HISTOIRE DE FRANCE

TOME QUATRIÈME — CHARLES VII. LOUIS XI ET LES PREMIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1422-1492).

LIVRE II. — LA SOCIETÉ ET LA MONARCHIE À LA FIN DE LA GUERRE DE CENT ANS.

CHAPITRE VIII. — CHARLES VII ET LA SOCIÉTÉ LAÏQUE.

 

 

I. — CHARLES VII ET LES VILLES[1].

PENDANT l'invasion anglaise et les discordes entre Français, la vie politique s'était réveillée dans les villes. Les plus petites elles-mêmes eurent à prendre, à tout instant, les résolutions les plus graves. Au milieu d'une agitation et d'une inquiétude continuelles, c'étaient des assemblées, des levées d'impôts, des voyages de notables, envoyés au loin, à travers des pays infestés d'ennemis, pour négocier avec un capitaine, conférer avec d'autres cités, représenter la ville dans une réunion d'États. Il fallait, en un pays ruiné, pourvoir aux subsistances, entretenir les fortifications, répartir entre les citoyens la pesante charge du guet, sous la perpétuelle menace de l'arrivée des Écorcheurs ou des Anglais. Les soldats, à quelque parti qu'ils appartinssent, avaient si mauvaise réputation que l'on considérait comme une calamité la présence d'une garnison : on préférait se défendre soi-même. Dans bien des villes, le branle-bas de combat sonna souvent, donnant le signal d'un siège à soutenir, ou d'une sortie à faire, pour chasser les brigands de quelque forteresse voisine.

Les bonnes villes, c'est-à-dire les villes importantes soumises à l'autorité directe du roi ou à son influence, ne se contentèrent pas de se défendre : elles prirent, pendant le règne de Charles VII, une glorieuse part à la délivrance du sol. Outre une forte contribution aux impôts votés par les États, elles accordaient les dons d'argent que venaient leur demander les conseillers du roi ; elles fournissaient des vivres et des canons ; elles envoyaient à l'autre bout de la France leurs compagnies d'archers et d'arbalétriers, et, plus tard, leurs francs-archers. Un loyalisme monarchique très sincère animait cette Bourgeoisie des bonnes villes. Charles VII reconnut l'importance des services qu'elle lui rendit. Les cités qui ont conservé à peu près intégralement leurs vieilles archives, comme Lyon et Tournai, possèdent un nombre considérable de lettres de ce roi, où il les entretenait, sur un ton très amical, des événements récents, victoires, défaites, négociations. Enfin les villes qui s'étaient signalées par leur zèle obtenaient toutes sortes de faveurs.

Certaines villes acquirent pendant la guerre de Cent Ans des institutions de gouvernement autonome et des libertés qu'elles n'auraient certainement pas possédées autrement. Ainsi, au temps de Jean le Bon, Blois dut créer des impôts afin de réparer ses murs ; la commission des Quatre, instituée pour surveiller l'emploi de ces contributions, prit rapidement une telle importance qu'au xv siècle elle s'était emparée de tout le pouvoir exécutif : les Quatre étaient élus par l'assemblée des habitants, et recevaient d'elle l'ordre de lever tel impôt, de faire telle dépense, de passer tel contrat[2]. Cette assemblée des habitants n'en comprenait que la plus saine partie, c'est-à-dire les notables. C'est là, au reste, un fait général : partout, un très petit nombre de familles riches détiennent et exploitent la mairie, le consulat, l'échevinage, et, dans les villes où l'on a coutume de convoquer une assemblée populaire, les gros bourgeois s'y rendent seuls, ou du moins y ont seuls quelque autorité. La commune de Senlis avait été supprimée en 1320, sur la demande de la majorité des citoyens, qui se plaignaient de voir la municipalité aux mains d'une ploutocratie égoïste et concussionnaire ; au XVe siècle, Senlis était retombé sous le joug d'une oligarchie. L'assemblée générale des habitants se réunissait plusieurs fois par an dans la grande salle de l'hôtel de Ville, mais les notables, massés près du bureau où se tenaient les quatre attournés élus par la ville, décidaient de tout, aussi bien que dans les petites réunions particulières, très fréquentes, où ils étaient seuls convoqués. Les gens du commun restaient au fond de la salle et ne disaient mot : dans la séance du 26 décembre 1446, un d'eux, Jean Oudot, voulut remonstrer aucune chose pour le bien et proffict de la dicte ville ; invité à monter sur une chaise pour se faire mieux entendre, il se mit à balbutier, éperdu, descendit de sa chaise et s'en alla.

A la fin du règne de Charles VII, les villes ont recouvré leur tranquillité : elles n'aspirent plus qu'à la conserver, à relever leurs édifices abattus, à rétablir leur prospérité matérielle. Séduites par la douceur de vivre en paix, elles laissent les officiers royaux violer leurs privilèges et reprendre l'œuvre de centralisation monarchique interrompue par la guerre. À peine éclate-t-il çà et là quelque émeute à propos d'une imposition[3]. Les gens du roi affectent d'ailleurs de compatir à la détresse financière dont souffrent toutes les villes, et, sous ce prétexte, ils s'efforcent de leur enlever une des principales libertés dont elles jouissaient : conformément à une ordonnance de 1449, ils empêchent leurs magistrats de faire aucune levée de deniers non autorisée. Pour les besoins les plus urgente, comme l'entretien des fortifications, les municipalités doivent solliciter du roi le droit de se taxer ou demander une part des impôts payés par elles. Les progrès de l'autorité royale sont particulièrement sensibles dans le Midi, où les villes avaient conservé un plus vif esprit d'indépendance. En 1444, le roi proroge pour deux ans les pouvoirs des capitouls de Toulouse ; cette infraction à la liberté des électeurs provoque une telle agitation qu'on est obligé de les convoquer à la fin de 1445 pour le choix d'une nouvelle municipalité[4] ; mais le Parlement de Toulouse se charge de briser promptement les résistances : le 38 novembre 1458, il ordonne aux électeurs, sous peine d'une forte amende, de ne nommer capitouls que des gens notables. ; en peu de temps, il arrivera à gouverner lui-même Toulouse. Hors du domaine royal, une fois la guerre finie, certaines villes subissent la même déchéance politique, qu'elles aient affaire aux gens du roi[5], ou à ceux d'un puissant seigneur.

Les nécessités de la guerre avaient fortifié aussi l'autonomie des communautés de paroisse, rurales ou urbaines. C'était là qu'on élisait les collecteurs de la taille et le procureur chargé des affaires de la paroisse ; on y réglait les questions d'entretien de l'église, du presbytère, du pont, de l'hôpital ; on y vérifiait les dépenses faites par le procureur. Depuis le XIVe siècle, le budget des paroisses s'était démesurément alourdi. Il avait fallu subir les réquisitions militaires, payer les contributions de guerre, se débattre pour tacher d'obtenir un allègement de taille, soutenir même, à ce sujet, de longs procès contre les communautés voisines. Les assemblées de paroisses acquirent ainsi une stabilité qui dura : elles avaient une mission trop modeste pour porter ombrage aux gens du roi, et elles les débarrassaient de maints petits soucis administratifs, sans gêner leur autorité. Ce ne fut qu'à cette condition-là que les libertés acquises par les Français pendant la guerre de Cent Ans purent survivre au rétablissement de la paix.

 

II. — CHARLES VII ET LA NOBLESSE. LA PRAGUERIE. AFFAIRES D'ARMAGNAC ET D'ALENÇON[6].

À la fin de la guerre de Cent Ans, le domaine de la couronne ne comprend encore qu'une moitié du royaume[7]. Il se compose, il est vrai, de vastes territoires homogènes, qui, sur de longues étendues, sont en contact avec les frontières de la France : le Tournaisis, une partie de la Picardie, la Normandie, l'Île-de-France, la Champagne, le comté de Chartres, le Berry, la Touraine, le Poitou, la Saintonge et l'Aunis, une partie du Limousin, la Guyenne, le Languedoc. Mais le reste appartient à de grandes maisons féodales. Certaines de ces dynasties seigneuriales, — Bretagne, Foix, Armagnac, Albret, — sont très anciennes et veulent à tout prix conserver leur vieille indépendance. Les autres, issues de la maison capétienne, sont plus ou moins redoutables selon les dispositions particulières de leurs chefs. C'est la maison d'Orléans, la plus rapprochée du trône, qui est dotée des duchés d'Orléans et de Valois, des comtés de Blois, de Dunois, de Soissons et de Beaumont-sur-Oise ; — la maison de Bourgogne, qui possède en France la Bourgogne, l'Artois et la Flandre, et, hors de France, la Franche-Comté et les Pays-Bas, tandis que des cadets de la maison tiennent les comtés de Nevers et de Rethel, et le comté d'Étampes ; — la maison d'Anjou, qui. outre le duché d'Anjou et le comté du Maine, a, en dehors du royaume, le comté de Provence et l'héritage problématique des Deux Siciles, légués au duc René par son aventureux frère Louis III ; René d'Anjou a, de plus, recueilli en 1430 la succession de son oncle le duc de Bar et, en 1431, celle de son beau-père Charles II, duc de Lorraine ; — c'est la maison de Bourbon qui, après celle de Bourgogne, a les plus vastes fiefs du royaume, car elle possède les duchés de Bourbonnais et d'Auvergne, le comté de Forez, la seigneurie de Beaujeu et le comté de Clermont en Beauvaisis, et des branches cadettes ont les comtés de la Marche et de Castres, et le comté de Vendôme ; — c'est la maison d'Alençon, qui a le duché d'Alençon et le comté du Perche.

Tous ces grands vassaux ont une cour, une administration, établissent dans leurs domaines une organisation quasi monarchique[8]. Plusieurs ont une politique ambitieuse et compliquée, cherchent à s'agrandir par des négociations diplomatiques, des mariages, des guerres. Aucune constitution publique, bien entendu, ne fixe les droits respectifs de ces princes et du roi. Les vassaux sont plus ou moins indépendants selon les traditions, les traités (comme le traité d'Arras), les chartes de concession d'apanage[9], la situation géographique de leurs seigneuries, la force de résistance de chacun. Certains, comme les ducs de Bretagne et de Bourgogne, cherchent à éviter toute relation avec le roi ; d'autres, comme le comte de Foix, prétendent se servir de lui pour leurs desseins politiques, ou acceptent volontiers des charges bien rémunérées, des rentes, des cadeaux en terres et en argent : car la royauté est devenue déjà la grande dispensatrice de privilèges, de seigneuries et de pensions. Cette diversité de situation, d'intérêts et de politique, condamne les dynasties provinciales du XVe siècle, si puissantes qu'elles soient, à subir, sans pour voir les arrêter, les progrès lents et sûrs de la Monarchie[10].

La décadence du régime féodal se manifeste encore plus clairement par l'abaissement de la petite Noblesse. Propriétaires appauvris, qui passent leur temps à se disputer des héritages, à chicaner leurs tenanciers et leurs voisins, gentilshommes pourvus d'offices, parvenus anoblis par le roi, presque tous supportent sans mot dire les exigences du fisc, les empiétements du Parlement, des baillis et des sergents royaux. La haute aristocratie se fournit chez eux de pages et de domestiques ; mais ils ne forment point, pour la servir au besoin contre le roi, une clientèle dévouée, comme en Angleterre.

Pour toutes ces raisons, Charles VII n'eut pas à vaincre de grande ligue féodale. Le relèvement de la Monarchie provoqua des intrigues et des rebellions princières, selon une loi constante dans l'histoire de l'ancienne France : mais la plus grande partie de la Noblesse resta fidèle. Les coalitions tentées de 1437 à 1442 échouèrent. La fin du règne ne fut troublée que par des révoltes individuelles, qui privèrent, il est vrai, de toute tranquillité la vieillesse de Charles VII : il eut à réprimer des complots avec l'ennemi anglais, à préparer perpétuellement la guerre contre le duc de Bourgogne, à lutter contre son propre fils, et jusqu'à sa mort il sentit rôder autour de lui la trahison.

Les coalitions de 1437, de 1410 et de 1442, dont la plus dangereuse fut la Praguerie de 1440, eurent pour chefs quelques grands seigneurs, mécontents d'être écartés du Conseil et de n'avoir qu'une médiocre part aux largesses royales ; à leur tête furent Charles Pr, duc de Bourbon, et Jean II, duc d'Alençon. L'élégant et avantageux duc de Bourbon, le plus agile corps de France, un Absalon, un autre troyen Paris, voulait être le premier à la cour. Jean II d'Alençon, le gentil duc de la Pucelle, dépouillé de ses domaines normands par les conquêtes des Anglais, avait été ruiné par la rançon de 200.000 écus d'or qu'il avait dû leur payer après la bataille de Verneuil, et il estimait que la pension de 12000 livres dont le roi l'avait gratifié était une récompense dérisoire de ses services. Les deux ducs, après la conclusion du traité d'Arras (1435), formèrent une coterie très remuante ; le nouveau parti demandait la paix à tout prix avec l'Angleterre, et cherchait à éloigner de la cour le favori Charles d'Anjou, en même temps qu'à diminuer le crédit des conseillers de petite naissance, des méchants gens, et de méchant état, issus de petite lignée, qui gouvernaient le roi.

En 1437, ils attirèrent dans leur faction le duc de Bretagne, le cauteleux Jean V, tour à tour allié de Charles VII et de Henry VI ; — René d'Anjou lui-même, qui venait de sortir des prisons du duc de Bourgogne, et tenait rancune à son beau-frère Charles VII de n'avoir pas réussi à le délivrer au moment de la paix d'Arras[11] ; — enfin un des barons les plus puissants du Midi, Jean IV d'Armagnac. Il fut convenu qu'on enlèverait deux conseillers hostiles à la maison d'Armagnac, Christophe d'Harcourt et Martin Gouge, évêque de Clermont. Cette première tentative de Praguerie (avril 1437) fut déjouée par l'action rapide des gens du roi. Le duc de Bourbon dut s'humilier et demander son pardon.

Trois ans après, il recommença. Les mécontents ne manquaient pas : les capitaines d'Écorcheurs, inquiets de l'ordonnance de 1439 et des projets de réforme militaire, étaient des recrues toutes prêtes pour la révolte. Cette fois le duc de Bourbon parla d'enlever le gouvernement au roi et de donner la régence au jeune dauphin Louis. L'intrigue s'ourdit dans l'hiver de 1439-1440. Il ne fut pas difficile de gagner le dauphin, adolescent de seize ans, déjà affamé de pouvoir, et persuadé qu'il feroit très bien le proffict du royaume. Aux ducs de Bourbon, d'Alençon et de Bretagne, se joignirent le sire de La Trémoille, le vieux comte de Vendôme, l'Écorcheur Jean de La Roche, tous ceux qui enrageaient d'avoir perdu leur influence à la cour, ou qui rêvaient de s'y faire une place. Dunois lui-même, mécontent de voir Charles VII peu pressé de délivrer Charles d'Orléans, se prêta un instant aux manœuvres des conspirateurs. L'alliance du duc de Bretagne leur donnait cependant un caractère net de félonie : Jean V était rentré en relations avec les Anglais ; il leur offrit même des troupes, au mois de décembre 1439, pour défendre Avranches contre les Français.

Le Poitou, depuis longtemps agité par la lutte entre La Trémoille et Richemont, fut le centre de cette révolte, de cette Praguerie, comme on l'appela, en souvenir de la guerre civile qui venait d'ensanglanter la Bohème. Niort, qui appartenait au duc d'Alençon, fut le quartier général des rebelles. Encore une fois, les conseillers du roi l'emportèrent, grâce à leur prompte énergie et au loyalisme des bonnes villes : presque aucune n'abandonna le roi. Une campagne de deux mois, dirigée par Richemont et Charles VII, suffit pour soumettre le Poitou. Le duc d'Alençon, qui avait appelé vainement les Anglais à son aide, emmena le dauphin en Auvergne et essaya, sans succès, de soulever la Noblesse et les villes du pays. L'artillerie de Charles VII délogea les révoltés des forteresses qu'ils occupaient. Vainqueur, le roi n'écouta que les suggestions de sa faiblesse. Il permit à son fils de prendre le gouvernement du Dauphiné et amnistia tous les rebelles. Le duc de Bourbon reçut une grosse pension de 15.000 livres. La Trémoille fut chargé l'année suivante d'une mission diplomatique. Des rebelles continuèrent à piller la Saintonge et le Poitou.

Aussi, dès l'année 1441, les princes recommencèrent leurs intrigues et leurs négociations équivoques avec les Anglais. Les ducs de Bourgogne et d'Orléans s'unirent cette fois aux fauteurs de troubles. Philippe le Bon était irrité des pillages commis dans ses domaines par les Écorcheurs. Charles d'Orléans était rentré en France l'année précédente, vieilli avant l'âge, quinteux, aigri. Depuis Azincourt, de vingt et un à quarante-six ans, il avait vécu en captivité. Pour are libre, il avait oublié le passé, et consenti à se déclarer tout bourgongnon, de cueur, de corps et de puissance. Il avait laissé la duchesse de Bourgogne négocier sa délivrance, et les princes bourguignons payer le premier acompte de sa rançon : dès qu'il était arrivé en France, au mois de novembre 1440, il avait épousé Marie de Clèves, nièce de Philippe le Bon.

Il fut convenu entre les ligueurs qu'une grande assemblée aurait lieu à Nevers, pour délibérer sur les affaires publiques. Ces espèces d'États de la Noblesse se tinrent au début de l'année 1442. Les ducs de Bourgogne et d'Orléans, de Bourbon et d'Alençon, les comtes de Vendôme, d'Eu, de Nevers et de Montfort y assistaient. Très adroitement, les conseillers de Charles VII ne voulurent pas considérer cette assemblée comme un conciliabule de conspirateurs, et le roi s'y fit représenter par deux commissaires. Les princes, décontenancés, se contentèrent d'envoyer au roi un mémoire, où ils critiquaient, non sans justesse d'ailleurs, son gouvernement, attaquaient son entourage, et énuméraient leurs griefs particuliers. Le roi et ses conseillers ripostèrent par une longue réponse, modérée, très étudiée. Charles VII rappela discrètement que les actes des princes avaient augmenté les troubles et la misère, dont ils se plaignaient. Il promit de travailler au rétablissement de l'ordre et de la discipline militaire. Il promit surtout ses bons offices à chaque seigneur en particulier, et par là il désarma leurs rancunes. Le but visé par les ligueurs, qui était d'obtenir pour les princes du sang une part dans le gouvernement du royaume, ne fut pas atteint. Les conseillers de petite naissance, dont ils réclamaient le renvoi, prirent plus d'ascendant que jamais, et les États Généraux, dont ils affectaient de demander le concours, ne furent plus convoqués par Charles VII. Ce fut la dernière coalition nobiliaire du règne.

La plupart des grands vassaux vécurent désormais en bonne intelligence avec le roi, qui, d'ailleurs, acheta fort cher leur fidélité[12]. L'amitié de Charles d'Orléans fut particulièrement coûteuse : le duc obtint de Charles VII une pension de 18.000 livres et, pour acquitter ses engagements envers les Anglais, la levée d'une aide extraordinaire de 168.900 écus d'or ; le roi appuya même ses revendications touchant le comté d'Asti et le duché de Milan. Son frère cadet, Jean d'Orléans, tiré des mains des Anglais, non sans peine, en 1443, vécut paisiblement en son comté d'Angoulême, occupé de pratiques dévotes et d'œuvres de charité. L'illustre billard d'Orléans avait travaillé avec persévérance à la libération de ses deux frères : le duc Charles avait récompensé son dévouement en lui donnant le comté de Dunois, dès 1439. Dunois était le vrai chef de la maison d'Orléans, et, malgré quelques défaillances, il fut un des meilleurs serviteurs de Charles VII ; il entendait d'ailleurs être largement rémunéré de son zèle[13].

Charles VII gagna également par ses bienfaits René d'Anjou, qui, un instant, s'était laissé entraîner dans l'opposition. Le roi obtint de Philippe le Bon que la plus grande partie de la rançon de René ne fût pas payée, força le comte de Vaudemont à conclure un arrangement avec son rival, et prêta même de l'argent à ce dernier pour l'expédition malheureuse qu'il fit en Italie. René d'Anjou reconnut les faveurs royales par sa fidélité. À la lin du règne, d'ailleurs, il vivait à l'écart dans ses domaines, plus occupé d'art que de politique. Son frère Charles, auquel il avait donné le comté du Maine, resta un des membres les plus écoutés du Grand Conseil, jusqu'au jour où, comme on l'a vu, l'ascendant d'Agnès Sorel détermina de nouveaux changements à la cour.

François Ier, qui remplaça Jean V sur le trône de Bretagne (1442-1450), se rallia franchement au parti de Charles VII. Pierre II (1450-1457) se contenta, comme lui, de défendre contre les gens du roi l'indépendance du duché de Bretagne, qui était plutôt une principauté qu'un grand fief. Richemont, devenu duc à son tour en 1457, resta connétable de France, malgré l'avis des barons bretons : mais, sommé en 1458 de siéger parmi les pairs de France au procès du duc d'Alençon, il répondit qu'il ne devait obéissance au roi qu'en qualité de connétable : le duché n'avait jamais fait partie du royaume de France ; le duc n'était donc pas pair de France. La même année, il prêta le serment d'hommage, mais, comme ses prédécesseurs, refusa l'hommage lige. Charles VII prit en plaisanterie cette obstination revêche et dit en riant : C'est son fait, il sçait bien ce qu'il a à faire, on s'en doibt rapporter à luy. Le plus sage, en effet, était de ménager les Bretons, qui donnaient à la royauté tant de bons serviteurs.

Les trois maisons de Foix, d'Armagnac et d'Albret, à l'extrémité méridionale du royaume, n'étaient guère moins indépendantes. De tout temps, le roi de France, le rey fransés, avait été pour les grands barons du Midi un objet de défiance et d'aversion. Les deux plus puissants, le comte de Foix et le sire d'Albret, vécurent toutefois en assez bonne intelligence avec Charles VII, parce qu'ils estimèrent que c'était leur intérêt. Charles II d'Albret aida les Français à conquérir la Gascogne. On a vu comment le comte de Foix, Jean de Grailly (1412-1436), avait su exploiter la détresse du roi de Bourges. Son successeur Gaston IV (1436-1471) avait gardé pendant la Praguerie une neutralité équivoque. Peu après, le roi entra en contestation avec lui, parce qu'il n'ouvrait pas ses domaines aux agents du fisc et s'intitulait comte par la grâce de Dieu. Les conseillers de Charles VII regardaient cette formule comme une innovation blessante pour la majesté royale, bien qu'à la vérité elle fût très ancienne et n'eût pour origine qu'une idée pieuse. En homme avisé, Gaston IV céda sur ce point de forme, et résista aux prétentions royales en matière d'impôts. Ces démêlés n'eurent point de suite. À la fin du règne, nul grand vassal ne se prononça plus nettement contre les menées du dauphin Louis. Gaston IV avait besoin en effet de l'appui du roi de France pour la politique qu'il soutenait en Espagne. Il avait épousé Éléonore de Navarre, sœur de don Carlos, prince de Viane. Éléonore et Carlos étaient les enfants de Blanche, reine de Navarre, et de Jean d'Aragon. À la mort de Blanche, en 1441, la couronne de Navarre, qui aurait dû revenir à don Carlos, fut usurpée par Jean d'Aragon. Ce prince, pour se concilier l'amitié du puissant comte de Foix, signa avec lui à Barcelone, en 1455, un traité qui déshéritait le prince de Viane au profit de sa sœur Éléonore et de Gaston IV. Charles VII, en lutte contre son propre fils, se laissa persuader qu'il devait soutenir Jean d'Aragon, et il approuva le traité de Barcelone. Depuis lors, Gaston IV, confiant à sa femme le soin des affaires de Navarre, vécut presque constamment à la cour du roi de France, pour maintenir une faveur qui pouvait un jour lui être utile.

Les comtes d'Armagnac furent moins clairvoyants que les sires d'Albret et les comtes de Foix. Ils crurent pouvoir continuer le vieux jeu de bascule qui avait jadis réussi à leurs ancêtres : au roi de France redevenu puissant, Jean IV et après lui Jean V opposèrent des intrigues avec les Anglais. Il leur en coûta cher.

Depuis 1421, le frère de Jean de Grailly, Mathieu de Foix, gardait en captivité sa femme, la comtesse de Comminges. Le comte d'Armagnac, Jean IV, entreprit de délivrer la prisonnière : il espérait qu'une donation bien en règle le dédommagerait un jour de ses peines. Il créa une agitation dans le Comminges ; sur son conseil, les États du pays réclamèrent l'appui de Charles VIL Mathieu de Foix fut contraint par le roi de rendre la liberté à sa femme, mais il fut convenu qu'après la mort des deux époux le Comminges ferait retour à la couronne. Jean IV, déçu par cet accord, résolut de n'en tenir aucun compte. À la mort de la comtesse Marguerite, il mit la main sur les principales places du Comminges, alléguant une donation secrète de la défunte (1443). La même année, comme le roi exigeait, pour la première fois, que l'Armagnac contribuât aux impôts monarchiques, le comte déclara qu'il n'était pas vassal du roi de France ; il compara l'ancienneté de sa maison à la fortune encore jeune des Capétiens : sa famille, venue d'Espagne, disait-il, s'était établie en Armagnac à une époque où la dynastie royale n'avait pas encore de terres en cette région. Enfin Jean IV négociait avec les Anglais un mariage entre leur roi et une de ses filles : l'hiver précédent, un peintre de Henry VI était venu faire le portrait de la demoiselle.

Le dauphin Louis, chargé, au mois de décembre 1443, de châtier le rebelle, soumit très rapidement l'Armagnac, envoya Jean IV prisonnier au château de Lavaur, et prit possession de ses seigneuries. L'émotion fut grande dans le Midi. Le pacifique sire d'Albret se crut menacé et se mit à fabriquer force bombardes. Les sujets de Jean IV, pressurés par le dauphin, pillés par les Écorcheurs, s'exaspéraient déjà, et réclamaient à cor et à cri la libération de leur seigneur. Les conseillers du roi jugèrent prudent de ne pas les pousser à bout. Mais Jean dut s'humilier, confesser les crimes qu'il avait commis ou tolérés, assassinats, pillages, viols, attentats contre la majesté du roi, et promettre qu'il serait à l'avenir bon, loyal et obéissant sujet ; moyennant quoi, Charles VII lui rendit la plupart de ses domaines, tout en y maintenant des garnisons (1445).

Son fils Jean V lui succéda en 1450. C'était un petit homme, gros et rouge, de caractère violent et perfide. Comme il avait bien servi le roi en plusieurs campagnes, Charles VII lui restitua tous ses biens patrimoniaux et le combla de cadeaux ; mais, lorsque Mathieu de Foix mourut et que les commissaires du roi vinrent recevoir l'hommage des habitants du Comminges, Jean V publia une protestation et revendiqua l'héritage de la comtesse Marguerite (1454). On s'aperçut que rien n'était changé en Armagnac, que le nouveau comte persistait à se croire un souverain indépendant et qu'il entretenait des relations secrètes avec les Anglais. Le scandale de sa vie privée fournit l'occasion de le frapper : il avait pris pour maîtresse sa sœur Isabelle, et, après avoir eu d'elle trois enfants, il l'avait épousée.

En 1455, les armées royales conquirent les domaines du comte. Ajourné à comparaître devant le Parlement de Paris, Jean V fit défaut. Il fut condamné, le 13 mai 1460, au bannissement perpétuel et à la confiscation de ses biens, comme coupable d'inceste, de rébellion, de conspiration avec les Anglais. Les sergents royaux prirent possession de l'Armagnac, malgré la résistance des habitants, qui ne voulaient point de la domination royale.

L'histoire du duc d'Alençon Jean II ressemble presque trait pour trait à celle de Jean V d'Armagnac, qui était son beau-frère.

Il était facile aux Anglais de séduire un mécontent, dont les domaines étaient à leur merci. On a vu que, dès 1440, Jean II désirait s'entendre avec eux. Lorsque la Normandie eut été reconquise par Charles VII, le duc rentra à Alençon, mais il garda ses rancunes. Il refusa de laisser lever une aide royale dans son duché et continua ses intrigues occultes avec les Anglais, le dauphin, le duc de Bourgogne, tous les ennemis du roi. Il consultait les astrologues et les sorciers, et cherchait à se procurer une poudre merveilleuse, qui devait faire devenir tout sec Charles VII. Il amassait une artillerie formidable, étudiait les plans d'une nouvelle invasion de la France, se ménageait des intelligences dans les villes normandes, et, à partir de 1453, il adressa message sur message au duc d'York pour le presser de faire une double descente, en Cotentin et en Picardie. Un paysan, qu'il envoyait à Calais comme émissaire, eut peur et livra ses secrets aux gens du roi. Jean II fut arrêté, le 31 mai 1456, par Dunois.

Le duc d'Alençon fut jugé, sur sa demande, par la cour des Pairs. La session s'ouvrit à Vendôme, le 26 août 1458. L'accusé avoua son crime et fut condamné à mort ; mais le roi différa l'exécution jusques à son bon plaisir. Le duché d'Alençon fut annexé au domaine royal, et Jean II fut enfermé au château de Loches. Il y attendit l'avènement du dauphin Louis, son filleul et son complice.

 

III. — LE DAUPHIN[14].

LE dauphin Louis était né le 3 juillet 1423. Il eut pour précepteur Jean Majoris, chanoine de Reims, auteur de dissertations gallicanistes sur le pouvoir des papes et des Conciles. Jean Majoris reçut du vieux Gerson des instructions qui nous ont été conservées : il devait se servir de livres écrits en français, morigéner son élève en piquant son amour-propre plutôt qu'en le punissant, lui enseigner la clémence, l'humilité, lui inculquer l'idée de l'égalité entre tous les hommes, enfin l'habituer à la dévotion envers les saints. Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac et de la Marche, qui devint dans la suite gouverneur du dauphin, était aussi un chrétien accompli : quand ses serviteurs prenaient leur repas, il s'asseyait parmi eux et faisait lire la Bible. Louis XI a dû peut-être à ces deux hommes le dédain des préjugés aristocratiques et le goût de fréquenter les simples.

Louis vécut presque toutes ses premières années dans le triste château de Loches. Charles VII se contentait de l'aller visiter de temps en temps. Il pourvoyait d'ailleurs généreusement aux dépenses de son héritier ; en 1436, il lui constitua une maison et commença à l'emmener dans ses voyages et ses campagnes : mais nulle intimité ne s'établit entre le père et le fils. En 1439, Louis fut chargé de mettre le Languedoc en défense contre les Anglais, puis de réprimer les méfaits des brigands et les prévarications des officiers en Poitou. Au moment même où ces témoignages de confiance lui étaient donnés. il trahit son père et se laissa choisir pour chef de la Praguerie. Charles VII lui pardonna. On a vu que, dès l'année suivante, le dauphin prit une part active à la guerre contre les Anglais, et qu'en 1443 il eut mission d'écraser la rébellion du comte d'Armagnac. En 1444, il dirigea une expédition en Suisse.

A son retour, il trouva son père tombé sous la domination d'Agnès Sorel et des amis de la favorite. Il essaya de se concilier les bonnes grâces des nouveaux venus, fit des cadeaux à la maîtresse du roi et à Pierre de Brézé. Soins inutiles : Charles VII et ses conseillers ne voulurent laisser à l'ancien chef de la Praguerie aucune part de pouvoir, sachant bien qu'il n'était pas homme à se contenter de peu. Le dauphin en conçut contre eux une haine atroce.

Les derniers liens qui l'attachaient au roi se dénouèrent à la mort de la dauphine. Louis avait épousé en 1436, à treize ans, Marguerite d'Écosse, qui avait à peu près le même âge. Marguerite était une jeune femme maladive et douce, passionnée pour la poésie, passant des nuits à rimer.

C'est une estoille clere et fine,

Mise en ce monde à parement[15],

écrivait Martin Lefranc. Mais le dauphin avait l'âme la moins poétique du monde : il traitait durement sa femme, qui souffrait de certaines disgrâces physiques et ne pouvait avoir d'enfants. Elle mourut à vingt et un ans, au mois d'août 1445, et ses dernières paroles furent : Fi de la vie de ce monde ! Ne m'en parlez plus. Charles VII, qui aimait et choyait sa bru, la pleura. Louis resta insensible. La dernière personne qui eût voulu maintenir la paix en la fleur de lis avait disparu.

Dès 1446, Louis se mit en révolte. Il eut d'abord l'idée de se constituer une puissante seigneurie indépendante. Il s'occupait déjà, de loin, de l'administration du Dauphiné ; mais le pays était pauvre et ne lui suffisait pas : le dauphin avait, comme un paysan, la passion de la terre, la manie d'acquérir. Sachant que les Méridionaux supportaient impatiemment la taille des gens de guerre récemment établie, il résolut de s'emparer, par intrigue, de l'Agenais. Au mois de mai 1446, les villes du pays, à leur grand émoi, reçurent de lui un message par lequel il invitait la sénéchaussée d'Agenais à lui accorder un subside de 6.000 francs, et à se retirer de la main du roi, pour se donner entièrement à lui-même. Les envoyés du dauphin osèrent réunir de leur propre autorité les États d'Agenais ; ils furent comblés de prévenances, mais s'en retournèrent les mains vides.

Déçu de ce côté, Louis trama un complot pour forcer le roi et Pierre de Brézé à lui abandonner le gouvernement. Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, promit son concours pour 10.000 écus. Il s'agissait de se rendre maitre du château de Razilly, où logeait Charles VII, et de mettre la main sur Pierre de Brézé, de le tuer s'il le fallait. Mais Chabannes se retira du complot, qui avorta. Charles VII se montra bénin, comme toujours, et exila son fils en Dauphiné pour quelques mois. Le jeune homme partit au début de l'année 1447, en menaçant de sa vengeance ceux qui l'avaient jeté hors de sa maison. Son père ne devait plus le revoir.

Depuis un siècle que le Dauphiné appartenait au fils aîné du roi de France, ou, pour parler plus exactement, au roi de France et à son fils aîné, les membres du Conseil Delphinal et le gouverneur nommé par le roi étaient les véritables maîtres du pays ; le dauphin n'y paraissait que de temps en temps, pour recueillir des hommages et des subsides. Louis remercia le gouverneur Raoul de Gaucourt, donna son office à un comparse, et se réserva l'autorité tout entière. Il resta dix ans en Dauphiné et s'y conduisit en souverain indépendant. Sans cesse en voyage, il parcourait les immenses forêts qui couvraient alors cette contrée, pour chasser, mais aussi pour connaître sa principauté, s'arrêtant à chaque village, regardant tout, voyant tout, interrogeant, furetant, causant avec les paysans et les cabaretières, logeant ses souvenirs dans une mémoire merveilleusement précise, appliquant aux plus divers sujets sa vive intelligence.

Le Dauphiné, théoriquement attaché encore au Saint-Empire, était devenu une véritable province française. Son arrière-ban et ses milices avaient figuré à la bataille de Verneuil et au siège d'Orléans. Jeanne d'Arc y avait eu la même popularité qu'au cœur de la France. Le Conseil Delphinal avait servi avec loyauté les intérêts du roi, et les États avaient voté des subsides à Charles VII pour l'aider contre les Anglais. Restait à fixer les limites, encore contestées, de la domination française dans les Alpes, à imposer la suzeraineté royale à tous les seigneurs, à réformer les organes du pouvoir central, à réveiller les forces économiques et intellectuelles du pays : ce fut l'œuvre que le futur Louis XI accomplit, avec une activité vraiment admirable.

Dès 1446, Louis s'était fait reconnaître par le duc de Savoie la possession des comtés de Diois et de Valentinois, que le dernier comte avait légués à Charles VII. Arrivé en Dauphiné, il acheva de régler à son profit les litiges territoriaux que les ducs de Savoie avaient jusque là trouvé moyen de perpétuer. Les frontières du Dauphiné furent déterminées par une commission. Le Saint-Siège dut également, de gré ou de force, renoncer à plusieurs seigneuries, notamment à une part de la ville de Montélimar.

Thomas Basin, l'apologiste du régime féodal, nous dit que, jusque là, le Dauphiné était un jardin de délices. En effet, malgré les efforts du Conseil Delphinal, les seigneurs laïques et ecclésiastiques étaient à peu près indépendants. La guerre privée était autorisée par les Statuts. Les alleux, fort nombreux, jouissaient de l'exemption de tout impôt. En quelques années, Louis changea la face du pays.

Les nobles durent prêter serment de fidélité entre les mains du chancelier et servir le dauphin à toute réquisition, sous peine d'être traduits en justice. Les guerres privées furent interdites. Les alleux contribuèrent désormais aux subsides. Les puissants évêques de la région perdirent leurs antiques privilèges. Quelques prélats opposèrent au dauphin une résistance acharnée, qui se brisa contre une volonté de fer. La justice ecclésiastique fut partout attaquée, pour garder nos subgez des oppressions indues, disait Louis. Le vieil archevêque de Vienne fut obligé de partager avec le prince la juridiction temporelle de la cité et du comté. Le temporel des évêques de Gap et de Valence fut confisqué, jusqu'à ce qu'ils eussent admis la souveraineté du prince. L'évêque de Grenoble, qui, jusque là, ne reconnaissait pour sa seigneurie de Grenoble que la suzeraineté impériale, dut prêter l'hommage lige. Le chapitre de Saint-Barnard de Romans fut contraint aussi à l'hommage. Louis défendit aux ecclésiastiques de se rendre à la cour pontificale sans permission : le prieur de Montclar et le curé de Luzeran, qui allaient à Rome outre les desfenses derrenièrement faictes, furent arrêtés en route ; le chancelier de Dauphiné reçut l'ordre de les interroger et sçavoir pourquoy ils y alloient, et de faire la justice ainsy qu'il appartiendra. Le privilège des gens d'Église en matière d'impôts fut violé. Au contraire les villes furent comblées de faveurs. A condition que le Tiers État lui obéit et lui donnât de l'argent, Louis le traita avec la plus grande bienveillance. Ce sera la politique de toute sa vie.

Louis se montra administrateur méticuleux et tyrannique. Il constitua une Chancellerie, un Grand Conseil ; il érigea en 1453 le Conseil Delphinal de Grenoble en Parlement, à l'instar du Parlement royal de Paris. Il changea le ressort des bailliages et réforma le corps des notaires. Il surveilla étroitement les gens de finances, les officiers des monnaies et les changeurs. Malgré les subsides qu'il arrachait chaque année aux États de la province, les soucis d'argent le tenaillaient. Il put cependant créer une petite armée, formée de cinq compagnies d'ordonnance et de compagnies d'arbalétriers.

Le dauphin comprit très bien que le meilleur moyen de s'enrichir était d'enrichir le pays, dont les ressources étaient fort médiocres. Pour forcer les habitants à étendre les cultures, il frappa d'une imposition les blés venant de France. II fit ouvrir de nouvelles routes, institua des foires franches, introduisit dans sa principauté des industries nouvelles, attira les étrangers par des exemptions d'impôts.

Les Juifs, au siècle précédent, étaient nombreux en ce pays, particulièrement à Saint-Symphorien d'Ozon, à Vienne, à Grenoble et à Crémieu. Au milieu d'une population pauvre, ignorante, fort grossière, les communautés juives se distinguaient par leur activité, leur richesse, et une certaine culture intellectuelle. On leur empruntait de l'argent et on les haïssait : les États de Dauphiné réclamaient des persécutions. Le sage Charles V les avait défendues. Après sa mort, on se remit, comme jadis, à les pressurer. Un grand nombre de Juifs émigrèrent ; Crémieu fut ruinée du coup. Louis confirma les anciens privilèges de tous les Juifs du Dauphiné, les protégea contre l'improbité de leurs débiteurs et réduisit les droits qu'ils payaient jusqu'alors.

L'Université de Grenoble était mourante ; le dauphin, que la vie intellectuelle ne laissait pas indifférent, fonda une Université à Valence. L'étude du Droit y prospéra.

Si Louis s'était contenté de gouverner le Dauphiné à sa manière, Charles VII l'aurait sans doute laissé faire ; mais le dauphin persévérait dans ses universelles intrigues. Il voulait, disait-il, mettre ordre au fait du roi, qui gouvernait mal. Il essaya d'introduire ses créatures dans les hautes dignités du royaume, par exemple de faire parvenir au siège épiscopal de Châlons, qui donnait le titre de comte et pair, un des hommes les plus tarés de son entourage, Ambroise de Cambrai. Il entreprit de se créer des amis dans le Grand Conseil, envoya des cadeaux au chancelier, eut à la cour des agents secrets. Puis il était toujours en quête de nouveaux domaines. Il fit de vaines démarches pour avoir la seigneurie de la Normandie et celle de la Guyenne. En i448, il obtint la cession des droits que l'évêque d'Albi prétendait posséder sur la succession d'Auvergne. Il forma le dessein de se constituer une vaste principauté sur les deux versants des Alpes : dès 1446, il avait signé avec le duc de Savoie un traité secret qui lui ouvrait un passage dans les montagnes, pour la conquête de Gènes ; la même convention prévoyait un partage du Milanais entre le dauphin et le duc de Savoie. En 1451, Louis acheta aux Grimaldi la principauté de Monaco pour quinze mille écus d'or, que d'ailleurs il ne put payer. Il tenta de s'assurer, d'abord par la diplomatie, ensuite par une série de coups de main audacieux, une sorte de protectorat sur les États pontificaux de France.

La conquête de la Savoie devait être un des désirs de toute sa vie. Un instant, en 1447, il pensa profiter de la lutte entre le pape Nicolas V et l'antipape Félix V, ancien duc de Savoie : il obtint de Nicolas une bulle qui lui conférait le duché. Puis il fit volte-face, conclut une alliance avec le duc Louis, et lui demanda la main de sa fille Charlotte, avec une dot de 400.000 écus. Charles VII refusa son consentement ; le dauphin passa outre : le 14 février 1451, le contrat de mariage fut signé, et la dot fixée à 200.000 écus. Le roi d'armes de Charles VII, chargé de signifier au duc de Savoie la défense de célébrer le mariage, arriva à Chambéry le 8 mars, la veille du jour où devait s'accomplir la cérémonie : on fit si bien qu'on l'empêcha de voir ce jour-là le duc de Savoie ; le lendemain, comme il se rendait au château, il aperçut de loin le dauphin et la princesse Charlotte qui entraient dans la chapelle, revêtus de leurs habits de noces.

Alors Charles VII supprima la pension de son fils, leva une petite armée et prit le chemin du Midi (1452). Le dauphin, tout en se préparant à la guerre, envoya à son père ambassade sur ambassade : il réclama des garanties pour lui-même, sans faire aucune concession ; il refusa de réparer les torts qu'il avait faits au Clergé dauphinois, et d'éloigner ses amis, Jean de Lescun, bâtard d'Armagnac, le sire de Montauban, et surtout Aimar de Poisieux, surnommé Capdorat (Tête-dorée), et Jean de Guarguesalle, que Charles VII qualifia un jour de ribauds, traîtres et mauvais chiens, causes du détestable gouvernement du dauphin. Le traité d'alliance imposé par le roi au duc de Savoie (traité de Cleppé, 27 octobre 1452) ne brisa pas l'obstination de Louis. Il laissa Charles VII s'éloigner et, seize mois après, il ravagea horriblement la Bresse, pour punir son beau-père d'avoir signé une alliance avec le roi.

Louis contrecarra partout la politique de son père. Le traité secret de 1446 avait été conclu au mépris des visées de Charles VII sur Gênes, et de Charles d'Orléans sur Milan. L'usurpateur du duché de Milan, François Sforza, que Charles VII ne voulut pas reconnaître, devint l'ami très spécial du dauphin. Enfin Louis avait auprès de lui un agent du duc de Bourgogne, et il était en correspondance avec son parrain le duc d'Alençon et le comte d'Armagnac, deux traîtres. La politique royale subissait-elle un échec, il en témoignait tout haut sa satisfaction : lorsque les Français furent chassés de Gênes en 1447, mondit seigneur fut fort joyeulx et constata que le roy se gouvernoit si mal qu'on ne pouvoit pis.

La violence même de sa haine contre les conseillers de Charles VII lui faisait croire qu'il lui était impossible d'obtenir le pardon paternel. Il avoit pris une peur sauvage de son père. En 1456, à la nouvelle que Charles VII était venu s'établir en Bourbonnais, il se laissa persuader par ses familiers que sa vie était en danger, et résolut de demander asile à son bel oncle le duc de Bourgogne. Le 30 août, il s'enfuit secrètement, à cheval, et, après une course éperdue de six semaines, il arriva en Flandre, piteux, ébahi et dépourvu.

Charles VII espéra le ramener par la famine. Il pria Philippe le Bon de ne le point recevoir et défendit aux bonnes villes de l'héberger. Il se rendit en Dauphiné avec une imposante armée et, malgré les supplications des États, prit la province sous sa main. Cet acte d'autorité consommait définitivement l'annexion du Dauphiné à la France et au domaine royal : désormais le titre donné aux fils acnés des rois de France ne fut plus qu'un mot. L'empereur perdit toute autorité, à supposer qu'il en eût encore, sur cette portion du royaume d'Arles. Les habitants du pays se montrèrent peu satisfaits de ce coup d'état et il fallut. prendre des précautions militaires contre les bourgeois de Grenoble ; mais tous les possesseurs d'offices firent rapidement leur soumission, et beaucoup de nobles et de prélats virent avec plaisir s'écrouler la dure domination de l'héritier royal.

Philippe le Bon fut un hôte chevaleresque. Il écrivit au roi qu'il traiterait le dauphin avec honneur, ainsi qu'il convenait, et lui demanda de recevoir en sa grâce le fugitif et ses serviteurs. Charles VII refusa. Il consentait à pardonner à son fils, à lui assurer un apanage, mais voulait le forcer à renvoyer ses conseillers. Philippe le Bon donna au dauphin une pension de 36.000 livres et l'installa en Brabant, dans la pittoresque et giboyeuse terre de Genappe. C'est là que Louis attendit, avec une féroce impatience, la mort de son père.

 

IV. — LE DUC DE BOURGOGNE[16].

PHILIPPE LE BON s'intitulait dans ses actes duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant et de Limbourg, comte de Flandre, d'Artois et de Bourgogne, palatin de Hainaut, de Hollande, de Zélande et de Namur, marquis du Saint Empire, seigneur de Frite, de Salins et de Malines. Il avait presque doublé son patrimoine : par achat — il acquit le comté de Namur et le duché de Luxembourg ; par héritage — il hérita de son cousin les duchés de Brabant et de Limbourg ; par violence — il déposséda Jacqueline de Hainaut, qui dut lui abandonner, en 1433, le Hainaut, la Hollande, la Zélande et la Frise. Il obtint de son allié le duc de Bedford de nouveaux domaines français, que Charles VII lui confirma plus tard. Enfin il reçut du même roi les villes de la Somme. Les principautés ecclésiastiques de Cambrai, d'Utrecht et de Liège n'échappèrent pas à son influence : son frère naturel devint évêque de Cambrai ; son bâtard David fut évêque d'Utrecht, et son neveu, Louis de Bourbon, évêque de Liège.

Cet heureux prince fut, pendant les quinze premières années du règne de Charles VII, bien plus puissant que le roi de France. Son alliance fut disputée par Henry VI et Charles VII et, à la fin de sa vie, il restait encore à Paris plus populaire que le roi. Ce n'était pas qu'il fût un bien profond politique. La lourde besogne de gouverner tant de peuples divers, et souvent turbulents, demandait un prince calme et laborieux, attaché à ses devoirs. Philippe le Bon était un homme haut et droit de venure, joyeux d'esprit et viste de corps, mais souvent assez fiévreux. Comme ses ancêtres, il avait des colères terribles, qui le rendaient à demi fou. Ce prince orgueilleux et frivole aima surtout le luxe, les arts et les femmes. Il travaillait peu, et les succès de sa politique furent l'effet des circonstances ou le fruit de la sagesse de ses conseillers. Il était néanmoins fort ambitieux, comme tous les princes de sa race, et il avait une haute idée de sa puissance et des destinées de sa dynastie. Il s'intitulait duc par la grâce de Dieu, et la Noblesse qui l'entourait n'était qu'une brillante domesticité, éloignée de lui par d'infranchissables degrés. Au moment de son avènement, Chastellain prétend que les courtisans disoient, l'un par pensée, l'autre entre les dents, le mot que dit la femme à Jésus-Christ : Benoit soit le ventre qui te porta et la mammelle qui te alaita ! Avec toi voulons vivre et mourir : tu es homme de Dieu. La cour de Philippe le Bon était, comme on l'a vu, le paradis de la chevalerie, mais il n'aimait la société des nobles qu'à condition d'y être traité en maître. L'ordre de la Toison d'Or, qu'il fonda en 1430, sous prétexte de maintenir les traditions chevaleresques, ne fut en réalité pour lui qu'un moyen de s'attacher plus étroitement cette docile Noblesse, de récompenser, par la collation de l'ordre, les serviteurs dévoués, de châtier, par l'exclusion, ceux dont la fidélité chancelait, et d'enrôler toute une clientèle de princes étrangers.

Le gouvernement des ducs de Bourgogne était d'ailleurs un gouvernement de légistes. Les nouvelles Universités fondées à Dôle (1422) et à Louvain (1425) achevèrent de fournir à la dynastie ducale un personnel de conseillers et de gens de loi, qui travaillèrent à l'établissement d'une administration centralisatrice, organisée sur le modèle des institutions royales. Les quatre chambres des comptes de Dijon, de Lille, de Bruxelles et de La Haye se partagèrent la gestion financière. À mesure qu'une nouvelle province était annexée, elle recevait un Conseil de justice dont les attributions étaient calquées sur celles du Conseil de Dijon. L'organe central était le Grand Conseil, qui exerçait une surveillance effective sur l'administration de toutes les provinces bourguignonnes et s'efforçait même d'attirer les appels judiciaires, au détriment du Parlement de Paris ; quelques-uns de ses membres partageaient avec le receveur général la haute direction des finances. L'armée, qui échappait à la compétence des gens de robe, resta seule arriérée et informe jusqu'au règne de Charles le Téméraire.

Ce gouvernement tout monarchique, au service d'un prince prodigue et mégalomane, fut dur et pesant au peuple. À la fin de sa vie, Philippe en fit l'aveu : Hélas ! si mon bon peuple m'ayme, c'est de son bien, non de mon mérir (mérite), car je l'ay durement traité et mal gouverné[17]. Il prenait prétexte de toutes les occasions pour lever des subsides extraordinaires, et il avait des officiers affamés, qui engloutissoient tout.

Il négligea les deux Bourgognes : il y vécut peu ; il les laissa ravager par les Écorcheurs, et, s'il convoqua régulièrement les États du duché et de la Franche-Comté, ce fut pour leur demander de lourds sacrifices. Il séjourna de préférence dans ses villes de Flandre et de Brabant, à Bruges, à Bruxelles. Il savait bien que là était la source de son opulence, et il fit quelques efforts pour développer la prospérité des Flandres[18]. Mais, au fond, il ne pouvait avoir que du mépris pour cette population de tisserands et de drapiers. Les langues germaniques lui paraissaient des idiomes incongrus, et il n'en tolérait pas l'usage autour de lui. Chastellain, un homme du Nord pourtant, se moquait des Frisons, qui n'entendoient françois ne que bestes brutes. Fortement appuyé par la Noblesse et le Clergé des Pays-Bas, Philippe le Bon voulut faire prévaloir son autorité sur les vieux usages locaux. Il respecta les franchises des villes, mais il remit en vigueur tous les droits que lui conférait sa prérogative de prince, notamment pour la nomination des magistrats municipaux. De plus, le droit coutumier fut attaqué par les légistes, qui remplissaient le Grand Conseil et les bailliages.

Ainsi, au XVe siècle, dans les Pays-Bas comme ailleurs, le système politique nouveau, l'idée monarchique, l'emportait sur les traditions particularistes du moyen âge. Le triomphe de la puissance ducale ne fut d'ailleurs point pacifique dans tout l'État bourguignon : en Flandre, la résistance fut très vive ; le peuple y montrait un extrême attachement aux traditions, alors même qu'elles étaient notoirement injustes[19]. Les grandes villes, habituées à se gouverner elles-mêmes et à ne tenir aucun compte des droits du prince, prétendirent s'opposer par la force aux exigences de Philippe le Bon, même lorsqu'elles étaient légitimes. Le héraut Berry, dans sa Géographie, nous dit que ces grands mangeurs de chairs, de poissons, de laict, et de beures étaient gens périlleux ; et en effet ces Flamands lourds et bourrus, attachés jusqu'à la mort aux privilèges qu'ils avaient conquis, haïrent parfois le bon duc d'une haine mortelle. Mais le même esprit de particularisme qui inspirait leurs révoltes les empêchait de s'unir. Les grandes villes se jalousaient entre elles et tenaient les petites en esclavage. Partout, des querelles interminables mettaient aux prises l'aristocratie bourgeoise et la démocratie des métiers, foule prompte à l'émeute, qui, depuis les révolutions du XIVe siècle, avait une part dans le gouvernement urbain. Les patriciens, toujours menacés d'un soulèvement populaire, où leur tête serait en jeu, se tournaient peu à peu vers le prince, seul protecteur possible.

La révolte de Gand fut de toutes la plus furieuse[20]. Philippe le Bon la provoqua en voulant remplacer les anciens impôts par une gabelle sur le sel. Une guerre implacable commença au printemps de 1452. Tous les vassaux de Philippe le Bon, et des chevaliers venus du fond de la France, accoururent pour châtier cette canaille, qui point ne recongnoit de Dieu en ciel, ni de prince en terre. Les Gantois furent abandonnés par les villes de Flandre ; mais ils étaient nombreux et braves, et les paysans de la région combattirent pour eux. Plusieurs batailles rangées ne découragèrent pas les rebelles. Allons, disaient-ils, allons à Philippin aux grandes jambes ! Enfin, le 23 juillet 1453, les Gantois, faisant une sortie en masse, furent exterminés près de Gavre : treize mille cadavres jonchèrent la plaine.

Philippe le Bon, si avide de jouir de la vie, ne fut jamais tranquille. Il eut de longs démêlés avec les bourgeois d'Utrecht et de Liège, et sa politique en Allemagne, ainsi que ses projets de croisade, entra1nèrent des complications infinies. C'est pourquoi il ne déclara point la guerre à Charles VII, lorsque les gens du roi entreprirent de réviser sous main le traité d'Arras.

Charles VII n'avait aucune inimitié personnelle contre son cousin Philippe le Bon ; mais il avait assez vivement senti l'injure qu'on lui avait infligée à Arras, et les derniers représentants du parti armagnac qui l'entouraient avaient encore moins que lui oublié l'affront. Cette fameuse paix de 1435, qui avait tant flatté l'orgueil du fils de Jean sans Peur, fut, dans l'histoire des ducs de Bourgogne, la préface de leur ruine. Elle n'apaisa nullement les vieilles haines : à la fin du règne de Charles VII, un Bourguignon ne pouvait voyager en France sans être insulté ; on voit dans les registres de l'officialité de Rouen que les mots traître bourguignon étaient considérés comme une injure sanglante.

Philippe le Bon ne put jamais obtenir les satisfactions morales qu'on lui avait promises : les meurtriers de Jean sans Peur ne furent pas punis : les fondations pieuses, par lesquelles devait se manifester le repentir de Charles VII, ne furent jamais faites. Avec une mauvaise foi non moins évidente, le roi essaya, en 1452, de rentrer en possession des villes de la Somme. sans bourse délier, en s'appuyant sur d'anciennes conventions, qui avaient perdu tonie valeur. Cette supercherie n'eut d'ailleurs aucun succès. À défaut d'une restitution pure et simple des terres abandonnées au duc de Bourgogne en 1435, les officiers du roi prétendirent les astreindre à l'impôt royal, et supposèrent aux levées de deniers entreprises par les agents ducaux. Ils ne respectèrent pas davantage les privilèges fiscaux que le traité d'Arras reconnaissait au duc dans la Bourgogne proprement dite : ils essayèrent d'y percevoir des taxes sur les denrées, au moins dans la région voisine du domaine royal. Ils soutenaient que Philippe le Bon n'avait pas le droit de battre monnaie à Dijon, ni d'établir de nouveaux péages, ni de donner, comme le roi, des lettres de rémission et d'anoblissement. Lorsque les compagnies d'ordonnance furent instituées, les agents royaux osèrent lever des hommes d'armes dans les domaines de Philippe. Aucune de ces tentatives n'avait de succès durable, mais elles entretenaient une perpétuelle exaspération parmi les conseillers et les officiers ducaux.

Les conflits de juridiction étaient plus fréquents et plus aigus encore. Les baillis royaux essayaient d'attirer à leur tribunal les procès des villages bourguignons situés près de la frontière. Le Parlement de Paris maintenait opiniâtrement son droit de juridiction suprême sur les domaines ducaux compris dans le royaume. Il recevait fréquemment des appels de la Flandre française. Il en recevait même de la Flandre impériale. Il osa ajourner le duc lui-même, bien que le traité d'Arras l'eût personnellement affranchi de la suzeraineté de Charles VII : en 1445, comme Philippe le Bon présidait le chapitre de la Toison d'Or, au milieu de fêtes splendides, un huissier du Parlement se glissa dans la salle et vint, bien honnêtement et humblement, présenter, au nom d'un chef d'Écorcheurs qui s'appelait Dimanche de Court, un exploit ajournant le duc de Bourgogne à comparaître en personne devant la Cour ; et c'était, remarque Chastellain, comme s'il avait dit au prince : Vecy le flayel de vostre extollation fière que vous avez prise[21], qui vous vient corriger droit cy et pincer, et vous monstrer ce que vous estes.

Les Bourguignons ne se souciaient en aucune façon de subir la domination et les exigences fiscales du roi des Armagnacs ; mais les Flamands, qui ne craignaient pas le roi, avaient intérêt à se souvenir que leur comté était un fief de la couronne de France. Charles VII n'eut garde, en 1450, de repousser les Gantois, quand ils se placèrent sous sa protection. Lorsque la guerre de Gavre éclata, il envoya successivement deux ambassades chargées d'une mission conciliatrice. Ces tentatives d'intervention royale en Flandre mettaient Philippe le Bon en fureur.

Charles VII avait, de son côté, de sérieux griefs contre le duc de Bourgogne. Philippe le Bon ne lui avait été d'aucun secours dans la lutte contre les Anglais : préoccupé des intérêts économiques des Pays-Bas, que compromettait sa rupture avec Henry VI, il n'avait cherché qu'à renouer des relations avec ses anciens alliés ; voyant que la paix générale était impossible, il avait signé en 1439 un traité de commerce avec les Anglais. Enfin, pour se garantir contre la mauvaise humeur du roi, il se créait une clientèle parmi les princes mécontents : le duc de Bourbon était son intime ami, et, dès le temps de la Praguerie, Philippe entretenait une correspondance secrète avec le dauphin ; au même moment, il gagnait l'amitié de Charles d'Orléans en l'aidant à payer sa rançon, et il l'attirait dans l'ordre de la Toison d'Or, ainsi que les ducs de Bretagne et d'Alençon, et Mathieu de Comminges.

Ces perpétuels dételés entre le roi et le duc de Bourgogne donnaient lieu à d'interminables négociations, qui avaient du moins le mérite d'amortir les heurts. La guerre faillit cependant éclater en 1314, lorsque les Écorcheurs apparurent de tous les côtés dans les domaines ducaux et les ravagèrent avec fureur. Les routiers armagnacs jetaient par terre les panonceaux aux armes de Philippe le Bon, torturaient les paysans, dansaient sur le ventre des traîtres bourguignons en leur criant d'aller chercher leur duc. La rupture imminente fut conjurée par des conférences tenues à Bruxelles.

L'accueil fait par le duc au dauphin révolté raviva les rancunes. Philippe, en croyant se procurer un nouvel allié, s'était d'ailleurs trompé. Lorsque les ambassadeurs bourguignons vinrent expliquer au roi que leur maître n'avait pu refuser l'hospitalité au dauphin, Charles VII les congédia avec des paroles prophétiques : Dites à votre maître que tel n'ide faire son profit, qui fait grandement son dommage. On en fit plus tard un mot historique : Mon cousin de Bourgogne nourrit le renard qui mangera ses poules. Charles VII avait vu juste. Absorbé en apparence par une vie de plaisirs. Louis observait les faiblesses de cette domination qu'il comptait prochainement abattre. Il fut le parrain de Marie de Bourgogne. tille du jeune comte de Charolais : un jour devait venir où il lutterait avec acharnement pour enlever à sa filleule l'héritage paternel.

Si nous avons monseigneur le dauphin cy ens ici, disaient les fidèles de Philippe le Bon, quel bien nous en est ? Onque, puis que ey ens entra, paix ne nous fut, ne biens ne nous vint, fors tousjours querelles et contentions entre le rov et monseigneur. Dès que la fuite du dauphin avait été connue, en effet, le Conseil du roi avait agité la question de la guerre, et, à maintes reprises, de. préparatifs d'expédition. des coups de main firent croire que la rupture était accomplie. Mais Charles VII inclinait vers la paix. Philippe le Bon, de son côté, se faisait vieux, et d'ailleurs les alliances conclues par son rival dans toute l'Europe, la belle organisation de l'armée royale, à laquelle il ne pouvait opposer que des troupes d'une solidité douteuse, lui donnaient à réfléchir.

Pourtant il était exaspéré de l'audace des gens du Parlement, et il ne cessait de se plaindre d'eux auprès du roi. Le 13 avril 1458, un huissier du Parlement alla à Gand, où le duc venait de faire une entrée triomphale, et l'ajourna à comparaître le 1 juin à Montargis, pour siéger au procès du duc d'Alençon, parmi les pairs de France. On comptait dénoncer, en sa présence même, ses relations avec les ennemis du roi. Le duc, s'appuyant sur le texte du traité d'Arras, refusa de se déranger, et sa colère contre les gens du Parlement s'exhala en termes véhéments : Quant est au roy, je ne me plaings point de lui, s'écria-t-il, et est mon espoir en lui de tout bien ; mais de vous autres, ceux du Parlement, je me plaings à Dieu et au monde des injures et rudesses que vous m'avez fait et faites tous les jours, et prie à Dieu qu'il me doint tant vivre que j'en puisse prendre vengeance à l'appétit de mon cœur. Trois ans après, il dut cependant subir encore l'intervention de la cour suprême : nous avons dit comment le Parlement termina l'affaire des Vaudois d'Arras.

A ce moment, les préparatifs de guerre se poursuivaient activement de part et d'autre. Les dissensions qui avaient éclaté à la cour de Bourgogne faisaient la partie belle au roi de France : Charles le Téméraire, comte de Charolais, s'était brouillé avec les Croy, favoris de son père, et il avait entamé des négociations avec Charles VII. Dès le mois de juillet 1460, le Conseil du roi avait émis l'opinion que, vu les désobéissances du duc de Bourgogne, il y avait lieu de procéder contre lui par la voie des armes. La mort de Charles VII empêcha la guerre.

L'orgueil de Philippe le Bon aurait été satisfait et vengé s'il était devenu roi, comme il le désirait, pour ses possessions en terre d'Empire. Alors il aurait été l'égal de Charles VII. On va voir comment celui-ci, pendant les vingt dernières années de son règne, contrecarra les ambitions de son puissant cousin.

 

 

 



[1] SOURCES. Les publications de documents municipaux de la fin du moyen âge sont nombreuses depuis quelques années. On consultera surtout : Journal de Jehan Denis, bourgeois de Mâcon, publié par Canal, Documents inédits pour servir à l'histoire de Bourgogne, 1863. Roserot, Le plus ancien registre du Conseil de Ville de Troyes, Collection de documents publiée par la Société académique de l'Aube, t. III. De La Grange, Extraits des registres de Tournai, 1893. Breuils, Comptes des consuls de Montréal-du-Gers, 2e fasc., 1896. Grave, Archives municipales de Mantes, Bulletin historique et philologique, 1896.

OUVRAGES À CONSULTER. Les histoires de villes sont très nombreuses, mais la plupart sont peu satisfaisantes. Flammermont, Institutions municipales de Senlis, 1882 ; Lille au moyen âge, 1888. Soyer, La Communauté des habitants de Blois, 1894. Bardon, Histoire d'Alais, 2e partie, 1896. C. Rossignol, Histoire de Beaune, 1854. De Calonne, Histoire d'Amiens, t. I, 1899. Prarond, Abbeville au temps de Charles VII, 1899. Grandmaison, Tours en 1456 et 1457, Mémoires de la Soc. archéol. de Touraine, 1860. Quentin, Avallon au XVe siècle, Bulletin de la Société archéologique de l'Yonne,1833. Pagart d'Hermansart, Le bailliage de Saint-Omer, t. I, 1898. — Sur les communautés d'habitants : Babeau, Les Assemblées générales des communautés d'habitants en France, 1893. Merlet, Les Assemblées de communautés d'habitants dans l'ancien comté de Dunois, 1887. Clément, Les Communautés d'habitants en Berry, 1893. Travaux de l'abbé Ledru, Union historique du Maine, 1899, et de l'abbé Froger, Revue historique du Maine, 1896 et 1897 ; de L. Delisle, De Ribbe, H. Sée, cités plus haut, Livre II, chap. Ier, § II.

[2] À Beauvais, en revanche, les résultats de la guerre de Cent Ans furent tout contraires : même avant que la lutte contre les Anglais fût terminée, et précisément pour faire face à la nécessité d'entretenir les fortifications, la haute direction des finances de la ville passa aux gens du roi, et c'est ainsi qu'ils commencèrent à accaparer l'administration des affaires municipales (Labande, Histoire de Beauvais, 1892).

[3] Documents publiés par Antoine Thomas, Bulletin de la Société archéologique du Limousin, 1890, p. 667, pour Limoges, et par L. Guiraud, Jacques Cœur, p 124, pour Mineltrelller.

[4] Documents publiés dans les Annales du Midi, 1896, p. 448 et suiv..

[5] Les officiers de Charles VII cherchèrent aussi, dans les villes non libres, sises hors de domaine royal, à ruiner l'autorité, et surtout la juridiction du seigneur. Les évêques eurent grandement à se plaindre de leurs empiètements (Péchenard, Jean Juvénal des Ursins. — Claudon, Histoire de Langres, Positions de thèses de l'École des Chartes, 1893).

[6] SOURCES. Chroniques de Berry. Monstrelet (liv. II), Basin (liv. II et V), Mathieu d'Escouchy (avec les Preuves annexées à l'édition de Beaucourt), Chastellain (liv. IV), Jean Chartier (t. III). Chroniques romanes des comtes de Foix (Chronique d'Esquerrier), édit. Pasquier et Courteault, 1895. La Chronique des ducs d'Alençon, par Perceval de Gagny, va être publiée prochainement. Documents publiés par Guérin. Arch. hist. du Poitou, t. XXIX. Official correspondence of Bekynton, édit. G. Williams, t. II, 1872. Comptes consulaires de Riscle, édit. Parfouru, t. I, 1888.

OUVRAGES À CONSULTER. Boudet, Charles VII à Saint-Flour, Annales du Midi, 1894. Denys d'Aussy, La Saintonge pendant la guerre de Cent Ans, Revue de Saintonge, t. XIV. De Maulde, Histoire de Louis XII, t. I, 1889 (pour la vie de Charles d'Orléans). Lecoy de la Marche, Le roi René, 1875. Cosneau, Richemont, 1886. Courteault, Gaston IV, 1895. Desdevises du Désert, Don Carlos d'Aragon, 1889. J. Tissier, Jean V, comte d'Armagnac, Positions des thèses de l'École des Chartes, 1888. Études de Ch. Samaran sur Jean IV d'Armagnac, dans la Revue de Gascogne, 1901. F. Pasquier, Louis, dauphin, et les routiers en Languedoc, 1895. Abbé Breuils, La campagne de Charles VII en Gascogne, Revue des Questions historiques, 1895, t. I. Sur le duc d'Alençon : J. Guibert, Positions des thèses de l'École des Chartes, 1898, et L. Duval, Bulletin de la Soc. hist. de l'Orne, 1894.

[7] Voir la description du domaine royal et des fiefs en 1429, per Aug. Longnon, dans la Revue des Questions historiques, t. XVIII, p. 516 et suiv.

[8] Voir Bellier-Dumaine, L'administration du duché de Bretagne sous le règne de Jean V, Annales de Bretagne, t XIV à XVI, et, pour l'administration bourguignonne, plus loin.

[9] On peut citer comme type la charte de Jean le Bon donnant l'Anjou et le Maine à son fils Louis, publiée par Lecoy de La Marche, Le roi René, t. II, p. 206.

[10] Sur la transformation de la condition nobiliaire même, qui, au lieu d'impliquer, comme autrefois, la puissance foncière, tend à devenir une convention héraldique, voir Paul Viollet, Histoire des Institutions politiques de la France, t. II, 1898, chap. III.

[11] À la mort du duc de Lorraine Charles II, en 1431, son neveu Antoine, comte de Vaudemont, rival de René d'Anjou pour la possession de ce duché, avait demandé au duc de Bourgogne et aux Anglais d'appuyer ses prétentions. René n'avait-il pas pris parti pour Charles VII ? Philippe le Bon répondit d'autant plus volontiers à ces avances qu'il désirait voir la Lorraine tomber aux mains de quelque seigneur de peu d'importance, comme le comte de Vaudemont, facile à mener ou même à supplanter. Une petite armée de Bourguignons et d'Anglais alla donc offrir la bataille au jeune duc de Lorraine, le 2 juillet 1431, à Bulgnéville. René, vaincu et fait prisonnier, fut livré au duc de Bourgogne. Les plénipotentiaires envoyés par Charles VII au congrès d'Arras ne purent obtenir sa délivrance. Il ne fut libéré que le 3 février 1437, moyennant une écrasante rançon de 400.000 écus d'or.

[12] Dans la période postérieure à la Praguerie, les comtes de Vendôme, de la Marche, d'Eu, de Foix, ont une pension de 6.000 livres, le comte de Nevers touche 4.000 livres, le comte d'Angoulême, 11.00 livres : le duc d'Alençon, jusqu'à son arrestation, 12.000.

[13] M. Dupont-Ferrier prépare une biographie de Jean à Orléans (voir ses articles dans la Bibl. de l'École des Chartes, 1895, La Revue historique, t LXII, et la Bibl. de la Faculté des Lettres de Paris, 1897), et M. Cosneau une biographie de Dunois.

[14] SOURCES. Chroniques de Mathieu d'Escouchy ; Chastellain, liv. IV ; Basin, liv. V. Cronique Martiniane, édition gothique d'Antoine Vérard, f° 297 v° et suiv. Lettres de Louis XI, édit. E. Charavay et Vaesen, t. I, 1883. Pilot de Thorey, Catalogue des actes de Louis XI relatifs au Dauphiné, t. I, 1899. G. Saige, Documents relatifs à la principauté de Monaco, t. I, 1888. B. de Mandrot, Un projet de partage du Milanais en 1446, Bibl. de l'École des Chartes, 1883.

OUVRAGES À CONSULTER. Marcel Thibault, La jeunesse de Louis XI, Mémoires présentés à la Faculté des Lettres de Paris pour le diplôme d'études supérieures, 1897. — Breuils, Une conspiration du dauphin en 1446, Revue des Quest. histor., 1895, t. I. De Chabannes, Histoire de la maison de Chabannes, t. II, 1894. E. Charavay, Louis XI en Dauphiné, Positions des Thèses de l'École des Chartes, 1867-1868. Rey, Louis XI et les États pontificaux de France, 1899. A. Prudhomme, Histoire de Grenoble, 1888 ; Les Juifs en Dauphiné, Bull. de l'Acad. Delphinale, 1881-1882. Mémoires de A. de Gallier et de A. Lacroix, Bull. de la Société d'archéologie de la Drôme, 1873 et 1876. De Reiffenberg, Séjour de Louis aux Pays-Bas, Nouveaux Mémoires de l'Académie royale de Bruxelles, 1829. Feu E. Charavay et M. Marcel Thibault m'ont obligeamment communiqué leurs Mémoires, dont un résumé seul a été publié.

[15] Pour le parer.

[16] SOURCES. Chroniques bourguignonnes publiées par la Soc. de l'Hist. de France, et déjà citées, Œuvres de Chastellain, édit Kervyn de Lettenhove, 1863-1866. Chroniques relatives à l'histoire de la Belgique sous la domination des ducs de Bourgogne, édit. Kervyn Lettenhove, 1870-1876. Recueil des chroniques de Flandre, édit De Smet, t. III et IV, 1856-1865. Edmond de Dynter, Chronique des ducs de Brabant, édit. de Ram. t. III, 1837. Gachard, Collection de documents concernant l'histoire de la Belgique, t. II, 1834 : Rapport sur les documents qui existent à Dijon, 1843. Les sources sont très riches : pour le détail, voir Pirenne, Bibliographie de l'histoire de Belgique (2e édit., 1902). On consultera avec profit les Inventaires déjà publiés des Archives départementales du Nord.

OUVRAGES À CONSULTER. Outre l'Histoire de Bourgogne de dom Plancher et les autres ouvrages déjà cités : Pirenne, Hist. de Belgique, t.  II, 1802. Lameere, Le grand conseil des ducs de Bourgogne, 1900 (à consulter sur l'ensemble de l'administration ducale). Paul Frédéricq, Le rôle politique et social des ducs de Bourgogne dans les Pays-Bas, 1875. Pagart d'Hermansart, Histoire du bailliage de Saint-Omer, 1898. De Reiffenberg, Histoire de l'ordre de la Toison d'Or, 1830.

[17] Les bons avis ne lui manquèrent pas : il avait auprès de lui quelques sages qui prévoyaient la décadence de sa maison à brève échéance. Cf. les Avis publiés par Kervyn de Lettenhove sous le titre (très inexact) de : Programme d'un gouvernement constitutionnel en Belgique au XVe siècle, Bull. de l'Acad. des Sciences de Belgique, 2e série, t. XIV, p. 224.

[18] Cette prospérité était alors à son apogée, mais aussi à la veille de son déclin. On peut même croire que la décadence économique de la Flandre était commencée : la population des villes tendait à décroître. Cf. V. Fris, Schets van den economischen Toesland van Vlaanderen in het midden der XVe eeuw, 1900, et Pirenne, Histoire de Belgique, t. II, 1902.

[19] C'est ce que montrent les griefs formulés par les Cassellois, en 1427, contre leur bailli (A. Desplanque, Troubles de la châtellenie de Cassel, Annales du Comité Flamand de France, t. VIII. 1864-1865) et le récit d'un combat entre deux bourgeois de Valenciennes en 1455 (Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 297 ; Olivier de La Marche, t. II, p. 402).

[20] Voir dans les Annales et le Bulletin de la Société d'Histoire Gand, 1900-1901, les études critiques (en flamand) et les documents publiés par V. Fris.

[21] Voici le fléau du fier orgueil que vous avez conçu.