HISTOIRE DE FRANCE

TOME CINQUIÈME — LES GUERRES D'ITALIE - LA FRANCE SOUS CHARLES VIII, LOUIS XII ET FRANÇOIS Ier (1492-1547).

LIVRE PREMIER. — LES GUERRES D'ITALIE (1492-1518).

CHAPITRE II. — LES AFFAIRES DE MILAN ET DE NAPLES ET LA POLITIQUE DE MARIAGES[1].

 

 

I. — LOUIS XII, ANNE, GEORGES D'AMBOISE.

CHARLES VIII ne laissait pas d'enfant. Louis d'Orléans, son plus proche héritier, lui succéda sans difficulté ; il fit faire en quelques heures — à ses frais, disent ses panégyristes — les obsèques de son prédécesseur, et un nouveau gouvernement fut établi.

Louis XII est un de ces rois qu'on se représente vieux. Il le devint assez vite après son arrivée au pouvoir. Mais il avait commencé par avoir une jeunesse, et même assez orageuse. On a besoin de le savoir pour comprendre certaines choses de son règne, qui contrastent avec sa réputation proverbiale de sagesse à la Nestor.  En 1498, il atteignait sa trente-sixième année. Le portrait que nous donnent de lui quelques peintures officielles ou des miniatures assez nombreuses correspond bien à cette description d'un auteur contemporain : La tête est petite, pointue, le front étroit, les yeux gros et saillants, la figure maigre, les narines larges et relevées, les lèvres épaisses, le menton aigu, le cou mince et court, les épaules étroites, les mains et les bras menus et longs, la glotte saillante, la taille resserrée, la poitrine sans développement. Le roi est plutôt petit que grand. Nous avons ainsi l'idée d'une organisation assez chétive, que les années de jeunesse avaient sans doute surmenée et que les années de pouvoir allaient affaiblir. Louis XII était souvent malade et supportait mal ses maladies, qui devinrent une des préoccupations et un des moyens d'action de la diplomatie. Les envoyés étrangers parlent à chaque instant de la santé du Roi dans leurs lettres. Le moindre accident est de conséquence, dit un ambassadeur, dans un corps si mal constitué. Son tempérament affaibli va sans cesse en déclinant.

Il avait certaines qualités morales : de la modération, de l'humanité, excepté dans la guerre, où il se montrait dur jusqu'à la cruauté. S'il ne prononça pas le mot célèbre : Le roi de France ne venge pas les injures du duc d'Orléans, il en appliqua du moins l'esprit. Il avait le souci du bien public, peut-être la préoccupation du sort des humbles. Sa vie privée, dans son second mariage avec Anne de Bretagne, fut simple, familiale, digne. Son intelligence, supérieure à celle de Charles VIII, ne dépassait cependant pas la moyenne, et une déplorable faiblesse de caractère la faussa. Il fut toujours dominé, dans sa jeunesse par des confidents obscurs, dans son âge mûr par sa femme ou par son ami Georges d'Amboise. Pourtant il était fort entêté dans ses projets. Il eut ainsi quelques succès, lorsque les questions furent simples ou lorsqu'il ne trouva en face de lui que des ennemis faibles, parce qu'il ne se laissait distraire par rien du but qu'il se proposait. Mais aussi, sa conception et ses desseins une fois fixés, il ne sut jamais les varier ni se conformer aux circonstances, quand elles se modifiaient autour de lui. H demeura jusqu'au bout l'homme de qui l'on disait, en 1498 : La question du Milanais absorbe son esprit.

Georges d'Amboise, plus connu sous le nom de cardinal d'Amboise, arrivait au pouvoir avec le nouveau Roi, dont il avait été l'ami, le confident, le serviteur. Il s'était effacé pendant les dernières années de Charles VIII, mais non sans surveiller la fortune de Louis, dont il ne séparait pas la sienne. En 1498, il avait 38 ans et il était déjà pourvu de l'archevêché de Rouen, un des plus beaux et des plus importants de France. Ce personnage reste encore aujourd'hui plus célèbre que connu. On devine, on sait même qu'il a joué, pendant le règne de Louis XII, un rôle très considérable, mais en quoi ce rôle a-t-il consisté ? Faut-il voir en lui un premier ministre sans le titre ? Ou bien ne doit-on le considérer que comme un conseiller très écouté ?

Dès 1498, on le trouve cité par tous les ambassadeurs comme un des personnages influents, et il est mêlé à toutes les grandes ou petites affaires. Mais on ne le voit pas seul ; à côté de lui figurent des hommes comme le duc de Nemours, Ligny, Stuart d'Aubigny, le chancelier de Rochefort ; Nemours, en particulier, se maintint en grande faveur jusqu'en 1503. On disait que l'archevêque de Rouen et l'illustrissime duc de Nemours étaient les principaux directeurs de toute entreprise du Roi. On eut aussi à compter avec le maréchal de Gié, jusqu'à sa dramatique disgrâce en 1504.

Pourtant Amboise parait bien avoir été toujours l'homme selon le cœur du Roi. Il s'introduisit dans son intimité jusqu'à s'entremettre parfois dans les brouilles du ménage royal, à ramener la Reine Anne, qui avait l'humeur vive, à calmer son mari, qui l'avait assez rancunière. Cette situation de tiers entre les deux époux, si elle exigeait beaucoup de dextérité, n'allait pas sans quelques avantages : elle le rendait indispensable, s'il réussissait à ne pas se rendre fâcheux.

De plus, sa puissance, comme il arrive toujours, grandit par sa puissance même. En 1498, il reçut le chapeau de cardinal, plus tard le titre de Légat en France. Puis aussi sa famille nombreuse se serra autour de lui et, par les charges qu'il lui fit obtenir, il se créa de nouveaux instruments d'action ou des alliances. Il se fit de son neveu Chaumont d'Amboise une sorte de collaborateur militaire. Il tint l'Église par ses frères Louis, évêque d'Albi, Pierre, évêque de Poitiers, Jacques, évêque de Clermont, abbé de Cluny. Le Loyal Serviteur constate qu'il avoit fait avoir de grans biens à tous ceux de sa maison, tant en l'Église que autrement. Il ajoute que lui-même ne voulut avoir que ung bénéfice. Georges d'Amboise garda toute la faveur du Roi jusqu'à sa mort, en 1510.

A peine arrivé au trône, Louis XII s'attacha à réaliser deux projets qui le hantaient depuis longtemps : rompre son mariage avec Jeanne de France pour épouser Anne de Bretagne, et conquérir le Milanais ; on ne sait lequel il avait le plus à cœur.

La malheureuse Reine, fille de Louis XI, avait toutes les vertus, et l'Église l'a béatifiée — mais elle était d'une laideur sans pareille, à en juger par le masque moulé sur son visage au moment de sa mort. Louis l'avait épousée malgré lui, en 1476, alors que la maison d'Orléans était entièrement soumise aux volontés de Louis XI. L'instance de divorce, ou, pour mieux dire, d'annulation, fut entamée en août 1498, devant des juges d'Église et deux délégués du Pape[2].

Quatre chefs de nullité étaient invoqués : 1° Jeanne de France et Louis se trouvaient parents à un degré prohibé ; 2° Louis XI avait servi de parrain à Louis, ce qui, dans le droit canonique, était assimilé à la paternité naturelle ; 3° le mariage avait été contracté par la violence ; 4° il n'avait jamais été consommé. Les deux premiers moyens n'avaient pas de valeur, parce que l'Église composait facilement sur ces points, le troisième non plus, puisqu'il avait été annulé par la non protestation du duc, à la mort de Louis XI. Restait le quatrième, et l'on juge combien il était gros de scandales, au milieu du scandale même de ce procès, qui mettait en cause la mémoire d'un roi et la dignité de toute la famille royale. L'information se poursuivit avec une régularité extérieure de procédure, qui est bien un trait de l'époque et qui ajoute encore à l'hypocrisie de l'acte. Car personne ne s'y trompait : la cause eût été perdue pour le Roi, si elle n'avait été entendue d'avance. Dans ce fatras immense d'enquêtes, contre-enquêtes, interrogatoires, réponses, qui remplit un énorme volume, la Reine seule montra du respect de soi-même. On la soumit à toutes sortes de questions, véritables tortures morales ; elle y répondit avec une simplicité et un sang-froid admirables. On lui disait qu'elle était laide, elle avouait modestement : Qu'elle sait bien qu'elle n'est pas aussi belle ni aussi bien faite que beaucoup d'autres femmes. Aux questions scabreuses sur ses relations avec son mari, sur la stérilité qu'on lui imputait, elle répondit avec la même honnête sincérité[3].

Quand on lui proposa de se soumettre à un examen médical, elle se déclara prête à faire ce qu'elle était tenue de faire suivant l'ordonnance de l'Église. Pourquoi finit-elle par déclarer qu'elle s'en remettait sur tous les points au serment du Roi ? Espérait-elle qu'il n'oserait se parjurer ? Était-elle lasse des vilenies où elle se débattait ? Louis XII aurait bien voulu éviter cette extrémité. Mais le Pape, de qui dépendait l'annulation du mariage, traînait les choses en longueur et réservait sa décision. Le Roi se décida à prêter, le 5 décembre, le serment qui entraînait la nullité du mariage, et qui ne comprenait pas moins de 55 articles ; certaines affirmations lui font jouer un rôle assez misérable.

Longtemps dura le souvenir de la pauvre reine Jeanne, et le sentiment qu'une iniquité avait été commise. Le Loyal Serviteur écrivait vingt-cinq ans après : Le Pape délégua juges qui firent et parfirent le procès et enfin adjugèrent qu'elle n'estoit pas sa femme... Si ce fut bien ou mal fait, Dieu est tout seul qui le congnoist. On démêle bien qu'il soupçonnait que Dieu savait à quoi s'en tenir.

Dans cette affaire du divorce, le Pape, tout en jouant comme toujours un jeu assez équivoque, avait cependant prêté au Roi ses bons offices. C'est qu'en effet il avait grand besoin de Louis XII. Il était préoccupé de marier sa fille Lucrèce et son fils César ; il ne se sentait pas encore très fortement établi, même à Rome. Aussi s'était-il empressé d'envoyer en France une ambassade, pour féliciter Louis XII à son avènement et, après quelques hésitations, vers le mois d'août, un accord de vues s'était fait entre la France et le Saint-Siège. Le courtier des engagements pris était le cardinal Julien de la Rovère, ancien ennemi des Borgia, réconcilié avec eux.

En octobre 1498, César venait en France, où il fut reçu avec toutes sortes d'honneurs. Son entrée à Chinon, le 21 décembre, dépassa la magnificence des entrées d'empereurs à Rome. Il apportait la promesse du Pape de faciliter le mariage du Roi avec Anne de Bretagne et, par surcroît, le chapeau de cardinal pour Georges d'Amboise. En récompense, on lui accordait le Valentinois, érigé en duché, le commandement d'une compagnie, la constitution d'une rente et surtout une promesse d'appui pour le marier. Cette dernière clause n'alla pas sans difficultés. Il fallut l'intervention de Georges d'Amboise et même d'Anne de Bretagne, pour qu'Alain d'Albret, personnage médiocrement scrupuleux cependant, consentit à donner sa fille Charlotte à ce très honnête et bon personnage, sage et discret. Telle était la caution fournie par la Reine.

Le Roi n'avait pas attendu les résultats de l'instance de divorce pour préparer son second mariage. Anne de Bretagne, par finesse ou par scrupule (car elle mêla très singulièrement dans toute sa vie ces deux traits de caractère), avait paru d'abord fort rebelle. Toutes les dispenses, disait-elle, ne feraient jamais d'elle que la concubine du Roi. Dès le 19 août, ses dispositions avaient assez changé pour qu'elle obtint de Louis XII un engagement solennel de l'épouser dans le délai d'un an, ou de lui rendre Nantes et Fougères, ce qui mettait Louis XII à sa merci. Puis elle était retournée en. Bretagne et y avait repris le gouvernement.

Lorsque les commissaires pontificaux eurent prononcé, le 17 décembre, la dissolution du premier mariage, rien ne s'opposa plus au second. Les conditions, qui avaient été arrêtées d'avance, furent insérées dans le contrat de janvier 1499. Le duché de Bretagne demeurait indépendant ; la future reine en conserverait l'administration, telle que sous les anciens ducs. Les libertés publiques étaient sauvegardées dans le duché, les États conservés ; la noblesse ne servirait hors des limites du pays qu'en cas d'absolue nécessité. Bien plus, la Bretagne ne devait passer qu'au second fils qui naîtrait du mariage ou, s'il n'y avait qu'un fils, au second des petits-fils. En cas de survie, le Roi prendrait l'administration du duché, mais à charge de réserver les droits de l'héritier légitime. Anne entendait donc bien rester duchesse de Bretagne et préserver le duché d'une réunion au royaume.

Dans son second mariage, Anne trouva plus de bonheur et eut beaucoup plus d'influence que dans le premier. Le couple royal demeura jusqu'au bout assez uni. Sans en croire entièrement Seyssel, qui déclare qu'il n'est autres gens qui sceussent faire si bonne chière l'un à l'autre qu'ils s'entrefont et font toujours, quand ils sont ensemble, il est certain qu'ils vécurent dans une véritable intimité, malgré des brouilles qui mettent dans cette histoire d'un ménage royal une note familière assez piquante. Louis XII aima sa chère Bretonne en excellent mari. Anne l'aima-t-elle ? Tout au plus, sans doute, avec la somme d'affection que pouvaient donner son cœur très positif et son esprit très pratique. A plusieurs reprises, quand il fut gravement malade, elle garda une extraordinaire tranquillité d'esprit. Mais elle sut fort bien établir son empire sur lui et l'accroître ; elle s'en servit pour assurer de mieux en mieux l'indépendance de la Bretagne, à laquelle jusqu'au bout elle s'attacha avec un acharnement jaloux. Toute la vie de Louis XII fut troublée par ce souci, il n'y échappa que par la mort de sa femme. Au reste, Anne était âpre, vindicative, égoïste. Le procès qu'elle poursuivit contre le maréchal de Gié le montrera. Il fallut à Georges d'Amboise toute sa souplesse et son habitude des intrigues pour se maintenir à côté d'elle. Ni comme femme, ni comme reine, cette excellente Bretonne et mauvaise Française ne mérite les éloges qu'on a répétés sur son compte.

 

II. — CONQUÊTE DE MILAN[4].

DÈS son avènement, Louis XII avait pris le titre de duc de Milan en même temps que de roi de France, et il affectait, dit-on, de n'appeler Ludovic Sforza que Monsieur Ludovic. Pourtant ses droits n'étaient rien moins que certains. Il les fondait sur le mariage de son grand-père, Louis d'Orléans, avec Valentine, fille de Jean Galéas I Visconti, duc de Milan. Mais le Milanais était un fief impérial, et les différentes investitures concédées par les empereurs au XIVe siècle avaient tantôt admis, tantôt exclu les filles de la succession. En outre, au XIVe et au XVe siècle, la situation avait été à plusieurs reprises modifiée par des contrats de mariage ou des testaments. De la sorte, bien des prétendants pouvaient se présenter avec des apparences de droits, et Ludovic semblait aussi qualifié, comme représentant des Sforza, que Louis XII comme héritier des Visconti.

D'ailleurs, avant de songer à la conquête de Milan, il était nécessaire de régler les affaires continentales et de prendre des précautions contre une intervention possible.

En juillet 1498, fut renouvelé le traité d'Étaples avec l'Angleterre : la France entretenait des relations avec Jacques IV d'Écosse, qui obligeaient Henri VII à la circonspection. Le 31 du même mois, Louis XII et les souverains d'Espagne signaient un nouvel accord. On n'eut pas tout d'abord même succès avec Maximilien ; il avait toutes sortes de liaisons avec Ludovic Sforza, que menaçait Louis XII. Mais une invasion tentée par lui en Bourgogne ne réussit pas et, toujours homme de projets plus que d'exécution, il consentit une trêve, ce qui ne l'empêchait pas de rester tout prêt à la lutte et inquiétant pour la France.

En revanche, le gouvernement de Louis XII avait réussi à détacher de Maximilien son propre fils, l'archiduc Philippe le Beau, qui prêta hommage solennel au Roi pour la Flandre, l'Artois et le Charolais. Le chancelier de France se rendit à Arras (juillet 1499), accompagné du chauffecire, qui portoit le scel, costoyé de deux roys d'armes. Monseigneur l'Archiduc, teste nue, se présenta à mondit sieur le Chancelier pour faire son dit hommage. Après qu'il eust montré apparence de soy vouloir mettre à genoux, ce que mondit sieur le Chancelier ne voulut souffrir, celui-ci ajouta : Vous devenez homme du Roy, votre souverain seigneur, et lui faites foy et hommaige lige, luy promettez de le servir, jusques à la mort inclusivement, envers et contre tous ceux qui peuvent vivre et mourir, sans nulles réserves. On voit combien il subsistait de féodalité, au moins dans les formes extérieures, même entre princes souverains.

Avant tout, Louis XII se préoccupa de s'assurer les cantons helvétiques.

Les Suisses venaient de s'ériger, au XVe siècle, en une force militaire de premier ordre. Ils avaient étonné et presque déconcerté l'Europe, en abattant la formidable puissance de Charles le Téméraire[5]. La Confédération, formée en 1353 par l'union des huit cantons primitifs, s'augmenta de Fribourg et Soleure en 1481. Bâle et Schaffouse allaient s'y adjoindre en 1501, Appenzell en 1513 ; elle fut, à partir de ce moment, constituée telle qu'elle resta jusqu'à la révolution française. Elle s'étendait déjà au sud des Alpes, par la conquête d'Airolo, Giornico, Faido ; elle allait s'emparer de Bisses et de Bellinzona. Mais la masse helvétique se composait surtout de pays au nord des Alpes glaronnaises et bernoises ; si elle n'était plus impériale, elle restait encore foncièrement germanique.

La constitution intérieure présentait toutes sortes de complications. Même avant la grande crise de la Réforme, il y avait des conflits entre Lucerne et Berne, Zurich et Uri. Or, l'assemblée générale, bien que formée des représentants des cantons, ne pouvait imposer ses décisions, chaque canton gardant sa souveraineté. Ces divergences embarrassaient parfois la politique helvétique, mais la servaient aussi : elles lui permettaient de ne jamais s'engager à fond.

La Confédération allait pendant près de trente ans avoir son rôle, et très grand, dans la politique européenne. La lutté contre Charles de Bourgogne avait développé chez les Suisses l'esprit militaire, puis laissé, après la victoire, une classe d'hommes inoccupés et pleins de convoitises, nouvelles en ce pays. La Suisse se transformait. Chez elle aussi se répandait le condottiérisme ; un condottiérisme brutal, se satisfaisant dans l'étalage de la force ou dans l'assouvissement d'appétits vulgaires : condottiérisme de soldats plutôt que de chefs.

C'était une grande force à dépenser. Les passages du Saint-Gothard lui ouvraient accès vers l'Italie, qui attirait les montagnards par la fascination qu'elle a toujours exercée sur les hommes du Nord ; le voisinage de l'Allemagne, les prétentions subsistantes de l'Empire ou de l'Autriche pouvaient la mettre en opposition avec les souverains germaniques ; enfin l'extension vers le Jura, en rapprochant les Suisses de la frontière française, attirait leurs ambitions de ce côté.

Ils furent pour l'Allemagne des voisins incommodes, jusqu'au jour où Maximilien reconnut leur indépendance de fait par le traité de Bâle (1499). La Confédération se borna dès lors à laisser les gens des cantons s'engager pour ou contre l'Empereur, au gré de leurs intérêts ou de leurs passions, mais il resta toujours entre les deux pays, pendant le XVIe siècle, une sorte de communauté de tempérament, que la Réforme contribua à resserrer.

Avec la France les relations furent agitées. Les rois de France ne cessèrent pas de négocier avec les cantons et ils leur demandèrent des soldats. Les difficultés vinrent des exigences réciproques des deux pays, quelquefois aussi des convoitises qui s'éveillèrent chez les Suisses sur la Bourgogne. Avant tout, leur politique italienne détermina leur conduite à notre égard. Comme ils dirigèrent vers certaines parties du Milanais des ambitions très ardentes et tenaces, ils se trouvèrent en opposition avec la France, et Louis XII, à la fin de son règne, comme François Ier, au commencement du sien, les eut pour adversaires.

Cependant ils s'entendirent d'abord avec Louis XII, et ses ambassadeurs obtinrent, le 16 mars 1499, un traité qui l'autorisait à lever des troupes dans le pays.

Au nord de l'Europe, les États Scandinaves se débattaient encore-au milieu des conséquences de l'Union de Calmar, conclue à la fin du vive siècle, et qui avait réalisé l'union du Danemark, de la Suède et de la Norvège. Le Danemark, gouverné par Jean Ier (1481-1513, en Danemark, 1497-1502, en Suède et Norvège), se trouvait en contact plus étroit avec l'Allemagne et il avait à redouter l'intervention de l'Empire dans ses affaires. Il était naturel, dès lors, que la France, pour surveiller et pour contenir les forces germaniques, jetât les yeux du côté des États Scandinaves. Charles VIII, quelque temps avant sa mort, avait négocié avec Jean ; Louis XII signa avec lui, en juillet 1498, un traité. On y stipulait une alliance perpétuelle entre les deux souverains, le libre négoce et la libre entrée dans les deux pays pour les sujets et marchands de l'un ou de l'autre.

Tous les desseins du roi convergeaient vers l'Italie.

Ludovic, appuyé sur son alliance avec Maximilien, qui avait épousé sa nièce, fort de ses ressources pécuniaires et de son prestige, semble bien avoir eu le tort de juger qu'il en serait des combinaisons préparées contre lui comme de celles qui s'étaient si souvent trouvées déjouées. Pourtant les circonstances avaient changé : d'abord, dans tout commencement de règne, il y a comme une force impulsive, et puis Ludovic n'avait que des alliés incertains ou impuissants et, au contraire, des ennemis décidés et redoutables, Venise avant tous. Cependant, se méprenant sur le danger qu'il courait, il voulut jouer au plus fin. Même avec Maximilien, à qui certes il n'était pas nécessaire de donner des prétextes de versatilité, il demeura jusqu'au bout l'homme des sous-entendus.

Le gouvernement français établit sa politique italienne sur l'idée d'une action commune avec Venise. Dans les derniers mois de 1498, les négociations prirent une singulière activité ; les courriers se succédaient sans relâche sur la route de Venise à Paris, qu'ils parcouraient à peu près en sept jours. L'accord était d'autant plus difficile qu'il y avait partage dans le gouvernement de la République : la décision définitive n'y fut prise qu'après une délibération de neuf jours. Le Roi, Amboise, Gié s'irritèrent plus d'une fois contre ces marchands qui vendaient des paroles. On aboutit enfin. Le 9 février 1499, une alliance entre les deux pays fut signée à Blois. Le Roi et la République s'engageaient à unir leurs forces pour la conquête du Milanais. C'était un grave échec pour Ludovic Sforza, un succès périlleux pour Venise, qui allait se donner en Louis XII un voisin bien plus dangereux que Sforza. Crois, lecteur, écrit un contemporain, que bien grands ont été les motifs et les injures qui ont forcé la Seigneurie à s'accorder avec la France pour détruire le duc de Milan.

L'alliance franco-vénitienne avait déclaré s'ouvrir à tous les États qui voudraient y adhérer. Le 29 juillet 1499, on publia en France les noms des diverses puissances comprises dans la Ligue. On y voyait le Pape, Venise, le roi et la reine d'Espagne, les rois d'Angleterre, d'Écosse, de Portugal, de Hongrie, de Bohême, les Suisses, etc. On y voyait même l'Empereur, l'Empire et les Électeurs d'Empire, ce qui prouve que, là encore on vendait des paroles, et qu'il ne faut pas s'abuser sur la valeur de ce catalogue éclatant. Il n'y avait d'exclus que le duc de Milan, le roi de Naples et quelques petits seigneurs italiens.

En réalité, la lutte allait se concentrer à peu près entre Louis XII et Venise, d'une part, Ludovic Sforza, de l'autre. Chacune des trois armées fut recrutée en partie par la Condotta, c'est-à-dire par le louage de soldats. Venise avait fait de tous côtés des enrôlements, qui élevaient son armée à 15.000 hommes environ. Elle conclut avec un condottière, le comte de Pittigliano, un véritable contrat d'affaires. Pittigliano se montra d'autant plus difficile qu'il avait reçu des propositions de Ludovic. Il réclamait de la Seigneurie le paiement d'une créance de 12.000 ducats, une augmentation d'un tiers de sa pension et de sa solde. Après quelques hésitations, Venise s'assura ses services pour une période de quatre ans. Ludovic se mit à la besogne en 1499, un peu trop tard. Il en fut souvent réduit aux condottières mécontents de Venise ou congédiés par elle. Il prit ainsi à sa solde Marco Martinengo, moyennant une pension annuelle de 1.000 ducats, Ugolin d'Ancona, qui ne voulait plus servir de républiques, mais seulement des seigneurs. Il engagea un grand nombre de Suisses et surtout des Valaisans ; ses agents faisaient affaire de toutes mains et à tout prix. Un capitaine recevait en moyenne 25 florins par mois, les hommes 4 florins ½. Outre ces troupes levées ainsi de tous côtés, et dont quelques-unes n'arrivèrent qu'après la fin de la première campagne, Ludovic avait des troupes nationales assez nombreuses. Louis XII ne négligea pas non plus les enrôlements à l'étranger, surtout en Suisse, en profitant du traité signé avec la Confédération. Du mois de mai au mois de juillet 1499, les positions assignées aux différents corps français vers Grenoble, avec un corps avancé sous Asti, et aux corps vénitiens vers Lodi, annonçaient une offensive prochaine.

Un Milanais, ennemi de Ludovic et réfugié en France, Trivulce, était appelé à jouer le rôle principal à la tête de l'armée royale. Il avait été successivement au service de Gelées Sforza, de Ferdinand de Naples, de Charles VIII. Âgé de plus de cinquante ans, gros, court et trapu, il avait gardé toute sa vigueur et une énergie singulière ; il courait encore les routes à cheval, faisant en quelques jours et comme par jeu le chemin d'Italie en France. Général assez habile, il savait manier les Italiens qui avaient tous plus ou moins des aines de condottières, étant lui-même Italien, condottière et chef de parti.

Tout d'abord, on n'allait avoir à faire qu'une promenade militaire. Quand on eut pris quelques places et passé les habitants au fil de l'épée, l'effroi se répandit partout. Ces massacres étaient, parait-il, une tactique que Louis XII avait conseillée à ses lieutenants ; elle réussit. La ville la plus forte du duché, et l'une des plus hostiles à la France, Alexandrie, fut livrée ou abandonnée par Galéas de San Severino ; les Vénitiens, vers le même temps, prenaient Crémone ; Ludovic quitta Milan, où les Français entrèrent, et il se réfugia en Allemagne auprès de Maximilien. Commencée en août, la campagne semblait terminée en octobre : Trivulce était nommé gouverneur du Milanais et on y organisait une administration nouvelle. Mais Ludovic a trouvé des secours en Allemagne, acheté des troupes en Suisse. Il rentre dans son duché, au mois de février de l'année 1500, reprend Côme, Milan, même Novare, au mois de mars. Tout était à refaire.

Dans ces circonstances critiques, Louis XII nomma le cardinal d'Amboise lieutenant-général au delà des monts, avec pleins pouvoirs, pour encommancer, moyenner et définir comme lui-même en propre. La Trémoille, à la place de Trivulce, reçut le commandement militaire. Les Français avaient dû reculer vers la Sesia et s'y étaient concentrés. L'armée de La Trémoille et l'armée de Ludovic se trouvèrent en présence, aux environs de Novare, aux premiers jours d'avril. Des deux côtés, des Bourguignons, des Allemands, des Suisses. La Confédération voulait, suivant d'Auton, empescher la bataille et la guerre prolonger, soit pour avoir part à la pesche en eau trouble, soit pour sauver Ludovic. Les seigneurs des Ligues avaient dépêché des envoyés, pour interdire aux hommes des cantons de combattre, jusqu'à nouvel ordre.

On entra en pourparlers avec les Suisses qui tenaient pour Ludovic : il fut convenu que les soldats de la Confédération qui étaient dans Novare s'en iraient les bagues sauves. Quant à Ludovic, qui s'était enfermé dans la ville, nous tombasmes en composition, écrit La Trémoille, que, si nous trouvions le More avec eux, que nous le prendrions : ce qu'il fut accordé. Les soldats de Ludovic, en effet, refusaient de le livrer, mais ils consentaient à le laisser prendre. Puis, au dernier moment, ils reculèrent peut-être devant cette demi-trahison. Peu s'en fallut qu'on n'en vint aux mains. Déjà La Trémoille avait donné ordre d'attaquer Novare ; mais les Suisses de son armée s'y opposèrent, à cause de leurs compatriotes qui s'y trouvaient. Ils ne voulaient point que l'on leur tuast leurs gens. On fit alors une nouvelle transaction ; les mercenaires de Novare consentirent à passer un à un soubz une pique, devant les Français. Et Ludovic, qui avait essayé de se dérober en se mêlant à leur foule, fut découvert au milieu d'eux, après trois heures de recherches. Sire, écrivait La Trémoille, vous avez tout ce que demandez et en estes bien tenu à Dieu. On n'en eut pas fini avec les Suisses au service de la France, même après la prise de Ludovic. Ils réclamaient d'être tous payez en escus au soleil, avoir des somiers[6] pour emporter leurs bagues et, pour la prise du seigneur Ludovic, payé pour ung mois d'avantaige. Comme on le leur refusait, à grands coups de pié et de hallebardes, donnèrent iceux Suyces contre la porte de la chambre, en laquelle estoyent les Français, et commencèrent à faire roupture. Le bailli de Dijon, qui était l'agent du Roi auprès d'eux, fut pris par les cheveux et reçut des coups de poing sur le nez et le visage, en tel estat que à peine luy demeura poil en teste. Il fallut contenter ces terribles auxiliaires, pour s'en débarrasser ; encore apprit-on peu après qu'à leur retour, ils avaient pris Bellinzona[7], qui était du duché de Milan.

Mais, comme l'avait écrit La Trémoille, le fait décisif était la prise de Ludovic. Aussi Louis XII adressa-t-il trois lettres pressantes à son lieutenant pour qu'on lui envoyât immédiatement le duc déchu, car je ne seray jamais à mon ayse que je ne voye le dit Ludovic par deçà les monts. Amené d'abord à Lyon et enfermé au château de Pierre-Encise, le More fut ensuite transporté, dans une cage de fer recouverte d'une enveloppe en bois, au château du Lys Saint-Georges en Berri. Il y fut assez durement traité, quoi qu'en disent les panégyristes de Louis XII, et mourut obscurément en 1508.

Ainsy fut la duchié de Milan, en sept moys et demy, par les Françoys deux foys conquestée.

Lorsque Georges d'Amboise entra dans Milan, après avoir logé d'abord au château, une piteuse procession alla à sa rencontre : Par ung docteur firent proposer mainctes belles choses, promectant de non jamais contre la sacrée Majesté de France commettre rébellion. Ils déclaraient qu'ils ressembleraient à Saint Pierre, qui avait eu tant de remords d'avoir abandonné Jésus-Christ. A quoi le Cardinal répondit spirituellement qu'ils se gardassent bien de trop l'imiter, car il avait renié trois fois son maitre. Après de longs et cérémonieux discours échangés, on en vint au fond des choses. Des contributions très lourdes furent levées sur les différentes villes ; quelques exécutions furent faites des personnages les plus compromis.

L'organisation politique et administrative du duché avait déjà été commencée, lors de la première conquête, notamment par une ordonnance du H novembre 1499[8]. Il n'y eut guère qu'à la confirmer et à la compléter. Pour représenter le roi, duc de Milan, on établissait un gouverneur militaire et un gouverneur civil. Un sénat était constitué, composé de 17 sénateurs ou conseillers : 2 prélats, 4 hommes d'épée, 11 jurisconsultes. Il comprit à la fois des Italiens et des Français, de telle façon pourtant que l'influence fût toujours assurée à ces derniers. Il avait pouvoir de confirmer ou invalider les ordonnances du roi pour le Milanais, formait une cour supérieure de justice, avait la surveillance des officiers judiciaires, rendait des décrets, exécutoires au même titre que ceux du Conseil du Roi en France, enfin il entérinait les lettres de dons, rémissions, privilèges. C'était une organisation qui laissait au duché une certaine part dans les affaires de justice et d'administration. Des courriers réguliers établirent les communications entre Lyon et Milan. Peu à peu la vie reprit dans le Milanais et, après les premiers troubles et les premières duretés de la conquête, il ne parait pas avoir eu à souffrir de la domination française, si ce n'est par les guerres postérieures dont il subit forcément les contrecoups[9].

Tout compte fait, puisqu'un ensemble de causes et surtout de sentiments entraînaient nos rois au delà des Alpes, c'était encore en Lombardie que leur établissement offrait quelques chances de durée. Non pas sans difficultés cependant. Il fallait rattacher étroitement à soi les princes des Alpes, pour avoir toujours les passages libres, et garder Gênes à tout prix. Il était, d'un autre côté, à prévoir que les Suisses, les Vénitiens et l'Empire verraient de fort mauvais œil la France établie dans un pays sur lequel ils avaient des droits ou des prétentions Enfin, on se trouvait amené à entretenir des rapports avec les États italiens du centre, particulièrement avec Rome et Florence, à se mêler ainsi à des questions terriblement ardues. Mais, à coup sûr, il y avait un point d'Italie, où il semblait que la France eût tout intérêt à se maintenir dans l'expectative : le royaume de Naples. On allait s'y jeter malencontreusement.

Amboise était revenu à Lyon, au mois de juin. Le Roi lui fit tant amyable chère que de toute familiarité privée le voulut festyer. Il y ajouta le don du comté de Lomelline, près d'Alexandrie. Personne n'avait retiré plus d'avantages de l'expédition que le Cardinal. Il avait agi en maître au delà des monts ; à Milan, on l'avait traité comme un souverain victorieux, et il y laissait, pour le représenter, son propre neveu, Charles Chaumont d'Amboise. Il avait de plus en plus la main dans les choses d'Italie.

 

III. — L'ESSAI DE CROISADE.

LA reprise de Milan donna pour un moment une situation considérable à la France. Le duc de Ferrare, le marquis de Mantoue, Bologne et les Bentivoglio, la république de Sienne s'estimèrent trop heureux d'obtenir un accommodement, au prix de sacrifices plus ou moins lourds. Si avant boutèrent la main aux ducats que grâce leur en fust élargie. Florence aussi entra en composition, mais vendit fort cher son alliance. Il fallut envoyer une armée française pour attaquer à son profit la ville de Pise. Spectacle étrange : les Pisans déclaraient estre tous bons et loyaux Françoys, et que telz vouloient vivre et mourir, que toutes les foys que l'armée de France vouldroit entrer dans la ville, toutes les portes leur seroient ouvertes, mais à condition qu'on ne les remit pas aux mains des Florentins. Ils se défendirent énergiquement, en criant : Vive France ! et en arborant la bannière royale[10]. Les Suisses au service du Roi s'étant mutinés, sous prétexte que leur solde n'était pas payée, ce fut une occasion de lever le siège (juillet 1500). Du côté du Pape et de César Borgia, on rencontrait chaque jour des exigences plus fortes. César, poursuivant son dessein de se créer une principauté, attaqua les seigneuries de la Romagne. En 1499, 1500 et 1501, il conquit, avec l'aide de troupes françaises, Imola, Pesaro, Rimini, Faenza. Le Pape, autorisé tacitement par Louis XII, constitua pour son fils la Romagne en un duché, qu'agrandirent de nouveaux succès en 1502. Il préparait ainsi, avec notre concours, la puissance de Jules II, qui devait nous être fatale.

On avait toujours à se préoccuper de Maximilien. Au commencement de 1501, on découvrit un complot qui avait pour but de lui livrer la ville de Beaune. Lui-même se plaignait des projets de la France : Le roi de France, disait-il à la Diète de 1500, non content de ses conquêtes d'Italie, soulève contre nous la Hongrie et la Pologne et fait tous ses efforts pour obtenir la couronne impériale. A vrai dire, la première de ces accusations avait quelque fondement.

Tout à fait à l'Est, la Hongrie et la Bohème commençaient à attirer l'attention des diplomates. Ces deux pays, malgré les différences ethnographiques qui les séparent, eurent, au XVe siècle et au XVIe, une histoire en partie commune. L'un et l'autre luttèrent avec gloire contre les Turcs, dont Mathias Corvin suspendit pendant près d'un demi-siècle, de 1458 à 1490, la marche offensive vers l'Ouest. Mais à sa mort, et quoique l'union entre la Bohème et la Hongrie eût été maintenue par la double élection de Ladislas, la grandeur des deux États s'affaissa. Ils étaient déjà guettés d'un côté par les Turcs, de l'autre par la Maison d'Autriche. Quant à la Pologne, encore puissante sous Casimir IV, qui mourut en 1492, elle poursuivait, sous Jean-Albert (1492-1501), des efforts toujours vains et toujours répétés pour réaliser l'union avec la Lithuanie.

La Bohême, la Hongrie et la Pologne, où la noblesse était très active et guerrière, constituaient une force. Louis XII envoya des ambassadeurs à Ladislas et à Jean-Albert, et les trois princes signèrent un traité, au mois de juillet de l'année 1500. Dans cet acte, rédigé en forme très solennelle et précédé d'un préambule écrit en fort bon latin, les souverains déclarent contracter une alliance générale et perpétuelle contre les Turcs et aussi contre tous les ennemis présents ou futurs. Dans les guerres entreprises d'un consentement mutuel, chacun prêterait secours aux autres. On exceptait, il est vrai, des hostilités possibles, le Souverain Pontife, l'Empire, le roi des Romains, Venise, et on leur ouvrait même l'accès de l'alliance. Il n'y en avait pas moins là l'indice d'une action politique engagée par la France en Orient, et qui prenait à revers l'Allemagne de ce côté, comme l'alliance avec les États Scandinaves pouvait la prendre à revers, de l'autre. Le traité allait recevoir une signification plus précise, lorsque Ladislas envoya une ambassade à Louis XII pour demander la main d'une princesse française. Un peu plus tard, en 1502, son mariage avec Anne de Foix, nièce d'Anne de Bretagne, sembla destiné à contrebalancer en Bohème et Hongrie l'influence germanique[11].

Aussi la diète d'Augsbourg avait-elle consenti à décréter une levée de troupes et à proposer la formation d'une caisse d'Empire. Mais, comme disait un conseiller de Maximilien, attendre quelque chose des princes allemands pour le bien de l'Empire, c'est vouloir cueillir des raisins sur des chardons. Le 16 août 1500, l'Empereur signa avec le roi de France une trêve de six mois, qui fut ensuite prolongée jusqu'en 1502.

En définitive, vers le milieu de l'année 1500, l'Europe entière était en paix. La France semblait en pleine puissance et en grande prospérité. Considéré, dit un procès-verbal de l'échevinage d'Amiens, que Dieu merchy, le royaulme de France estoit en bonne paix, et aussi que pain et vin estoient à bon marché et y avoit habundance de tous biens, qui est à loer Dieu...

Le moment semblait venu de repenser à la croisade contre les Turcs. Maximilien ne cessait d'en parler, — mais il parlait de tant de choses ! L'Espagne n'était pas sans inquiétude du côté des Infidèles. Elle avait à craindre un retour offensif des Musulmans, pour venger la prise de Grenade. Les Maures d'Afrique s'agitaient. En 1501, Ferdinand envoya Pierre Martyr, un humaniste italien fixé à sa cour, auprès du sultan d'Égypte[12]. Il était chargé d'observer l'état des choses en Orient et de négocier un accord avec l'Égypte, menacée par le sultan de Constantinople. C'était un moyen de contenir à la fois Bajazet et les tribus africaines de la Méditerranée. Le Portugal lui-même semblait appelé à agir par les intérêts qu'il avait en Asie, où il rencontrait, lui aussi, les Musulmans.

Dans l'Europe, les imaginations étaient excitées comme par l'attente de grands événements. Il n'était bruit que de prodiges. Au pays de Liège, des croix apparaissaient avec des traces de sang, elles s'imprimaient sur les cheveux ou les vêtements des femmes ou des jeunes filles. En 1501, on prêcha dans toute la chrétienté un jubilé pour la croisade, depuis le Vendredi-Saint jusqu'à la Saint-Jean-Baptiste. Comme quatre siècles auparavant, des troupes de pèlerins se dirigeaient vers l'Orient. Il semblait donc qu'on pût reprendre une action en commun et réaliser les projets que, depuis cinquante ans, la prise de Constantinople avait suscités un peu partout. Pourtant l'idée de croisade était tellement en opposition avec les intérêts du temps qu'elle n'aboutit qu'à des entreprises chimériques.

Louis XII et Anne de Bretagne se montrèrent seuls disposés à prendre en mains les intérêts de la Chrétienté[13]. En 1499, Louis XII avait envoyé en Orient une flotte qui devait agir de concert avec les Vénitiens. De nombreux combats furent livrés dans les parages de Modon, mais l'expédition échoua par suite d'un désaccord avec Venise et de la défection de l'amiral vénitien. En 1501, le Roi et la Reine organisèrent une nouvelle expédition plus considérable. Elle devait être dirigée vers l'Archipel, pour agir avec les chevaliers de Rhodes et prendre terre à l'île Metelin. On comptait sur les Vénitiens et sur Ladislas. Le Roi mit en mer une armée navale. Madame Anne de Bretagne, comme très catholique, avait desployé ses trésors et iceux élargi, pour souldoyer mie nombre de gens d'armes et équipper force navires ; et entre aares voulut que sa grosse carraque, nommée la Cordelière, et plusieurs aultres fissent le voyage. Douze navires de Bretagne et de Normandie et quatre galères, moult vites et fort redoubtées en mer, celles-ci commandées par Prégent de Bidoux, étaient confiés à Philippe de Ravenstein. La flotte passa par Naples, Corfou, Modon, Milo, où les galères vénitiennes la rejoignirent. Enfin, le 24e jour d'octobre 1501, approchèrent la dite isle de Metelin de tant que les tours et le chasteau de la ville purent veoir clèrement.

L'attaque de la place fut repoussée, malgré la valeur des Croisés, à cause des hésitations ou de la mésintelligence des chefs et des retards des chevaliers de Rhodes, et il fallut revenir en France. La flotte, chargée de malades ou de blessés, fut assaillie par des tempêtes.

La nef que montait Ravenstein fut désemparée par un orage devant l'île de Cérigo ; une autre sombra. Ravenstein et les gentilshommes qui l'accompagnaient, l'un en chemise, l'autre deschaux et l'autre nu, au raiz de la lune, qui clère este, approchèrent lé rochier et là, ainsi comme ils purent, se grippèrent contre celuy et gaignèrent terre. Repoussés par les habitants, rude gent et peuple inhumain, ils furent enfin recueillis par des galères génoises. Les Vénitiens, s'il faut en croire d'Auton, s'étaient montrés fort joyeux de ces désastres. Cette aventure fut la dernière croisade française. Vingt-cinq ans plus tard, François Ier allait s'allier avec les Ottomans.

 

IV. - CONQUÊTE ET PERTE DE NAPLES.

LOUIS  XII, au moment même où il préparait cette croisade, entreprenait de faire valoir ses droits sur Naples, de concert avec Ferdinand d'Aragon ; combinaison singulière, qui allait entraîner la France dans toutes sortes de difficultés.

Par un traité signé à Grenade, le 11 novembre 1500, les deux souverains se partageaient le royaume de Naples. A qui incombe la responsabilité de cette politique ? On a pensé, non sans raison, qu'il y avait autour de Louis XII un nombreux parti de gens qui avaient gardé des intérêts dans le Napolitain : domaines donnés par Charles VIII et perdus depuis la défaite, charges fructueuses, créances à recouvrer. Louis XII obéit peut-être à leurs suggestions autant qu'à ses entraînements personnels, et le cardinal d'Amboise se fit, comme toujours, l'instrument docile et actif de ses volontés.

En juin 1501, l'armée française quitta le Milanais. Elle s'avançait en un ordre de bataille régulier et imposant : à l'avant-garde, les piétons, l'artillerie, les équipages ; puis venaient les gens d'armes, montés et armés, la lance sur la cuisse et la teste en l'armet. Ainsi passèrent par la ville de Romme, sonnant trompettes et clairons, et groz tabours de Suyces. Les chefs continuaient à appliquer le système de terreur que Louis XII avait inauguré dans sa campagne du Milanais. Les soldats du château de Marigliano, ayant été obligés de se rendre à la volonté des capitaines français, furent tous pendus avec leurs capitaines. Seul le chef de la garnison échappa ; car il avait une femme belle à merveilles, qui implora si doulcement le Seigneur de Mauléon et tant luy fist de son gré, qu'elle sauva son mari, lequel pouvait lors se vanter de ce que plusieurs taisent.

Le roi de Naples, Frédéric, comptait sur Ferdinand. qui lui avait en effet promis son appui ; Ferdinand, tout au contraire, envoya une armée s'emparer de la Pouille. Quand les Français, après avoir pris Capoue, parurent devant Naples, Frédéric leur abandonna la place, sous la condition de pouvoir se retirer dans l'fie d'Ischia et d'obtenir six mois de trêve, pour envoyer des ambassadeurs à Louis XII et négocier avec lui. Mais, sur ces entrefaites, arrivait l'armée de mer dirigée contre les Turcs. Ravenstein qui la commandait avait pleins pouvoirs du roi contre les Ottomans et leurs adhérents. Il s'arrêta devant Naples tout juste pour empêcher la ratification de la capitulation, et le roi Frédéric fut envoyé en France. Il y allait du reste en souverain presque autant qu'en prisonnier : il reçut l'Anjou, en dédommagement de Naples, et il joua un certain r&e politique, jusqu'à sa mort en 1504 ; on le voit mêlé à beaucoup de négociations entre la France, l'Espagne, Philippe le Beau.

Le gouvernement supérieur du royaume napolitain fut confié au jeune duc de Nemours, avec mission de régir, conduire et gouverner l'armée, de recevoir la soumission des places, d'oyr toutes manières d'ambassades. Mais la liquidation de la conquête présenta bien plus de difficultés que la conquête même. On ne put s'entendre avec les Espagnols sur les conditions effectives du partage, et de longs mois se passèrent en essais inutiles et peu sincères de transaction, les Espagnols et les Français étant installés côte à côte dans le pays.

La situation n'était pas plus claire ni les combinaisons plus nettes en Italie. Ouvertement c'était, pour la France, l'alliance avec le Pape et avec Venise ; en réalité on allait de plus en plus se défiant de Venise comme du Pape, et tout était dominé par les aspirations d'Amboise à la Papauté. On assurait — ce devait être vers 1501 — que les rois des Romains, de France et d'Espagne, étroitement unis, allaient déposer le Pape et que le Cardinal le remplacerait ; on énumérait même les conditions qui lui avaient été imposées. Cela n'empêchait ni Alexandre VI ni César de continuer leurs pratiques ; César voulait Bologne, menaçait Florence, nouait des rapports avec Pise. Tous ceux qui se sentaient menacés ou qui aspiraient à la paix comptaient sur la venue de Louis XII. En juillet 1502, il se décida à passer en Italie, suivi du cardinal d'Amboise, qui ne le quittait pas, afin que à tout besoing eust loy et désir de parler à luy et ses affaires luy communiquer. Quand le Roi arriva dans son domaine d'Asti, des ambassades vinrent à lui de presque toute la Péninsule. Les envoyés de Venise, dans une dépêche qui porte cette mention cito, citissimo, celerrime[14] (14 juillet 1502), écrivaient qu'ils croyaient que les Français tenaient maintenant le Pape pour adversaire. Il n'en fut rien. César Borgia fit d'humbles soumissions que le Roi accepta. La vérité est que Georges d'Amboise comptait sur César pour l'aider à parvenir à la Papauté, à laquelle il aspirait depuis longtemps, et que la mort d'Alexandre VI était déjà escomptée en 1502.

Au milieu des négociations, l'état de guerre commença peu à peu dans le Napolitain, entre les deux armées conquérantes[15] tout d'abord par des entreprises individuelles, des petites courses d'un parti sur l'autre : Français détroussant les Espagnols ou détroussés par eux. Puis les Espagnols, tout d'un coup, en juin 1502, voulurent s'emparer de Troja en Pouille, tentative qui marqua le début des hostilités réelles. C'étaient les plus héroïques gentilshommes de France qui allaient combattre ; quelques-uns déjà célèbres : La Palisse, Louis d'Ars, Yves d'Alègre ; d'autres qui commençaient leur réputation, comme ung nommé Pierre Bayard, ou qui ont disparu dans le rayonnement de ces noms fameux, comme Pierre de Poquières, d'Urfé, etc.

La guerre proprement dite se fait encore un peu à la façon du XIVe et du XVe siècle. Elle n'offre que des sièges de villes, quelques batailles sans conséquence, jusqu'au moment où les événements décisifs se déroulent auprès du Garigliano. Elle semble menée sans suite, aussi bien par Gonzalve, qui combat à la tête des Espagnols, que par Nemours, général en chef de l'armée française. Chaque commandant d'une petite troupe agit bien souvent isolé, indépendant. L'intérêt véritable est dans les épisodes.

Les opérations se concentrèrent un moment autour de Barletta, où Gonzalve était enfermé et en assez mauvaise posture. Elles s'entremêlaient de pointes hardies, tentées par les Français iiu les Espagnols, d'attaques de petites places, de duels, de défis : tout l'appareil héroïque et toutes les péripéties de la guerre chevaleresque. Louis d'Ars, avec une centaine d'hommes au plus, occupait la place de Bisceglie. Mais le château, dans l'intérieur de la ville, était tenu par les Espagnols. Il l'attaque et est repoussé jusqu'aux portes de la ville. Là, il s'arrête et, à tour de bras gardait l'issue. Il soutint la charge pendant six heures. Bayard, campé à quelques lieues, apprend le danger qu'il court. Sans regarder qui le suyvroit, luy, avecques troys de ses gens montez et armez, se mist à la cource, et tantost après luy fut Loys de Sainct-Bonnet, avecques 30 hommes d'armes et 40 archiers, courant tous à bride abatue. Ils arrivèrent à temps, d'autres les suivirent ; Louis d'Ars fut dégagé, le château eschellé, et tous les Espagnols tués.

En février 1503, le sire d'Urfé envoya un défi aux Espagnols, qui se déclarèrent prêts, au nombre de 11, à lutter contre 11 Français. La Palice immédiatement choisit les meilleurs de ses gens d'armes : d'Urfé, Bayard, de Poquières, La Rivière, Guiffrey, du Fail, Saint-Bonnet, la Chesnaye, Clermont, Montdragon et Bouvent. Ce fut dans tout le pays un grand émoi. Plus de 10000 personnes se pressaient, dit-on, sur les murailles de Trani, pour assister au spectacle. Les Espagnols s'étaient appliqués tout d'abord à garder leurs lances intactes et à tuer les chevaux des Français ; les Français au contraire avaient visé le corps de leurs adversaires et brisé leurs armes sur les cuirasses. Aussi furent-ils un moment en danger. Heureusement Bayard et d'Urfé restaient montés et armés, ils accomplirent ung tour dont peu de gens se savent bien ayder, et qui supposait en effet une force et une adresse extraordinaires. Quand les espagnols se précipitaient sur eux, ils se jetaient de côté, saisissaient à la passade la lance de l'un des assaillants, la lui enlevaient d'un coup brusque et la donnaient aux Français à pied, qu'ils réarmaient ainsi. Les Espagnols finirent par se masser dans un coin de la lice, en renonçant à charger leurs adversaires qui, d'un autre côté, tous amoncelez, chascun la lance au poing, leur présentoient la joute. Les forces étant reconnues égales, on s'accorda pour sortir du champ, ne vaincus, ne vainqueurs. Avant de quitter la lice, tous s'entr'embrassèrent ; puis ils partirent, chacun bien exactement sur le même rang, pour que jusqu'au bout fût constatée l'égalité absolue entre les deux camps. Deux hommes seulement, dans cette longue et ardente mêlée, avaient reçu des blessures graves.

Bayard eut une aventure plus dramatique. Un Espagnol, Alonzo de Sotomayor, étant tombé entre les mains d'un capitaine gascon, fut, parait-il, assez durement traité pendant sa captivité. Il accusa Bayard d'y avoir été pour quelque chose, lui reprocha, en présence de témoins, son vouloir meschant, sa lascheté de courage et vicieulx-iffect, et le défia de corps à corps. Sur la réponse de Bayard, le gaige de bataille fut jeté par l'Espagnol, levé par le Françoys. Le point d'honneur n'empêchait pas que chacun cherchât ses avantages. Sotomayor obtint de se faire considérer comme défendeur, ce qui lui donnait le choix du mode de combat, et il exigea — Bayard passait pour le plus rade cavalier du temps — la lutte à pied, armé de toutes pièces, avec l'estoc et le poignard, et à visage découvert. Sur bone querrelle ne me chault d'être deffendeur ou demandeur, avait dit Bayard. Ce n'était plus un de ces combats, d'où, après des lances brisées à éclats sur les cuirasses, les chevaliers sortaient épuisés, moulus, mais le plus souvent intacts. Les deux combattants allaient se prendre corps à corps, homme à homme : la clause du visage découvert devait rendre la lutte mortelle. Ce fut en effet à la gorge, puis au visage, que fut frappé Sotomayor. Pour obéir à l'usage, qui ne faisait considérer comme vaincu que le tenant qui avait quitté la lice, Bayard prit son ennemi par les jambes, et à grant peine, comme las et en mauvais point qu'il estoit, le trayna hors.

Tous ces exploits servaient de peu, car Nemours n'avait ni décision ni connaissance de la guerre ; il était mal obéi des capitaines, et ceux-ci mal soutenus par lui. Le désordre se mettait partout. Gonzalve reprit l'offensive, reçut des secours. D'Aubigny fut vaincu à Seminara, en avril 1503 ; Nemours à Cerignola, le même mois. La révolte éclata partout ; les Espagnols entrèrent à Naples.

Gaète seule tint contre eux. Les Français avaient réuni dans la place une artillerie nombreuse, et Prégent de Bidoulx croisait dans les eaux voisines, avec 6 carraques et 5 galères ; il y avait monté plus de 30 pièces et battait le camp des Espagnols. De leur côté ceux-ci, pendant neuf jours sans discontinuer, tirèrent sur le rempart, jusqu'à y faire une brèche de 370 pas, Comme les vivres manquaient dans la ville, Louis XII avait fait partir de Savone une flottille pour la ravitailler ; le capitaine Contiens, qui la commandait, rencontra la flotte ennemie et lui livra un furieux combat, pendant lequel les vaisseaux de secours purent passer. Le siège fut levé par les Espagnols.

Louis XII cependant avait fait de grands efforts pour ressaisir la fortune ; deux armées avaient été formées : l'une devait aller secourir les Français du royaume de Naples, l'autre attaquer les Espagnols dans le Roussillon. Celle-ci échoua, après de longues et cruelles péripéties. L'armée de Naples semblait formidable : elle comprenait 1.000 lances, de la cavalerie légère, et une infanterie, que les données les plus basses évaluent à 6.000 hommes. La Trémoille en avait reçu le commandement.

Au moment où il approchait de Rome, la mort d'Alexandre VI, le 12 août, ouvrit à Georges d'Amboise la perspective, que depuis longtemps celui-ci entrevoyait. A cette nouvelle, Louis XII s'empressa d'envoyer son ami Georges en Italie, avec deux cents archers de la garde. Le marquis de Mantoue avait reçu du Roi des lettres de ce genre : Je vous requiers de faire entièrement tout ce que, par mon cousin le Légat, vous sera dit et escrit ou commandé faire. Vous entendez assez quel bien pourroit advenir à moy et à mon royaume, s'il y avoit au Saint-Siège un bon et notable Pape, mon amy, et gardant la rayson à chascun. La Trémoille avait l'ordre de retenir autour de Rome l'armée qui devait secourir Naples.

Il était cependant facile de prévoir l'échec des ambitions d'Amboise. Outre l'opposition certaine de l'Espagne et de l'Empereur, les Italiens, les Romains particulièrement, étaient peu favorables à son dessein, les partisans des Sforza, encore nombreux, s'agitaient. Le cardinal de la Rovère, qui faisait mine de dévouement à la France, cabalait à son profit à lui. Le conclave, au bout de sept jours de délibération, se partagea entre plusieurs candidats. Georges d'Amboise, sur qui treize voix s'étaient portées, désespéra d'obtenir la majorité et les donna au cardinal de Sienne, après avoir obtenu la promesse de la légation de France et de Bretagne pour lui, et du cardinalat pour un de ses neveux. Ainsi fut élu Pie III. Louis XII et Georges d'Amboise avaient fait préalablement un accord avec César Borgia. Singulière caution et singulier protecteur pour un homme qui, dit-on, voulait la réforme de l'Église ! Pie III, d'ailleurs, mourut vingt-cinq jours après son élection.

Georges d'Amboise, cette fois, renonça à triompher, car le cardinal de la Rovère était comme porté par l'accord de la grande majorité des cardinaux. La Rovère fut proclamé, presque sans débats, sous le nom de Jules II. Du moins, il tint les promesses de son prédécesseur et les siennes ; malgré l'opposition très vive de la Chambre apostolique, il publia, dans le consistoire du 4 décembre, la légation à vit du Cardinal d'Amboise en France et dans le comtat Venaissin. Le 8 décembre, le Légat quittait Rome, accompagné par ses collègues jusqu'aux portes de la ville, malgré une pluie battante. Il ne devait plus revenir dans la capitale du monde chrétien, où il avait espéré régner.

L'armée française était restée pendant trois mois autour de Rome, sans aucun profit pour la candidature de Georges d'Amboise, et au grand préjudice des affaires de France dans l'État napolitain. Pour comble de malheur, La Trémoille tomba malade, et Louis XII dut confier le commandement des troupes, d'abord au marquis de Mantoue, plus tard au marquis de Saluces, deux Italiens.

Quand les renforts rejoignirent, en octobre, les Français campés sur la rive droite du Garigliano, près de l'embouchure, Gonzalve avait eu le temps de concentrer une nombreuse armée sur la rive gauche. Tout d'abord les Français eurent l'avantage, peut-être à cause de leur artillerie : 9 gros canons, 2 grandes coulevrines, 8 moyennes et 10 faucons, servis par 36 bons canonniers. De plus, Prégent de Bidoulx commandait le rime avec ses vaisseaux, et il avait fait établir sur le fleuve un pont de bateaux, auprès duquel on avait réuni toute l'artillerie pour s'opposer à une tentative de passage des Espagnols. Ceux-ci s'étaient établis un peu en arrière du pont, dans des tranchées ; ils y attendaient les Français, qui ne pouvaient déboucher qu'en petit nombre.

On débuta par des escarmouches : 15 hommes d'armes français passèrent le pont ; Bayard, pour être des premiers, n'avait pas pris le temps de s'armer ; 300 ou 400 hommes suivaient ; ils étaient soutenus en arrière par 20 pièces d'artillerie, qui tiraient sans relâche. Mais, sur l'autre rive, ils se trouvèrent en présence de 1.200 piétons espagnols et de 300 hommes d'armes et genétaires. Obligés de reculer, ils se groupèrent en avant de l'entrée du pont, sur la rive gauche, pour en défendre l'approche. Au premier rang, Bayard. Son ami Bellabre fort rudement luy dist qu'il se ostast de là, de par le dyable, en le tirant à tous effors, mais ce fut pour nyant (néant), ne oncques de là ne voulut desmarcher. Il manquait quelque chose à ces admirables prouesses : d'être  conduites et combinées suivant une tactique. Bayard et les siens, en se maintenant héroïquement sur le bord opposé de la rivière, empêchaient l'artillerie de tirer. A ce moment, deux des chefs de l'armée, Jacques de Sully et Louis d'Hédouville, décidèrent d'arrêter le combat, ne jugeant pas que ce fût le temps d'engager une bataille générale. L'épée au poing, ils se mirent au-devant des hommes d'armes qui obstruaient les approches de la rivière, leur défendant, sous peine de la hart, d'avancer. L'artillerie de terre et de mer put alors agir ; les Espagnols furent raffolez et rechacez, la tête du pont resta aux Français. D'Hédouville la fit fortifier.

Curieux épisode, où l'on voit nettement le partage, la contradiction de la valeur aventureuse et des combinaisons plus réfléchies, fondées sur l'emploi des forces nouvelles. Celles-ci l'emportent en somme, ce jour-là, mais combien peu on savait s'en servir !

Les deux armées demeurèrent pendant près de trois mois à se surveiller. Gonzalve, malgré les souffrances de ses soldats, déclara qu'il garderait ses positions jusqu'au bout ; il n'avait aucun intérêt à attaquer les Français, il lui suffisait de les contenir. Il agissait en véritable homme de guerre, car la situation de ses adversaires était horrible : campés au milieu des marais, battus constamment par la pluie, ils en arrivèrent bientôt à une pleine détresse. Tel homme d'armes, qui avait amené quatre ou cinq chevaux, en conservait un à grand'peine. La haine s'amassait surtout contre les trésoriers de l'armée, qui ne payaient pas les troupes et négligeaient de les approvisionner.

Le 29 décembre, il fallut battre en retraite sur Gaète. Déplorable marche : les malades, les gens d'armes démontés, les piétons furent dirigés sur la ville. Les hommes d'armes qui avaient conservé un cheval furent rassemblés pour contenir les ennemis. La grosse artillerie fut embarquée sur le fleuve, et Prégent de Bidoulx devait la recueillir sur des galères. Mais la mer estoit lors tant impétueuse qu'on l'oyoit bruire de deux milles oings. La flotte fut assaillie par la tempête et désemparée ; Prégent Bidoulx sauva sa galère, à travers mille dangers. L'artillerie fut engloutie. Pendant ce temps, la retraite de l'armée se continuait péniblement. Quinze hommes d'armes, choisis entre les plus énergiques, avaient été désignés pour rester à l'arrière-garde : Pierre de Bayard, son ami Bellabre, Pierre de Tardes ; avec eux, comme soutien, le marquis de Saluces, Louis d'Hédouville, La Fayette et deux cents hommes d'armes. Les Espaignolz foulèrent fort les XV derreniers qui portoyent la charge. Bayard eût un cheval tué sous lui, le marquis de Saluces et le sire de Sandricourt vinrent à la rescousse et le dégagèrent. Dans la déroute, il y eut d'admirables traits d'héroïsme. Stuart d'Aubigny, pour secourir ses compagnons d'armes, sortit de Gaète avec tout ce qu'il put emmener d'hommes à peu près valides, et s'en alla au-devant des Espagnols, pour là vivre et mourir au service du Roi. Le dernier combat dura plus d'une heure. Bayard dut changer deux fois de cheval ; le dernier qu'il monta le porta jusqu'à Gaète et là tomba mort sous lui. Un homme d'armes, Bernard Descenon, fut pris, son épée à la main sanglante comme un couteau de boucher. Gonzalve, plein d'admiration, lui demanda, mais en vain, d'entrer au service du roi d'Espagne.

Rassemblée dans Gaète, l'armée n'était guère en meilleure situation ; la place, très forte, manquait de vivres. Gonzalve, toujours prudent, jugea inutile d'entreprendre un siège ; il traita. On convint que les Français rendraient la ville, à condition de pouvoir se retirer par mer. En outre, les Espagnols délivraient les prisonniers faits au cours de la campagne de 1503. Plus d'un ne devait pas survivre à ces terribles événements. Bien des chefs et des soldats moururent à Gaète même ; Louis de Saluces, à Gênes, Bernard Descenon, à Lyon, et tant d'autres.

Louis d'Ars, blessé à la bataille de Cerignola, en avril, avait regagné Venouse, pendant que l'armée se dirigeait vers Gaète. Il allait, pendant de longs mois, se maintenir au fond de la Pouille, en plein pays ennemi. Il redevient alors quelque chose comme un chef de grande compagnie ou un condottière, combattant pour son compte ; mais il combat aussi pour son roi et son suzerain. En même temps que l'homme de Louis XII (au sens féodal), il est l'homme de Louis de Ligny, possesseur de terres dans la Pouille. Il se fortifia dans Venouse, appela à lui les Français dispersés, réunit 600 fantassins de tous pays et 200 chevau-légers, qu'il paya à ses frais, puis résolut de se défendre (juin 1503).

Un jour, avec sa petite troupe, deux gros canons et une grande coulevrine, il se met en expédition et s'empare de la ville d'Andria. Mais, comme elle est des terres qui appartiennent à Ligny, il ne la pille pas ; il y séjourne trois semaines, jusqu'à ce que manquent les vivres. Il apprend, car il avait partout des guetteurs, que les Espagnols ont résolu de l'attaquer ; il se sert habilement contre eux de sa petite artillerie, puis les charge, avec cinq de ses lieutenants conduisant les gens de cheval : Saint-Soudain, de Chaulx, du Breuil, le Groing, Montieux, tant assurez que, pour mourir, n'eussent faict un faux pas. Il rompt les ennemis, les poursuit sur plus de deux milles et les disperse. Nuyt et jour pençoit comment il pourroit eschecquer ses ennemys et leur donner quelque venue. On l'avait compris dans la capitulation signée par l'armée française à Gaète ; il refusa de l'accepter, déclarant qu'il n'avait pas été à l'exécution du fait, que si les Français s'en alloyent en terre de seureté, pour vivre à leur aise, il demeurerait en pays de guerre, pour peine endurer. Il finit par recevoir de Louis XII l'ordre de renoncer à la lutte ; il obéit et traversa l'Italie avec 400 hommes ; marche triomphale, où les Français étaient accueillis aux cris de France, Louis d'Ars ! Mais les exploits de ce genre ne décidaient pas des choses de la politique.

Naples était perdu pour toujours. Au mois de mars 1504, Louis XII signa une trêve de trois ans avec l'Espagne. Il acceptait les faits accomplis.

Mais il ne pardonna pas de longtemps à ceux qui avaient été mêlés à ces événements. Il refusa de voir la plupart d'entre eux et les confina dans le Milanais. Il poursuivit en même temps quelques financiers qui avaient prévariqué ; l'un d'eux fut exécuté. C'était à lui-même aussi qu'il aurait dei s'en prendre, à son ministre, Georges d'Amboise, qui avait subordonné les opérations de l'armée à l'ambition de devenir pape, à cette politique à la fois aventureuse et timide, toujours incertaine, et enfin à cet engrenage dans les affaires d'Italie, si compliquées. Dans tous les événements, quoiqu'on fit, il y avait un vice originel : ils étaient en dehors de la vraie direction des intérêts français. Nos diplomates ou nos hommes d'État ressemblaient à des gens engagés dans un labyrinthe, où ils essaient à tâtons tous les chemins, dès qu'au départ ils ont manqué le bon.

 

V. — L'ESSAI DU MARIAGE FRANCO-AUTRICHIEN[16].

A PARTIR de la fin de la guerre de Naples, l'Italie reste le champ que se disputent les ambitions européennes, le principal lieu de combat des armées ; mais par elle-même, elle ne compte presque plus. Milan et Naples sont aux mains des étrangers, Florence s'efface, Rome et Venise aussi, au moins jusque vers 1508. D'autre part, les succès de Charles VIII, puis de Louis XII, ont attiré l'attention des autres puissances, tentées par ces conquêtes si faciles. Ainsi les luttes se généralisent, et des conflits européens vont se produire dans le cadre étroit en apparence des guerres poursuivies en Italie. Mais, pendant quelque temps encore, ce ne sont pas, à proprement parler, les États qui entrent en scène, ce sont les familles princières : les Valois de France, les Habsbourg d'Autriche et les Aragon d'Espagne.

La diplomatie européenne n'avait pas cessé d'agir, tandis que se déroulaient les événements militaires des années 1501, 1502, 1503.

La politique de Maximilien fut déterminée par sa triple qualité d'Empereur, de souverain autrichien, de prince bourguignon. Comme Empereur[17], il faisait valoir des revendications sur Milan, sur Vérone, sur Padoue. Comme représentant de la maison de Bourgogne, il se trouvait dans une situation assez compliquée, car il avait en face de lui son fils Philippe le Beau, le possesseur en titre et en droit des états bourguignons, comme petit-fils de Charles le Téméraire par Marie. Maximilien prétendait, il est vrai, que selon le droit, un père, gardant et conquestant à l'espée les pays et biens de son fils, doibt estre usufructuaire d'iceux, sa vie durante : cette prétention l'avait mis quelquefois en hostilité avec son fils et surtout avec les Flamands. En même temps, et dans ses rêveries de grandeur, il songeait sans cesse à préparer pour ce fils, puis pour sa postérité, une puissance qui embrassât le monde. Il fut véritablement obsédé de la pensée de réunir en une domination l'Espagne, l'Italie, les Flandres et l'Empire.

Philippe le Beau, seigneur des Pays-Bas et de la Franche-Comté, époux de Juans d'Espagne depuis 1496, semble bien avoir eu sa politique à lui. Il avait envers le roi de France des obligations de vassal pour une partie des Pays-Bas, et il lui importait de le ménager, car l'entente avec Louis XII lui assurait la possession tranquille de ses domaines, lui donnait une certaine consistance en face de son père, et lui permettait de tenir en échec son beau-père Ferdinand, avec qui il fut en contestations, dès le premier jour, à propos de la succession éventuelle de la Castille.

La politique de Ferdinand fut en grande partie inspirée par la situation que lui avait faite son mariage avec Isabelle, presque semblable à celle qui résulta pour la France et la Bretagne du mariage de Louis XII avec Anne. A qui reviendrait la Castille après la mort d'Isabelle, de deux ans plus âgée que Ferdinand ? Le droit espagnol l'assurait à Juana leur fille et, par elle, à son mari Philippe le Beau. Ferdinand usa de l'ascendant qu'il avait sur sa femme pour s'en faire attribuer la possession ou au moins le gouvernement. Mais il était à la merci d'une brouille, d'un changement de volonté, d'autant qu'il existait en Castille particularisme très décidé. On pouvait prévoir de grosses difficultés, au décès de la Reine, et cette prévision suscitait déjà entre le ménage royal et Philippe des divergences et des animosités incessantes.

Dans ces politiques toutes personnelles, faites d'ambitions et d'intérêts de famille, le procédé des mariages fut, jusqu'en 1508, le pivot autour duquel tournèrent les combinaisons. L'opposition entre les préoccupations familiales des souverains et leurs véritables intérêts de chefs d'État explique à la fois les incertitudes de leur action et la mesquinerie des événements.

Cette opposition se retrouve surtout chez Louis XII ou chez ceux qui l'entourent. Roi de France, il reste duc d'Orléans : il ne songe qu'au Milanais, parce que c'est l'héritage propre de sa famille. Ce n'est pas tout ; ces domaines acquis à grands frais, avec l'or et le sang de ses sujets, il se laisse assez facilement aller au projet de les abandonner en dot à ses filles Claude ou Renée, et de les faire ainsi passer sous une domination étrangère. Cette direction d'esprit aide peut-être à comprendre pourquoi il ne s'est pas plus opposé aux passions particularistes de sa femme. Même le principal personnage du gouvernement, Georges d'Amboise, eut, par sa situation d'aspirant à la Papauté, des intérêts particuliers, en dehors de la politique française qu'il avait la charge de conduire.

De là un jeu très compliqué de diplomatie, qu'il est nécessaire d'étudier avec quelque détail, car il a singulièrement occupé les hommes de ce temps, et il est la marque tout à fait distinctive de cette époque.

Dès 1501, les projets matrimoniaux étaient apparus. Comme la possession du Milanais restait incertaine, tant que Maximilien n'en aurait pas accordé l'investiture ; comme celle du royaume de Naples était fort peu assurée, à cause des menées déjà suspectes de Ferdinand, le gouvernement français avait espéré échapper aux difficultés, en ouvrant à Maximilien et à Ferdinand la perspective de l'abandon des deux pays à leur petit-fils, le futur Charles-Quint, figé d'un an à peine. On convint d'un mariage entre lui et Claude de France, son aînée de six mois environ. Claude apportait en dot la Bretagne, Milan et Naples, qui lui resteraient, s'il ne lui naissait pas de frère.

Après cela, on avait cru pouvoir tout obtenir de Maximilien. En septembre, Georges d'Amboise fut envoyé auprès de lui, avec mission de faire expédier les lettres de investiture (pour le Milanais), en bonne et deue et ample forme, pour le Roy et ses hoirs masles descendans de son corps et, en deffault d'iceux, pour Madame Claude et monseigneur le duc de Luxembourg (Charles). Il devait en même temps demander la révocation de l'investiture autrefois accordée à Ludovic. II fut reçu très solennellement, et un projet de traité fut même arrêté, le 13 octobre.

Pour manifester d'une façon plus éclatante l'accord apparent entre les souverains, l'archiduc Philippe vint en France, au mois de novembre de la même année. On s'étonna beaucoup de ce qu'il y venait sans réclamer d'otages pour sa sûreté ; ce fait fut considéré à la fois comme une marque de courage et comme la preuve de la parfaite entente qui unissait tous les princes. Faustus Andrelinus, un des poètes lauréats de la cour de France, célébra l'événement en vers latins, dans un chant de triomphe. Déjà l'on voyait partout la paix faite.

Mais Maximilien excellait à se dérober. Lorsque les envoyés du Roi se présentèrent à Innspruck, au début de l'année 1502, pour recevoir l'investiture, ils apprirent que le roi des Romains l'accorderait, mais secrètement en sa chambre, à cause de la grande crierie que les Lombards expulsés lui faisaient. Maximilien, quoiqu'il eût appelé l'envoyé français, pour lui déclarer à plain ce qu'il avait dedans son estomach, louvoyait toujours ; aussi notre ambassadeur signalait à Georges d'Amboise les variabilités, changemens et instabilités de l'homme à qui havons à fayre. On se sépara en toute doulceur.

Seul Philippe le Beau continuait son rôle de courtier pacifique ; au mois de janvier 1503, il déclarait avoir charge et procuration expresse, pour traiter de la paix entre Louis XII et Ferdinand, et icelle jurer et accorder, comme il monstreroit par sa dite procuration signée du Roy et de la Reyne d'Espagne. Mais, cette fois, il demanda des otages, au grand étonnement du Roi, dont plusieurs y pencèrent ce qu'ils voulurent. L'accord reposait sur le double abandon à l'archiduc Charles et à Madame Claude des droits des deux souverains sur Naples. Il fut conclu à Lyon, le 5 avril 1503, et célébré par des feux de joie qui durèrent peu, car on apprit que Gonzalve refusait de le reconnaître, prétextant n'avoir aucunes lettres du roi d'Espagne.

Ainsi de plus en plus se croisaient les équivoques, où personne d'ailleurs n'était de bonne foi, puisque Louis XII lui-même, en même temps qu'il négociait le mariage de sa fille, protestait contre les conséquences possibles de cette union. Par une déclaration secrète, datée de Lyon, le 30 avril 1500, il avait proclamé nulle, comme contraire aux promesses faites au sacre, toute convention de mariage souscrite pour sa fille avec un autre que François d'Angoulême, seul héritier du trône, — comme descendant mêle de Charles V, — tant que Louis XII n'aurait pas de fils. Du reste, il ne promettait rien que d'aléatoire, puisque la naissance d'un fils de France pouvait mettre à néant les engagements vraiment redoutables qu'il avait pris. Mais quelle singulière politique, et combien significative, que celle qui fondait sur de pareilles incertitudes les destinées de grands États !

 

VI. — LES TRAITÉS DE BLOIS.

RASSURÉ sans doute par les réserves mentales du sacre, entraîné d'ailleurs par la reine Anne, dont le cardinal d'Amboise servait les desseins, Louis XII se donnait tout entier à la politique matrimoniale. A peine remis d'une maladie, si grave que plusieurs cuydèrent que de luy fust fait, il reprit le projet d'union de Claude avec Charles.

Le 10 juillet, Maximilien donnait pouvoir à ses ambassadeurs de traiter avec Louis XII sur toutes les querelles, oppositions d'intérêts, existant aussi bien sur terre que sur mer ; sur les questions relatives au duché de Milan et au projet de traité rédigé à Trente en 1501 ; même sur les affaires de Naples. Il se déclarait prêt à tout faire pour établir une amitié indissoluble entre lui, les souverains d'Espagne, l'archiduc Philippe et la France. Les traités, dits de Blois, furent signés avec lui, le 22 septembre. Premier traité : alliance indissoluble entre Maximilien, Louis XII et Philippe, qui ne seront qu'une âme dans trois corps. Investiture, sous trois mois, du duché de Milan pour Louis XII et ses descendants mâles ou à défaut de ceux-ci, pour Charles de Luxembourg et Madame Claude. Pas de paix séparée avec Ferdinand ou Frédéric de Naples, relativement à Naples, le roi de France se réservant d'agir sur ce point, d'accord avec Maximilien. Les alliés italiens de Louis XII sont compris dans le traité ; les électeurs de l'Empire en sont nommés conservateurs, et le roi d'Aragon est admis à y souscrire, à la condition de remettre à l'archiduc Philippe la garde du royaume de Naples, jusqu'au mariage du fils de celui-ci. Deuxième traité : mariage de Charles avec Claude ; la Bourgogne, Milan, Gênes, la Bretagne, les comtés d'Asti et de Blois sont assurés aux époux, si le Roi meurt sans héritiers mâles. Troisième traité (secret), où intervient le Pape : projet de ligue contre les Vénitiens, contre qui Louis XII et Maximilien étaient depuis longtemps irrités.

Quelque effort qu'on fasse pour tout comprendre en histoire, on n'arrive pas à s'expliquer par quelles raisons, en vue de quels profits matériels, le Roi avait consenti à signer de pareils engagements, et ses conseillers à y donner leur adhésion. On ne peut y voir que l'effet de la monomanie d'Anne de Bretagne et de la décrépitude maladive de Louis XII : aliéner non seulement les conquêtes italiennes, mais la Bretagne, mais la Bourgogne, et cela après que Charles VIII avait rendu ou cédé l'Artois, la Franche-Comté, le Roussillon ! Et que dire du rôle de Georges d'Amboise et de ceux qui, à cette occasion, continuent à accoler à son nom l'épithète de sage ministre ?

Il faut presque admettre que le fond des choses, c'était l'hostilité engagée depuis longtemps, bien que latente, entre Anne de Bretagne[18] et Louise d'Angoulême, mère de François[19]. Ces deux femmes, si différentes d'esprit et de mœurs, se détestaient. Anne devinait, avec son instinct féminin, que sa rivale escomptait l'avenir. Acharnée à obtenir un fils, toujours déçue dans ses espérances, malgré des grossesses répétées, elle était mise hors d'elle par la présence de ce jeune comte d'Angoulême, héritier présomptif du royaume. Le mariage de sa fille Claude avec lui ne la satisfaisait pas, d'abord parce que son austérité la mettait en garde contre l'éducation qu'il avait reçue, puis parce qu'elle sentait bien qu'après la mort de Louis XII, toute l'influence irait à la mère du nouveau roi, et que la Bretagne ne resterait pas sous le gouvernement de sa fille.

Après la signature des traités de Blois, elle poussa jusqu'au bout ses avantages. Autorisée à ratifier le mariage projeté, elle s'empressa de donner sa signature, le 4 octobre. Puis elle vint triompher à Paris, où elle fit pour la première fois son entrée solennelle. On joua sur son passage de nouvelles comédies..., en louant très haultement la magnificence du lys (France) et l'excellence de l'hermyne (Bretagne) ; on lui offrit une grande nef d'or du poids de 60 marcs ; les princes et la baronnye de France et de Bretagne se pressèrent autour d'elle. Mais ce triomphe fut suivi d'une dure désillusion ; il fallut annoncer, le 22 décembre, que la reine n'était pas grosse, comme elle l'avait cru un moment. Louise de Savoie pouvait encore nourrir des espérances pour son fils, qu'elle appelait son César.

Les traités de Blois venaient à peine d'être signés que la situation changea, et du même coup la politique française. La reine Isabelle de Castille mourut, le 26 novembre 1504. Or, elle laissait à son mari Ferdinand l'administration de la Castille, au détriment de sa fille Juans et de son gendre Philippe le Beau. Philippe se trouvait ainsi en pleine opposition d'intérêts avec son beau-père ; il prit immédiatement le titre de roi de Castille. La diplomatie française entreprit de profiter de ces circonstances, à la fois pour tirer des traités de Blois les quelques avantages qu'ils comportaient, et pour en diminuer les charges, plus tard même pour en rompre les engagements. Le Roi députa auprès de Maximilien Georges d'Amboise, bien accompagné d'évesques et autres seigneurs d'Églize et de gentilzhommes à grant nombre. Vingt-quatre archers de la garde portaient en leurs hoquetons, chacun 4.000 écus, envoyés pour le paiement de l'investiture du Milanais. Le 4 avril 1505, à Haguenau, Maximilien ratifia les conventions de Blois ; le 6, le cardinal prêta l'hommage et reçut l'investiture. Louis, en sa qualité de duc de Milan, s'engageait à être désormais fidèle et obéissant serviteur au Roi des Romains, son vrai Seigneur, à lui donner avis des complots tramés contre lui, à accomplir sans dol ni fraude tout ce à quoi est tenu un fidèle prince, vassal de Vous et de l'Empire. C'est toujours la survivance factice de la féodalité.

Pour un temps, Philippe le Beau, ce prince presque sans États effectifs, allait, ou peu s'en faut, dominer la politique de deux grands pays. Avec lui, fait significatif de l'histoire du XVIe siècle, on voit entrer en scène d'autres princes, dont les territoires tiennent une bien petite place sur la carte européenne : les souverains de Navarre, et des seigneurs remuants, dont on devine l'action à chaque instant : les La Mark de Sedan et les ducs de Gueldre. Les La Mark n'avaient pas cessé de s'étendre dans la Basse-Allemagne ou la Lorraine inférieure. Charles d'Egmont, duc de Gueldre, guerroya constamment contre Philippe ou Maximilien, tout en s'agrandissant vers l'évêché d'Utrecht, l'Overyssel, la Frise. Ces princes pouvaient servir utilement la France contre ses adversaires du Nord.

Les Albret[20] se trouvaient au Sud dans une situation analogue, entre la France et l'Espagne. Alain le Grand, chef de la Maison, avait pris une haute situation dans le Midi, par le mariage de son fils Jean avec Catherine de Foix, héritière de la Navarre, des comtés de Foix et de Bigorre, du Béarn, etc. Il avait sur son fils et sur sa bru une grande influence, et en réalité gouvernait sous leur nom. Mais lui et ses enfants avaient à redouter la France et l'Espagne, dont les frontières s'enchevêtraient partout dans les leurs, et à combattre les prétentions de la Maison collatérale des Foix-Nemours, représentée par Germaine et Gaston de Foix, neveux de Louis XII par leur mère Marie. Dans leur trouble et leurs inquiétudes, ils oscillaient sans cesse d'un pays à l'autre, suspects par là aux deux également. Ferdinand avait pris pied chez eux par une série de traités, en 1494, 1495, 1496, qui introduisaient ses garnisons dans un assez grand nombre de places fortes.

Après quelques ménagements, au début de son règne, Louis XII reprit, en 1503, la politique favorable à la branche de Nemours ; il recommença le procès pour le comté de Foix, au profit de Gaston. Il était poussé par sa femme, qui détestait Alain d'Albret. Aussi les Navarrais s'étaient-ils tournés de nouveau vers Ferdinand, et ils avaient signé avec lui, le 17 mars 1504, le traité de Medina del Campo, qui promettait à Isabelle, fille de Philippe le Beau, la main d'Henri, fils et héritier des souverains navarrais. Seulement, préoccupés de ne pas s'aliéner complètement la France, ils avaient demandé l'aveu de Louis XII, et celui-ci n'avait pas pu le refuser.

Louis XII, depuis qu'il avait obtenu l'investiture du Milanais, s'était fort refroidi à l'égard des princes autrichiens et, au contraire, s'était tourné de plus en plus vers Ferdinand. Le rapprochement, comme toujours, s'opéra par le moyen d'un mariage entre une princesse française et le roi d'Espagne, veuf depuis un an. Au refus de Louise de Savoie, à qui l'on avait songé, Germaine de Foix fut choisie ; l'union se conclut en octobre 1505. Dans ses efforts pour s'attacher des alliés, le roi de France s'était aussi abouché avec Henri VII ; là encore, des projets de mariage s'ébauchèrent, avec une variété de thèmes qui donne à la politique une singulière complexité. Louise de Savoie et sa fille Marguerite semblent avoir été concurremment ou successivement proposées, tantôt pour Henri VII, tantôt pour son fils, le futur Henri VIII. Marguerite se déroba ; elle disait que, quand son frère serait roi, elle trouverait bien josne, riche et noble mary, sans passer la mer.

Philippe le Beau, de son côté, poursuivait ses projets sur la Castille, et il cherchait à s'unir étroitement avec la Navarre. Cela déplaisait fort à Louis XII, qui faisait agir la Gueldre contre Philippe. Il réclamait l'exercice du droit de régale dans le comté de Flandre, en vertu de sa suzeraineté, il voulait une réparation pour des placards injurieux affichés, parait-il, contre la France. Ses envoyés parlaient très haut : Et protestons à l'encontre de vous des peines que pouvez avoir commises et encourues envers le Roi. Philippe reculait devant la guerre ; il accorda, en octobre, les réparations demandées, pour éviter la perdicion de ses royaumes.

 

VII. — LA RUPTURE DU MARIAGE FRANCO-AUTRICHIEN.

AU milieu de toutes ces combinaisons, le gouvernement français se crut assez fort pour rompre le mariage franco-autrichien. On y pensait depuis longtemps. Seulement il ne suffisait pas de rompre le mariage étranger ; il fallait engager définitivement Claude de France dans les liens de la seule union compatible avec l'intérêt national : le mariage avec François d'Angoulême. Louis XII s'y résignait, mais au début de l'année 1505, en avril, il était de nouveau tombé malade, tant que chascun pensoit qu'il en fust faict. D'Auton prétend qu'il chut en resverie, voulut avoir son épée, pour la bailler à sa fille, disant que tout autre mourroit s'il y touchoit. On doutait tellement de son état d'esprit qu'on lui remit simplement un bêton. Des processions demandèrent sa guérison ; le cardinal d'Amboise alla prier à Notre-Dame de Cléry ; La Trémoille fit un vœu à Notre-Dame de Liesse. Quant aux poètes à la solde du Roi, ils maudissaient ou invoquaient les divinités de la Fable : La Mort et son carquois armé de traits funestes ; Mars et sa gloire !

Au bruit qui courut un instant de la mort du Roi, aucunes des villes furent fermées et les chasteaulx gardés. Il se remit cependant et reprit l'exercice de sa vie, avec une sorte de puérilité maladive. Il passait son temps à voir tirer ses archers, et chevaucher ses chevaux.

Le Conseil Royal très probablement profita de ces circonstances, pour lui faire sentir la nécessité de régler les affaires du royaume, et, le 31 mai 1505, Louis rédigea son testament. Il ordonnait le mariage de sa fille Claude avec François d'Angoulême et enjoignait qu'il fût célébré le plus tôt possible, nonobstant les engagements pris avec Philippe le Beau pour le mariage avec Charles, dont le cardinal, légat apostolique, le dispensait deuement et légitimement. En cas de mort, il instituait Anne comme tutrice de François et de Claude, qui étaient mineurs, mais avec un conseil de régence et de gouvernement, où entraient, à côté de la Reine, Louise de Savoie, Georges d'Amboise, La Trémoille, Robertet. Il interdisait à sa fille Claude de sortir du royaume et lui laissait tous les biens particuliers de la Maison d'Orléans, y compris Blois, Gênes, Milan. Anne, en pleine irritation, quitta la cour. Le 3 juin, l'ambassadeur florentin écrivait : La Reine, depuis trois ou quatre jours, est partie pour la Bretagne : on dit que c'est pour accomplir certains vœux faits pendant la maladie du Roi. Elle ne sera de retour que dans trois ou quatre mois. Personne assurément ne se trompait à ce voyage, que l'accueil empressé des Bretons rendit encore plus significatif.

Le Roi, pendant ce temps, alla trouver au château d'Amboise Louise de Savoie et François, qu'il emmena avec lui à Tours. Puis, le Conseil se préoccupa de chercher des garanties pour l'exécution du testament. Les capitaines des gens d'armes prêtèrent serment par écrit en double expédition, sur la damnation de leur âme et leur part de paradis, de servir Claude et François sans nul excepter ici et hors du royaume. Le Cardinal se donnait sans réserve à la nouvelle politique. Philippe le Beau lui reprochait d'avoir bien merveilleusement et deshonnestement changié de vouloir envers lui. Mais Louis XII lui témoignait toute confiance : Considérant les grands services du cardinal d'Amboise, qui n'a espargné ni sa personne, ni ses biens, il lui confiait, par un acte du 8 octobre, la totale administration de la personne du duc de Valois jusqu'à sa majorité. Le 30 avril 1506, l'ambassadeur de Philippe le Beau en France écrivait que le bruit courait partout du prochain mariage de Claude avec François. Mais les conseillers du Roi pensèrent qu'il fallait se couvrir d'une grande manifestation nationale. Les Princes du sang, un grand nombre d'évêques et d'archevêques, de seigneurs et de barons, de délégués des Parlements, de membres des Conseils, furent appelés à Tours, avec des députés des bonnes villes et des universités. Ainsi se trouvèrent réunis les États de Tours.

Le 14 mai, ils se rassemblèrent devant le Roi ; les députés des villes et autres gens du Tiers se mirent à genoux, et la tête découverte. Puis un docteur de l'Université de Paris, Thomas Bricot, exposa les doutes, perplexités, inquiétudes des villes ; il déclara que le pays désirait ardemment voir conclure le mariage de François et de Claude, pour que les domaines royaux ou ducaux ne fussent pas démembrés. Alors les députés se jetèrent à terre, en pleurant tendrement. Le Chancelier répondit immédiatement que la chose était de grande importance. Le 16 mai, on avertit officiellement les États de la conclusion des fiançailles.

La cérémonie solennelle eut lieu le 21 : le Roi et la Reine se rendirent dans la salle de l'assemblée ; Madame Claude, qui avait sept ans, y fut apportée sur les bras de Madame de Foix ; puis le duc François, qui en avait douze, et les princes et barons prirent séance. Auprès d'eux, Mesdames de Bourbon (Anne de Beaujeu), d'Angoulême, et tant de suite de dames et demoiselles qu'il semblait que le royaume de Fémynie y fust arrivé. Devant tous, par la main de Monseigneur Georges, cardinal d'Amboise et légat de France, les fiançailles des deux enfants furent célébrées. Enfin le 22, on signa les conventions matrimoniales : l'union sera accomplie dès la puberté des époux ; la dot de Claude comprendra Blois, Asti, Coucy, Soissons, sauf usufruit du Roi, et retrait en cas de naissance d'un enfant mâle ; la Bretagne est cédée aussi aux futurs, mais la reine Anne en pourra disposer pour son fils, s'il en naît un. Le contrat, signé par le Roi, contresigné par tous les hauts personnages de France et de Bretagne, fut garanti par un serment des bonnes villes. On demanda même la ratification de Milan.

Pendant que des feux de joie, des joutes, des tournois témoignaient de l'allégresse publique, Anne estoit moult déplaisante de ce que se faisoit, Maximilien et Philippe bien plus encore. Louis XII avait eu soin de faire observer à leurs ambassadeurs, pour se délier des promesses faites à l'égard de Charles d'Autriche, que les roys de France, quand ils viennent à la couronne, font un serment sy fort et sy inviolable que tout ce qu'ils accordent ou promettent après n'est de nulle valeur, pour sy que ce soit chose qui puisse touchier le bien et utylité du royaume. Les ambassadeurs se bornèrent à répondre que c'estoit une merveilleuse nouvelle, veu les trettiés faits et passés, jurés et promys par le Roy, et ils recommandèrent à Philippe de bien conduire ses affaires avec son beau-père. Philippe, en effet, se réconcilia avec Ferdinand et l'annonça, non sans ironie, à Louis XII ; il conclut, d'autre part, dès le 6 juin un accord avec Robert de La Mark. Louis XII, de son côté, renouvelait ses alliances avec le Danemark, resserrait ses liens avec le duc de Gueldre et faisoit merveilleusement bonne chère à Ferdinand.

Pourtant il cherchait à éviter une rupture. Le 25 mai, il avait envoyé une ambassade à Maximilien ; elle avait pour chef M. de Rochechouart, assisté de Duprat comme principal orateur. A Ratisbonne, les délégués de Louis XII trouvèrent des représentants de Maximilien, qui leur donnait rendez-vous en Carinthie. Rochechouart refusa en alléguant l'éloignement ; ayant obtenu que l'audience eût lieu à Linz, il y arriva et resta plusieurs jours sans entendre parler de Maximilien. A Grœtz, où celui-ci avait promis ensuite de se trouver, l'ambassade demeura quatorze jours, sans ouïr nouvelles. Le Roi des Romains était occupé à combattre les Hongrois et à chasser au cerf Rochechouart fit savoir qu'il allait quitter l'Allemagne, sans dire sa charge. Une entrevue lui fut enfin accordée, à Leoben. Duprat y prononça une belle harangue en latin, suivie d'une conversation plus intime, mais sans résultat. Au contraire, Henri VII d'Angleterre avait reçu gracieusement Claude de Seyssel, envoyé auprès de lui en ambassade solennelle pour lui expliquer les raisons du mariage. Seyssel prononça un grand discours, qu'il a publié. Henri VII répondit qu'il approuvait les mesures prises sauf la hâte trop grande.

Un événement imprévu changea encore une fois la direction de la politique : Philippe le Beau mourut le 25 septembre 1506. Ses deux enfants, Charles et Ferdinand, étaient encore en bas âge. Louis XII se déclara très déplaisant de la mort du prince. Comme Ferdinand le Catholique avait à redouter les prétentions sur la Castille des Infants, soutenus par Maximilien, il garda l'alliance française, non cependant sans faire sentir qu'il avait les mains plus libres, depuis la mort de son gendre.

Mais Louis XII allait se trouver en face d'un adversaire nouveau et redoutable, lorsque Maximilien eut confié la tutelle du jeune Charles et l'administration des Pays-Bas à sa fille Marguerite, l'ancienne fiancée de Charles VIII. Marguerite n'avait pas de raison d'aimer la France, d'où lui étaient venues les humiliations de ses premières années. Intelligente, active, à la fois très souple et très décidée, elle savait très bien user du privilège de son sexe, qui faisait qu'on avait pour elle certains ménagements, qu'elle ne pratiquait pas à l'égard de ses adversaires masculins. Elle était femme, du reste, à se prendre au poil et au cheveu avec Georges d'Amboise, à user avec lui de flatteries aussi bien que de mauvaises paroles, somme toute à le duper. La correspondance très active qu'elle entretint avec son père montre qu'en gardant vis-à-vis de lui — pas toujours — les formes du respect filial ou de la déférence hiérarchique, elle le conseilla, le conduisit, le retint ou l'excita, suivant les circonstances. Entre autres moyens d'agir sur lui, elle en avait un qui réussissait toujours : lui prêter de l'argent ou lui en faire prêter par les Flamands.

Rien ne donne mieux l'idée de l'hostilité constante entre la maison d'Autriche et la France, ou des procédés de la diplomatie du temps, que la double action engagée par les deux souverains en Suisse. Admirable champ de négociations publiques ou cachées, que parieraient  sans cesse et dans tous les sens les ambassadeurs officiels, les envoyés secrets, les enrôleurs, tous ayant à la bouche de belles paroles pour adoucir Messieurs des Cantons, gens très rogues et très chatouilleux, et surtout l'argent à la main pour acheter-les consciences ou les soldats. Après la rupture des traités de Blois, Louis XII et Maximilien redoublèrent d'efforts auprès des Ligues. Le 13 février 1507, Louis XII entreprit d'obtenir une levée de 4.000 mercenaires ; il rencontra une vive résistance : on savait qu'il les destinait à coopérer à l'attaque de Gênes, qui venait de se révolter. Or, la ville était terre d'Empire, et les cantons n'avaient jamais conclu d'accord avec le roi de France que réservés les droits de l'Empire. Nos diplomates engagèrent isolément des soldats ; ils allèrent jusqu'à affirmer à la Diète que les forces suisses serviraient dans le Milanais, non ailleurs. Mais Maximilien, à son tour, s'adressa à la Confédération, et il fut solennel : Vous Confédérés, parents immédiats du Saint-Empire et de la nation allemande, voici que, par votre faute, le roi de France est sur le point de réussir dans ses desseins ! Il leur demandait de rappeler leurs troupes. La Confédération, ou plutôt les différents cantons, suivant leurs attaches et leurs sentiments, ne cessèrent pas de suspendre la marche de leurs soldats, de les autoriser à la reprendre, de les rappeler. Ces hésitations servirent les projets de Louis XII ; il promit double paie, et la plupart des mercenaires restèrent à son service et furent employés contre Gênes même.

 

VIII. — LA RÉVOLTE DE GÊNES ET L'ENTREVUE DE SAVONE.

LES affaires de Gênes attiraient l'attention de toute l'Europe et pouvaient avoir des conséquences graves pour la situation de la France dans le Milanais et en Italie. La ville, qui s'était redonnée à la France en 1499, mais où une rivalité ardente existait entre la noblesse et le peuple, avait tenté, dès 1506, une révolution intérieure, sous l'impulsion de la faction populaire. Les deux partis tout d'abord firent appel à Louis XII ; malheureusement Ravenstein, qui gouvernait Gênes au nom du Roi, se montrait fort hésitant. Louis XII plus tard lui reprocha de ne jamais lui avoir fait savoir exactement comment allait le fait de la cité. Ces maladresses et ces incertitudes firent croire aux Génois que le roi de France se sentait trop faible pour agir et, au lieu d'une lutte intestine, ce fut bientôt un mouvement d'indépendance dirigé contre la France. L'Italie s'émouvait ; plusieurs villes mutines, et mesmement de la duché de Milan, pençant que Gennes deust tout confondre, y envoyèrent soldats à grant nombre. II parait qu'à Milan, le lieutenant du Roi prit presque des mesures d'état de siège : défense de circuler avec des armes, de circuler la nuit. Les Génois élurent pour chef Paul de Novi et bientôt après se déclarèrent ouvertement contre le Roi, en février 1507.

 A ces nouvelles, Louis XII se mit en chemin, malgré la Reine, qui s'inquiétait de ce voyage. Georges d'Amboise, qui semblait l'homme indispensable et qui gardait toute la confiance du Roi, fut envoyé à Asti pour organiser les préparatifs. Mais Maximilien annonçait l'intention d'intervenir. Il faisait courir le bruit, et Jules II avec lui, que l'expédition avait pour but de conquérir l'Italie et de mettre le Saint-Siège à la discrétion du Roi. Louis répondit que jà ne s'arresteroit, mais iroit en armes, le plus tost qu'il pourroit, et s'il y avoit au monde homme qui se trouvast au devant de luy pour le vouloir empescher, qu'il lui donneroit la bataille. Pourtant il prit quelques précautions ; il adressa un héraut à Henri VII, qui l'assura de son amitié et approuva son désir de châtier les Génois. Il comptait sur Ferdinand, qui en effet envoya quatre galères.

Quatorze mille piétons, neuf cents hommes d'armes environ et une puissante artillerie avaient été rassemblés. Les routes du Dauphiné et de la Savoie étaient couvertes de jeunes gentilshommes, qui venaient servir sans gages, pensant qu'il y eust là mortelle bataille et honneur à acquérir. On se dirigea vers Gênes. Malgré la situation très forte de la ville, ceinte de montagnes ardues, tout céda devant l'entrain. des gens d'armes français, qui se firent fantassins pour la circonstance : La Palisse, Bayard au premier rang. Les Génois durent se rendre à discrétion, en avril 1507.

Le gouvernement royal s'empressa de répandre partout la bonne nouvelle. Lorsque le Pape reçut la lettre du Roi, écrite de Gènes, il resta, dit-on, trois jours enfermé dans ses appartements. Le roi d'Aragon et Gonzalve demeurèrent longtemps sans dire mot. En Allemagne, ce fut le même étonnement. et le même dépit. En effet Louis XII semblait maître de l'Italie, et l'on s'attendait à ce qu'il usât de sa victoire. Il n'en fit rien et il s'attacha à rassurer le Pape, toujours disposé à croire à des desseins de Georges d'Amboise sur la Papauté. Même Gènes ne fut pas traitée aussi durement qu'on pouvait s'y attendre. Après une entrée solennelle, suivant les habitudes de l'époque, on accorda, le II mai, un acte de rémission. Les Génois payèrent 20.000 écus. Puis Louis XII fit dans le Milanais un voyage triomphal.

A Milan, il reçut des ambassadeurs de Venise, empressée de faire sa cour, de Florence, demandant encore une fois l'aide de la France contre les Pisans, du pape Jules II, qui fit toutes les congratulations que ceulx de ceste nation-là ont bien accoustumé de faire aux princes qui ont la force entre leurs mains. Mais l'entrevue importante eut lieu à Savone, avec Ferdinand. Elle devait affirmer aux yeux de tous l'accord politique entre les deux rois. Pour mieux en marquer le caractère, Ferdinand refusa de s'arrêter à Ostie, où le Pape l'attendait. La question de Naples créait du reste, des difficultés avec les Souverains Pontifes, à cause des droits de suzeraineté qu'ils réclamaient. Dans une lettre postérieure, on voit le roi d'Aragon reprocher à son vice-roi à Naples de n'avoir pas fait arrêter et pendre un courrier pontifical, qui avait apporté une bulle attentatoire à ses droits.

Louis XII avait déclaré qu'il se préparait à recueillir joyeusement Ferdinand ; celui-ci venait avec la reine Germaine, plusieurs dames de la cour et environ quatorze cents gentilshommes. Le roi de France dut restreindre sa suite, Savone étant trop petite pour recevoir une grande foule. Au moment où Ferdinand débarquait, il alla au-devant de lui et les deux souverains s'embrassèrent assez longtemps ; galamment, Louis XII remit entre les mains de Ferdinand les clefs de Savone, que celui-ci s'empressa de lui rendre. Le lendemain, les deux souverains se virent dans l'intimité, puis assistèrent à une messe dite par le Légat. Un grand banquet fut ensuite donné — car les rites de ces cérémonies n'ont jamais varié, — où le roi d'Aragon occupa la place d'honneur, pendant que Louis XII avait auprès de lui la reine Germaine. Tout à côté d'eux s'assit Gonzalve de Cordoue, qui tenait grosse gravité. Un autre jour, les rois, après souper, allèrent dans un beau jardin en terrasse sur la mer. Louis XII et sa nièce Germaine s'assirent près d'une fenêtre qui donnait sur la rade et devisèrent longtemps, pendant que Ferdinand s'entretenait avec le cardinal d'Amboise et qu'autour d'eux, dans un tableau à la Véronèse, se promenaient les princes et les prélats les plus illustres. Malgré tout, il restait toujours une certaine tension. Les Français en voulurent particulièrement à la jeune reine d'Espagne, qui se montra hautaine, sèche, peu courtoise.

Durant ces quatre jours, on avait traité des questions sérieuses[21]. Une conversation diplomatique avait été tenue entre les deux souverains, puis le roi d'Aragon et le cardinal d'Amboise s'étaient retirés dans une chambre, où ils furent par l'espace de troys grosses heures ou plus. Une première clause, la seule que les faits aient alors divulguée, avait été arrêtée : Ferdinand accordait à Louis XII un secours de troupes auxiliaires. Cela indiquait au moins une entente contre Maximilien. Les contemporains crurent que l'entrevue avait préparé de grands événements ; elle n'avait fait que maintenir l'état de paix existant, sur la base du statu quo. C'était peu.

Et cela n'arrêtait pas Maximilien ; au mois de mai, la Diète s'était réunie à Constance. Le roi de France, s'écria-t-il, veut ravir la couronne impériale à la nation allemande ! J'ai l'intention de conduire une armée en Italie et d'y ceindre la couronne impériale ; ensuite je ferai tous mes efforts pour anéantir les espérances des Français et les chasser de l'Italie. J'en appelle à votre grandeur d'âme, à votre courage, vertus qui ont toujours été les qualités essentielles des Allemands. L'éloquence du Roi des Romains coula dans tous les cœurs comme de l'or fondu. Les princes promirent des troupes.

Maximilien espérait bien donner des affaires à Louis XII. Il négociait avec Venise, envoyait des agents en Suisse, mais les ambassadeurs français y répandaient l'argent dans les rues, les carrefours, les villages, les bains, les hôtelleries, les marchés. A ce prix, le Roi garda sa position, et les Suisses n'envoyèrent à son ennemi que leurs bannières, c'est-à-dire tout simplement le témoignage de leur fidélité envers l'Empire, mais d'une fidélité qui restait inactive.

Pourtant Maximilien passa en Italie. Au mois de février de l'année 1508, il prit à Trente le titre d'Empereur, sans être couronné par le Pape. Et comme la République de Venise avait refusé les propositions d'alliance qu'il lui avait adressées, il entreprit de da contraindre par la force à les accepter. Mais ses troupes furent becs et il regagna l'Allemagne. Il était à court de ressources, car il écrivait à Marguerite de faire porter à Metz 10.000 florins d'or : Nous avons déboursé tous nos deniers comptants, et nous conviendroit chercher argent dans nos pays d'Autriche, lequel ne viendrait sitôt. Marguerite savait bien que l'argent d'Autriche ne viendrait pas du tout. Le 6 juin, Maximilien signa une trêve avec Venise ; le 18, avec Louis XII. Puis en juillet, au milieu de préparatifs de guerre faits des deux côtés pour la forme, on entama les négociations qui devaient aboutir cinq mois plus tard au traité de Cambrai.

Quand on résume l'histoire des dix années écoulées depuis l'avènement de Louis XII, on constate la disproportion flagrante entre l'effort dépensé et les résultats obtenus. La politique royale débute par un succès vivement enlevé : le Milanais est conquis.- Mais les six années qui suivent ne sont guère marquées que par des fautes ou des échecs : alliance maladroite avec l'Espagne ; expédition contre Naples, heureuse tant qu'on n'a personne à combattre, mal conduite et désastreuse, dès qu'on a en face de soi un ennemi sérieux. Des desseins qui s'entremêlent et se contrecarrent sans cesse ; les armées, les hostilités à la merci, comme en 1503, de la mort d'un Pape et des ambitions d'un cardinal ; puis une énorme machinerie de diplomatie, des combinaisons de mariages royaux toujours en travail de réalisation ; un chassé-croisé continuel d'alliances entre l'Espagne, la France, l'Empire ; le hasard même semblant se mettre de la partie dans cette politique si livrée au hasard, et des morts inattendues de souverains venant dénouer un moment la politique, mais aussi l'engager dans de nouveaux nœuds. Enfin, pour les deux acteurs principaux, comme conclusion à ces efforts : à Maximilien la couronne impériale, à Louis XII l'investiture de Milan ; deux titres vides !

Ainsi donc ces années pourraient être retranchées de l'histoire, qu'elles ne font point avancer d'un pas. Est-ce à dire qu'on n'y trouve pas d'intérêt ? Tant s'en faut. Le spectacle de la diplomatie y vaut comme spectacle, c'est-à-dire comme manifestation des activités de l'époque. Les tentatives, même les maladresses montrent l'état de l'Europe en voie de se former, se remuant, dépensant un trop-plein de forces pour des desseins qui ne valent pas cet emploi. Mais, à bien juger les choses, c'est la politique qui est médiocre et non pas les événements. Ou plutôt les hommes de ce temps ont eu l'instinct de graves questions, qu'ils ont rapetissées à la mesure de leur insuffisance. Car, au travers des luttes polir le Milanais ou Naples, en réalité l'Autriche, l'Espagne et la France sont en présence ; le problème de l'équilibre entre ces nations se pose. La France sous Louis XII fait, avec toutes sortes d'inexpériences, l'apprentissage de la politique qu'elle suivra contre la Maison d'Autriche.

 

 

 



[1] SOURCES. Voir la bibliographie en tête de ce livre, et y ajouter Th. Godefroy, Histoire de Louis XII (contient des chroniques et quelques actes officiels), 1615. Chroniques de Louis XII par Jean d'Auton (publiées par R. de Maulde La Clavière pour la Société de l'Histoire de France, 4 vol., 1889-1890). Histoire du gentil seigneur de Bayart par le Loyal Serviteur (publiée par J. Roman pour la Société de l'Histoire de France, 1878). Lettres de Louis XII et du cardinal Georges d'Amboise... depuis 1504, jusques et y compris 1514, 4 vol., 1712. Négociations diplomatiques entre la France et l'Autriche, durant les trente premières années du XVIe siècle (publiées par Le Glay dans la Collection des Documents Inédits sur l'Histoire de France, 1845), t. I.

OUVRAGES GÉNÉRAUX. Il n'y a pas de bonne histoire complète du règne de Louis XII. De Maulde, dans son Histoire de Louis XII, dont il n'a publié que 6 volumes, a étudié seulement la jeunesse de Louis XII (Louis d'Orléans), et la Diplomatie au temps de Machiavel, 1889-1893. On peut consulter : Legendre, Vie du cardinal d'Amboise, 4 vol., 1725. A la fin, un certain nombre de pièces justificatives. Le Roux de Lincy, Vie de la reine Anne de Bretagne, femme des rois de France Charles VIII el Louis XII, 4 vol. 1860.

[2] Procédures politiques du règne de Louis XII (publiées par R. de Maulde dans la Collection des Documents inédits), 1885. De Maulde, Jeanne de France, duchesse d'Orléans et de Berry (1484-1505), 1888. De Maulde, Alexandre VI et le divorce de Louis XII (Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LVII, 1896).

[3] Voir les détails des enquêtes et des interrogatoires dans les Procédures politiques da règne de Louis XII.

[4] Voir pour tout ce paragraphe L.-G. Pélissier, Recherches dans les Archives italiennes, Louis XII et Ludovic Sforza (8 avril 1498-13 juillet 1500), 2 vol., 1896.

[5] Voir le chapitre III du livre III au volume précédent.

[6] Bêtes de somme.

[7] Ch. Kohler, La conquête du Tessin par les Suisses, Rev. histor., t. XLV, 1891.

[8] Pélissier, t. II, p. 329-341.

[9] Les ressources du Milanais étalent considérables. Le budget de 1510 constate un revenu de 715.000 livres, une dépense de 709.000 livres. Un très grand nombre de Français étaient pensionnés sur les revenus du duché.

[10] Une miniature d'un manuscrit de Jean d'Auton représente les Pisans arborant sur les murs de leur ville, au moment d'un assaut, les bannières de France.

[11] Le Roux de Lincy, Discours des cérémonies du mariage d'Anne de Foix avec Ladislas VI (Bibliothèque de l'École des Chartes, t. XXII, 1861).

[12] Mariéjol, Pierre Martyr d'Anghera, 1888 (thèse de Paris), p. 48 et suiv.

[13] Ch. de la Roncière, Histoire de la marine française, t. III, p. 37-59.

[14] Vite, très vite, aussi vite que possible.

[15] Voir surtout Jean d'Auton, Chroniques, t. I, II et III, et les notes de De Maulde.

[16] Jean d'Auton, Chroniques, et les notes de De Maulde.

[17] Ou plutôt comme Roi des Romains, car il ne prit le titre d'Empereur qu'en 1508.

[18] Voir de Maulde, Louise de Savoie et François Ier, 1895.

[19] On l'appelle tantôt Louise d'Angoulême, tantôt Louise de Savoie. A l'avènement de François elle sera aussi qualifiée de Madame.

[20] Luchaire, Alain le Grand, sire d'Albret (1471-1522), 1877. Boissonade, Histoire de la réunion de la Navarre à la Castille, 1893.

[21] Voir De Maulde, L'entrevue de Savone, Rev. d'histoire diplomatique, t. IV, 1890.