I. — LA VISITE DE L'EMPEREUR CHARLES IV[1]. DANS les dernières années du règne, deux événements préoccupèrent le roi et le royaume : l'un, de médiocre effet, la visite solennelle de l'empereur ; l'autre, de grandes et graves conséquences, le Schisme de l'Église d'Occident. A l'automne de 1377, Charles V reçut une lettre autographe de l'empereur Charles IV, qui lui annonçait que bientôt il viendrait accomplir un pèlerinage à Saint-Denis et à Saint-Maur-des-Fossés. Cette visite impériale était comme la consécration des victoires remportées par le roi de France depuis dix ans. L'empereur avait-il, en venant de France, une intention politique précise ? Les succès de Charles V lui faisaient-il souhaiter une alliance active avec lui, au lieu de la vague amitié qui existait jusque-là et n'avait pas été sans nuages ? Hanté par la pensée de la mort prochaine, voulait-il assurer l'appui de la France à son fils, le roi des Romains Wenceslas, qui aurait grand besoin d'appui en effet pour se faire élire à l'Empire, car il n'était pas aimé en Allemagne ? Ou enfin n'avait-il d'autre dessein que de promener sa dignité impériale dans un voyage solennel, et de revoir le pays et la cour où il avait passé d'heureuses années de jeunesse ? Accompagné de Wenceslas, l'empereur arriva par Cambrai, ville impériale, où le sire de Couci, Bureau de la Rivière, Jean le Mercier, d'autres encore furent envoyés pour le saluer avant son entrée en France. Il y célébra les fêtes de Noël. Le 26 décembre, il se mit en route pour Compiègne, où l'attendait le duc de Bourgogne ; à Senlis, il trouva le duc de Berri. Il voyageait plus souvent en litière qu'à cheval, tant il était malade et travaillé par la fièvre. A Saint-Denis, il fit de grandes dévotions aux reliques et alla dans la crypte visiter les bons seigneurs et dames qui gisaient là. La cour de France prenait toutes les précautions afin d'éviter de donner à l'empereur une marque quelconque de supériorité. Pour l'entrée à Paris, le roi envoya à Charles IV un cheval noir, parce que, dans ces cérémonies, le cheval blanc était réservé à la personne souveraine. Les théoriciens de la puissance impériale soutenaient que toute royauté lui était subordonnée ; mais depuis longtemps les juristes de France et tout récemment encore, autour même de Charles V, Raoul de Presles et l'auteur du Songe du Verger enseignaient que leur roi n'avait d'autre souverain que Dieu, et qu'il était empereur en son royaume. Jamais, à Paris, on n'avait vu cortège mieux réglé que celui qui y entra le 4 janvier 1378. Le 5, l'empereur eut avec le roi une conférence secrète de trois heures. Le 6, commencèrent les grandes cérémonies : adoration des reliques à la Sainte-Chapelle ; banquet dans la grande salle du Palais avec entremets figurant l'histoire et ordonnance comment Godefroi de Bouillon conquit la sainte cité de Jérusalem ; visites au Louvre, à l'hôtel Saint-Paul, à Vincennes ; réception de l'Université par l'empereur avec longs et pompeux discours ; visite à la reine et aux enfants royaux, Grand Conseil au Louvre, etc. Le tout se termina par le pèlerinage de Saint-Maur. Après quoi, Charles IV alla se reposer quelques jours dans la maison de Beauté. Le 16 janvier, à Plaisance, les deux souverains se firent leurs adieux ; les frères du roi accompagnèrent l'empereur jusqu'à Meaux. Tous les hôtes de Charles V emportaient de magnifiques souvenirs de sa générosité. Au cours de leur entrevue, les deux princes avaient mystérieusement conféré et publiquement discouru. Dans une grande assemblée de Conseil, Charles V avait voulu mettre l'empereur en demeure de se prononcer contre l'Angleterre : Charles IV avait répondu par de belles paroles, rendant pleine justice au roi de France, promettant de faire connaître en Allemagne de quel côté était le bon droit, rappelant même que, tout jeune, il avait vu, à Amiens, Édouard III prêter hommage à Philippe VI ; il avait engagé son hôte à ne pas offrir de conditions de paix trop douces, et critiqué la mauvaise foi des Anglais. Ce n'étaient là que des paroles. Le lendemain l'empereur, sentant que sa réponse avait été trop vague, avait demandé une nouvelle réunion du Conseil ; il y avait déclaré qu'il voulait et offrait au roi être tout sien contre toutes personnes, à soutenir et garder son bien et honneur, de son royaume et de ses enfants et de ses frères ; et même il lui bailla un rôle, où étaient déclarés et nommés ses alliés, desquels il se faisait fort. Mais cela encore, ce n'étaient que des paroles ; aucune action commune n'avait été combinée. Un concours armé répugnait au fond à l'empereur, à son Age, aux pressentiments qu'il avait de sa mort et aussi à toutes ses habitudes politiques ; mais l'entrevue aurait pu régler les questions de détail alors pendantes entre l'Empire et la France. L'effort, depuis longtemps-commencé par les rois de France, pour s'étendre dans la région politiquement indécise des bords de la Meuse, du bassin de la Saône et du bassin du Rhône, avait été continué par Charles V : il avait réclamé des privilèges et. tenté d'exercer des pouvoirs nouveaux dans le Dauphiné et le royaume d'Arles ; le mariage flamand avait assuré la comté de Bourgogne, terre d'Empire, à son frère Philippe. Le roi, d'autre part, avait poursuivi le dessein, déjà formé par son père, d'acquérir le comté de Provence ; il avait encouragé le duc d'Anjou qui, avec l'aide de du Guesclin, tenta d'en faire la conquête ; il avait négocié pour se procurer des droits sur la succession de Jeanne de Naples, comtesse de Provence. Mais, sur un seul point, l'empereur voulut bien donner satisfaction, et une satisfaction plus apparente que réelle, aux ambitions du roi de France. Il concéda au dauphin, le futur Charles VI, qui avait alors dix ans, le vicariat impérial à titre viager dans le royaume d'Arles. Ce vicariat, qui comprenait la plupart des droits régaliens et la juridiction suprême, s'étendait à toute la vallée du Rhône, à la comté de Bourgogne, aux comtés de Provence et de Forcalquier et à une partie du Piémont. Les mêmes pouvoirs furent conférés par acte spécial au dauphin en Dauphiné et dans les évêchés de Valence et de Die ; deux châteaux enfin qui dominaient Vienne furent repris à l'église de Vienne au profit du dauphin. Sans doute cette concession donnait quelques droits théoriques à la royauté française dans la vallée du Rhône, mais le profit était maigre. Charles V attendait sans doute plus d'avantages pratiques des alliances qu'il conclut, à partir de 13'78, avec les ducs de Berg, de Gueldre et de Juliers, le comte de la Marck et d'autres princes allemands des pays du Rhin, où il était déjà de tradition que le roi de-France cherchât des alliés. II. — LE RETOUR DE LA PAPAUTÉ À ROME ET LE SCHISME[2]. TROIS mois après la visite impériale en France, un événement se produisait, qui allait bouleverser l'Église et troubler toutes les relations politiques : ce fut le Grand Schisme. Charles V aurait voulu garder le voisinage précieux de la Papauté à Avignon. Étant encore dauphin, il avait soigneusement entretenu de bonnes relations avec le pape Urbain V. Devenu !roi, il avait trouvé l'assistance empressée du pape en toutes ses affaires : paix avec le roi de Navarre et règlement des prétentions de ce prince à la succession de Bourgogne, expulsion des Compagnies, mariage de Philippe le Hardi et de l'héritière de Flandre, expéditions d'Espagne contre don Pedro. Mais le pape avait résolu de retourner en Italie. Rome, encombrée de ruines, n'était plus que l'ombre d'elle-même. Le légat don Gil de Albornoz, archevêque de Tolède, un vrai condottière, avait, il est vrai, reconquis les États pontificaux, mais la présence du pontife lui-même était nécessaire pour les gouverner et les garder. D'autre part, le séjour d'Avignon se gâtait : le pape avait été menacé plusieurs fois par les Compagnies. Ensuite était survenue une recrudescence de peste, qui fit périr dans la ville dix-sept mille personnes et décima la cour pontificale. Enfin, la dignité de la Papauté souffrait de plus en plus de la Captivité de Babylone. Les papes français, entourés de cardinaux français, d'une cour française, semblaient encore plus assujettis à la France qu'ils ne l'étaient en réalité. On les accusait d'en oublier les intérêts de l'Église. En Italie, en particulier dans les États pontificaux, on rendait les légats français, les agents envoyés d'Avignon, les bandes de routiers bretons et gascons aux gages du Pape, responsables d'une anarchie qui avait d'autres causes ; on abhorrait les Français. Dans cette situation fausse, les grands projets formés par les meilleurs papes d'Avignon étaient irréalisables ; ce n'était que dans l'indépendance et la gloire de Rome, qu'ils pouvaient tenter la grande réforme de l'Église, que réclamaient les âmes pieuses, et unir de nouveau la Chrétienté contre les Infidèles. Urbain V, pape depuis 1362, avait tout de suite considéré le retour à Rome comme nécessaire : il le promit aux Romains qui lui envoyaient des lettres suppliantes. Pétrarque lui annonçait qu'il était l'élu de Dieu pour ramener la Papauté d'exil. En Italie, le grand adversaire des papes, le seigneur de Milan, Bernarbo Visconti, comme pour faciliter leur retour, faisait la paix avec l'Église romaine. Au mois de septembre 1366, Urbain V déclara qu'il partirait à Pâques. Charles V lui envoya une ambassade très solennelle. Un grand discours fut prononcé en son nom. Le pape et le roi, le père et le fils, y dialoguaient ainsi : Seigneur, où allez-vous ? disait le fils. Et le père répondait : Je vais à Rome. — Pour vous faire crucifier une seconde fois ? répliquait le fils qui ajoutait : Ne devez-vous pas, Très Saint-Père, avant tout songer à apaiser les discordes qui s'élèvent de toutes parts en France et rendre la paix à ce peuple, au milieu duquel vous avez vécu, afin de ne pas ressembler à ce serviteur qui, voyant venir un loup, s'enfuyait, tant il avait peu de soin des brebis confiées à sa garde ? Ce discours fit impression sur le pape, à qui Pétrarque écrivit pour le mettre en garde contre les entraves de toute sorte, dont le roi de France voulait embarrasser les pieds du pontife. Urbain partit d'Avignon avec quinze cardinaux, le 30 avril 1367, et s'embarqua à Marseille. Le 16 octobre, entouré de trois mille hommes d'armes, il fit son entrée à Rome, où la joie fut immense. Le pape se mit à reconstituer l'administration urbaine, à relever les palais et les églises, à réformer le clergé romain, à poursuivre les hérétiques. La reine de Naples, le roi de Chypre, l'empereur de Constantinople, qui avait abjuré les erreurs de l'Église d'Orient pour obtenir des secours contre les Turcs, enfin l'empereur Charles IV le visitèrent dans la Ville Éternelle. Les grands jours de la Papauté semblaient revenus. Mais c'était une illusion, et qui ne dura guère. L'empereur Charles était parti sans avoir délivré l'Église romaine de ses ennemis. Le désordre reparaissait dans l'État pontifical, depuis qu'Albornoz était mort. Le pape tourna de nouveau les yeux vers la France. Au milieu de l'année 1370, à la prière des cardinaux français, Urbain V décidait de revenir à Avignon, donnant pour raison la nécessité de conjurer la guerre, qui recommençait entre la France et l'Angleterre. Il n'écouta ni les prières des Romains, ni les objurgations de Pétrarque et du franciscain Pierre d'Aragon, qui prédisait le Schisme, ni celles de Brigitte de Suède, qui annonçait la mort du pape. Urbain V s'embarqua à Corneto, le 5 septembre 1370. Dix galères richement équipées furent envoyées au-devant de lui par le roi de France. Ce retour était un grand succès pour la politique française ; mais, trois mois après son retour, Urbain V mourait à Avignon le 19 décembre 1370. Le successeur d'Urbain V, Grégoire XI, était un Beaufort, neveu de Clément VI, d'une famille toute dévouée aux Valois ; il était maladif, timide et scrupuleux. Il donna des preuves de sa bonne volonté à l'égard de la France en essayant de rétablir la paix entre Charles V et Édouard III, et, dans sa première promotion, sur douze cardinaux, il nomma neuf Français. Mais sa piété sincère, son zèle pour la réforme de l'Église et pour la croisade, et, plus encore, les événements d'Italie, le rappelaient malgré tout à Rome. Bernabo Visconti envahissait la Romagne ; contre lui, le pape engagea à sa solde le dur chef de bandes anglais Jean Hawkwood, le sire de Couci et Otton de Brunswick, qui firent à ses ennemis une guerre sans pitié. Florence prit parti pour les Visconti : ceux-ci furent excommuniés et Florence frappée d'interdit. Dans l'État pontifical, une révolte s'étendit de Capoue à Bologne. Dès 1374, Grégoire XI projeta de partir à bref délai pour l'Italie, sans cependant s'y décider. Au milieu de ces violences, deux voix touchantes se firent entendre : celle de Brigitte de Suède, à qui la Vierge avait fait des révélations, et celle de Catherine de Sienne. Catherine, fille d'un teinturier de Sienne avait conquis par sa piété mystique une grande autorité en Toscane ; elle tenta de ramener le pape et les Florentins dans les voies de la charité chrétienne. A Avignon, avec sa robe de bure blanche, son manteau rapiécé, son teint diaphane, son éloquence hardie et simple, elle produisit, malgré la malveillance des cardinaux, une étrange et profonde impression. Elle ne put donner la paix à l'Italie, — Florence ne s'y prêtait pas, — mais elle acheva de déterminer le pape à écouter l'appel des Romains. Grégoire XI avait justement réussi à faire conclure une trêve entre la France et l'Angleterre, et on négociait la paix définitive ; il pouvait donc partir. Les cardinaux voulurent le retenir. Le roi de France envoya à Avignon les ducs d'Anjou et de Bourgogne pour empêcher le départ ; le pape fut tellement obsédé qu'il hésita un moment. Il partit cependant et les Romains le reçurent, le 17 janvier 1377, avec des branches d'olivier, au chant du Te Deum. La Papauté semblait rentrée à Rome pour toujours. Un an après son retour à Rome, Grégoire XI meurt à Anagni, le 27 mars 1378. Pour la première fois depuis Clément V, l'élection allait se faire à Rome même. Mais la ville et le Sacré Collège étaient en grand trouble : les cardinaux se divisaient en Limousins[3], Français et Italiens. Au milieu des cabales et des compétitions, la majorité cependant parut devoir se porter sur le nom de Barthélemi Prignano, archevêque de Bari : Italien et en même temps sujet des princes français de Naples, il prêtait à une combinaison. Mais l'élection se fit dans de singulières conditions. L'entrée du conclave eut lieu en désordre ; la porte qui, selon l'usage, devait être murée après l'entrée, ne le fut pas. La nuit du 7 au 8 avril, les Romains dévalisèrent les celliers du Vatican. Au lever du soleil, le tocsin sonna partout ; le peuple réclama à grands cris un pape romain, et les cardinaux furent pris de peur : Plutôt élire le diable que mourir, dit l'un d'eux. Ils se décidèrent, en effet, à promettre, par le guichet, un pape romain ou italien ; l'archevêque de Bari fut élu à l'unanimité moins une voix. Ce choix ne fut pas tout de suite porté à la connaissance du peuple ; il fallait que le Sacré Collège attendît le consentement de l'élu. La foule devenait de plus en plus menaçante ; les cardinaux cachèrent leur vaisselle et leurs ornements. Pendant une accalmie, ils se mirent à dîner, et, ensuite descendirent à la chapelle, où ils approuvèrent, sans qu'il se produisît d'objections, l'élection faite. Mais, au dehors, le tapage redouble ; les portes sont enfoncées ; le peuple, quand on lui annonce le nom de l'élu, entend, au lieu de Bari, Bar, nom d'un cardinal français, et il entre en fureur ; le conclave est envahi ; les membres du Sacré Collège s'enfuient chez eux ou au château Saint-Ange et même hors de Rome. Cependant l'archevêque de Bari n'avait été ni intronisé, ni proclamé. Le lendemain quelques cardinaux se rendirent auprès de lui ; ceux qui étaient au château Saint-Ange envoyèrent leur procuration. Aucune protestation ne se produisit, et le nouveau pape, qui prit le nom d'Urbain VI, fut couronné le jour de Pâques. On raconta plus tard que, pendant la cérémonie, des cardinaux, par tristesse, avaient baissé la tête, comme quand on saigne du nez ; mais tout se passa régulièrement. Les cardinaux montrèrent, dans les premiers jours, la plus grande déférence à l'égard du pontife, lui demandèrent des faveurs et des bénéfices, et ils annoncèrent l'élection aux souverains chrétiens par lettres officielles et privées. Un seul, le cardinal Orsini, avait protesté contre l'élection faite sous la menace ; d'autres se plaindront plus tard d'avoir été violentés. Au fond, la plupart avaient bien cru faire une élection valable. Mais, tout de suite, les cardinaux français regrettèrent de ne pas avoir élu un Français. Quand le cardinal d'Amiens, Jean de la Grange, un des conseillers ordinaires de Charles V, arriva à Rome, quelques jours après l'élection, il mit en doute la légitimité du pape et groupa tous les mécontents. Or, Urbain VI, fantasque et violent, n'était pas l'homme d'une situation difficile ; il indisposait contre lui jusqu'à ses protecteurs, en particulier la reine Jeanne de Naples. Catherine de Sienne lui recommandait inutilement la douceur : Pour l'amour du Christ, modérez un peu les mouvements subits que vous inspire votre nature. A l'approche de l'été, les cardinaux français demandèrent à quitter Rome pendant les chaleurs, et se réunirent à Anagni. De mai à septembre, ils furent en pourparlers avec le pape et les cardinaux italiens. En même temps, ils appelèrent des bandes de routiers pour les protéger. Les Gascons de Bernardon de la Salle battirent les Romains aux portes de la ville. Enfin les cardinaux d'Anagni déclarèrent Urbain VI intrus, élu par la violence et par la contrainte, et prononcèrent la vacance du Saint-Siège. La plupart des cardinaux italiens allèrent au mois de septembre se joindre à eux. En leur présence, à Fondi, une nouvelle élection fut faite le 20 septembre 1378 : Robert de Genève fut choisi à l'unanimité moins une voix ; il prit le nom de Clément VII. Qu'allait faire Charles V ? D'après une légende, il aurait eu l'ambition de devenir pape. Il était veuf depuis le 6 février 1378 ; on savait sa grande piété ; les cardinaux lui auraient offert la tiare, qu'il se serait décidé à refuser, parce que la faiblesse de ses bras ne lui eût pas permis de célébrer la messe. Mais Charles V était de sens trop rassis pour se lancer dans une pareille aventure. Quand la nouvelle.de la mort de Grégoire XI fut apportée à Paris, Urbain VI était élu depuis six jours. A la fin de mai arrivèrent les premiers témoins de l'élection, et le roi reçut par lettres les premières confidences des cardinaux français : les récits officiels, disaient. les uns et écrivaient les autres, ne méritaient aucune foi ; il fallait attendre des renseignements exacts avant d'entrer en rapport avec celui qui se disait élu. Dans le courant de juin, parurent à la cour deux ambassadeurs d'Urbain VI, un chevalier napolitain et un écuyer français, qui présentèrent au roi les lettres du couronnement ; mais en même temps l'écuyer français, Pierre de Murles, était chargé d'une mission secrète, qui était de faire savoir à Charles V que l'élection avait été irrégulière, et qu'il fallait se défier des démonstrations officielles. Le roi ne pouvait évidemment mépriser les avertissements que lui envoyaient ainsi les cardinaux les plus dévoués à ses intérêts : Et pour ce, était son intention d'encore attendre, jusques à tant qu'il eût autre certification. Charles V resta donc sur la réserve, et il laissa ses sujets tenir pour pape légitime Urbain VI ; mais, à la fin de juillet, survint Jean de Guignicourt, dépêché par les cardinaux retirés à Anagni. C'était un frère mineur très instruit, ancien confesseur de la reine, et le roi l'appréciait fort. Guignicourt affirmait que l'élection d'Urbain VI avait été faite dans des conditions qui la rendaient nulle ; il apportait les lettres de treize cardinaux, précisément les membres du Sacré Collège en qui le roi avait le plus de confiance. Charles V décida alors d'envoyer grande finance aux cardinaux d'Anagni, et fit passer aux routiers bretons et gascons qui se trouvaient en Italie l'ordre de se mettre à leur disposition. Il faisait, de plus, appel à l'intervention de la reine Jeanne de Naples ; enfin il écrivait à Anagni pour assurer les cardinaux de sa protection. A partir de ce moment, Charles V parait avoir joué un double jeu. Officiellement, il continue de se réserver, consulte les prélats et gens d'Église, et les trouvant hésitants, ne fait pas violence à leurs scrupules. Après Guignicourt, étaient arrivés à Paris un évêque et un frère prêcheur, envoyés des cardinaux ; il fallut leur donner une réponse officielle. Charles V réunit au Palais, le ii septembre, six archevêques, trente évêques, des abbés, des docteurs des trois universités de Paris, d'Orléans et d'Angers ; il laissa cette sorte de concile délibérer librement, hors de sa présence. Les prélats et docteurs appelèrent auprès d'eux des membres du Parlement. Après trois jours de délibérations, l'assemblée refusa de se décider, attendant, sur cette matière si haute, périlleuse et douteuse, de plus complètes lumières. La réponse que donna publiquement le roi aux envoyés des cardinaux fut conforme à cette décision, mais sa conduite ne le fut pas. Au fond sa résolution était arrêtée. Le roi de France ne pouvait se résigner à voir la Papauté échapper à l'influence qu'elle subissait depuis si longtemps ; il se rangea du côté des cardinaux protestataires, et prit ainsi sa responsabilité dans le Schisme. En effet, les jours qui suivent, sa correspondance particulière avec les cardinaux d'Anagni montre qu'au fond il a pris parti pour eux contre Urbain VI. Par une rencontre singulière, il écrit au cardinal de Genève, au moment même où le conclave de Fondi vient de l'élire, et alors que l'élection n'est pas encore connue à Paris. Et, par les remercîments que Robert de Genève, devenu Clément VII, adresse au roi, on voit bien que les lettres royales, aujourd'hui perdues, apportaient en effet des encouragements aux cardinaux. C'est sans doute par reconnaissance que, dès son avènement, Clément VII fit graver sur son sceau trois petites fleurs de lis, voulant rappeler ainsi qu'il était cousin, — au dix-septième degré, il est vrai —, du roi de France. Tout aussitôt, Clément VII donnait à Charles V l'autorisation de lever pendant trois ans une subvention sur le clergé du royaume. Cependant Charles V ne s'était pas encore déclaré publiquement. La décision à prendre était très grave ; il ne voulait pas avoir l'air de la brusquer. Le 16 novembre seulement, deux mois après l'élection de Clément VII, il réunit à Vincennes un conseil extraordinaire, où il appela les prélats de passage à Paris et quelques docteurs. A ce moment, des lettres officielles étaient venues des cardinaux et de Clément ; le Conseil se prononça pour la reconnaissance du pape français. Ce ne fut qu'après cette décision, que le roi, par ordonnance rendue en son Conseil, fit publier dans toutes les églises du royaume l'avènement de Clément VII, comme pape et souverain pasteur de l'Église. Depuis plusieurs mois, on était habitué à considérer Urbain VI comme vrai pape ; la reconnaissance d'un autre pontife rencontra des résistances, notamment en Normandie. Charles V fit tout pour les désarmer. Au début d'avril 1379, il recevait le cardinal de Limoges envoyé par Clément VII. Une réunion de princes, de prélats, de barons et de docteurs fut tenue au Louvre, où le cardinal fit un récit circonstancié de ce qui s'était passé à Rome et à Anagni, et déclara, sur le péril de son âme, Clément VII vrai et seul pape. Deux autres cardinaux clémentins arrivent encore à Paris à la fin d'avril : même cérémonie, même déclaration. Enfin, le 7 mai, une nouvelle et plus solennelle assemblée est tenue au bois de Vincennes. Devant le roi, le duc d'Anjou, l'héritier de Navarre et les barons, prennent place quatre cardinaux, quatre archevêques, treize évêques, sept abbés, dix maîtres en théologie et huit maîtres en décret. Charles ouvre la séance par un discours savamment composé, expose toute l'affaire, et rappelle les avis déjà émis en faveur de Clément VII ; puis il donne la parole aux cardinaux, qui répètent leurs déclarations. Tous les hommes d'Église présents, invités par le roi à exprimer leur avis, affirmèrent, la main sur la poitrine, que Charles V avait le devoir de reconnaître Clément VII, de lui obéir et de le défendre. Enfin, après toute une série de processions et de prières publiques, une réunion populaire fut tenue au Parvis Notre-Dame. Accourus au son des cloches, les bourgeois se pressèrent autour d'une sorte d'échafaud élevé par les charpentiers du roi, où avaient pris place Louis d'Anjou et les cardinaux. Les prélats recommencèrent leur récit, reprirent leur plaidoyer en faveur de Clément VII, le proclamèrent vrai pape et d'avance accusèrent de schisme ceux qui refuseraient de le reconnaître pour tel. Il fut plus difficile d'amener l'Université de Paris à accepter le pape français. Elle avait d'abord cru avec tout le monde à la légitimité d'Urbain VI. A l'avènement de chaque pontife, les universités adressaient à la cour romaine un rôle, c'est-à-dire la liste de leurs membres à pourvoir de bénéfices ; ce rôle avait été envoyé à Urbain VI. Il est vrai que les messagers, chargés de le porter à Rome, avaient été troublés par les nouvelles recueillies en route, et qu'ils étaient revenus sur leurs pas. Mais l'Université était inquiète de cette double élection : au début de janvier 1379, ses membres restaient encore indécis. Ils l'allèrent dire au roi et lui exposèrent que, parmi les universitaires, les uns tenaient pour Urbain, les autres pour Clément ; certains même ne voulaient ni de l'un ni de l'autre. Pour avoir attendu, l'Université n'eut que plus de peine à se résoudre. A mesure que les deux partis se constituaient plus nettement, les témoignages intéressés pour ou contre l'un ou l'autre pape se multipliaient, et chaque jour la vérité s'obscurcissait davantage. Cependant, sous la pression du roi, la plupart des corporations universitaires, la Faculté de Médecine, la Faculté de Décret, la Faculté de Théologie et, dans la Faculté des Arts, les nations de France et de Normandie se décidèrent pour Clément VII ; seules, les nations picarde et anglaise résistaient. Charles V demandait une approbation générale : Si vous la mettez en refus ou délai, disait-il, vous me ferez déplaisir. Une grande assemblée fut convoquée, mais elle ne donna point de résultat. Pour sortir d'embarras, il fut décidé, après pourparlers entre les délégués des corporations universitaires favorables au pape français, le recteur et deux conseillers du roi, que l'Université adhérait à Clément VII. Les nations picarde et anglaise se contentèrent de ne pas paraître à la séance royale qui se tint à Vincennes et de ne point sceller le rôle de l'Université. Ce rôle, fort peu étendu du reste, fut envoyé au pontife reconnu. En somme, le roi n'avait eu, de ce côté, qu'une satisfaction incomplète. Restait à faire triompher la cause de Clément VII dans le monde chrétien. La tâche était difficile. Le roi de France était trop intéressé dans l'affaire pour que son intervention ne fût pas suspecte. Il était naturel qu'on l'accusât de troubler l'Église pour avoir un pape français. Il réussit auprès de la reine Jeanne de Naples, qui avait, dès les premiers jours, fait adhésion à Clément VII ; Charles V n'eut qu'à l'entretenir dans ces bonnes dispositions. Bien plus, le 29 juin 1380, Jeanne adopta comme fils et reconnut comme héritier l'aîné des frères de Charles V, Louis d'Anjou, clémentin de la première heure. Amédée V de Savoie fut aussi un des premiers adhérents du pape français. En Castille, Charles V insista doucement auprès de don Enrique et de son fils don Juan en faveur de Clément VII. Tous deux étaient ses alliés fidèles ; mais il ne put les faire sortir d'une sorte de neutralité bienveillante. Le roi d'Aragon, tout en ne voulant pas se prononcer en droit, se montra sympathique au pape français, et entra en relations avec lui. Après mure réflexion, le roi de Portugal accepta Clément VII. Charles V eut moins de succès dans les pays du Nord. Il gagna tout de suite à sa politique son allié, le roi d'Écosse ; mais l'Angleterre fut naturellement aussitôt attirée vers le pape Urbain, que combattait le roi de France. Le roi envoya une ambassade au comte de Flandre ; mais depuis longtemps les rois de France avaient perdu toute influence sur les Flamands, et le comte Louis n'avait jamais témoigné ni sympathie ni confiance à Charles V ; la Flandre resta tout à fait urbaniste. En Allemagne, contre toute attente, Charles IV refusa de soutenir Clément VII, et, après lui, — l'empereur mourut à la fin de novembre 1378, — son fils Wenceslas s'en tint à la décision paternelle. L'ambassade française fut mal reçue à la diète de Francfort, en février 1379, et s'en revint mortifiée. Cependant Charles V réunit quelques adhésions particulières, comme celles de l'archevêque de Mayence, du duc Albert de Bavière, régent de Hainaut, de Zélande, de Hollande et de Frise, du duc de Brabant, du duc de Bar, du duc de Lorraine, du margrave de Moravie et de quelques autres petits princes. Mais le roi de France allait mourir au début de la grande crise, qui devait si longtemps travailler l'Église et les États d'Occident. III. — DERNIERS MOMENTS DU ROI[4]. CHARLES V, bien que jeune encore, était épuisé par le travail et les souffrances physiques. Ses dernières années furent affligées par une série de deuils. Il perdit la reine, morte en couches au début de 1378. Le roi fut moult troublé et longuement de la mort de la reine, car ils s'aimaient tant comme loyaux mariés peuvent aimer l'un l'autre. Sa fille, Isabelle de France, qui avait cinq ans, mourut bientôt après. Le mois de février se passa en funérailles à Notre-Dame, à Saint-Denis, aux Cordeliers de Paris. La mort de Grégoire XI au mois de mars, celle de don Enrique au mois de mai, et celle de l'empereur Charles, en novembre, l'affligèrent. Ces trois hommes avaient été en constantes relations, presque toujours amicales, avec lui. Puis, à l'été 1379, éclata une grave épidémie de peste qui fit, de nombreuses victimes. Le roi pensait évidemment à la mort prochaine. Dans toutes les affaires depuis la fin de 1379, il apporte une circonspection, une douceur, un désir de paix manifestes. Sans se décourager, il fait recommencer, à quatre reprises différentes, les négociations pour régler l'affaire de Bretagne, et un accord avec Jean IV semble sur le point de se conclure. Charles est tout prêt à traiter avec le roi d'Angleterre, pour ne pas laisser cette guerre à son fils, si jeune. Les conférences se succèdent ; à Leulinghen, entre Boulogne et Calais, le 20 mai 1380, l'archevêque de Rouen et Arnaud de Corbie remettent aux ambassadeurs anglais les conditions du roi de France. Charles V offre le Querci, le Périgord, le Rouergue, la Saintonge jusqu'à la Charente ; Catherine de France épousera Richard II et lui apportera en dot le comté d'Angoulême ; toutes ces terres resteront sous la suzeraineté du roi de France. Pour le reste de ce qui avait été cédé aux Anglais par le traité de Calais et que Charles V entendait garder, — Ponthieu, Limousin, Poitou, Aunis, Montauban et sa banlieue, — il paiera, comme compensation, une indemnité de 1.200.000 francs. Et même le sire de la Rivière était autorisé à offrir encore davantage, mais les Anglais trouvèrent les offres insuffisantes, et les pourparlers furent rompus. Le 19 juillet 1380, une expédition anglaise débarquait à Calais sous les ordres de Buckingham ; elle devait se rendre en Bretagne après une chevauchée de pillage dans le royaume. Fidèle à la tactique des années précédentes, les Français restaient immobiles quasi lapis, immobiles comme pierres. Buckingham passa par la Picardie, la Champagne, le Gâtinais, et s'en alla par la vallée du Loir vers la Bretagne. Mais Jean de Vienne avait recommencé ses courses sur la côte anglaise ; à la fin d'août, il était dans la Tamise, incendiait Gravesend et ravageait les deux rives du fleuve. Ainsi continuait cette guerre, qui semblait ne devoir jamais finir. Dans le royaume, se multiplient les actes de la générosité et de la piété royales. Charles V accorde aux villes de fortes subventions sur les aides ; dans un grand nombre de localités, il diminue le nombre des feux, afin d'alléger la charge si pesante des fouages ; de Languedoc, il rappelle son frère le duc d'Anjou, dont l'administration est devenue insupportable ; il ordonne de ménager les pauvres gens qui se réfugient dans les forteresses et d'épargner le peu de meubles qui leur reste. Sa compassion pour toutes les misères augmente à mesure que la fin approche. Enfin, bien que clémentin convaincu et opposé jusque-là à la réunion d'un concile, il se rapproche de ceux qui la réclament, correspond avec eux, demande même, au mois de mai 1380, à Conrad de Gelnhausen de lui exposer dans une épître tous les arguments en faveur de cette solution. Vers le 20 juillet 1380, le roi apprit la mort de du Guesclin. Quelques semaines après, il se sentait mortellement atteint. Jusque vers le 20 août, il put encore se faire transporter en litière à Paris, à Vincennes, à Saint-Germain-en-Laye. Ensuite, il alla s'installer à la maison de Beauté. Il était seul ; ses deux fils, par son ordre, restèrent à Melun, parce que Beauté était trop près de Paris, où une maladie épidémique sévissait encore. Ses frères étaient au loin. Après une mauvaise nuit, le vendredi 14 septembre, au matin, il se confessa, entendit la messe et voulut communier. Comme on lui présentait l'hostie, il pleura et fit une longue oraison. Il n'eut pas la force d'achever sa communion ; il ne put que joindre les mains et rendre grâces à Dieu. Vers neuf heures du matin, il se leva ; ses souffrances l'obligèrent bientôt à se recoucher. Le samedi matin, sa faiblesse était extrême, mais son esprit restait présent ; il n'avait ni angoisse ni tristesse : Réjouissez-vous, mes amis, et soyez dans l'allégresse ainsi que vous, mon confesseur, et vous aussi, mes médecins, parce que avant peu je m'échapperai de vos mains, disait-il en se lavant les mains et la figure. Toute la journée il supporta avec résignation d'atroces douleurs. La fièvre était très forte ; il parla plus que d'habitude ; ce fut presque le délire. Vers le soir, il parut mieux, mais c'était l'accalmie qui précède la mort. La nuit suivante, du samedi au dimanche, fut très agitée : le roi étouffait, sa langue semblait à moitié paralysée ; ses yeux se creusaient. Le dimanche, au soleil levant, il appela devant lui quelques-uns de ses conseillers préférés, des moines et des bourgeois ; ses notaires étaient présents pour dresser procès-verbal de ce qu'il allait dire. Assis sur une chaise de repos, il parla une dernière fois du Schisme. Il rappela pourquoi et comment il s'était décidé en faveur de Clément VII : J'ai voulu, dit-il, marcher dans les sentiers de la foi et suivre la route la plus sûre ; j'ai donc cru, et je crois fermement que Clément VII est le vrai pasteur de l'Église. Il affirma qu'aucune considération de parenté, ni aucun mauvais sentiment n'avait dicté son choix. Si l'on dit jamais que je me suis trompé, ce que je ne crois pas, mon intention, sachez-le bien, c'est d'adopter et de suivre toujours l'opinion de notre sainte mère l'Église Universelle ; je veux obéir sur ce point au Concile Général ou à tout autre concile qui pourrait statuer sur la question. Dieu veuille ne pas me reprocher ce que j'ai pu faire à mon insu contre cette décision future de l'Église. S'étant mis en règle avec sa conscience sur cette grave question, où il sentait son salut intéressé, il demanda qu'on lui présentât la Couronne d'épines et la Couronne du sacre, auxquelles il adressa des oraisons. Il donna ses ordres pour l'emploi de l'argent qu'il avait à grand'peine mis en réserve, et enfin, inquiet sans doute, au moment de comparaître devant le Juge, des plaintes que soulevait dans le royaume la perception des fouages, il les abolit. A partir de ce moment, il ne voulut plus être qu'à Dieu. Il écouta la messe et le chant des orgues. Tout son corps était douloureux. A midi, les évêques de Beauvais et de Paris, le confesseur et l'aumônier du roi apportèrent les saintes huiles. Une foule de gens d'Église et de gens du peuple emplissait le fond de la salle. Charles V, à demi levé, le buste découvert, reçut l'extrême-onction. La cérémonie finissait, quand arriva le sire de la Rivière, qui se jeta dans les bras du roi. Tout le monde pleurait. Le moribond fit encore une oraison au Crucifix, demanda pardon à tous ceux, nobles, bourgeois et vilains, qui pouvaient avoir eu à se plaindre de lui, et protesta de son mépris pour tous les biens de ce monde. Il adressa sa bénédiction à son fils Charles, et bénit tous les assistants, puis il dit : Retirez-vous, mes amis, retirez-vous et laissez-moi un peu, afin que mes tourments et mon travail se terminent en paix. Il se fit lire le récit de la Passion ; vers la fin de l'Évangile de saint Jean, il expira. Ses frères venus pour ses obsèques conduisirent le corps à Saint-Denis, mais lorsqu'on porta le cœur du roi à la cathédrale de Rouen, ainsi qu'il l'avait ordonné, aucun prince des fleurs de lis ne fit le voyage ; ils étaient déjà trop occupés de leurs convoitises. |
[1] SOURCES. Grandes Chroniques de Saint-Denis (Chronique de Pierre d'Orgemont), éd. Paris, VI, 1888. Sur les autres sources, voir Fournier, Le Royaume d'Arles, p. 502, n. 1.
OUVRAGES À CONSULTER. Verunsky, Geschichte Kaisers Karls IV and seiner Zeit, 1880-1881. Th. Lindner, Deutsche Geschichte unter den Habsbärgern and den Luxembärgern, II, 1893. Leroux, Recherches critiques sur les relations politiques de l'Allemagne et de la France, 1293-1378, 1882. Fournier, Le Royaume d'Arles, 1891.
[2] OUVRAGES A CONSULTER. Baluze, Vitae paparum Avenionensium, 1693. Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Âge, trad. Raynaud, I, 1888. Rocquain, La Cour de Rome et l'esprit de réforme, III, 1897. M. Prou, Études sur les relations politiques du pape Urbain V avec les rois de France Jean le Bon et Charles V, 1888. P. Hirsch, Die Rackkehr der Päpste Urban V und Gregor XI von Avignon nach Rom, 1898. L. Mirot, La Politique pontificale et le retour de la Papauté à Rome, 1899. N. Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident, I, 1896 (ouvrage capital, dont les pages suivantes ne sont en partie que le résumé).
[3] Les cardinaux limousins appartenaient par leur origine au Centre et au Midi de la France ; c'étaient les parents et familiers des papes de la maison limousine de Beaufort, Clément VI et Grégoire XI.
[4] SOURCES. Hauréau, Notice sur le n° des manuscrits latins 8299 de la Bibliothèque Nationale, Notices et Extraits des manuscrits, XXXI, 2e partie, 1886. Christine de Pisan, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, collection Michaud et Poujoulat, II, 1836.
OUVRAGES À CONSULTER. S. Luce, La France pendant la guerre de Cent Ans, II, 1893. Jorga, Philippe de Mézières, 1896.