I. — LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE LA PRODUCTION ARTISTIQUE. FRANÇOIS Ier a été considéré comme l'inspirateur unique de tout ce qui s'est fait sous son règne. Il eut sans doute le mérite d'aimer les arts et de les protéger ; il dépensa largement et intelligemment pour satisfaire ses goûts ; mais ses goûts étaient ceux de toute sa génération, et bien des œuvres, parmi les plus belles, ont été commandées par des particuliers : nobles, membres du clergé, financiers ou riches bourgeois. Si une activité artistique féconde se développa dans toute la France, ce fut précisément parce qu'elle n'était pas suscitée par la seule volonté royale. Il semble qu'on peut essayer aujourd'hui de déterminer les caractères principaux de l'art français pendant la première moitié du XVIe siècle. Le moment n'est pas éloigné peut-être où la plus grande partie des œuvres aura été vue et cataloguée. Malheureusement les édifices, les statues, les tableaux dont on peut nommer à coup sûr l'auteur ou fixer la date sont encore rares. A le faire par l'examen des styles, il faut mettre beaucoup de précaution, car les points de comparaison manquent souvent et, d'ailleurs, dans le même pays, des œuvres très différentes sont de la même époque, ou des œuvres identiques d'époques très différentes. Fontainebleau, Saint-Eustache, le château de Madrid, de physionomie si distincte, sont contemporains à trois ou quatre années près. Il y a eu partout tantôt des avances, tantôt des retards. Aussi, l'art du temps de François Ier est-il malaisé à définir absolument : il est trop varié, ce qui d'ailleurs est un de ses charmes. Certaines innovations furent introduites peu à peu dans les procédés matériels d'exécution, ou bien des genres nouveaux furent créés. Les architectes employèrent les mêmes matériaux que par le passé — avec usage plus fréquent de la brique ; — mais, de plus en plus, ils eurent tendance à se servir de pierres taillées en grand appareil, à l'imitation des anciens et des Italiens, tandis que les maures d'œuvre du moyen-âge bâtissaient généralement en moyen appareil. Puis ils substituèrent la voûte en berceau à la voûte en croisée d'ogives, ce qui transformait les conditions mêmes de la construction. La statuaire se détacha de l'architecture et, sans renoncer à la sculpture monumentale, les artistes la pratiquèrent plus rarement ; on ne vit plus de portails d'églises sculptés comme ceux de Chartres ou d'Amiens. A l'emploi de la pierre succéda celui du marbre et du bronze, et l'on abandonna peu à peu l'ivoire et le bois, avec lesquels les artistes du moyen-âge avaient produit des œuvres si grandes et si belles. A la fin du me siècle, les Vertus théologales, sculptées en bois dans l'atelier de Germain Pilon, sont presque une exception. Enfin, tandis qu'autrefois la sculpture était polychrome, l'influence des modèles italiens et des doctrines qu'on prêtait à l'antiquité l'amena assez vite à la monochromie. Sculpteurs et peintres se séparèrent de plus en plus. La miniature disparut à peu près, au cours du XVIe siècle, par suite du développement de l'imprimerie, et parce qu'elle était de moins en moins pratiquée en Italie, d'où venait la mode. Par contre la gravure la remplaça définitivement dans l'illustration des livres, ou bien constitua un art indépendant, très florissant et très original, celui de l'estampe. Tantôt les graveurs s'en servirent pour reproduire les œuvres des peintres, des sculpteurs, des architectes ; tantôt ils en usèrent comme d'un instrument particulier, pour exprimer directement leurs propres conceptions. La peinture en émail sur fond de métal avait commencé, vers la fin du XVe siècle, à se substituer aux émaux cloisonnés ou champlevés ; la peinture sur verre, au vitrail articulé. Dans les deux cas, c'était le même changement de procédé : au lieu de réserver dans le métal des parties creuses, pour couler dans chacune d'elles les différentes couleurs, au lieu d'intercaler dans des chaînages de plomb les fragments de verre colorés, découpés comme une mosaïque, les émailleurs ou les verriers peignaient avec des couleurs fusibles sur des surfaces de cuivre ou de verre. Ces transformations dans les procédés rapprochaient ces arts particuliers des conditions ordinaires de la peinture. Ainsi, les artistes allaient disposer de moyens nouveaux, mais aussi renoncer à quelques-uns de ceux que leurs prédécesseurs avaient si heureusement employés. Là, comme dans le reste, c'est un mélange de gains et de pertes. Mais, quand on analyse et rapproche les différentes manifestations qui se produisirent, on y trouve une direction commune. Il y a tendance à isoler l'une de l'autre la peinture, la sculpture et l'architecture ; à considérer, d'autre part, qu'elles seules sont vraiment artistiques, par un privilège de supériorité ; à les séparer ainsi des arts dits industriels ; à diminuer en tout la part de la technique. L'esthétique devient de plus en plus idéaliste : l'art, d'après elle, ne doit se préoccuper ni de la réalité ni de l'utilité. Au même moment, et comme en accord avec ces transformations, l'état personnel des artistes se modifia. Un grand nombre d'entre eux restèrent incorporés dans les maîtrises, mais d'autres n'eurent avec elles aucun lien. D'ailleurs, le régime corporatif était encore très souple dans la première moitié du siècle' et les étrangers appelés en France y échappaient complètement. En outre, des hommes tels que Léonard de Vinci, Rosso, Primatice, furent traités avec toutes sortes d'égards et reçurent des appointements en rapport avec leur réputation ; François Ier les admit dans sa familiarité. Les Français étaient ainsi relevés eux-mêmes dans l'opinion publique, mais ils ne jouirent pas tout d'abord des mêmes avantages que les étrangers. Pendant que Primatice était nommé abbé de Saint-Martin de Troyes, une abbaye très riche, les nationaux ne dépassaient guère le titre, recherché d'ailleurs, de valet de chambre du Roi[2] ; ils gardent aussi les dénominations qui les désignaient autrefois. Les sculpteurs s'appellent encore des ouvriers imagiers, et la plupart des architectes français restent qualifiés de maîtres maçons. Il est vrai que le mot architecte a un sens très vague et qu'il s'applique autant à des dessinateurs ou à de purs théoriciens qu'à des constructeurs. L'administration des beaux-arts s'ébaucha dans le même temps. François Ier institua l'état et commission de surintendant des bâtiments du Roi. Au-dessous figurait un contrôleur et directeur des bâtiments de Fontainebleau, du Louvre, de Boulogne, de Saint-Germain et de Villers-Cotterets, qui s'occupait des devis, regard, conduite et contreroolle de ces édifices. Mais la surintendance ne comprenait pas tous les bâtiments royaux, et elle était non pas une institution d'État, mais plutôt un commencement d'organisation dans les services du souverain, agissant en Mécène privé. On a dit longtemps que toutes les grandes œuvres du temps de François Ier étaient dues à des Italiens. Fontainebleau, Chambord même étaient de Serlio ; Saint-Eustache, de Boccador, etc. Exagération évidente, mais où il est assez difficile quelquefois de démêler la part de l'erreur et celle de la vérité. Puis une réaction s'est faite, trop souvent dirigée par des considérations d'amour-propre national : après avoir tout donné aux Italiens, on a tenté de leur tout retirer. On se fondait sur l'examen des comptes authentiques de dépenses, où se trouvent, à côté de noms italiens, une bien plus grande quantité de Français, qui touchent des sommes élevées, dirigent les artisans et font des devis. Voilà, disait-on, les auteurs vrais à substituer aux auteurs légendaires, dont la gloire est sortie de l'imagination des anciens historiens[3]. Mais, outre que les comptes nous sont rarement parvenus en entier, ils doivent être interprétés avec critique. Les Français qu'on y voit pourraient bien n'avoir été que des entrepreneurs, exécutant les plans ou les dessins fournis par d'autres[4]. Étant donné les idées du temps et les habitudes des artistes italiens, il suffisait presque de connaître Vitruve pour rédiger toutes sortes de projets, que les gens de la profession exécutaient ensuite, et il arrivait que ceux-ci seulement figuraient aux comptes. Il n'en est pas moins vrai que des Français, qualifiés de maçons, ont à la fois dessiné et construit des châteaux ou des églises. Un seul exemple entre beaucoup d'autres : le portail de la Dalbade à Toulouse fut édifié, en 1537, sur les dessins de maitre Michel Colin, massonnier. Ce massonnier était un architecte. On peut considérer dès maintenant que les Italiens ont dominé dans la peinture décorative et les arts qui s'y rattachent, et que le style qu'ils y ont introduit s'est répandu partout. Mais il faut laisser aux Français une part appréciable dans la peinture non décorative, grande dans la sculpture, presque prépondérante dans l'architecture. En outre, sous François Ise comme sous Louis XII, même dans les édifices construits par des artistes de la Péninsule, on trouve non pas le pur style italien, mais un style de conciliation. François te', qui appela des Italiens, ne les employa pas toujours, étant versatile en cela comme dans le reste. Puis ces Italiens furent combattus par les artistes français ou bien se combattirent entre eux. On en a un exemple dans les luttes soutenues par Benvenuto Cellini contre madame d'Étampes et son protégé Primatice. Léonard de Vinci mourut obscurément en 1519, dans un petit manoir, aux environs d'Amboise : on ne saisit guère de traces d'une influence exercée par lui en France, durant les quelques années qu'il y resta[5] ; André del Sarte ne fit que passer ; pour d'autres, comme le peintre Bordone, on ne sait pas la date de leur séjour, à supposer même qu'ils soient venus chez nous. Mais il est certain que quelques artistes établis en France du temps de Louis XII, les Juste, Boccador, Rustici, Nassaro, ont travaillé pour François Ier. A partir de 1530, leur rôle s'effaça devant celui de Rosso, de Primatice et de leurs collaborateurs[6]. Les plus grands des Italiens ne furent connus en France que par leurs œuvres : François Ier acheta trois tableaux de Raphaël[7] ; un David en bronze de Michel-Ange se trouvait chez Robertet au château de Bury, près de Blois. On les connut bien mieux encore par la gravure, qui était un grand moyen de diffusion. Le classement par nationalités se fait très facilement quand il s'agit des Italiens, mais à quel pays rattachera-t-on un artiste de Cambrai, de Douai, de Nancy ? Le mieux est de s'arrêter à la ligne des frontières d'alors, qui laissait ces villes hors de France, sans toutefois s'attacher étroitement à l'unique considération du lieu de naissance. Des hommes tels que Hugues Sambin[8], né à Besançon, mais qui passa de longues années à Dijon, peuvent être assimilés aux Français, tandis que les Monnoyer, qui n'ont guère quitté Cambrai, ne nous appartiennent pas. Au reste, les pays mitoyens, la Flandre, le Hainaut, la Lorraine ne restèrent pas sans contact avec notre art ; François Ier se fournissait de tapisseries à Bruxelles ; même des œuvres et des artistes flamands ou allemands vinrent en France. II. — L'ARCHITECTURE[9]. les édifices civils, l'application des doctrines empruntées à l'antiquité apparaît aisément, mais elle a à compter avec un système de construction très vigoureux[10], dérivant encore du moyen-âge, ou avec les fantaisies des artistes, ou même avec leur ignorance. Tous se mettent à l'aise à l'égard des règles et il faut presque toujours distinguer entre les érudits ou les archéologues, représentants exclusifs de la théorie, et les architectes, qui restent des hommes d'action et d'imagination. Les premiers étaient un peu comme ce savant de Toulouse qui visitait, en 1538, avec Marguerite de Navarre et les gens de sa cour, l'hôtel Bernuys, une des plus charmantes constructions de la Renaissance, à Toulouse même. Il y trouvait beaucoup de parties peu conformes aux principes et même tout à fait en contradiction avec les lois de l'art, et il opposait à l'architecte le de Re ædificatoria de l'Italien Leo Battista Alberti, publié en 1485 ; il louait Alberti d'avoir suivi savamment et élégamment Aristote, Pline et Vitruve, et de n'avoir rien omis de ce qui peut conduire à la vraie connaissance de l'architecture. Un peu plus tard, Philibert de l'Orme, nourri des principes antiques, parlera lui aussi de la vraie architecture. Mais, sous François Ier, ni les architectes ne furent très savants, ni ils n'écoutèrent trop ceux qui l'étaient, et ce fut heureux. Aussi les châteaux du temps restent bien dans la tradition française : tout d'abord ils gardent ce nom de châteaux, et s'ils perdent l'aspect de forteresses, cette transformation avait commencé dès le XVe siècle, avec la fin des guerres[11]. Le plan de ces châteaux présente généralement une cour quadrangulaire, entourée de bâtiments sur trois côtés et fermée sur le quatrième par une galerie ou une construction à rez-de-chaussée, où se trouve un portail d'entrée. Le château est souvent précédé d'une autre cour, qui rappelle la basse-cour du moyen-âge, et même en garde encore le nom[12]. Il est accompagné de jardins en parterres, au delà desquels s'étend le domaine : forêt, terres cultivées, étangs. Tel est le plan de Villers-Cotterets, d'Écouen, de Chambord, de Fontainebleau (sauf, pour ce dernier, l'irrégularité dans les combinaisons de détail). Souvent la construction principale est encore protégée par des douves. Les lignes des bâtiments sont à l'ordinaire simples : de grands parements de murs, percés de fenêtres à meneaux de plus en plus ouvertes ; de hautes toitures d'ardoises, amplement pourvues de cheminées très apparentes. Assez fréquemment, par souvenir des pratiques anciennes, les angles s'arrondissent en tours, comme à Chambord ; quelquefois la forme de l'escalier se manifeste encore à l'extérieur, comme à Blois. Pourtant les architectes tendent à la régularité des façades, sans tenir compte des particularités de l'aménagement. La demeure de ville, hôtel ou maison, ne fut pas transformée plus rapidement. Le plan d'un hôtel adopte presque toujours la disposition suivante : une cour, séparée de la rue par de hauts murs ou par des bâtiments de service à peine ornés ; au fond, le corps principal, pour lequel on réserve presque toute la décoration. C'est le système de l'hôtel Bernuys, à Toulouse, de l'hôtel Bourg-Théroulde, à Rouen, etc. La maison, petite comme au moyen-âge, se compose généralement d'un corps double en profondeur, élevé d'un ou de deux étages sur la rue, et surmonté d'un toit à lucarnes. Sur la façade, une porte charretière, avoisinée d'une porte basse, à côté, la baie d'une salle formant boutique ; aux premier et deuxième étages, trois ou quatre fenêtres, correspondant à autant de chambres[13]. La montée de l'escalier se révèle par des petites fenêtres, qui rompent très heureusement la monotonie de la ligne horizontale. A la différence de la plupart des hôtels, c'est pour la rue que la maison réserve la décoration la plus riche. Le système de construction emploie encore dans les escaliers, dans les chapelles et dans quelques grandes salles, la voûte en croisée d'ogives, avec toutes les complications savantes que les maîtres du XVe siècle s'étaient plu à y introduire : exemple, les salles de Saint-Germain ou l'escalier de Blois. De même, la place donnée aux charpentes, soit dans les plafonds, soit dans les toitures, manifeste la durée des traditions. La voûte en plein cintre et les voussures en arêtes, qui sont des façons de construire plutôt romaines, n'apparaissent qu'insensiblement. Dans l'ornementation, la flore du moyen-âge, les flammes et les accolades sont peu à peu remplacées, jusque vers 1530, par les arabesques et, après 1530, par des motifs antiques : oves, métopes, triglyphes, satyres gainés, qu'on retrouve partout. Souvent aussi on introduit dans des niches ou dans des fenêtres postiches des personnages en buste, vêtus à la mode du temps, ce qui n'empêche pas que les niches voisines reçoivent des divinités de la Fable. La décoration s'appliquait surtout aux façades, l'intérieur étant relativement sobre, au moins en sculptures. Les escaliers étaient généralement la partie la plus ornée : un de ceux du château de Villers-Cotterets est enrichi de sujets mythologiques. Et maintenant, si l'on compare un château, un hôtel, une maison de France avec une villa, un palais, une maison d'Italie, au temps de François PH, on observera bien plus de différences que de ressemblances dans l'aspect comme dans les méthodes de construction. Chambord est une des expressions les plus remarquables de la Renaissance française[14]. La date où commencèrent les travaux est fixée par des documents authentiques à 1519. A ce moment, l'École — toute nationale — dite de la Loire était encore en pleine floraison. C'est à elle que sont dues les constructions charmantes réunies sous le nom de Châteaux de la Loire. François Ier allait détourner le courant vers l'Île de France, à partir de son retour de Madrid, et, c'est, dans l'histoire de notre Renaissance, un fait important. Dans la construction de Chambord apparaissent les noms de Sourdeau, de Pierre Nepveu et de Cocqueau, appartenant tous trois à la région de Blois et d'Amboise. Les travaux durèrent fort longtemps, car il est encore question de parties à édifier, en 1554, et, à la fin même du siècle, Brantôme donne le château comme encores tout imparfayt, à demy achevé. Le nouvel édifice dut cependant être habitable entre 1530 et 1540, sans être terminé. Chambord excita une vive admiration, même, chez les Italiens. Un ambassadeur de Venise écrivait, en 1577 : Moi qui ai vu dans ma vie bien des édifices, je n'en ai pas vu un plus riche que celui-ci. Quant à Brantôme, avec son exubérance habituelle, il s'écrie : Que doit-on dire de Chambourg, qui rend tout le monde en admiration et ravissement quand il le voit ! Que si les desseins eussent pu accomplir l'œuvre, on le pourroit nommer parmi l'un des miracles du monde. L'opinion courante voit dans Sourdeau, Nepveu et Cocqueau les architectes du château. Que ce soit ou non exact, la conception en est française : plan, élévation, avec les tours, les fossés, les toits, les cheminées système de construction, avec des voûtes en anse de panier ; aspect extérieur, avec les fenêtres à meneaux. L'enticque, comme on disait, n'apparaît que dans l'ornementation, dans les chapiteaux des pilastres, dans les médaillons, dans la lanterne, où s'est jouée l'imagination la plus fleurie. Encore pourrait-on trouver là, autant que l'inspiration italienne, celle de notre gothique flamboyant. Le château de Boulogne, dit aussi de Madrid, a été construit en collaboration par, un Français et un Italien : Pierre Gadyer et Jérôme della Robbia, à partir de 1528[15]. Bien que Pierre Gadyer soit mort très probablement en 1532, il avait eu le temps de donner le plan et de diriger les premiers travaux. Jusqu'à quel point furent-ils modifiés ? Par qui continués ? Della Robbia est ordinairement qualifié d'émailleur dans les comptes, ce qui restreindrait son rôle, si l'on ignorait qu'à cette époque les besognes sont bien plus larges que les titres, Villers-Cotterets fut commencé en 1532 par Jacques et Guillaume Le Breton ; Saint-Germain, en 1539, par Pierre Chambiges, Guillaume Guillain, Jean Langeois. A Villers-Cotterets, ce sont des bâtiments carrés très simples, avec une chapelle, dont la décoration est de style italo-antique, ainsi que celle d'un escalier. Les bâtiments de Saint-Germain, élevés autour d'une cour assez irrégulière, se composaient de murs de pierre avec jambages de briques aux fenêtres ; l'intérieur était voûté en croisée d'ogives ; mais, au lieu des grands toits français, le château était surmonté de terrasses à l'italienne. L'Hôtel de Ville est la construction civile la plus importante et la plus caractéristique de celles qui furent entreprises à Paris pendant le règne de François Ier[16]. Le 2 avril 1533, le Roi écrivait[17] : Comme pour la décoration de nostre bonne ville de Paris, ville capitale de notre royaume, nous eussions piéça ordonné à nos très chers amis, Prévost des marchands, eschevins... faire croistre, élargir, bastir et réédifier de neuf l'hostel commun d'icelle, en suivant laquelle ordonnance avaient fait faire ung pourtraict de la forme et devis du dit bastiment, lequel ils nous auraient monstré, et l'ayant trouvé agréable, nous leur aurions commandé y faire besogner à toute diligence.... Ce pourtraict, c'était celui que Dominique de Cortone avait soumis au Roi à la fin de 1532, et c'est le dessin qui fut exécuté. En 1534, on parlait du nouveau bâtiment qui sera somptueux et des plus beaux que l'on connaisse. Mais, outre les événements politiques et la pénurie financière, des négligences ou des différends entre les maîtres des œuvres suspendaient à chaque instant les travaux. A la mort de François Ier, il n'y avait guère d'achevé que l'arcade Saint-Jean, où figurait la Salamandre, et une partie de l'aile méridionale. L'Hôtel de Ville est un exemple d'une œuvre due à un Italien, où domine le style français : toits élevés, grandes cheminées apparentes, fenêtres à meneaux. Dominique de Cortone, qui vivait en France depuis trente ans, avait en partie oublié les modes de son pays d'origine. Bien qu'elle tienne une moindre place que dans les âges précédents, l'architecture religieuse du xvi siècle a un caractère historique fort intéressant, et l'on y trouve le reflet très vif de l'esprit et du régime ecclésiastique du temps. Le haut clergé parait avoir été plutôt porté à adopter le style italo-antique, plus brillant. Ses membres appartenaient à l'aristocratie, à la cour, la plupart avaient été en Italie ; ils partageaient les goûts du Roi et jugeaient de bon ton de se plaire aux nouveautés. Au contraire, les membres des chapitres, les curés étaient souvent favorables au maintien des traditions, à la fois parce qu'ils étaient attachés au passé et parce qu'ils n'aimaient pas beaucoup le clergé concordataire. De la sorte, l'architecture religieuse retarda très souvent sur l'architecture civile. A Paris, au me siècle encore, la paroisse est le vrai centre de l'activité morale ou sociale du quartier, avec ses confréries, ses associations de charité, perpétuellement rassemblées auprès du curé pour la célébration du culte, les fêtes et les bonnes œuvres[18]. Les fidèles y sont rattachés individuellement par les donations, les dispositions testamentaires, les obits, les constitutions de chapelles. Dans la Fabrique entrait toute la bourgeoisie, depuis les parlementaires jusqu'aux marchands, monde très étendu, ayant sa vie à part, sans grande communication avec le monde officiel gouvernemental. Il était naturel que la Fabrique, lorsqu'elle avait des travaux à entreprendre, s'adressât plutôt aux membres des corporations, en rapports si étroits avec elle par leurs confréries. Et de fait, on voit figurer sur les pierres tombales un grand nombre de maîtres maçons, qui souvent ont été maîtres des œuvres de l'église où ils sont enterrés[19]. Les travaux d'églises furent d'ailleurs extrêmement variés, soit à Paris[20], soit en province. Le plus souvent, une église ancienne existait, mais inachevée, dégradée ou trop petite ; on ne la démolissait pas, on se bornait à la réparer ou à l'agrandir. Tantôt on se conformait à peu près au style gothique antérieur ; par exemple, à Beauvais, dans les deux portails du transept de la cathédrale, achevés entre 1500 et 1550 ; à Abbeville, dans l'église Saint-Wulfran, achevée en 1539 ; à Fontevrault, dans le réfectoire (vers 1515). Ailleurs, on adaptait la mode nouvelle à l'édifice ancien, sans se préoccuper des disparates. C'est ce que firent Martin Cambiches, quand il commença, en 1515, le portail de la cathédrale de Troyes ; Pierre Lemercier, quand il reconstruisit le bas-côté gauche de l'église Saint-Maclou à Pontoise (à partir de 1525)[21] ou encore l'architecte de la Trinité à Falaise, qui juxtaposa au bâtiment gothique des couronnements décorés d'arabesques jusqu'à la profusion. Il n'est guère d'église qui n'ait reçu ainsi des portails, des chapelles et des clôtures, où le classicisme nouveau se donne carrière. L'histoire de l'église de Gisors résume la variété de ces essais et, au milieu de toutes sortes d'incertitudes, leur marche chronologique. Il existait un chœur du nue siècle, qui subsista, et une nef délabrée, qu'on refit en entier. Un grand nombre de maîtres maçons , parmi lesquels les Grappin, y travaillèrent de père en fils. De 1497 à 1513, le chœur avait été enveloppé de chapelles flamboyantes ; de 1515 à 1525 encore, le portail latéral du Nord était bâti dans le pur style gothique. Après 1525, la Renaissance apparaît, soit dans la nef, soit dans la tour du Nord, élevée entre 1535-1540. Enfin, après 1560, les derniers des Grappin introduiront dans le portail principal et dans la tour du Sud, avec une maladresse bien significative, les pilastres antiques, les oves et les plafonds à caissons. Quelquefois l'architecte imaginait un style composite, où s'accommodaient l'exubérance du gothique fleuri et celle de l'art nouveau des arabesques. On en a des exemples à Saint-Remy de Dieppe (1522-1541), et surtout à l'abside de Saint-Pierre de Caen, cette œuvre si justement célèbre de Pierre Sohier (1518-1545). Quand il s'agit de bâtir des églises nouvelles, le parti varia selon les circonstances. A Paris[22], l'église Saint-Merry semblerait avoir été construite en plein XVe siècle, et il paraît cependant certain que les travaux n'ont commencé qu'entre 1520 et 1530. Si l'on peut admettre que l'église Saint-Gervais a dû être ébauchée au XVe siècle, elle fut achevée ou refaite, au XVIe, en majeure partie[23]. Or, Saint-Gervais, avec ses piliers sans chapiteaux, avec ses moulures prismatiques ou arrondies, avec ses baies de fenêtres immenses, avec les tours de force de ses voûtes et de leurs clefs, fournit le meilleur exemple de ce que serait peut-être devenu le style gothique, s'il avait été laissé à lui-même. A Saint-Étienne-du-Mont, où les travaux furent entrepris en 1506, où le chœur était achevé en 1537 et l'aile méridionale de la nef en 1538, la transition se sent davantage. Les architectes conservèrent la croisée d'ogives, les arcs-boutants et les flammes, mais en déformant peu à peu le style et en l'adaptant à quelques-unes des modes dominantes. Ils créèrent ainsi un édifice charmant par le mélange d'ingéniosité dans la tradition et d'inexpérience dans l'innovation. L'église Saint-Eustache de Paris fut commencée en 1532[24] ; on a des raisons d'en attribuer le plan et le dessin à l'architecte de Saint-Maclou de Pontoise, Pierre Lemercier. La croisée du transept et les travées voisines furent édifiées entre 1532 et 1547 — les dates de 1534, 1537, 1541, 1547 sont inscrites sur certains chapiteaux. Saint-Eustache est une église de construction gothique et de dessin classique : l'architecte y garda le plan du moyen-1We, continua l'emploi de la croisée d'ogives et des arcs-boutants ; mais il remplaça les anciens piliers par des pilastres et les chapiteaux à feuillages français par des chapiteaux corinthiens ou ioniques. III. — LA STATUAIRE, LA PEINTURE ET LES ARTS SOMPTUAIRES ; LA MUSIQUE. LA statuaire française[25] garda ses grandes et fortes traditions, au moins jusqu'après 1530. Le Roi employa plus d'Italiens que de Français, mais les particuliers s'adressèrent plutôt aux Français qu'aux Italiens. C'est aux Juste que François Ier commanda le tombeau de son prédécesseur[26]. Leur œuvre (1517-1531) a joui pendant longtemps et jouit encore d'une grande réputation, justifiée seulement en partie. Le plan et l'élévation dérivent du tombeau de François II de Bretagne et en élargissent le thème. Un soubassement est surmonté d'un étage en arcades, qui donnent jour sur un sarcophage où sont étendues les statues nues de Louis XII et d'Anne de Bretagne : ce sont les gisants. Sur la plate-forme supérieure le Roi et la Reine sont agenouillés : ce sont les priants. Les arcades sont garnies de statuettes d'Apôtres ; les quatre angles, de Vertus assises, à peu près grandeur nature. Dans les Vertus, les Juste se sont montrés prodigieusement maladroits à appliquer le style classique ; elles sont massives, ridiculement imitées des antiques : sur un des corps de femme on voit la tête de l'Apollon, une autre femme rappelle la Vénus de Médicis, avec le geste même, qui n'a plus de raison d'être pour une statue drapée et assise. La vérité se retrouve dans les gisants, où l'artiste a étudié le nu du cadavre, sans oublier même le détail du ventre, ouvert pour l'embaumement, puis recousu. Les priants aussi sont d'un travail ferme, précis, réaliste. Certainement le monument est de plusieurs artistes. Mais des Français y travaillèrent-ils à côté des Juste ?[27] Cellini[28], par les rodomontades de ses Mémoires, ferait croire qu'il joua en France un très grand rôle et que son séjour y fut décisif pour l'évolution de notre art. Mais il ne resta que cinq ans dans notre pays, entre 1540 et 1545. Il y fut d'abord accueilli avec faveur par le Roi, qui lui prêta les ateliers de l'hôtel de Nesle et lui donna en 1542 des lettres de naturalisation. Puis bientôt il fut combattu par Primatice, essaya en vain de le supplanter, irrita probablement François la' par les excès d'un caractère orgueilleux et fantasque, et reçut en somme peu de grandes commandes. Il modela pour Fontainebleau une nymphe en bas-relief, qui fut coulée en bronze. Elle est représentée étendue, le bras appuyé sur une urne d'où sort la source, an milieu de roseaux. Il fit pour le Roi et les seigneurs bien plus de travaux de joaillerie et d'orfèvrerie : une grande salière d'or et un Jupiter d'argent, des aiguières, des plats, des bijoux. Il y mettait une invention ingénieuse et un grand sentiment décoratif. Mais ni ses modèles, ni la nymphe de Fontainebleau ne se distinguent profondément du style de Primatice. Cellini ne fût-il pas venu en France, Primatice aurait donné à nos artistes assez de leçons pour les amener à imiter l'art italien, et c'est par lui surtout qu'ils le connurent. On a cherché à classer en étoles les sculpteurs français du XVIe siècle ; gardons le mot, mais sans en exagérer la portée. Il peut être plus exact et plus prudent de se borner à constater que, sur certains points, dans la vallée de la Loire moyenne, dans la Champagne, la Bourgogne, le Languedoc, l'activité artistique fut plus abondante, en signalant au passage quelques nuances qui caractérisaient l'art de ces pays. Colombe laissa des élèves qui gardèrent les qualités de son réalisme, tempéré par un sentiment exquis de mesure et d'harmonie. Leurs œuvres, comme celles du maître, ne laissent voir l'inspiration italienne que dans les détails secondaires de l'ornementation. La Vierge d'Olivet et la Vierge d'Écouen sont des spécimens remarquables de toute une série de statues ou de statuettes, qu'on retrouve dans l'Orléanais, le Blésois, la Touraine, et jusque dans le Bourbonnais. Le monument capital de cette École est le tombeau de Louis Poncher et de sa femme Roberte Legendre[29] (exécuté vers 1523). Les noms des auteurs sont aujourd'hui connus authentiquement : ce sont Guillaume Regnault, tailleur d'images de la feue Reine, et Guillaume Chaleveau. Guillaume Regnault avait été l'un des collaborateurs préférés de Colombe, et la statue de Roberte Legendre est digne de l'enseignement du maître : Roberte est représentée gisante, vêtue d'une longue robe aux larges plis ; une coiffe encadre la tète, sans dissimuler les traits du visage, qu'elle enveloppe discrètement. Il y a dans ce chef-d'œuvre un sentiment réservé, pudique, de demi-teinte, qui fait contraste avec certains papillotages de l'italianisme exagéré ou avec la banalité de certains pastiches antiques[30]. D'autres sculpteurs gardent l'exubérance du style fleuri et flamboyant. Lorsque fut entrepris vers 1515, dans la cathédrale de Rouen, le tombeau qui devait réunir un jour les restes du cardinal d'Amboise et de son neveu, les artistes—dont les principaux furent Roullant le Roux et Des Aubeaulx — donnèrent à la partie architecturale le développement le plus ample et s'y abandonnèrent à la verve décorative la plus libre : pinacles, clochetons ouvrés à jours, statuettes, Vertus allégoriques, emblèmes à la façon du moyen-âge, arabesques à la mode nouvelle ; c'est un jeu charmant d'imagination, un cadre semblable aux vignettes des manuscrits, au milieu duquel se dressent les deux statues agenouillées, dont la forte simplicité ressort par là plus vivement[31]. Cependant les influences italo-antiques s'exerçaient directement sur notre sculpture. Nos artistes allèrent peu en Italie — c'est un fait à noter — mais ils avaient occasion de voir les œuvres faites chez nous par les Italiens ou importées d'Italie, et ces œuvres étaient goûtées, elles avaient la vogue. Puis ils entendaient parler de l'art de la Péninsule et de l'art antique ; on faisait venir des moulages de statues en France ; Primatice, en 1541, en rapporta un grand nombre : la Vénus, l'Ariane, le Laocoon, l'Apollon du Belvédère, qui furent fondus en bronze. La peinture et la gravure fournissaient aussi toutes sortes de modèles. De ces modèles, quelques-uns étaient admirables et d'une beauté supérieure ; d'autres, ceux des élèves de Raphaël ou de Michel-Ange, étaient moins dignes d'être imités. Or, nos artistes ne surent pas toujours choisir ou ne connurent pas les œuvres vraiment belles. Il se forma ainsi, entre 1530 et 1540, une École nouvelle, dont un des représentants connus fut François Marchand d'Orléans. Elle prétendait s'inspirer de l'antique et de Michel-Ange : elle empruntait à l'un le costume, le type des figures, à l'autre l'étude du nu, le mouvement et l'expression dramatique. Mais les artistes de cette École ne comprenaient ni l'antiquité ni Michel-Ange, ou bien ils les défiguraient en croyant, les imiter. Parmi les Histoires, que Marchand[32] sculpta pour le pourtour du chœur de Chartres (1541) ou pour l'église voisine, de Saint-Père-en-Vallée (1543), un Crucifiement montre un mélange de modèles antiques et de corps convulsés et boursouflés, des plis tourmentés et recroquevillés, une composition agitée, sautillante. Ce goût déplorable se répandit d'autant plus qu'il n'était pas éloigné de certaines exagérations de la sculpture flamande, avec laquelle le nord de la France restait en relations. On le retrouve en Champagne[33], en Bourgogne, à l'église de Saint-Florentin, par exemple, et même à Beauvais, dans la porte méridionale de la cathédrale, si remarquable d'ailleurs. Dans d'autres œuvres et particulièrement dans quelques tombeaux, on signalerait un mélange bien plus heureux des vraies inspirations italo-antiques et des traditions du réalisme français. Le tombeau de Genouillac, dans l'église d'Assier, édifié en 1545, se compose d'un soubassement sur lequel Genouillac, en costume civil, est étendu. Au-dessus se dresse un portique classique, où il est représenté debout, en costume de guerre, les mains appuyées sur l'affût d'un canon, auquel deux soldats font le simulacre de mettre le feu : œuvre très originale par l'air de vérité qui apparaît dans la figure anguleuse et rigide de Genouillac. En même temps que le statuaire a représenté au naturel, soit dans la partie architecturale du tombeau, soit dans certaines frises de l'église, des sièges de villes, des forteresses, des canons, pour rappeler les exploits de ce Grand-Maitre de l'artillerie, il a aussi employé l'allégorie mythologique et montré des génies ou des emblèmes gréco-romains. L'auteur du tombeau de Du Bellay, dans la cathédrale du Mans, cisela de même des dauphins, des dieux marins, pour symboliser les guerres navales auxquelles- le défunt avait pris part, et il le vêtit de la cuirasse des empereurs romains, mais il imprima au visage un air saisissant de ressemblance. La combinaison des deux styles est encore mieux marquée au tombeau de Louis de Brézé, dans la cathédrale de Rouen (1536-1544). C'est un double portique superposé, adossé au mur du chœur ; l'architecture en est toute classique : colonnes corinthiennes et ioniques, entablements très réguliers. D'autre part, le personnage est représenté deux fois, avec un accent profond de réalisme ; à la partie inférieure, en gisant nu, cadavérique ; à l'ordre supérieur, en costume de guerre, et monté sur un cheval tout caparaçonné, comme dans l'attente du combat ou du tournoi[34]. Mais des deux côtés, au droit des pilastres, on voit des Cariatides à l'antique. C'est un peu le même mélange dans le tombeau si justement célèbre de l'amiral Chabot[35] (vers 1543 peut-être), qui soulève encore tant de problèmes[36], mais qu'il ne semble pas possible d'attribuer à Jean Cousin. La statue de Chabot est naturelle et noble, dans l'abandon si heureusement exprimé de l'attitude à demi couchée ; la figure est calme et méditative. Or, cet admirable morceau de sculpture, beau surtout par la gravité et la simplicité, était encadré dans un grand cartouche chargé de figures allégoriques d'un goût très banal et d'une exécution très lâchée. Dans toutes ces œuvres, c'est surtout par le style des ornements qu'on peut constater l'influence du style italo-antique, parce qu'elle se révèle en des formes de dessin qui se prêtent à l'analyse. Quant aux qualités de fermeté, aux mérites d'exécution, à la pureté de goût, qui se rencontrent dans les statues de Genouillac, de Chabot, de Du Bellay, ou au sentiment d'harmonie qu'on y trouve, il n'y faut pas plus méconnaître une inspiration puisée dans les beaux modèles antiques ou italiens que la continuation des grandes traditions de la statuaire nationale, depuis les imagiers du XIIIe siècle jusqu'à Michel Colombe. Et même, à y regarder soigneusement, le Chabot ou le Brézé sont peut-être plus voisins des statues de Nantes ou de Dijon que des antiques ou de Michel-Ange. Nous sommes bien moins renseignés sur les peintres[37] que sur les sculpteurs, sauf peut-être sur les Clouet. Jean Clouet fut valet de chambre de François Ier. C'est à lui ou à l'un de ses frères, assez problématique d'ailleurs, qu'on attribue la plupart des portraits de l'époque. Le portrait fut en effet le genre favori de nos peintres, qui pendant longtemps n'abordèrent pas les grandes compositions décoratives, réservées aux Italiens. Il s'épanouit dans les crayons, dont la mode dura pendant tout le XVIe siècle[38], dans quelques miniatures, telles que celles du manuscrit de la Guerre gallique, où figurent les personnages de la cour entre 1520 et 1530, ou dans des illustrations de livres. Les personnages ne sont généralement représentés qu'en buste et, dans les tableaux mêmes, à moitié au plus de la grandeur nature. Des attitudes immobiles, peu de gestes. Mais ces petites figures donnent la sensation de la ressemblance morale autant que physique ; les peintres se plaisent à reproduire tous les détails du costume et les bijoux et les joyaux qui ornaient la toilette des hommes aussi bien que des femmes ; l'exécution, un peu sèche, y est très ferme. C'est d'un art concentré, voisin de l'art des Flandres et de l'Allemagne. François Clouet, fils de Jehannet, portera le genre à sa perfection dans la seconde moitié du siècle. Dans les arts somptuaires, tapisserie, émaillerie, céramique, meuble, les mêmes tendances se constatent. L'art du vitrail trouva dans le développement de plus en plus considérable des fenêtres des églises un large champ qu'il remplit. Nos artistes français y exécutèrent de grandes compositions décoratives, qui peuvent se comparer à celles que les Italiens exécutaient dans leurs fresques et sur leurs toiles. Les Le Prince travaillèrent surtout dans la région de Beauvais, les Pinaigrier dans celle de Paris[39]. Ils traitèrent le vitrail en tableau, grâce aux nouveaux procédés dont ils disposaient[40]. Ils y ouvrirent de grandes perspectives, ils y répandirent des architectures : monuments gothiques ou édifices anciens. Ils prirent leurs sujets dans les Évangiles, dans la Bible, dans l'histoire religieuse ; les acteurs en furent généralement représentés à l'antique ; mais comme l'habitude du temps était d'introduire dans le vitrail la représentation des donateurs, ils trouvèrent ainsi l'occasion de déployer des mérites supérieurs de portraitistes. Surtout ils excellèrent, comme leurs prédécesseurs, à se servir des belles colorations de bleu, de rouge, de violet, auxquelles la transparence du verre et la lumière donnent tant d'éclat et d'harmonie. Les émailleurs traitèrent des sujets plus profanes et subirent de très bonne heure l'influence presque exclusive de l'École de Rosso ou de Primatice. Les Pénicaud, les Limousin aimèrent à représenter les assemblées de Dieux, les festins mythologiques. Les légendes de Mars et Vénus, de Vulcain, les scènes de l'Iliade et de l'Odyssée furent leurs thèmes favoris. On ne sait pas si François Ier, qui aima tant de choses, aima particulièrement la musique[41]. Il eut une chapelle bien organisée ; en 1531 et 1531, les Chantres de la Chapelle de plain-chant nouvellement créée touchaient ensemble 535 livres par quartier. II y avait à côté d'eux les musiciens de la Chapelle et ceux de l'Écurie ; les premiers ayant pour instruments la harpe, le violon, le luth, l'orgue, l'épinette ; les autres, le violon, le hautbois, le trombone, le cornet, la trompette, le fifre, le tambourin. Dans la musique comme dans les autres arts, les Français, les Italiens et les Flamands se coudoyaient : Barthélemy de Florence, Nicolas de Brescia, François de Crémone et Samson de Plaisance, hautbois du Roi, Albert Rippe de Mantoue, que Marot mettait au dessus d'Orpheus et de Phœbus, et Nicolas Pirouet, Jean Henryk, Jean Fourcade, Pierre de Boisguillebert, ces derniers Français ou Flamands. En dehors de l'Hôtel du Roi, la corporation des ménétriers de la Ville de Paris continuait d'exister, elle reçut confirmation de ses privilèges en 1515[42]. Des progrès matériels favorisèrent le développement de la musique et sa vulgarisation. Le violon prit, vers 1520, sa forme définitive, l'épinette se répandit, ainsi que les orgues perfectionnées, au XVe siècle. Mais l'instrument le plus à la mode resta le luth. En même temps, l'imprimerie musicale se créait avec Pierre Attaignant, qui publiait des œuvres musicales dès 1529 et qui édita, en 1547, un Livre de Viole de Gervaise, recueil d'airs de danse à la mode, et Robert Ballard, qui reçut, en 1542, un privilège pour la musique. Cet art faisait partie de l'éducation des jeunes seigneurs : Rabelais dit que Gargantua et ses compagnons s'esbaudissoient à chanter musicalement à quatre ou cinq parties, ou sur un thème, à plaisir de gorge. Au reguard des instruments de musique, il apprist à jouer du lue, de l'espinette, de la harpe, de la Hutte d'alemant et à neuf trous, de la violle et de la sacqueboutte. Parmi les Français, Clément Jannequin, plus tard maître de la Chapelle du Roi, célèbre par sa pièce de la Bataille de Marignan, a produit un œuvre très considérable : les Sacras Cantiones, les Chansons de la guerre et de la chasse, les Inventions musicales. La Bataille de Marignan[43] est un chœur scénique à quatre voix, plein de vie, et qui peut être considéré comme une des origines du style descriptif. Jannequin se plaisait en effet — il n'était pas le seul de son temps — à des recherches de timbres, où il employait avec raffinement les ressources de la voix ou des instruments : il imitait volontiers le bruit des batailles, l'entrain des chasses, le chant des oiseaux, le bavardage féminin. Il se dégageait, au travers de ces fantaisies, une émotion capable de se communiquer, si nous en croyons le témoignage de Noël du Fail : Comme, par exemple, quand l'on chantait la chanson de la guerre, faite par Jannequin, devant ce grand Roy, pour la victoire qu'il avait eue sur les Suisses, il n'y avait celui qui ne regardât si son épée tenait au fourreau et qui ne se haussast sur les orteils, pour se rendre plus bragard et de la riche taille. Et, au contraire, lorsqu'en cette belle voûte d'église, à Saint-Maurice d'Angers, on chantoit une hymne funèbre de Requiem, en grosse et plate musique, approchant du faux bourdon, il n'y avoit si dur cœur qui ne se retirast à la contemplation de la caducité et vanité de ce monde. La musique et chansons ont cela propre et naturel de transmuer et. faire passer en elles nos conceptions et volontés. IV. — FONTAINEBLEAU ET L'ÉCOLE DE FONTAINEBLEAU[44]. L'ARCHITECTE Du Cerceau a écrit en parlant du château de Fontainebleau : Le Roy, y voulant aller, il disait qu'il alloit chez soy. Ce fut là en effet la demeure préférée, intime, de François Ier, la seule où il ait — quelquefois — habité d'une façon un peu continue. A faire ce chez soi, il employa près de vingt années. Il entreprit les premiers travaux en 1528 ; des architectes, des peintres, des sculpteurs, des ornemanistes, des ouvriers de toute sorte ne cessèrent pas d'y être employés jusqu'en 1547, et si le château n'était pas achevé lorsque le Roi mourut, tout ce qui est caractéristique dans l'architecture et la décoration appartient à son règne et résume ses goûts et l'art de son temps. En 1528, le château gothique habité jadis par saint Louis existait encore, mais resserré entre des constructions privées ; le terrain environnant était limité, et la forêt partagée entre divers propriétaires. Les agents du Roi acquirent progressivement l'espace nécessaire. Les réserves royales dans le parc ou les bois s'agrandirent par échanges de terres[45]. La forêt fut enclose en 1540 ; le parc fut embelli ; on acheta des arbres, on fit venir des jardiniers du Midi pour planter des vignes à Champagne et à Thomery. Le travail architectural fut poussé vivement. Dès 1532, les comptes signalent le commencement des grandes peintures décoratives ; en 1534, on meuble des appartements ; en 1537, on procède à un nettoyage général. Il faut donc renoncer à voir dans Serlio, comme on l'a fait si souvent, l'architecte de Fontainebleau, puisqu'il ne vint pas en France avant 1541. A cette date, trois corps de bâtiments de forme et de grandeur différentes existaient autour du donjon de Saint-Louis et de la vieille chapelle de Saint-Saturnin, conservée, mais transformée en partie : à l'Est, les bâtiments de la cour Ovale ; au centre, la galerie dite de François Ier ; à l'Ouest, la chapelle de la Trinité, un grand pavillon central et, en équerre, deux galeries donnant sur la cour du Cheval-Blanc. D'après les premiers devis, Gilles Le Breton, maçon et tailleur de pierre, aurait construit les logis sur la cour Ovale et le corps principal sur la cour du Cheval-Blanc. Pierre Chambiges est peut-être l'auteur des bâtiments en équerre sur la même cour. L'aspect de ces bâtiments[46] n'a presque rien d'italien ni d'antique, et l'architecture en est remarquablement simple : de grands murs, ornés tout au plus à chaque étage de pilastres d'une très faible saillie, avec des chapiteaux fort sobres ; des toits élevés, aux arêtes vives, des cheminées très apparentes et hautes, tout cela est bien à la mode française. Une aile de la cour du Cheval-Blanc présente le procédé, si particulier à quelques architectes nationaux, des jambages de fenêtres en briques se détachant sur un fond de pierre. Par contre, dans la cour Ovale, Gilles Le Breton avait entrepris d'élever un péristyle à l'italienne, avec colonnes à l'antique, arcades et entablements. Mais, ce qu'on ne trouve plus à Fontainebleau, c'est la richesse d'arabesques qui, au château de Blois ou dans certaines églises, telles que celles de Falaise ou de Caen, caractérisait la Renaissance. Par contraste avec l'extérieur, la décoration intérieure est presque exclusivement italienne et extrêmement riche. Elle fut d'abord confiée à Rosso, appelé en France en i531 et pourvu des gages de 1 400 livres tournois par an, comme maistre conducteur des ouvrages de stucq et de peinture au lieu de Fontainebleau. Il décora la galerie de François let, travail qui l'occupa jusque vers sa mort, en 1541. Il y employa le bois, le stuc et la peinture, accompagnés de bronzes ciselés et dorés. Les sujets, tout allégoriques ou mythologiques, sont inspirés de l'antiquité ; Rosso célébra la gloire de la Renaissance dans une des fresques, décrite ainsi par le Père Dan[47] : En ce tableau, qui est un emblème, sont plusieurs hommes et femmes, qui ont les yeux bandés et semblent aller vers un Temple, où est le Roy François, ayant une couronne de laurier sur la tête, un livre sur le bras et une épée en main, témoignant vouloir ouvrir la porte de ce Temple pour y conduire et faire entrer ces aveugles. Où, par cet emblème, l'on peut voir le soin qu'a pris cet illustre monarque à chasser l'aveuglement de l'ignorance qui estoit de ce temps, et donner entrée au Temple des Muses pour cultiver les Sciences et les Arts. C'est à rapprocher de l'anathème lancé par Rabelais, à peu près à la même époque, contre les gens qui ferment les yeux à la lumière, en ne voulant voir que les brouillards gothiques et cimmériens, et il semble que Rosso ait voulu glorifier la fondation du Collège Royal, que le Roi venait d'ouvrir quelques années auparavant. Primatice parait à côté de Rosso, dès 1533. Plus que celui ci, il a exercé une action considérable sur l'art français, action d'autant plus forte qu'il a vécu en France et y est resté en grande faveur jusqu'à sa mort, en 1570. Cependant, en 1535-1536, il ne touchait encore que 600 livres, beaucoup moins que Rosso. A la suite de son voyage en Italie, pour y acheter des objets antiques au compte du Roi et pour faire exécuter les moulages de statues, qui furent ensuite fondus en bronze, son crédit augmenta. Les Fontes de Primatice furent placées dans les jardins, avec une grande satisfaction du Roi, qui fit de ce lieu comme une nouvelle Rome. La mort de Rosso et la protection de la duchesse d'Étampes assurèrent à Primatice la direction suprême des travaux de décoration. De 1540 à 1550, les comptes le montrent très occupé dans tout le château. Mais Rosso ni surtout Primatice n'auraient pu suffire à l'énorme travail de la décoration du Palais. Ils choisissaient les sujets, en faisaient eux-mêmes les esquisses ; ils n'en exécutèrent certainement qu'une partie. Ils eurent des collaborateurs très nombreux : Regnaudin, Barthélemy de Miniato, Nicolas de Modène, Bagnacavallo, Caccianemici ; plus tard, Niccolô dell' Abbate, le seul dont la personnalité se dégage un peu. Les comptables ne savaient comment reproduire ces formes étranges pour eux, ils les traduisaient gauchement en Baignecheval, Chassenemi. Au milieu d'eux, un peu perdus, quelques Français et des Flamands, pour la sculpture ou le travail du bois : Pierre Le Roy, Dorigny, Bontemps, Picard, Fouquet, Théry ; deux peintres : Bochetel, Carmoy. La décoration de la galerie de François Ier par Rosso a été conservée ; mais de l'œuvre de Primatice — de celle qui fut accomplie entre 1533 et 1547, — il ne reste guère que les peintures et les décorations faites dans la chambre de Madame d'Étampes[48]. Rosso et Primatice étaient imbus de l'esthétique italo-antique. C'est elle qu'ils apportaient chez nous, sans faire aucune concession au goût français. Ils ne représentaient que des légendes et des récits païens : Ulysse, Alexandre, César, Jupiter, Vénus, Mars furent leurs héros ; ils rencontrèrent dans ces sujets un prétexte à de belles nudités, à un déploiement de science archéologique dans les costumes, les armes, les ornements, le décor d'architecture. A Fontainebleau, les Français ne retrouvaient plus rien d'eux-mêmes : ni leur vie, mais celle des Romains et des Grecs ; ni leurs traditions, mais celles de l'antiquité ; ni leurs croyances, plus de Vierge, de Christ, de Saints, mais des Dieux et des Déesses. Ils ne retrouvaient, — quand ils étaient instruits, — que leur culture intellectuelle. On pouvait dire en effet que François lu avait fait de ce lieu une nouvelle Rome ou une Athènes. Ainsi se forma l'École de Fontainebleau, terme de convention postérieur au XVIe siècle, par lequel on a désigné d'abord les artistes qui travaillèrent à Fontainebleau, autour de Rosso et de Primatice, puis ceux qui adoptèrent et vulgarisèrent le style de ces maîtres, puis même un ensemble d'œuvres de toute provenance, présentant une inspiration identique, soit en France, soit à l'étranger. Cependant l'École de Fontainebleau est avant tout, l'École des Italiens établis en France entre 1530 et 1570. Elle se vulgarisa, se compléta et s'étendit par les œuvres de graveurs, pour la plupart étrangers, tels que Fantuzzi, Fontana, Luca Penni, Agostino Veneziano, Giulio Bonasone, Dominique Florentin et le maître au monogramme L. D. Ils ont reproduit des parties de la décoration de Fontainebleau, des dessins ou peintures de Rosso, de Primatice, de Jules Romain, du Parmesan, ou gravé leurs propres œuvres, mais dans le style de ces maîtres. A vrai dire, on n'a affaire avec ces artistes qu'à une sous-école, qui présente les défauts habituels aux imitateurs. L'individualité de chacun y est fort peu marquée ; ils se fondent presque tous dans les deux chefs qu'ils suivaient. C'est donc Rosso et Primatice qu'il faut juger, pour juger l'École de Fontainebleau, en notant pourtant que tous deux n'étaient déjà que des disciples. Chez eux, rien de grand par l'élévation des idées, la perfection de la forme, la vision de la couleur, l'observation scrupuleuse de la nature. Tout y est superficiel et monotone et y sent la hâte ou l'improvisation. Mais, si l'imagination y est quelquefois banale, elle est toujours vive ; le dessin est extraordinairement facile et juste — plutôt que correct. — Il y a dans leur peinture l'instinct de la forme et de l'attitude, une élégance séduisante, une habileté prestigieuse à couvrir sans confusion de grandes surfaces, à user de tous les éléments d'ornementation. Dans la planche gravée du plus petit format comme dans l'énormité de la galerie d'Ulysse, leur art est supérieurement décoratif. De là son immense succès auprès d'une aristocratie, qui aimait le brillant et qui ne pensait pas beaucoup ni profondément. Aussi le style de l'École de Fontainebleau se répandit dans la plupart des châteaux, qui se couvrirent de nudités mythologiques ou de batailles gréco-romaines : à Ancy-le-Franc, les Arts libéraux, les Muses ; à Oiron une Énéide. Tout noble voulut avoir sa galerie. Puis, ce style se ramifia dans les arts somptuaires : émaillerie, orfèvrerie, meuble. Il fournit les types de ce nu aux formes boursouflées ou coulantes, toujours conventionnelles ; de cette ornementation en grotesques, qui se multiplie dès les dernières années de François Ier, mais surtout dans la seconde moitié du siècle. Les recueils des gravures de Du Cerceau[49] en font très bien sentir le caractère et contribuèrent certainement à le répandre. Quand on a parcouru ce cycle de trente années, où tant de choses furent essayées, abandonnées, combattues, admirées, et où il semble qu'il y ait tant de contradictions entre les faits et les théories, on emporte cependant de l'étude de la littérature, de la pédagogie et de l'art une impression assez nette. A une condition cependant : distinguer dans la pensée du temps ce qu'elle a réalisé avant 1547 et ce qu'elle fait prévoir. Dans l'œuvre réalisée, tout se juxtapose ou se mêle : génie français, génie du moyen-âge, génie italien, génie de l'antiquité ; le Nord et le Midi : Marot, Rabelais, Budé, Érasme, Primatice, Cellini ; Chambord et la Galerie de Fontainebleau, Saint-Merry et Saint-Eustache, la statue de Roberte Legendre et les fontes des Antiques, œuvres pour la plupart exquises, un peu plus savantes que celles de la génération de Louis XII, mais restées jeunes, vivantes, où tout se recouvre de la grâce ou de la fantaisie d'une imagination très fraiche. Mais dans la doctrine se révèle déjà l'action de la raison de plus en plus abstraite et l'imitation des modèles érigée en règle. Une nouvelle forme de pensée s'annonce, très prochaine, où la tradition du moyen-âge et même l'esprit du temps de François Pt disparaîtra définitivement devant le pur classicisme[50]. |
[1] André Michel, Histoire de l'art, t. IV, 1. C'est surtout pour l'histoire de l'art au XVIe siècle que la bibliographie est énorme, fragmentaire et disséminée. La production courante est indiquée très complètement dans le Répertoire méthodique d'histoire moderne et contemporaine, publié par MM. Brière et Caron, depuis 1899. On peut aussi consulter la table des articles de la Gazette des Beaux-Arts, 1911, et les répertoires d'ouvrages nouveaux que donne la même Gazette, à la fin de chaque semestre ; la table des Archives de l'art français ; la table des Mémoires lus dans les Réunions des sociétés des Beaux-Arts des départements. La bibliographie donnée dans le Michel Colombe de Vitry reste utile pour le temps de François Ier, au moins comme indication des ouvrages généraux. Il y a aussi une bibliographie générale dans Dimier, Le Primatice. L'ouvrage de Kœchlin et Marquet de Vasselot, La Sculpture à Troyes, donne un bon modèle de bibliographie pour une histoire d'art provincial.
SOURCES. Pour les textes. L. de Laborde, La Renaissance des arts à la Cour de France, 2 vol., 1850-1855, Comptes des bâtiments du Roi de 1518 à 1571, 2 vol., 1877-1880. Pour les œuvres, voir l'Inventaire général des richesses d'art de la France, 18 vol. parus de 1877 à 1902 les catalogues des Musées, Bouchot. Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale 1895. Nous indiquerons aux paragraphes 2, 3 et 4, les sources et les ouvrages spéciaux pour l'architecture, la peinture, la sculpture, etc.
[2] Philibert de l'Orme fut cependant pourvu d'abbayes.
[3] Palustre a employé cette méthode, et l'a compromise quelquefois par des affirmations exagérées ou hâtives : elle vaut un peu mieux que ce qu'on en dit actuellement.
[4] L'histoire de la construction de l'Hôtel de Ville et des discussions soulevées autour du nom de Boccador doit inspirer quelque prudence en ces matières.
[5] L'anecdote qui montre François Ier venant assister aux derniers moments de Léonard de Vinci est absolument controuvée.
[6] On verra, plus loin, que le séjour de Cellini n'est qu'un épisode secondaire dans l'histoire de l'art français.
[7] La Belle Jardinière, la Sainte-Famille, le Saint-Michel terrassant le Démon, aujourd'hui au Louvre.
[8] Nous en parlerons dans le prochain volume.
[9] SOURCES. Les photographies de la Commission des monuments historiques, dont le catalogue e été publié en 1884, sous le titre de Archives de la commission des monuments historiques. Une nouvelle édition en a été faite par M. J. Roussel, 1904 (le titre complet est : Catalogue des clichés des archives de la commission des monuments historiques). Les Archives de la Commission des monuments historiques, publiées par MM. de Baudot et Pérault-Dabot (Relevés d'architectes, dont un certain nombre sont consacrés à des monuments de la Renaissance), 1898-1932. J. A. Du Cerceau, Les plus excellents bastiments de France, 2 vol., 1576-1579 (une reproduction en fac-similé en a été faite en 1873). Très nombreux recueils de vues de monuments, avec ou sans texte, qu'il est impossible d'énumérer ici. Nous indiquons à titre de spécimens : La Normandie monumentale et pittoresque, 5 vol., 1894. Robuchon, Paysages et monuments du Poitou, 1886-1890. F. Thiollier, Le Forez artistique et monumental, 2 Vol., 1889.
OUVRAGES. Palustre, L'architecture de la Renaissance, 1892. La Renaissance en France, 8 vol. seulement parus de 1879 à 1885 (Provinces du Nord et de l'Ouest). Lance, Dictionnaire des architectes de l'École française, 2 vol., 1872. Charvet, L'architecture au point de vue théorique et pratique pendant les XVIe, XVIIe et XVIIe siècles en France (Réunions des sociétés des Beaux-Arts, 1898). De Geymüller, Geschichte der Baukunst der Renaissance in Frankhreich, 2 vol., 1896-1899. Choisy, Histoire de l'architecture, t. II, 1900.
[10] Les historiens récents de l'architecture sont presque tous d'accord pour reconnaître que l'architecture du moyen-âge est Infiniment plus logique et plus méthodique dans tout ce qui regarde la construction que celle de la Renaissance, qui sacrifie trop à l'élégance des formes externes et au souci de la décoration. Voir Enlart, Manuel d'archéologie française, 1902, p. 687.
[11] Nous insistons encore sur cette idée que l'architecture civile en France est une création du XVe siècle.
[12] A Fontainebleau, par exemple.
[13] Il y a de charmantes maisons de ce genre dans la plupart des villes, notamment dans la vallée de la Loire moyenne, à Orléans, à Beaugency, à Blois, etc.
[14] Jarry, Documents nouveaux sur la construction de Chambord, Réunions des Sociétés des Beaux-arts des départements, 1888. Sur les châteaux de la Loire, voir De Croy, Documents nouveaux pour l'histoire de la création des résidences royales des bords de la Loire, 1894.
[15] L. de Laborde, Le château du bois de Boulogne, dit château de Madrid, 1855. Cavallucci et Ém. Monnier, Les Della Robbia, 1884.
[16] Sur l'histoire architecturale de Paris au XVIe siècle, on trouvera des renseignements dans : G. Corrozet, La fleur des antiquitez, singiclaritez de la ville et cité de Paris, 1re édit., 1532 ; 2e (augmentée et mise au courant), 1550 ; Sauval, Recherches des antiquités de la Ville de Paris, 3 vol., 1724 ; Lebeuf, Histoire ecclésiastique de la Ville et du diocèse de Paris, édit. Cocheris, 4 vol., 1863-1870, et Rectifications et additions à l'Histoire du diocèse de Paris, par Bournon, 1890 ; Raunié, Epitaphier du Vieux Paris, 8 vol. seulement parus, 1890-1901.
[17] Voir Registre des délibérations du bureau de la ville de Paris, t. II. Sur la question d'attribution à Boccador, Bournon, Gazette archéologique, 1888 (Chronique, p. 17). Bernard Prost, Le véritable architecte de l'ancien Hôtel de Ville de Paris, Gaz. des Beaux-Arts, 1892. Stein, Bulletin de la Soc. de l'hist. de Paris, 1904 ; L. Dimier, Chronique des arts, 1904 ; Gustave Clausse, L'Hôtel de Ville de Paris, ses origines, 1905, se prononcent pour l'affirmative, et tous les documents confirment cette thèse. Contra, Marius Vachon, Mémoires au Conseil municipal, 1903 et 1904 ; L'Hôtel de Ville de Paris, nouv. édit., 1905 ; Une famille d'architectes français maistres-maçons, [1910].
[18] Tous les auteurs qui, depuis le XVIe siècle, ont écrit sur l'histoire de Paris, la résument, ou peu s'en faut, dans celle des églises.
[19] A Saint-Gervais : Guillaume Chappeau, maçon, architecte, et Claude de Villiers, sa première femme (1544), Pierre Cambiches, maistre des œuvres de maçonnerie et pavement de la ville de Paris (1544). A Saint-Nicolas-des-Champs, Barthélemy Beaulieu, maitre maçon et bourgeois de Paris (1572), etc.
[20] Gilles Corrozet, dans son édition de 1532, dit : Furent aussi commencées à restaurer ou à réédifier de neuf les églises Saint-Victor, Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Barthélemy, Sainte-Croix en la drapperie, la Magdelaine, Saint-Merry, Saint-Gervais, Saint-Eustache, Saint-Jacques-la-Boucherie, en partie, avec son beau clocher, Saint-André-des-Arts, en partie, Saint-Jeun-en-Grève, Saint-Germain-Auxerrois, en partie, Saint-Germain-le-Vieil-Nanterre.
[21] L. Regnier, La Renaissance dans le Vexin et dans une partie du Parisis, 1886. Lefèvre-Pontalis, Monographie de l'église Saint-Maclou de Pontoise, 1880.
[22] H. Escoffier, Les dernières églises gothiques au diocèse de Paris. Positions des thèses de l'École des Chartes, 1900. Le Chartier, La paroisse Saint-Gervais depuis ses origines jusqu'au XVIe siècle. Pos. des thèses, etc., 1900.
[23] Un acte de 1551 constate encore qu'il est besoing de continuer le nouveau bastiment et eddification de la dite église, lequel a esté par quelque temps ja délaissié, parce que la dite église n'avait denier pour y pourveoir,... lequel ne sçaurait astre parfaict pour 40 ou 50.000 livres au moins. D'autre part, la chapelle de la Vierge, œuvre des frères Jacquet, est datée d'entre 1517 et 1530.
[24] L'Église Saint-Eustache e été étudiée par Palustre dans la Renaissance française et par Lefèvre-Pontalis dans l'ouvrage cité plus haut.
[25] André Michel, Hist. de l'art, t. IV, II. St. Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'École française, du moyen-âge au règne de Louis XIV, 1898. Courajod, Alexandre Lenoir, son journal et le musée des monuments français, t. II et III, 1886, 1887. Courajod, La Polychromie dans la statuaire du moyen-âge et de la Renaissance, 1888. P. Vitry, Kœchlin et Marquet de Vasselot, ouvrages cités ci-dessus.
[26] Il est dans l'église de Saint-Denis.
[27] François Ier employa aussi Rustici, qui était occupé en 1581 à faire une grande statue équestre du Roi (le cheval fut terminé et fondu en bronze) ; mais nous n'avons sur ce point que quelques renseignements écrits. On en sait plus sur Matteo dal Nassaro : homme à tout faire, il vendait des tableaux, il travailla aux décorations pour l'entrée de la reine Éléonore, il excellait dans l'art des médailles. François Ier le nomma maître de ses monnaies et lui donna un atelier. De la Tour, Malleo dal Nassaro, Revue de numismatique, 1898.
[28] Eng. Plon, Benvenuto Cellini, 1888 (Bibliographie). Em. Monnier, Benvenuto Cellini, 1894.
[29] Au Louvre. L. de Grandmaison, Les auteurs du tombeau des Poncher, Réun. des soc. des Beaux-Arts, 1897.
[30] Des qualités du même genre et où se conservent les traditions de la statuaire française se rencontrent dans les tombeaux des Bastarnai à Montrésor (voir Abbé Bossebœut, Le tombeau des Bastarnay, Réun. des Beaux-arts, 1897), et bien mieux encore dans le groupe charmant et tout familier de la Visitation, à Troyes (vers 1520, d'après Kœchlin et Marquet de Vasselot, p. 140).
[31] A. Deville, Tombeaux de la cathédrale de Rouen, 3e éd., revue par F. Bouquet, 1881. Il reste encore bien du mystère à propos de ce tombeau, et surtout des figures principales, dont l'une au moins, celle du second cardinal, est postérieure en partie à l'époque que nous étudions. Voir de Vesly, P. des Aubeaux, Réun. des Beaux-Arts, 1901. Très probablement des Italiens collaborèrent à la partie décorative du monument.
[32] De Mély, François Marchand et le tombeau de François Ier, Réun. des soc. des Beaux-Arts, 1887.
[33] Voyez Kœchlin et Marquet de Vasselot, ouvrage cité, p. 236-255.
[34] Deville, Les tombeaux de la cathédrale de Rouen.
[35] Au Louvre.
[36] Gonse, La sculpture française ; voir aussi Courajod, Alexandre Lenoir, son journal, etc., p. 188-187 et Roy, sur les deux Jean Cousin, Acad. des inscript., janv. 1909.
[37] Un certain nombre de portraits se trouvent eu Musée du Louvre — où ils sont trop peu nombreux — et aux Musées de Versailles et de Chantilly. Il n'y a pas encore une bonne histoire de la peinture française au XVIe siècle. On peut consulter ; Dimier, Le Primatice peintre, sculpteur et architecte des rois de France, 1900 (mais il y a des réserves graves à faire quant aux conclusions générales sur l'art français) ; Bouchot, Les Clouet et Corneille de Lyon, 1892 ; Bouchot, Les portraits aux crayons des XVIe et XVIIe siècles conservés à la Bibliothèque nationale (1525-1646), 1884. De Champeaux, Histoire de la peinture décorative, 1890.
[38] On donne le nom de crayons à des dessins exécutés en effet au crayon, mais relevés presque toujours de couleurs. Quelques-uns ne sont que des ébauches rapides, d'autres sont d'une exécution très poussée. Les plus beaux se trouvent à Chantilly et au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale.
[39] Cet art fut d'une extraordinaire fécondité ; on le retrouve jusque dans les églises des petits villages. Nous en reparlerons, ainsi que de l'émail, de la céramique, etc., et nous indiquerons à ce moment la bibliographie pour les différents arts décoratifs.
[40] On le leur a quelquefois reproché, à tort suivant nous.
[41] A. W. Ambros, Geschichte der Musik, 3e édit., t. III, 1891. Riemann, Dictionnaire de la musique (Trad. française), 1900. Henry Expert, Les maîtres musiciens de la Renaissance française (reproduction de leurs œuvres), 1894-1900.
L'évolution musicale n'est pas tout à fait synchronique à l'évolution littéraire et artistique ; elle ne se produit véritablement que dans la seconde moitié du siècle. C'est à cette date seulement que nous étudierons plus amplement la musique. Nous ne faisons ici que citer quelques particularités de son histoire sous François Ier.
[42] Bernhard, Recherches sur l'histoire de la corporation des ménétriers ou joueurs d'instruments de la Ville de Paris, Bibl. de l'École des Chartes, t. III, 1841.
[43] Voir Henry Expert, Fascicule 7.
[44] Pour Fontainebleau, voir avant tout L. Dimier, Le Primatice, peintre, sculpteur et architecte des rois de France (il donne la bibliographie de tous les travaux antérieurs), 1900.
[45] Les noms de quelques anciens propriétaires sont encore conservés dans certains quartiers de la forêt actuelle.
[46] Dans les parties conservées, car Fontainebleau a été profondément modifié depuis le XVIe siècle.
[47] Le P. Dan, Trésor des merveilles de Fontainebleau, 1642.
[48] Encore ces deux artistes ne peuvent-ils être jugés que très approximativement à Fontainebleau. En effet, les différentes pièces qu'ils avaient décorées étaient entièrement délabrées au début de ce siècle, les stucs mutilés, les peintures à demi effacées. Les travaux de restauration entrepris sous Louis-Philippe ont été presque toujours des travaux de réfection ; certains tableaux ont été repeints en entier d'après d'anciennes gravures. Il n'y a donc plus rien de la main, rien des mérites techniques des auteurs primitifs. Du moins peut-on voir comment ils composaient, et l'esprit de leur art.
La galerie d'Ulysse, où Primatice avait représenté des sujets tirés de l'Odyssée, a été détruite lorsque, sous Louis XV, on démolit toute l'aile du château au sud de la cour du Cheval-Blanc. Les peintures de la galerie avaient été gravées au XVIIe siècle par un élève de Rubens, Van Thulden.
[49] Du Cerceau a gravé des recueils de modèles de portes, de cheminées, de meubles, de bijoux, etc.
[50] C'est à cette période nouvelle qu'appartiennent en réalité non seulement Ronsard, mais Jean Goujon, Lescot, etc., dont nous parlerons dans le prochain volume.