I. — LE GOUVERNEMENT DES GUISE[1]. FRANÇOIS II était majeur, mais ses quinze ans, son inexpérience et la faiblesse de sa santé l'empêchaient d'exercer lui-même le pouvoir. Les sympathies de sa jeune femme, Marie Stuart, désignèrent à son choix les deux hommes qui devaient gouverner en son nom. Nièce des Guise, elle ne crut pouvoir mieux confier les intérêts de son mari et du royaume qu'aux frères de sa mère. François de Lorraine était le meilleur homme de guerre du temps ; Charles, cardinal de Lorraine, avait été mêlé aux plus grandes affaires. Négociateur au Cateau-Cambrésis, membre très influent du Conseil du Roi, il était le plus qualifié pour continuer la politique de répression religieuse et d'alliances catholiques qu'il avait inspirée ou appliquée. C'était la coutume qu'à chaque avènement le Parlement députât quelques-uns de ses membres les plus apparens pour féliciter le nouveau Roi et apprendre de sa bouche à qui il devait s'adresser puis après pour les affaires. François II leur fit entendre que ses deux oncles, le cardinal de Lorraine et le duc de Guyse, avoyent la charge entière de tout et commanda.... qu'on leur obeyst comme à lui-même. Le Cardinal aurait l'administration des finances et de l'État ; le Duc, le commandement des armées. Pareille délégation n'était pas une nouveauté. Sous Henri II, le connétable de Montmorency avait reçu le même honneur. L'autorité des grands officiers de la couronne, connétable, grand maître, amiral, chancelier, ne pouvait contrebalancer celle que la faveur du Roi conférait. Le Roi possédait la toute-puissance et il la communiquait à qui il voulait. Montmorency avait gouverné le royaume et dirigé la politique étrangère comme favori, et non comme connétable et grand maître. Le choix du Roi assurait une influence prédominante dans le Conseil du Roi qui était le premier corps délibérant de la monarchie et l'organe de la volonté royale. Tantôt le Conseil expédiait les affaires d'État et de finances (Conseil privé) ; ou bien il jugeait les causes réservées au souverain (Conseil des parties). Tantôt, réduit à quelques membres, composé, sans acception de rang ni de naissance, des seuls confidents du Roi, il examinait et réglait les plus grands intérêts du-dedans et du dehors. Ce Conseil étroit, ou du matin, ou des affaires, que François Ier et Henri II avaient distingué de l'ensemble du Conseil, était une assemblée consultative. Le Roi prenait les avis et dictait les décisions ; ses favoris étaient écoutés et suivis comme ses interprètes. Quand il était faible de volonté ou d'entendement, ils le faisaient parler à leur gré. Ils inspiraient les résolutions et ils les exécutaient. Les secrétaires d'État n'étaient encore, à cette époque, que les rédacteurs et les expéditeurs des ordres du Roi et de ses ministres. Le duc de Guise et le cardinal de Lorraine étaient les chefs de la maison puissante qu'avait fondée en France, au commencement du XVIe siècle, Claude, cinquième fils de René II, duc de Lorraine. Ce cadet, héritier des domaines que son père possédait dans le royaume, comte de Guise, d'Aumale, baron de Joinville, de Sablé, Mayenne et autres terres situées... en France, Normandie, Picardie, Flandres, Haynault et ailleurs, avait accru par ses services militaires sa situation de seigneur féodal et de prince étranger. François Ier lui avait donné successivement le gouvernement de la Champagne et celui de la Bourgogne ; il l'avait fait grand veneur et premier chambellan. Son mariage avec Antoinette de Bourbon l'apparenta à la famille royale. Il fut élevé à la pairie, honneur qui, jusqu'à lui, avait été réservé aux seuls princes du sang. Il mourut en 1550. Il laissait six fils qui accumulèrent les charges, les dignités, les pensions. L'aîné, François de Lorraine, fait du vivant de son père duc et pair, eut le gouvernement du Dauphiné et devint grand chambellan. Il épousa Anne d'Este, fille du duc de Ferrare et petite-fille de Louis XII. Rappelé d'Italie après le désastre de Saint-Quentin, il avait été nommé lieutenant général des armées du Roi dans toute l'étendue de la monarchie française avec les pouvoirs d'un vice-roi. Un autre fils, Claude, marquis de Mayenne, fut duc d'Aumale, grand veneur, gouverneur de Bourgogne. Un autre, François, grand prieur de Malte et général des galères, eut pour successeur dans cette dernière charge son frère René, marquis d'Elbeuf. La défense de l'Église ne fut pas moins profitable à ces cadets de Lorraine que le service de l'État. Déjà au début de la Réforme, le fondateur de la maison s'était signalé, par l'ardeur de son zèle, à la reconnaissance des catholiques ; il avait couru au-devant des bandes anabaptistes qui cherchaient à envahir la Lorraine et à poursuivre au delà des Vosges leur propagande dévastatrice ; il les avait battues et exterminées à Lupstein, près de Saverne (16 mai 1525). Aussi les papes portaient-ils intérêt à ce champion de la foi. Son frère, Jean de Lorraine, cardinal à vingt ans, fut administrateur ou titulaire d'une dizaine d'archevêchés et d'évêchés et de bon nombre d'abbayes. A la mort du Cardinal (1550), ce riche héritage ecclésiastique échut presque entier à ceux de ses neveux qui étaient d'Église : Louis de Guise fut évêque, archevêque, cardinal, abbé de Saint-Victor-les-Paris et d'autres gras bénéfices. Mais Charles, cardinal de Lorraine, garda la meilleure part ; archevêque de Reims à quatorze ans, abbé de Saint-Denis, de Cluny, de Marmoutier-les-Tours, de Fécamp, etc., il tirait de ses bénéfices un revenu d'environ 300.000 livres. Déjà puissants par leurs services, par leurs charges, par leur naissance, par leur situation dans l'Église et dans l'État, les Lorrains étaient portés au premier rang par l'avènement de François II. Si jusque-là ils avaient partagé le pouvoir avec d'autres favoris, ils comptaient bien cette fois gouverner seuls et écarter tout rival. Aussitôt qu'Henri II eut expiré, ils s'empressèrent d'emmener le nouveau Roi au Louvre. Le connétable de Montmorency fut laissé dans l'Hôtel des Tournelles pour y veiller le corps de son maître et commencer le deuil de sa faveur. La reine veuve, Catherine de Médicis, dont personne ne soupçonnait la prudente ambition, fit violence à son chagrin pour suivre François II et le parti de la fortune. Le Connétable, qui avait l'humeur moins docile, ne se résignait pas à l'idée d'une disgrâce. Il avait été l'ami le plus cher et le conseiller le plus écouté d'Henri II. Le gouvernement du Languedoc lui donnait un pouvoir considérable dans presque tout le Midi, des monts d'Auvergne à la Méditerranée et de la Provence à la Guyenne. Son expérience et son âge imposaient ; malgré ses fautes et malgré ses défaites, il avait la réputation d'un homme de guerre et d'un homme d'État. Ses fils et les Châtillon, fils de sa sœur, partageaient et prolongeaient son autorité : François de Montmorency, l'aîné de ses enfants, avait le gouvernement de Paris et de l'Île-de-France. Un de ses neveux, Coligny, était amiral de France, un autre, d'Andelot, colonel général de l'infanterie française Le Connétable était le plus grand propriétaire du royaume ; il possédait, dit-on, six cents fiefs. Aux portes de Paris, son château de Chantilly était comme la capitale d'une véritable principauté, faite de bois et de terres, peuplée de paysans et de vassaux. Près de Nantes, son duché de Châteaubriant s'étendait de la Loire à la Vilaine, sur une immense étendue de pays. Il n'avait pas, comme les Guise, exploité le riche trésor des biens du Clergé. Deux de ses filles devinrent abbesses ; un de ses neveux, Odet de Châtillon, eut avec l'évêché de Beauvais la pairie ecclésiastique qui y était attachée. Mais le premier baron chrétien, comme se qualifiait Montmorency après tous ses ancêtres, oublia ou dédaigna de faire entrer ses fils dans l'Église. C'était avant tout du Roi et de l'État qu'il avait attendu sa fortune. Il crut qu'il lui suffirait de reparaître à la Cour pour reprendre la première place. Il se rendit donc au Louvre, accompagné de ses fils et de ses neveux, les Châtillon (18 juillet) ; il les présenta au jeune souverain et sollicita sa bonne grâce pour lui et pour eux. François II l'accueillit bien et le confirma dans ses charges, mais, ajouta-t-il, pour soulager sa vieillesse, laquelle ne pourroit à l'avenir porter les peines et les travaux de la suite royale, il avait confié au cardinal de Lorraine et au duc de Guise l'administration de l'État pour sur le tout adviser et ordonner comme ils verroient être bon. C'était un congé sans terme. La Reine-mère, auprès de qui Montmorency remercié pensait trouver quelque appui ou quelque consolation, fut encore plus dure. Elle lui reprocha aigrement d'avoir autrefois osé dire que, de tous les enfants d'Henri II, c'était sa fille naturelle, Diane, mariée à François de Montmorency, qui lui ressemblait le plus. Sincères ou non, ces récriminations lui offraient l'occasion de rabrouer ce grand rabroueur et d'affirmer son entente avec les Guise. Ceux-ci, satisfaits de sa complaisance, travaillaient à la contenter ; ils lui sacrifièrent Diane de Poitiers, bien qu'elle fût la belle-mère du duc d'Aumale, leur frère. L'amie d'Henri II, qui avait régné sur la Cour et laissé seulement à Catherine l'honneur de perpétuer la dynastie, fut obligée de restituer les joyaux de la couronne et d'accepter Chaumont en échange de Chenonceaux que Catherine convoitait. Le chancelier Olivier, qu'elle avait fait chasser en 1551, fut rappelé et reprit les sceaux. Son intégrité bien connue devait servir de recommandation au nouveau gouvernement. Sûrs de la Reine-mère et débarrassés de Montmorency, les Guise semblaient n'avoir rien à craindre. Il y avait bien les princes du sang, les Bourbons-Vendôme et les Bourbons-Montpensier, que leur naissance désignait, étant les plus proches du Roi, pour devenir les conseillers de la couronne. Mais oseraient-ils protester contre le choix de François II et remettre en avant les droits qu'aux époques de minorité les royaux de France avaient prétendus sur le gouvernement de l'État ? Depuis que la royauté tendait à l'absolutisme, elle se montrait de plus en plus hostile aux représentants de la féodalité apanagée ; la trahison du connétable de Bourbon pesait sur eux. François Ier et Henri II se défiaient d'une illustration qui ne devait rien à la faveur royale. Ils aimaient mieux donner leur confiance à des gentilshommes, comme Montmorency, ou à des cadets de familles princières étrangères, les Guise de Lorraine, les Nemours de Savoie, les Gonzague-Nevers de Mantoue qu'ils considéraient comme leurs créatures. C'est à ces favoris (dont la plupart étaient des hommes remarquables) qu'ils attribuaient le commandement des armées et les grands offices de la couronne. Même il les élevèrent en qualité de ducs et de pairs au rang des princes de leur sang. L'autorité ne devait être que l'émanation de la puissance royale. C'étaient là sinon les maximes, du moins les tendances du pouvoir absolu. Mais la nation n'y était pas faite. Elle continuait à révérer les princes du sang comme descendants de saint Louis, héritiers possibles du trône, souverains en expectative. Les juristes les qualifiaient de conseillers-nés de la couronne ; la noblesse les reconnaissait pour chefs. Les partis qui se formaient dans l'État cherchaient à s'autoriser de leur adhésion. Même sans pouvoir, même dans la disgrâce, ils pouvaient demain devenir les maîtres et naturellement se trouvaient les chefs désignés de toutes les oppositions. Le chef de la maison de Bourbon et le premier prince du sang était Antoine, duc de Vendôme, que son mariage avec Jeanne d'Albret avait fait souverain du royaume de Navarre, du comté de Foix et des autres États de la maison d'Albret. Mais ce titre de roi qui comblait sa vanité ne lui avait donné aucun crédit auprès d'Henri II. Par dépit ou par goût des nouveautés, il se tourna vers les protestants dont la propagande, malgré la persécution, commençait à entamer l'aristocratie, le Parlement et la bourgeoisie. Il s'était enhardi, pendant une absence du roi, jusqu'à se mêler aux fidèles qui parcouraient le Pré-aux-Clercs au chant des psaumes et manifestaient publiquement leur foi (mai 1558). Ce n'était qu'une bravade que ce prince inconsistant était incapable de soutenir ; mais l'opposition religieuse crut avoir trouvé son chef. François II étant majeur, il ne pouvait être question d'une régence. Même, en cas de minorité, les prétentions des princes du sang au gouvernement de l'État n'auraient pas laissé d'être contestables. Mais les ennemis des Guise avaient intérêt à recommencer contre les oncles de la reine la campagne que Louis d'Orléans avait jadis menée contre Anne de Beaujeu. Ils poussaient les Bourbons à protester contre le choix du jeune roi et à affirmer leurs droits. Antoine hésitait devant les dangers et la responsabilité de la lutte. Son frère cadet, Louis de Bourbon, prince de Condé, jeune, pauvre, ambitieux, était plus impatient d'agir. Dans une des premières séances du Conseil, il profita d'une imprudence des nouveaux gouvernants pour les mettre en échec. Le cardinal de Lorraine proposait l'adoption d'un sceau où François II et Marie Stuart se seraient intitulés : Roi de France, d'Écosse et d'Angleterre. C'était mettre en question la légitimité d'Élisabeth, reine d'Angleterre. Le prince démontra le danger d'une pareille provocation[2]. Les Guise se tinrent pour avertis et traitèrent les deux Bourbons en ennemis. Comme ils étaient obligés d'assigner un rôle à ces personnages de sang royal dans les manifestations de la puissance publique, ils eurent soin de leur réserver les distinctions onéreuses. Condé fut envoyé à Gand pour saluer Philippe II, qui se disposait à passer en Espagne, et pour jurer, au nom du nouveau Roi, le maintien du traité du Cateau-Cambrésis. Le Cardinal ne lui alloua que mille écus pour cette mission d'apparat. C'était le mettre dans l'alternative de se ruiner ou de se déconsidérer par un train de maison indigne de sa naissance. Condé n'hésita pas à engager ses biens et parut devant le roi d'Espagne avec la suite et l'équipage d'un prince du sang. Antoine de Bourbon avait quitté la Navarre pour se rendre à la Cour. Il arrivait à petites journées, indécis, sans avoir pris de résolution ni arrêté de plan. Les protestants et les autres ennemis des favoris le pressaient de déclarer hautement son opposition, mais sa paresse s'accommodait mal du rôle de chef de parti. L'appui même que le Connétable lui promettait, ses exhortations le rendaient défiant ; il se rappelait avec amertume (et ses principaux conseillers, qu'on disait vendus aux Guise, ne cessaient pas de lui rappeler) que lors de la négociation du traité du Cateau-Cambrésis, Montmorency avait de parti pris négligé de réclamer aux Espagnols la partie de la Navarre qu'ils avaient conquise en 1513 sur la maison d'Albret. Pour l'entraîner, ses amis accoururent au-devant de lui à Vendôme (août) ; l'Église réformée de Paris, qui venait de se constituer, lui dépêcha le ministre Moral. Condé, revenu à temps des Pays-Bas, conseilla une attitude ferme, des réclamations énergiques, au besoin une prise d'armes. Antoine de Bourbon fut d'avis de laisser au temps et aux circonstances le soin de suggérer les décisions. Les Guise s'apprêtaient à le bien recevoir. Quand il arriva à Saint-Germain, où se trouvait la Cour, ils le traitèrent en personnage sans importance. Ils ne lui avaient assigné aucun logement et il fut réduit à accepter l'hospitalité que, par pitié, le maréchal de Saint-André lui offrit. Ils négligèrent de l'appeler aux séances du Conseil. Ils se firent un jeu de le blesser sans qu'il osât se plaindre. Sa patience alla si loin que les hommes d'épée de sa suite, Guy Chabot de Jarnac par exemple, désespérant de sa fortune, se résolurent à offrir leurs services à ses ennemis. A Reims, où le Roi fut sacré le 18 septembre 1559, la présence d'Antoine de Bourbon ne servit qu'à rehausser le triomphe des Lorrains. Le Cardinal, en sa qualité d'archevêque, y joua le premier rôle ; il fut le seul aussi que, par une gr&ce spéciale, François II retint auprès de lui après le banquet. A l'occasion du couronnement, les deux Guise reçurent de François II des dons considérables. Le roi de Navarre n'eut que quelques droits misérables à lever dans son comté de Foix. Un de ses cousins, le duc de Bourbon-Montpensier, dut céder le pas dans les cérémonies à François de Clèves, duc de Nevers, qui avait été fait duc et pair un mois plus tôt que lui, comme si le titre octroyé par la faveur royale devait l'emporter sur le privilège de la naissance. Un de ses gentilshommes, Anselme de Soubcelles, suspect d'avoir diffamé les Guise, fut arrêté en sa présence. Antoine revint à Paris, pendant que la Cour se rendait en Lorraine. Il alla visiter les membres du Parlement et, comme Louis d'Orléans autrefois, leur représenta la nécessité de tenir les États généraux. Mais les officiers du Roi se seraient bien gardés de prendre parti pour qui s'abandonnait soi-même. Afin d'achever sa défaite, les Guise lurent en plein conseil une lettre où Philippe II, averti des prétentions des princes du sang, offrait à Catherine sa vie et 40.000 hommes contre les mutins et les rebelles. Le roi de Navarre vit son royaume envahi et les débris du domaine de la maison d'Albret occupés par une armée espagnole. Plus même que Jeanne d'Albret, il tenait à ces terres des Pyrénées et au titre royal qui y était attaché. Il n'était point de rang en France qu'il ne fût prêt à sacrifier à la possession paisible de cet État souverain. Toute sa vie, son ambition fut contrariée par les inquiétudes ou divertie par les imaginations dont il se repaissait. Il appréhendait les convoitises de Philippe II et, en même temps, se flattait d'obtenir, à force de complaisances, la restitution de la Navarre espagnole. Sa politique navarraise eut une influence capitale sur le gouvernement intérieur de la France et sur l'avenir du protestantisme français. Catherine de Médicis, qui savait où le toucher, lui offrit de conduire en Espagne Élisabeth de Valois qui allait rejoindre son époux Philippe II. Il accepta avec empressement une mission qui lui permettait de se rendre important aux yeux des Espagnols et de gagner leurs bonnes grâces (déc. 1559-janvier 1560). En dépit de son insuffisance, il restait le chef d'un parti. Or, les Guise gouvernaient comme s'ils n'eussent personne à ménager. Le Duc avait le goût et l'habitude du commandement. Au Conseil il opinait en termes brefs qui sentaient le chef d'armée : Mon avis est tel et faut faire ainsi et ainsi. Quelquefois il signait les actes de son seul prénom, François, à la mode royale. Mais sa bonne grâce et sa gloire militaire tempéraient l'éclat de ce ton impérieux. Le Cardinal, avec moins de prestige et de charme, avait le verbe encore plus haut. Tous deux avaient au même degré l'orgueil de race ; s'ils ne songeaient pas à se poser en héritiers de Charlemagne, comme les pamphlétaires les en accusaient, ils étaient fiers de se dire les descendants du grand empereur. Une de leurs premières mesures semblait viser particulièrement les favoris d'Henri II. Le Roi révoqua, cassa, annula les aliénations du domaine royal faites par ses prédécesseurs (octobre). L'un des hommes qui avait eu le plus de part aux largesses du dernier règne, le maréchal de Saint-André, se mit à l'abri des restitutions en fiançant sa fille et unique héritière au fils de François de Guise. Le Connétable n'avait pas cette ressource. On parlait même de lui enlever le gouvernement du Languedoc. Il fut obligé de céder la grande maîtrise contre une charge de maréchal de France qui fut donnée à son fils aîné. Les Guise l'attaquèrent même dans sa situation de grand propriétaire ; ils lui disputèrent le comté de Dammartin. Cette fois, le Connétable perdit patience ; il surprit Dammartin, où le duc de Guise avait déjà mis ses gens, et ne craignit pas d'amener quelque peu d'artillerie pour s'y défendre. La clientèle des Montmorency était encore plus nombreuse que celle des Bourbons. Elle comprenait la plupart des grandes familles de race purement française, les La Tour d'Auvergne, les La Trémoille, les La Rochefoucauld, les Lévis, les Rohan. Elle se recrutait parmi les capitaines qui avaient servi sous les ordres du Connétable ou de ses neveux, d'Andelot et Coligny. A l'appui qu'il tirait de ses alliances, Montmorency joignait les ressources de son expérience. Il savait aller jusqu'à la limite de son droit, sans la dépasser ; il pesait ses demandes et ses actes, affectait tout respect pour la volonté du souverain et gardait la posture d'un grand officier en disgrâce, non d'un prétendant aux aguets. Il avait renoué avec la Reine-mère et se tenait en réserve comme une force que la royauté, au premier signe, trouverait disponible. Cette opposition loyaliste où le calcul avait autant de part que les habitudes d'obéissance, était redoutable aux Guise sans qu'elle pût porter ombrage au Roi et à sa mère. Un changement de système suffisait pour ramener Montmorency aux affaires ; au lieu que, pour rendre aux princes du sang la situation privilégiée que leurs partisans réclamaient, il fallait presque une révolution. Au moins, contre tant d'ennemis, les Guise auraient-ils dû s'assurer l'appui des gens de guerre. Le défenseur de Metz, le conquérant de Calais inspirait aux soldats des sympathies qu'il n'était pas difficile d'entretenir. Son avènement au pouvoir avait été accueilli par eux avec enthousiasme. Tout criait : Vive Guise ! Malheureusement le nouveau gouvernement se trouva aux prises avec des nécessités financières et contraint de faire des économies. Il fallait liquider les dettes du dernier règne et licencier les troupes que la paix signée au Cateau-Cambrésis rendait disponibles. Le 14 juillet 1559, une ordonnance royale annonça la réduction des effectifs. Un grand nombre de soldats et de capitaines se trouvèrent sans emploi et quelques-uns sans ressources. Habitués à vivre de la guerre, ils accouraient à Fontainebleau, où résidait la Cour, pour obtenir leur maintien dans les cadres, une pension, un don. Leur foule quémandeuse encombrait le château. Ils réclamaient avec violence, reniaient et juraient. Pour une petite harquebuzade qu'ils avoient reçue ou pour un petit service fait, il leur sembloit que le roy leur devoit donner l'or à pallées. Le Duc, qui connaissait les mœurs et façons de ces gens-là et qui estimait leur profession, entrait dans leurs plaintes, excusait la misère du Roi, leur prêchait la patience et promettait de les employer plus tard. Mais le Cardinal s'inquiétait de cette affluence de solliciteurs hargneux et prompts à la main. Il fit crier par deux fois à son de trompe qu'ils eussent à vider les lieux. Et, menace significative, une potence fut dressée aux abords du château. La plupart partirent furieux, et prêts à saisir toute occasion de vengeance. Ils ne devaient pas attendre longtemps. La mort d'Henri II avait été accueillie par les protestants comme un présage de délivrance. Mais le cardinal de Lorraine n'avait ni intérêt, ni inclination à modérer la rigueur des Édits. Il poursuivit la condamnation d'Anne du Bourg et des magistrats ses collègues, qui, en face d'Henri H, le jour de la fameuse mercuriale, avaient réprouvé les persécutions contre les protestants. Du Bourg, conseiller clerc du Parlement, était plus gravement compromis par sa qualité d'ecclésiastique. L'évêque de Paris, chargé de lui faire son procès, l'avait déclaré hérétique et ordonné qu'il serait livré au bras séculier. Du Bourg appela du jugement de l'évêque de Paris au métropolitain de Sens, et du jugement confirmatif de l'archevêque de Sens, à l'archevêque de Lyon, primat des Gaules ; et, à chaque nouvelle condamnation, il en appelait comme d'abus au Parlement de Paris, qui par trois fois déclara qu'il n'y avait point d'abus. Il fut dégradé du sous-diaconat et du diaconat par l'évêque de Tréguier, délégué de l'évêque de Paris, ce qu'il receut d'un cœur fort joyeux, disant que par ce moyen le caractère de la beste dont il est parlé en l'Apocalypse luy estoit osté. L'électeur palatin, Frédéric III, s'intéressait à son sort et faisait partir une députation pour demander sa grâce. Les Églises de France priaient pour lui. Quelques sectaires voulurent le venger et tuèrent le président Minard, qui avait montré le plus de passion contre les magistrats poursuivis. Du Bourg eut son heure de faiblesse. A la sollicitation de ses amis, il consentit, pour sauver sa vie, à pallier ses croyances, mais il se ressaisit et adressa au Parlement la confession de foi la plus explicite. Il fut condamné à être brûlé vif en place de Grève. En marchant au supplice, il ne cessa d'exhorter la foule à se convertir. Sa constance, au dire d'un témoin, fit parmi les jeunes gens des collèges plus de protestants que tous les livres de Calvin. Les dernières paroles qu'il prononça furent encore un témoignage de sa foi en la grâce souverainement efficace : Mon Dieu, ne m'abandonne pas de peur que je ne t'abandonne (23 décembre 1559). Les juges avaient secrètement arrêté qu'il serait étranglé avant de sentir le feu. Ils ne voulurent pas sévir contre les autres magistrats accusés qui furent absous ou condamnés à quelques mois de suspension. Mais ils ne montrèrent pas la même indulgence pour la masse protestante. Les curés sommèrent les fidèles sous peine d'excommunication de dénoncer les hérétiques de leur connaissance. Des descentes de police eurent lieu dans les différents quartiers de Paris et dans le faubourg Saint-Germain, qualifié de petite Genève ; les logis suspects furent fouillés, les gens qui s'y trouvaient conduits en prison. Ces perquisitions ne se firent pas partout sans résistance ni sans bataille. Pour juger les mal sentans de la religion, le Parlement se départit, en quatre Tournelles criminelles, et, laissant à la seconde Chambre des enquêtes le soin d'expédier les affaires civiles, il se consacra tout entier à l'œuvre d'épuration religieuse. La rigueur des édits fut encore accrue. Une déclaration datée de Villers-Cotterets, 4 septembre 1559, portait que les maisons où se tiendraient les conventicules seraient rasées. Un édit du 9 novembre prononçait la peine de mort contre les organisateurs d'assemblées illicites. Un édit de février 1560 enjoignit aux seigneurs hauts justiciers d'appliquer la loi sous peine de perdre leurs justices. Ordre fut donné aux commissaires des quartiers de Paris d'être diligents à recevoir les dénonciations et à saisir les dénoncés. Ainsi s'organisait une véritable inquisition civile qui vidait les prisons, à mesure qu'elle les emplissait, à coups de condamnations, au bannissement, aux galères, à la mort. Les Parlements d'Aix et de Toulouse se signalèrent aussi par leurs rigueurs. Le peuple de Paris, loin de plaindre les persécutés, s'associait aux violences. Aux sermons de l'Avent, deux assistants qui entreprirent d'interrompre le prédicateur furent égorgés sur place. De terribles scènes annonçaient la guerre religieuse. Des protestants ayant envahi, la nuit de Noël, une église du faubourg Saint-Marceau et tué le prêtre à l'autel au moment de la consécration, les catholiques fermèrent les portes, et renforcés par les soldats du guet, dépêchèrent les meurtriers à la chaude. II. — LE TUMULTE D'AMBOISE. LES Réformés avaient jusqu'ici souffert patiemment la prison et le bûcher ; ils se soumettaient aux peines que l'État catholique édictait contre eux et marchaient à la mort sans discuter le pouvoir qui les opprimait. C'est la période vraiment évangélique de la Réforme française. Mais, sous le successeur d'Henri II, l'attitude des dissidents changea ; ils prirent les armes pour se défendre et commencèrent à rendre coup pour coup. C'est qu'aux apôtres de la première heure s'étaient joints des adhérents moins résignés, soldats, gentilshommes, grands seigneurs qui n'avaient pas abjuré avec la religion catholique l'orgueil de classe et de race, l'humeur batailleuse des gens d'épée. Ils avaient changé de foi sans changer d'âme, sans dépouiller le vieil homme et se faschoyent de la patience chrestienne et évangélique. Déjà troublée par les passions de ces demi-convertis, la Réforme était en outre compromise par les alliances que la situation lui imposait. Le gouvernement des Guise, le souvenir de leur origine étrangère, leurs mesures financières, la disgrâce où ils tenaient les princes du sang et les grands officiers de la couronne lui amenaient un nombre prodigieux de recrues. Elle voyait aussi venir à elle des auxiliaires qui avaient pour toute conviction le ressentiment d'une injure ou l'amour du changement. Qu'elle le voulût ou non, elle servait de ralliement à tous les mécontents. Elle cessait d'être uniquement une Église, elle devenait un parti, condamné à toutes les compromissions que l'intérêt politique suggère. Il y eut des huguenots d'État comme il y avait des huguenots de religion. Jamais on ne vit en France tant de protestants. La noblesse du Sud-Ouest, besogneuse et turbulente, s'enrôla en masse dans cette opposition politique et religieuse. Il n'estoit pas fils de bonne mère, dit Monluc, le grand capitaine, qui n'en vouloit gouster. Mais ces fidèles d'un jour, plus sensibles à la tyrannie des Lorrains qu'aux abus du pape allaient entraîner les vrais Réformés dans la violence et la rébellion. Quelque temps ceux-ci hésitèrent. Il leur en coûtait de rompre avec les maximes du passé, avec les préceptes de résignation. Et, d'autre part, ils étaient aigris par la persécution, tentés par les chances que leur offraient l'ambition des princes du sang, le mécontentement de la noblesse et la misère des provinces. Les théologiens qu'ils consultèrent se montrèrent partagés. L'Église calviniste de Strasbourg préconisait l'emploi de la force, et un banni parisien, le jurisconsulte Hotman, hanté par le souvenir des tueries bibliques, se flattait que tous les Guise seraient mis à mort et qu'il ne survivrait pas un rejeton mâle de cette race maudite ; mais Calvin repoussait l'emploi de la violence : S'il s'espandoit une seule goutte de sang, les rivieres en decoulleroient. Il vaut mieux que nous périssions tous cent fois que d'estre cause que le nom de chrestienté et l'Évangile soient exposés à tel opprobre. Tout au plus admettait-il la légitimité de la révolte si tous les princes du sang et si les Parlements, en l'absence des États généraux, étaient unanimes à se prononcer contre le gouvernement des oncles de la Reine. Cette concession ouvrit les voies aux casuistes de l'insurrection, qui se contentèrent de l'approbation de deux princes du sang et plus tard même de celle d'un seul. Mais l'amiral Coligny, qui, sans s'être encore ouvertement déclaré, appartenait de cœur à la Réforme, pensait probablement comme Calvin. Il n'avait pas paru à la réunion de Vendôme : la réserve qu'il garda pendant ces premiers troubles s'explique moins par des raisons de prudence que par des délicatesses de conscience et des scrupules de légalité. Antoine de Bourbon et le prince de Condé se bornaient à encourager sous main tous les ennemis des Guise. La lutte allait s'engager sur leurs droits sans qu'ils émissent une prétention formelle, haute et claire ; attitude équivoque qui réduisait au rôle de conspirateurs les adversaires du gouvernement. L'opposition était composée d'éléments si divers, qu'elle garda du commencement à la fin l'allure la plus étrange. Avant de la lancer contre ses rivaux, Louis de Bourbon fit instruire mystérieusement leur procès. Il donna commission à certains personnages de preud'hommie bien approuvée de s'enquérir secrettement et toutefois bien et exactement des accusations élevées contre les Guise. L'information faicte, il se trouva par le tesmoignage de gens notables et qualifiés iceux estre chargés de plusieurs crimes de leze majesté, ensemble d'une infinité de pilleries, larrecins et concussions, non seulement des deniers du roy, mais de ses particuliers subjects. Ces informations veues et rapportées au Conseil du prince, attendu que le roy pour son jeune aage ne pouvoit cognoistre le tort à luy faict et à toute la France et encore moins y donner ordre, estant enveloppé de ses ennemis (les Guise), il ne fut question que d'adviser les moyens de se saisir de la personne de Françoys, duc de Guyse, et de Charles, cardinal de Lorraine, son frère, pour puis après leur faire procès par les estats[3]. Un gentilhomme périgourdin, La Renaudie, condamné autrefois comme faussaire par le Parlement de Dijon, fugitif à Genève et converti au protestantisme, fut l'homme que ses rancunes de proscrit, son zèle de néophyte et son énergie firent choisir pour exécuter l'arrêt, et, comme on disait, attacher la sonnette. La Renaudie courut les provinces et donna rendez-vous à Nantes aux gens de bonne volonté qui détestaient le gouvernement des Guise. Il en vint de toutes les parties du royaume, gentilshommes, soldats, roturiers (fév. 1560). Les fêtes d'un mariage qui avaient attiré dans la ville grande affluence de noblesse permettaient aux conjurés de se voir sans attirer l'attention. Ils avaient la prétention de représenter les trois ordres et d'être non pas seulement une réunion de gens groupés par une haine commune, mais des États généraux au petit pied. Devant ces prétendus délégués de la nation, La Renaudie attaqua les favoris qui tyrannisaient les consciences, usurpaient, quoique étrangers, toute l'autorité et rêvaient la ruine du Roi, de la famille royale, des princes du sang et de la noblesse. Il fallait s'emparer d'eux et les mettre dans l'impossibilité de nuire. L'assemblée approuva La Renaudie, et le confirma dans les pouvoirs qu'il tenait du prince de Condé. Cinq cents gentilshommes lui furent adjoints pour l'aider à opérer la capture, laquelle il ne seroit loisible d'outrepasser. Tous jurèrent de ne rien entreprendre contre le Roi et l'état légitime du royaume. Et probablement, ils étaient sincères. Condé continuait à rester dans l'ombre. La Renaudie enrôlait des soldats de tous pays ; il leur faisait prêter serment au capitaine muet. C'était le mode d'engagement en usage parmi les lansquenets d'Allemagne quand ils louaient leurs services à un chef inconnu. Dans chaque province du royaume, ses lieutenants Castelnau, Mazères, Maillé Brezé, Cocqueville, racolaient sans bruit des combattants. Toutes ces forces devaient se glisser vers la Loire homme par homme. L'exécution était fixée au 6 mars 1560. On espérait surprendre le Roi et ses ministres dans la ville ouverte de Blois. La Cour, sans défiance , quitta Blois au commencement de février (1560) pour se rendre à Amboise, lentement. Elle remonta au nord vers Marchenoir, dont la forêt attirait le jeune Roi, plus ardent au plaisir de la chasse qu'il n'eût fallu pour sa santé. C'est pendant le trajet qu'un premier avis venu d'Allemagne signala aux Guise le complot. Ils n'y prirent point garde. Quelques jours après, la nouvelle se confirmait. Un avocat parisien huguenot, Des Avenelles, qui avait logé La Renaudie et reçu ses confidences, vint dénoncer les conspirateurs et leurs projets. Les Guise restaient incrédules : Quand ils consideroyent le peu de puissance de ceux que l'on nommoit, cela ne leur pouvoit entrer en l'entendement. Mais le dénonciateur insistait, affirmait que dans dix ou douze jours tout serait faict ou failli. Un gentilhomme du duc de Nevers, qui avait un frère dans le complot, donnait des détails plus précis. Alors le Cardinal prit peur et proposa d'aller s'enfermer dans Amboise. Le Duc, plus calme, voulut pousser une pointe jusqu'à Montoire et reconnaître le pays. Tout était tranquille aux environs. Mais, par mesure de prudence, le Roi abrégea son voyage et s'établit à Amboise, dont le château était assez fort pour soutenir un siège (22 février). Un nouvel avertissement fut transmis par le cardinal Granvelle, un des principaux ministres de Philippe II dans le gouvernement des Pays-Bas. Tous ces avis signalaient le mouvement comme dirigé contre les Guise. Le chancelier Olivier, bien qu'il fût leur créature, en prit occasion de blâmer leur politique religieuse. A son tour, Coligny, que Catherine de Médicis avait mandé pour servir de conseiller ou d'otage, déclarait les ministres responsables du trouble des esprits et proposait de suspendre la persécution contre les protestants jusqu'à la décision d'un concile. Le Conseil décida de pardonner à ceux d'entre eux qui consentiraient à vivre à l'avenir en bons catholiques, mais de maintenir la rigueur des lois contre les prédicants, les fauteurs de troubles et les conspirateurs. C'était l'amnistie sans la liberté de conscience (2 mars). La Renaudie et ses complices n'avaient aucune raison de désarmer. L'installation de la Cour à Amboise les obligeait seulement à modifier leur plan. L'exécution fut ajournée au 16 mars et les dernières mesures arrêtées dans une réunion qui se tint au château de la Carretière, à six lieues d'Amboise. Le jeune Maligny (Edme de Ferrières), avec une cinquantaine d'hommes, devait se glisser dans la ville et s'y tenir caché ; trente des conjurés se logeraient au château même, grâce aux intelligences qu'ils y avaient. Au jour fixé, La Renaudie, Castelnau, Mazères et cinq cents gentilshommes, réunis dans la maison forte de Noizay, envahiraient Amboise et occuperaient les abords du château. Alors, sur un signal donné du haut de la résidence royale par une main amie, les bandes massées dans les bois accourraient pour prêter aide aux assaillants. Tous ensemble forceraient les portes du château si elles ne s'ouvraient d'elles-mêmes, et iraient demander respectueusement au Roi, la force en main, de leur livrer les ministres et d'écouter leurs humbles remontrances. Mais les événements rompirent ces combinaisons. Un nouveau traître, Lignières, livra aux Guise le secret des dernières résolutions. Le Duc prit là-dessus ses mesures. Il changea toutes les gardes et les composa d'hommes sûrs ; il fit murer la porte par où les insurgés pensaient entrer dans la ville. Des seigneurs et des capitaines fidèles furent envoyés à Orléans, à Blois, à Bourges, à Tours, à Angers, et gardèrent toutes les avenues d'Amboise. Instruit des lieux de rendez-vous, il lança dans les directions indiquées des troupes de cavalerie qui allaient cueillir au gîte les groupes éparpillés. Guise, si prévoyant, pouvait être victime de l'imprévu. Beaucoup de conjurés s'étaient glissés dans les environs d'Amboise ; d'autres arrivaient, qui, marchant dispersés et déguisés par des chemins peu connus, échappaient à la surveillance. La Cour était inquiète et murmurait ; elle en voulait aux ministres des alarmes où elle vivait depuis le 6 mars et de la séquestration que l'incertitude lui imposait. Les nouvelles de Tours précisèrent le danger. Le comte de Sancerre, chargé d'une mission dans cette ville, s'y heurta le soir à une troupe d'hommes armés, conduits par le capitaine Castelnau, qui l'obligèrent à reculer plus vite que le pas, mais ne profitèrent de leur succès que pour se dérober et disparaître la même nuit (14 mars). Le Duc, prévenu, multiplia les battues autour d'Amboise. Dans une de ces reconnaissances, le duc de Nemours aperçut auprès de Noizay les capitaines Mazères et Raunay, qui se retirèrent au plus vite dans cette maison forte. Il alla chercher du secours et revint cerner le refuge. Les capitaines qui y attendaient La Renaudie n'étaient pas en état de résister ; ils se rendirent sous promesse d'avoir la vie et la liberté sauves. Mais aussitôt qu'ils furent à Amboise, on les jeta dans un cachot (15 mars). La Renaudie n'avait pas eu le temps d'accourir. La prise de Noizay, d'où devait partir la grande attaque du 16, achevait de désorganiser son plan. A la vue des prisonniers, les complices, qui s'étaient logés dans Amboise, gagnèrent le large. Condé, qui arriva le jour même de ce désastre, ne songea plus qu'à faire bonne figure parmi les défenseurs du château. Cependant, les bandes, fidèles au mot d'ordre, parurent, au jour dit, devant ces murs qui n'abritaient plus un seul ami. Le 16, une troupe de gens de pied vint droit au château à travers bois. Il y avait parmi eux des artisans. C'étaient les innocents et les simples qui s'étaient laissé prendre à l'idée de voir le Roi et de lui remontrer, en nombreuse compagnie, la nécessité de réformer l'Église et l'État. François II se montra, dit-on, à une fenêtre, les engagea à se retirer et leur fit remettre quelque argent. Ils n'allèrent pas bien loin et se joignirent à d'autres bandes, attendant avec une confiance de fanatiques l'événement qui devait amener le triomphe de leur cause. Si La Roche-Chandieu eût marché plus vite, le miracle peut-être se serait fait. Ce capitaine, qui était parti de Blois pour attaquer le 17, de grand matin, le faubourg des Bonshommes, perdit du temps en route et n'arriva qu'au soleil levant. L'éclat des armes signala sa troupe aux sentinelles. L'alarme fut donnée au château. Les assaillants, reçus à coups de canon, tentèrent sans succès d'enfoncer une porte et disparurent. Alors les Guise prirent l'offensive. La cavalerie ramassa les fugitifs, les traînards, les attardés. Chaque troupe ramenait des prisonniers par dix, par quinze ou par trente. Parmi eux se trouvaient des gens qu'on avait renvoyés la veille. Ils se laissèrent prendre comme des enfants. Ce n'est pas qu'ils eussent peur ; ils avaient la plus superbe assurance dans le succès final ; ils énuméraient avec complaisance les forces dont ils disposaient, le nombre des soldats et des capitaines. Ils ne doutaient pas de la justice de leur cause, ni de la légalité de ce pétitionnement à la pointe de l'épée. Tous s'accordaient à dire qu'on n'en voulait qu'aux ministres et à protester de leur fidélité pour le Roi. La colère des Guise s'exaspérait d'être dénoncés comme ennemis publics. Le Duc s'était fait déléguer, sous le titre de lieutenant général, l'autorité militaire suprême (17 mars 1560). Le même jour il avait consenti à laisser sceller des lettres de pardon en faveur des conjurés qui s'en retourneraient paisiblement chez eux. Mais les aveux des prisonniers, leur nombre, la fureur et la crainte le ramenèrent à la rigueur. Les lettres du 22 mars exceptèrent de l'amnistie tous les chefs et ordonnèrent au prévôt de l'hôtel et à tous autres juges de leur faire leur procès. La Renaudie avait été tué le 19 dans les bois autour de Château-Renaud. Des conjurés que les soldats firent prisonniers, quelques-uns furent égorgés sur place, d'autres jetés, pieds et mains liés dans la Loire, au passage du pont. Le Duc avait écrit aux maîtres des eaux et forêts d'expédier tous ceux qui se cachaient dans les bois. Les populations des campagnes prirent part à cette chasse à l'homme. Les noyades, les exécutions sommaires, les assassinats simplifièrent la besogne du bourreau. Les instructions des juges furent expéditives et les arrêts exécutés sur l'heure. Le greffier ne perdait pas le temps à lire aux condamnés leur sentence. Il n'y eut bientôt plus assez de potences ; les créneaux et les portes du château portèrent aussi leurs grappes humaines. Le jeune Roi, la jeune Reine, les dames venaient après le dîner se récréer de ces scènes de mort. Pendant que le sang coulait, les protestants publiaient dans la Requête des États la justification de leur conduite. Ils se défendaient de vouloir avancer par la force le triomphe de l'Évangile, mais ils ne pouvaient avoir même scrupule quand il s'agissait d'une cause civile et politique qui est l'oppression, faite par les Guise, du Roi, Estats, loix et coutumes de France. Distinction subtile qui leur permettait comme opposants politiques et défenseurs des traditions une action qu'ils se fussent interdite comme chrétiens. Toute une légende, qui ne doit pas différer beaucoup de la vérité, se forma autour des victimes des Guise. C'est Villemongis, qui, avant de tendre le cou au bourreau, trempe ses mains dans le sang de ses compagnons et les élève au ciel toutes ruisselantes : Seigneur, voicy le sang de tes enfants. Tu en feras la vengeance. C'est Castelnau qui établit victorieusement contre le cardinal de Lorraine la doctrine calviniste de la Cène et qui fait honte au Duc de ses menaces de couper testes, comme indignes d'un prince. Ce sont deux simples fidèles, l'orfèvre Le Picard et Pierre de Campagnac, homme de lettres, qui rappellent au chancelier Olivier ses anciennes sympathies pour la réforme de l'Église et le mettent en contradiction avec son passé. C'est la fin lamentable du Chancelier, mourant frénétique et désespéré : Ha ! ha ! Cardinal, tu nous fais tous damner. La confusion des juges, les remords de leur chef, les démonstrations victorieuses et la constance des accusés rappellent les jugements des premiers chrétiens et couronnent ces vaincus de l'auréole des martyrs. Derrière les capitaines et les belîtres, les Guise auraient voulu saisir l'inspirateur de tous ces mouvements. Ils ne pouvaient croire que ces hommes de basse condition se fussent levés en armes contre l'autorité royale pour venger leurs propres injures. Les confessions des prisonniers mis à la torture compromettaient le prince de Condé ; les Guise lui firent donner l'ordre de ne pas quitter la Cour sans la permission du Roi. D'une participation directe au complot, il n'y avait d'autres preuves que les aveux de complices obscurs. Ce n'était pas assez pour convaincre un prince du sang, mais on ne lui ménageait pas les insinuations et on le traitait comme un suspect ; La Trousse, prévôt de l'hôtel, visita ses coffres. Condé se plaignit hautement des défiances dont il était l'objet. Il demanda à se purger du soupçon qui pesait sur lui. A sa prière, le Roi convoqua les grands seigneurs, les chevaliers de l'Ordre, les membres du Conseil privé pour entendre sa justification. Le Prince, hardiment, offrit la bataille à quiconque l'accuserait, voulant bien, disait-il, oublier en cette circonstance sa qualité de prince du sang. Le duc de Guise fut-il touché de cet air de bravoure ? Vivement il proposa au Prince de lui servir de second, s'il y avait des gens assez osés pour relever le gant. Quelques jours après, Condé quittait la Cour. III. — L'ASSEMBLÉE DE FONTAINEBLEAU. LA répression avait été si violente qu'elle causait un peu de malaise, même dans le parti vainqueur. L'opinion s'établissait que les Guise n'avaient fait que venger une offense personnelle ; tous les conjurés avaient maintenu, même dans des tourments, qu'ils n'en voulaient qu'à eux et que la personne du Roi leur était chère et sacrée. Le Connétable, chargé de rendre compte du tumulte d'Amboise au Parlement de Paris, glissa, dans le récit des faits, des considérations d'une bonhomie perfide, qui réduisaient l'attentat contre la majesté du Roi à une entreprise tramée par gens du commun contre ses principaux serviteurs et ministres. Ce fut la tactique de l'opposition de dire ou de laisser dire que la politique des Lorrains était la seule cause du soulèvement. La Reine-mère inclinait assez à le croire. Elle trouvait décidément que les favoris lui faisaient la part bien petite. Et puis leur gouvernement partial et violent répugnait à sa nature que de longues complaisances avaient assouplie et préparée aux accommodements. Dans ce besoin de détente qui se manifestait, elle trouva l'occasion de se mettre en avant. Elle plaça à la chancellerie Michel de l'Hôpital, qui, avec des intentions plus pures, rêvait une réconciliation générale (1er avril 1560)[4]. Les Guise se prêtèrent à cette expérience d'une politique modérée, sans désarmer, sans cesser de surveiller leurs ennemis. Catherine affectait de s'entourer de renseignements. Elle envoya Coligny faire une enquête en Normandie ; elle coquetait avec les Montmorency ; elle mandait Régnier de La Planche, le secrétaire du Connétable, un huguenot, et le questionnait curieusement sur les causes des troubles. Même avec l'Église réformée, elle se tenait en relations discrètes. Elle avait bien envie de s'entretenir avec un ministre et fit prier l'Église de Paris de lui envoyer La Roche-Chandieu. Les fidèles ne voulurent pas exposer leur pasteur, mais ils s'empressèrent de rédiger une consultation politico-religieuse qu'un certain Le Camus, fils d'un pelletier de la Reine-mère, se chargea de lui remettre. Marie Stuart la surprit pendant cette lecture ; Catherine n'était pas brave, elle livra le mémoire et nomma le porteur. Le duc de Guise le fit venir et l'interrogea sur la Conjuration d'Amboise. Le Camus déclara courageusement. qu'elle devait être attribuée aux fautes des ministres. Alors le duc de Guise, entrant en une colère démesurée, dit audit Camus qu'il en avoyt menty et que c'estoit un méchant paillard... et levant les mains comme forcené, faisoit contenance de le vouloir outrager. Devant ces accès de fureur, Catherine se faisait petite. Et, pour bien montrer sa soumission, elle trahissait Régnier de la Planche comme elle avait livré Le Camus. Le nouveau chancelier, Michel de l'Hôpital, ne s'était pas encore fait connaître. Ancien conseiller au Parlement de Paris (1537-1553), plus occupé de la culture de son esprit que de la pratique du droit, il avait été distingué par la sœur d'Henri II, Marguerite de France, princesse savante et bonne, qui le nomma président de son Conseil et chancelier de son duché de Berry. II plaisait aussi beaucoup au cardinal de Lorraine, et ce fut sur sa recommandation qu'il fut nommé maître des requêtes (1553). Cette charge qui l'approchait de la Cour commença sa fortune. Devenu premier président de la Chambre des comptes, renommé, comme tel, pour le contrôle rigoureux de l'administration financière, il était, à l'avènement de François II, entré au Conseil privé par la protection du chancelier Olivier et des Guise. Reconnaissant, il avait célébré en vers latins la gloire du Duc et l'éloquence et le grand cœur du Cardinal. Les mécontents crurent qu'il serait l'homme des Guise. Mais si tost qu'il eust été estably en sa charge, il se proposa de cheminer droict en homme politique et de ne favoriser ny aux uns ny aux autres, ains de servir au roy et à sa patrie[5]. Il se garda bien pourtant de contredire les Lorrains et de leur résister en face. Cet honnête homme était un habile homme. Il se conduisit avec tant de prudence qu'il trompa les ministres sur ses intentions. Son illusion fut de croire (et qui ne voudrait qu'il eût eu raison ?) que, dans ce déchaînement de fureur, il y avait place pour un régime de tolérance, de sagesse et de bon sens. L'Édit de Romorantin (mai 1560), qui ne fut pas son œuvre, mais qui est pénétré de son esprit, peut se résumer en quelques mots ; il remet le jugement du crime d'hérésie aux évêques, la punition des assemblées et des conventicules aux juges présidiaux. Les prédicants continuaient à être assimilés aux séditieux. C'était une première tentative aussi hardie qu'elle pouvait l'être, au lendemain du complot d'Amboise, pour distinguer le spirituel et le temporel, la religion et la police du royaume. La persécution se ralentit ; les protestants détenus pour cause de religion furent mis en liberté. Les événements d'Écosse contribuaient à rendre les Guise plus traitables. Leur sœur Marie de Lorraine qui, docile à leurs conseils, avait rompu avec les Lords protestants et inauguré une politique de compression, n'était venue à bout de la révolte qu'avec le secours des troupes françaises. Les vaincus appelèrent à l'aide les Anglais (juillet 1559). Élisabeth n'avait pas pardonné à Marie Stuart ses prétentions à la couronne d'Angleterre ; elle était intéressée à encourager les troubles et à soutenir l'insurrection en Écosse. Une flotte et une armée anglaises allèrent bloquer dans Leith les vieilles bandes que le duc de Guise avait envoyées et assurer le triomphe du parti protestant (janvier-avril 1560). Marie de Lorraine mourut le Il juin. La victoire d'Élisabeth enhardit les opposants de France. L'Édit de Romorantin n'avait pas calmé les passions ; les Réformés déchiraient les Guise dans leurs pamphlets, ils tenaient des prêches et s'assemblaient en armes, malgré les ordonnances. Des bandes couraient la Provence, le Dauphiné, la Guyenne. Sur les conseils de Coligny, la Reine-mère fit décider la réunion à Fontainebleau de grands personnages pour aviser aux nécessités. Ce fut moins une assemblée de notables qu'une sorte de Conseil élargi, où le Roi appela, avec ses conseillers ordinaires, les princes, les grands officiers de la couronne et les chevaliers de l'Ordre (de Saint-Michel). L'ouverture s'en fit le 21 août 1560. Le Roi et la Reine-mère
invitèrent les assistants à donner leur avis en toute sincérité. L'Amiral se
leva, et, s'inclinant devant le Roi, lui présenta une supplique des pauvres chrétiens de Normandie, qui, en termes
respectueux, demandaient la fin des persécutions et le droit d'élever un
temple. Il remit à Catherine une autre requête, rédigée dans le style et le
verbe dévots des Réformés, très hardie dans ses revendications, comme si elle
s'adressait à une alliée, et qui suppliait cette nouvelle Esther d'avoir pitié
du peuple de Dieu, et de deschasser toutes erreurs
et abus qui empêchent le règne de Jésus-Christ. L'intervention de
l'Amiral mettait au premier plan la question religieuse ; au fond,
l'Assemblée de Fontainebleau n'avait pas d'autre objet. De l'administration
militaire ou financière des Guise, personne ne paraissait avoir souci ; seule
leur politique religieuse était mise en question. L'avis des membres du Conseil privé qui appartenaient à l'ordre ecclésiastique avait une importance particulière. L'évêque d'Orléans, Morvilliers, l'évêque de Valence, Monluc, et Marillac, archevêque de Vienne, s'accordèrent à imputer les progrès de l'hérésie à la corruption catholique. Monluc, mondain et humain, facile aux nouveautés comme il l'avait été aux tentations du siècle, opposa aux évêques paresseux, ardents seulement à conserver leur revenu et à le dépenser scandaleusement, aux curés avares, ignorants, simoniaques ou recrutés parmi les maîtres d'hôtel des évêques, et, qui plus est, parmi leurs vallets de chambre, cuisiniers, barbiers et laquais, à tout ce bas et ce haut clergé dissolu, les trois ou quatre cents ministres de la nouvelle secte diligens et exercez aux lettres, avec une grande modestie, gravité et apparence de saincteté, faisans profession de détester tous vices et principalement l'avarice, sans aucune crainte de perdre la vie pour confirmer leur foi. Ces prédicants qui avaient trouvé le peuple sans berger avaient été facilement reçus et volontiers ouïs et. écoutés. Tellement qu'il ne se faut point esbahir s'il y a grand nombre de gens qui ayent embrassé ceste nouvelle doctrine. Assurément il en est parmi eux qui n'ont vu dans le changement qu'un moyen de se soustraire aux pratiques, de se dispenser des jeûnes, de manger gras les jours défendus et qui sont toujours prêts à défendre les armes à la main cette façon débordée de vivre. Mais il en est d'autres qui croient avoir trouvé le chemin de leur salut et qui n'hésitent pas à sacrifier à leur croyance leurs vies et leurs biens. Et faut que je confesse que toutes les fois qu'il me souvient de ceux-là qui meurent si constamment, les cheveux me dressent en la teste. Ces martyrs, ces résignés, ces humbles méritaient un autre traitement que les libertins honteux qui couvraient leur impiété d'une affectation de zèle pour la Réforme. L'exil était la peine la plus grave qui pût être prononcée contre les religionnaires paisibles. Que le Roi appelle de toutes les provinces bon nombre de gens de bien pour les consulter sur les maux du royaume ; qu'il presse la convocation d'un concile général, et, s'il y trouve trop de difficulté, d'un concile national pour réformer l'Église. Peut-être ne serait-il pas inutile d'appeler les principaux de la secte et de rechercher avec eux les moyens d'un accommodement. Toute la politique de Catherine de Médicis est dans le discours de Monluc. C'est le programme d'un parti qui voudrait maintenir l'ordre public et affranchir les consciences[6]. L'archevêque de Vienne, Marillac, dans un discours admirable de clarté, indiqua, lui aussi, comme remède à la corruption de l'Église la tenue d'un concile national, puisque les papes mettaient la plus mauvaise volonté à en convoquer un général, et, comme remède aux maux du royaume, la réunion des États généraux. Rien dans ses paroles ne paraissait viser les Guise, et cependant ils se sentirent atteints. Comme l'archevêque énumérait, entre autres raisons de tenir les États, l'occasion qu'y trouverait la nation d'exposer ses vœux, et le souverain d'expliquer sa conduite et ses intentions, il fut naturellement amené à parler des avantages qu'en retireraient les favoris eux-mêmes : Si les premiers ministres du roy sont calomniés comme autheurs et cause de tout le mal passé et qui peut advenir, comme ceux qui tournent toutes choses à leur avantage et font leur proffit particulier de la calamité de tous : y a-t-il autre moyen pour se nettoyer de tous soupeçons que de faire entendre en telle assemblée en quel estat l'on a trouvé le royaume, comme il a été administré. Il avait l'air de condamner, pour avoir lieu de la citer, l'opinion de tous ces malcontents qui imputent toute la faute aux gouvernants et soubs prétexte de quelque occasion qui semble avoir quelque couleur de vérité... y adjoustent une infinité de mensonges qu'ils font divulguer par placars, libelles fameux, lettres sans nom d'autheur, et par autres moyens obliques. Enfin il y avait plus que de l'irrévérence à passer sous silence les ministres quand l'archevêque montrait le Roi accompaigné pour sa protection et sa défense de la royne sa mère, de tant de princes du sang, de l'estat de l'église et de la noblesse, qui ne voudroyent tous espargner chose qui soit en eux jusques à la dernière goutte de leur sang pour la conservation de l'authorité du roy[7]... C'était signifier assez clairement aux Guise que leurs services n'étaient pas indispensables. Après les évêques, Coligny, qui se posait décidément en représentant du protestantisme, fit entendre les doléances de son parti et attaqua sans détour la politique religieuse et le gouvernement des Guise. Ils entouraient le Roi d'une nouvelle garde comme s'il n'était pas suffisamment protégé par l'affection de ses sujets. Ils persécutaient les pauvres chrétiens qui ne demandaient rien que la liberté de suivre l'Évangile. L'Amiral supplia le Roi d'avoir pour agréable la requête qu'il lui avait présentée et qu'il pourrait au besoin faire signer de cinquante mille noms. Piqué, le duc de Guise riposta : Et sur ce qu'on avoit dit que ceux qui presentoyent la requeste cy-dessus mentionnée se trouveroyent en nombre de cinquante mille, ou plus, de leur secte, le roy en opposeroit un million de la sienne... Les sujets avoiçnt pris les armes contre le roy ; ne servoit rien à dire que ce n'estoit contre le dit seigneur, ains contre aucuns de ses ministres. Tous les conciles du monde ne changeraient point son opinion, surtout en la foi qu'il avait au sacrement de l'autel[8]. Le cardinal de Lorraine, plus maitre de lui, mit en doute les intentions pacifiques des pétitionnaires et demanda ironiquement si c'était au Roi à adopter l'opinion de tels galants. Il n'était pas d'avis de les autoriser à construire des temples ; la liberté de prier et de prêcher, mais sans armes, devait leur suffire. Avant de penser à réunir un concile, ne serait-il pas bon de charger les évêques et les curés de faire une enquête sur la nécessité de réformer l'Église ? Il se prononça plus nettement que son frère pour la convocation des États généraux. Les chevaliers de l'Ordre opinèrent tous dans le même sens que le Cardinal, dont l'avis réunit ainsi la majorité des voix. François II, par lettres du dernier août 1560, ordonna que les États généraux se réuniraient à Meaux le 10 décembre suivant. Les sénéchaux et les baillis devaient chacun faire en son bailliage et sénéchaussée particuliere assemblée des trois estats de leur ressort pour s'accorder ensemble tant des remontrances, plaintes et doléances qu'ils auront à luy (le Roi) proposer et faire entendre que pour eslire certains personnages d'entre eux et pour le moins un de chascun estat qui auroit la charge de proposer ce qui lui auroit semblé tourner au bien public, soulagement et repos d'un chascun. IV. — LES GUISE CONTRE LES BOURBONS. MALGRÉ les conseils du Connétable, les Bourbons n'étaient pas venus à Fontainebleau. Ils continuaient le jeu qui leur avait si mal réussi à Amboise ; ils entretenaient sous main le mécontentement, prêts à profiter d'un succès ou à désavouer un échec. Leurs partisans travaillaient l'opinion. Il courut une multitude de livrets, d'opuscules, de pamphlets où l'ambition des Guise était dénoncée et leur tyrannie vouée à l'exécration publique. L'Epistre envoyée au Tigre de la France est un cri de fureur contre le cardinal de Lorraine : Tigre enragé ! Vipère venimeuse ! Sépulcre d'abomination !... Jusques à quand sera ce que tu abuseras de la jeunesse de nostre Roy ? Ne metras-tu jamais fin à ton ambition démesurée, à tes impostures, à tes larcins ?... Monstre détestable ! chacun te congnoit, chacun t'aperçoit : et. tu vis encores... Doncques va t'en ! Descharge-nous de ta tyrannie ! Évite la main du bourreau. Les passions excitées par ces appels sauvages faisaient rage. Dans les provinces du Midi surtout, il y avait des prêches en armes, des saccagements d'églises, des courses, des combats entre les bandes huguenotes et les troupes royales. Mouvans, choisi pour chef par les soixante Églises de Provence, courait le plat pays, abattait les images et faisait jeter au creuset les objets du culte et les trésors d'orfèvrerie (avril)[9]. Lui vaincu, et la Provence soumise, Du Puy Montbrun reprit la lutte dans le Dauphiné (août). Antoine de Bourbon projeta de s'emparer de Lyon, où les Réformés étaient nombreux, et de donner un point d'appui et une place d'armes à l'agitation du Sud-Est. Le jeune Maligny, chargé de l'entreprise, fit couler secrètement dans la ville nombre de soldats qu'il logea chez des coreligionnaires. Il n'attendait plus que le moment d'agir lorsque survinrent des ordres tout contraires. Le roi de Navarre, repris par ses hésitations habituelles, lui fit dire d'abandonner la partie et de conduire ses hommes à Limoges. Maligny se décida à obéir et à licencier les soldats aussi secrètement qu'il les avait réunis. Mais un hasard fit découvrir le dépôt d'armes qu'il avait formé. Le capitaine de la ville, prévenu, se rendit avec 300 arquebusiers au logis désigné. Il y avait là 30 ou 40 soldats. Ils tinrent tête aux assaillants que Maligny, avec quinze gentilshommes, chargea par derrière et rejeta sur la rive droite de la Saône. La presqu'île entre le Rhône et la Saône resta aux Réformés, qui profitèrent de leur succès pour disparaître (4-5 septembre 1560). Furieux de trouver dans tous les complots la main des mêmes ennemis, les Guise revinrent à la politique de violence. Leur autorité, un moment contenue, recommença à grandir quand Marie Stuart eut l'illusion d'une grossesse. Dans sa joie, François II rendit toute sa confiance aux oncles de la Reine ; Catherine de Médicis elle-même, troublée par la peur d'une révolte, renonçait à ses velléités d'opposition. Philippe II, dont elle sollicita l'appui, ordonna au duc d'Albuquerque, vice-roi de la Navarre espagnole, de mobiliser tous les hommes valides de vingt à soixante ans (octobre). Les Guise voulaient en finir. Justement la capitulation de Leith, la ruine du parti catholique en Écosse, le traité de Lislebourg[10] (6 juillet 1560), qui faisait passer le royaume de Marie Stuart sous l'influence de l'Angleterre, rendaient disponibles les troupes de l'armée expéditionnaire. Avec ces vieilles bandes et les nouvelles levées, les Guise avaient en main le nombre et la force. Ils accusèrent les Bourbons en face. François II envoya Crussol à Nérac (sept.) dire au roi de Navarre que, depuis six mois, il sait que, de différents côtés, on pratique l'embauchage des hommes d'armes et que de cette belle entreprise on n'en chargeoit que le prince de Condé. Il invitait Antoine de Bourbon à lui amener son frère pour qu'il se justifiât, vous pouvant asseurer que, là où il refusera m'obeyr, je sauray fort bien faire cognoistre que je suis roy. Ainsi sommé de choisir entre l'obéissance et la révolte, le roi de Navarre se décida à obéir ; il partit pour la Cour avec le prince de Condé. Sa docilité excitait parmi ses partisans et parmi les Réformés une surprise mêlée d'indignation et de mépris. Les Guise, appréhendant que cette soumission ne cachât quelque menée, prirent leurs précautions. Ils ordonnèrent aux gouverneurs de garder plus soigneusement les places fortes au moment du passage des princes et de ne les y admettre qu'avec leur train ordinaire. A mesure qu'Antoine et son frère avançaient, le réseau des troupes royales se resserrait et se refermait derrière eux. Ils étaient prisonniers avant d'être arrivés. Par de nouvelles lettres patentes du 2 octobre 1560, les États généraux qui devaient se réunir à Meaux le 10 décembre avaient été convoqués à Orléans pour le même jour. Les Guise avaient massé dans cette ville plus de soldats, disait-on, qu'il n'en avait fallu à François Ier pour conquérir le Piémont. Mais cette armée n'était pas trop grande pour le dessein que se serait proposé le cardinal de Lorraine. Il aurait rêvé d'écraser à la fois les ennemis de l'Église et les ennemis des Guise, la Réforme et les Bourbons. Les députés seraient invités à signer une profession de foi catholique, qui servirait à reconnaître les suspects, les tièdes, les douteux. Le Roi l'imposerait à tous les officiers de la couronne, aux magistrats, aux seigneurs, aux évêques, aux gentilshommes, à tous ses sujets. Quiconque refuserait son approbation perdrait sa charge, son office, son rang, sa qualité de Français et même la vie. Et ce prodigieux déploiement de forces signifiait assez que le Roi avait en main de quoi se faire obéir, que l'épuration serait faite et parfaite, et que l'on pourvoirait au rétablissement de l'ordre et de l'unité religieuse par l'extermination des dévoyés, des réfractaires et des rebelles. C'est à ces ennemis résolus qu'Antoine de Bourbon et son frère vinrent se livrer. Ils entrèrent dans Orléans, gardée comme une place assiégée, sans que la Cour sortît à leur rencontre. Ils défilèrent entre des haies de gens d'armes qui les accablaient d'insultes et de moqueries (31 octobre). Quand ils furent en présence du Roi, les Guise affectèrent de se retirer comme pour lui laisser l'initiative des décisions. François II reprocha au prince de Condé ses complots et ordonna son arrestation. Il le fit emprisonner dans une maison dont les fenêtres furent grillées et les approches défendues avec du canon. Le roi de Navarre resta libre, mais toutes ses démarches étaient surveillées. Ses gentilshommes l'abandonnaient ; ses adversaires le brocardaient. Il ne laissa pas d'aller prendre sa place au Conseil privé. Il caressait les Guise, il réclamait des peines sévères contre les rebelles ; il voulait par ces complaisances sauver la vie de son frère. Il s'attachait aux pas du cardinal de Lorraine, et Brantôme l'aperçut qui lui parlait plus souvent découvert que couvert. lin jour, en plein Conseil, sa douleur éclata. Il rappela les services rendus par sa maison et s'écria que si le Roi avait tant soif du sang des Bourbons... La Reine-mère l'interrompit vivement et lui promit que la justice seule inspirerait les décisions de son fils. Il essuya ses larmes et s'excusa de son émotion. Mais celui qu'il voulait sauver se montrait intraitable. Condé criait à tous, gardiens et soldats, sa haine contre les ministres. Ceux-ci, après de longues hésitations, confièrent le jugement du Prince à une commission extraordinaire composée de magistrats, de conseillers d'État et de chevaliers de l'Ordre. Ce tribunal d'exception prononça, le 26 novembre, une condamnation capitale, mais les avis avaient été très partagés. Le comte de Sancerre refusa de signer l'arrêt ; d'autres firent comme lui ; le chancelier de l'Hôpital ajourna toute décision. Ce n'était pas seulement scrupule et humanité ; la fortune des Guise était compromise. Le jeune Roi se mourait. Cet enfant, né malade, avait achevé de ruiner son corps par l'abus de la chasse et du lit conjugal. Le 16 novembre, il eut une syncope. Le mal fit de si rapides progrès que tout espoir de guérison parut perdu. Tandis que le Cardinal ordonnait des processions et des prières pour le salut du malade, le Duc s'emportait en jurements et en blasphèmes et, menaçait de faire pendre les médecins. Dans la confusion générale, Catherine ne perdit pas la tête. Il est certain qu'elle avait tendu le piège où les Bourbons vinrent se prendre, mais elle était prompte à se retourner. On prétend que les Guise lui proposèrent de hâter le supplice du prince de Condé. Ce meurtre l'eût mise à la discrétion de ses complices. Son intérêt lui commandait seulement de limiter les prétentions d'Antoine de Bourbon avant la mort de François II. Son fils, Charles, l'héritier présomptif, étant mineur, elle ne pouvait s'assurer la possession paisible de la régence qu'en arrachant une renonciation au premier prince du sang. Il n'y avait pas de loi qui réglât la délégation du pouvoir sous la minorité des rois ; les précédents historiques étaient contradictoires. L'exemple de Blanche de Castille était favorable à Catherine de Médicis, mais la loi salique qui excluait les femmes du trône semblait, par analogie, les exclure aussi du gouvernement. Les régences avaient été établies ou par la volonté des rois, ou par une décision des États généraux, ou même par un arrêt du Parlement. Catherine aimait mieux un accord à l'amiable qu'une guerre civile ou un recours aux magistrats et aux députés des trois ordres. La bonhomie du roi de Navarre lui promettait un arrangement avantageux. Elle déclara pour l'épouvanter qu'elle était résolue à conquérir le pouvoir, même au prix du sang des Bourbons. Quand elle le crut suffisamment convaincu de ses intentions criminelles, elle le fit appeler dans son cabinet (2 décembre) : il croyait marcher à la mort. A la porte, une dame l'arrêta pour lui souffler à l'oreille de tout accepter, sinon c'en était fait de lui. Il entra ; le duc de Guise et le cardinal de Lorraine étaient présents. Catherine, d'un ton sévère, rappela les complots des Bourbons. Les dénégations étaient inutiles ; les preuves surabondaient. Antoine avait perdu par ses fautes les droits qu'il serait tenté de prétendre au gouvernement du royaume. Le roi de Navarre, tout en protestant de son innocence, dit qu'il renonçait volontiers à la régence. La Reine prit acte de cette déclaration et lui promit en retour qu'il seroit lieutenant du roy en France... et que rien ne seroit ordonné sinon par son advis et des autres princes du sang. L'avenir ainsi réglé, elle voulut inaugurer son pouvoir par une réconciliation des partis. Sans scrupule, au moment où son fils se mourait, elle lui imputa, et à lui seul, l'arrestation du prince de Condé et déchargea les favoris de toute responsabilité. Le roi de Navarre admit encore cette explication et fit la paix avec les Guise. Dupe de la comédie que Catherine avait organisée, tremblant pour la vie de son frère et pour la sienne, il laissait échapper la fortune qui s'offrait à lui et abandonnait à d'autres mains le sort de son parti[11]. Trois jours après, François II expirait (5 décembre 1560), les Guise quittaient le pouvoir et Catherine de Médicis prenait la direction des affaires. |
[1] SOURCES : H. de la Ferrière, Lettres de Catherine de Médicis, I, 1880, Collection de Documents inédits sur l'Histoire de France. Mémoires-journaux du duc de Guise, Michaud et Poujoulat, 1re série, VI. Mémoires du prince de Condé, 1743, I et II. Dupuy, Traité de la majorité de nos rois et des régences du royaume, 1655. Teulet, Relations politiques de la France et de l'Espagne avec l'Écosse. 1882, 11. Louis Paris, Négociations... relatives au règne de François II, Coll. Doc. inédits, 1841. Dépêches de Sébastien de l'Aubespine, ambassadeur de France en Espagne sous Philippe II, Revue d'histoire diplomatique, XIII et XIV, 1899-1900. [Mayer], Des États généraux et autres assemblées nationales, X, 1789. Archives curieuses de l'Histoire de France ou Collection de pièces rares et intéressantes, publiées par Cimber et Danjou, 1er série, 1884-1840, IV. Lettres françaises de Jean Calvin, publiées par Jules Bonnet, 1854. Pierre de la Place, Commentaires de l'estat de la religion et république et Régnier de la Planche, Histoire de Testai de France sous François II, Panthéon littéraire, réédition de 1884. Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France, éd. nouvelle publiée par Baum et Cunitz, Paris, 1883, I. Epistre envoyée au tigre de la France, éd. Read, 1875. F. Beaucaire de Péguillon, Francisci Belcarii Peguilionis, Metensis episcopi, Rerum gallicarum Commentarii, ab anno Christi MCCCCLXL ad annum MDLXXX, Lyon, 1825. [La Popelinière], Histoire de France, I, 1581. D'Aubigné, Histoire universelle, éd. de Ruble, Société de l'histoire de France, I, 1886.
Le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français publie des documents du plus grand intérêt pour l'histoire des guerres de religion.
OUVRAGES A CONSULTER : De Ruble, Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, II, 1882. Mignet, Lettres de Jean Calvin, Journal des Savants, déc. 1856, fév., mars, juillet, août 1857 et janvier 1859. Paillard, Additions critiques à l'hist. de la Conjuration d'Amboise, Revue historique, XIV, 1880. Dareste, François Hotman, sa vie et sa correspondance, Revue historique, II, 1876. René de Bouillé, Histoire des ducs de Guise, 1849, II. Forneron, Les Guise et leur époque, I, 1877. D'Aumale, Histoire des princes de Condé, I, 1889. Decrue, Anne de Montmorency... sous Henri II, François II et Charles IX, 1889. Guillemin, Le cardinal de Lorraine, 1847. Dupré Lasale, Michel de l'Hospital avant son élévation au poste de chancelier de France, 2 vol., 1875-1899. P. de Vaissière, Charles de Marillac (1510-1560), 1896. Comte J. Delaborde, Gaspard de Coligny, 1879, I. Erich Marcks, Gaspard von Coligny, I, 1893. Martin Philippson, Histoire du règne de Marie Stuart, Paris, 1891. Sous le titre : Les grandes scènes historiques du XVIe siècle, M. A. Franklin a publié en 1886 la reproduction fac-similé des gravures de J. Tortorel et J. Perrissin, deux témoins des premières guerres de religion. La France protestante des frères Haag, 10 vol., est un dictionnaire biographique indispensable ; la 2e édition, revue et complétée par Bordier, en est au 6e volume, lettres A-G, 1877-1888.
On citera une fois pour toutes les deux volumes si pathétiques et si passionnés de Michelet : Guerres de religion et La Ligue et Henri IV, t. XI et XII de son Histoire de France.
[2] Aussi fut-il décidé que François II s'intitulerait seulement roi de France et d'Écosse, mais que Marie Stuart pourrait, dans les actes publics, prendre le titre de reine d'Angleterre. (Froude, History of England, 1887, VI, p. 243.)
[3] Régnier de la Planche, De l'Estat de France, p. 237.
[4] Les lettres de provision datées du 30 juin disent que dès le 1er avril le Roi avait avisé de pourvoir de l'état de chancelier Michel de l'Hôpital, qui avait accompagné à Nice Marguerite de France, devenue duchesse de Savoie.
[5] Régnier de La Planche, De l'Estat de France, p. 305.
[6] Mémoires de Condé, I, 555-568. Sur Monluc, voir les Notes et documents pour servir à la biographie de Jean de Monluc, évêque de Valence, publiés par Tamizey de Larroque, 1868, Revue de Gascogne.
[7] Régnier de la Planche, p. 357-358.
[8] Régnier de la Planche, p. 361. Le procès-verbal des États-Généraux [Mayer], p. 306, attribue faussement ces paroles au cardinal de Lorraine.
[9] Mouvans ou Mauvans. Cte de Panisse-Passis, Les comtes de Tende de la maison de Savoie, 1889, p. 79, et Lambert, Histoire des guerres de religion en Provence, I, p. 91, 1870.
[10]
C'est le traité signé à Édimbourg que les Français appelaient Lislebourg. Voir Law, Lislebourg et le Petit
[11] Régnier de la Planche, De l'Estat de France, p. 415-416.