité au cours de ces chapitres, voir la démonstration de M. Hanotaux, dans l'Introduction aux Maximes d'État et fragments politiques du Cardinal de Richelieu, Mélanges historiques. Choix de Documents (Coll. Doc. inédits), t. III, 1880, p. 719-728.