I. — L'EUROPE APRÈS LA PAIX DE CAMBRAI. APRÈS 1530, Montmorency devint le véritable chef du gouvernement. Grand-maître de l'Hôtel, gouverneur du Languedoc depuis 1526, il avait eu la part prépondérante dans les événements qui aboutirent au traité de Cambrai ; il avait été chargé d'opérer la délivrance des Enfants de France, condition essentielle pour que la politique royale reprit sa liberté d'action. Lorsqu'il eut réussi, son crédit fut sans bornes et il parut l'homme indispensable. A ce moment, il héritait par la mort de son père, le 24 mai 1531, des domaines de Montmorency, de Beaumont-sur-Oise, de Compiègne, de Chantilly, d'Écouen, de l'Isle-Adam, de Fère-en-Tardenois. Il devenait un des plus riches seigneurs fonciers du royaume ; son titre de premier baron de France le classait à part dans la noblesse, à une époque où les grandes familles féodales anciennes avaient presque entièrement disparu. Puis Louise de Savoie mourut le 22 septembre 1531 et, des ministres de la première partie du règne, il ne resta plus que Duprat, vieilli et beaucoup moins en faveur. D'ailleurs, le Roi s'entourait de plus en plus de nobles et le gouvernement redevenait aristocratique, de bourgeois qu'il avait été pendant longtemps Ami autant que serviteur du Roi, Montmorency affecta de le soulager du tracas des affaires, dont il prit toute la charge ; il s'attacha la reine Éléonore, négligée par son mari presque immédiatement après son mariage, mais à qui la grandeur de son frère et la nécessité où l'on était de le ménager assuraient une certaine influence dans la politique. Enfin il établit son autorité sur le crédit qu'il trouvait auprès de l'Empereur : C'est celui, écrivait Charles, qui entend et sçaura mieulx conduire et guider de bonne sorte et en doulceur les affères, ayant bon zèle au bien de paix, autant que nul autre des collatéreaulx de ceste court. Et de son côté Montmorency écrivait à Marguerite d'Autriche : Laquelle (amitié) j'espère, au plaisir de Nostre Seigneur, veoir augmenter et tellement fortiffier qu'elle sera pour demeurer à tousjours inséparable. A quoy povez estre asseurée, Madame, que, pour ce faire, le Roy ni Madame vostre sœur n'espargneront chose que bonnement ils puissent faire pour de leur costé y servir. allait donc être le représentant de la politique de paix et presque d'alliance avec l'Empereur, qui se conciliait avec ses doctrines d'absolutisme monarchique et de conservatisme religieux. Il faut reconnaître d'ailleurs qu'après le traité de Cambrai il n'y avait pas pour la France d'autre attitude possible que le recueillement. François Ier ne pouvait songer à violer une fois de plus ses engagements : il n'avait pour s'y soustraire aucun des prétextes qu'il avait invoqués contre le traité de Madrid. De plus, il fallait qu'il reconquit l'opinion européenne, car ses anciens alliés d'Italie restaient fort irrités de son manque de foi, et les Allemands n'étaient guère disposés à se fier à un prince, qui oubliait les promesses faites à ses amis aussi bien qu'à ses adversaires. Enfin il savait la France épuisée d'hommes et d'argent. Mais le temps et les circonstances continuaient à travailler pour lui. En Allemagne, la plupart des princes persistaient à contester la légitimité de l'élection de Ferdinand comme roi des Romains ; les luthériens protestaient contre les décisions de la diète d'Augsbourg et s'agitaient. De décembre 1530 à mars 1531, les électeurs ou princes luthériens de Saxe, de Hesse, d'Anhalt, de Brunswick et les délégués de onze villes libres, réunis en conférence à Smalkalde, y constituèrent la ligue fameuse, qui faisait du parti luthérien une sorte d'État souverain, pourvu de ressources politiques, militaires et financières. Or, bien que les confédérés eussent déclaré avec insistance qu'ils reconnaissaient la souveraineté impériale, le fait seul de 'se liguer témoignait assez qu'ils voulaient en restreindre l'exercice et, tout de suite, ils cherchèrent des alliances en Lorraine, en Suisse, en Danemark, à Venise, en France. Soliman, malgré son échec devant Vienne, restait redoutable et redouté ; il avait disposé de la Hongrie en faveur du candidat antiautrichien, Jean Zapolya, qui s'inclina devant sa face, et il avait reçu des ambassadeurs de presque tous les princes d'Europe, même de l'Empereur et de Ferdinand, dont il repoussa les avances. Il continuait ses armements sur terre et sur mer, menaçant ainsi l'Allemagne d'un côté, les États méditerranéens de l'autre. François Ier et aussi Montmorency, que son esprit pacifique n'empêchait pas de prendre des précautions, continuèrent des intelligences avec les adversaires secrets ou déclarés de Charles : princes allemands, luthériens, Hongrois, Ottomans, avec le roi d'Angleterre, le Pape, les Vénitiens. De 1531 à 1535, le roi de France et l'Empereur ne cessèrent pas de se surveiller et de jouer un jeu de politique très serré, où presque toujours l'offensive venait de la France. La mort presque simultanée de Marguerite d'Autriche (décembre 1530) et de Louise de Savoie (septembre 1531) contribua à compromettre la paix, qui avait été leur œuvre et à laquelle toutes deux étaient très attachées. En outre, le principal conseiller de Charles-Quint depuis dix ans, le chancelier Gattinara, étant mort en 1530, fut remplacé par le cardinal de Granvelle qui, en sa qualité de Franc-Comtois, était plus disposé à raviver entre la France et l'Autriche la vieille querelle bourguignonne. A ce moment, par toute l'Europe, travaille la diplomatie. François Ier a des représentants en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Suisse, en Turquie ; il les prend surtout parmi les évêques, les magistrats, les gens de robe et même les érudits. Il accrédita auprès de Charles-Quint Dodieu de Vély, qui fut fait évêque de Rennes en 1541 ; auprès de Henri VIII, Jean de Dinteville, Jean du Bellay, évêque de Paris, et M. de Castillon ; auprès du Pape, les cardinaux de Gramont et de Tournon. Des hommes de guerre furent aussi chargés de missions. Guillaume du Bellay fut envoyé à trois reprises auprès des protestants allemands, avant d'être chargé de défendre le Piémont et de le gouverner. A Venise, l'ambassadeur français fut, à partir de 1529, l'humaniste Lazare de Baïf. Il se forma des familles de diplomates. Jean de Selve, premier président aux parlements de Rouen, de Bordeaux, puis de Paris, fut ambassadeur auprès de Charles-Quint, en 1525. Sur ses six fils, Lazare fut gentilhomme de la Chambre, ambassadeur près des cantons suisses ; Jean-Francisque, ambassadeur en Turquie ; Jean-Paul, évêque de Saint-Flour, fut chargé de missions à Rome et à Venise ; Odet, conseiller au parlement de Paris et au Grand Conseil, fut ambassadeur à Rome et en Angleterre ; Georges, évêque de Lavaur, ambassadeur en Italie, en Espagne, en Allemagne. François Ier eut aussi un grand nombre d'agents secrets, qui se répandirent dans toute l'Europe ; il les lançait en avant, leur confiait les besognes compromettantes, sauf à les désavouer en cas d'insuccès. La situation des ambassadeurs était presque toujours précaire et difficile, car c'est à peine si on leur reconnaissait un droit à l'inviolabilité dans les pays où ils étaient accrédités. Mais le plus grand embarras pour eux venait — et il durera longtemps — de leurs rapports avec leurs gouvernements, à cause de la difficulté des communications et de la rapidité avec laquelle variaient les faits et les combinaisons. S'ils voulaient faire acte d'initiative — ils ne pouvaient guère s'en abstenir — ils risquaient d'être en retard sur les événements ou sur la pensée du moment d'un ministre. Enfin ils étaient payés très irrégulièrement et très mal. Après la conclusion de la Ligue de Smalkalde, François Ier avait envoyé Guillaume du Bellay auprès des confédérés, avec mission de leur promettre le secours de la France, pour la défense de la liberté germanique ; il signa en mai 1539 le traité de Scheyern avec les ducs de Bavière, le duc de Saxe, Philippe de Hesse et quelques autres princes allemands : les contractants s'engageaient à se soutenir réciproquement, François Ier recevait le droit de lever des soldats chez ses alliés. Il agitait le Palatinat et avait des émissaires dans la région rhénane ; il soutenait sous main la revendication du Wurtemberg par le duc Ulrich, dépossédé en 1521 ; il s'efforçait d'empêcher tout accord entre Ferdinand d'Autriche et Zapolya. En Suisse, la guerre avait éclaté entre les protestants et les catholiques[2]. François Ier se montra plutôt favorable aux premiers, conduits par Zwingli. On prétendait même que ses agents Boisrigault et Lambert Mégret se délectaient à lire les livres hérétiques. Lorsque l'Empereur lui demanda d'intervenir avec lui en Suisse, — et ce n'eût pas été au profit de réformés, — le roi de France répondit qu'il ne voulait pas s'entremettre dans une affaire où il n'y avait que coups et dépense d'argent. D'ailleurs tout le monde, même Charles et le Pape, poussait à la conciliation. La paix fut signée en 1531. Boisrigault écrivait que jusques aux femmes iroient au secours de la France, tant on attribuait au Roi le mérite d'avoir défendu les intérêts des cantons. Les menaces des Turcs suspendirent les effets de cette politique et rapprochèrent les princes allemands de l'Empereur, qui d'ailleurs fit des concessions : à la diète de Ratisbonne, qui siégea d'avril à juillet, il promit de tout faire pour arriver à la réunion du concile général, réclamé depuis si longtemps par les réformés, et il conclut en août le traité de Nuremberg avec la Saxe et ses alliés. François Ier voulait éviter qu'on pût lui attribuer une part quelconque dans l'invasion imminente de l'Allemagne par les armées ottomanes. Il déclarait aux ambassadeurs de Zapolya qu'il ne soutiendrait pas celui-ci contre l'Autriche, et il avait dépêché Rincon à Soliman, avec la mission ostensible de le détourner de la guerre. Lorsque l'Empereur, très habilement, le mit en demeure de défendre la Chrétienté contre les ennemis de la foi, il usa de faux-fuyants, refusant d'accorder des secours d'argent, lui qui toute sa vie avait voulu se trouver en personne aux guerres qu'il avait entreprises ; proposant une entente directe avec les princes allemands pour l'organisation de la défense en Allemagne, ou bien encore offrant d'envoyer en Italie une armée destinée à combattre le Turc. Il savait bien que l'Empereur ne s'y prêterait à aucun prix, et celui-ci en effet écrivait : La commune renommée est que ledit seigneur Roy entend faire armée et mesmes lever les gens des dites Ligues pour aller entreprendre par force contre le duché de Millan et contre Gênes. Quant à Soliman, il se esmerveilloit de ce que le Roy faisoit telle requeste (de la paix) à la faveur d'un homme (l'Empereur) qui l'a si mal traictié. En juin 1532, il lança ses armées en Hongrie et sa flotte dans la Méditerranée. Repoussé devant la petite place forte de Gins, héroïquement défendue, il ravagea les provinces autrichiennes, mais rentra à Constantinople en novembre. Sa flotte, pendant ce temps, avait été vaincue par celle de Doria. A ce moment, l'Empereur sembla maitre de la situation, car il disposait des forces allemandes considérables levées contre les Turcs et inutilisées. François Ier, Henri VIII, ainsi que les Italiens, étaient fort inquiets. Mais Charles se mit à négocier partout : avec Clément VII, qu'il vit à Bologne, de décembre 1532 à février 1533, avec les Allemands et même avec Soliman, de qui il obtint un armistice en juillet 1533. Cette politique faisait des mécontents parmi ses alliés et serviteurs, qui lui reprochaient son inertie dans des circonstances si propices : Nous guerroyons comme notre Empereur a toujours aimé à le faire ; nous imitons le bœuf qui, lorsqu'il se voit placé dans un gras pâturage, s'accroupit, mange et rumine, puis, aussitôt que la faim recommence à le presser, avance pas à pas pour se procurer une nouvelle pâture. Mais Charles discernait mieux qu'eux les difficultés de la situation, si glorieuse qu'elle fût pour lui. Partout il voyait se préparer contre lui une coalition éventuelle. II. — L'ALLIANCE FRANCO-ANGLAISE[3]. APRÈS comme avant 1530, François Ier avait vu dans l'alliance avec Henri VIII le principal moyen d'action de sa politique, d'autant qu'il était sensible pour tous que le roi d'Angleterre subordonnait tous ses desseins au succès de son projet de divorce avec sa femme Catherine, la tante de l'Empereur, depuis qu'il s'était épris d'Anna Boleyn. Lorsque le premier ministre anglais Wolsey fut mort disgracié, en 1530, Thomas Cromwell le remplaça bientôt. Brutal et décidé, sceptique et sans scrupule, il entreprit, tout en servant le caprice de son maitre, d'établir en Angleterre le pouvoir absolu et d'abaisser la noblesse et le clergé jusqu'à les anéantir devant le Roi. A partir de 1529, Henri VIII, qui ne pouvait plus douter ni de l'hostilité de Charles-Quint ni du mauvais vouloir de Clément VII, s'était attaché comme désespérément à François Ier. Il avait cherché à obtenir une déclaration de la Faculté de théologie de Paris en faveur du divorce. Soutenue par Guillaume du Bellay, cette étrange requête rencontra une opposition très vive dans la Faculté, menée par Noël Béda et par l'Espagnol Garay. Ce ne fut que par un coup de surprise et après des séances fort orageuses que, le 2 juillet 1530, du Bellay obtint, à une très faible majorité, la décision sollicitée par Henri VIII[4]. Celui-ci bannit alors de la cour la reine Catherine et, en 1531 et 1532, il mena vigoureusement la campagne contre la suprématie traditionnelle de la Papauté sur l'Église d'Angleterre. Ainsi se préparait la rupture d'Henri VIII avec l'Église. Clément VII, très embarrassé entre le roi de France et l'Empereur, tergiversa pendant deux ans, puis, en juillet 1532, ajourna Henri VIII à Rome pour octobre, sous peine d'être déclaré contumace. Je ne puis penser, écrivait Charles, que le roy de France soit sy aveugle de allozer (être de collusion) à la sensualité du dit seigneur roy d'Angleterre. François Ier était fort hésitant ; il redoutait le contrecoup en France d'un schisme en Angleterre, au moment où le protestantisme lui semblait menaçant chez lui ; il ne désirait pas une solution rapide dans l'affaire du divorce, puisque c'était par elle qu'il tenait Henri VIII ; enfin il ne voulait encore rompre ni avec l'Empereur ni avec le Pape. Une entrevue fut convenue entre Henri VIII et François Ier. Le prétexte mis en avant, très commode et souvent employé, était le péril turc : Et se dira l'occasion de l'entrevue estre pour la deffense des pals et seigneuries des dits roys, à l'encontre du commun adversaire de nostre sainte foy, le Turch,... nonobstant que leur intention peult estre de adviser pareillement comme les dits seigneurs roys pourront ennuyer et subduyre à leurs ennemys et ceulx qui vouldroient s'arroger la monarchie de toute chrestienté, et leur abatre les cornes. Les détails de la rencontre avaient été réglés à l'avance par Cromwell et Guillaume du Bellay. François Ier et Henri VIII se virent en octobre 1532, pendant quelques jours, aux environs de Boulogne, puis de Calais, au milieu des fêtes habituelles, qui rappelèrent avec moins de somptuosité, mais avec plus de cordialité, prétendit-on, les cérémonies restées fameuses du Camp du Drap d'or. On ne sait pas au juste quelles résolutions furent arrêtées. Il fut question du divorce, pour lequel François Ier réitéra la promesse de ses bons offices ; il fut aussi question que le roi de France et une entrevue avec Clément VII, sous prétexte de mieux servir ainsi les intérêts d'Henri VIII auprès du Pape. Mais il n'est pas impossible que, dans cette circonstance, François ait joué son allié, car depuis longtemps il cherchait à se rapprocher de Clément, dont il avait déjà demandé la nièce Catherine pour son second fils Henri. Ostensiblement, on se borna à signer un traité contre Soliman, ce qui ne pouvait tromper un diplomate aussi avisé que l'Empereur. Du reste, la politique à l'emporte-pièce suivie peu après par Henri VIII et son ministre ne laissa presque rien subsister des effets possibles de l'entrevue de Boulogne. En janvier 1533, Henri VIII célébrait secrètement son mariage avec Anne, déjà grosse, et il le rendait public en mai. Puis plus tard, lorsque Clément VII l'eut excommunié suspensivement et eut fait proclamer la validité du mariage de Catherine d'Aragon, le roi d'Angleterre répondit en rompant avec le Saint-Siège et en consommant le schisme anglican à la fin de l'année 1534. Dans ces conditions, il était bien difficile que subsistât l'alliance intime entre les souverains de France et d'Angleterre ; déjà fort compromise en 1533, elle se changea, dès 1534, en une neutralité assez froide des deux parts. III. — L'ITALIE ET L'ALLIANCE FRANCO-PAPALE. APRÈS le traité de Bologne l'Italie jouit pendant quelque temps du repos, mais aussi l'Empereur y fut tout-puissant. Il avait à sa dévotion Clément VII, inquiet des progrès de la Réforme et préoccupé de maintenir sa famille dans la possession de Florence ; François Sforza, à qui sa clémence avait rendu Milan ; le duc de Ferrare, qui avait besoin de lui contre le Pape ; le marquis de Mantoue, qu'il avait élevé à la dignité ducale ; le duc de Savoie, à qui il avait donné Asti et à qui il avait même songé un instant à concéder le titre de roi. Il comprenait tout particulièrement l'importance pour lui de cette dernière alliance : Mesmement que c'est l'entrée de l'Italie par les deux ou trois costez les plus suspects. Aussi le duc de Savoie, dont il avait été assez peu question jusqu'en 1529, parait presque à chaque page de la correspondance de l'Empereur à partir de cette date. Venise seule se réservait. François Ier ne gardait plus guère que le protectorat du petit État de la Mirandole, où il entretenait une garnison. Malgré tout, il ne renonçait pas à ses projets sur l'Italie, soit qu'il voulût y rétablir sa domination, soit qu'il y cherchât un point d'appui pour reprendre la lutte contre Charles : Tout ce que l'on pourra susciter et entretenir de garbouges en Italye sera l'avantage du Roy, écrivait Montmorency. Or, l'Empereur déclarait que l'Italie était le siège et le fondement de sa puissance. L'antagonisme persistait irréductible. L'Italie redevint donc, avec l'Allemagne, un champ de bataille diplomatique entre le Roi et l'Empereur. François Ier, malgré les difficultés qui résultaient pour lui de son alliance avec Henri VIII, parvint à regagner le Pape. Car Clément VII était obsédé par la crainte de l'Empereur et par le désir passionné de faire entrer sa nièce Catherine[5] dans une famille royale, afin de consacrer la grandeur de la famille des Médicis. Catherine avait à peine six ans qu'un grand nombre de prétendants à sa main s'étaient déjà offerts : le marquis de Mantoue, le roi d'Écosse, le duc de Milan. Dès 1524, le roi de France lui-même avait mis en avant la candidature de son troisième fils ; il reprit plus sérieusement le projet après 1529 ; il s'agissait cette fois de son second fils Henri. L'Empereur appuyait François Sforza, ce qui faisait encore plus désirer au roi de France le mariage de Catherine avec son fils, pour éviter que Sforza Mt affermi dans le Milanais, auquel il n'entendait point renoncer. Après de longues et difficiles négociations, qui excitaient chez les Romains une attente inquiète — au dernier moment encore, on pariait 15 pour 100 que le Pape ne quitterait pas la ville — une entrevue entre Clément VII et François Ier fut décidée. Elle devait avoir lieu à Nice, mais le duc de Savoie, évidemment sollicité par Charles, refusa son consentement, sous prétexte d'une maladie qui sévissait dans son duché, et Marseille fut désignée ; le Roi y arriva le 8 octobre 1533, le Pape le 11. Montmorency avait fait disposer deux palais, l'un pour Clément VII, l'autre pour le Roi, et y avoit entre les deux une rue sur laquelle il avoit faict édifier de charpenterie une grande salle, par laquelle on alloit d'un logis dans l'autre, et estoit la dicte salle fort à propos... pour faire des assemblées de Sa Sainteté et du Roy, et le tout tendu de fort riches tapisseries[6]. François Ier, accompagné des princes de son sang et de nombreux courtisans, estant tousjours auprès de luy le Seigneur de Montmorency son Grand-Maistre, alla faire plusieurs visites au Pape. Il fut surtout question du mariage de Catherine avec le prince Henri, qui fut célébré en grande pompe, le 28 octobre. Sur les autres points, aucunes stipulations formelles ne furent rédigées, et tout se borna à quelques engagements secrets, au sujet de la reprise du Milanais, de la conquête du duché d'Urbin, de la cession de Parme et Plaisance au Roi. Puis on s'entretint de la réunion du concile général, toujours en projet, mais dont le Pape ne voulait point ; des protestants, surtout de ceux de France ; de Henri VIII, à l'égard de qui Clément VII promit d'user de temporisation, malgré l'attitude cassante des envoyés anglais. En réalité, l'entrevue de Marseille n'aboutit qu'à éloigner de François Ier les princes allemands et Henri VIII ; elle ne lui valait qu'une alliance très précaire avec un Pape faible et changeant ; elle justifiait et augmentait les défiances de l'Empereur, puisqu'elle manifestait les ambitions incoercibles du Roi en Italie. IV. — L'ALLEMAGNE ET LES TURCS[7]. AU cours des années 1534 et 1535, toute l'Europe fut en confusion. Jamais, de la vie des vivants, dit un contemporain, l'Allemagne ne fut en telle agitation qu'elle est. L'élection de Ferdinand comme roi des Romains continuait à être très vivement contestée ; les princes protestants et les princes catholiques s'unissaient pour faire échec au pouvoir de l'Empereur. François Ier se mêla très activement à la politique des États secondaires. Il envoya de nouveau Guillaume du Bellay, pour établir un accord entre la Bavière et Philippe de Hesse. Il ne réussit qu'à moitié : la ligue catholique de Souabe fut dissoute en fait et. Philippe de Hesse reprit à main armée le Wurtemberg pour le duc Ulrich. Mais Ferdinand d'Autriche eut l'habileté de reconnaître le fait accompli, puis traita avec la Ligue de Smalkalde et la Bavière, en juin et en juillet 1534, et fut reconnu comme roi des Romains, ce qui était un succès pour lui et pour Charles et rendait inutiles les menées de François Ier. Néanmoins l'Empire resta fort troublé. En 1535, ce fut le soulèvement des anabaptistes, toute la région rhénane au pouvoir des révoltés pendant près de trois mois, et la ville de Munster entre leurs mains jusqu'à la fin de juin. Dans le même temps, le roi d'Angleterre achevait le schisme, et Cromwell, nommé vicaire général du Roi en 1535, menait à outrance la lutte contre la Papauté et contre l'Église catholique anglaise. C'est à ce moment que François Ier, dont la mort de
Clément VII, survenue le 25 septembre 1534, troublait toutes les
combinaisons, se décida à l'alliance ouverte avec les Ottomans. Tout d'abord
il négocia avec Kheir-ed-Din Barberousse, que Soliman avait nommé capitan
pacha (amiral) pour la Méditerranée, en
mai 1533, et qui venait en août 1534 de s'emparer de Tunis. Barberousse envoya
une ambassade au Roi. Vers la fin du moys de
décembre[8], arriva en France l'ambassade turcque ; le bruit estoit
qu'ils estoient venus pour prendre alliance avec le Roy par mariage et, dit
naïvement le chroniqueur, pour soy faire baptiser, luy (Barberousse) et son
filz. D'autres parlaient de la négociation d'une trêve marchande avec
le pacha, mais Charles-Quint savait très bien que le prétexte pris pour colorer la venue de l'homme de Barberousse était
futile. François Ier, tout en protestant contre les calomnies
qu'on faisait courir contre lui, envoya M. de la Forest auprès du Sultan, en
1535. La Forest, comme tant d'autres diplomates, était un humaniste, et il
avait l'avantage, pour une mission en Orient, de savoir non seulement
l'italien, mais le grec ancien et moderne. Charles, de son côté, pour détourner de la Hongrie et de la Méditerranée les forces de Soliman, avait engagé une nouvelle action diplomatique en Perse. La politique du Sultan était très vaste et très complexe, son effort se balançant alternativement de l'Europe à l'Asie. En 1533 précisément, il avait porté ses armes contre le Sofi de Perse, qui avait repris la lutte, à l'instigation de Charles ; à la tête d'une armée considérable il était en expédition dans le bassin de l'Euphrate. La Forest devait d'abord se rendre à Tunis auprès de Barberousse, le remercier d'avoir offert au Roi sa puissance, mesmement l'armée de mer, dont il est chef et conducteur, et l'amener à agir contre Gênes. Puis il irait à Constantinople, exposerait au Sultan le désir de François Ier d'établir la paix dans toute la Chrétienté, mais aussi les moyens qu'il avait de grandement travailler le roy des Espaignes, si celui-ci n'acceptait pas les conditions qui lui étaient proposées. Auquel cas, Soliman était sollicité de fournir à la France un subside d'un million d'écus d'or et le secours de sa flotte, ou bien d'attaquer l'Empereur, non pas en Allemagne, mais en Italie, où il était bien plus vulnérable. La Forest arriva, en mai 1535, à Constantinople et, quand Soliman fut de retour de la Perse, il signa — en février 1536 — le traité fameux qui établissait la suprématie de la France dans le Levant et, sous couleur d'une entente commerciale, organisait en même temps entre les deux pays une coopération politique et militaire. Seul pourtant le traité de commerce fut rédigé ; il n'y eut pas sans doute de traité politique écrit, mais, en fait, les deux princes se savaient d'accord pour la guerre contre l'Empereur. C'était un grand fait que ce rapprochement avoué avec les Ottomans. Nous en verrons ci-dessous la véritable portée et les conséquences. Au cours de 1534 et de 1535, François Ier avait encore cherché à se rapprocher de l'Angleterre. L'amiral Chabot alla à Londres, puis eut, à Calais, avec le duc de Norfolk, une entrevue où il fut question d'un mariage entre le duc d'Angoulême, troisième fils du Roi, et la princesse Élisabeth, fille d'Henri VIII et d'Anna Boleyn[9]. François Ier cherchait surtout à se maintenir en relations intimes avec les Allemands, mécontents de sa politique turcophile et encore plus des persécutions dirigées contre les protestants de France, mais qui avaient besoin de lui contre l'Empereur. De ce côté, la combinaison la plus remarquable, si elle avait été autre chose qu'un expédient, consista à reprendre au compte de la France les projets de rétablissement d'union entre les catholiques et les protestants, poursuivis depuis si longtemps par Charles-Quint[10]. Les pourparlers s'engagèrent en 1534 par une nouvelle mission de du Bellay, qui chercha un terrain de conciliation et parut un moment devoir réussir. L'affaire des placards, en 1534, et les proscriptions ou les supplices qui suivirent rompirent ces premiers efforts. Cependant le pape Paul III, qui avait succédé à Clément VII, en 1534, était un personnage d'esprit mesuré, qui s'efforça, dès son avènement, à se maintenir dans la neutralité et paraissait décidé à soutenir partout les idées pacifiques. Même avec Henri VIII, il essayait de négocier pour le ramener dans le giron de l'Église. D'accord avec lui, François Ier reprit les négociations en Allemagne ; elles se poursuivirent de juin à décembre, toujours par les soins de du Bellay, qui s'attachait, avec un zèle passionné à réaliser l'alliance des princes allemands avec la France, à la fois pour faire triompher les idées de tolérance religieuse et pour battre en brèche la puissance de l'Empereur. Chez les luthériens, Mélanchton était le principal représentant du parti de la concorde, mais il rencontrait, même chez ses amis, des résistances très vives. Quoi, disait l'un d'eux, en faisant allusion au Pape ou aux Catholiques, le loup peut-il donc cesser d'être loup ! Les violents triomphèrent. Mélanchton, qui devait venir à Paris, n'y vint pas, et la Sorbonne s'en applaudit autant que les réformés intransigeants. Du reste, sans parler des princes de Bavière, qui négociaient avec tout le monde et trompaient tout le monde successivement ou concurremment, il y avait toujours en Germanie, malgré l'opposition faite aux desseins de Charles ou de son frère Ferdinand, un sentiment national, hostile à l'ingérence française : sentiment entretenu par la crainte des Turcs, en même temps qu'il fut encouragé par la politique conciliante de Charles et de Ferdinand. V. — CHARLES-QUINT À TUNIS. L'EMPEREUR, dans ce désordre général, sentait le terrain très mouvant autour de lui. Tant d'intrigues, écrivait un de ses agents, s'ourdissent ici (en Allemagne) contre l'Empereur que c'est une chose vraiment fort surprenante. Le Français est jusqu'au cou dans l'affaire. C'est dans ces conjonctures qu'il se décida à combattre Barberousse qui, depuis la prise de Tunis, semblait maître de la Méditerranée et ravageait les côtes d'Espagne, d'Italie, de Sicile et de Sardaigne[11]. Suivant son habitude, il revendiqua solennellement le devoir de sa mission impériale. Il faut, écrivait-il, que moy seul entrepreigne de deffendre la dite Chrestienté, à l'encontre des dits Turcq et Barberossa ; résolution très habile, en même temps qu'héroïque, au moment même où François Ier agissait auprès des Allemands et paraissait en accord avec le Pape. Dans ce rôle de protecteur de la Chrétienté, il était impossible que l'Empereur n'eût pas avec lui le Souverain Pontife, les princes italiens, menacés par les corsaires ottomans, les catholiques allemands et même les réformés qui, autant que les catholiques, haïssaient les Infidèles. Il est certain, écrivait un évêque, que les cités de l'Empire ne s'uniront pas au roi de France ; bien plus, il y a lieu d'espérer qu'on les amènera à fournir à Votre Majesté des subsides contre lui (dans le cas où il tenterait une diversion). François Ier ne pouvait songer à attaquer l'Empereur ; il se fût mis au ban de l'Europe. C'était bien assez qu'on pût lui reprocher de refuser le secours de ses galères pour l'expédition qui se préparait, et qu'il envoyât des ambassadeurs auprès du Sultan, que son rival combattait. Aussi, lorsque Charles lui fit savoir, le 10 mai 1535, son intention d'aller assiéger Tunis, et le requit d'avoir égard à la commune paix, Montmorency promit que le Roi s'abstiendrait de toute attaque durant l'expédition. En juin 1535, Charles-Quint s'empara de Tunis, qui devint un fief espagnol sous le gouvernement de Moulai Hassan ; il délivra près de 20.000 captifs. Il eut un jour de triomphe et de joie sans mélange et apparut vraiment comme le défenseur — et le maitre — de la Chrétienté[12]. Du même coup, l'alliance du roi de France avec le Pape était dissoute ; les négociations avec les luthériens allemands se rompaient : le roi de France, à son tour, se trouvait isolé. VI. — RUPTURE AVEC CHARLES-QUINT. ET la guerre allait bientôt recommencer ; on le pressentait partout. A vrai dire, depuis la délivrance des Enfants de France, on n'avait pas cessé d'y penser. Toutes les actions, négociations et praticques de ces deux grands princes en tout le cours de ces précédentes années (esquelles, encore qu'ils ne fussent en guerre, il ne se pouvait dire toutes fois qu'ils fussent en paix), donnoient assez grande apparence de ce que à la fin en adviendroit ; et desjà, combien que les propos de la confirmation de ceste paix et multiplication d'estroites alliances entre eux se continuassent toujours, toutes choses néanmoins tendolent apparemment à ouverture de guerre[13]. En réalité, il n'y avait plus guère que Montmorency qui défendit la cause de la paix. Ne demeura plus auprès du Roy de ceux qui manioient ces praticques que le Grand-Maistre, qui toujours désiroit fort que le Roy et l'Empereur demeurassent en paix : ce qu'il ne pouvoit facillement faire, pour ce que l'Empereur, de son costé, estoit mal traictable et, du nostre, quand il vouloit mettre en avant les bonnes choses pour cet effect, ses émulateurs le calomnioient (Montmorency) d'estre impérial. Et y en avoit qui seulement pour luy contrarier mettoient à tous propos aux oreilles du Roy la guerre. Il y avait longtemps déjà que Montmorency était combattu à la Cour de France. En avril et mai 1530, au moment où les négociations de Bayonne tramaient en longueur, Chabot avait essayé de le supplanter ; en 1533 on parlait d'une cabale des cardinaux de Tournon et de Gramont contre lui, et Granvelle conseillait à l'ambassadeur impérial d'en avertir en toute confidence la reine Éléonore. Mais celle-ci précisément était suspecte à cause de son affection pour le Grand-Maitre. Puis Montmorency eut contre lui Marguerite elle-même et les du Bellay, c'est-à-dire les partisans de la tolérance religieuse et de la guerre contre Charles. Vers le milieu de 1535, la direction des affaires d'Allemagne et d'Italie avait passé à Chabot, au vif regret de l'Empereur et de ses conseillers ; un peu plus tard, vers la fin de la même année, Chabot devenait ministre dirigeant et Montmorency quittait la cour, sans perdre d'ailleurs l'affection de François Ier. Son tort n'était pas d'avoir promis la neutralité de la France pendant l'expédition de Tunis, car les circonstances l'imposaient. Il était bien plutôt dans les contradictions de sa politique depuis 1531 ; dans ses rigueurs contre les réformés de France, qui rendaient inutiles tous les efforts de la diplomatie auprès des luthériens d'Allemagne ; dans le rapprochement avec Clément VII, qui, sans compensation, compromit l'alliance anglaise ; enfin dans son aveuglement à croire qu'une entente était possible avec l'Empereur, tout en continuant à s'unir à ses adversaires et en gardant la pensée de reconquérir l'Italie. Il est vrai que, sur la question d'Italie, la plus grande part de responsabilité revient à François Ier lui-même, qui restait obsédé de ses regrets et de ses espérances, et qui en obsédait Charles-Quint, en même temps qu'il ne cessait d'intriguer dans le Milanais. Or, au mois de juillet 1533, François Sforza avait fait arrêter et condamner un certain Maraviglia, depuis vingt-cinq ans au service de la France, avec des fonctions d'agent secret. François Ier avait exigé une réparation : Je vous feray cognoistre, écrivait-il à Sforza, que très indiscrètement et sans vous en avoir donné cause, vous m'avez fait injure par trop grande. L'affaire s'était prolongée pendant les années 1533 et 1534 ; elle était sans doute tenue en réserve comme un prétexte de guerre dans une occurrence favorable. Puis François Ier s'était refait une petite clientèle en Italie : le marquis de Saluces, dont il avait soutenu les revendications sur le Montferrat, et le marquis de Monaco s'étaient placés sous son protectorat ; il avait une garnison à la Mirandole ; il engageait partout des capitaines, un Orsini, César Frégose, Guido Rangone ; il nouait des intelligences avec les bannis génois ; il faisait même alliance avec Venise, toujours, en défiance de l'Empereur ; il essayait de s'entendre avec Paul III, auprès de qui fut envoyé le cardinal Jean du Bellay, mais de ce côté il n'obtint qu'un engagement de neutralité. Lorsque Charles-Quint lui avait envoyé, comme ambassadeur extraordinaire, le comte de Nassau, pour tenter d'arriver à un accord (c'était en 1534), il avait persisté à demander Gènes, Asti et Milan ; pour Milan, il consentait à attendre la mort de Sforza, qu'à ce moment on ne croyait pas si prochaine. Et nonobstant tout ce que ledit comte de Nassau et l'ambassadeur de l'Empereur ont sur ce dit et remontré de la part de sa dite Majesté, pour leur faire entendre (aux Français) que ce à quoy ils persistoient et s'arrestoient n'estoit chose faisable, selon Dieu, honnesteté, conscience et équité, toutefois le dit roy de France est demeuré et résolu finablement en ce que dessus. La mort de Sforza, en octobre 1535, fut l'occasion de la reprise de la lutte. VII. — LES LÉGIONS NATIONALES[14]. DANS la prévision d'une guerre prochaine, François Ier s'était constamment occupé de l'organisation de l'armée. En ce qui concerne la gendarmerie, il n'avait fait que reprendre les ordonnances de ses prédécesseurs[15], qui portaient presque toutes sur la discipline des troupes, la vérification de l'effectif réel et le paiement régulier de la solde, pour éviter tout prétexte de désordre. Même au moment des plus grandes difficultés politiques, avant comme après 1530, le paiement des hommes d'armes se fit assez régulièrement. Les actes officiels permettent de le constater[16]. Mais, de plus en plus on se servait des gens de pied[17], tantôt français, tantôt étrangers : Suisses, Allemands, Italiens. Et comme l'accès aux compagnies de gens d'armes devenait de plus en plus difficile, beaucoup de gentilshommes se résignaient à faire partie des gens de pied, où ils avaient l'avantage d'obtenir assez rapidement les grades inférieurs, Monluc écrit : J'avois tousjours eu envie de me jeter parmi les gens de pied ; en effet, après avoir été archer dans une compagnie d'ordonnance, il porta pendant quelque temps l'enseigne de fantassin. D'ailleurs, le rôle de l'infanterie grandissait partout. Brantôme prétend, d'après un chroniqueur espagnol, que Charles-Quint disait : Le sort de mes guerres a été décidé par les mèches de mes arquebusiers espagnols. Guichardin avait écrit que, pour l'attaque ou la défense des places, le piéton espagnol, tout particulièrement le Castillan, ne le cédait à personne et était en grande réputation. Au contraire, la renommée de l'infanterie suisse, qui était presque exclusivement à la solde de la France, avait baissé. Les Suisses gardaient leur vigueur physique, mais ils s'étaient immobilisés dans les vieilles traditions, continuant à combattre corps à corps, employant peu les armes à feu. Vaincus, mais glorieusement, à Marignan et même à la Bicoque, ils passaient pour avoir tourné le clos assez vite, à Pavie. François Ier se lassait de leurs exigences. Le Roi, dit l'ambassadeur vénitien, ne se fie pas aux Suisses et ne les aime guère, parce qu'il les croit peu fidèles et peu obéissants sous les armes. Et puis il redoutait de les incorporer dans ses armées en trop grand nombre, la plupart ayant adopté les idées de la Réforme[18]. Il ne faisait donc que se conformer à la marche des choses, lorsqu'il reprit et amplifia, dans l'ordonnance de 1534 sur la levée des gens de pied, l'ordonnance rendue par Louis XII en 1509. Du Bellay dit qu'en 1534, le Roi se voyait tout près de la guerre, et il ajoute : Affin que soudain il eust les hommes à son premier mandement, ordonna avec ceux de son Conseil de dresser, à l'exemple des Rommains, en chascune province de son royaume, une légion de six mille hommes de pied. Monluc dit de même : Au premier remuement de guerre, le Roy François dressa les légionnaires, qui feust une très belle invention, si elle eust esté bien suivie. L'ordonnance du 24 juillet 1534 disposa que sept légions de gens de pied, de 6.000 hommes chacune, seraient levées en Normandie, en Bretagne, en Bourgogne et Champagne, en Picardie, en Dauphiné et Provence, en Languedoc, en Guyenne. Chaque légion comprenait six compagnies de 1.000 hommes, commandées chacune par un capitaine, ayant sous ses ordres 2 lieutenants, 2 enseignes, 10 centeniers, 6 sergents de bataille. Les six capitaines avaient à leur tête un colonel de légion. Les soldats et les chefs (sauf le colonel sans doute) devaient être pris parmi les habitants de la province où se levait la légion. C'était une idée à laquelle le Roi et son Conseil attachaient une telle importance (au moins en théorie) qu'on avait décidé que tout homme qui aurait passé d'une légion dans une autre devait être pendu et étranglé par la gorge. Les légionnaires et capitaines juraient de bien servir le Roy envers et contre tous, sans nul excepter, en tous lieux et endroits où il plaira au dit seigneur. Ils étaient une force de police en même temps que de guerre, puisqu'ils devaient prêter main forte à l'arrestation des malfaiteurs. Afin d'attirer les légionnaires, on leur offrait des privilèges : exemption pour les gentilshommes[19] de tous services dus à raison de leur fief ; pour les roturiers, des tailles jusqu'à concurrence de 20 sous ; puis une solde : 50 livres par mois pour les capitaines en temps de paix, 100 en temps de guerre, 25 ou 50 pour les lieutenants, 7 livres 10 sous pour les simples légionnaires, en temps de guerre. En outre, on imagina un système d'encouragement et d'émulation : Le dit Seigneur veut et ordonne que, s'il y a aucun compagnon de guerre qui fasse preuve de vertu de sa personne, soit en bataille, assaut de place, prise de ville... qu'en ce cas, le colonel ou capitaine sous lequel il sera luy fasse présent d'un anneau d'or (c'est encore un souvenir évident des Romains), lequel il portera à son doigt pour mémoire de sa prouesse. De plus, les grades de la légion étaient accessibles aux simples soldats jusqu'à celui de capitaine, qui entraînait pour les roturiers l'anoblissement. Dans la guerre de 1536, Chabot, pour donner tueur aux autres, fit donner, en présence de tous, un anneau d'or, à un légionnaire qui s'était distingué. Les plus grandes précautions furent prises pour assurer l'effectif et maintenir l'ordre. La montre (revue) de chaque légion devait se faire deux fois l'an, les fausses montres et la désertion étant punies des peines les plus sévères. Les légionnaires devaient respecter les femmes, les enfants. Le blasphème, les jeux de cartes et de dés, les querelles, les combats singuliers, la fréquentation des filles dans le camp étaient interdits. Les châtiments — toujours terribles à cette époque — allaient de l'essorillement, du percement de la langue, à la pendaison ou à la strangulation. Tactiquement, les légionnaires se divisaient en arquebusiers et hallebardiers ou piquiers, les premiers devant être au nombre de 12.000 sur 42.000, ce qui prouve bien le développement de l'emploi des armes à feu. L'armure défensive se composait du hallecret[20], de la hoguine[21] ou cervellière, à laquelle les arquebusiers ajoutaient le gorgerin[22]. Dès le mois de septembre 1534, il y avait des capitaines
nommés, et le recrutement commençait. En février 1535, on achète 5.593 uniformes
de la couleur et de la forme que le Roi a indiquées
verbalement, pour la légion de Normandie ; ils coûtent 27.965 livres.
Même achat pour la légion de Champagne. Les
mentions relatives à la solde des fantassins sont nombreuses dans les actes
de 1535. Du Bellay dit que le Roi fut averti,
en mai, que les légions étaient prêtes ; il alla visiter celle de Normandie, dont il se contenta fort[23]. Seulement, au lieu de 7 légions, il semble bien qu'on n'en leva que 6. Néanmoins, en décembre 1535, la vieille institution des francs-archers fut, déclaré abolie ; elle devenait en effet inutile. La noblesse restait toujours la grande pépinière de l'armée, où l'attiraient son éducation, les nécessités de sa vie et son sentiment de l'honneur. Il n'y a prince au monde, écrit Monluc, qui ait la noblesse plus volontaire (mieux disposée) que le nostre. Ung petit souris de son maistre eschauffe les plus refroidis ; sans crainte de changer vignes, prés et moulins en chevaulx et armes, on va mourir au lict que nous appelions le lict d'honneur. D'ailleurs, le service de guerre était le devoir essentiel du vassal, et, tout en appelant les nobles dans les compagnies d'ordonnance et dans les légions, François Ier ne renonça pas à son droit de convoquer le ban et l'arrière-ban, que nous estimons, disait-il, estre une de nos principales forces, pour estre composé de toute la noblesse, en quoy gist la grandeur, conservation et seureté de nostre royaume. Des convocations furent faites en 1522, 1529, 1534, 1536, 1538, 1542, 1544, 1545. Le ban était une milice de réserve, qui avait ses cadres en temps de paix : un capitaine général et des capitaines particuliers. Elle était réunie par bailliages et sénéchaussées, et se composait des nobles, possesseurs de fiefs, car les roturiers, tout en y étant incorporés, lorsqu'ils possédaient des terres nobles, ne pouvaient servir en personne et fournissaient un remplaçant. Les gentilshommes devaient toujours entretenir armes et chevaulx en leurs maisons, tels qu'ils sont tenus pour le service de leurs dits fiefs, sur peine de perdre le nom et titre de noblesse[24]. La durée du service, en cas d'appel, était de 3 mois dans l'intérieur du royaume, de 6 semaines au dehors, non compris le temps de l'aller et du retour. Bien que l'institution nouvelle ait réservé aux nobles une grande place dans l'armée en partie transformée, et que même elle ait été à demi abandonnée, puis reprise, mais sans esprit de suite, elle eut —plus ou moins lentement — quelques conséquences sociales. C'est à ce moment que naît le soldat moderne. Monluc, dans ses Mémoires, parle sans cesse de ce soldat. D'aultres en ay veu parvenir qui ont pourté la pique à six francs de paye, fère des actes si bellicqueux, et se sont trovés si cappables qu'il y en a eu prou qu'estaienct fiez de pouvres laboreurs et se sont mis par devant beaucoup de nobles pour leur hardiesse et vertu. C'est bien d'accord avec l'Ordonnance, qui ouvrait aux roturiers l'accès aux grades et à l'anoblissement. Brantôme fera plus tard cette belle description du fantassin : Aussi, pour dire vray, je pense qu'il n'y a rien de si brave et si superbe à voir qu'un gentil soldat, bien en poinct, bien armé, bien leste, soit qu'il marche à la teste d'une compaignie, soit qu'il se porte devant tous à une escarmouche, ou à un combat, ou à un assault, tirer son harquebuzade, tout nud, désarmé, aussi résolument que les mieux armez... Et ce que j'admire autant en ces fantassins, c'est que vous verrez des jeunes gens sortir des villages, des boutiques, des escoles, des postes, des forges, des écuries... ils n'ont pas plus test demeurez parmy cette infanterie quelques temps que vous les voyez aussitost faictz, aguerriz, façonnez que, de rien qu'ils estoient, viennent à estre capitaines et esgaux aux gentilshommes, ayant leur honneur en recommandation autant que les plus nobles, et faire des actes aussi vertueux et nobles que les plus grans gentilhommes. Malgré cette sorte de grande levée nationale, il fallut encore avoir recours aux éléments étrangers, et il semble même qu'il y eut, dès 1536, comme une reprise de la condotia. Ainsi François Ire demanda des lansquenets à l'Allemagne ; Guillaume de Furstenberg et Christophe de Wurtemberg lui en amenèrent à eux seuls plus de 10.000. Christophe avait une véritable maison militaire : vingt hallebardiers, avec un capitaine, un maitre d'hôtel, un médecin, deux secrétaires, un écuyer d'écurie, un cuisinier. Le Roi enrôla également beaucoup de Suisses et encore plus d'Italiens. Dans les récits de du Bellay, on rencontre à chaque page les Strozzi, les Rangone, les Frégose, les da Ceri, les Gonzague. Rangone, à lui seul, commandait une bande de 7.000 fantassins. Par tous ces moyens, François Ier eut, dans les campagnes de 1536-1537, plus de 100.000 hommes à sa disposition. VIII. — LA CAMPAGNE DE PROVENCE. EN février 4536, le Roi, qui depuis quelques années était en rapports très tendus avec le duc de Savoie, se décida brusquement à attaquer la Savoie et le Piémont. Ce n'était pas encore la guerre avec l'Empereur, puisque ces pays ne lui appartenaient pas, mais c'en était le prélude. Il était certain que Charles ne laisserait pas accabler le duc de Savoie, avec qui il avait des rapports d'alliance et qui se réclamait de l'Empire. Pour cette guerre, François Ier comptait sur la neutralité du pape Paul III, sur le concours ou au moins sur l'abstention des Bernois, très irrités d'une attaque dirigée l'année précédente par le duc de Savoie contre Genève. Il continuait à négocier avec les confédérés de Smalkalde. Ceux-ci se montraient peu disposés à le soutenir, malgré les efforts de Guillaume du Bellay, qui faisait affirmer par les marchands, venus de Lyon aux foires de Strasbourg, que les luthériens n'étaient plus persécutés en France, et qui lançait de tous côtés des manifestes dans l'Empire. L'Allemagne devenait presque loyaliste. Du Bellay en donnait les raisons — et c'était peut-être une leçon détournée à l'adresse du Roi — en parlant des dispositions des gens de guerre allemands. Ils sont, disait-il, de troys espèces : les ungs qui se disent évangéliques et courent contre vous comme contre leur principal persécuteur ; les autres qui se disent papistiques (et qui courent contre vous), comme contre le turcq, car les Impériaulx ne vous baptisent pas autrement. Quant à la troisième espèce, c'étaient ceux qui cherchaient simplement une solde et qui s'étaient découragés de voir que le roi de France n'envoyait pas d'argent. L'attaque de François Ier en Piémont irrita l'Empereur, que la mort de Sforza avait beaucoup embarrassé. Dans un consistoire tenu à Rome, le 17 avril 1536, il prononça contre François Ier un discours véhément. Il se plaignait de n'avoir pas reçu des propositions d'accord qui lui avaient été annoncées ; il imputait au roi de France de persister à réclamer le duché de Milan pour le duc d'Orléans et à faire croire que lui, l'Empereur, avait promis le duché au jeune prince ; il lui reprochait d'avoir envahi les États du duc de Savoie. Il l'accusait d'avoir violé les conventions arrêtées à Cambrai, en pratiquant des menées en Allemagne et en Italie. Il se justifioit de la Monarchie que l'on avoyt ci-devant voulu luy imputer. Il protestait de son désir persistant d'éviter à la Chrétienté les maux de la guerre et de rester en amitié avec François Ier, tout en lui offrant encore le combat d'homme à homme, soit en mer ou en terre, pour vider leurs différends. L'ambassadeur impérial fut renvoyé de France, le 2 juin 1536, et la guerre générale commença en Picardie, aux Alpes et aux Pyrénées. François Ier avait pris partout quelques mesures défensives ou du moins il le déclarait pour rassurer les populations. Chers et bien aymez, sçachans le grand bru it de guerre qui peult courre par tout nostre royaulme, et désirant le repos et tranquilité de corps et d'esprit de tous nos bons et loyaulx subjectz, nous vous avons bien voluz advertir du bon grant ordre et provision que nous avons donné en toutes les frontières, entrées et passaiges de nostre royaulme, qui est telle que, quelques grants préparatifs qu'ayent peu dresser nos ennemys pour l'exécution de leurs malignes et dampnées entreprinses, ilz n'en peuvent rapporter que honte, vitupère et dommaige[25]... Mais, sauf dans le Nord où un certain nombre de places avaient été fortifiées, le royaume était mal protégé contre une invasion. L'armée des Alpes était tout particulièrement insuffisante. L'ouverture des hostilités eut pour premier résultat d'écarter Chabot et de ramener aux affaires Montmorency, qui fut nommé, le 14 juillet, lieutenant général du Roy tant de ça que delà les monts, avec pleins pouvoirs même pour négocier. Le Cardinal du Bellay fut chargé d'organiser la défense des frontières du Nord et, de l'Est. Le Roi se rendit à Lyon, puis à Valence, en août ; on savait que Charles avait dessein d'attaquer la Provence à peu près dégarnie. Pour résister à l'Empereur, Montmorency décida de refuser tout engagement en rase campagne et de sacrifier la Provence. Il y voulut faire le désert, ordonna de brûler les villages, de couper sur pied les récoltes et de concentrer les troupes à Arles, à Aix et à Marseille. Encore même reporta-t-il la ligne de bataille, à Avignon, que l'armée royale avait occupé à la fin de juin[26] et où il établit un camp retranché formidable. Le Roi y arriva, le 12 septembre, quand tous les préparatifs étaient terminés. Le Conseil royal s'était opposé pendant longtemps à ce qu'il vînt au camp, parce que sa présence, à quelques lieues à peine de l'Empereur, aurait obligé, par point d'honneur, à une offensive, qu'on ne voulait pas prendre[27]. L'Empereur avait franchi les Alpes le 25 juillet ; il entra à Brignoles le 9 août et le 10 à Aix, que Montmorency renonça à garder. Le Languedoc, où l'Empereur avait, disait-on, des desseins particuliers, était également menacé ; mais Toulouse avait été fortifiée et on y avait fait la montre de 35.000 hommes en état de porter les armes. Les Espagnols furent repoussés devant Narbonne, et ce fut sans doute une des causes de l'échec définitif de l'expédition en Provence ; car si Charles avait réussi à faire passer une armée d'Espagne en Languedoc et en Provence, la jonction de ces troupes avec les siennes eût gravement compromis la situation du Roi à Avignon. Cependant l'armée impériale souffrait beaucoup de la famine ; des tentatives faites sur Arles, sur Tarascon, sur Marseille, avaient été vaines. L'Empereur leva son camp d'Aix le 14 septembre ; il fit une retraite assez fière, que du reste les Français troublèrent peu. Néanmoins, quand il franchit le Var, le 23 septembre 1536, il ne ramenait guère en Italie que la moitié de son armée. Au nord de la France, le comte de Nassau, qui commandait les Bourguignons, avait passé la frontière en juillet et, après avoir tâté Saint-Quentin, s'était porté devant Péronne, le 12 août. Dès le 13 juillet, le duc de Vendôme et le cardinal du Bellay demandaient à Paris 40.000 livres pour solder une partie des troupes ; puis, le 17 août, on leva sur les bourgeois 120.000 livres, et comme ils faisaient quelques objections, il semble, écrivait Vendôme, qu'avez envye que la guerre vous approche. Pourtant le corps de la ville agissait très énergiquement[28] ; le Roi lui-même écrivait à Montmorency : Il n'y a pas (à Paris) moings de vingt mil pionniers besognant tous les jours. La Cronique de François Ier, ajoute : Furent, pour ce faire, gastez et demoliz plusieurs beaux jardins du cousté de Saint-Denis en France, qui est toute la fleur et bonté dudit Paris : car ce sont les marécaiges où croissent les febves, pois, choux, porrées et autres commoditez. A ce prix, l'invasion du Nord fut repoussée comme celle du Midi ; le comte de Nassau, après un mois, leva le siège de Péronne. Il ne se trouvera par adventure que nulle ville de nostre temps ait été batue de tant de coups de canon, ne combatue avec tant d'assauts, ne deffendue avec si grand couraige et vertu. L'héroïsme des habitants fut célébré par des chansons, des triolets et des ballades. De nombreuses épitaphes en vers rappelèrent le glorieux trépas, au cours du siège, du sire de Dammartin, dont ses vertus méritent qu'on le nomme L'aultre Alexandre ou le Coclès de Rome. La campagne de 1537 fut précédée d'un Lit de justice tenu le 15 janvier, où les comtés de Flandre, d'Artois et de Charolais furent déclarés confisqués sur Charles-Quint. La guerre paraissait donc devoir être portée dans la Picardie et l'Artois. Montmorency voulait y faire le grand effort. Ce n'était peut-être pas l'avis du Roi qui, après quelques succès, décida de diriger une partie de l'armée vers le Piémont, puis fut obligé de la rappeler, car Thérouanne fut menacée par les Espagnols, alors qu'on croyait les opérations terminées de ce côté. Il y avait partout incohérence et désordre. Heureusement une trêve fut signée, le 31 juillet, pour toute la région du Nord. Au Sud-Est, les hostilités avaient été suspendues en fait après que fut rentré à Gênes l'Empereur, qui ne bougeoit d'une chambre, mal accompaigné et tant triste que merveilles. François Ier avait donné au cardinal de Tournon, par lettres du 2 octobre 1336, la lieutenance générale dans le Lyonnais, le Dauphiné, la Provence, la Savoie, le Piémont, le Languedoc et la Bourgogne[29]. Lyon devint ainsi comme une seconde capitale de la France. Mais Montmorency avait disloqué l'armée d'Avignon, et ce qui en restait constituait autant un danger qu'un secours. C'étaient des Français, des Suisses, des Italiens, des Allemands. Les chefs vivaient en perpétuels conflits ; les soldats commettaient larrecins, pilleries, forcements de filles et de femmes, brigandages. Au mois d'octobre, les Lansquenets et les Suisses avaient déclaré qu'ils saccageraient Lyon et Vienne, s'ils n'étaient payés incontinent. Le cardinal eut à trouver près de deux millions de livres pour solder les dépenses de guerre. Il emprunta partout : aux Lyonnais, aux Florentins et aux Lucquois établis à Lyon. Tirez d'eux (les Florentins) tout ce qu'il vous sera possible, lui écrivait François Ier. Mais le cardinal répondait qu'il était à bout de son crédit et presque de son sens. Aussi les opérations militaires furent désastreuses ; en juillet 1537, le Piémont était perdu sauf Turin, Savigliano et Pignerol, assiégés par les Espagnols. Mais, après l'arrivée du Roi à Lyon, le 2 octobre, Montmorency prit le commandement de l'armée du Piémont ; il força le pas de Suze, dégagea Turin et Pignerol et reconquit presque toutes les petites villes tombées au pouvoir de l'ennemi. Il faisait une guerre terrible : il ordonna de pendre un capitaine espagnol qui s'était défendu dans un poste secondaire, pour donner exemple à ceux qui s'obstinent à des places de si petite importance. IX. — NICE ET AIGUES-MORTES. CEPENDANT les négociations pour la paix, entamées déjà au milieu même de la campagne de Provence, avaient repris après l'échec de l'Empereur ; l'année 1537 se terminait sur une double trêve, celle de Bomy, en juillet, pour le Nord, et une autre, de Monçon, le 16 novembre, pour l'Italie. Une fois de plus — et ce n'était pas la dernière — on vit que ces deux souverains, qui ne pouvaient demeurer en paix, étaient incapables de mener jusqu'au bout une lutte décisive. Charles-Quint avait toujours des préoccupations en Allemagne, et son frère Ferdinand, en Hongrie. En 1537, Soliman avait remporté à Eszek en Esclavonie une grande victoire. François Ier, d'autre part, sentait que l'alliance anglaise était fort chancelante et que, des deux côtés, elle n'était plus qu'une apparence. Il s'inquiétait même d'un double jeu de sa sœur Marguerite et d'Henri d'Albret, qui espérèrent un moment recouvrer la Navarre par une entente avec Charles. Cependant des conférences tenues à Leucate pour traiter de la paix n'avaient abouti qu'à la prolongation des trêves. Le Pape proposa alors aux deux adversaires de négocier eux-mêmes en sa présence ; il était secondé par Marie de Hongrie, par la reine Éléonore et par Montmorency. La triple entrevue eut lieu en juin auprès de Nice ; mais, à vrai dire, on n'y communiqua pas autrement qu'en paroles : le Pape était logé dans un faubourg à l'Est ; le Roi dans un faubourg à l'Ouest, où il resta ; Charles-Quint dans sa galère, qu'il ne quitta point. On n'arriva qu'à conclure une trêve, qui laissait à François Ier la Bresse, le Bugey, les deux tiers du Piémont, à Charles-Quint le reste du Piémont et le Milanais. Un mois était à peine écoulé que les deux princes, qui n'avaient pas voulu se voir à Nice, se virent, à la grande surprise de tous, à Aigues-Mortes, le 14 juillet. La réconciliation parut complète. François Ier et Charles se prodiguèrent les témoignages d'amitié ; ils partagèrent la même chambre ; ils se proclamèrent unis comme des frères. Mais, en réalité, ils s'étaient l'un et l'autre payés de paroles et leurrés de sous-entendus. Les deux questions graves, celle du concile général, auquel tenait l'Empereur pour pacifier l'Allemagne, celle du Milanais, que François Jet ne pouvait se résigner à abandonner, avaient été laissées dans le vague. Il y avait dans tout cela un mélange curieux de calcul et de sentimentalisme. La nouvelle de la paix fut accueillie en France avec une grande satisfaction. A Paris on ordonna des feux de joie, car la Ville espérait échapper aux demandes d'hommes et d'argent, qui l'épuisaient. Bien des parties du pays étaient comme ruinées, non seulement les régions du Nord et du Midi où s'étaient portées les invasions, mais même celles du Centre, où les brigandages des vagabonds et des gens de guerre avaient sévi en 1357 et 1538, malgré de continuelles ordonnances royales. Au contraire, le rapprochement avec l'Empereur fit un effet déplorable sur les alliés ou les auxiliaires de la France. Les protestants se voyaient menacés. Tous se sentirent atteints indirectement ou diminués. A la vérité, écrivait l'ambassadeur français en Angleterre, si les Allemans et Italiens ne sont point à leur aise, non sont pas ceulx icy. Henri VIII eut, un instant, l'idée de rappeler de France son ambassadeur. X. — ENTENTE CORDIALE AVEC L'EMPEREUR. FRANÇOIS Ier s'en mettait fort peu en peine ; suivant son habitude, il était tout à l'impression du moment. A l'entrevue d'Aigues-Mortes, un programme d'action en commun avait été tracé. En oultre a esté communicqué entre le cardinal de Lorraine et le conestable de France et le Sr de Grantvelle, touchant les remèdes des affaires publicques, et advisé de, en premier lieu persuader aux desvoyez de notre ancienne religion de se réduyre et accorder amyablement, et que le dit sieur roy et moy par ensemble y tiendront la main ; et que par traicté de notre dit Saint Père la chose sapoincte ; et aussi de procéder avec bonnes et puissantes forces, non seulement à la deffension, mais l'offension contre le Turcq, telle et si puissante qu'il est. requis... A quoy le dit sieur Roy a desmontré avoir très bonne voulenté et affection que les choses se effectuent sincèrement.. Comme le Chancelier Poyet le disait assez naïvement aux échevins de Paris en 1539 : Par cy devant nous avons veu l'Empereur et le Roy en grande inimitié, mais aujourd'hui, à la grâce de Dieu, ils sont en grande amytié... Montmorency déclarait que se peuvent doresnavant estimer les affaires de l'ung et de l'autre une mesme chose ; un peu plus tard, il écrivait à la régente des Pays-Bas qu'il était prêt à lui faire service, comme le gentilhomme du royaume sur qui elle avait le plus de puissance de commander. Ce fut donc la reprise, mais d'une façon bien plus marquée, de la politique tentée après la paix de Cambrai, toujours avec la même contradiction : entente avec l'Empereur et conservation des alliances avec ses ennemis. Et l'on allait voir reparaître, dans une répétition fastidieuse, les mêmes combinaisons d'éléments, anglais, allemands, italiens, ottomans. Après la trêve de Nice, Montmorency, que la campagne de Provence avait démesurément grandi, redevint le second personnage du royaume, le premier peut-être en fait. Le Roi lui donna, en 038, le plus haut office de France, la Connétablie, et, dans les lettres de provision, il disait : Considérant les très grandes, clères, louables et très recommandables meurs et vertus, qui sont en la personne de nostre très cher et aimé cousin Anne, sire de Montmorency... pour lesquelles nous nous sommes despiéça entièrement reposez sur luy de tous nos plus grands secrets et arduz affaires, qu'il a si bien et si prudemment conduitz, guidez et administrez, en temps de paix et de guerre et en tous les lieux et endroictz où il a esté besoin, que Nous et le peuple de nostre dit royaulme luy en devons perpétuelle louange, recommandation et rémunération, luy donnons, sur l'avis et délibéracion des princes de nostre sang et autres notables personnages de nostre privé et secret conseil, l'office de connétable de France. Montmorency, chef de l'armée en qualité de connétable, reçut aussi du Roi la charge de toutes ses guerres et pouvoir sur les finances, comme luy-mesmes, et générallement sur toutes ses affaires. C'était faire de lui un premier ministre déclaré. Il s'efforça de satisfaire en tout Charles-Quint, avec l'espoir bien naïf d'obtenir de lui des concessions, qui auraient été de la part de l'Empereur des actes de pure générosité. Marie de Hongrie, sœur de l'Empereur, vint à Compiègne, en octobre 1538, et reçut la promesse que le Roi ne secourrait ni le duc de Gueldre, ni les Flamands, et n'agirait pas dans le Milanais. L'Empereur avait alors un grave sujet d'inquiétude du côté des Pays-Bas. Les Gantois avaient refusé de payer la taxe qui leur avait été imposée en 1537 ; ils se révoltèrent au cours de l'année 1539 et firent appel au roi de France, en invoquant précisément la décision du lit de justice du 15 janvier 1537, qui avait de nouveau affirmé ses droits de souveraineté sur la Flandre. Mais le Roi ne voulut rien entendre, comptant sur la restitution du Milanais, et il laissa l'Empereur libre d'agir. Charles redoutait la route de mer, toujours exposée à des hasards, surtout à un moment où il était en très mauvais termes avec Henri VIII. Il semble bien qu'après avoir fait sonder le roi de France sur le passage par ses États, il ait eu ensuite l'adresse de se faire solliciter par lui. Le cardinal de Lorraine et le Connétable, écrivait l'ambassadeur espagnol, font le possible pour amener les affaires à bonne fin et pour rendre le roi favorable aux desseins de S. M. I. En effet, on accorda à Charles, qui gardait de la méfiance, toutes les garanties qu'il réclama : lettres du Roi, du Dauphin, d'Henri d'Albret et de Marguerite. En outre Montmorency s'engagea sur l'honneur envers Granvelle à ce qu'il ne serait pas un instant parlé d'affaires. La stupéfaction, mêlée d'irritation, fut grande à Rome, à Londres, à Venise et à Constantinople, lorsqu'on apprit, en novembre 1539, l'assurance officielle du voyage. Charles traversa triomphalement la France ; il entra à Paris, le 1er janvier 1540, et y resta jusque vers le milieu du mois, au milieu de cérémonies et de fêtes splendides. Le jour de l'entrée, on admira un Hercule tenant deux colonnes qui portaient la devise de Charles-Quint : Toujours plus oultre, et en l'escharpe du dit Hercule les mots (allusion à l'alliance des deux princes) : Altera alterius robur : l'une (colonne) fait la force de l'autre. Les souverains prirent peu de part aux fêtes : l'Empereur souffrant d'un refroidissement, le Roi repris de la maladie qui commençait à le miner et contre laquelle on usait inutilement de tous les remèdes. Quant aux craintes de l'Empereur, à des velléités de trahison de la parole donnée, aux anecdotes sur le Dauphin ou sur madame d'Étampes, tout cela n'est que fantaisie, et la promesse faite de ne pas parler d'affaires fut très exactement observée. Mais François Ier et sans doute aussi Montmorency comptaient bien sur quelque chose, et ce quelque chose, c'était toujours le Milanais. Il est certain que l'Empereur avait fait ou accepté des ouvertures, lors des pourparlers de paix, et qu'il avait songé à donner le Milanais au dernier fils du Roi, le duc d'Orléans, avec la main de sa fille Marie. Puis, avant même et surtout après le voyage, il en vint à l'idée de constituer pour le jeune prince un domaine, composé des Pays-Bas, de la Franche-Comté et du Charolais, idée singulière au premier abord, mais qui s'explique par sa passion bourguignonne, et qu'il justifiait ainsi : C'est que nous avons congneu continuellement depuis (longtemps) le sentement que les dicts pays (il s'agit des Pays-Bas surtout) ont d'estre si longuement sans leur prince naturel, dont ilz se démonstrent durs et difficiles, avec divisions et partialitez d'entre eux, émotions et mutineries, comptent (irritation), mesprisement et mescontentement d'estre gouvernez par quy que ce soit. En outre, sachant le duc d'Orléans très mal disposé envers son frère le Dauphin, il espérait voir se former au nord de la France un État inquiétant pour elle. François Ier accueillit mal les propositions, soit qu'il sentit les menaces qu'elles recélaient pour l'avenir, soit qu'il fût incapable de renoncer à son Milanais. Ferdinand d'ailleurs était tout à fait opposé à la cession des Pays-Bas : C'est la ruine et la destruction complète de nos maisons d'Autriche et de Bourgogne, disait-il. Charles avait à peine quitté la France depuis quelques jours qu'il était impossible de garder l'illusion, si soigneusement entretenue par Montmorency, de l'accord entre les deux rois. Des entrevues promises manquèrent ; l'Empereur trama les choses en longueur, jusqu'au mois de juin 1540, où les négociations furent rompues. Dès ce moment, on recommença encore à croire à une guerre prochaine. |
[1] Voir pour ce chapitre les sources et les ouvrages signalés en tête de ce livre et particulièrement : Lanz, Charrière, Weiss, Decrue, von Bucholtz, Janssen. Je renvoie à l'avance à la thèse française de V. L. Bourrilly sur Guillaume du Bellay, seigneur de Langey (1491-1543), que j'ai pu lire en manuscrit, au moment où ce chapitre était composé, et qui m'a servi à compléter ou à rectifier beaucoup d'indications. Les ouvrages particuliers seront indiqués ci-dessous, au cours de l'exposé des faits.
[2] Hyrvoix, François Ier et la première guerre de religion en Suisse, 1529-1531, Revue des Questions historiques, t. LXXI, 19os.
[3] P. Friedmann, Anna Boleyn, 2 vol. 1884 (Trad. française par Lugné Philippon et Dauphin Meunier, 2 vol. 1902). Le P. Hamy, Entrevue de François avec Henry VIII à Boulogne-sur-Mer en 1581. Intervention de la France dans l'affaire du divorce, 1898. L. Bourrilly, François Ier et Henri VIII. L'intervention de la France dans l'affaire du divorce (Rev. d'hist. mod. et contemp., t. I, 1899). A. Dreux, Le premier divorce d'Henri VIII, Posit. des thèses de l'École des Chartes, 1900.
[4] Il s'agissait en réalité de déclarer nulle la Bulle de Jules II, qui avait autorisé le mariage d'Henri VIII avec Catherine, bien que celle-ci eût déjà été mariée au premier prince de Galles, Arthur, mort prématurément.
[5] Elle était née en 1519. Armand Baschet, La jeunesse de Catherine de Médicis, 1854.
[6] Les comptes royaux mentionnent en effet le transport des tapisseries du Roi à Marseille. Il y eut si grande affluence à Marseille qu'on fut obligé, en octobre et en novembre, d'y faire porter du blé (10.000 charges d'Auvergne, 700 muids de Picardie, 700 de Normandie, etc.), la ville étant dépourvue depuis et à cause de la venue du Pape. Suivant l'usage, des présents furent offerts aux gens de l'entourage des deux souverains : le catalogue des actes mentionne en nombre considérable des bijoux, des étoffes ; l'historien Paul Jove reçut 1.125 livres tournois.
[7] Ajouter aux ouvrages généraux, dont le principal reste toujours celui de Charrière, V. L. Bourrilly, Jean Sleidan et le cardinal du Bellay. Premier séjour de Jean Sleidan en France, 1533-1540, Bull. de la soc. de l'hist. du protestantisme français, 1901 ; François Ier et les protestants ; les essais de concorde en 1535, Bull. de la Soc. de l'hist. du protestantisme français, L. Bourrilly, L'ambassade de La Forest et de Marillac à Constantinople, 1535-1518, Rev. hist., 1901.
[8] En réalité vers le milieu de novembre 1534.
[9] L'entrevue n'eut pas de résultat. Encore une fois, parait-il, les Anglais avaient été fort irrités du faste et des hauteurs des Français.
[10] Sur ces faits, consulter Herminjard, Correspondance des réformateurs de langue française, t. V.
[11] E. Mercier, Histoire de l'Afrique septentrionale (Berbérie) depuis les temps les plus reculés jusqu'à la conquête française (1830), t. III, 1891.
[12] Voir sur la campagne de Tunis les 12 panneaux de la célèbre tapisserie de Madrid.
[13] Mémoires de du Bellay.
[14] Catalogue des actes de François Ier (voir ci-dessus, en tête du livre I) ; Fontanon, Les Édits et ordonnances des rois de France, t. III, 1611 ; Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XII. Le P. Daniel, Histoire de la milice française, 2 vol., 1721. Les histoires plus récentes de l'armée française ont peu renouvelé le sujet.
[15] En 1515, 1522, 1525, 1580, 1584, 1585.
[16] L'homme d'armes coûtait 30 à 32 livres par mois ; la morte-paye (homme d'armes détaché en service de garnison), 5 livres. En temps de paix, les dépenses pour l'armée s'élevèrent à 1.390.000 livres en 1583, à 790.000 en 1534.
[17] D'après le Bourgeois de Paris, l'armée envoyée en Italie, en 1523, comprenait 1370 lances françaises, 890 lances italiennes et 200 chevau-légers également italiens, 10.700 hommes de pied français et (à l'estimation) 80.000 fantassins suisses, allemands ou italiens, sans compter les aventuriers. Il restait, pour la garde des provinces frontières, 2000 lances françaises, 400 chevau-légers et 180o hommes de pied. On voit que le nombre des fantassins par rapport à la cavalerie est considérable.
En 1522 même, on eut de nouveau recours aux francs-archers : Au commencement de février furent mis et establys de par le Roy les francs archers dont Il fut levé jusques au nombre de vingt et quatre mille, pour ayder aux guerres tant en Picardie, Italie, Guyenne, que ailleurs. Ils reparaissent dans une ordonnance de la Régente, en 1525.
[18] Il semble bien qu'avant 1635 au moins, la présence de nombreux soldats suisses en France ait contribué aux progrès du protestantisme. Voir Hyrvoix, article cité.
[19] Un grand nombre d'articles de l'ordonnance prévoient et règlent l'entrée des nobles dans les légions, même comme simples soldats.
[20] Cuirasse en lames de métal jouant l'une sur l'autre.
[21] Espèce de casque ne couvrant que la tête.
[22] Plaques de métal cravatant la gorge.
[23] Les documents officiels font aussi mention de montres pour d'autres légions, celles de Champagne, de Picardie, etc.
[24] Il est assez significatif qu'en 1536 on ait autorisé le noble, tenu de faire le service lui-même ou de fournir un homme d'armes, à le remplacer par un homme de pied et deux arquebusiers. C'était, dit-on, pour soulager la noblesse, mais c'est aussi une preuve de plus de l'importance prise par l'infanterie. Bien mieux, en 1545, on autorisa les nobles à faire eux-mêmes pour cette fois le service à pied (Fontanon, III, 62-63).
[25] Lettre de François Ier aux habitants de Sens, 15 juillet 1536, reproduite dans la Cronique du roy Françoys Ier, p. 172-173.
[26] Rey, François Ier et la ville d'Avignon, 1515-1547, 1895.
[27] Un grave incident avait contribué à augmenter l'animosité entre François et Charles : la mort subite du dauphin, le 10 août 1536. On prétendit qu'il avait été empoisonné par son écuyer Montecuculli, à l'instigation d'Antoine de Leiva et même de Charles-Quint. Ce fut l'occasion de manifestes Innombrables. Montecuculli fut écartelé, le 7 octobre.
[28] Registre des délibérations du bureau de la ville de Paris, t. II, 1527-1539, 1886 (Histoire générale de la ville de Paris).
[29] Isaac, Le Cardinal de Tournon, lieutenant-général du Roi à Lyon (Posit. des mém. pour le diplôme d'études de la Fac. des lettres de Paris, 1901).