I. — MISÈRE ET DÉSORDRES. LA guerre avait été générale, de parti à parti, de ville à ville, de château à château. Les bourgeois, les ouvriers et même les paysans, gens paisibles, s'étaient battus. La consommation de vies humaines avait été énorme. Les sièges, le passage des armées, les pillages, les saccagements, les incendies avaient multiplié les ruines ; les fermes, censes et quasi tous les villages, dit une Déclaration royale du 16 mars 1595, étaient inhabités et déserts ; le labour avait cessé presque partout. Il n'y avait revenus publics ou privés qui ne fussent en desgat ou non-valeur. Les routes étaient coupées de fondrières ; les ponts branlaient et croulaient ; les talus et les digues des rivières s'effondraient. La mer, où le roi n'avait plus un navire, était livrée aux pirates de toutes nations. Sur terre, sur mer, les marchands couraient mêmes risques. La France et moi, écrivait Henri IV, avons besoin de reprendre haleine (1er mai 1598). Les trois Ordres avaient inégalement, mais durement, pâti. L'Église avait, de mauvaise grâce d'ailleurs, contribué aux frais de la lutte pour une part que le clergé du diocèse d'Auxerre, en 1593, évaluait à 3 millions de livres de revenu. A ce compte, les ecclésiastiques, à qui le Tiers-État attribuait, en 1561, 120 millions de biens-fonds, rapportant 4 millions de rentes, en auraient, d'une date à l'autre, perdu les trois quarts[2]. L'exagération est évidente, mais le sacrifice a dû être grand. La Noblesse n'avait pas, comme le Clergé, la ressource du baisemain (le casuel d'aujourd'hui) pour réparer ses pertes. L'exploitation des mines d'Amérique avait fourni aux Espagnols et, par leur intermédiaire, aux autres peuples d'Europe une masse énorme d'or et d'argent qui, par suite de son abondance, avait perdu de son prix. Le pouvoir d'achat du numéraire avait en France, au dire de La Noue, baissé dans la proportion de 4 à 1. Les seigneurs qui avaient cédé des terres à leurs paysans, contre des redevances en espèces, continuaient à percevoir le même revenu, mais qui n'avait plus la même valeur. Ce qui coûtait cinq sols au temps passé en coûtait vingt au temps d'Henri III. Les nobles s'appauvrissaient sans le savoir. Cependant il leur avait fallu faire campagne, payer des soldats, garder leurs châteaux, protéger leurs terres. Déjà, entre 1583 et 1585, La Noue estimait que, de dix parts de la Noblesse, huit étaient incommodées par aliénations de quelque portion de leurs biens, engagemens et autres dettes. Or, la lutte ne fut jamais si furieuse qu'à partir de 1585. Pour dégager les gentilshommes obérés, le gouvernement, par une véritable mesure de salut public, réforma les contrats de créances. Il ordonna (juillet 1594) que, sur les rentes constituées au denier douze (8,33 p. 100), ou au denier dix (10 p. 100), ou à un taux plus faible, les arrérages des cinq dernières années, du 1er janvier 1589 à la fin décembre 1593, seraient réduits d'un tiers, soit de 8,33 à 5,54 et de 10 à 6,66 p. 100. C'était la remise d'un an et huit mois d'intérêts sur cinq ans. Les mêmes lettres royales, il est vrai, obligeaient les débiteurs ainsi favorisés à verser, dans les huit trimestres de 1595-1596, le restant de l'arriéré avec les intérêts courants, sous peine d'être déchus de toute grâce et décharge. Mais lorsque la déclaration de guerre à l'Espagne (avril 1595) eut rappelé la Noblesse à l'armée, le Roi, qui s'avouait lui-même incapable de payer les rentes de l'Hôtel de Ville, prolongea de trois ans le terme accordé aux emprunteurs pour s'acquitter. Il leur permit en outre de rembourser immédiatement leurs créanciers. Ce n'était pas encore assez. Les condamnations pour dettes, déclarait Henri IV en juillet 1601, ont été cause de la ruine de plusieurs bonnes et anciennes familles et si le mal s'étendait, il pourrait à la longue aussi bien occasionner quelques remuëmens en cet estat Monarchique que les usures et grandes debtes ont fait par le passé en plusieurs Republiques. Aussi faisait-il défense à tous ses sujets de constituer désormais des rentes à plus haut prix qu'au denier 16. Cette mesure, s'ajoutant à celle de 1595 qui autorisait le remboursement immédiat, offrait le moyen d'emprunter à 6,25 p. 100 pour rembourser les dettes contractées à 8,33 et 10 p. 100. Encore fallait-il que les débiteurs trouvassent à emprunter. L'argent étant rare et leurs charges trop lourdes, ils durent le plus souvent, pour se libérer, abandonner aux créanciers ou vendre des châteaux, des maisons, des champs, des seigneuries. De ce fait, il y eut, pendant et après les guerres civiles, une immense translation de propriétés. En 1605, François Miron, prévôt des marchands de Paris, estimait que la moitié des terres du royaume avait été vendue au Châtelet. De la Noblesse, qui en possédait la plus grosse part, elles passèrent à tous ceux qui s'étaient garés ou même avaient profité des troubles : officiers du roi, financiers, parvenus. Dès le début du XVIIe siècle, en Champagne, aux environs de Château-Thierry, châteaux, fiefs, arrière-fiefs sont possédés... par des seigneurs et des écuyers dont les ancêtres vendaient du drap dans la petite ville[3]. Et probablement il en était. ainsi dans d'autres parties du royaume. Si la Noblesse de race s'était résignée, la paix faite, à se confiner comme autrefois à la campagne, elle aurait pu, vivant simplement, reconstituer ou conserver son patrimoine. Mais elle avait pris le goût d'une autre vie. Pendant quarante ans, elle avait été presque toujours en armes, combattant pour le roi, pour la Cause, pour la Ligue. Elle s'était déshabituée du ménage des champs. Elle avait vu d'autres pays, approché les princes, connu le luxe, la culture et les raffinements des Valois. Elle avait appris par expérience que les services de Cour étaient les plus appréciés et que, loin des yeux du roi, loin du cœur. Elle avait comparé la fête perpétuellement changeante des résidences royales avec l'isolement morne de ses châteaux. Elle ne l'oubliera plus. Appauvrie et démoralisée, elle recherchera les charges militaires et civiles de la maison du roi ; elle abandonnera le soin de ses propriétés pour la domesticité du prince. De rurale qu'elle était, elle tend à devenir courtisane. En attendant, pour suffire aux nouveaux besoins de dépense et aux pertes de la guerre, les seigneurs pressuraient les paysans qui, pillés par amis et ennemis, n'en pouvaient plus et, de désespoir, se révoltaient. En 1579-1580, les paysans dauphinois des deux religions refusent à main armée les dîmes, les tailles et les cens seigneuriaux[4] ; en 1590, c'est la Jacquerie des Gauthiers en Normandie ; en 1592, dans la région de Comminges, les gens du plat pays font une ligue qu'ils nomment campanelle[5] pour courir sus et faire la guerre à la noblesse. C'est aussi contre la Noblesse que s'arment, en 1594, les paysans du Périgord et du Limousin, les Croquants et Tard-Avisés. Ils se plaignaient que les gentilshommes leur fissent payer la rente au double et triple de ce qu'ils devaient et en tout et partout les traitoient en qualité d'esclaves. Des bourgeois les dirigeaient et les inspiraient : l'un d'eux, le notaire La Chagne, aurait eu l'idée de grouper les habitants des campagnes et de convoquer les paroisses par billets à une grande Assemblée dans la forêt d'Abzac, terre de Limeuil. Il s'y trouva de sept à huit mille hommes armés, parmi lesquels beaucoup de soldats des dernières guerres (23 avril 1594). Ils votèrent que la diversité de croyances ne serait pas un obstacle à leur union. Les plus violents proposaient de nommer un syndic du plat pays, de tenir les champs pour le service du roi et de raser les maisons des gentilshommes, qui ne faisaient que courir sus au bœuf de leur voisin. Les plus sages firent triompher l'avis de déléguer au roi pour lui en demander la permission. Le mouvement gagnait l'Agenois, le Quercy, la Saintonge, la Haute et Basse Marche. Un mois après, le 30 mai, se réunissaient dans la plaine de La Boule, près de Bergerac, 20.000 paysans qui, arborant leurs chapeaux au bout de leurs armes, criaient : Liberté ! Liberté ! Vive le Tiers-État ! L'agitation, un moment apaisée par le pardon qu'Henri IV accorda avec la remise de l'arriéré des tailles, reprit l'année suivante. En février 1593, les Croquants députèrent aux États du Périgord sous le nom de Tiers-État du plat pays. Ils demandaient un syndic pour être comme un tribun du peuple ; la diminution des tailles ; la même organisation financière qu'en Languedoc : taille réelle et suppression des Élus ; enfin la restitution aux tribunaux ordinaires des causes où la Noblesse était intéressée et l'abolition de son privilège d'évocation tant au parlement que conseil du roi. Cette année-là (1595), en ces quartiers, les terres ne furent pas ensemencées, et il y eut grande disette en avril, mai, juin. Les paysans roulant çà et là avec enseignes et tambours passèrent la Dordogne et se répandirent dans le Bas Périgord. Le sénéchal Henri de Bourdeilles, qui n'avait pas de soldats, forma une ligue de gentilshommes contre cette ligue de paysans. Dans les articles de leur association, les nobles accusaient les peuples du Limousin, Périgord, Quercy, Agenois de s'élever contre tout droit divin et humain ; car ils refusent de payer les dîmes, ordonnées dès le commencement du monde pour le service de Dieu, et les tailles, qui sont dues au roi. Ils travaillent à renverser la monarchie et à établir une démocratie à l'image des Suisses. Les deux armées se rencontrèrent à Saint-Crépin-d'Auberoche (26 août 1595). Après un combat qui ne fut ni grand ni décisif, les nobles tournèrent vers Périgueux. Les Croquants se mirent en retraite vers Saint-Alvères, murmurants et accusantz leurs chefs de trahison. Ils se dispersèrent et, la fin des guerres civiles promettant quelque adoucissement à leurs maux, ne se réunirent plus. Ces insurrections étaient la manifestation superficielle d'une hostilité, qui subsista, entre seigneurs et sujets. La Bourgeoisie vivait sur son épargne, mais cette épargne même tarissait. L'État, qui payait irrégulièrement les gages des officiers, payait si mal, depuis 1585, les intérêts de la dette publique qu'en 1605 il devait 60 millions d'arriérés (environ 160 millions de francs, valeur absolue). Comme l'habitude était déjà prise de prêter à l'État, pour plus de sécurité, les capitaux des veuves, des mineurs, les dots, les legs des hôpitaux et des institutions charitables, on voit quelle répercussion avait la suspension des arrérages de la dette. Les grandes villes, quoique abritées par leurs remparts contre le pillage, étaient appauvries par l'interruption du travail et la misère environnante. Il est cogneu à tous, écrivait le tailleur du roi, Barthélemy Laffemas, que l'on faisoit avant les troubles quatre fois plus de manufactures (de drap) qu'à présent. Les teinturiers de Paris teignaient autrefois en une seule année six cent mille pièces de drap, ce qui, dit, en 1604, Isaac Laffemas, fils de Barthélemy, ne se fait à présent en six ny huit années. A Provins, de 1.600 métiers (à draps), il en restait quatre ; de 1.500 chefs de famille, pas même 500. Déjà en 1576, 6.000 ouvriers en serjetterie (serges et camelots) étaient à Amiens réduits au chômage et vivaient d'aumônes. Quelle devait être la situation de la ville après la Ligue et le siège de 1597 ? A Senlis, Meaux, Melun, Saint-Denis, la manufacture était presque arrêtée. Les échevins de Tours déploraient, avec quelque exagération (30 oct. 1596), qu'au corps des ouvriers en soye, où, auparavant les troubles, il y avoit plus de huit cents maistres ouvriers et plus de six mil compagnons..., il ne reste pas plus de deux cents maistres et plus aucuns compagnons ny apprentis. Les laines du Languedoc, du Dauphiné, de la Provence sortaient toutes du royaume et allaient à Milan et à Florence, d'où elles revenaient manufacturées. La France était obligée d'acheter à l'étranger les gros draps pour habits d'hommes, les toiles pour linges, les chaussures, la chapellerie. Les Anglais expédiaient en Picardie et Normandie à pleins vaisseaux jusqu'à leurs vieux chapeaux, bottes et savates, au grand mespris des François et de la police. Les ouvriers souffraient de la fermeture des ateliers, du chômage, de la diminution des salaires et aussi de la transformation industrielle qui n'était pas un mal passager. Plus encore qu'autrefois, il leur est difficile de devenir patrons. Dans les métiers organisés en corporations ou, comme on dit, jurés, ils ne peuvent le faire sans avoir obtenu des lettres de maîtrise. Mais, en ce temps de trouble économique, les maîtres, qui les confèrent, ont plus d'intérêt que jamais à ne pas augmenter le nombre de leurs concurrents. Ils compliquent l'examen ; ils exigent des ouvriers un chef-d'œuvre, long à fabriquer et coûteux. Ils ne sont faciles qu'aux fils de maîtres ou au compagnon qui épouse la veuve d'un maître. Ils considèrent le droit de lever ouvroir comme le monopole de quelques familles. Si dans les métiers libres, — qui sont plus nombreux au XVIe siècle que les métiers jurés[6], — les ouvriers peuvent sans lettres de maîtrise devenir maîtres, ils n'en ont pas le plus souvent le moyen. Les procédés industriels se perfectionnent ; des industries nouvelles se créent, qui sont déjà, — l'imprimerie ou la soierie par exemple, — des industries mécaniques ; pour s'établir, ce n'est plus assez de quelques outils, d'une échoppe, de quelques marchandises ; il faut un matériel coûteux, des approvisionnements, un fonds de roulement, beaucoup d'ouvriers. Dans les industries nouvelles et, en général, dans les grandes villes, au patron du moyen âge, qui travaillait dans sa boutique avec quelques apprentis et compagnons, tend à se substituer une sorte d'entrepreneur de travaux. Ces patrons-là s'efforcèrent de tirer le plus de profit de leur argent et le plus de parti de leurs ouvriers ; ils maintinrent bas le prix de la main-d'œuvre et augmentèrent les heures de travail ; ils demandèrent à l'État, aux villes, aux parlements de fixer un tarif maximum des salaires, et, dans beaucoup d'endroits, ils réussirent. Les ouvriers, éloignés des patrons dont quelques-uns ne besognaient plus eux-mêmes et gagnaient sans main mettre, les regardèrent comme des exploiteurs. Ces deux classes commencèrent à se sentir étrangères l'une à l'autre. Des confréries d'ouvriers s'organisent à côté des confréries de patrons et quelquefois contre elles. A Paris, les compagnons cordonniers sont si mal avec les maîtres que, quoique membres de la même confrérie, ils ont leurs jours distincts pour les cérémonies religieuses. Ils ont des mots de passe, des signes de reconnaissance, des rites mystérieux. Quand l'un d'eux est renvoyé par le patron, ils mettent la boutique en interdit, écartent, au besoin par la force, les garçons, compagnons non affiliés, qui voudraient continuer le travail. Ouvriers sans travail, paysans chassés des campagnes par l'insécurité et la misère, encombraient les villes d'une multitude d'affamés. A Paris, le lundi 4 mars 1596, on compta au cimetière des Innocents 7.769 pauvres. Les villes employaient les mendiants valides comme elles pouvaient. A Montdidier, ils sont embrigadés en trois compagnies de 50 hommes chacune et, sous peine du fouet et du bannissement, travaillent aux fortifications. Les hôpitaux regorgeaient de malades et d'invalides, qui y périssaient faute de soins. Du 1er janvier au 10 février 1596, il mourut à l'Hôtel-Dieu de Paris 416 personnes, la plupart de faim. Dans ces milieux misérables, la peste est presque endémique. En quinze mois, à Abbeville (1596-1597), elle enleva 8.000 personnes ; en 1599, elle reprit et tua dans la ville et les environs 12.000 personnes. A Paris, à la même époque, la coqueluche et des fièvres pestilentes sévirent ; elles furent suivies de la peste en 1606 et 4607. Les imaginations, terrifiées par tant de maux, découvraient partout des signes de la colère divine. La guerre estant finie entre les hommes, dit L'Estoile, commença celle des loups contre eux... Principalement en la Brie, Champagne et Bassigni, on contoit de cruels exploits faits par les dits loups (juin 1598). Pasquier n'exagérait pas quand il écrivait que, qui aurait dormi quarante ans, penserait voir non la France, ains ung cadaver de la France. Henri IV avait résolu, aussitôt la paix conclue, de décharger ses pauvres sujets du plat pays de l'oppression et barbare cruauté de la plupart de ses gens de guerre. Mais, pas plus que les gouvernements précédents, il ne s'inquiéta du sort des capitaines et des milliers de soldats qu'il licencia. Dès le 31 mai, une partie de l'armée de Picardie était, sans avoir touché, sa solde dissoute. Le roi exprimait tous ses regrets de ne pouvoir la payer et promettait que le premier argent serait pour elle. Il est impossible de savoir combien d'hommes il a congédiés. Il cassa toutes les compagnies de chevau-légers, sauf la sienne et celle de ses deux bâtards ; il ne conserva que la compagnie de gens d'armes du duc de Mayenne et du connétable de Montmorency. Il réduisit l'infanterie royale au régiment des gardes, aux trois vieux régiments créés sous Charles IX (Picardie, Champagne et Piémont), auxquels il ajouta son régiment de Navarre, et à quatre compagnies de gens de pied, dont les capitaines, le sieur de Nerestang et le sieur Du Bourg de l'Espinace, avaient fait bravement leur devoir contre lui sous les ducs de Mayenne et de Nemours. En même temps qu'il dispersait les combattants, le roi leur interdisait (déclaration du 4 août) le port et l'usage des armes à feu, sous peine d'amende et de confiscation des armes pour la première fois, sous peine de mort en cas de récidive. Tous les soldats ne retournèrent pas aux champs, à l'atelier, au logis. Beaucoup se glissèrent dans les villes et firent la guerre à la bourse des passants et des habitants. Le 19 septembre 1598, on exécuta quatre jeunes soldats en place de Grève ; le 13 février 1599, deux autres encore. Paris était si peuplé de voleurs qu'il fut question de faire corps de garde et sentinelles la nuit pour la sûreté des maisons. Il y a, écrit le Bâlois Thomas Platter en 1599, moins de risques à voyager dans une forêt vierge qu'à se trouver dans les rues de Paris, surtout lorsque les lanternes sont éteintes. Des bandes infestaient les campagnes. Aux environs de Tournus des voleurs à cheval battaient l'estrade. Un voyageur allemand, Hentzner, dut, pour n'être pas dévalisé, aller par mer de Boulogne à Eu. Pendant cette période pacifique de 1598 à 1610, qui ne fut qu'un moment interrompue par la guerre de Savoie, le brigandage ne cessa pas. Il y avait parmi ces détrousseurs beaucoup de nobles. Le capitaine Guillery a fourni une large matière à la légende et à la chanson. C'était, dit-on, un cadet d'une grande famille bretonne, qui avait combattu avec Mercœur contre le roi et avec le roi contre le duc de Savoie. Lors de la paix de Lyon (1601), il réunit quelques hommes de sa compagnie et leur exposa qu'il fallait vivre. Les soldats lui jurèrent fidélité jusqu'à la mort. Il les emmena dans l'Ouest et s'établit aux confins de la Bretagne, du Poitou et de l'Anjou, dans le pays de toutes les chouanneries. Les mauvais garçons de la région le rejoignirent ; il eut plus de quatre cents hommes, qui, des forêts de Machecoul, de la Chastenerie et des Essarts, où ils se cachaient, partaient en guerre contre les marchands, les voyageurs et la maréchaussée. Son programme affiché aux arbres, sur les grands chemins du Poitou, aux abords des foires et marchés portait : Paix aux gentilshommes, la mort aux prévôts et archers, la bourse aux marchands. Dans son fort des Essarts, il avait du canon pour se défendre ; son logis était tendu de tapisseries en cuir d'Espagne que ses compagnons avaient enlevées dans une course sur mer. Pour le forcer, il fallut réunir quinze à vingt prévôts, armer les communes et mener contre lui 4 500 hommes. Le repaire fut pris ; Guillery se sauva ; son frère et quatre-vingts de ses compagnons furent roués à Saintes (1604). Guillery, réfugié en Gascogne, s'y maria et vécut trois ans paisible, mais il fut reconnu par un marchand, qu'il avait dépouillé, et exécuté à La Rochelle le 4 décembre 1608. En 1604, le Languedoc n'était pas encore débarrassé des bandes de brigands. Les États de la province entreprirent, à leurs frais, le siège du Bouchet en Velay pour en débusquer le cadet de Senejouls. Le baron d'Entraigues et trois de ses fils furent décapités à Toulouse pour arrestations sur les grands chemins. Quelques-uns de ces voleurs étaient d'abominables bandits. En mars 1607, on exécuta à Tours le capitaine Buleu, dit Sans-Crainte, et le capitaine Dubois ; ils avaient avoué cent vingt meurtres. Le Vénitien Angelo Badoer, qui fut ambassadeur en France de 1603 à 1605, est confondu de tant de crimes. Le pire, dit-il, c'est que, bien que la justice s'exerce très rigoureusement contre les voleurs et les assassins et qu'on voie tous les jours pendre, écarteler, rouer et donner la mort dans mille tortures, on ne cesse pas pourtant d'entendre parler de vols et d'assassinats, si bien qu'on peut dire que la justice ne sert pas en France à sa fin naturelle, qui est, par la punition des uns, de donner exemple aux autres[7]. La fréquence des duels est une autre manifestation de cette fureur meurtrière. En 1607, 4.000 gentilshommes avaient péri en combat singulier. Les nobles ont réappris, pendant les derniers troubles, s'ils l'avaient jamais oublié, à se faire eux-mêmes justice. Pour la moindre affaire, ils réunissent leurs amis, montent à cheval, courent la campagne. Ils font pis : ils enlèvent les riches héritières, les enferment et les épousent de force. Ils n'ont point de scrupules à surprendre un adversaire et à le frapper désarmé. L'un des hommes les plus respectés du parti protestant, le compagnon d'armes et le conseiller le plus dévoué d'Henri IV en ses années d'épreuves, Du Plessis-Mornay, fut assailli, jeté à terre et bâtonné dans une rue d'Angers par un jeune homme, Georges Vaudreuil, marquis de Saint-Phal, qui l'accusait de l'avoir desservi auprès du roi (28 octobre 1597). Le maréchal de Brissac recueillit Saint-Phal, son neveu, dans sa maison de La Guerche et s'excusa, sous différents prétextes, de le remettre aux magistrats enquêteurs. A leur tour, les amis de Du Plessis projetèrent d'entrer en campagne avec trois régiments pour se saisir de Saint-Phal et le livrer au roi. Henri IV déclara qu'il se réservait le droit de faire justice et la ferait telle que tous les parents de l'offensé en seraient satisfaits. Mais lorsqu'il eut Saint-Phal en son pouvoir, il ne se décida pas à mécontenter les Brissac pour satisfaire Du Plessis-Mornay. Celui-ci dut se résigner, après plus d'un an d'attente, à une réparation verbale dont les termes avaient été arrêtés par le Connétable et les maréchaux de France, constitués en tribunal d'honneur. Le coupable passa un jour à la Bastille et, conduit devant le roi, détesta l'acte qu'il avait commis (13 janvier 1599). Quand ces querelles de gentilshommes n'intéressaient pas directement l'autorité royale, Henri IV intervenait discrètement. Il prêta son artillerie au sieur de Fontanges pour assiéger dans le château de Pierrefort (Haute-Auvergne) le ravisseur de sa fille, mais, comme les assaillants ruinés le suppliaient de prendre à sa charge les frais d'attaque du château, il se demanda s'il le devait et, au cas où il le devrait, donna l'ordre à Sully de le faire au meilleur ménage et le moins à la foule de son peuple qui se pourroit (août 1607). II. — DÉSORGANISATION ADMINISTRATIVE. CONTRE tous ces désordres, le gouvernement ne disposait que de moyens affaiblis. Le Conseil que les Valois avaient légué à Henri IV était composé de trop de gens et de trop grands personnages pour que le roi fût bien servi. Les gouverneurs de provinces choisis dans la plus haute aristocratie avaient, comme représentants du roi, les pouvoirs les plus étendus et, pendant les guerres civiles, ils s'en étaient arrogé d'autres que les ordonnances leur refusaient. Ils avaient de leur autorité levé des troupes, établi et perçu des impôts ; ils avaient usurpé sur la prérogative royale le droit de délivrer des lettres de naturalisation et de légitimation, celui d'autoriser l'établissement de marchés, de foires et l'exportation des grains hors du royaume[8]. Ils s'étaient permis de rendre la justice, bien qu'ils n'eussent que le droit de prêter main-forte aux arrêts des parlements et autres juges. Ils s'habituaient à considérer leurs charges comme héréditaires. Henri de Montmorency-Damville, successeur d'Anne de Montmorency dans la province du Languedoc, avait pris les armes et s'était joint aux protestants pour garder son gouvernement, que Charles IX voulait lui enlever. D'Épernon, envoyé en Provence et destitué pour ses méfaits par Henri IV, avait traité avec Philippe II ; et il avait fallu, pour le ramener, lui donner le gouvernement de l'Angoumois et de la Saintonge. Henri IV avait dû laisser dans leurs charges ou placer dans des charges équivalentes les survivants de la Ligue. Un avocat célèbre du parlement de Paris, Jacques Leschassier, et le jurisconsulte Loyseau dénonçaient l'inamovibilité des gouverneurs comme le plus grand des hasards qui menaçoient la France[9]. Les parlements se souvenaient du grand rôle qu'ils avaient joué pendant la Ligne. Quatre de ces parlements sur sept (Paris, Toulouse, Aix en Provence, Dijon) ne s'étaient soumis qu'après l'abjuration du roi. Le parlement ligueur de Provence avait traité avec lui de la soumission de la province ; celui de Paris se flattait que son célèbre arrêt en faveur de la loi salique avait sauvé la dynastie. Les membres des parlements, recrutés dans les plus riches familles de la marchandise ou de la finance, avaient une importance sociale d'autant plus grande que la Noblesse allait s'appauvrissant. La vénalité des charges, l'impossibilité où se trouvait le gouvernement d'en rembourser le prix, étaient pour eux la meilleure garantie d'inamovibilité. Aussi, pendant que la Noblesse et le Clergé perdaient de leurs droits et privilèges, la magistrature n'avait cessé de grandir avec la royauté, qu'elle avait si fortement aidée contre les pouvoirs du moyen âge. Mais il était inévitable que la lutte éclatât, entre les rois, toujours plus enclins à l'absolutisme, et des officiers, serviteurs zélés sans doute, mais attachés aux traditions, aux lois et à leurs propres privilèges. La question religieuse avait, comme on l'a vu, aigri le désaccord et les parlements avaient été entraînés dans l'universelle révolte. Il leur en restait des habitudes et un langage d'opposition. Avec l'exagération d'un ennemi, Hotman, dans sa Franco-Gallia, reprochait, déjà en 1574, aux gens de justice d'avoir contraint tous les princes du royaume, voire même la majesté du roy, de passer sous leur main et de s'humilier sous leur grandeur. Mais il est certain que l'opinion publique avait besoin d'un organe, et, il était naturel qu'en l'absence des États généraux, elle s'adressât aux parlements, comme à un quatrième ordre qui formait un raccourci des trois autres. Le premier président du parlement de Dijon, Brûlard, remontrait à Henri IV (27 janvier 1596) que les officiers étaient comme une barrière entre la royauté et le peuple pour défendre ce dernier des impositions et charges extraordinaires. Le prestige des parlements était grand. Celui de Paris inspirait à Legrain, historien d'Henri IV, une sorte de respect religieux ; il en parle comme d'un Sénat vénérable où réside le Saint-Esprit. Les corps judiciaires imposaient, par la gravité de leurs allures, leur rang dans l'État, la situation sociale de leurs membres. De près, on s'aperçoit qu'ils sont composés d'hommes — et faillibles. Les charges de judicature, fermées au mérite pauvre, sont ouvertes aux enrichis ou à leurs enfants. On les achète pour la considération qu'elles procurent. Elles rapportent des gages misérables, qui représentent à peine l'intérêt, au denier vingt, du quart de l'argent versé. Mais les épices, autrement dit les cadeaux que les justiciables faisaient à leurs juges, s'étaient transformés en taxes et constituaient un supplément de traitement que les donataires cherchaient à augmenter le plus possible. L'édit sur l'administration de la Justice (Rouen, janvier 1597) parle des plaintes que provoquent les grandes et excessives espices qui se taxent en nosdicts parlements, grand conseil, cours des aydes et autres nos cours souveraines et inférieures et fait un cas de conscience et d'honneur aux présidents de les modérer. Exhortations qui n'ont pas été bien efficaces. La plupart des magistrats continuent à rendre à très haut prix la justice, quand ils ne la vendent pas. Ils se mettent aux gages des princes, prélats, seigneurs, chapitres, communautez et autres personnes quelconques et, dans les affaires où leurs patrons sont intéressés, se trouvent être juges et parties. Ils font, sous noms supposez, du commerce, contrairement aux ordonnances, et s'associent aux partisans. L'esprit de corps couvre toutes les défaillances ; il est d'autant plus fort que, contrairement aux ordonnances, le père et le fils, les deux frères, le beau-père et le gendre, l'oncle et le neveu siègent dans le même parlement et quelquefois dans la même chambre. Les lois ne peuvent rien contre cet abus redoutable, surtout aux extrémités du royaume. Les familles riches, qui ont plusieurs représentants dans les parlements provinciaux, sont souvent unies par des mariages avec la noblesse du pays. Ces alliances entre féodaux et parlementaires sont terribles aux faibles et aux petits, qu'ils livrent sans recours aux violences des puissants. Le juge et le seigneur, de concert, oppriment les misérables. Les excès ont dei être énormes pour que les gouvernements du XVIe et du XVIIe siècle s'en soient émus et que, pour assurer la justice contre la justice, ils n'aient vu d'autre remède que l'emploi périodique de Grands Jours, faisant le tour du royaume, s'informant des connivences et jugeant les complices des juges. Les officiers de finances prêtaient aux mêmes reproches. On sait que le Conseil du Roi répartissait la taille entre les 21 généralités et, sur les recettes prévues, imputait les dépenses[10] ; l'impôt était recueilli dans chaque Élection par un receveur particulier qui le versait aux receveurs généraux de la généralité ; les trésoriers généraux, à la fois administrateurs du Domaine, chefs du service des Ponts et Chaussées et ordonnateurs des finances prélevaient et employaient sur place une partie des fonds perçus ; tout le reste ou, comme on disait, les revenans bons, devait être porté au Trésor de l'Épargne, à Paris, pour payer les dépenses du gouvernement proprement dit : entretien du roi et de sa maison, armée, marine, ambassades. Mais le désarroi des guerres civiles avait rendu difficile la pratique de cette organisation et les administrateurs de toute sorte avaient largement profité du manque de contrôle. On ne savait plus exactement ni les charges ni les ressources. L'État avait emprunté même à ses officiers des finances, et, comme il n'était en état de leur payer ni le capital ni les intérêts, il fermait les yeux sur les artifices ou les négligences de leur comptabilité. Du haut en bas de l'administration financière, c'était le vol et c'était plus encore le désordre. Les membres du conseil des finances, les trésoriers de l'Épargne, les trésoriers généraux assignaient ou faisaient assigner les créances, les pensions, les gages de ceux qu'ils favorisaient sur des recettes sûres ; ils imputaient les dettes qui ne les intéressaient point sur des recettes obérées. Ils faisaient des virements. A leur exemple, la plupart des officiers de tout grade profitaient du désordre des temps, de la difficulté de la perception, du défaut de contrôle et de surveillance. Ils détournaient une partie des recettes, en retenaient une autre pour de prétendus travaux de réparation, en affectaient une autre encore au paiement de rentes et de recettes imaginaires ; achetaient à bas prix les assignations qu'ils avaient refusé de payer et se remboursaient au prix réel. Et de ces deniers du roi, si raréfiés, ils se faisaient payer très cher les frais de port et de voiture. En toutes les affaires il se commettait de grands larcins et brigandages. La Chambre des comptes, établie pour surveiller et punir les abus, était suspecte, elle aussi, de malverser[11]. Ses membres achètent leurs charges et, pour s'indemniser, abusent des épices dans les affaires de finances où ils sont juges. D'ailleurs les acquits au comptant soustraient à leur contrôle une grande partie des dépenses. De ses revenus : domaine, impôts, douanes, l'État ne retire qu'un faible produit. Les biens de la couronne sont presque entièrement aliénés. La vente des charges, qui est le seul droit domanial lucratif, ne rapporte que 150.000 livres. La taille, impôt direct, qui frappe à la fois le capital, le revenu et le travail, est inscrite au budget pour 20 millions de livres, mais la misère du pays et de ceux qui la payent est si grande qu'en 1600 Henri IV est obligé d'abandonner 20 millions d'arriérés. La taille était essentiellement l'impôt roturier. Elle était personnelle dans la plus grande partie du royaume et réelle dans le Languedoc et la Provence. La bourgeoisie réussit le plus souvent à se libérer d'un impôt qui est une charge et une tare. Elle recherche les fonctions qui anoblissent : offices de Cour, charges municipales, de judicature et de finances. A la longue, les gens de guerre, les recteurs des universités, régents, bedeaux, professeurs, étudiants, les avocats et greffiers, avaient été gratifiés ou s'étaient emparés du privilège. Beaucoup de villes avaient acheté la franchise ; Henri III avait vendu des lettres de noblesse. Or, chaque fois que le roi faisait un noble, il diminuait, dans les pays de taille personnelle, le nombre des terres imposables et augmentait la quote-part des taillables. L'impôt refluait de plus en plus sur les habitants de la campagne : il devenait l'impôt des paysans. Pendant les guerres civiles, les abus de la perception s'étaient encore aggravés. Les Élus, qui faisaient la répartition entre les paroisses, déchargeaient celles où ils avaient leurs propriétés ; dans chaque paroisse, les asséeurs (répartiteurs) exemptaient ou ménageaient leurs parents et leurs amis. En Normandie, remontrent les États provinciaux en 1593 : ... La moitié, voire les deux parts des contribuables... indûment se exemptent comme bourgeois de ville, archers, hommes d'armes[12]. C'était en raccourci le tableau de la France taillable. Les sergents, chargés de l'exécution contre les insolvables, commettaient des violences, exactions et larcins. Ils s'installaient à demeure chez les contribuables qui ne payaient pas l'impôt ; ils vendaient les bêtes et les instruments de labour, et jusqu'aux portes et fenêtres. Dans les paroisses qui n'acquittaient pas intégralement leur taille, ils exerçaient la contrainte solidaire, non contre les riches qui avaient force d'argent, mais contre les pauvres. La gabelle avait comme la taille ses privilégiés : nombre de provinces (presque toutes celles de l'Ouest y compris la Bretagne), en étaient exemptes ou à peu près. Dans le Midi et le Sud-Est, pays, comme on disait, de petites gabelles, le sel était bon marché et la consommation du sel, libre. Mais au Centre et au Nord, pays de grandes gabelles, où le sel se vendait très cher, un minimum de consommation était obligatoire. Même, en Normandie et Picardie, provinces de grandes gabelles limitrophes des pays exempts ou de l'étranger et le long des dites lizières, ports et havres de mer, entrées et bouches des rivières, les agents du roi fixaient tous les ans la quantité de sel que chaque paroisse devait porter et des collecteurs élus la répartissaient entre les habitants, comme la taille, suivant les facultés présumées de chacun. C'est le système du sel qui se baille par impost, imaginé pour supprimer la contrebande, en forçant chaque famille d'acheter la provision nécessaire à ses besoins. Henri III avait été obligé par les cris des populations d'abolir en 1584 le sel par impôt, qu'il avait voulu en 1579 étendre à tout le royaume. Mais Henri IV le rétablit en Normandie. L'obligation où étaient les sujets du roi d'aller acheter aux greniers coûtait quelquefois aussi cher que le sel même, quand il fallait faire cinq, six et sept lieues. Henri III avait établi dans tous les lieux où il était nécessaire des regrattiers, à qui il était défendu de vendre à plus grande mesure qu'à la pinte[13]... mesmes bailler et vendre sel à autres personnes sinon de leurs ressorts. Malheureusement, il rendit ces charges héréditaires et permit à ceux qui les acquéraient de revendre un sol parisis le sel qu'il leur vendait un sol tournois, c'est-à-dire avec un bénéfice de 25 p. 100. Après sa fuite de Paris, il les supprima (juillet 1588), mais Henri IV révoqua la suppression (octobre 1594). C'était une rude surcharge pour la classe indigente. Les droits de consommation, connus sous le nom d'aides, auraient dû être perçus sur tous les sujets du roi, nobles, non nobles, laïques et clercs, mais il y avait de nombreuses exceptions. Ce n'était pas le seul abus : contrairement aux ordonnances, le Conseil ou le surintendant des finances au lieu d'adjuger la ferme des aides à la chandelle, au plus offrant et dernier enchérisseur, traitait de gré à gré avec les fermiers et quelquefois entrait dans l'affaire. Il était d'usage d'offrir de l'argent à qui pouvait procurer un profit. Le pot-de-vin était une institution reconnue, avouée. La plupart des aides avaient été aliénées à des créanciers, français ou étrangers, de l'État, qui levaient ou faisaient lever les droits et se payaient de leurs mains. Les onze généralités où les aides avaient cours étaient séparées de l'étranger et du reste du royaume par une ligne de douanes, où se percevaient à l'entrée et à la sortie plusieurs sortes de droits adjugés en un seul bail (les cinq grosses fermes). Dans les pays où les aides n'avaient pas cours, il n'y avait pas de fermes générales les provinces et les fleuves qui ouvraient des voies de pénétration e t de sortie avaient chacun leur douane particulière : foraine et patente du Languedoc et de Provence, imposition des rivières de Garonne et de Dordogne, comptablie de Bordeaux et convoi de Guyenne, impositions des rivières de Charente et de Gironde, imposition d'Anjou entre la Bretagne et l'Anjou, et trépas de Loire sur les marchandises, montant, baissant ou traversant la Loire, depuis le confluent de la Loire et de la Vienne jusqu'à Ancenis. Encore si le Trésor avait retiré un gros profit de toutes ces entraves ! Mais les cinq grosses fermes n'étaient estimées dans le budget prévisionnel des notables de Rouen qu'à 480.000 livres. Et, pour une somme plus misérable encore, on dressait une nouvelle barrière en travers de la vallée du Rhône. En 1595, pour payer la soumission de Dizimieu, gouverneur de Vienne, Henri IV avait établi un droit sur toutes les marchandises qui, descendant ou remontant le Rhône, passeraient devant la ville. Ce droit devait être supprimé après avoir fourni les 60.000 livres promises à Dizimieu ; mais il survécut à son objet et, transféré sous Louis XIII à Valence, après une interruption de dix ans (1611-1621), il dura jusqu'à la fin de la monarchie. Les marchandises du Levant qui, de Marseille, s'en allaient au Nord, évitèrent la vallée du Rhône et cherchèrent des voies moins coûteuses. Les Lyonnais, qui perdaient le bénéfice de leur douane et de leur entrepôt commercial, se plaignirent sans succès. Pourtant la douane de Vienne ne rapportait en 1598 que 13.800 écus, soit 41.400 livres. En 1609, elle était même comptée pour moins encore (24.000 livres). Il est vrai qu'elle n'était pas alors aussi tracassière qu'elle le devint depuis. Tous les procès et différends pour raison des tailles, gabelles, aides, traites, ressortissaient aux Cours des aides qui en jugeaient privativement à tous autres juges[14]. Henri IV leur recommandait, non sans cause, de tenir la main aux ordonnances tant anciennes que modernes faites pour le retranchement des privilégiés et exempts de tailles, afin, disait-il, que la charge portée par plus de personnes soit plus légère à notre pauvre peuple. Mais le désordre administratif comme la pénurie des finances étaient difficilement réparables. Avec des ressources médiocres, Henri IV devait pourvoir à une dette immense contractée à tous les taux en France et à l'étranger. Les recettes suffisaient à peine à contenter les créanciers. Que resterait-il pour les besoins de l'État ? Et puis la réforme devait être faite par ceux mêmes qui profitaient des abus. Le roi n'avait nulle part des représentants directs, révocables à merci, occupés avec passion de ses intérêts. Les pouvoirs locaux et provinciaux, même quand ils étaient dociles, n'étaient pas naturellement zélés pour des changements qui les blessaient. III. — TROUBLE DES ESPRITS. FAIT plus grave, la royauté avait cessé d'être l'autorité obéie et respectée. Les États généraux avaient au XVIe siècle, comme à toutes les époques de crise, émis la prétention d'intervenir dans le gouvernement de l'État. Ensuite la nation catholique avait rompu avec Henri III, refusé de reconnaître Henri IV et cherché à abolir la loi salique. Henri IV était bien décidé à ne réunir jamais les États et pourtant il ne l'osait dire. Dans la lettre de convocation des notables (25 juillet 1596), il expliquait qu'il aurait pris l'avis de ses sujets en une pleine assemblée d'Estats généraux de ce royaume si les armées et efforts de nos ennemys permettoient que l'on pust différer plus longuement de pourveoir et remédier au mal qui nous presse si violemment, et il promettait de les réunir un peu plus tard[15]. Pendant les troubles, les villes avaient repris le droit de s'administrer librement et de nommer leurs consuls, maires et échevins. Elles s'étaient taxées avec ou sans le consentement de Mayenne. Elles avaient expulsé les capitaines, les gouverneurs, les évêques qui leur déplaisaient. Elles avaient correspondu avec les souverains étrangers. Après leur soumission à Henri IV, elles entendaient rester maîtresses des élections. Or, les anciens ligueurs cantonnés dans les municipalités pouvaient pendant longtemps les fermer aux bons royalistes, en usant du droit que les magistrats sortants avaient presque partout d'intervenir efficacement dans la nomination de la municipalité nouvelle. Les capitouls de Toulouse qui sortaient de charge en 1597 voulurent faire élire pour leur succéder quelques personnes de bas lieu, sans nom, sans moyen, encore des plus mutins et plus factionnaires et qui durant les troubles s'estoient montrés les plus ennemis du service du roi. Avec de pareils meneurs, les villes, à qui le Roi avait permis de se garder elles-mêmes, sans citadelles ni garnisons royales, pouvaient servir de point d'appui à une rébellion. Il y avait dans le royaume beaucoup de mécontents. Les impôts étaient aussi lourds que pendant la guerre. Les mesures les plus justes paraissaient tyranniques. Le Roi avait ordonné de remettre à la taille les soldats et les capitaines qui n'étaient pas nobles ou qui ne servaient plus et n'avaient pas servi vingt ans, soit dans ses gendarmes d'ordonnance, soit comme capitaines, lieutenants et enseignes de ses gens de pied. L'humiliation fut dure à des hommes qui se croyaient anoblis par le métier des armes et dont certains même étaient nobles, mais avaient égaré leurs titres de noblesse dans le désordre des dernières guerres. Leurs réclamations furent mal accueillies du Roi, raconte un mécontent, Villegomblain, encore qu'ils fussent percez de coups et estropiez pour son service et qu'autres y eussent employé la meilleure partie de leur bien. Des commissaires chargés de réviser la liste des exempts de la taille, quelques-uns soit par faveur ou argent ou par l'invention de leurs greffiers, bien souvent en rendoient exempts ceux qui estoient moins nobles. A toutes les protestations contre les excès et abus de ces commissaires, extraits de la plus pure chicane de France, le Roi disoit ne vouloir point violer les ordonnances en ce qui estoit principalement du soulagement de son peuple... si bien qu'il fust nécessaire à la pluspart de ceux qui en vouloient sortir d'avoir recours et gagner la faveur de quelque petit officier d'Élection[16]. Mais tous ces officiers du roi, complaisants ou non, intègres ou corrompus, étaient également odieux aux gens d'épée. Plus encore que Dallington, secrétaire de l'ambassade d'Angleterre, qui a écrit une Vue de la France vers l'an 1598, ils devaient trouver incroyable que dans un beau pays et plein de noblesse, l'État soit gouverné et toutes les affaires conduites par ceux de la Robba longa, des avocats, des procureurs et des gentilshommes de plume et d'encre. Les grands s'indignaient d'être annihilés dans les grands commandements et craignaient de n'y être bientôt plus soufferts. Les protestants, qui avaient porté le Roi sur leurs épaules de la Garonne aux bords de la Loire et les catholiques, qui s'étaient ralliés à lui à la mort d'Henri III, l'avaient servi dans les camps avec la familiarité qu'autorisaient les périls communs, la fraternité militaire et l'incertitude du lendemain. Surpris de voir parler et agir en maître celui plias avaient connu compagnon, ils l'accusaient d'oublier qu'il leur devait sa couronne ; peut-être crurent-ils qu'il voulait se rendre si puissant qu'il pust sans péril détruire ou ravaler tous les grands du royaume afin de régner après sur le reste du tout à sa fantaisie... La prétention devait leur paraître d'autant plus étrange que depuis un demi-siècle les partis contestaient au roi le droit de commander souverainement. Les théoriciens protestants s'étaient accordés à réclamer une monarchie tempérée par le contrôle ou des princes du sang, ou des pouvoirs constitués, ou des États généraux. Après Théodore de Bèze (Du Droit des magistrats sur leurs sujets, 1574[17]), mais avec plus d'ampleur, l'auteur des Vindiciæ contra tyrannos (1579), qui est peut-être Du Plessis-Mornay[18] justifiait la résistance à l'oppression. Les sujets, disait-il, ne sont pas obligés d'obéir et sont même tenus de s'opposer par la force à quiconque — usurpateur ou prince légitime — opprime l'Église ou l'État. Contre l'usurpateur (jusqu'au jour où il sera reconnu par la nation) tout homme est en droit de légitime défense ; il peut le combattre et même le tuer. Et, dans cette dernière espèce de tyrans, il est permis de compter ceux qui abusans de la bestise et nonchalance du prince exercent la tyrannie sur les sujets d'iceluy. Mais contre le prince légitime qui se conduit en tyran, il faut d'abord procéder doucement par conseils, par remontrances et ne recourir aux armes qu'en cas de nécessité. C'est d'ailleurs aux grands, aux magistrats à agir et à punir. Les particuliers n'ont pas ce droit. Défions-nous des imposteurs qui se donnent pour des Jehu.... Les catholiques étaient allés bien plus loin. Boucher, glorifiant l'assassinat d'Henri III, réclamait pour tous les particuliers le droit de tuer, que les Vindiciæ contra tyrannos ne reconnaissaient qu'aux élus de Dieu ou du peuple. L'auteur anonyme du De Justa Reipubl. Christianæ in reges impios et hæreticos authoritate (1590), interprète fidèle des théoriciens de la Ligue, désignait Henri IV hérétique aux coups des assassins. Pour ces théoriciens, la souveraineté réside dans le peuple ; le pouvoir royal n'est qu'une délégation. La nation peut déposer le roi, à plus forte raison peut-elle mettre en tutelle un roi incapable et imbécile. Le meurtre d'un bon roi (le régicide) est détestable, mais le tyrannicide est digne d'éloge. Contre les rois qui agissent tyranniquement ou contre les tyrans sans titre, même les derniers des particuliers peuvent tirer le glaive, magna cum laude et æterna nominis gloria. Jacques Clément était innocentissimus et præclarissimus juvenis et son acte est héroïque et tout à fait divin (factum heroicum et plane divinum). Mais, au-dessus du peuple, il y a l'Église. L'État a été constitué pour faire vivre les citoyens en paix, leur garantir la propriété des biens, assurer et favoriser le culte de Dieu, dont la partie essentielle est le Sacrifice. Le Christ a mis à la tète de son Église éternelle deux magistratures, l'épiscopat et la royauté l'une chargée des affaires spirituelles, l'autre temporelle et soumise pour le spirituel à la première. Les rois ont toujours eu pour principal office de faire exécuter, par le glaive et les lois, les décisions arrêtées par les évêques et les conciles. Quand ils ont perverti cet ordre, ils sont des tyrans et méritent d'être traités comme tels. Des doctrines démocratiques de la Ligue, rien ne restera. Les catholiques ultramontains laisseront dormir les droits du peuple, mais ils continueront à soutenir que le chef de l'Église a juridiction sur les rois. C'est à la suprématie pontificale et non à la souveraineté du peuple que se heurte la doctrine de la monarchie absolue. Le livre de Boucher et le De Justa... authoritate, livres de combat, avaient été en effet précédés et ils furent suivis par de solides traités où la papauté apparaissait comme le seul pouvoir souverain. Déjà, en 1586, dans les Controverses (Disputationes de controversiis Fidei), le grand théologien de la Compagnie de Jésus, Bellarmin, 'avait soutenu que le pape pouvait intervenir dans les affaires intérieures des États, abolir les lois, en promulguer de nouvelles, déposer les princes indignes. Cependant il ne devait user de ce droit qu'à l'extrême rigueur, pour le salut de l'Église. Son ministère était d'ordinaire tout spirituel et son action bornée au gouvernement des âmes. En un mot, Bellarmin distinguait entre le pouvoir direct du pape en matière spirituelle et son pouvoir indirect en matière temporelle. L'Index condamna, comme trop limitative, la thèse du pouvoir indirect, qui n'attribuait au pape la dictature, et même temporairement, que dans les suprêmes dangers de la religion et de l'Église. L'appui donné par les papes à la Ligue, l'exclusion du prétendant protestant en dépit du droit dynastique, étaient des faits confirmatifs des prétentions pontificales. Henri IV n'avait qu'à moitié vaincu ; il avait dû, pour être vraiment roi de France, se convertir au catholicisme. Le gallicanisme était doublement atteint, dans son dogme politique : indépendance de la couronne à l'égard de l'Église, et dans son dogme religieux : supériorité des conciles généraux sur les papes. Le haut Clergé, en face du péril protestant, voulait vivre en étroit accord avec le Saint-Siège. A Paris, la Faculté de théologie inclinait dans le même sens. Même pendant la Ligue et jusqu'en 1600, des thèses y avaient été présentées qui maintenaient la doctrine traditionnelle de la supériorité des conciles sur les papes ; mais, à partir de 1600, toutes soutinrent la puissance absolue de Pierre et de ses successeurs sur l'Église[19]. Les parlements eux-mêmes, où les anciens ligueurs étaient en majorité, se partageaient. Celui de Paris, averti par l'attentat de Jean Châtel, avait banni les Jésuites, défenseurs intraitables de la théocratie pontificale, mais Toulouse et Bordeaux les recueillaient. Quant au Roi, il se préoccupait avant tout de vivre en bons termes avec Rome. Cependant les doctrines ultramontaines étaient si contraires aux traditions de l'Église de France et de l'État que la réaction s'annonçait. Un docteur en théologie de l'université de Paris, Edmond Richer, lisait et recommandait de lire Gerson et les autres grands docteurs gallicans du xv siècle. En 1594, Pierre Pithou, procureur général au Parlement, formulait la doctrine gallicane sur les rapports de l'Église et de l'État dans son traité : Les libertez de l'Église gallicane, qui est resté le catéchisme du gallicanisme politique tant qu'il y a eu en France des gallicans. Non seulement il déniait au pape tout pouvoir temporel dans le royaume, mais même il ne lui accordait au spirituel qu'une puissance limitée par les saints canons, décrets et coutumes de l'Église gallicane. Mais vingt-deux évêques dénonçaient le livre comme hérétique, et les esprits restaient troublés et agités par ce désaccord des chefs spirituels et temporels. Aussi Barrière et Châtel eurent-ils beaucoup d'imitateurs. Prêtres, moines, femmes, soldats, gentilshommes, toutes les classes ont fourni des assassins. Les uns projettent de tuer Henri IV à coups de couteau ou de poignard, d'autres de le frapper d'un trait d'arbalète. Nicole Mignon, tenancière de la Corne de Cerf à Saint-Denis, offre au comte de Soissons, et Richard, sieur de La Voulte, au duc de Savoie, de l'empoisonner. Un gentilhomme normand, Saint-Germain, et un chirurgien tentent même de l'envoûter. Il y a, en douze ans de paix, au moins douze attentats contre sa vie. C'est dans cet état de misère, de trouble, de désorganisation que se trouvait la France en 1598. Henri IV avait à rétablir l'autorité dans le gouvernement, la prospérité dans le pays et la paix dans les esprits. |
[1] SOURCES : Berger de Xivrey, Lettres missives de Henri IV, et Guadet, Supplément, VIII. De Thou, Histoire universelle, 1734, XIII. P. Mathieu, Histoire de France sous les règnes de François Ier... Henry IV..., 1881, II. Palma Capet, Chronologies novenaire et septenaire, 1589-1598, 1598-1604. L'Estoile, Mémoires-journaux, éd. Jouaust, 1879, VII. Charles Loyseau, Cinq livres du droict des offices avec le livre des seigneuries et celuy des ordres, 1818. Du Haillon, De l'estat et succez des affaires de France, 1609. The View of France. Un aperçu de la France telle qu'elle était vers l'an 1599, par Robert Dallington, secrétaire de l'ambassadeur d'Angleterre auprès de la Cour de France, trad. de l'anglais par Emerique, 1892. Le voyage à Paris de l'Anglais Thomas Coryate, extrait de ses Crudities, traduit et annoté par R. de Lasteyrie, Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris, VI, 1879 ; ibid., Description de Paris en 1599 du Bâlois Thomas Platter (le jeune), XXIII, 1898. Albèri, Relazioni dagli ambasciatori veneti, serie Ia, IV et surtout le t. XV (appendice) de la collection. Barozzi et Berchet, Delazioni dagli ambasciatori veneti (XVIIe siècle), Francia, I, 1857. Vicomte de Gérard, Les Chroniques de Jean Tarde, chanoine... de Sarlat, 1887. Loutchitzky, Documents inédits pour servir à l'histoire de la Réforme et de la Ligue, 1875. Isaac Laffemas, Histoire du Commerce de France, 1606, réimprimé dans Archives curieuses, 1re série, XIV. La prinse et deffaicte du capitaine Guillery, 1609, publ. par Ed. Fournier, Variétés hist. et litt., I. Histoire véridique des grandes et exécrables voleries et subtilitez de Guillery, éd. Benjamin Fillon, 1848. Madame de Witt, Mémoires de Madame de Mornay, S. H. F., I, 1868. Traité de la Réformation de la Justice [de Du Refuge, président au présidial de Toulouse], publié par Duféy parmi les Œuvres inédites du chancelier de L'Hôpital, I et II, 1825. Robillard de Beaurepaire, Cahiers des États de Normandie sous le règne de Henri IV, I (1589-1601), 1880. Villegomblain, Les Mémoires des troubles arrivez en France, II, 1888. Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, XV (commode, mais peu sûr) ; se reporter pour vérification à Fontanon, Les Edicts et ordonnances des rois de France depuis Louis VI dit le Gros jusques à présent, 3 vol., éd. de 1611.
OUVRAGES À CONSULTER : Edm. Bonnaffé, Voyages et voyageurs de la Renaissance, 1895. Babeau, Les Voyageurs en France depuis la Renaissance jusqu'à la Révolution, 1885. Fagniez, L'Économie sociale de la France sous Henri IV, 1897. Hanotaux, La France en 1614, t. I de l'Histoire du cardinal de Richelieu, éd. de 1896. P. de Vaissière, Gentilshommes campagnards de l'ancienne France, 1903. D'Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires, des denrées et de tous les prix en général, 1894-98, 4 vol. Poirson, Histoire de Henri IV, III et IV. Hauser, Ouvriers du temps passé (XVe et XVIe siècles), 1898 ; du même, Les Origines da capitalisme moderne, Revue d'Économie politique, 1902. Martin Saint-Léon, Le Compagnonnage, 1901. Perrens, L'Église et l'État en France sous le règne de Henri IV et la régence de Marie de Médicis, 1873, I.
[2] La livre tournois (monnaie de compte) valait, d'après Natalis de Wailly, 3 fr. 78 en 1561 ; 8 fr. 14 en 1580, et 2 fr. 92 en 1602 ; d'après M. d'Avenel, t. I, p. 481, 8 fr. n de 1561 à 1572 ; 2 fr. 88, de 1573 à 1580, et 2 fr. 57 de 1580 à 1601. S'il est difficile de déterminer sa valeur absolue, c'est-à-dire en poids d'argent ou en poids d'or, il est presque impossible d'établir la différence entre son pouvoir d'achat alors et aujourd'hui, ou, comme on dit, sa valeur relative. M. d'Avenel, t. I, p.27, note 1, et p. 32, note 1, estime qu'après avoir converti les livres et autres monnaies en francs, il faut multiplier les sommes de ce temps-là par 3 de 1551 à 1575 ; par 2 ½ de 1576 à 1600, pour obtenir leur équivalent en sommes de notre temps. Mais ces coefficients sont contestables et contestés.
[3] P. de Vaissière, Gentilshommes campagnards, p. 221.
[4] J. Roman, La Guerre des paysans en Dauphiné, Bulletin de la Société départementale d'archéologie et de statistique de la Drôme, XI, 1877.
[5] Ou Campanere. Sur ces ligues, voir les documents publiés par l'abbé J. Lestrade, Les Huguenots en Comminges, 1900 (Archives hist. de la Gascogne, 2e série, fasc. 5).
[6] Comme le reconnaît l'Édit de 1581, dit Hauser, Ouvriers du temps passé, p. XXVII, le travail est libre dans tous les villages, dans un grand nombre de villes, même dans un certain nombre de métiers des villes jurées... Lyon n'était pas ville jurée ; à quatre près, tous les métiers étalent libres sous le contrôle du consulat... ; il était loisible à tous et chacuns mécaniques de venir y lever boutiques.
[7] Barozzi et Berchet, Francia, I, p. 87.
[8] Le gouverneur du Dauphiné, seul, il est vrai, de tous les gouverneurs, donne grâce et pourvoit à tous offices, hormis à ceux de la cour du Parlement (de Grenoble).
[9] Jacques Leschassier, La maladie de la France. Discours en deux parties, présenté l'an 1602 au roy Henry le Grand, réimprimé dans les œuvres de Leschassier, 1652.
[10] Henri II avait créé 17 recettes générales, auxquelles Henri III ajouta celles de Limoges, Orléans et Moulins, et Henri IV celle de Soissons (1595).
[11] Les Chambres des comptes de Montpellier, Aix, Dijon, Grenoble, Rennes, Rouen, sont des Chambres à compétence régionale, établies dans les pays d'États.
[12] Robillard de Beaurepaire, Cahier des États de Normandie sous le règne d'Henri IV, I, 34.
[13] La pinte vaut à peu près un litre.
[14] Il y avait alors quatre Cours des aides : Paris, Montpellier, Rouen, Clermont-Ferrand.
[15] Lettres missives, IV, 621.
[16] Villegomblain, Mémoires des troubles, II, p. 211-212.
[17] Alfred Cartier, Les idées politiques de Théodore de Bèze, Bullet. de la Société d'hist. et d'archéol. de Genève, t. II, 1900, a prouvé que ce traité est de Bèze.
[18] A. Waddington, L'auteur des Vindiciæ contra tyrannos, Revue historique, LI, 1893.
[19] L'abbé Puyol, Edmond Richer, I, p. 129, note 1.