HISTOIRE DE FRANCE

TOME QUATRIÈME — LES PREMIERS VALOIS ET LA GUERRE DE CENT ANS (1328-1422).

LIVRE IV. — LE GOUVERNEMENT DES PRINCES.

CHAPITRE IV. — L'INVASION ANGLAISE[1].

 

 

I. — AZINCOURT[2].

LE 20 mars 1413 était mort le roi d'Angleterre, Henry IV. Dans les dernières années de son règne, comme sa santé était très ébranlée, il avait bien accepté les alliances françaises — bourguignonne et orléaniste — qui s'offraient cyniquement à lui, mais n'avait pas cherché à en tirer grand profit. Son fils, Henry V, avait vingt-sept ans. Comme prince de Galles, lieutenant du roi dans la guerre contre Owen Glendowr, connétable de Douvres, garde des Cinq Ports et capitaine de Calais, il avait fait son apprentissage de guerre. Sa jeunesse n'avait pas été aussi turbulente et débauchée que lui-même voulut bien le dire à son avènement, par fausse humilité. Il était instruit, dévot, d'une piété prétentieuse et, théâtrale, froid, dur, glorieux. Il rêvait de renouveler les victoires d'Édouard III, et de recommencer les Croisades.

Les trêves, conclues, sous Henry IV, entre France et Angleterre, furent prorogées jusqu'au 2 février 1415. Mais Henry V était d'ores et déjà décidé à reprendre les prétentions anglaises sur la couronne de France. À l'ambition du roi, s'ajoutaient les convoitises des Anglais. Le parti de la guerre et du pillage de la France était très fort en Angleterre. Au Parlement de Leicester, en mai 1414, le duc d'Exeter se plaisait à rappeler combien, à la différence de l'Écosse, la France était un pays fertile, plaisant et plein de ressources, avec de riches cités, de magnifiques villes, d'innombrables châteaux, vingt-quatre duchés puissants, plus de quatre-vingts provinces abondamment peuplées, cent trois évêchés fameux, plus de mille gras monastères, et quatre-vingt-dix mille paroisses.

Henry trouva tout de suite un bon allié, le duc de Bourgogne, que le roi et son Conseil armagnac, après la chute des Cabochiens, avaient déclaré rebelle et ennemi du royaume. Depuis la fin de janvier 1414, des négociations mystérieuses étaient engagées entre Jean sans Peur et Henry V. Le 23 mai, par la convention préliminaire de Leicester, le roi et le duc avaient conclu une alliance offensive et défensive : Jean sans Peur aiderait Henry V à conquérir les domaines des princes du parti armagnac ; il recevrait sa part dans la conquête du domaine royal, tout en gardant la neutralité à l'égard du roi et du dauphin ; enfin à une date ultérieure il prêterait l'hommage lige au roi d'Angleterre. La convention de Leicester fut encore précisée et aggravée, le 7 août suivant, à Ypres. Jean sans Peur jouait, au reste, double jeu : il niait au même moment ses rapports avec le roi d'Angleterre et, quand il conclut la paix dite d'Arras avec le roi de France, il fit donner à Charles VI l'assurance qu'il n'était lié par aucun pacte avec les ennemis du royaume. Il attendait l'avenir pour se décider à fond ; mais Henry V comptait sur lui.

Déjà, en août 1414, le roi d'Angleterre avait présenté, par ambassade, deux requêtes, dont la première était étrange : il demandait à Charles VI de lui restituer le royaume de France. Sa prétention était injustifiable. Lorsqu'Édouard III avait prétendu à la couronne de France, il avait invoqué un droit d'hérédité par les femmes. Or, ce droit était passé à son plus proche descendant dans l'ordre de la primogéniture, le comte de March, petit-fils de Lionel, duc de Clarence, le second fils d'Édouard III, tandis qu'Henry n'était que le petit-fils du duc de Lancastre, le troisième fils. Sans doute pour se créer un droit plus solide, Henry V demandait — et c'était là sa seconde requête — la main de Catherine de France, fille de Charles VI. Son ambassade fut comblée d'honneurs et de cadeaux, mais repartit sans avoir reçu de réponse. Il renouvela la sommation ; le roi de France répondit, en janvier 1415, par la promesse d'envoyer une grande ambassade en Angleterre. En attendant, Henry V écrivit à Charles VI des lettres pathétiques ; il invoquait des souvenirs bibliques, prenait Dieu à témoin qu'il ne poursuivait aucun intérêt particulier, et qu'il détestait l'effusion du sang ; il ne tiendra pas à lui, disait-il, que la paix soit rompue.

A la fin de juin 1413, l'ambassade française, composée de six cents personnes, arrivait en Angleterre. Henry V la trouva bien nombreuse pour une négociation qu'il voulait rapide. Dans la salle épiscopale de Winchester, tendue de tapisseries d'or, le roi la reçut, vêtu d'une longue robe royale de drap d'or. L'archevêque de Bourges, au nom de son maître, offrit au roi d'Angleterre la main de Catherine de France, avec une dot de huit cent cinquante mille écus d'or, quinze villes et sept comtés et sénéchaussées en Aquitaine. On paraissait près de s'entendre. Mais, quand il fallut préciser les conditions de paiement et de cession, Henry V réclama des avantages et des garanties qu'il était impossible de lui accorder. L'archevêque, à qui le roi avait permis de lui répondre hardiment, lui déclara que Charles VI était seul vrai roi de France, que lui, Lancastre, n'était pas vrai roi d'Angleterre, et qu'il n'était pas possible de traiter avec lui. À quoi le roi Henry, mal content, riposta plusieurs paroles hautes bien orgueilleuses et leur dit qu'ils s'en allassent et qu'il les suivrait de près.

Le voyage de France était, en effet, préparé depuis plusieurs mois. Dès février, le roi avait ordonné de mettre en état tentes et pavillons. Des navires avaient été retenus aux premiers beaux jours sur la côte anglaise, et d'autres, loués, sur les côtes de Hollande. Les approvisionnements en charrettes, fers, harnais de chevaux, bétail, provisions de bouche s'entassaient à Southampton et à Calais. Le 24 juillet, Henry V fait son testament ; le 28, il adresse à Charles VI un dernier appel à la paix, qui n'est qu'une sorte de défi.

Le 13 août, à la nuit tombante, le vaisseau la Trinité, monté par le roi d'Angleterre, jetait l'ancre à l'abri de la pointe de la Hève, à l'endroit appelé Chef de Caux ; quatorze cents navires suivaient. Sans qu'un ennemi se montrât, trente mille hommes débarquèrent et campèrent sur le plateau de Sainte-Adresse, avec un grand matériel d artillerie et de machines de siège.

Le premier obstacle que devaient rencontrer les Anglais était le port d'Harfleur, à l'embouchure de la Lézarde, sur l'estuaire de la Seine ; il était alors dépourvu de vaisseaux. Le roi d'Angleterre voulait faire de cette place un autre Calais ; car c'était la clé principale sur mer de toute Normandie. Le 19 août, l'investissement était terminé. En même temps, des bandes anglaises parcouraient le pays de Caux. Aux habitants, Henry V faisait dire qu'il était venu en sa terre, en son pays et son royaume, pour les mettre en franchise et liberté, telles que le roi saint Louis avait tenu son peuple.

Cent lances seulement gardaient Harfleur ; le 18 août, il leur vint un secours de trois cents lances, conduites par le sire de Gaucourt. Ce fut toute la défense. Le gouvernement royal était pris au dépourvu, sans armée et sans argent. Vers le 18 septembre, Gaucourt et une partie des assiégés convinrent qu'ils enverraient vers le roi, et que, si dans trois jours, aucun secours n'était arrivé, ils se rendraient. Les messagers d'Harfleur trouvèrent le dauphin à Vernon et le roi à Mantes ; il leur fut dit que la puissance du roi n'était point encore assemblée ni prête pour bailler secours si hâtivement. Le 22 septembre, bien que la ville, dit-on, eût encore d'abondantes ressources, elle envoya des députés pour traiter de la capitulation. On les amena dans une tente, dit le chapelain du roi d'Angleterre ; ils se mirent à genoux, mais ne virent point le roi ; puis dans une autre tente, où ils s'agenouillèrent longtemps, mais ils ne virent pas le roi. En troisième lieu, on les introduisit dans une tente intérieure, où le roi ne se montra pas encore. Enfin, on les conduisit là où siégeait le roi. Ils furent longtemps à genoux, et notre roi ne leur accorda pas un regard, sinon lorsqu'ils eurent été très longtemps à genoux. Alors le roi les regarda, et fit signe au comte de Dorset de recevoir les clés de la ville. Le butin fut exactement inventorié. La plupart des gens d'Église et des femmes furent boutés hors. Henry V entra dévotement à Harfleur ; il se fit déchausser et en telle manière alla jusqu'à l'église Saint-Martin et fit oraison, regrâciant son Créateur de sa bonne fortune.

Le roi d'Angleterre séjourna dans la ville vingt jours, le temps d'installer une garnison et de renvoyer en Angleterre les malades et le butin. La saison étant trop avancée pour une marche sur Paris, il décida, à l'exemple d'Édouard III, de gagner Calais par terre en vivant sur le pays. Le 8 octobre, il se mit en route à travers le pays de Caux.

Ce n'est qu'aux premiers jours d'octobre — tant étaient grands le désordre et la pénurie, — que l'armée du roi de France put se réunir à Rouen autour de Charles VI, du dauphin et du connétable. Les hommes d'armes appartenaient presque tous à la noblesse. Aux villes, on avait surtout demandé des machines et des canons : leurs archers et arbalétriers, malgré qu'ils fussent bien armés et eussent grande volonté de eux employer, semblaient inutiles ; les gens d'armes les vilipendaient et les méprisaient. Cette armée avait le même esprit que celles de Créci et de Poitiers.

Jean sans Peur tenait toujours une conduite équivoque. Il était alors sollicité par les deux rois. De mai à septembre 1415, les ambassades de Charles VI avaient succédé près de lui, à celles de Henry V. Par prudence, le Conseil du roi avait décidé de demander aux deux adversaires, Bourgogne et Orléans, un secours de cinq cents bassinets et de trois cents hommes de trait, en les priant de rester chacun chez soi. Le 24 septembre, Jean sans Peur répondit au roi une lettre qui serait très belle, si elle n'était pas mensongère : Et me veut-on, dit-il, sur couleur bien légère, priver du service que je dois et suis obligé de faire sous peine de mon honneur qui me lie, et que je veux garder plus que chose terrienne. Et ne doit-on point s'imaginer que mon beau cousin d'Orléans, ni moi, ni autre quelconque, voulussions faire si grande faute envers Dieu, envers Votre Majesté et envers votre royaume, à la confusion et désolation de nous-mêmes, qui par votre félicité sommes en voie de toute prospérité, et par votre adversité sommes du tout abaissés et déchus. Et il annonce qu'il viendra à plus grand nombre, attendu la nécessité qui est. On soupçonna, non sans raison, qu'il voulait profiter de l'occasion pour renverser le parti armagnac, et s'emparer du gouvernement. Ses offres furent repoussées. Aussitôt, il donna ordre à la noblesse de Picardie et sans doute d'Artois et de Flandre de s'abstenir ; il fit garder à vue son fils le comte de Charolais qui voulait rejoindre l'armée royale, et si, dans l'armée que défendit le royaume, il y eut des Picards, des Bourguignons même, ce fut contre sa volonté.

Comme Édouard III, Henry V voulait passer la Somme à Blanquetaque. Un écuyer gascon, fait prisonnier par les Anglais, révéla que le passage était fortement gardé. Henry dut remonter sur la rive gauche de la rivière jusque vers Nesle, où il trouva, dans les marais, une chaussée abandonnée. Toute la journée du 19 octobre, l'armée anglaise passa, puis elle força les étapes vers le Nord. Les moindres désordres et les moindres pillages étaient punis de mort. Les Anglais ne se donnaient pas le temps de faire du pain ; ils marchaient au plus vite, sous la pluie qui ne cessait de tomber ; mais le 24 octobre, à Azincourt, ils se trouvèrent en présence de l'armée française.

Depuis plusieurs jours, les princes qui la commandaient avaient envoyé demander au roi la permission de combattre. Le duc de Berri, se souvenant de Poitiers, voulait qu'on s'en abstint ; on lui accorda seulement que ni le roi ni le dauphin n'assisteraient à la journée. L'armée française formait une masse d'environ cinquante mille hommes. De gros renforts étaient encore en route. La position malheureusement était mauvaise, entre Azincourt et Tramecourt, sur un petit plateau large à peu près de cinq cents mètres, où il n'y avait place fors pour les hommes d'armes. Toute la nuit du 24 au 25 octobre, il plut. La plupart des hommes d'armes demeurèrent jusqu'au matin à cheval en pleines terres labourées. Au jour levé, sauf deux escadrons, qui devaient opérer sur les flancs, tous descendirent de leurs chevaux qui furent tenus en arrière. Les armures étaient d'un poids énorme, la boue glissante et épaisse. Comme à Poitiers, il fallut raccourcir les lances. Au moment où commença l'action, les trois batailles de l'armée étaient entassées sur trente ou quarante rangs de profondeur, sans articulations, inertes et embourbées.

À six cents mètres de là, au camp anglais, par ordre du roi, sous les peines les plus graves, le silence avait régné toute la nuit. Le matin, après qu'Henry V, sous le harnais, eut entendu ses trois messes, l'armée anglaise se rangea : une grande bataille au milieu sous les ordres du roi, et deux ailes, en tout environ treize mille hommes, trois ou quatre fois moins que l'armée française. Mais, tandis que celle-ci, limitée par le terrain, était toute en profondeur, les Anglais s'allongeaient sur une ligne étendue, avec quatre hommes d'épaisseur. Enfin, à onze heures, après avoir vainement attendu l'attaque des Français, ils commencèrent le combat.

Les archers anglais, très libres de leurs mouvements en leurs pourpoints, les chausses avalées, les aucuns tout nu-pieds, plantèrent devant eux des pieux effilés pour se protéger, puis ils se mirent à tirer. Harcelée par la grêle des flèches, aveuglée par le soleil, la lourde masse de la chevalerie française se décida à marcher et à prendre contact. Mais seuls les premiers rangs peuvent combattre ; le reste s'écrase, sans pouvoir avancer ni reculer. Les chevaux des escadrons placés aux ailes se cabrent, tournent bride et se rejettent sur la première bataille. Alors les Anglais attaquent à l'arme blanche. Les archers jetant leurs arcs et leurs trousses, prennent leurs épées, et abattent les hommes d'armes à tas, et semblait que ce fût enclume sur quoi ils frappaient. La première bataille anéantie, le reste de l'armée ne fait guère de résistance. À la fin de la journée, arriva au galop le duc de Brabant, frère de Jean sans Peur : il se précipita dans la mêlée, où il fut tué.

Les Anglais étaient encombrés de prisonniers. Un moment, on craignit un retour offensif ; Henry V donna l'ordre de les tuer. Mais un prisonnier, c'était une fortune pour qui le tenait : les Anglais hésitèrent. Deux cents archers furent chargés de l'exécution : de froid sang toute cette noblesse française fut là tuée et découpés têtes et visages. Le danger passé, le carnage cessa. Il était près de quatre heures ; la pluie recommençait à tomber.

Les Anglais ne perdirent pas plus de quatre à cinq cents hommes. Du côté français, il ne dut pas y avoir moins de sept mille hommes d'armes tués ou blessés à mort, tous de la noblesse : parmi eux des princes du sang, le duc de Brabant et le comte de Nevers, de la maison de Bourgogne, le duc d'Alençon, le duc de Bar, et de plus le connétable, l'amiral, etc. Les prisonniers épargnés par le massacre étaient au nombre de quinze cents environ. Les plus considérables, comme les ducs d'Orléans et de Bourbon, le comte de Richemont, Boucicaut, furent menés en Angleterre.

Le lendemain matin, Henry V se mit en route vers Calais, où il s'embarqua, le 16 novembre. Il prétendait que ses vertus et celles de son peuple, et sa fidélité au pape de Rome l'avaient fait élire par Dieu pour exécuter sa vengeance. Et, tout en cheminant d'Azincourt à Calais, il avait essayé de consoler le duc d'Orléans, en lui disant : Beau cousin, faites bonne chère. Je connais que Dieu m'a donné la grâce d'avoir eu la victoire sur les Français, non pas que je le vaille ; mais je crois certainement que Dieu les a voulu punir, et, s'il est vrai ce que j'en ai ouï dire, ceci n'est merveille, car on dit que oncques plus grand desroi (désordre), ni désordonnance de volupté, de péchés et de mauvais vices ne furent vus, que règnent en France aujourd'hui.

 

II. — LE RÈGNE DES ARMAGNACS[3].

DE Rouen où ils étaient, Charles VI et le dauphin retournèrent à Paris, petitement accompagnés. L'entrée se fit en silence ; le roi  était vêtu d'une robe, qu'il portait continuellement depuis plus de deux ans, et le chaperon aussi, et avait ses cheveux jusqu'aux épaules.

Depuis la disparition des Cabochiens et le retour des princes à l'automne de 1413, Paris et le gouvernement étaient aux mains des Armagnacs. Aussi, dans tout le royaume, les Bourguignons s'étaient félicités de la victoire des Anglais, et de la capture du duc d'Orléans. Le duc de Bourgogne avait bien mené grand deuil de la perte de ses deux frères, tués sur le champ de bataille ; il avait envoyé, par un hérault, son gantelet au roi d'Angleterre ; mais, aimablement, Henry V renvoya le hérault et le gant. Et Jean sans Peur, qui n'avait pas bougé au moment de l'invasion anglaise, qui avait défendu à son fils et à ses vassaux de rejoindre l'armée royale, jugea le moment venu de réunir une armée, pour la mener devant Paris et reconquérir le gouvernement. Du 10 décembre 1415 au 28 janvier 1416, il est en armes à Lagni, négociant et menaçant, attendant une occasion, tandis que ses hommes d'armes ravagent la Brie, la Champagne et l'Île-de-France.

Personne, parmi les princes, pour prendre en mains les affaires. La reine Isabelle, alourdie par l'embonpoint et la goutte, est incurablement frivole. Aucune renommée était qu'en l'hôtel de la reine se faisaient plusieurs choses des honnêtes, si bien que il fallut un jour l'exiler à Tours. Le dauphin est pesant et tardif, tout occupé de musique, de chant ; il passe la nuit à veiller et peu faire, et se couche au point du jour ou à soleil levant. Le duc de Berri est un vieillard usé. Et, dans cette étrange famille, la mort frappe à coups redoublés : le dauphin — Louis, duc de Guyenne — meurt le 18 décembre 1415 ; le duc de Berri, le 15 juin 1416 ; le nouveau dauphin, — Jean, duc de Touraine, — le 5 avril 1417 ; le roi de Sicile, le 30 avril suivant.

Un maitre s'est imposé au roi et au royaume, un Gascon endiablé, sans pitié ni crainte, Bernard VII d'Armagnac, le beau-père du duc d'Orléans. Fait connétable le 30 décembre 1415, il gouverne à Paris au nom du roi fou, puis de Charles, troisième dauphin — le futur Charles VII. Il organise la défense, avant tout contre les Bourguignons. De Gascogne, il fait venir des troupes sûres et terribles, les préférant à la noblesse vaincue à Azincourt. Les bandes des Armagnacs se répandent partout où ne sont pas établis les Bourguignons. Toute la région autour de Paris, la Picardie, la Normandie, une partie de la Champagne, sont parcourues et désolées. À Paris, tous ceux qui sont suspects de sympathies bourguignonnes dans le Parlement, à l'Université, au Châtelet, et parmi les bourgeois, sont emprisonnés ou chassés. À l'été de 1417, huit cents personnes, hommes et femmes, sont bannies en l'espace de trois semaines. Les portes de la ville sont murées. Il est défendu de se réunir, de célébrer sans autorisation des fêtes de famille : En ce temps, avait, quand on faisait noces, certains commissaires et sergents aux dépens de l'épousé, pour garder que homme ne murmurât de rien. Il est défendu de garder des armes, d'avoir à sa fenêtre ni coffre, ni pot, ni hotte, ni côte en jardin, ni bouteille à vinaigre, sous peine de perdre corps et biens, et de se baigner en la rivière sous peine d'être pendu par la gorge. En même temps, la famine s'annonce : le pain, le vin, les œufs, le fromage renchérissent. Dans toute la France, on fuit devant les Anglais, les Bourguignons ou les Armagnacs. La population s'entasse dans les villes. Rouen, qui est placé entre ces trois sortes d'ennemis, n'a jamais été si peuplé ; c'est le refuge de toute la Normandie.

La guerre contre les Anglais est petitement faite. En 1416, une tentative pour reprendre Harfleur échoue. Les armements maritimes, poussés avec ardeur, ne donnent aucun succès : l'argent destiné aux capitaines et marins génois est volé par les intermédiaires ; la flotte franco-génoise est battue dans l'estuaire de la Seine, le 15 août 1416, puis, devant la Hougue, le 29 juin de l'année suivante.

La diplomatie n'est pas plus heureuse. Un instant, on compte sur l'intervention de l'empereur Sigismond. Fidèle aux traditions des Luxembourg, il avait conclu à Trino, le 95 juin 1414, un traité d'amitié et d'alliance avec Charles VI, où il lui promettait de rester toujours son bon, loyal et parfait ami. En 1415, le Concile, réuni à Constance, travaillait à rétablir l'unité dans l'Église, et Sigismond s'y donnait de son mieux : il était allé jusqu'à Narbonne trouver le roi d'Aragon pour les affaires du Schisme. Sollicité d'intervenir pour la paix entre France et Angleterre, il vint à Paris, le 1er mars 1416. C'était, en ces tristes jours, une bonne fortune que sa venue ; mais Sigismond désenchanta ses hôtes. Lorsqu'il alla assister à la messe de Notre-Dame, il ne donna rien à l'offrande, rien non plus au trésor de la Cathédrale, à peine un pauvre écu aux enfants de chœur. Au Parlement, où il voulut voir juger une cause, il prit sans façon la place du roi, et intervint dans le procès, en faisant chevalier un des deux adversaires. H offrit un magnifique souper à cent vingt dames et demoiselles de Paris ; mais il les fit servir à la manière allemande, avec des plats épicés et du vin à profusion, ce qui fut jugé fort grossier. À chacune, il donna comme souvenir un petit couteau d'Allemagne qui ne valait qu'un blanc, et un anneau qui ne valait guère mieux. Au bout d'un mois et demi, on vit partir pour l'Angleterre ce piètre médiateur. Une ambassade française l'accompagnait.

L'Empereur n'arriva à Londres que le 7 mai 1416. Pour la première fois, un empereur visitait l'Angleterre. Henry V fit à son hôte une réception merveilleuse, car bien savait les honneurs mondains autant que prince de son temps. Le roi d'Angleterre et Sigismond tombèrent d'accord pour proposer au roi de France non pas encore la paix, mais seulement une trêve de trois ans et une entrevue en Normandie. En attendant, Harfleur serait remis entre les mains de l'empereur. Une ambassade fut envoyée à Paris, puis une conférence se réunit à Beauvais ; on n'y put décider que la convocation d'une autre conférence à Calais. Henry V entendait réclamer au minimum la possession définitive d'Harfleur, et la remise en toute souveraineté des territoires cédés par le traité de Calais. C'était comme le fond immuable des exigences anglaises ; le gouvernement de Charles VI ne pouvait se résigner à les admettre.

Et voilà que l'empereur fait volte-face : séduit par les égards que lui prodigue Henry V, il reproche hypocritement aux Français de l'avoir fait travailler inutilement à la paix pendant six mois. Dans la convention de Canterbury, du 15 août 1416, il appelle Henry V notre frère Henry d'Angleterre, roi de France, s'allie avec lui, s'engage même à lui prêter aide pour recouvrer son royaume de France. Dans les premiers jours de septembre, le roi d'Angleterre reconduisait son hôte à Calais. Leur alliance était encore secrète. Sigismond continuait à négocier en apparence ; mais il résumait sa politique en disant : Mes parents sont en France, mais mes amis sont en Angleterre.

Jean sans Peur, exaspéré d'avoir échoué devant Paris, avait recommencé à négocier avec les Anglais. Une trêve générale pour les domaines de Bourgogne fut d'abord convenue, le 24 juin 1416 ; par suite, défense nouvelle fut faite aux sujets du duc de s'armer à l'appel du roi de France. Puis le duc de Bourgogne alla faire visite au roi d'Angleterre à Calais, où il arriva le 6 octobre 1416, accompagné de deux cents chevaux. Duc et roi passèrent huit jours ensemble. Que fut-il dit et convenu entre eux ? Nous avons des documents graves, mais ce ne sont pas des actes définitifs : seulement une minute, sans formes authentiques, à laquelle est attaché un protocole de lettre au nom du duc de Bourgogne, daté de Calais, au mois d'octobre, mais sans indication de jour ni signature. Jean sans Peur y reconnait Henry et ses descendants comme celui et ceux, qui de droit est et seront rois de France. Cependant, il ne prêtera l'hommage que lorsque le roi d'Angleterre aura notable partie recouvrée du royaume de France. Il aidera du reste Henry V par toutes voies et manières secrètes qu'il saura. Pendant tout le temps que le roi d'Angleterre travaillera à la recouvrante du royaume de France, Jean promet de faire guerre avec toute sa puissance à ses ennemis du royaume, désignés dans l'acte par les initiales A. B. C. D., et à tous ceux qui seront désobéissants au roi d'Angleterre. Si cette convention odieuse ne fut pas mise en forme définitive, ce fut sans doute par prudence ; peut-être aussi Jean ne voulut-il pas s'engager trop, ni se couper tout moyen de retraite.

En 1417, Henry pouvait donc commencer une nouvelle campagne. L'empereur était son allié. D'autre part, un traité d'alliance offensive et défensive liait, depuis le 29 avril, Jean sans Peur et Sigismond. Il est vrai que l'Empereur, malgré ses promesses, ne fit rien ou presque rien. Mais Henry V avait réuni une armée et organisé une flotte. À la fin de juillet, il partit. Le 1er août, il prenait terre à l'embouchure de la Touques, sur la plage de Trouville. Quelques jours après, Jean sans Peur se mettait en route vers Paris.

 

III. — LES BOURGUIGNONS À PARIS ET LES ANGLAIS À ROUEN[4].

CETTE fois, l'invasion anglaise menaçait la Basse-Normandie. Le terrain était bien choisi. Bien que le connétable eût rappelé à Paris une partie des hommes qui défendaient la Haute-Normandie, les places du pays de Caux et de la vallée de la Seine étaient un obstacle difficile à franchir ; elles pouvaient être rapidement secourues. Mal garni et mal défendu, le bas pays était, au contraire, facile à conquérir. Conquise, la Basse-Normandie devenait une bonne base d'opérations ; de là, les Anglais pouvaient se jeter sur la Seine entre Paris et Rouen, et prendre cette dernière ville entre deux feux.

L'armée anglaise marcha sur Caen. Le roi d'Angleterre voulut prouver aux habitants qu'il venait, en bon maitre, prendre possession de sa terre. Il établit parmi ses troupes une discipline rigoureuse et ordonna de respecter en particulier les gens d'Église et leurs biens. Aussi, à Caen, les Anglais occupèrent-ils sans difficulté les deux grandes abbayes de Saint-Étienne et de la Trinité, qui dominaient la ville. Les habitants, au contraire, se défendirent de leur mieux pendant dix-sept jours. Quand, après l'assaut, les ennemis entrèrent, ils ne trouvèrent guère que des ruines ; le sang dévalait parmi les rues. Le château ne se rendit que le 20 septembre 1417. La plus grande partie de la population, vingt-cinq mille personnes environ, dut émigrer. Henry V établit à Caen son quartier général et les premiers services de l'administration anglaise.

Comme Caen, la plupart des châteaux de la plaine de Caen et du Bessin sont vite anglaisés. Bayeux capitule avant le 19 septembre ; Argentan, le 11 octobre ; Alençon, le 23 octobre. Falaise, grâce à sa position très forte dans un pays difficile, coupé de grandes brèches rocheuses, se défend jusqu'au 16 février 1418. Comme il n'y a pas de résistance organisée, on subit partout l'établissement du régime anglais comme une nécessité. Tout se passe avec régularité : ceux qui se soumettent, n'ont rien à craindre ; ceux qui ne veulent pas reconnaître le nouveau maitre, sont bannis ; des actes très précis règlent les dates de leur départ, ce qu'ils peuvent emporter, les délais et prolongations qu'ils peuvent obtenir dans certains cas. Cette sévère ordonnance de la conquête fait contraste avec le désordre qui règne dans tout le royaume de France. Aussi d'assez nombreux Normands, clercs, bourgeois et nobles, se rangent, d'eux-mêmes, sous la domination anglaise. Enfin, les princes voisins de la Normandie s'entendent avec ce roi rigide et dur, mais fidèle à sa parole. Le duc de Bretagne va le trouver en novembre 1417, à Alençon, et conclut avec lui une trêve d'un an. La reine de Sicile, duchesse d'Anjou, en fait autant.

Le duc de Bourgogne, de son côté, avançait sur Paris avec toutes ses forces. En route, il avait adressé aux villes du royaume un manifeste, où il faisait le procès du gouvernement des Armagnacs ; il promettait la suppression des aides et impositions de toute sorte. Il était à Versailles, le 16 septembre 1417 ; jusqu'au printemps suivant, il rôde autour de Paris. Il lie partie avec la reine Isabelle exilée à Tours, s'en va la chercher, et oppose le gouvernement de la régente, qu'il établit à Troyes, au gouvernement du dauphin, que dirige à Paris le connétable. Isabelle a un sceau, le sceau des causes, souverainetés et appellations pour le roi ; elle se dit par la grâce de Dieu reine de France, ayant, pour l'occupation de Monseigneur le roi, le gouvernement et administration de ce royaume.

A Paris, la tyrannie des Armagnacs excède tout le monde. On refuse de payer les aides ; le commerce est suspendu ; l'argent ne circule plus. Il faut user de contrainte, distraire des pièces d'orfèvrerie des trésors de Notre-Dame et de Saint-Denis. La cour se prive de poisson de mer frais, et mange des harengs salés, les jours maigres. Les hommes d'armes se nourrissent et se payent comme ils peuvent. Les imaginations sont affolées : on dit que les Armagnacs ont fait faire quatre mille haches avec les fers vernissés et quatre mille jacques noires afin qu'on ne les connût de nuit, et ne dormait pas chacun toute la nuit. À un moment, cependant, on crut la paix prochaine entre les princes. Jean sans Peur, toujours incertain, avait recommencé à négocier. À la Tombe, près de Montereau, on avait même abouti à une entente. Le 26 mai 1418, les cardinaux, qui avaient présidé aux pourparlers au nom du pape Martin V, avaient apporté la bonne nouvelle à Paris. La joie fut courte : le lendemain on apprit que le connétable d'Armagnac s'opposait à la paix, et que le chancelier Henri de Marle refusait de sceller le traité. Il ne restait plus qu'à appeler les Bourguignons.

Perrinet Leclerc, fils d'un gros marchand de fer du Petit-Pont, bourguignon de cœur, avait été vilaine et injurié par des valets armagnacs. Son père avait la garde de la porte Saint-Germain-des-Prés. Perrinet offrit à un des chefs de l'armée bourguignonne, le sire de l'Isle-Adam, qui se tenait à Pontoise, de le faire entrer dans la ville. Au milieu de la nuit du 28 au 29 mai, vers deux heures, après avoir pris les clés à son père sous son chevet, il ouvrit la porte Saint-Germain. L'Isle-Adam, avec huit cents hommes d'armes, entra et poussa jusqu'au Châtelet. Il y trouva réunis douze cents Parisiens en armes, portant la croix bourguignonne de Saint-André. Les Bourguignons criaient : La paix ! La paix ! Bourgogne ! Peu à peu, les habitants sortirent de leurs maisons. Une grosse bande se dirigea vers l'hôtel du connétable. Il s'était caché dans une maison voisine ; il y fut découvert, puis mené au Palais. Une autre bande se porta à l'hôtel Saint-Paul, enfonça les portes et pénétra jusqu'au roi, qui accorda en souriant tout ce qu'on lui demandait et se laissa emmener à cheval par les rues. Le prévôt de Paris, Tangui du Châtel, avait eu le temps d'aller chercher le dauphin et, ainsi que Dieu le voulut, le prit entre ses bras, l'enveloppa de sa robe à relever, et le porta à la Bastille Saint-Antoine. Peu après, il en repartait à cheval et mettait le prince en sûreté à Melun. Les Armagnacs, sans ordre et sans chef, se laissèrent massacrer. On voyait des cadavres dépouillés, en tas comme porcs au milieu de la boue. Cinq cent vingt-deux personnes furent ainsi tuées dans les rues, sans aucunes qui furent tuées à maisons. Le pillage s'étendit par toute la ville. Quelques jours après, la Bastille se rendait aux Bourguignons.

Dès les premiers jours, Philippe de Morvilliers, avocat au Parlement, et le sire de Montaigu furent envoyés par la reine et le duc de Bourgogne, pour tenter de mettre l'ordre dans la ville. Peut-être Jean sans Peur lui-même n'y aurait-il pas réussi ; mais, sans doute, il était décidé à laisser aller les choses ; il était retourné au printemps dans son duché, et y restait à chasser et à faire l'assemblée aux bois et aux fontaines. Cependant, à Paris, on craignait un complot armagnac pour délivrer le connétable. Le dimanche 12 juin, on cria alarme à plusieurs portes de la ville. Des rassemblements se firent aux Halles, à la place de Grève et à la place Maubert. Les bouchers se mirent à la tète des bandes qui se formèrent. Ils se portèrent aux prisons où étaient entassés les Armagnacs, comme si fussent chiens ou moutons. À la Conciergerie du Palais, le connétable et le premier président du Parlement, au Petit-Châtelet plusieurs prélats et hommes d'Église furent massacrés. Au Grand-Châtelet, les prisonniers qui avaient des armes résistèrent. Par feu, fumée et autre assaut furent pris, et en firent plusieurs saillir du haut des tours aval, et les Parisiens les recevaient sur leurs piques et sur les pointes de leurs bâtons ferrés, et puis les meurtrissaient paillardement et inhumainement. Mêmes massacres aux autres prisons. Les exécutions durèrent jusqu'au lendemain vers midi ; il y eut environ seize cents victimes, chevaliers, magistrats, prélats et docteurs. Les chefs bourguignons laissaient faire les soixante mille Parisiens armés et embâtonnés de maillets, haches, cognées, massues et autres vieux bâtons, qui pillaient au cri de Vive le roi et le duc de Bourgogne ! Au cadavre du connétable, les mauvais enfants arrachèrent deux larges bandes de peau, si bien qu'il se trouva porter mort, comme il l'avait fait vif, la bande des Armagnacs. Des femmes furent massacrées : Même il y eut une femme grosse qui fut tuée, et voyait-on bien bouger et remuer son enfant en son ventre, sur quoi aucuns inhumains disaient : Regardez ce petit chien qui se remue.

Jean sans Peur n'arrivait toujours pas. À Paris n'était homme qui pût savoir au vrai où il était, dont le peuple fut plus félon, et n'osait le prévôt faire justice. Enfin, le 8 juillet, le duc se décida à quitter Troyes. Le 14 juillet 1448, il fit son entrée avec la reine. Les bourgeois en foule faisaient cortège ; du haut des fenêtres, on jetait des fleurs, en criant : Noël ! Noël ! Vive Bourgogne ! Jean sans Peur mena la reine au pauvre roi, qui ne l'avait point vue depuis longtemps. Puis, de grands conseils furent tenus, pour organiser le gouvernement bourguignon. Tout le personnel du Parlement, des Comptes, des Requêtes, de l'Hôtel, de la Chancellerie fut renouvelé. De grandes largesses furent distribuées aux Bourguignons.

Mais le duc de Bourgogne avait trop attendu ; il n'était plus maître de Paris. Toute la nuit du 20 août et toute la journée du lendemain, des bandes parcoururent la ville. Elles étaient commandées par le bourreau Capeluche ; car Caboche était devenu un personnage officiel, attaché à l'hôtel du duc de Bourgogne. Au Châtelet, au Petit-Châtelet, les prisonniers qui restaient furent massacrés. De là, les bandes s'en allèrent à la Bastille Saint-Antoine, puis à l'hôtel de Bourbon. Le duc de Bourgogne essaya de les arrêter ; ni ses prières ni ses ordres ne furent écoutés. Une partie des prisonniers de la Bastille fut abandonnée à la foule et égorgée. Cette fois encore des femmes furent tuées, et mises sur les carreaux, sans robe que leur chemise. Il parait que le bourreau Capeluche était plus enclin que nul des autres à assassiner les femmes ; il tua ainsi une femme grosse, qui en ce cas n'avait aucune coulpe. Ce dernier crime le perdit. Du reste, le duc de Bourgogne ne pouvait supporter les manières familières que le bourreau avait naïvement prises avec lui. Capeluche fut saisi dans un cabaret des Halles, et mené à l'échafaud. Il donna lui-même des conseils au nouveau bourreau, et prépara avec soin les instruments de son supplice, tout ainsi  comme s'il voulut faire ledit office à un autre. D'autres chefs de l'émeute furent décapités peu après. Ordre fut donné au nom du roi de cesser toute violence et tout pillage. À ce moment, une très cruelle mortalité éclata, qui fit quantité de victimes ; les morts étaient jetés dans de grandes fosses et arrangés comme lard, et puis un peu poudrés de terre par dessus.

Dans le sang et dans le deuil, le parti bourguignon était maître de Paris. Il avait le roi entre les mains ; il s'appuyait sur la reine Isabelle. Beaucoup de villes se soumirent à lui dans le Nord du royaume ; pour assurer leur dévouement, les aides furent supprimées le 1er octobre. Des commissaires, envoyés au nom de la reine, semblent avoir rattaché à la cause bourguignonne la plus grande partie du Midi. Jean sans Peur profita de ces succès pour livrer le royaume à Henry V.

L'hiver n'avait pas interrompu la conquête anglaise en Normandie. Au mois de février 1418, Henry V avait divisé ses forces ; il était évidemment sûr de n'être point dérangé. Glocester avait poussé jusque devant Cherbourg, Huntingdon jusqu'à Avranches, Warwick jusqu'à Domfront, Exeter jusqu'à Évreux. Clarence avait parcouru le pays d'Auge, pénétré dans Lisieux et s'était arrêté à Bernai. À l'été de 1418, toute la Basse-Normandie était anglaisée, à l'exception de Cherbourg et du Mont-Saint-Michel.

Au mois de mai, Henry V se tourna vers la Haute-Normandie. II commença par occuper les places qui assuraient les communications de Rouen et de Paris. Le 23 juin, Louviers fut pris. De Pont-de-l'Arche, à cinq lieues en amont de Rouen sur la Seine, des reconnaissances remontèrent la vallée de l'Andelle, et isolèrent Rouen du côté du Vexin. Les hommes d'armes français qui gardaient la rive droite ne firent aucun effort pour empêcher les ennemis de jeter un pont sur des bateaux de cuir bouilli, près de l'abbaye de Bonport. La Seine passée, Henry V envoya le duc d'Exeter sommer Rouen de se rendre à son maître légitime, le roi de France, duc de Normandie. Les Rouennais ne répondirent pas. Le 29 juillet 1418 au soir, le roi d'Angleterre campait avec quarante-cinq mille hommes devant les murs.

Rouen était presque l'égal de Paris. On a évalué sa population d'alors à environ trois cent mille habitants. Le long des rues étroites et noires, s'entassaient les églises, les maisons, les hôtels, les couvents. La ville était riche par son industrie, celle de la draperie surtout, et par son commerce qui s'étendait jusqu'à l'Italie et la Scandinavie. Elle avait pour se défendre une enceinte continue de tours et de courtines ; au Nord-Ouest un très fort château, dont il reste encore le donjon ; à l'Est, sur la plus haute des collines qui dominaient Rouen, le fort Sainte-Catherine ; enfin, de l'autre côté de la Seine, à l'extrémité du pont qui unissait les deux rives, le vieux château ou Barbacane et l'arsenal du Clos des Galées.

Depuis plusieurs années, le gouvernement royal et surtout les Rouennais avaient fait de grands efforts pour mettre les fortifications en état. Au commencement de 1418, la ville s'était donnée au parti bourguignon : en janvier 1418, un capitaine bourguignon, Gui le Bouteiller, y était entré avec quinze cents hommes d'armes, et avait chassé le capitaine royal du Château. La Commune avait été restaurée. À l'arrivée des Anglais, Rouen avait une garnison de cinq mille cinq cents hommes d'armes. La milice urbaine et les arbalétriers formaient un corps de seize mille hommes, commandés par Alain Blanchart ; deux mille hommes furent armés parmi les réfugiés. Les Parisiens envoyèrent en outre un corps de six cents hommes. La place disposait d'un grand matériel d'artillerie : dans chaque tour trois grands canons, sur chaque courtine un gros canon et huit petits, sans compter les engins portatifs et les machines anciennes. Tous les faubourgs, jusqu'aux jardins et aux arbres, furent rasés. Il fut ordonné aux habitants de se pourvoir de vivres pour dix mois. Tous ceux qui ne pouvaient le faire, durent émigrer. Mais, pour diriger la défense, il aurait fallu un chef puissant : or Jean sans Peur, maitre du gouvernement royal depuis la fin de mai, se contenta d'envoyer quelques centaines d'hommes d'armes, mais ne se montra pas, comme s'il était retenu par quelque pacte mystérieux.

La résistance fut acharnée : les Rouennais ne cessaient de faire des sorties. Leurs cent canons faisaient feu tous dans l'espace d'une heure. Les Anglais alors résolurent d'investir complètement la place. Du côté de terre, ils garnirent leur camp de fossés, de talus, de chevaux de frise, enveloppant ainsi, d'une nouvelle enceinte, l'enceinte même de Rouen. La flotte anglaise isola Caudebec, puis remonta jusqu'aux portes de Rouen. En amont, Henry V fit jeter, à cinq kilomètres, un pont, qui reliait au camp anglais les postes de la rive gauche ; des chaînes furent tendues en avant du pont. Le fort Sainte-Catherine fut emporté. Le roi fit même transporter par terre les plus légers de ses navires — novo velificandi more, par une nouvelle manière de naviguer — au point le plus étroit de la grande boucle de la Seine ; il eut ainsi une flotte, en amont comme en aval. La ville était bloquée, la famine certaine.

Le duc de Bourgogne ne bougeait toujours pas ; car il était le plus long homme en ses besognes qu'on pût trouver. Un vieux prêtre, qui avait franchi les lignes anglaises, alla jusque devant le roi à Paris crier le grand haro des Normands, lequel signifie l'oppression qu'ils ont des Anglais. Et vous mandent, ajouta-t-il, et font savoir par moi, que si, par faute de votre secours, il convient qu'ils soient sujets au roi d'Angleterre, vous n'aurez par tout le monde pire ennemi qu'eux, et s'ils peuvent, ils détruiront vous et votre génération. Le duc de Bourgogne répondit qu'on y pourvoirait au plus bref que faire se pourrait. Mais, au lieu d'organiser une armée, il envoya, pour négocier la paix, une ambassade qu'accompagnait le cardinal Orsini, légat de Martin V. Orsini, trouvant Henry V intraitable, fit apporter un portrait de Catherine de France, qui plut beaucoup au roi d'Angleterre, mais ne l'adoucit pas. Le duc de Bourgogne, sur ces entrefaites, après avoir mené le roi prendre l'Oriflamme à Saint-Denis, était venu avec quelques troupes à Pontoise, le 24 novembre ; mais il y resta immobile pendant un mois, puis se retira à Beauvais. Les démarches faites par les Rouennais auprès du dauphin n'eurent pas plus d'effet. Henry V aimait à tromper tour à tour les assiégés et la cour de France par des négociations ambiguës, espérant les amener bientôt à merci.

Dans la ville, la misère était très grande. Le chapitre, si riche et si puissant, avait peine à se nourrir. Ânes et chevaux avaient été abattus et mangés. On faisait du pain de son et d'avoine concassée ; on mangeait les chiens, les chats, les rats, les souris, de vieilles épluchures, des choses pourries ; on buvait de l'eau et du vinaigre. Tout se vendait à des prix exorbitants : un cheval maigre 1.280 francs de notre monnaie, valeur absolue, un chien 48 à 96 francs, une souris 8 francs. Pour prolonger la résistance, douze mille femmes, enfants et vieillards furent conduits hors les murs. Henry V ne voulut ni laisser passer ni nourrir ces malheureux ; ils se réfugièrent dans les fossés de la ville, et restèrent là, pendant le mois de décembre, dans la boue et dans l'eau, vivant d'herbes gelées.

Du haut des murs, le chanoine Delivet, vicaire capitulaire pour l'archevêque absent, avait prononcé l'anathème sur le roi d'Angleterre et son armée. Serment avait été fait sur les épées de punir quiconque parlerait de se rendre. Mais une sortie tentée pour percer les lignes anglaises échoua, peut-être par la trahison du capitaine bourguignon, Gui le Bouteiller. Un dernier appel fut adressé au duc de Bourgogne. À Beauvais, le conseil royal délibéra et reconnut qu'il n'y avait pas moyen d'attaquer en temps utile les Anglais. Alors le duc manda aux assiégés qu'ils traitassent au mieux qu'ils pourraient.

La faim brisa les durs remparts de pierre. Le 2 janvier 1419, une ambassade de seize personnes des trois ordres, en habits de deuil, sortit de la ville pour aller trouver le roi Henry. Le chevalier anglais qui les conduisit leur donna de bons conseils : Vous n'avez jamais parlementé avec un tel seigneur, ni qui se fâche si promptement. Prenez donc garde que votre langue ne soit trop longue. Mais les Rouennais parlèrent fièrement. Rouen, leur répondit le roi, est mon propre héritage ; je l'aurai, tenez ceci pour certain, malgré tous ceux qui s'y opposent, malgré ceux qui sont dedans, et je traiterai ceux-ci de telle sorte, qu'ils se souviendront de moi au jour du jugement dernier. Il voulait avoir la ville à discrétion ; les pourparlers furent rompus. Alors, d'après Monstrelet, les habitants firent le projet de mettre un pan de mur sur étais par devers la ville, et après, eux armés et tous ensemble, hommes, femmes et enfants, quand ils auraient premièrement bouté le feu en divers lieux parmi la ville, abattraient le dessus dit pan de mur ès fossés, et s'en iraient tous, où Dieu les voudrait conduire.

Cependant Henry V voulait conquérir Rouen, non le détruire. Le 9 janvier, l'archevêque de Canterbury s'interposa. Le 13 janvier, après quatre jours et quatre nuits de conférences, il fut convenu que, si la ville n'était pas délivrée d'ici là, elle serait rendue le 19 janvier, et paierait une rançon de 300.000 écus d'or, livrerait neuf personnes dont le roi ferait sa volonté ; les habitants se reconnaîtraient sujets liges du roi d'Angleterre.

Le 19 janvier 1419, assis sur un trône, revêtu de drap d'or, Henry V reçut les clés de la ville. Le soir même, elle fut occupée. Le lendemain, le roi fit son entrée par la porte de Caux. Il montait un coursier brun et portait un pourpoint de damas noir et un long manteau, qui tombait de ses épaules jusqu'à terre. À son cou, était suspendu un pectoral d'or. Au-devant de lui, était venu le clergé, sept abbés mitrés, quarante-deux paroisses et communautés. Il alla d'abord à la cathédrale, où il fut reçu au chant de l'Antienne : Qui es magnus Dominus, s'agenouilla à l'autel, entendit la messe, puis se retira au château. Il se contenta du supplice d'Alain Blanchart, qui fut pendu à une potence comme un criminel.

Les Rouennais souffrirent encore longtemps des suites du siège. La mortalité fut très grande, durant les quinze jours qui suivirent l'entrée de Henry V. La rançon ne put être payée dans les délais et pesa sur la ville jusqu'en 1430.

Dans la ville conquise, Henry V convoqua la noblesse normande pour lui demander le serment de fidélité. Beaucoup refusèrent de venir et perdirent leurs biens ; mais le plus grand nombre subit la nécessité. Le régime anglais fut organisé ; une monnaie fut frappée avec l'inscription : Henricus rex Franciœ. Puis les places qui résistaient encore furent soumises. Cherbourg, après six mois de siège, avait cédé le 29 septembre 1418. Le Château-Gaillard, dernière place française de Haute-Normandie, faute de corde pour tirer l'eau du puits, se rendit, le 9 décembre 1419. Seul, le Mont-Saint-Michel restait français et devait le rester toujours. En deux ans, Henry V avait détruit l'œuvre de Philippe Auguste.

 

IV. — LE MEURTRE DE MONTEREAU.

TANDIS que le duc de Bourgogne errait autour de Paris sans rien faire, les Armagnacs, chassés de la capitale, vaincus, décimés, soutenaient le double poids de la guerre civile et de la guerre anglaise. Le dauphin Charles, jeune homme de seize ans, s'était fait le chef du parti, après la mort du connétable d'Armagnac. Il avait trouvé dans le centre de la France, en Berri, Poitou, Auvergne, Limousin, en général dans les anciens domaines du duc de Berri, et dans son duché de Touraine, un point d'appui ; il était encore reconnu dans le Maine et l'Anjou, à Lyon et dans le Dauphiné. Ses partisans continuaient à occuper un grand nombre de places importantes autour de Paris même. Ses ennemis le représentaient comme gouverné par une bande de gens de petite extraction, séditieux et perturbateurs de toute paix obstinés ; lui-même était si enclos que personne ne parle à lui. Pourtant un élu de Lyon écrivait après l'avoir vu à Bourges, le 15 juin 1418 : Si vous certifie que c'est un seigneur de très grand cœur, et que, incontinent qu'il a dit une chose, la veut maintenir. Le Dauphin méritait-il cet éloge ? Du moins, dans cette bande de séditieux qui l'entourait, on trouvait le vaillant Tangui du Châtel, Barbazan, le prince de la chevalerie du dauphin, les archevêques de Reims, de Sens, de Bourges, de Tours. À lui, se joignaient la reine de Sicile de la maison d'Anjou et ses enfants, le duc d'Alençon, le comte de Vertus. Le 14 juin, puis le 6 novembre 1417, le roi avait confié à son fils la lieutenance générale du royaume avec pleins pouvoirs ; c'est en vertu de ces pouvoirs non révoqués, qu'aidé de ses conseillers, le dauphin a organisé son gouvernement hors Paris : son Parlement siège à Poitiers, sous la présidence de Jean Jouvenel, l'ancien garde de la Prévôté des marchands, et sa Chambre des Comptes, à Bourges. Il a des lieutenants, des capitaines généraux et des gouverneurs, représentants de son pouvoir dans les pays qui le reconnaissent. Les États de Poitou, de Saintonge, de Limousin, de Périgord, de l'Angoumois, de la Marche, de l'Auvergne et bientôt de Languedoïl, comme ceux du Dauphiné, lui votent des subsides. Le 26 décembre 1418, il prend le titre de régent.

Le dauphin, qui de sa personne lui-même n'était pas belliqueux, aurait volontiers fait la paix avec les Bourguignons ou avec les Anglais, et il négociait des deux côtés. Jean sans Peur lui aussi recherchait un accord soit avec le dauphin, soit avec Henry V. Avec le dauphin, il voulait que la réconciliation fût telle, qu'elle le remit entièrement entre ses mains. Un traité, préparé à Saint-Maur, en septembre 1418, ne fut qu'une paix bâclée dans cette intention et ne fut point ratifié ; on dut se contenter de trêves. Au printemps de 1419, le duc de Bourgogne se tourna nettement du côté des Anglais. Le roi d'Angleterre se montrait fier et orgueilleux comme un lion ; mais, dans les premiers jours d'avril 1419, aux conférences tenues à Vernon et à Mantes, les négociateurs bourguignons offrirent l'exécution du traité de Calais, la grande paix, comme disaient les Anglais, et, en plus, la Normandie avec tous les territoires récemment conquis. À ce prix, on pouvait s'entendre. Il fut convenu que les deux rois, la reine Isabelle, sa fille Catherine, toujours destinée à Henry V, les ducs de Bourgogne et de Bretagne se rencontreraient entre Mantes et Pontoise.

L'entrevue eut lieu le 30 mai. On avait laissé le pauvre Charles VI malade à Pontoise. Le roi d'Angleterre, la reine de France avec sa fille et le duc de Bourgogne se réunirent dans un camp fortifié, entouré de hautes palissades et de bons fossés. De part et d'autre, on croyait qu'il ne s'agissait plus que de parfaire un traité dont les clauses essentielles étaient admises ; mais le désaccord se mit, semble-t-il, sur des questions de détail. Les Français refusèrent de dresser acte authentique de l'accord dans les conditions exigées par les Anglais.

A ce moment, arrivait à Pontoise une ambassade du dauphin, conduite par Barbazan et Tangui du Châtel. Ils venaient faire une nouvelle tentative pour la réconciliation des princes de France contre les Anglais. Alors on délibéra, dans le Conseil de la régente, s'il valait mieux traiter avec les Anglais ou avec le dauphin. Nicolas Rolin, conseiller du duc de Bourgogne, soutint qu'il fallait préférer les Anglais. Il convenait que le roi donnât largement de son domaine ; car il pouvait bien le faire, disait-il, pour si grand bien comme pour la paix. Si les deux rois s'unissaient, le dauphin n'oserait plus résister. Si certaines villes, Paris même, n'acceptaient pas cette paix, voyant qu'elles n'auraient aucune espérance de secours, feraient comme Rouen. Au reste pourquoi regretter ce qu'il faudrait abandonner du royaume, vu que les Anglais avaient tenu autrefois les mêmes places qu'ils demandaient, et étaient lors le royaume et les sujets riches et en bonne paix et tranquillité ? Mais l'accord avec le dauphin fut réclamé par Jean Rapiout, président au Parlement : il soutint l'inaliénabilité du domaine, l'illégitimité des prétentions d'Henry V sur une partie ou sur la totalité du royaume de France, la nullité du traité de Calais, la nécessité enfin de se défendre contre les Anglais. Pour cette fois, le Conseil donna raison à Nicolas Rolin. Ces discussions troublèrent les négociations, qui continuaient avec les Anglais, et achevèrent de provoquer la défiance d'Henry V. Il connaissait par expérience les incertitudes du duc de Bourgogne. Il devint plus dur, plus exigeant. En quelques jours le désaccord fut complet ; la paix avec les Anglais parut impossible, et Jean sans Peur accepta enfin de s'accorder avec le dauphin.

Jusque-là, les deux adversaires avaient négocié de loin ; ils se virent pour la première fois, le 8 juillet, près de Pouilli, à une lieue de Melun. L'entrevue se prolongea jusqu'à onze heures du soir ; Jean sans Peur allait toujours à cavillations. Tant valait parler à un âne sourd comme à lui. Une seconde entrevue, le 11 juillet, faillit dégénérer en altercation. Mais, ce jour même, une dame d'honneur de la reine Isabelle, la dame de Giac, que le dauphin avait connue dans son enfance, et que le duc de Bourgogne appréciait fort, fit ce miracle de réconcilier les princes. Ils se jurèrent amitié, et se donnèrent le baiser de paix, tandis que les seigneurs qui les accompagnaient, criaient : Noël ! Noël ! Tous les deux s'engagèrent sur la vraie croix, sur les Saints Évangiles et sur leur part de paradis. Tous deux d'une même volonté et sans fiction aucune, ils promirent de travailler à la répulsion des Anglais. Tout traité avec les ennemis était annulé dans le passé, interdit dans l'avenir. Charles et Jean passèrent encore deux jours ensemble à Corbeil ; puis le 19 juillet, à Pontoise, le roi ratifia leur accord. À Paris, les cloches sonnèrent à grande volée ; on chanta le Te Deum, et on fit des processions d'actions de grâces.

Mais le duc de Bourgogne était incorrigible. L'échange d'ambassades continua entre lui et le roi d'Angleterre. Les Anglais, après avoir achevé la conquête de la Normandie, s'étaient emparés de Mantes et de Meulan. Le 31 juillet, ils entraient à Pontoise, dont les habitants s'enfuirent jusqu'à Paris, où leur arrivée jeta une grande panique. Le duc de Bourgogne, de Saint-Denis où il était, tourna le dos aux Anglais, emmena le roi à Lagni, et, le 11 août, l'installa à Troyes. Pendant leur séjour à Corbeil, le dauphin et le duc avaient fixé au 26 août une entrevue nouvelle, à Montereau, pour parachever leur union et préparer la résistance commune aux Anglais. Mais Jean sans Peur chercha à éviter la rencontre. Il voulait faire venir le dauphin à Troyes, peut-être pour s'emparer de lui. Il réunissait des hommes d'armes. Du côté du dauphin, on hésitait également ; on se méfiait. La date fixée passe. Enfin, le 5 septembre, Jean sans Peur signe un manifeste pour annoncer que l'on va faire grosse guerre aux Anglais. Le 7 septembre, il déclare que, le 10, il sera au pont de Montereau, pour conférer avec le Dauphin.

Il était cinq heures du soir quand les deux princes se rencontrèrent à Montereau, en un parc établi au milieu du pont. Le duc n'avait avec lui qu'une dizaine de personnes. La conversation tourna mal ; on en vint à de rigoureuses paroles. Le dauphin accusait le duc d'avoir manqué à ses engagements ; le duc se défendait. Des gestes malheureux, des mains mises sur la garde des épées, des attitudes menaçantes rompirent l'entretien. Le dauphin fut emmené par Tangui du Châtel. Quelques minutes après, le duc de Bourgogne tombait, frappé de plusieurs coups d'épée. Comme dit Juvénal des Ursins, plusieurs ont écrit en diverses manières, lesquels n'en savaient que par ouï-dire, et les présents mêmes n'en eussent bien su déposer, car la chose fut trop soudainement faite. Les Bourguignons accusèrent le dauphin d'avoir préparé un guet-apens ; mais cette préméditation n'est pas vraisemblable.

Un meurtre, celui du duc d'Orléans, en 1407, avait causé la guerre civile. En 1419, un autre meurtre faillit perdre le royaume. En 1521, un chartreux de Dijon, montrant à François Ier le crâne de Jean sans Peur, et lui faisant remarquer le trou qu'y avait laissé une des blessures, lui disait : Sire, c'est le trou par lequel les Anglais passèrent en France.

 

V. — LE TRAITÉ DE TROYES[5].

À la nouvelle du meurtre, tout le parti bourguignon se rejeta du côté des Anglais. Comme dit le Religieux de Saint-Denis, une véritable fureur diabolique s'empara de Paris. Il y eut des exécutions et des emprisonnements. L'Université exprima sa douleur à la duchesse veuve de Bourgogne : Très noble et puissante dame, il n'est pas temps de plaintes, de larmes ni de pleurs ; ainçois est besoin de labourer, travailler et peiner à la réparation du très énorme et cruel meurtre. Elle offrit de servir la duchesse en prédications et lettres missives. Le 12 septembre, les bourgeois de Paris firent serment de poursuivre de tout leur pouvoir la vengeance et réparation de la mort et homicide de feu le duc de Bourgogne. On préférait les Anglais aux Armagnacs, et on décida d'entrer en négociations avec Henry V, et de faire paix avec lui pour le compte de la bonne ville de Paris.

Le nouveau duc de Bourgogne, Philippe, à la nouvelle du meurtre de son père, eut au cœur si grande tristesse et déplaisir, qu'à grand'peine, par aucun jour, le pouvaient ses gouverneurs réconforter. Il repoussa, après un instant d'hésitation, les avances du dauphin qui, aussitôt, l'avait sollicité de continuer entre eux l'accord fait à Pouilli. Il réunit un conseil de famille à Malines, puis, comme un grand congrès de son parti, à Arras, le 18 octobre 1419. À l'église Saint-Vaast, au milieu du service célébré en l'honneur du feu duc, Pierre Floure, inquisiteur de la foi en la province de Reims, osa, dans son sermon, conseiller au duc de ne pas poursuivre sa vengeance, de ne pas prendre la voie de fait, mais de demander réparation à la justice royale. L'honnête et sage conseil déplut ; plusieurs seigneurs, qui pensaient comme l'orateur, se retirèrent. Il fut décidé que, dedans brefs jours, le duc ferait traité et alliance avec le roi d'Angleterre, et, avec ce, de toute sa puissance, poursuivrait vengeance et réparation.

D'Arras à Rouen, il y eut, durant tout le mois de novembre, allée et venue d'ambassades. Le 2 décembre, à Arras, les bases d'un traité entre les rois d'Angleterre et de France étaient posées, dans un acte préparatoire au traité général. Le jour même de Noël, Henry V et Philippe de Bourgogne s'alliaient pour faire la guerre au dauphin. Les négociations avec le gouvernement royal lui-même devaient être poursuivies à Troyes. Au mois de janvier 1420, les plénipotentiaires anglais se joignent au duc de Bourgogne, et chevauchent avec lui jusqu'à cette ville. Deux jours après leur arrivée, l'entente était faite. Le 20 mai, Henry V, qui n'avait rencontré aucun ennemi sur sa route, arrivait à son tour. Une convention de mariage était conclue le jour même entre lui et Catherine, fille de Charles VI. Le lendemain, le traité de Troyes était juré par les deux rois.

Comme le roi Henry, dit Charles VI dans le premier article, est devenu notre fils, et de notre chère et très aimée compagne la reine, icelui fils nous aura et honorera, et notre dite compagne, comme père et mère. Le roi et la reine appellent leur propre fils Charles le soi disant dauphin de Viennois ; ils l'accusent d'horribles et énormes crimes ; ils renoncent à faire à leur gré paix et accord avec lui. Henry V est leur seul vrai fils. Charles VI gardera, sa vie durant, la couronne et dignité royale de France avec tous ses revenus ; mais le roi d'Angleterre aura la faculté et exercice de gouverner et ordonner la chose publique. Henry ne prendra plus le titre de roi de France, mais celui d'héritier du roi de France. Il gardera la Normandie et les territoires qu'il a conquis, comme une sorte d'apanage. C'est lui qui, d'accord avec le duc de Bourgogne, réglera l'état du roi, établira des impositions et pourvoira aux offices, d'après les règles établies. Les États du royaume jureront cette paix. Henry V fit connaître à l'Europe chrétienne ce traité de Troyes, qui semblait mettre fin aux destinées de la France, naguère si brillantes, et faire de notre pays une annexe de l'Angleterre.

Le jour même de la signature du traité, la formule du serment à prêter à l'héritier de France fut promulguée ; seront criminels de lèse-majesté tous ceux qui violeront le traité, ou en parleront mal. Le 2 juin 1420, à Troyes, Henry V épousa Catherine. Dès le lendemain des noces, il était prêt à rentrer en campagne : Je prie, dit-il, à Monseigneur le roi, de qui j'ai épousé la fille, et tous ses serviteurs, et à mes serviteurs je commande que, demain au matin, soyons tous prêts pour aller mettre le siège devant la cité de Sens. Le 12 juin, Sens avait capitulé ; le 1er juillet, Montereau se rendit. Le 7 juillet, Henry V arriva devant Melun, qui, défendu par Barbazan, résista vigoureusement. On vit devant les murs les deux rois Charles et Henry, les deux reines Isabelle et Catherine, le duc de Bourgogne et le duc de Bavière. Melun ne se rendit qu'après quatre mois, lorsque les assiégés eurent mangé chevaux, chats et autres vermines.

Pendant ce siège, Henry V avait fait occuper Vincennes, le Louvre, la Bastille et l'hôtel de Nesle. Le 1er décembre, avec Charles VI il entra dans Paris. Malgré la pauvreté de faim, la réception fut brillante. Les rues étaient tout encourtinées ; les bourgeois portaient vêtements de rouge couleur. Un mystère de la Passion au vif fut représenté devant le Palais. Par toutes les rues, le cortège royal rencontrait des processions de prêtres, vêtus de chappes et de surplis, chantant le Te Deum laudamus et le Benedictus qui venit. Le roi de France s'en alla à Saint-Paul ; le roi d'Angleterre se mit en lieu sur, au Louvre.

Déjà l'Université avait juré le traité, au début de juin. Le 6 décembre 1420, les députés des Trois États s'assemblèrent à Saint-Paul ; ils étaient peu nombreux. Le chancelier réclama des serments pour le traité, puis des subsides pour le gouvernement. Charles VI dut prendre la parole, pour déclarer qu'il avait librement accepté le traité, qu'il l'avait juré, qu'il le considérait comme agréable à Dieu et utile au royaume. Les États ne rendirent réponse que le 10 décembre : ils approuvèrent la paix et se déclarèrent prêts à faire tout ce qui plairait au roi. Le traité fut juré sur les Évangiles ; les nobles consignèrent leur serment dans des chartes, scellées de leurs sceaux, qui furent remises à Henry V. Puis des subsides furent votés.

L'Université avait apporté au roi d'Angleterre des doléances, et lui avait demandé des exemptions pour le clergé. Henry V répondit d'un ton de hauteur à ses députés, et, comme ils voulaient répliquer, leur commanda de se taire et de se retirer, car autrement on en eût logé en prison. Le 27 décembre, il quitta Paris, pour rentrer en Angleterre avec la jeune reine. Deux jours avant son départ, à la Noël, il avait tenu cour solennelle. Monstrelet oppose les splendeurs de la cour tenue par le roi d'Angleterre, à l'état misérable où se trouvait l'hôtel du roi de France. Henry V avait mis partout des capitaines anglais ; Clarence et Exeter furent capitaines de Paris. Comme dit Chastellain : Paris, siège ancien de la royale majesté française, devint un nouveau Londres.

Mais Paris n'était pas le royaume ; il fallait achever la conquête sur le dauphin et le parti armagnac, dont le traité de Troyes avait fait le parti français. Ce fut encore l'occasion de guerres fortes et merveilleuses. Le dauphin avait lors occasion assez de mélancolie, et matière de grand souci de se voir délinqué de son père, désavoué comme bâtard. Le 23 décembre 1420, en effet, les meurtriers de Jean sans Peur avaient été déclarés criminels de lèse-majesté, inhabiles à toute succession, indignes de tous honneurs ; au commencement de 1421, le dauphin lui-même avait été banni du royaume et débouté de la couronne. Mais sa cause n'était pas perdue : après de longues incertitudes et des négociations délicates avec les États de ce pays, le Languedoc s'était détaché du parti bourguignon. Le dauphin était allé dans le Midi, au début de 1420, et, dans un voyage de près de cinq mois, il y établit son autorité. Le régent fut alors le vrai maitre du royaume au Sud de la Loire, et il pouvait attendre l'aventure que Dieu voudrait lui envoyer.

Consolidé ainsi par la bonne fortune, le dit de Valois, comme disaient les Bourguignons, appela, tant pour soi que pour ses adhérents, à la pointe de son épée. Le 22 mars 1421 : ses troupes battirent à Beaugé les Anglais du duc de Clarence, qui fut tué. Le 8 mai, le duc de Bretagne, qui avait joué, à plusieurs reprises, un rôle douteux entre les deux partis et encouru toute sorte de mésaventures, conclut avec le régent « alliances et confédérations » à Sablé. Les États généraux de Languedoïl, convoqués par le dauphin à Clermont, le 18 mai, accordaient une aide de 800.000 livres tournois. Enfin, au mois de juin, le dauphin apparaissait dans le pays chartrain ; Chartres était assiégé et Paris menacé.

A ces nouvelles, Henry V reparut brusquement en juin let avec une armée de près de trente mille hommes. Après avoir conféré à Mantes avec le duc de Bourgogne, il entrait le 4 juillet à Paris, puis allait prendre Dreux, Bonneval, Épernon, Nogent-le-Roi ; en septembre, il passait devant Beaugency et Orléans, et commençait le siège de Meaux qui le retint jusqu'en mai de l'année suivante. L'Université le félicita de la prise de cette ville. Malgré les maladies, qui ruinaient ses troupes, il continua la campagne en juin 1422, et entra à Compiègne et à Senlis. Le duc de Bourgogne opérait dans la même région. Le parti Armagnac était chassé du Nord du royaume, où il ne gardait que le Crotoi et Noyelles. Le dauphin sembla alors quitter la partie : il avait abandonné le siège de Chartres, et s'était retiré derrière la Loire ; il se mettait à vivre d'une vie indolente dans ses belles résidences du Berri, de la Touraine et du Poitou, renonçant à paraître parmi ses troupes, les confiant à de médiocres capitaines, tout occupé de son mariage avec Marie d'Anjou, et de sa petite cour, où il voulait garder un luxe de roi. Pendant ce temps, ses lieutenants reculaient un peu partout, sauf à l'Est en Nivernais, sur la terre du duc de Bourgogne. Le duc de Bretagne, toujours peu sur, s'apprêtait à reconnaître le traité de Troyes. Ainsi les efforts du dauphin avaient été éphémères ; le roi d'Angleterre apparaissait comme le maître de l'avenir.

 

VI. - LA MORT DES ROIS.

MAIS, à la fin du printemps de 1422, en marche vers le Nivernais, Henry V commença à se sentir malade ; il dut revenir en litière au bois de Vincennes. Il souffrait de la maladie dite de Saint-Fiacre, un flux de ventre merveilleux avec hémorroïdes. Le duc de Bourgogne fut aussitôt prévenu. Il dépêcha à Vincennes son homme de confiance, Hugues de Lanoi. Le roi d'Angleterre chargea Lanoi de ses derniers vœux pour son allié ; il demandait au duc de toujours bien entretenir les serments et alliances qu'il avait aux Anglais. Puis Henry V appela auprès de lui le duc de Bedford son frère, le duc d'Exeter son oncle, le comte de Warwick, en tout sept ou huit Anglais, et leur donna des instructions. Il pria Bedford de bien veiller sur l'héritier d'Angleterre et de France, — l'enfant, né de son mariage avec Catherine, et qui n'avait pas dix mois, — et de ne jamais faire la paix avec le dauphin sans obtenir de lui au moins la Normandie. Si le duc de Bourgogne veut se charger du gouvernement de France, je vous conseille, dit-il, que vous lui bailliez ; mais s'il le refuse, si l'entreprendrez. Par-dessus tout, il supplia  les princes de rester toujours d'accord avec le duc de Bourgogne. Après quoi, Henry V ne songea plus qu'à mourir. Quand ses médecins lui annoncèrent que ses derniers moments étaient venus, le 31 août 1422, il fit appeler son confesseur et ses domestiques, et ordonna de réciter les psaumes de la pénitence. Au mot Jérusalem, il interrompit la récitation, et affirma, sur la mort qui l'attendait, qu'il avait l'intention, après qu'il aurait mis le royaume de France en paix, d'aller conquérir Jérusalem ; et il expira. Henry V n'avait que trente-cinq ans. Son corps fut mis par pièces et bouilli en une poêle, tellement que la chair se sépara des os ; l'eau fut jetée en un cimetière ; les os avec la chair furent mis en un corps de plomb avec plusieurs espèces d'épices.

Pendant ces étranges opérations, Philippe le Bon vint à Paris : il n'avait pas voulu assister aux derniers moments de son allié, et il repartit avant les cérémonies funèbres : il n'était venu que pour affaires. Il conféra avec les ducs anglais, déclina le gouvernement du royaume pendant la minorité d'Henry VI, mais jura de nouveau le traité de Troyes.

Le 16 septembre, eut lieu un service à Saint-Denis ; puis le cortège se mit en route pour l'Angleterre. Les Anglais avaient fait faire la semblance et représentation du roi de cuir bouilli, moult gentiment, portant en son chef couronne d'or moult précieuse. Le 5 octobre, la dépouille d'Henry V entrait à Londres ; un mois après, elle fut déposée à Westminster.

Henry V a été grandement loué par ses contemporains, non seulement par les chroniqueurs anglais ou bourguignons, mais même par des Armagnacs de tradition, comme Juvénal des Ursins. C'est qu'Henry V, s'il était de hautain vouloir, fut un justicier. Une discipline austère régnait dans son armée. Après tant d'années de troubles, les habitants d'une bonne partie du royaume comptaient sur son rigoureux gouvernement, pour remettre l'ordre dans cette anarchie. Paris accepta comme une délivrance ce joug à la fois pesant et protecteur.

Charles VI, qu'Henry V avait laissé à Senlis, avait cinquante-trois ans et semblait un vieillard. Il avait auprès de lui la reine, vieillie, elle aussi, avant l'âge. Aucun prince des fleurs de lis ne se souciait plus de leur faire cortège. L'Hôtel royal était misérable. Les derniers comptes sont navrants ; sans cesse, aux recettes et aux dépenses, on trouve la mention néant. Offusqué lui-même de cette détresse, Henry V, dans ses derniers jours, avait reconstitué le personnel de l'Hôtel.

Au moment où le cortège funèbre d'Henry V arrivait à Rouen, le 19 septembre, le roi de France rentra à Paris. Au mois d'octobre, il s'alita. Son pauvre corps sans âme était à bout de forces ; il s'éteignit, le 21 octobre. Son premier chambellan, son confesseur, son aumônier, quelques officiers et serviteurs étaient seuls auprès de lui. L'exposition du corps ne dura qu'un jour. Il avait le visage aucunement coloré, les yeux clos et semblait qu'il dormit. Vingt jours passèrent avant les funérailles. Il fallait, pour enterrer le roi de France, attendre les ordres du duc de Bedford, retenu à Rouen.

Le 11 novembre, commencèrent les cérémonies funèbres. On y porta, comme dans le cortège de Henry V, l'effigie du mort. Le seul prince qui suivit les obsèques fut le duc de Bedford. Après un service à Notre-Dame, le corps fut transporté à Saint-Denis et déposé dans la chapelle de Charles V. Et adonques les huissiers d'armes dudit roi, qui étaient là présents, rompirent leurs petites verges, et les jetèrent dessus la fosse, et puis mirent leurs masses en bas, le dessus dessous. Et lors le roi d'armes de Berri, accompagné de plusieurs hérauts et poursuivants, cria dessus la fosse : Dieu veuille avoir pitié et merci de l'âme de très excellent, très haut et puissant prince Charles, roi de France sixième du nom, naturel et souverain seigneur. Et, après ce, cria derechef le roi d'armes : Dieu donne bonne vie à Henry, par la grâce de Dieu, roi de France et d'Angleterre, notre souverain seigneur !

 

 

 



[1] SOURCES. Antonio Morosini, Chronique, éd. Lefèvre-Pontalis, II, 1899 ; Henrici V Angliae regis geste, éd. B. Williams, 1850. J. Capgrave, Liber de illustribus Henricis, éd. Hingeston, 1858. Memorials of Henry V, publiés par C.-A. Cole, 1858. Rymer, Fœdera, conventiones, litterae... inter reges Angliae et alios quosvis reges, etc., III, 1740.

OUVRAGES À CONSULTER. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, I, 1862. De Beaucourt, Histoire de Charles VII, I, 1881. Cosneau, Le connétable de Richemont, 1886.

[2] OUVRAGES À CONSULTER. De la Roncière, Histoire de la marine française, II, 1900. Hellot, Récit du siège d'Harfleur en 1415, 1881. Harris Nicolas, History of the battle of Azincourt, 1883. R. de Belleval, Azincourt, 1865. G. Köhler, Die Entwickelung des Kriegswesens und der Kriegsführung in der Ritterzeit, II, 1888.

[3] OUVRAGES À CONSULTER. Max Lenz, König Sigismund und Heinrieh der Fünfte von England, 1874. J. Caro, Das Bündniss uon Canterbury, 1880.

[4] SOURCES. J. Page, Poem on the siege of Rouen, éd. Gairdner, dans Historical Collections of a citizen of London in the XVe century, 1876. Rôles normands et français et autres pièces tirées des archives de Londres par Bréquigny, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, XXIII, 1858.

OUVRAGES À CONSULTER. Postel, Siège et capitulation de Bayeux en 1417, 1673. Puiseux, Siège et prise de Caen par les Anglais, en 1417, et Étude sur le siège de Rouen par Henri V, roi d'Angleterre, en 1418-1419, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie. XXII, 1856, et XXVI, 1867 ; du même, L'Émigration normande et la Colonisation anglaise en Normandie au XVe siècle, Mémoires lus à la Sorbonne, Histoire, 1866. S. Luce, La France pendant la guerre de Cent Ans, II, 1893.

[5] SOURCES. Cosneau, Les Grands traitée de la guerre de Cent Ans, 1889.