HISTOIRE DE FRANCE

TOME QUATRIÈME — CHARLES VII. LOUIS XI ET LES PREMIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1422-1492).

LIVRE PREMIER. — CHARLES VII. FIN DE LA GUERRE DE CENT ANS.

CHAPITRE IV. — PAIX AVEC LE DUC DE BOURGOGNE. - CONQUÊTE DE L'ÎLE-DE-FRANCE. - LES ÉCORCHEURS.

 

 

I. — ANARCHIE. GUERRES CIVILES. GUERRE ÉTRANGÈRE[1].

APRÈS la capture de Jeanne d'Arc, la guerre, l'anarchie, le pillage, les plus affreuses misères désolèrent encore la France pendant une quinzaine d'années. Charles VII n'avait pas cessé de subir l'ascendant de La Trémoille. Alors que la conservation des récentes conquêtes exigeait la concorde et l'oubli des haines particulières, La Trémoille conduisait ou suscitait, à lui seul, trois guerres privées. Il revendiquait la succession d'Auvergne et, pour faire pièce à l'héritière, lançait sur le pays les bandes du capitaine espagnol Rodrigue de Villandrando. En 1432, il employa le même Villandrando à dévaster l'Anjou, parce que la faveur témoignée par le roi aux princes de la maison d'Anjou excitait sa mauvaise humeur. Enfin sa querelle avec Richemont s'éternisait. À la même date, le duc d'Alençon était en guerre privée avec le duc de Bretagne ; les prélats et les nobles des diocèses de Mende et du Puy s'armaient les uns contre les autres ; le comte de Foix était aux prises avec le comte d'Armagnac, et sous divers prétextes les routiers de Rodrigue de Villandrando saccageaient le Languedoc.

Les pays où Charles VII aimait à séjourner, les bords de la Loire et le Poitou, étaient peut-être de tous les plus infestés par le brigandage. Les officiers royaux et les grands seigneurs se signalaient parmi les plus redoutables bandits. On peut se faire une idée de leur audace, en lisant une enquête sur les vexations subies par les moines de Preuilly, qui étaient sous la sauvegarde spéciale du roi. Le seigneur de Preuilly était alors Pierre Frotier, un des anciens favoris de Charles VII. Il s'était fait le bourreau des malheureux moines. Au mois de juin 1432, il se rendit vers minuit à l'abbaye, pour faire déguerpir l'abbé et les religieux. Il était accompagné dune trentaine de personnes, dont quelques-unes étaient déguisées. Arrivés devant le logis de l'abbé, ils se mirent à lancer des pierres contre sa porte. L'abbé, imprudemment, alla ouvrir :

Et tantost ung nommé le bastard de Curssay, estant en abit de femme, s'en va par derrière le lit dudit abbé coucher de l'austre cousté. Et ledit seigneur se retourne, disant : Alumez la torche, regardez la preudomie de notre abbé, il fait du preudomme. Item et après ce, mena le dit abbé en l'église. Et en firent autant au couvent, car ilz les gitèrent tous hors des lits. Et puis s'en vint ledit seigneur avec ses complices devant le grand aultier (autel), disant : Il faut dire matines. Et là commencèrent : Domine, labia mea apperies, par manière de dérision. Et vouloit que ledit abbé chantant comme les aultres ; et puis s'en va prendre le benoistier (bénitier) dudit moustier, et le vient versier sur la teste d'un qui estoit en abit de fol.... Et fit mener l'abbé à son chasteau par deux jeunes gens qui le tenoient par soulz les esselles et le faisoient dancer au long de la rue : et en ce point le fit mener au lit de sa mère et de là au lit de madamoyselle sa femme, et tout ce en desprisant Dieu et sainte Eglise, combien que dit que ce n'estoit que par bourdez[2].

Deux sergents du Parlement de Poitiers, envoyés à la requête des moines pour procéder contre Pierre Frotier, faillirent périr. D'ailleurs les officiers qui portaient les sommations de justice risquaient chaque fois leur vie. Le Parlement avouait son impuissance en essayant de traictier doulcement avec les seigneurs poitevins, pour qu'ils autorisassent l'exécution de ses sentences. Chaque baron avait ses clients et ne souffrait point qu'on y touchât.

Peu après la mort de Jeanne d'Arc, Bedford tenta de mettre à profit ce désordre et de négocier une alliance avec le duc de Bretagne et son frère Richemont. La Trémoille eut vent de ce projet. Effrayé, il fit la paix avec les princes bretons (5 mars 1432). Mais sa perte était déjà décidée par ses adversaires.

Vers la fin du mois de juin 1433, La Trémoille résidait à Chinon, dans le château du Couldray, où habitait aussi le roi. Une nuit, il fut surpris dans son lit par les sires de Bueil, de Brézé, de Chaumont, de Coëtivy, amis de Charles d'Anjou, et par l'écuyer du connétable, Jean de Rosnivinen. Comme il se levait en sursaut, Rosnivinen lui enfonça sa dague dans le ventre. On le conduisit, blessé, au château de Montrésor. Il fut délivré moyennant rançon, et sur la promesse qu'il ne tenterait plus de revoir le roi. Charles VII accepta ces événements et subit le joug d'un nouvel entourage avec son habituelle inertie. Ce qui restait du pouvoir monarchique appartint désormais au parti angevin et breton : la reine Yolande et son troisième fils Charles d'Anjou, Richemont, et leurs amis. Le règne de La Trémoille était fini, et il était difficile que la France ne gagnât pas au change.

Jean Jouvenel des Ursins écrivait en 1433 : Les ennemis font forte guerre, Baignent places, et n'y a personne qui y resiste et qui face semblant d'y resister, sinon les povres compaignons des frontières, aymant leur honneur et le pourfit du royaume, qui n'ont eu aucun proffit du roy, non mie une povre lettre close de reconfort. La guerre en effet reprenait le caractère qu'elle avait eu avant les grandes campagnes de Jeanne d'Arc. Charles VII restait confiné dans ses châteaux. Nul plan d'ensemble ne guidait les opérations, dues le plus souvent à l'audace des povres compaignons des frontières ou à l'énergie populaire. Mais la fortune maintenant souriait aux Français. En Champagne, Barbazan était vaillamment secondé par les Troyens, qui gardaient tout seuls leur ville et, sans se lasser, faisaient des sorties pour débarrasser le voisinage des dernières garnisons anglaises. Dans l'Île-de-France , Villandrando forçait le régent lui-même à lever le siège de Lagny, La Hire battait l'estrade jusque sous les murs de Paris, et, en 1435, les Français s'emparaient de Saint-Denis.

La lutte continuait dans le Maine et la Normandie. Sur les confins des deux provinces, Ambroise de Loré s'illustrait par des exploits dignes d'un Du Guesclin. Le clergé régulier du Maine prenait secrètement part à la lutte nationale. Dans le Cotentin, les moines allaient rejoindre aux bois les ennemis du roi. Les brigands de Normandie donnaient la main aux bandes d'Ambroise de Loré, aux troupes de Richemont et du bâtard d'Orléans. Dans les derniers jours de février 1432, ung nommé Ricarville s'était emparé par surprise du château de Rouen, avec une centaine de compagnons. Ils n'avaient pu s'y soutenir et avaient tous été décapités. Aidés par une petite armée française. ils eussent forcé la ville à se rendre[3].

Bedford prit une résolution très hardie : il décida de confier aux paysans normands la police de la province. Dès les premiers mois de l'an 1434. les habitants de toutes les paroisses reçurent l'ordre de s'équiper, pour être prêts à marcher contre les ennemis et les brigands. Ils devaient faire l'exercice de l'arc le dimanche matin. Cette mesure eut des résultats que le régent n'avait pas prévus. Elle excita d'abord la jalousie des soldats de profession : au milieu de l'année 1434. on apprit que les hommes d'armes anglais. dépités de voir les paysans normands autorisés à s'armer. en avaient massacré quatorze cents à Vicques. Un subside qui fut exigé, au mois de septembre. des États de Normandie. acheva d'exaspérer la population. Bedford. en effet, obligé de trouver beaucoup d'argent et de ménager les Anglais. qui se plaignaient de la lourdeur des impôts, arracha aux députés des États de Normandie le vote d'une aide de 344000 livres, la plus forte qu'il leur eût jamais demandée. Alors les paysans se servirent contre les Anglais des armes que ceux-ci leur avaient don-

Ce fut en Basse-Normandie que le mouvement de rébellion commença. Douze mille paysans, conduits par le sire de Merville et un roturier nommé Cantepie, allèrent assiéger Caen mais ils tombèrent dans une embuscade et une partie d'entre eux fut massacrée. Faute de secours suffisants, l'insurrection avait échoué. Il semblait que. les Anglais ne pouvant réduire à merci les Français, ni les Français expulser les Anglais. la guerre ne dût jamais finir.

 

II. — LA PAIX D'ARRAS[4].

DEUX conditions cependant pouvaient amener la fin de la guerre : l'épuisement d'un des partis ou bien un rapprochement entre Charles VII et le duc de Bourgogne. Elles se produisirent toutes deux. La réconciliation officielle entre Armagnacs et Bourguignons et. les préludes de la guerre des Deux Roses furent les causes premières du dénouement.

On a vu que, dès le temps des victoires de Jeanne d'Arc, Philippe le Bon songeait à délaisser l'alliance anglaise. S'il faut en croire Olivier de la Marche, le sang royal de France luy bouilloit en l'estomac et à l'entour du tueur et il avait petite affinité et amour aux Angloix. La mort de sa sœur, Anne de Bourgogne, duchesse de Bedford, rompit le lien de parenté qui l'unissait au régent (14 novembre 1432). Enfin son intérêt lui commandait d'abandonner les Anglais, maintenant que la fortune tournait. La promesse qu'il s'était faite de venger son père, le serment qu'il avait prêté aux Anglais d'observer le traité de Troyes, le retenaient encore, mais il ne ménageait plus ses alliés. Les Parisiens, qui aimaient tant leur cher duc de Bourgogne, eurent le déplaisir de ne point le voir assister au sacre de Henry VI, le 16 décembre 1431. Quatre mois après, commencèrent une série de conférences pour la paix, entre les ambassadeurs français et bourguignons.

Pourtant la guerre franco-bourguignonne ne cessa définitivement qu'en 1434. À ce moment, Charles VII avait obtenu l'alliance de l'empereur Sigismond. Dans un discours adressé aux pères du Concile de Bâle, Sigismond avait déclaré que le duc de Bourgogne volait trop haut, nimis alte volabat. Dans un manifeste du 21 juin 1434, il dénonça les usurpations de Philippe le Bon en Basse-Allemagne et publia l'alliance qu'il avait conclue avec le roi de France contre l'ambitieuse maison de Bourgogne. Cette menace acheva de convaincre Philippe le Bon de la nécessité d'une réconciliation avec Charles VII. Bourguignons ou Flamands, tous ses sujets voulaient la paix. La Bourgogne, épuisée déjà par les exactions de Jean sans Peur, était dépeuplée, ruinée par les incursions des Armagnacs[5]. Nombre de villages étaient déserts. La cherté du blé et du vin était telle que les conseillers de Philippe le Bon estimaient impossible de lever une aide. Dans l'Artois et la Flandre occidentale, les suppliques adressées au pape nous montrent des églises paroissiales, des monastères et des hôpitaux détruits, des chapitres ruinés.

Des conférences furent donc tenues à Nevers, en janvier 1435. Le duc de Bourgogne y rencontra le duc de Bourbon, le chancelier et le connétable de France. Les anciens adversaires se faisaient si gracieux visage que les assistants en étaient tout ébahis. Il estoit fol, disait-on, celui qui en guerre se boutoit et se faisoit tuer pour eulx. Le 14 avril, le duc et la duchesse de Bourgogne traversaient Paris : les acclamations qui les accueillirent montrèrent une fois de plus que cette population n'avait d'attachement que pour la cause bourguignonne, et qu'elle se souciait peu du roi Henry de Lancastre. Les manifestations en faveur de la paix achevèrent de prouver au duc que sa popularité en France n'aurait rien à craindre d'un rapprochement avec Charles VII. La paix ! C'était le cri universel ; c'était la faveur que les demoiselles et les bourgeoises de Paris venaient implorer de la duchesse, c'était le bien que l'Université et le chapitre de Notre-Dame demandaient à Philippe le Bon. Les Anglais eux-mêmes, fort inquiets, faisaient dire au duc de Bourgogne qu'ils étaient tout disposés à conclure un traité honorable. Ils espéraient encore que la réconciliation de Philippe et de Charles VII resterait subordonnée au rétablissement de la paix générale.

Ce fut donc le rétablissement de la paix qui fut le prétexte du congrès ouvert à Arras le 5 août 1435. Les médiateurs devaient être le légat du pape et le cardinal de Chypre. Il y avait déjà cinq ans que le Saint-Siège travaillait à la conclusion de la paix, préface nécessaire de la croisade projetée contre les Turcs. Le duc de Bourgogne s'était rendu à Arras avec une brillante escorte de seigneurs, venus de tous les coins de ses domaines. Le cardinal Beaufort, évêque de Winchester, présidait la délégation anglaise. Avec les plénipotentiaires du roi Charles, étaient arrivés les représentants des princes du sang, de l'Université de Paris et de plusieurs bonnes villes françaises. Le concile de Bâle et quelques princes étrangers avaient envoyé des ambassadeurs. Les rois de France et d'Angleterre étaient reconnus par la tradition comme les plus puissants souverains de la chrétienté, avec l'empereur ; leur réconciliation intéressait tout l'Occident.

Le légat et le cardinal de Chypre interrogèrent alternativement les ambassadeurs français et anglais, afin d'établir les principes d'une entente. Les envoyés de Charles VII, de concession en concession, finirent par offrir la Normandie et la Guyenne anglaise, que Henry VI posséderait en fiefs. L'orgueil des Anglais resta intransigeant. Ils offrirent à Charles VII les pays occupés par ses troupes, mais il devait abandonner la couronne et se reconnaître le vassal de Henry VI, roi de France et d'Angleterre Le 31 août, le légat somma les ambassadeurs anglais d'accepter les offres grandes, notables et raisonnables de Charles VII, qui consentait à céder la meilleure et la plus saine tierce partie du royaume de France. Ils refusèrent. Le légat déclara que, la paix générale étant impossible, il travaillerait à une paix particulière. Le lendemain, Philippe le Bon offrit aux ambassadeurs anglais un festin magnifique. Il eut ensuite un entretien d'une heure avec le cardinal Beaufort et l'archevêque d'York. Les Anglais le requirent de rester fidèle à son serment ; de loin, les spectateurs de cette scène voyaient Beaufort gesticuler, le front ruisselant de sueur. Le 6 septembre, les Anglais, furieux, quittèrent Arras.

Il avait fallu beaucoup d'efforts et de concessions pour calmer les scrupules, les rancunes et les inquiétudes de Philippe le Bon. Afin d'apaiser sa conscience, le légat avait demandé aux plus habiles casuistes français et italiens de beaux mémoires ; ils prouvèrent que l'impérieux devoir du fils de Jean sans Peur était d'oublier le meurtre de Montereau et de dénoncer le traité de Troyes. Richemont, de son côté, avait gagné les conseillers favoris du prince par des arguments sonnants et trébuchants : le premier chambellan, Antoine de Croy, avait promesse de trente mille écus d'or. Enfin les plénipotentiaires français acceptèrent docilement les conditions de Philippe le Bon, qui furent très dures, parfois insolentes. Comme dit un contemporain, ils laissèrent couler plusieurs choses à peu de honneur du roy[6].

Tout d'abord Charles VII devait solliciter l'oubli du passé :

Premièrement, le roy dira, ou par ses gens notables souffisamment fondez fera dire à mondit seigneur de Bourgoigne, que la mort de feu mondit seigneur le duc Jehan de Bourgoigne, son père, que Dieu absoille, fut iniquement et mauvaisement faicte par ceux qui perpétrèrent ledit cas, et par mauvais conseil, et lui en a tous diz (toujours) despleu, et, de présent, desplaist de tout son cueur, et que, s'il eust sceu ledit cas, et eu tel aage et entendement qu'il a à présent, il y eust obvié à son povoir ; mais il estoit bien jeune, et avoir, pour lors, petite cognoissance, et ne fut point si advisé que d'y pourveoir. Et priera à mondit seigneur de Bourgoigne que toute rancune ou haine qu'il peut avoir à l'encontre de lui, à cause de ce, il oste de son cueur, et que entre eux ait bonne paix et amour.

Charles promettait de poursuivre et de punir les auteurs du crime, de fonder des messes perpétuelles de requiem en l'église de Montereau et en l'église des Chartreux de Dijon, de construire et d'entretenir à ses frais un couvent de Chartreux à Montereau, et d'édifier une belle croix, sur le pont de Montereau, ou (au) lieu où fut perpétré ledit mauvais cas.

De plus, Charles VII cédait au duc Philippe le comté de Mâcon, où les garnisons bourguignonnes s'étaient installées depuis 1417 ; le comté d'Auxerre, la châtellenie de Bar-sur-Seine ; les châteaux, villes, châtellenies et prévôtés de Péronne, Montdidier et Roye. Enfin le duc exigeait les villes de la Somme, objet des convoitises de sa maison ; par là il entendait toutes les citez, forteresses, terres et seigneuries appartenans a la couronne de France de et sur la riviere de Somme, d'un cousté et d'autre, comme Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville et autres, sauf cependant Péronne, qui avait fait. l'objet d'une cession particulière ; les villes de la Somme comprenaient également tout le comté de Ponthieu, Doullens, Saint-Riquier, Crèvecœur, Arleux, Mortagne et en général tous les domaines de la couronne situés au delà de la Somme, en tirant du cousté d'Artois, de Flandres et de Haynaut, sauf toutefois Saint-Amand et Tournai. Le roi obtint seulement la faculté de racheter les villes de la Somme moyennant quatre cent mille écus d'or vieux[7]. Il renonça à lever des impôts et subvencions quelzconques en Bourgogne et dans les pays cédés. Enfin Philippe le Bon était, de sa personne, exempté de tout hommage, foi et service, de subjeccion, ressor, souveraineté et autres du Roy, durant la vie de lui : bref, jusqu'à la mort de l'un ou de l'autre, les domaines bourguignons échappaient à la souveraineté de la couronne.

Le 21 septembre, les lettres notifiant le traité furent signées, et lues dans l'église Saint-Vaast, remplie d'une foule joyeuse. Le vieux Jean Tudert, conseiller de Charles VII, alla ensuite s'agenouiller aux pieds de Philippe le Bon, et récita la formule d'amende honorable contenue dans le traité. Le duc répondit qu'il ôtait de son cœur toute rancune, releva l'ambassadeur et l'embrassa. Puis il jura sur la croix de ne jamais rappeler la mort de son père et d'entretenir bonne paix et union avec le roi. Le légat et le cardinal de Chypre le déclarèrent alors absous du serment qu'il avait fait aux Anglais. Un Te Deum termina la cérémonie, au milieu de l'allégresse générale.

Bien que les exigences du duc de Bourgogne fussent prévues, certains trouvèrent, dans l'entourage de Charles VII, que ses ambassadeurs s'y étaient trop facilement pliés. Les menaces formulées contre les meurtriers de Jean sans Peur irritaient les Armagnacs. Les plus obstinés d'entre eux étaient par principe opposés à toute réconciliation. Charles d'Anjou et le bâtard d'Orléans refusèrent d'accepter le traité. Mais le roi ne pouvait plus reculer ; il donna sa ratification le 10 décembre 1435.

Si mortifiante qu'elle fût pour la dignité royale, la paix d'Arras marquait une étape décisive sur le chemin de la délivrance. Le duc de Bedford n'avait pas survécu à l'échec de la diplomatie anglaise ; le 14 septembre, il était mort au château de Rouen. Son tombeau fut élevé dans la cathédrale, parmi ceux de ses ancêtres les rois d'Angleterre, ducs de Normandie.

 

III. — CONQUÊTE DE L'ÎLE-DE-FRANCE[8].

LA dénonciation du traité de Troyes par le duc de Bourgogne provoqua une explosion de fureur en Angleterre. Le parti de la guerre, qui depuis cinq ou six ans s'était affaibli, regagna un instant tout ce qu'il avait perdu. Le peuple insulta les ambassadeurs envoyés à Londres par Philippe le Bon pour notifier le traité d'Arras, et les maisons des marchands flamands furent pillées. Les troupes anglaises se mirent à ravager les domaines bourguignons. Au parlement d'octobre, les Communes qui, les années précédentes, s'étaient montrées fort peu généreuses, accordèrent, outre les subsides ordinaires, un lourd impôt progressif sur le revenu, et elles autorisèrent un emprunt de cent mille livres.

Ces efforts ne furent pas soutenus. La mort de Bedford avait laissé en présence le vieux cardinal Beaufort et son ennemi le duc de Gloucester, maintenant héritier présomptif du trône. Leurs discordes réduisirent à l'impuissance les meilleurs capitaines anglais. En 1441, le Conseil de Rouen se plaignait de l'abandon où était laissée la seigneurie de Henry VI en France, comme la neif gettée en la mer, sanz recteur, sanz gouvernail. La royauté des Lancastres perdait sa force, à l'heure où la royauté des Valois retrouvait la sienne.

Charles VII sortait lentement de sa torpeur. Brantôme a fait honneur de cette transformation à la belle Agnès Sorel ; mais, dans les années qui suivirent le traité d'Arras, Agnès n'était encore qu'une enfant : elle ne devint la maîtresse du roi que vers 1443. La vérité est que Charles VII, tenu jusque-là en lisière par des favoris qui exploitaient et entretenaient sa mollesse, était maintenant entouré d'hommes qui travaillaient avec une bonne volonté sincère à la délivrance du sol : Charles d'Anjou, le bâtard d'Orléans, Richemont, Pierre de Brézé.

Par suite, cependant, de l'insubordination des soldats et des intrigues de certains grands seigneurs, qui essayèrent de rallumer la guerre civile et firent une Praguerie[9], les opérations contre les Anglais restèrent traînantes. Durant les neuf années qui suivirent le traité d'Arras, la Normandie et le Maine, l'Île-de-France et la Guyenne en furent les principaux terrains.

Un mois après la signature de la paix d'Arras, un roturier, Charles des Maretz, qui s'était déjà signalé par d'heureux coups de main dans le pays de Caux, entreprit de donner Dieppe à Charles VII. La ville fut prise d'assaut le 28 octobre 1435. Ce fut le signal, dans le pays cauchois, d'une rébellion tout à fait analogue à celle qui s'était produite un an auparavant dans le Bessin. Vingt mille paysans combattirent les Anglais avec les armes qu'ils avaient reçues pour faire la police des chemins. Ils étaient commandés par un des leurs, nommé Le Caruyer, et par le sire de Montivilliers. Les bandes de La Hire et de Floquet vinrent les aider. En six semaines, tout le pays de Caux, excepté Caudebec, fut aux mains des Français. Mais ils ne surent pas rester unis : les paysans se méfiaient des gens d'armes, et les gens d'armes méprisaient les paysans. Les Cauchois, maltraités par les nobles du pays et les routiers armagnacs[10], furent mis en déroute par les Anglais, qui reprirent une à une presque toutes leurs positions. Le seul effet du soulèvement fut la dévastation complète et le dépeuplement du pays de Caux.

À l'autre bout de la Normandie, les habitants du Val-de-Vire se révoltèrent dans les premiers mois de l'an 1436, sous la conduite d'un certain Boschier, capitaine des Communes. Les sires de Bueil, de Lohéac et de la Roche firent campagne à côté d'eux. Le soulèvement fut étendu et profond, si l'on peut en juger par les très belles chansons populaires qui nous sont restées, célébrant les exploits des compagnons du Val-de-Vire. On les a mises sous le nom d'Olivier Basselin[11]. Il y a eu en effet un Normand appelé Olivier Basselin, ou plutôt Bachelin, propriétaire d'un petit moulin à fouler les draps, aux portes de Vire : il était chansonnier, et l'on peut croire qu'il exerça sa verve aux dépens des godons. Les Anglais le mirent à fin[12]. Il périt peut-être à Saint-Sever, près Vire, dans la bataille qui coûta la vie à un millier de Normands et qui semble avoir terminé l'insurrection du Val[13].

Le double échec des Cauchois et des Virois ne découragea point cependant la résistance populaire, ni l'esprit d'entreprise des capitaines français. Au fin fond de la Basse-Normandie, la garnison du Mont-Saint-Michel tenait bon ; pour la surveiller, les Anglais fondèrent Granville sur un roc solitaire : avant que les fortifications fussent achevées, le capitaine du Mont-Saint-Michel, Louis d'Estouteville, s'empara de la nouvelle ville. Sur les frontières du Maine, les bandes de Jean de Bueil battaient l'estrade. Dans le pays de Lisieux, deux gentilshommes normands, Le Borgne de Nocé et Louis de Bienfaite, et une foule d'autres brigands payèrent de leur tête leur dévouement à la cause nationale. En 1440, le capitaine Robert Floquet s'empara d'Évreux. Dans la Haute-Normandie, Rouen était menacé, et Dieppe, resté entre les mains des Français malgré les efforts de Talbot, continuait à envoyer ses corsaires dans l'estuaire de la Seine. Les embarras se multipliaient pour le Conseil siégeant à Rouen, désormais épuré de l'élément bourguignon et composé uniquement d'Anglais. II lui était impossible, malgré les doléances des habitants, d'assurer l'ordre, et il devait pressurer la population, demander aux États de Normandie des sommes énormes, 600.000 livres en 1441. Le recouvrement de la Normandie par le roi de France n'était plus qu'une question de temps.

Quelques-uns des meilleurs capitaines de Charles VII avaient aidé les Normands ; le dauphin Louis était allé porter secours aux Dieppois. Mais la grande affaire du roi était la conquête de l'Île-de-France.

Henry VI, après la condamnation de la Pucelle, avait été conduit à Paris, et sacré à Notre-Dame le 16 décembre 1431. Mais on avait trouvé que les Anglais faisaient peu de largesse. Les Parisiens étaient mécontents. Tous se lamentaient de la misère croissante. L'Université se plaignait d'être sacrifiée à celle de Caen, et le Parlement de ne pas recevoir ses gages. Les conspirations avaient recommencé : au mois d'août 1432, la porte Saint-Antoine avait failli être ouverte aux Français ; l'abbesse de Saint-Antoine-des-Champs, impliquée dans le complot, avait été emprisonnée. Un an après, Gossouin de Luet, orfèvre, déjeunait en compagnie du boulanger Jean Trotet, d'un cordonnier et d'un saucier. On parla du malheur des temps :

En desjeunant, parlèrent, ainsi qu'il advient souvent, des guerres de ce royaume et des povretez que a le menu peuple à Paris et ailleurs. Et entre autres choses, ledit feu Trotet, ou autre de la compaignie, demanda audit Gossuyn comment se portoient les gangnes (gains) de son mestier d'orfavrerie. À quoy ledit Gossuyn respondi que c'estoit le plus povre mestier de tous les autres ; car boulengiers, cordouanniers, et gens de pluseurs autres mestiers besongnoient tousjours aucunement et vendoient leurs denrées plus ou mains (moins) selon le marchié qu'ils avoient des estoffes et matieres, mais, le plus du temps, les orfèvres de Paris ne trouvoient homme qui les meist en besoingne, posé (supposé) qu'ilz voulsissent faire les choses pour mains la moictié qu'ilz ne souloient (n'avaient l'habitude). Et, en parlant de ces choses, ledit Gossuyn, sans aucunement penser à mal, dist que jamais n'auroit bon temps à Paris tant qu'il y eust en France ung roy paisible, que l'Université feust garnie et peuplée de gens, et que la court de Parlement feust maintenue et obeye, ainsi qu'elles souloient estre. Et d'autre part ledit feu Jehan Trotet dist que les choses ne povoient mais guere longuement durer en cest estat, et que, s'il y avoit à Paris cinq cens hommes d'un accord qui meissent sus pour faire rebellion, ilz se trouveroient mil de leur alliance[14].

Sur quoi les compagnons s'étaient séparés, et peu après, au mois d'octobre 1433, on avait découvert que Jean Trotet et d'autres affidés s'étaient concertés avec les Français pour les faire entrer dans Paris. Les conspirateurs avaient été décapités. Une semaine auparavant, on avait eu à réprimer un autre complot.

Au moment où était conclu le traité d'Arras, la détresse était à son comble dans Paris. On n'osait plus franchir les portes, de peur de tomber aux mains des Armagnacs ou des Anglais, qui s'étaient mis à piller méthodiquement les environs de Paris. Le blé que on avoit pour XX solz parisis, dit le Bourgeois de Paris, monta tanlost après à deux frans ; fromaige, beurre, huille, pain, tout enchery ainsi de près de la moitié ou du tiers. Les complots continuaient, réprimés sans pitié : On faisoit a secret et en appert moult mourir de peuple, ou par noyer ou autrement, sans ceulx qui mouroient par bataille. Au mois de mars 1436, le gouvernement anglais exigea des Parisiens un nouveau serment de fidélité. On avait si peu de confiance en eux qu'on leur enjoignit, si la ville était attaquée, de ne point se porter au lieu du combat, à moins d'un service militaire commandé.

À ce moment-là, l'investissement de Paris s'achevait. Les habitants de Pontoise avaient livré leur ville aux Français dans les derniers jours de février. Les soldats de Charles VII avaient pris le pont de Charenton, Vincennes, Corbeil, Brie-Comte-Robert, Saint-Germain-en-Laye. Comme ils étaient maîtres de Barfleur, de Tancarville, de Lillebonne, de Meulen, de Corbeil, de Melun, de Lagny et de Pontoise, ils arrêtaient les convois de vivres sur la Seine, la Marne et l'Oise. Afin de rassurer ceux qui s'étaient compromis pour la cause anglo-bourguignonne, Charles VII, par lettres du 28 février, avait promis l'amnistie. Le chancelier Louis de Luxembourg, resté fidèle aux Anglais, gouvernait la capitale avec Pierre Cauchon, devenu évêque de Lisieux, et avec les évêques de Paris et de Meaux : ils étaient tous quatre également détestés. Un des principaux capitaines de Philippe le Bon, Jean de Villiers de l'Isle-Adam, qui avait été capitaine du Louvre au temps de la domination bourguignonne à Paris, avait des intelligences dans la ville, notamment avec Michel de Lailler, conseiller de la Chambre des Comptes, auquel les Anglais avaient imprudemment pardonné ses anciennes entreprises en faveur de Charles VII.

Les voies étant ainsi préparées, Richemont, nommé lieutenant général du roi et muni de pouvoirs souverains, fut chargé de prendre Paris. Villiers de l'Isle-Adam et le bâtard d'Orléans lui amenèrent des renforts, et il alla s'établir le 10 avril 1436 à Saint-Denis, après avoir battu au passage les troupes anglaises. On lui manda le lendemain qu'on lui ouvrirait une des portes de la ville, du côté du faubourg Saint-Marcel ; on donnerait tant de besogne aux Anglais qu'ils ne pourraient l'empêcher d'entrer.

Le vendredi 13 avril, à l'aube, Lailler et ses amis appelèrent les Parisiens aux armes. En un instant les rues furent barrées avec des chaînes. Les Anglais furent criblés de projectiles qu'on lançait du haut des fenêtres : pierres, bûches, ustensiles de ménage. Ils ripostaient à coups de flèches, en criant : Saint-Georges ! Traîtres Français ! Tuez tout ! Ils se portèrent les uns vers les Halles, où il y avait grande foule, les autres vers la porte Saint-Denis, et massacrèrent en route quelques bourgeois. Pendant ce temps-là, Richemont faisait son entrée par la porte Saint-Jacques, à l'extrémité opposée de la ville. Il se rendit aux Halles, puis à Notre-Dame, entouré d'une foule enthousiaste, à laquelle il prodiguait des promesses qu'il sut tenir. La population fut sauvegardée contre les pillages et les violences des routiers. Les lettres d'abolition accordées par le roi furent lues et relues dans les carrefours. Les bourgeois les plus suspects furent seulement exilés pour quelque temps. Michel de Lailler devint prévôt des marchands ; les conseillers du Parlement et de la Chambre des Comptes furent autorisés à rester en fonctions. Les vivres affluèrent dans Paris.

Les Anglais s'étaient réfugiés à la Bastille, avec quelques Français reniés. Richemont les laissa partir. Ils s'embarquèrent le 17 avril pour Rouen, sous les huées de la foule. À la queue ! À la queue ! criaient les Parisiens, répétant la classique plaisanterie du Moyen âge sur les Anglais porteurs de queue[15].

L'allégresse des Parisiens eut son écho dans tout le royaume. À Arras on fit une ballade sur les preux chevaliers qui avaient

.... escachiet les leux (chassé les loups)

Hors du boin pais franchois[16].

Dans le Rouergue, à Millau, les habitants firent des feux de joie devant leurs portes[17]. Encore une fois il sembla que seul Charles VII ne prit point sa part de la satisfaction publique. Il refusa de venir habiter sa capitale ; pendant dix-huit mois, il n'y eut nouvelle du Roy nullement, ne que se il fust a Romme ou en Jherusalem. Il avait gardé de son adolescence la terreur de Paris.

L'effort de l'année 1436 ne fut pas soutenu et, dès le début de l'année 1437, les Anglais reprirent des positions importantes autour de la capitale, telles que Pontoise. Ils se ménageaient à leur tour des intelligences à Paris : on découvrit un complot ourdi pour les y faire rentrer.

De toutes parts on pressait le roi d'agir. Il se décida à faire le siège de Montereau et, pour la première fois, prit le commandement de son armée. Le 10 octobre 1437, la ville fut enlevée d'assaut, et Charles VII y pénétra un des premiers. Le 12 novembre, il fit enfin son entrée solennelle dans Paris, entouré d'un magnifique cortège de chevalerie, et au milieu d'un sincère enthousiasme. Mais, au bout de trois semaines, il retourna vers ses chères résidences de la Loire, et les tribulations des Parisiens recommencèrent. Elles ne reçurent de réel soulagement qu'en 1441, par la prise de Pontoise. Les Anglais défendirent cette ville avec acharnement pendant cinq mois. Par cinq fois, Talbot vint ravitailler la place. Le roi lui refusa obstinément la bataille, et inquiéta les Anglais par des diversions en Normandie : ils n'osèrent se porter en force sur Pontoise ; la ville fut prise d'assaut le 19 septembre. L'Île-de-France était délivrée.

L'année suivante, Charles VII fit une expédition dans le sud-ouest, pour délivrer la ville gasconne de Tartas, qui avait capitulé conditionnellement entre les mains des Anglais. Il soumit presque toute la sénéchaussée des Landes et prit le chemin du Bordelais. La panique fut grande à Bordeaux ; mais la défense héroïque d'une garnison gasconne, bloquée dans le château de la Réole, occupa les troupes françaises jusqu'à l'hiver. Le froid, très rude, obligea à la retraite et à l'abandon des conquêtes si rapidement faites. Pour chasser les Anglais de la Guyenne il fallait d'ailleurs une flotte et une armée disciplinée, et Charles VII n'avait encore ni l'une ni l'autre. Les Anglais, néanmoins, étaient inquiets. Plusieurs de leurs capitaines prédisaient la perte de la Normandie et de la Guyenne à brève échéance. Une expédition nouvelle qu'ils préparèrent à grands frais, en 1443, échoua piteusement par l'impéritie du duc de Somerset.

Les ducs de Bourgogne, d'Orléans, de Bretagne, le pape, sollicitaient les deux rois de faire la paix. L'épuisement était grand des deux parts. Henry VI envoya en ambassade le comte de Suffolk pour conclure une paix ou une trêve avec très hault et excellent prince son très cher oncle de France, et pour lui demander la main de Marguerite d'Anjou. Suffolk arriva à Tours le 16 avril 1444. Les Anglais ne parlaient plus de la couronne de France. Ils voulaient seulement la Guyenne et la Normandie en pleine souveraineté ; le ton avait baissé. Charles VII rejeta cependant les propositions de paix, et se contenta d'accorder à Henry VI la main de la belle Marguerite, fille de René d'Anjou, qui avait pour toute dot des prétentions sur le royaume de Majorque. Le 28 mai fut signée une trêve générale de vingt-deux mois : de prorogation en prorogation, la suspension des hostilités allait durer jusqu'en 1449.

 

IV. — DÉSOLATION DE LA FRANCE. LES ÉCORCHEURS[18].

SI la guerre au temps de Charles VII nous était connue par la seule peinture qu'en a faite le sire de Bueil, dans son roman du Jouvencel, nous devrions penser qu'elle exaltait les sentiments les plus élevés, l'amour de la justice et des bonnes causes, le dévouement et. la pitié. L'auteur met dans la bouche du Jouvencel ces très belles paroles :

C'est joyeuse chose que la guerre... Quant elle est en bonne querelle, c'est justice, c'est deffendre droicture... c'est ung plaisant mestier et bon a jeunes gens. Car ilz en sont amez de Dieu et du monde. On s'entr'ayme tant à la guerre. On pense en soy-meismes : Laisseray-je a ce tirant oster par sa cruauté le bien d'autruy, où il n'a riens ? Quant on voit sa querelle bonne et son sang bien combatre, la larme en vient à l'ueil. Il vient une doulceur au tueur de loyaulté et de pitié de veoir son amy, qui si vaillamment expose son corps pour faire et acomplir le commandement de nostre Créateur. Et puis on se dispose d'aller mourir ou vivre avec luy, et pour amour ne l'abandonner point. En cela vient une délectation telle que, qui ne l'a essaiée, il n'est homme qui sceust dire quel bien c'est. Pensez-vous que homme qui face cela craingne la mort ? Nennil, car il est tant reconforté, il est si avi qu'il ne scet où il est. Vraiment il n'a paour de rien.

Le sire de Bueil dit encore :

A esté ordonné le très noble et très excellent estat de chevallerie pour conserver, deffendre et garder le pueple en transquillité... Aux gens de guerre est ordonnée la deffence des orateurs (ceux qui prient, les gens d'église) et des laboureurs de toute la chose publique et de ceulx à qui on fait tort.

Il y eut alors des hommes de guerre capables de pareils sentiments, des Barbazan, qui se battaient pour deffendre droicture. Mais le type le plus fréquent, c'est l'Écorcheur : Rodrigue de Villandrando, Antoine de Chabannes, les deux bâtards de Bourbon, le bâtard d'Armagnac, La Hire, Saintrailles, Floquet, Blanchefort.

Villandrando est un Castillan, venu en France pour chercher fortune. Il sert d'abord le duc de Bourgogne, puis s'attache à Charles VII. Par instants il se rend utile. C'est un bon tacticien, et il sait se faire obéir. Mais la plupart du temps il travaille pour lui seul. Presque toutes les provinces de France, surtout celles du centre et le Languedoc, reçoivent ses visites désastreuses. Il entretient aux frais de l'habitant une cour princière, une chancellerie, des écuyers, des pages ; il possède une vaisselle d'or, d'immenses capitaux, et, de temps en temps, prête généreusement aux barons français l'argent qu'il a extorqué à leurs sujets. On l'appelle l'empereur des pillards.

Tous ces aventuriers n'étaient pas aussi fastueux. La France était si appauvrie qu'il n'était pas toujours facile à un capitaine de faire fortune, ni à un Écorcheur[19] de subsister. Lorsque le Dauphin, en 1444, emmena en Suisse trente mille routiers dont il débarrassa momentanément la France[20], les trois quarts d'entre eux étaient en guenilles, sans cuirasse, sans chapeau, sans souliers ni culottes.

 Les Écorcheurs contribuaient à leur propre misère par leur démence de destruction. Les habitants des villes, sans cesse sur le qui-vive, s'empressaient de fermer leurs portes et de charger leurs coulevrines, dès que le guetteur signalait à l'horizon des gens de guerre, même s'ils portaient les couleurs du roi. Quant au plat pays, il ne pouvait être abrité contre les routiers : ils coupaient les vignes et le blé en herbe, détruisaient les arbres fruitiers et les ruches d'abeilles, jetaient le grain et le vin sur les routes ou dans les fleuves, cassaient les charrues et les meubles, démolissaient ou brûlaient les maisons et les moulins, transformaient les églises en étables. À leur approche, les campagnards tâchaient de fuir, de gagner la place forte la plus voisine. L'auteur des Quinze Joyes de Mariage, contemporain des Écorcheurs, nous montre un bon homme s'échappant ainsi, quand il vient guerre ou pais, pour laquelle chacun se retrait ès villes et chasteaux :

Le bon homme, pour eschiver qu'il ne soit pas prins, se retrait en ung chasteau. Mais il va et vient de nuict en sa maison, parmy les bois et a testons, parmy les haies et bussons, tant qu'il est tout rompu et depiécé ; et vient veoir son mesnage, et la dame crie et tense (gronde) et li met sus tout le mal et le meschief, aussi bien comme s'il deust faire la paix entre les deux rois de France et d'Angleterre, et dit qu'elle ne demourra pas liens (là dedans). Et convient au bonhomme charroier sa femme et ses enfans à grant haste en chaste-au ou a la ville ; et Dieu sceit la peine qu'il a de monter et de remonter la dame et les enfants, et de se loger quand ilz sont en la forteresse. Et convient qu'il trote, maintenant de jour, maintenant de nuit, a pié ou à cheval selon l'estat où il est, puis çà, puis là, pour quérir de la vitaille (victuaille) et pour ses aultres besoingnes. Puis, quant la guerre est passée, il faut charroyer tout le charréage à l'oustel.

Pour ceux qui ne pouvaient fuir, les Écorcheurs inventaient des supplices raffinés. Une fois qu'ils avaient torturé le chef de famille, ils égorgeaient ses enfants, ils violaient en sa présence sa femme et ses filles, sans parler de débauches plus honteuses.

Ces misères et ces crimes dataient de loin ; mais c'est entre l'année 1435 et l'année 1444, depuis le traité d'Arras et avant la grande réforme militaire, que les plaintes sont les plus vives. C'est la période de l'Écorcherie. Il avait fallu licencier les garnisons des places rendues au duc de Bourgogne, et ce furent autant de compagnies franches qui se répandirent dans la campagne, s'y augmentèrent des rôdeurs et des sans-travail, et prirent pour métier, sous prétexte de guerre, le brigandage. Les garnisons régulières pillaient elles-mêmes : pour les en empêcher, il aurait fallu commencer par les payer, et c'est ce que le roi de France faisait fort rarement. Aux plaintes des habitants on répondait : Il faut qu'ilz vivent. Pourtant, on ne se faisait pas faute de créer de nouveaux impôts. La royauté, disait Jean Jouvenel des Ursins, ôtait à ses sujets la peau de dessus eulx et la char de leurs oz. Enfin, le gouvernement anglais, désemparé, déçu dans son espoir de conquête, irrité et haineux, laissait maintenant ses gens d'armes, sans solde et misérables, dévaster, eux aussi, la France[21].

Le fléau de l'Écorcherie sévit à peu près par tout le royaume[22]. La région de Paris compta parmi les plus malheureuses. Les environs de la capitale n'étaient plus qu'un immense désert, parcouru par des bandes de brigands français et anglais. Les premiers mois de l'an 1438 furent terribles. L'hiver était glacial, le pain hors de prix. On mourait de faim et de froid dans les rues. Une épidémie de petite vérole s'abattit sur la population épuisée et fit des milliers de victimes ; les hôpitaux, ruinés, ne pouvaient plus suffire à leurs dépenses. Les loups se mirent de la partie ; pendant deux ans ils rôdèrent en troupes dans la banlieue, étranglant les femmes qui se risquaient hors des murs, pénétrant parfois dans la ville où ils mangeaient les enfants.

Le traité d'Arras n'avait pas rendu la tranquillité aux pays jusque-là désolés par la guerre franco-bourguignonne. Les routiers bourguignons, auxquels des bandes anglaises venaient se mêler, et surtout les Armagnacs, continuaient à les saccager sans merci. Il n'y avait plus à vrai dire de Bourguignons, d'Anglais ni d'Armagnacs, mais seulement des brigands, s'affublant, selon l'occasion, de la croix de Saint-André, de la croix rouge ou de la croix blanche. Ils ont tué mon povre peuple ! écrivait l'évêque de Beauvais, chaque jour menacé lui-même de prison ou de mort. Beauvais avait l'air d'une ville morte, avec ses édifices délabrés, ses rues boueuses où poussaient des haies vives. Les Anglais commirent en 1440 des cruautés inouïes dans le diocèse d'Amiens, brûlant d'un seul coup trois cents paysans dans une église fortifiée, qui servait de refuge. En 1444, l'Anglais Mathew Gough pilla la Picardie de concert avec le Français Floquet. Dans le Valois et le Soissonnais, les brigands avaient parmi leurs chefs Guillaume de Flavy, gouverneur de Compiègne. Il fit arrêter le maréchal de Rieux, neveu et lieutenant du connétable, et le maréchal, enfermé dans un cachot, y mourut. Quelle était dès lors la destinée réservée aux pauvres gens ? Le 16 décembre 1443, Baudouin de Noyelle, gouverneur des villes de la Somme, certifie que les terres de Maignelay et Sains ne rapportent plus rien depuis quatre ans, à cause des garnisons de Creil, Clermont, Mouy, Gournay et autres places, qui sont à l'environ desdictes terres et ne laissent personne labourer esdictz lieux[23].

C'est en Champagne que les bandes licenciées après le traité d'Arras commencèrent leurs exploits. Un moment, elles allèrent soutenir les insurgés normands, puis se répandirent dans le Ponthieu et les Pays-Bas, mais elles revinrent enfin dans la Champagne pour la saccager à nouveau. Provins était autrefois une ville populeuse et prospère ; on y comptait 3 200 métiers de tisserands de draps ; depuis la prise et le sac de cette ville par les Anglais en 1432, la moitié des habitants, ayant perdu tous leurs biens, avaient émigré, et les anciens tisserands devaient gangner leurs vyes a labourer en vignes, jardins et aultres choses. Chassés en 1433, les Anglais se retirèrent en brûlant tout ce qu'ils purent. Le glorieux Henry V avait dit autrefois que guerre sans feux ne valoit rien, non plus que andouilles sans moustarde.

Dans le diocèse de Langres, le Tonnerrois, le Sénonais et le Gâtinais, nombre de villages étaient déserts. Mussy-l'Évêque, surpris de nuit par les Écorcheurs, fut détruit. L'archevêque de Sens fut détroussé par une bande de routiers, aux portes mêmes de la ville, et dut rentrer à pied. À Bléneau, les paysans habitaient dans le château, et ne s'y croyaient même pas en sûreté : quand le guetteur donnait l'alarme, ils préféraient aller se cacher dans la forêt.

Le duché de Bourgogne fut très maltraité. Philippe le Bon était retenu en Flandre par la crainte d'une invasion anglaise et par ses démêlés avec les communes. Les seigneurs bourguignons flattaient les routiers, les invitaient à venir se jouer ung peu avec les dames et les damoiselles, leur offraient des cadeaux pour éviter le pillage et parfois même passaient dans leurs rangs. Des soldats picards, envoyés par le duc pour rétablir l'ordre, firent pis que les Écorcheurs : on les appela les Retondeurs. En dix ans, les États de Bourgogne furent réunis quinze fois et votèrent plus de quatre-vingt mille livres à distribuer aux Écorcheurs, pour les éloigner ; mais ceux-ci revenaient le lendemain.

La riante région que baigne la moyenne Loire n'est pas davantage à l'abri des routiers. Dans le diocèse de Nevers, les revenus épiscopaux sont anéantis. Dix-huit mois après le traité d'Arras, le bailli de Bourges tombe dans une embuscade d'Écorcheurs et est tué. Le monastère de Notre-Dame-Bourg-Dieu sert de refuge aux habitants des environs ; ils y ont amené leur bétail, ont apporté leurs lits et leurs ustensiles de ménage et ils couchent jusque dans l'église : les religieux sont obligés de célébrer la messe parmi les pleurs des enfants en bas âge et les hurlements des femmes en couches. Dans le diocèse d'Orléans, d'anciennes et illustres abbayes. comme celle de Saint-Benoît-de-Fleury, sont réduites à la misère ; le village de Marigny reste inhabité de 1429 à 1445, et y sont creus grands buissons, bois et épines[24].

La Touraine et l'Anjou avaient été ravagés à la fois par les Anglais et les Armagnacs. En Poitou, le pays où Charles VII résidait si volontiers, La Trémoille disgracié continuait ses exploits et poursuivait de sa haine son vieil ennemi l'évêque de Luçon. La Praguerie eut là son principal théâtre. Cette révolte féodale fut vite réprimée, mais les désordres et les pillages continuèrent ensuite pendant deux années encore.

La région du Massif Central, pays généralement pauvre, éloigné du théâtre de la guerre anglaise, fut saccagée comme le reste de la France. Lorsque l'armée royale revint de la campagne de Tartas, en 1442, le Limousin fut mis à feu et à sang. L'Auvergne, pendant treize ans, fut pour Rodrigue de Villandrando et ses lieutenants une principauté où ils se promenaient à l'aise et revenaient se faire la main après leurs expéditions dans le reste de la France. La milice organisée par les États de cette province afin de résister aux routiers fut impuissante, et le moyen de les écarter pour quelque temps était toujours de leur donner de l'argent.

Les Écorcheurs, à partir de 1442, se répandirent en grand nombre dans le Lyonnais, le Forez et le Velay, et, franchissant la Saône et le Rhône, allèrent dévaster les confins du duché de Savoie, le Dauphiné et la Provence. De 1443 à 1445, la petite place de Vimy (Neuville-sur-Saône), disputée par les routiers de Charles VII à ceux du duc de Savoie, fut prise et reprise six fois, et chaque fois la ville fut mise à sac, au milieu d'abhominations telles que les Sarrasins ne font pas aux Chrestiens.

Le Languedoc avait eu jusqu'en 1436 à supporter la vice-royauté et les brigandages de Jean de Grailly, comte de Foix. Un de ses serviteurs, Pierre Raimon du Fauga, devenu viguier du roi à Toulouse, dévalisait les voyageurs aux portes de la ville. Après la mort de Jean de Grailly, il fallut subir les bandes de Villandrando et de son lieutenant Salazar, celles de Saintrailles, des bâtards de Béarn, d'Armagnac et de Bourbon. Au début de l'année 1439, à un moment où le roi voyageait dans le Midi, Toulouse fut obligée de payer rançon aux Écorcheurs. Le comté de Foix, le Béarn et la Navarre même furent menacés.

L'Armagnac, le Rouergue, le Quercy, l'Agenais, le Périgord, l'Angoumois, la Saintonge, avaient affaire à la fois aux Anglais et aux Écorcheurs Dans le Rouergue, les paysans, pour moissonner, se faisaient garder, moyennant finance, par des gens d'armes que les chefs d'Écorcheurs se chargeaient eux-mêmes de fournir. À Saint-Antonin, l'industrie naguère très florissante des draps burels, qui s'exportaient jusqu'en Italie, était anéantie. Les paysans avaient cessé de cultiver dans les environs le safran et le pastel nécessaires pour la teinture, et les tisserands avaient presque tous abandonné leurs métiers. En Quercy, où les Français et les Anglais n'avaient pas cessé de se battre depuis le traité de Brétigny, on voyait les deux tiers des églises brûlées ou saccagées , certaines paroisses complètement désertes, les champs envahis par les ronces. Les diocèses d'Agen et de Périgueux étaient dans la désolation. L'Angoumois était si dévasté, qu'on ne reconnaissait plus ni les bornes des propriétés ni les chemins. En Saintonge opéraient le sire de Pons et les frères de Pluscallec, et les Anglais, qui brûlèrent le monastère de Sablonceau. Là où souloient estre beaux manoirs, domaines et héritaiges, sont les grands buissons, disaient les témoins d'une enquête faite en Saintonge à la fin du règne[25]. Jusque dans les îles de Ré et d'Oléron, les orages de la guerre avaient passé.

Les deux provinces encore occupées par les Anglais, la Guyenne et la Normandie, n'étaient pas plus heureuses. Les routiers de Rodrigue de Villandrando, l'armée de Charles VII en 1442, puis celle du dauphin pendant son expédition contre le comte d'Armagnac, dévastèrent l'Aquitaine anglaise

La Guyenne jouissait du moins d'institutions autonomes, antiques et respectées. La Normandie, au contraire, était à la merci des conquérants, maintenant exaspérés et résolus à l'exploiter durement. Depuis la mort du duc de Bedford, tous les offices publics étaient vénaux, et ceux qui les achetaient ne manquaient point d'en tirer profit. Louis de Luxembourg, devenu archevêque de Rouen, Simon Morbier, ancien prévôt de Paris, nommé général gouverneur des finances de Normandie, le duc de Somerset enfin, donnaient l'exemple de la rapacité. Les soldats anglais, les Écorcheurs armagnacs, les partisans et les brigands achevaient la ruine du pays. Entre la Seine, l'Oise et la Somme, il n'y avait plus ni champs cultivés, ni routes.

Aux États d'Orléans, en 1439, les ambassadeurs de l'Université de Paris déclaraient que si la paix n'était pas bientôt faite, les Français seraient forcés de déserter leur pays. Les documents nous montrent ce mouvement d'émigration commencé dans toutes les provinces, et emportant les bourgeois et surtout les paysans vers la Bretagne et. vers les pays étrangers, les bords du Rhin, l'Espagne. Le dépeuplement, inquiétant au me siècle, est devenu effrayant au XIVe. Nous savons que la population de 221 paroisses du diocèse de Rouen, qui était en tout, au commencement du XIIIe siècle, de 14.992 âmes, est descendue au XVe siècle à 5.976. En Cotentin, sur la terre de la Roche-Tesson, il y avait autrefois 80 habitants, et pour le présent, par la fortune de la guerre, ne sont que trois povres hommes[26]. Dans les environs de Senlis, à Saint-Nicolas, à Gournay, à Avilly, à Saint-Firmin, à Apremont, à Malassise, à Rieux, à Cinqueux, à Noé-SaintMartin, à Bray, à Montlévêque, à Orry-la-Ville, il n'y avait plus un seul habitant vers 1444. À Avallon, en 1397, on comptait encore 31 feux francs solvables et 35 misérables ; en 1413, il y en a 16 solvables, 36 misérables ; en 1442, 5 solvables, 36 misérables et 11 mendiants, et il ne reste plus un seul habitant dans les faubourgs. Des lettres officielles nous apprennent que, dans le Maine, il y a beaucoup de paroisses inhabitées et que, dans le nord du Poitou, la terre est presque deshabitée. L'Angoumois est pour ainsi dire désert. La ville de Limoges n'est plus qu'une ruine, depuis soixante-dix ans : vers 1435, il n'y a que cinq personnes qui y vivent. Dans le Quercy, les territoires de Jamblusse et de Mouillac sont abandonnés ; à Saillagol, il ne reste qu'une seule femme, à Cazals qu'un seul homme ; à Montauban, en 1442, on ne trouve plus personne pour remplir les charges consulaires. En Languedoc, Toulouse a perdu la moitié de ses habitants ; la ville de Saint-Gilles, qui comptait autrefois 10.000 âmes, n'en a plus que 400. Une partie de la population de Lyon a émigré en terre d'Empire.

Tel était l'état auquel la guerre et une anarchie d'un demi-siècle avaient réduit la France. Pour ce donques, s'écriait Jean Jouvenel des Ursins dans une épître au roi, je puis bien dire qu'il fault que vous vous esveillez, car nous n'en povons plus.

 

 

 



[1] SOURCES. Chroniques de Berry. Jean Chartier (t. I), Gruel, Lefèvre de Saint-Remy (t. II), Wavrin (t. IV), Monstrelet (t. V) ; Petit Traictié d'un clerc normand, édit. Hellot, dans Cronieques de Normendie, 188, ; Fragments de la chronique du Rozier des guerres, publié par Hellot, Rev. historique, t. XXIX. Chastellain, Mystère du Concile de Bâle (Œuvres, t. VI). Stevenson, Letters and papers, t. II ; Guérin, Documents concernant le Poitou, Arch. hist. du Poitou, t. XXIX ; Pièces de la Chronique du Mont-Saint-Michel, édit. Luce ; Registre des délibérations du Conseil de ville de Troyes, édit. Alph. Roserot (Docum. publ. par la Soc. Acad. de l'Aube. t. III), 1886.

OUVRAGES À CONSULTER. Outre les ouvrages de Cosneau, Flourac, Quicherat, Luce, les mémoires de D. Neuville, C. Favre, Le Vavasseur, cités au chap. II, et le mémoire de Rioult de Neuville cité au chapitre III, § 2 : Raynal, Hist. du Berry, t. III ; Boutiot, Un chapitre de l'histoire de Troyes, 1861 ; André Joubert, Les invasions anglaises en Anjou, 1872. Mémoires de Denys d'Aussy, Revue de Saintonge, t. XIV ; Arm. Gasté, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences morales, mars 1889 : L. Puiseux et Le Breton, Mém. de la Soc. des Antiquaires de Normandie, 2e série, t. IX, et t. XXX ; Ant. Thomas, Annales du Midi, 1890.

[2] Charles Grandmaison, Le baron et les religieux de Preuilly, 1856.

[3] Le meilleur récit de cette affaire est celui du Petit Traictié annexé aux Cronieques de Normendie, édit. Hellot. p. 75 ; voir aussi p. 209. — Au mois de janvier précédent, Jean Régnier, bailli d'Auxerre pour Philippe le Bon, chargé d'une mission auprès du gouverneur anglais de Rouen, fut pris non loin des Andelys, par une bande de partisans, qui le conduisirent à Beauvais et le vendirent, comme prisonnier à rançonner, à un bourgeois de la ville. Il a raconté, ses malheurs dans un curieux recueil de poésies qui a été analysé par M. Petit de Julleville dans la Revue d'Histoire littéraire de la France, 1895.

[4] SOURCES. Les grands traités de la Guerre de Cent Ans, publ. par E. Cosneau. 1899. Dom Antoine Le Taverne, Journal de la paix d'Arras, 1631. Stevenson, Letters and papers. Denifle, La désolation des églises de France, t. I, 1897. Dom Plancher, Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, 1781. Outre les chroniques citées au paragraphe précédent : Olivier de la Marche, édit. Beaune et d'Arbaumont, t. I, 1883 ; Thomas Basin, livres II et III (t. I) ; Fragment de Gautier van den Vliet, publ. par Funck-Brentano, Rev. d'hist. diplomatique, 1887.

OUVRAGES À CONSULTER. Lecesne, Le congrès d'Arras, Mém. de l'Acad. d'Arras, 2e série, t. VII. Cosneau, Richemont. J.-L. Basin, La Bourgogne de 1404 à 1435, 1898.

[5] Cf. les chiffres précis cités par J. Garnier, La recherche des feux en Bourgogne, 1876, p. 5-6.

[6] Il faut remarquer à leur décharge que les offres du roi pour la paix, faites au duc de Bourgogne le 16 août 1429, c'est-à-dire à l'époque des plus éclatants succès de Jeanne d'Arc, contenaient déjà toutes les concessions les plus humiliantes du traité de 1435, y compris la déclaration relative au meurtre de Montereau. Voir le texte de ces offres dans Cosneau, Traités de la guerre de Cent Ans, Append. II.

[7] Soit 5.214.000 francs en valeur intrinsèque actuelle, sans parler de la valeur relative.

[8] SOURCES. Outre les chroniques citées aux paragraphes 1 et 2 : Martial d'Auvergne, Vigilles de Charles VII, édit. Coustelier, t. I ; Journal d'un bourgeois de Paris ; Guillaume Leseur, Hist. de Gaston IV, comte de Foix, édit. Courteault, t. I. 1893 ; Petite chronique de Guyenne, édit. G. Lefèvre-Pontalis, Biblioth. de l'École des Chartes, 1886. — Stevenson, Letters. Delpit, Collection des documents français qui se trouvent en Angleterre. 1847. Longnon, Paris pendant la domination anglaise. Félibien, Hist. de Paris, t. III et IV, 1725. Boutiot, Dépenses faites par Troyes pour le siège de Montereau, 1855. Douais, Charles VII et le Languedoc, Annales du Midi, 1896. Arm. Gasté, Chansons normandes du XVe siècle, 1868, et Olivier Basselin et le Vau-de-Vire, 1877. Leroux de Lincy, Chants historiques français (Notices de Quicherat), t. I, 1861. Les sources anglaises, moins maigres pour cette période, sont énumérées dans l'ouvrage de Gross et les tables de Ramsay, Lancaster and York.

OUVRAGES À CONSULTER. Outre les ouvrages déjà cités de Cosneau, de la Roncière, Stubbs, et les mémoires de Le Vavasseur, Puiseux, Arm. Gasté, Le Breton, Moult de Neuville : Le Corbeiller, Dieppe et les Anglais de 1435 à 1443, Revue catholique de Normandie, t. VI. Eugène de Beaurepaire, Olivier Basselin, Mem. de la Soc. des Antiq. de Normandie, t. XXIV. Charles de Beaurepaire, Les États de Normandie, 1859. Semelaigne, Robert de Floques, 1872. Paul Robiquet, Hist. municipale de Paris, 1880. G. Lefèvre-Pontalis, Villiers de l'Isle-Adam, Positions des thèses de l'École des Chartes, 1883. Ribadieu, Hist. de la Conquête de la Guyenne, 1886. Jullian, Hist. de Bordeaux, 1895. A. Breuils, Campagne de Charles VII en Gascogne, Rev. des Quest. historiques, 1895, t. I. Mémoires de Clément Simon, Rev. des Quest. historiques, 1895, t. II, et de Courteault, Annales du Midi, 1894. Joubert, Le mariage de Marguerite d'Anjou, Revue du Maine, 1883.

[9] La Praguerie sera racontée au livre II, chapitre VIII.

[10] Voir là-dessus la Chronique du Normand Choinet, Rev. historique, t. XXIX, p. 79.

[11] Basselin a été longtemps célèbre comme auteur de chansons à boire. Ces prétendus Vaudevires d'Olivier Basselin ont été composés à la fin du XVIe siècle par Jean le Houx.

[12] C'est ce que fait supposer la célèbre chanson (G. Paris, Chansons du XVe siècle, n° 56) :

Hellas ! Ollivier Bechelin !

Orron nous plus de vos nouvelles ?

Vous ont les Anglois mis à fin ? ....

[13] Stevenson, Letters and Papers, t. II, p. tau. Tous ces faits ne nous sont connus que par des bribes de textes. Voir Thomas Basin, livre III, chap. II à V, et les pièces éditées par S. Luce, Chronique du Mont-Saint-Michel, t. II, principalement les n° 179 à 181, 193, 294.

[14] Ce récit, qui montre bien comment et pourquoi se formaient les conspirations contre les Anglais, est tiré des lettres de rémission qui furent accordées à Gossouin de Luet par le gouvernement anglais (Longnon, Paris pendant la domination anglaise, n° 175).

[15] Les habitants de Dorchester, ayant insulté Saint-Augustin de Cantorbéry, avaient été, selon la légende, condamnés par le ciel à porter une queue. D'où l'épithète de coués (caudati), dont les Anglais étaient gratifiés par leurs ennemis du continent.

[16] Ballade publiée par J. M. Richard, Revue des Questions historiques, t. XVIII, p. 226.

[17] Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, p. 433.

[18] SOURCES. Chroniques de Basin (livre III), O. de la Marche (livre I). Monstrelet (t. V) ; Journal d'un bourgeois de Paris ; Journal parisien de Jean Maupoint, édition Fagniez, Mém. de la Soc. de l'Hist. de Paris, t. IV. Chronique du Bec, édit. Porée. 1883. Jean Germain, Liber de virtutibus Philippi (chap. XXIII) dans Kervyn de Lettenhove, Collect. de chroniques. t. III. — Denifle, Désolation des églises en France, t. I ; Marcel Canat, Docum. inédits pour servir à l'Histoire de Bourgogne, 1863 ; Dom Plancher, Hist. de Bourgogne, t. IV. Documents publiés dans les Arch. histor. du Poitou par Delayant (au t. II) et Guérin (au t. XXIX), dans les Annales du Midi par Douais (1896-1897), et dans la plupart des ouvrages énumérés ci-dessous :

OUVRAGES À CONSULTER. Tuetey, Les Écorcheurs sous Charles VII, 2 vol., 1874 ; J. de Fréminville, Les Écorcheurs en Bourgogne, Mém. de l'Acad. des Sciences de Dijon, t. X : Paul Canal de Chizy, Les Écorcheurs dans le Lyonnais, Revue du Lyonnais, nouv. série, t. XXIII ; H. Witte, Die Armagnaken im Elsass, 1890 : F. Pasquier, Le dauphin et les routiers en Languedoc, 1895 ; Abbé Galabert, Les compagnies autour de Saint-Antonin, Bull. Soc. archéolog. de Tarn-et-Garonne, 1896. — Biographies d'Écorcheurs : Rodrigue de Villandrando, par Quicherat (1879) et Antonio Fabié (1882, en espagnol) ; épisodes de sa vie, par Boudet (Revue d'Auvergne, 1894), Ant. Thomas et C. Portal (Ann. du Midi, 1890 et 1895). Grassoreille (Rev. Bourbonnaise, t. I) ; Robert de Floques, par Semelaigne, 1872 ; H. de Chabannes, Hist. de la maison de Chabannes, t. II, 1894 ; Le bâtard de Bourbon, par Froussard, Rev. de Champagne, 1890 ; Robert de Sarrebruck, par C. Martin, Positions des Thèses de l'École des Chartes, 1885. — Histoires provinciales et locales : Raynal, Hist. du Berry, t. III ; Dom Vaissète, Hist. du Languedoc, nouv. édit., t. IX ; Rouquette, Le Rouergue sous les Anglais, 1887 ; Quantin, Épisodes du pays sénonais, Mémoires lus en Sorbonne en 1865 ; Boutiot, Hist. de Troyes, t. III, 1873 : Sourquelot, Hist. de Provins, t. II, 1840 ; Flammermont, Senlis, Mém. de la Soc. de l'Hist. de Paris, t. V. — Sur la dépopulation : Levasseur, La population française, t. I. 188g ; Ch. de Beaurepaire, Mém. de la Soc. des Antiq. de Normandie. t. XXVIII ; Quentin, Bull. de la Soc. des Sciences de l'Yonne, t. VII ; Galabert, Bull. de la Soc. archéol. de Tarn-et-Garonne, 1881.

[19] Les gens de guerre pillards étaient appelés Écorcheurs, parce qu'ils dépouillaient leurs victimes jusqu'à la chemise. On les appelait aussi Armagnacs, en souvenir des excès commis par les routiers de ce parti.

[20] Cette expédition sera racontée au liv. II, chap. IX, § 1.

[21] Un Normand contemporain l'affirme, en parlant de l'administration du duc de Somerset : Anglois furent mal payez, par quoy furent plus abandonnez a prendre et bretonner sur le peuple. (Petit traictié, dans Cronieques de Normendie, édit. Hellot, p. 132.) L'Italien Rolando de Talentis, secrétaire de l'évêque de Bayeux, écrivait au duc de Gloucester vers 1443 : Les capitaines et les gardiens des châteaux et des villes se plaignent tout haut de n'avoir pas reçu de solde depuis dix-huit mois environ (Épître latine publ. par Denifle, Désolation, t. I, n° 1001.) Thomas Basin dit également qu'après la mort du duc de Bedford les Anglais commirent d'affreux pillages (Œuvres, t. I, p. 202).

[22] Il sévit aussi, très cruellement, en dehors du royaume ; surtout en Lorraine, en Alsace et en Franche-Comté. Tout pays était bon aux Écorcheurs, pourvu qu'ils ne s'y heurtassent point à une résistance fortement organisée.

[23] Beauvillé, Recueil de documents concernant la Picardie, t. I, p. 119. Le compte du receveur Colart le Cordouannier, édité au tome IV du même recueil. nous montre qu'une foule de Picards avaient abandonné leurs biens, pour émigrer ou se faire brigands.

[24] Texte publié par Mile de Villaret, Campagnes de Jeanne d'Arc sur la Loire, p. 118.

[25] Revue des Sociétés savantes, 1870, t. I, p. 461

[26] Pièce éditée par S. Luce, Chronique du Mont-Saint-Michel, t. II.