I. — LOUIS LE GROS ET LES CHÂTELAINS DE L'ÎLE-DE-FRANCE[1]. AVEC Louis VI, roi de fait depuis 1100, roi en titre depuis 1108 (3 août), quelque chose de nouveau se manifeste dans notre histoire. La disproportion qui existait entre la supériorité du titre royal et la faiblesse réelle du Roi commence à diminuer. La Monarchie concentre son action sur un plus petit espace, restreint son rôle de puissance générale et prend même, pour un temps, l'allure d'une seigneurie localisée. Mais elle gagne en solidité ce qu'elle perd en surface. Agissante et bien vivante, elle acquiert, pour la première fois, le prestige qui tient, non plus à la majesté du rang et à la gloire des souvenirs, mais à la valeur personnelle, à la force déployée et. aux succès obtenus. Sous Louis VI, fondateur d'une tradition qui devait se transmettre, ininterrompue, à travers les siècles, commence l'immense évolution qui s'achèvera au temps de Louis XIV. On ne possède aucun portrait de Louis le Gros : nulle des figures sculptées ou peintes sous lesquelles on a voulu mettre son nom ne représente le personnage. Il faut se contenter des rares détails fournis par les chroniques : un homme corpulent, de haute taille, d'une figure agréable, mais avec ce teint blême que des contemporains attribuèrent au poison de sa belle-mère, Bertrade. À quarante-six ans, son obésité l'empêchait déjà de monter à cheval. Grand chasseur, gros mangeur, comme son père, il eut une jeunesse assez agitée et ne se décida à se marier, vers trente-cinq ans, que pour céder aux objurgations pressantes des amis de la dynastie et des évêques. À en croire Ive de Chartres, il était temps que le mariage vint l'assagir. Il épousa (1115) Adélaïde de Maurienne ou de Savoie, la nièce du pape Calixte II, femme très laide, qui lui donna neuf enfants, dont six fils. L'avenir de la dynastie était assuré. Ce roi était assez humain, très simple de manières, avec une bonhomie naturelle et plus de loyauté que ne le comportait la morale du siècle. Ayant eu le pouvoir en mains du vivant même de son père, il n'en a jamais usé pour se révolter et anticiper violemment sur son héritage, comme le faisaient tant de princes féodaux. Il fut patient jusqu'à l'héroïsme avec sa marâtre Bertrade, celle qui avait fait mourir sa mère de chagrin après l'avoir supplantée et qui essaya de le supprimer lui-même pour lui substituer ses propres fils. Il y avait en lui de la générosité. On lui a reproché de trop aimer l'argent : En 1137, dit un chroniqueur, mourut le roi Louis, connu par sa cupidité ; il fit une tour à Paris et amassa de grands trésors. Il thésaurisa, en effet, comme le fera Philippe Auguste, et peut-être pour la même raison, les besoins de sa politique exigeant des dépenses hors de proportion avec ses ressources domaniales. Son avidité s'étala parfois avec cynisme, comme dans l'affaire de la commune de Laon. Les conseillers qui l'entouraient montrèrent encore moins de réserve ; leur vénalité était notoire. Ce ne fut pas là le vice principal de son gouvernement. Ce soldat eut surtout le tort de n'être pas un politique, et de céder trop aisément aux influences de cour. Sauf à la fin de sa vie, il ne sut pas choisir les hommes et se fia à des favoris que sa faiblesse laissait agir jusqu'au point où il se voyait obligé de les arrêter brusquement. L'histoire d'Étienne de Garlande est un curieux exemple de ces révolutions de palais. Simple clerc de l'église de Paris, élevé par la faveur du maître aux plus hautes fonctions ecclésiastiques et civiles, à la fois archidiacre de Notre-Dame, chancelier et sénéchal de France, cumulant en outre une foule de bénéfices inférieurs, ce personnage domina le Roi et la Royauté pendant vingt ans (1108-1127). Intelligent et actif, il s'entendit surtout admirablement à faire ses affaires et celles de sa famille. Il en vint à accaparer, par lui-même ou par ses proches, toutes les grandes charges de la couronne, à diriger en même temps la chapelle, le palais et l'armée. Il n'était pourtant pas de ceux qui s'imposent par la supériorité du talent et du caractère ; il n'y avait que sa rapacité qui fût de haute envergure. Ive de Chartres l'a accusé d'être un illettré, un joueur et un coureur de femmes. Ceci n'aurait pas suffi à le discréditer, non plus que les jalousies et les haines provoquées par sa fortune, s'il n'avait eu la mauvaise chance de déplaire à la reine Adélaïde et d'entrer en lutte avec le parti réformiste. Attaqué par la reine d'un côté, par saint Bernard de l'autre, devenu suspect au roi lui-même, lorsqu'il prétendit faire de sa charge de sénéchal un fief héréditaire, transmissible au mari d'une de ses nièces, il tomba soudainement, victime d'un coup d'État (1127). Du jour au lendemain, chassé du palais, dépouillé non seulement de toutes ses charges, mais de toutes ses propriétés, il fut traité en ennemi public. Une guerre de trois ans, entre le Roi et son ancien favori, suivit immédiatement cette catastrophe. Louis le Gros eut le dessus, mais toujours bon, il pardonna et rétablit même Étienne de Garlande dans la fonction de chancelier. Celui-ci ne recouvra pas néanmoins son influence d'autrefois. La direction suprême du palais était passée à d'autres mains (1132). C'est alors qu'on vit paraître journellement dans l'entourage du Roi, pour décider les affaires les plus importantes de l'ordre religieux et même politique, le moine Suger, administrateur de l'abbaye royale de Saint-Denis, un parvenu, lui aussi, de naissance très basse, mais qui n'était arrivé que par l'estime publique et la seule force du mérite. Louis VI avait eu, cette fois, la main heureuse. Il trouvait un ministre désintéressé, qui, sans titre officiel, ne travailla que pour la monarchie. Nous étudierons plus tard cette grande figure, lorsqu'elle apparaîtra en pleine lumière, sous le règne de Louis VII et surtout pendant la seconde croisade. À la fin de la vie de Louis le Gros, l'action politique de Suger ne s'est fait sentir ou du moins n'est signalée par l'histoire, que dans les événements d'ordre secondaire. Il avait pour collaborateur un autre conseiller influent, chargé surtout de la direction de l'armée, Raoul Ier, comte de Vermandois, haut baron et cousin-germain du Roi. Ce Capétien de la branche cadette, très brave et très dévoué aussi à la Royauté, seconda vaillamment Louis dans sa lutte contre les ennemis du dedans et du dehors et contribua pour une bonne part au succès final. En sous-ordre, se groupait autour du prince un personnel de clercs expérimentés, au courant des affaires de justice et de finances, et de chevaliers toujours prêts à se ranger sous la bannière du maitre. La cour capétienne, débarrassée des éléments féodaux qui la troublaient, offrait enfin à la dynastie l'instrument de pouvoir qui lui avait manqué jusqu'ici. Pour remettre la Monarchie à son rang, il fallait que le chef de la dynastie eût de l'argent et des soldats ; et la première condition pour en avoir était d'augmenter le domaine, la propriété directe du souverain. Louis le Gros, suivant la tradition inaugurée par son père Philippe, a usé de tous les procédés d'acquisitions territoriales. Achats, échanges, confiscations, conquêtes, tout lui fut bon pour devenir le plus grand propriétaire de l'Île-de-France. Par malheur, cette terre du Roi était hérissée de forteresses appartenant à des châtelains pillards, seigneuries indépendantes de fait, que les Capétiens du me siècle avaient laissé s'enraciner. Brûler et raser les donjons, dégager les villes et les abbayes, rétablir les communications entre les prévôtés du domaine, faire la chasse aux brigands, permettre enfin au paysan de labourer, au moine de prier, au marchand et au pèlerin de circuler en paix sur les routes : tel est le travail d'assainissement et de haute police que Louis le Gros exécuta. Voilà son œuvre maîtresse, celle qui le rendit populaire et dont tout l'honneur lui restera, tâche d'autant plus rude que les tyranneaux de l'Île-de-France ne se battirent presque jamais seuls. Ils eurent l'adresse de lier leur cause avec celle des grands seigneurs et des rois les plus hostiles aux Capétiens. Certains d'entre eux furent de dangereux adversaires ; il suffit de citer Hugue du Puiset et Thomas de Marle. Le premier sortait d'une lignée féodale qui comptait parmi ses hauts faits la honteuse déroute infligée à Philippe Ier et l'emprisonnement d'Ive de Chartres. Posté dans les riches plaines de la Beauce, il dévorait, selon l'énergique expression de Suger, toutes les terres ecclésiastiques du pays et se moquait des excommunications. Quand les victimes de ses brigandages se réunirent, en 1111, à Melun, pour implorer la justice du Roi, le comte de Chartres, l'archevêque de Sens, l'abbé de Saint-Denis, l'évêque de Chartres, l'évêque d'Orléans, les abbés de Fleuri, de Saint-Aignan, de Saint-Père de Chartres, de Saint-Jean-en-Vallée, comparurent parmi les plaignants. Mais les puissants seuls osaient se plaindre : la foule des opprimés obscurs souffrait sans dire mot. Trois fois le château du Puiset fut assiégé, pris et brûlé par les troupes royales. Hugue, mis au ban, solennellement dépouillé de ses possessions, emprisonné même dans la tour de Château-Landon, ne s'avoua jamais vaincu. Mis en liberté sous serment, ce brigand retors et insaisissable rebâtissait son donjon ; il nouait alliance avec les ennemis du Roi et recommençait ses exploits de malfaiteur. Suger le compare à un chien furieux, que les coups et la chaîne exaspèrent et qui mord et déchire avec d'autant plus de rage tous ceux qu'il a le malheur de rencontrer. Traqué une dernière fois, en 1118, il eut le plaisir, avant de succomber, de percer d'un coup de lance un favori de Louis le Gros, le sénéchal Anseau de Garlande, dont le Roi pleura longtemps la perte. Comme tant d'autres criminels de ce temps, il finit par trouver la mort dans un voyage en Terre-Sainte, où il cherchait l'absolution. Hugue du Puiset n'est que le typo du baron dévastateur : Thomas de Marle personnifie les excès les plus odieux du régime féodal, vraie bête fauve, dont la cruauté raffinée étonna les contemporains. Guibert de Nogent ne parle qu'avec épouvante de son ingéniosité à inventer de nouveaux supplices et du plaisir qu'il prenait à tourmenter ceux qui ne pouvaient se défendre, le paysan sans armes ou le captif enchaîné : « On n'imagine pas le nombre de ceux que la faim, les tortures et la pourriture ont fait périr dans ses prisons. » Il était la terreur de tous ses voisins et de son père, Enguerran de Couci, avec qui il ne cessa de guerroyer. Il donna asile aux bourgeois de Laon, qui avaient tué leur évêque, et fit égorger son propre parent, l'archidiacre de Laon, Gautier. Les cours des archevêques, des évêques, des abbés, les conciles provinciaux et généraux, la cour du Roi, lancèrent contre lui d'innombrables anathèmes. Il était excommunié tous les dimanches dans toutes les paroisses du pays. Inaccessible au fond de ses châteaux que protégeaient d'épaisses forêts, il nargua clercs et laïques pendant près de trente ans. En 1114, il fallut que le légat du Pape, Conon, évêque de Préneste, organisât contre lui une véritable croisade, avec promesse d'indulgence ou d'absolution pour tous ceux qui y prendraient part. Louis le Gros se mit en campagne, avec son courage ordinaire, mais les seigneurs, moins enthousiastes, ne lui envoyèrent que des renforts insignifiants. Il dut agir surtout avec les milices paroissiales que conduisaient les évêques et les curés. Thomas, dépouillé de deux de ses châteaux, fut obligé d'indemniser le Roi et les églises, traitement bien doux pour un brigand tant de fois condamné. À peine l'armée royale eut-elle disparu qu'il recommença à terrifier le pays et continua encore pendant quinze ans. On ne se décida à le réduire par la force qu'en 1130, lorsque Raoul de Vermandois, ennemi personnel de Thomas de Marle, usa de son influence auprès de Louis le Gros pour faire organiser de nouveau une expédition que les évêques réclamaient à grands cris. La justice humaine put, cette fois, être satisfaite. Le bandit fut poursuivi jusque dans Couci, blessé mortellement et emmené captif à Laon. Souffrances, menaces, prières furent impuissantes à arracher à ce moribond l'ordre de mettre en liberté les marchands qu'il avait jetés dans ses cachots. Heureusement pour Louis le Gros, les pillards du domaine royal n'étaient pas tous de cette trempe : il n'en fallut pas moins, pour les réduire, trente-quatre années de guerres incessantes (1101-1135). La grande abbaye capétienne de Saint-Denis, si voisine de la capitale, devait être la première à profiter de l'énergie du nouveau roi. Pour la protéger, il battit l'un après l'autre les seigneurs de Montmorenci et de Beaumont (1101-1102). Les chanoines de Beauvais obtinrent la destruction du château de Mouchi (1102). À Noyon, le clergé respira, quand les troupes royales eurent abattu la forteresse de Quierzi-sur-Oise, odieuse aux manants d'alentour. Pour soustraire les abbayes de Reims et les églises de Laon aux persécutions des seigneurs de Couci et des comtes de Rouci, Louis remonta plusieurs fois les vallées de l'Oise et de l'Aisne, ravageant la terre d'Eble de Rouci (1102), restituant Péronne à ses parents du Vermandois (1109), enlevant la tour d'Amiens à ses châtelains, et le comté d'Amiens à Enguerran de Couci (1117). Mais la région du Nord ne fut définitivement pacifiée qu'après la dernière campagne dirigée contre Thomas de Marle (1130). Il fut encore nécessaire que le roi de France arrachât de force (1132), à la veuve et aux fils du brigand, les dépouilles des paysans rançonnés et des églises livrées au pillage. Le pays verdoyant et accidenté qui s'étend sur la rive gauche de la Seine, les riantes vallées de la Mauldre, de l'Eure, de l'Yvette, de l'Orge et de l'Essonne, donnèrent plus de mal à Louis le Gros que tout le reste du domaine royal. Pendant plus de vingt ans, il ne cessa de porter le fer et le feu dans cet épais fourré de tyrannies, où les ennemis de l'ordre et de la famille régnante, le roi d'Angleterre, le comte de Blois, le rebelle Étienne de Garlande, ne manquèrent jamais de trouver des complices. Le château de Neauphle, pris et détruit, en punition des excès de Pierre Ier, seigneur de Maule ; les forteresses de Montlhéri, Chevreuse, Rochefort, Châteaufort, Corbeil, enlevées à Gui le Rouge et à son fils Hugue de Créci (1105-1118) ; ce dernier assiégé dans Gometz, contraint de se jeter aux pieds du Roi, d'implorer son pardon et de se faire moine, après avoir consenti à la confiscation de ses biens : tels furent les résultats d'une lutte acharnée, guerre de sièges et d'embuscades, qui acheva de mettre en pleine lumière ces qualités du soldat dont Louis était si largement pourvu. L'expropriation de la dangereuse famille de Montlhéri, question de vie ou de mort pour la Royauté, assurait enfin au Capétien la liberté de circuler, sans craintes, entre Paris, Étampes, Orléans et Melun. La défaite des seigneurs du Puiset lui ouvrit la Beauce et le pays de Chartres. Celle d'Humbaud de Sainte-Sévère (1107), la prise de Meung-sur-Loire (1103), de Château-Renard (1134) et de Saint-Brisson (1135) lui facilitèrent l'accès de la Loire et des possessions lointaines du Berri. Ainsi, d'un bout à l'autre du domaine, de la haute vallée de l'Oise aux sources de l'Indre, partout où se trouvaient menacés les intérêts étroitement liés de la couronne et des églises, Louis le Gros apparut les armes à la main, prompt à détruire les repaires féodaux et à faire cesser les souffrances du peuple. Jamais souverain du Moyen âge ne paya plus souvent et plus vaillamment de sa personne. Orgueilleux de sa force physique, il aimait la guerre pour elle-même, sacrifiant, sans hésiter, au plaisir de se battre, son devoir de chef d'armée et sa dignité de roi. Il poussa un jour la naïveté jusqu'à proposer au roi d'Angleterre, Henri Ier, de vider leur différend par un duel qui devait avoir lieu, en vue des deux armées, sur le pont vermoulu de l'Epte, aux confins de la France et de la Normandie. L'Anglais ne répondit que par une raillerie à ce défi trop chevaleresque. Au siège du château de Mouchi, Louis pénètre dans le donjon en flammes et ne sort du brasier que par miracle, avec une extinction de voix dont il ne guérit que longtemps après. Au passage de l'Indre, dans la campagne de 1107, c'est lui qui, le premier, se jette dans la rivière, où il a de l'eau jusqu'au menton, pour donner l'exemple à ses troupes. Dans les guerres du Puiset, il s'enfonce au plus épais des rangs ennemis, au mépris de toute prudence, se prenant corps à corps avec ceux qui lui tombent sous la main. Vainement ses amis l'engageaient à se ménager ; il ne pouvait s'y résigner et affrontait, dit Suger au grand préjudice d'une santé déjà compromise, des intempéries et des obstacles qui faisaient reculer les jeunes gens. Son rôle militaire l'absorba tout entier jusqu'au jour où, la victoire lui ayant laissé peu de chose à faire et les infirmités le saisissant, il se vit obligé de prendre le repos qu'il n'avait jamais connu. Envahi par l'obésité, presque incapable de se mouvoir, désespéré de ne plus satisfaire au besoin d'activité qui le dévorait, il disait, en gémissant, à ses intimes : Ah ! quelle misérable condition que la nôtre, ne pouvoir jamais jouir en même temps de l'expérience et de la force ! Si j'avais su, étant jeune, si je pouvais, maintenant que je suis vieux, j'aurais soumis bien des empires ! II — L'ACTION DE LOUIS LE GROS DANS LES GRANDS FIEFS. FORCER les ducs et les comtes du royaume à reconnaître et à subir l'autorité du Roi, était une tâche autrement difficile que de prendre les donjons des châtelains de l'Île-de-France. Les Capétiens mettront deux siècles à en venir à bout. Louis le Gros essaya pourtant d'entamer l'indépendance de quelques baronnies. En 1108-1109, un vassal de la Royauté, le seigneur de Bourbon, Archambaud IV, mourait, laissant la seigneurie à son fils Archambaud : mais l'oncle de ce dernier, Aimon II, dit Vaire-Vache, s'en empara. Alard de Guillebaud, seigneur de Châteaumeillant, qui avait épousé la veuve d'Archambaud IV, vint trouver Louis VI et lui demanda, au nom de son beau-fils, que l'héritage du défunt fût au moins partagé entre l'oncle et le neveu, par un jugement de la cour royale. Le Roi était d'autant mieux disposé à sévir contre l'usurpateur qu'il lui reprochait de persécuter le prieuré de Saint-Pourçain, dépendant de la grande abbaye de Tournus. Aimon ayant refusé plusieurs fois de comparaître devant sa justice, Louis part pour le Berri avec une armée et investit la plus forte place du baron rebelle, le château de Germigny-sur-l'Aubois. Obligé de se rendre, Aimon signe une convention par laquelle il renonçait à toutes prétentions sur les terres de Saint-Pourçain, et accompagne son vainqueur en France. Les rois ont les mains longues ! dit Suger à propos de cette expédition. On avait perdu l'habitude de voir les Capétiens s'avancer au delà de Sens et d'Orléans. L'étonnement augmenta quand Louis le Gros alla en Auvergne défendre l'évêque de Clermont, Aimeri, et punir son persécuteur, le comte Guillaume VI. En 1122, il s'empare de Pont-du-Château sur l'Allier et contraint l'armée du comte, concentrée dans Clermont, à abandonner la cité et l'église épiscopale. En 1126, il revient avec des troupes plus nombreuses, brûle Montferrand et, malgré l'intervention un peu inattendue du duc d'Aquitaine, Guillaume IX, réduit le comte d'Auvergne à la paix. Cette victoire en pays lointain eut un effet retentissant. Elle permit à Louis le Gros de s'engager dans une entreprise encore plus importante. L'assassinat du comte de Flandre, Charles de Danemark, lui fournit l'occasion d'intervenir dans le grand fief flamand. Appelé pour punir les meurtriers qui s'étaient retranchés dans une église de Bruges, il signifia aux barons et aux bourgeois du pays qu'il fallait procéder avant tout à l'élection d'un nouveau comte. Réunis à Arras, en présence du Roi, ils écartèrent successivement tous les prétendants : Thierri d'Alsace, trop éloigné et qui se contentait d'écrire pour soutenir ses droits ; Guillaume d'Ipres, un bâtard, que l'opinion publique accusait d'avoir trempé dans le meurtre de Charles le Bon ; enfin Baudouin IV, comte de Hainaut. Celui-ci, plus âpre dans ses revendications, était peut-être le plus à craindre : on lui préféra un candidat que le Roi avait amené, Guillaume Cliton, fils de Robert Courte-Heuse, prétendant perpétuel au duché de Normandie. Louis VI venait de l'attacher plus étroitement que jamais à sa fortune en lui faisant épouser Jeanne de Montferrat, sœur de la reine Adélaïde. Son élection fut confirmée par Gand, Bruges, Lille, Saint-Omer et même par un grand nombre de villages flamands qui profitèrent de cette circonstance pour conquérir leurs libertés. Louis le Gros aurait pu obtenir un succès encore plus direct. Quelques personnes lui avaient suggéré l'idée de donner la couronne de Flandre à l'un de ses fils ; mais les enfants de France étaient trop jeunes, et il pensa qu'il serait trop difficile de gouverner de loin un peuple aussi turbulent. Il lui suffisait d'avoir pu créer un comte de Flandre, qui, tenant tout de lui, devait lui être aveuglément soumis. Pendant la durée de la guerre faite aux assassins de Charles le Bon et à Guillaume d'Ipres, le Roi agit en suzerain, presque en souverain il signe les chartes de privilèges que Guillaume Cliton accorde à ses nouveaux sujets ; il entre triomphalement à ses côtés, dans les villes, nomme les châtelains, agit et légifère avec lui. Les seigneurs et les bourgeois qui ont besoin de son appui accomplissent, sans résistance, sa volonté. Cliton n'est que son lieutenant, le docile exécuteur de ses arrêts. L'entente du Roi et du peuple flamand se maintient jusqu'au dernier acte de ce drame sanglant qui avait commencé avec le meurtre de Charles le Bon. Guillaume d'Ipres, saisi dans sa capitale, dépouillé de sa terre et emprisonné au château de Lille ; les meurtriers, arrachés enfin de l'église, leur repaire, défilant un à un sous les yeux de Louis VI, puis précipités du haut de la tour de Bruges ; les deux plus coupables, Bouchard et Bertold, périssant, l'un sur une roue, déchiqueté par les corbeaux, l'autre pendu à une fourche avec un chien qui lui dévorait la figure, tel fut le résultat de l'intervention armée du roi de France. Quand Louis reprit, le 6 mai 1127, le chemin d'Arras, il croyait à la solidité de son œuvre et à la durée de la domination établie au profit de Cliton. Mais le jeune comte était l'homme le plus incapable de se maintenir dans une situation difficile. À côté de la noblesse, vivait en Flandre une classe de bourgeois enrichis et puissants, population remuante, prompte à se cabrer, qui demandait à être traitée avec des ménagements infinis. Or, Guillaume avait la main brutale. Au lieu de réserver ses forces pour tenir tête à la coalition des prétendants évincés et des voisins hostiles, Henri Ier d'Angleterre, Étienne de Blois, Baudouin IV, le duc de Louvain, Thomas de Marte, il commit l'imprudence de s'aliéner les villes, dont il ne respectait pas les privilèges, puis les barons, qu'il prétendait tenir sous le joug. Lille, Gand, Bruges, Saint-Omer se révoltèrent ; les seigneurs flamands remirent en doute les droits du comte à la succession de Charles le Bon. Thierri d'Alsace, cette fois, apparut en Flandre, sur l'appel de ses partisans. Cliton, impuissant à retenir le pouvoir qui lui échappait, compromit sa cause, par une alliance avec ce même Guillaume d'Ipres qu'il avait lui-même dépossédé (avril 1128). Il aurait fallu que le roi de France continuât à le soutenir de son argent et de ses soldats. Mais Louis le Gros, obligé alors de faire une guerre meurtrière à son propre sénéchal, Étienne de Garlande, et de lutter contre une partie du clergé français, ne put s'occuper des affaires de Flandre qu'au printemps de 1128, quand ce pays était déjà presque perdu pour son protégé. S'avançant jusqu'à Arras, il écrivit aux bourgeois de Bruges et leur manda de leur envoyer huit des leurs pour traiter avec ses barons des moyens de faire leur paix avec le comte Guillaume. La réponse des Flamands, hautaine et violente, montra jusqu'à quel point la situation avait changé. C'est un véritable réquisitoire, dirigé non seulement contre Cliton, dont ils énumèrent les abus de pouvoir et les maladresses, mais aussi contre le roi de France qu'ils accusent d'avoir, pour mille marcs, trafiqué de la couronne de Flandre. Ils lui dénient, d'ailleurs, formellement, le droit d'en disposer. Le roi de France n'a aucune autorité sur l'élection du comte de Flandre. Que le comte meure avec ou sans enfants, ce sont les pairs de la seigneurie et les citoyens des villes qui ont seuls le droit d'élire l'héritier le plus proche et de l'introniser. Comme feudataire du roi de France, le comte de Flandre ne lui doit que le service militaire et rien de plus. Le Roi n'a aucun droit à nous imposer un comte par la force, encore moins à établir sur nous une domination qui serait le fruit d'un honteux marché. Louis le Gros n'était pas homme à souffrir que les manants de la Flandre lui donnassent des leçons de droit et de morale. Mais il se débattait alors contre de telles difficultés qu'il ne put prendre sa revanche immédiate. Il se contenta, pour commencer, de faire jeter l'interdit sur les églises flamandes, par son cousin, Simon de Vermandois, évêque de Noyon et de Tournai. Dans l'assemblée qu'il réunit ensuite à Arras, l'archevêque de Reims cita Thierri d'Alsace à son tribunal, l'excommunia ainsi que ses partisans et interdit la ville de Lille. Louis intima lui-même au rival de Cliton l'ordre de quitter le royaume et de rentrer en Lorraine. Mais ce n'était pas avec des sentences d'Église ni avec des lettres de menaces qu'on pouvait sauver une situation aussi compromise. Le Roi se décida enfin à une mesure plus efficace : il assiégea Thierri dans Lille, pendant six jours, puis, pressé sans doute de rentrer dans ses États et désespérant d'aboutir, il renonça à son entreprise. Les événements se précipitèrent. Mortellement blessé au siège d'Alost, le malheureux fils de Robert Courte-Heuse ne tarda pas à terminer, sous l'habit monastique, une vie consacrée tout entière à la poursuite de revendications condamnées d'avance et de projets irréalisables. Louis dut s'incliner devant les faits accomplis. Quand Thierri d'Alsace eut triomphé de la résistance de Guillaume d'Ipres et des attaques du duc de Louvain, il fallut bien le reconnaître pour le légitime propriétaire du comté. L'année 1128 ne s'était pas écoulée que le nouveau comte de Flandre avait comparu devant son suzerain et reçu de ses mains l'investiture de tous ceux de ses fiefs qui relevaient du royaume de France. Thierri parait avoir vécu dès lors en bonne intelligence avec le protecteur de Guillaume Cliton. L'entreprise de Flandre, une des hardiesses du règne, avait échoué. Le temps de la lutte victorieuse contre les hauts barons et de l'assujettissement des grands fiefs n'est pas encore venu. Pour la Féodalité souveraine, le roi de France est l'adversaire qu'on repousse, ou l'étranger qu'on ne connaît pas. Louis le Gros n'a jamais paru, jamais agi militairement dans le duché de Bourgogne, dans le comté de Bretagne, dans le comté de Toulouse, dans les états gascons et poitevins du duc d'Aquitaine. Le comte d'Anjou, son allié temporaire, reste pleinement indépendant et. tient son domaine fermé à l'ingérence des agents royaux. Dans le pays de la Haute et de la Basse-Seine, les grands seigneurs, maîtres absolus de leur province, n'ont pas cessé d'être ses ennemis. Mais le plus redoutable de tous, pour la France capétienne, fut naturellement le duc de Normandie, un vassal qui portait couronne et contre lequel devaient s'user les forces encore si médiocres du roi-soldat. III. — LOUIS LE GROS ET LA MONARCHIE ANGLO-NORMANDE. NOUS connaissons déjà le maître de l'île anglo-normande, Henri Ier Beauclerc, le plus jeune des fils de Guillaume le Conquérant (1100-1135). Il valait Louis comme homme de guerre et le dépassait de beaucoup comme homme d'État. Disposant de toutes les ressources d'un royaume qu'il tenait bien en mains, où le Clergé lui-même se résignait à subir une domination des plus dures, il avait des moyens d'actions que le Capétien ne posséda jamais. Cette supériorité n'a pas échappé aux contemporains. Depuis qu'il eut réuni sur sa
tête, dit Orderic Vital, la couronne
d'Angleterre et le duché de Normandie, il gouverna ces deux États avec
sagesse et jouit d'une constante prospérité par l'attention qu'il eut de ne
jamais rien relâcher de sa vigueur première ni de la sévérité des lois. Il
sut tenir en bride la noblesse turbulente, prévenir les séditions de la
bourgeoisie, réprimer les attentats des tyrans audacieux qui voulaient
s'égaler à lui. Quant à ceux qui étaient naturellement pacifiques, les
personnes d'Église et le menu peuple, il les traita toujours avec douceur et
ne cessa de les protéger. Il mit tout son zèle à procurer la paix à ses
peuples, et à punir avec vigueur ceux qui osèrent la troubler. Curieux de
tout savoir, doué d'une mémoire imperturbable, il entrait dans le détail de
toutes les affaires de ses ministres et des grands de son État. Il était l'arbitre
universel de tous les différends qui s'élevaient parmi ses sujets. En un mot,
je ne crains pas de l'affirmer, après avoir lu soigneusement toutes nos
histoires, jamais l'Angleterre n'eut un roi plus opulent que Henri, plus
puissant et mieux pourvu de tout ce qui peut, selon le monde, illustrer un
souverain. Le Normand Orderic était peut-être enclin à exagérer l'admiration que lui inspirait le chef de la dynastie normande ; mais Suger, l'homme du roi de France, fait de Henri Ier un portrait encore plus flatteur : Héros illustre dans la paix comme dans la guerre, génie admirable dont la gloire remplit l'univers presque entier. Devant sa face la terre se taisait. Il n'en a jamais dit autant de Louis le Gros. Les vices de ce roi d'Angleterre, cruel, cupide et sans mœurs, disparaissent dans l'éclat de son œuvre politique. Henri Ier combattit Louis le Gros pendant vingt-cinq ans, et presque sans interruption. Activement secondé par son neveu, Thibaut IV de Blois, il se fit l'inspirateur et le soutien de toutes les coalitions féodales dirigées contre le roi de France. Duel inégal, d'où le Capétien ne pouvait sortir victorieux. Dans une première période d'hostilités (1109-1113), Louis, obligé de tenir tête à la fois aux Normands, au comte de Blois, et aux châtelains de l'Île-de-France, n'aurait peut-être pas échappé à ce triple péril, sans l'appui du comte de Flandre. La légende rapporte qu'un hardi coup de main du comte de Meulan, un Français aux gages de l'Angleterre, faillit amener la prise de Paris (1111). La cause du roi de France aurait été encore plus désespérée si Henri était resté maître de toutes les forces de la Normandie ; mais les barons du duché se partagèrent. Les uns firent hommage à Guillaume Adelin, fils aîné du roi d'Angleterre, les autres au prétendant Guillaume Cliton. Louis le Gros n'en fut pas moins réduit à signer, à Gisors, un traité humiliant qui donnait à Henri le' la suzeraineté du Maine et de la Bretagne (1113). La souveraineté du roi de France était, de ce fait, gravement atteinte. Séparer la Normandie de l'Angleterre, encourager les prétentions des collatéraux de la famille régnante, cette tactique, qui avait réussi à Philippe Ier, s'imposait plus que jamais à son successeur. Louis s'empressa de soutenir Cliton et une seconde période de guerre commença (1116-1120). Le 20 août 1119, Henri Ier profita de l'inconcevable témérité du roi de France, qui s'était enfoncé en terre normande à la tête d'une poignée d'hommes, sans prendre les précautions nécessaires, avec un mépris superbe de l'ennemi. Il avait réuni en secret une armée considérable et rencontra les Français dans la plaine de Brémule, près de Noyon-sur-l'Andelle. Bouchard de Montmorenci dissuada son suzerain de livrer bataille à des adversaires qui avaient pour eux la supériorité du nombre, de l'équipement et de l'ordre. Louis VI, poussé par la chevalerie du Vexin et n'écoutant que son courage, se jeta sur les Anglais, comme toujours, à corps perdu. La défaite fut peu sanglante, mais décisive. Louis s'enfuit, après s'être égaré dans la forêt de Musegros, jusqu'aux Andelis. Il avait perdu son cheval de bataille et sa bannière. L'échec était grave et Suger s'efforce en vain d'en amoindrir l'importance. Louis, furieux et humilié, essaya sans tarder de prendre sa revanche. Avec les milices diocésaines et les contingents féodaux de toute la France du Nord et du Centre, levés à la hâte, il brûla Ivri et assiégea Breteuil. Raoul le Breton, qui défendait la place pour Henri Ier, résista énergiquement et Louis dut se retirer encore, la rage au cœur. On eut peine à l'empêcher de mettre le feu à la ville de Chartres pour se venger du comte Thibaut. La politique allait peut-être lui réussir mieux quo les
armes. Un concile s'ouvrait à Reims sous la présidence du pape Calixte II.
Louis voulut profiter de son alliance intime avec la Papauté pour faire
condamner son rival par l'autorité ecclésiastique. Il se présenta devant les
évêques et dénonça avec véhémence les iniquités commises par Henri et Thibaut,
l'oncle et le neveu. Le roi d'Angleterre, après avoir
été longtemps mon allié, m'a fait à moi et à mes sujets beaucoup de torts
matériels et d'injures : il s'est emparé violemment de la Normandie, qui
dépend de la couronne, et il a traité d'une manière odieuse, contre toute
justice, Robert, duc des Normands. Oubliant que Robert est mon vassal, son
frère et son seigneur, il lui a fait subir toutes sortes de vexations, a fini
par s'emparer de sa personne, et, depuis longtemps, il le tient prisonnier.
Vous voyez, à côté de moi, parmi ceux qui m'ont accompagné dans cette
enceinte, Guillaume, fils de ce malheureux duc, réduit à l'exil et auquel il
ne reste pas un lambeau de l'héritage paternel. J'ai envoyé au roi
d'Angleterre des évêques, des comtes, qui l'ont invité à rendre la liberté au
duc ; je n'ai rien pu obtenir. Quo dis-je ? il a fait arrêter, dans son
palais, Robert de Bellême, mon ambassadeur, que je lui avais adressé, muni de
mes instructions. Il l'a fait enchaîner et l'a tenu jusqu'à ce jour enfermé
dans un horrible cachot. Le comte Thibaut est mon vassal, mais, à
l'instigation de son oncle, il s'est insurgé contre moi. Enflé de ses
richesses et de sa puissance, le perfide m'a fait une guerre atroce, et il a
jeté le trouble dans mon royaume pour le malheur d'une foule de gens.
Guillaume, comte de Nevers, homme de bien et ami du droit, que vous
connaissez tous, revenait du siège d'un château appartenant à un brigand
excommunié. Thibaut l'a arrêté et gardé prisonnier jusqu'aujourd'hui. Ces
faits sont de notoriété publique ! Orderic Vital, présent au concile, a vu ce roi de France qu'il peint en une ligne : Un homme de belle stature, gros, pâle et qui parlait bien. Quand Louis eut fini son discours, les évêques et les abbés de France jurèrent qu'il avait dit la vérité, mais avec tant de bruit et d'animation que l'archevêque de Rouen, chargé de répondre à ce réquisitoire et de défendre Henri Ier, ne put placer un mot (octobre 1119). Le roi de France aurait voulu et attendait que Calixte II se prononçât solennellement contre son ennemi. Il oubliait que les vaincus ont peu de prestige et que la politique romaine ne se plaît guère aux décisions nettes. Le Pape se contenta d'entamer avec le roi d'Angleterre une négociation qui n'aboutit pas. Il écouta, à Gisors, la justification de Henri Ier, mais d'une oreille si complaisante que Guillaume de Malmesbury, un Anglais pourtant, l'accuse de s'être laissé corrompre. Louis VI n'eut d'autre ressource que de signer une nouvelle trêve avec son trop puissant rival. Tout l'avantage qu'il y trouva fut de recevoir, pour le duché de Normandie, l'hommage de l'héritier présomptif du trône anglais, concession de pure forme et bien faible dédommagement de ses défaites. La fatalité se chargea de lui procurer une victoire imprévue, dans laquelle il ne fut pour rien. Le 25 novembre 1120, le fils aîné de Henri Ier et presque toute la famille royale d'Angleterre s'embarquaient à Barfleur sur le vaisseau La Blanche-Nef, avec une troupe de jeunes étourdis qui firent boire à l'excès les matelots et le pilote. On partait de nuit, gaiement, par un clair de lune admirable ; mais l'équipage, ivre, manœuvra si mal que le bateau toucha un bas-fond de roches et en une minute coula à pic. Un boucher de Rouen, Bérold, survécut seul à cette catastrophe qui releva les espérances du parti français. La Normandie aurait peut-être accepté Guillaume Cliton, mais les Anglais n'en voulaient pas. Ceci n'empêcha pas le roi de France de mettre de nouveau en avant le fils de Robert Courte-Heuse. Le comte d'Anjou, Foulque le Jeune, prit sa défense ouvertement, et Galeran de Meulan se révolta contre Henri Ier, à la tête d'une partie importante de la féodalité normande et de presque tous les chevaliers du Vexin. La guerre se ralluma pour la troisième fois (1123). L'énergie et la promptitude du roi d'Angleterre déjouèrent les projets des coalisés. Il entrains son gendre, l'empereur Henri V, dans une alliance offensive contre le Capétien, et, pour gagner l'Anjou à sa cause, maria l'unique enfant qui lui restât, sa fille Mathilde, à Geoffroi le Bel, l'héritier du fief angevin (1127). Ainsi se prépara le futur empire des Plantagenets. Il aurait fallu que Guillaume Cliton fût vainqueur en Flandre ; mais son insuccès et sa mort prématurée compensèrent, pour Henri Ier, le malheur de la Blanche-Nef. Privé de son protégé, Louis le Gros perdait son arme la plus efficace. Cette série d'échecs ne se termina qu'en 1135, par la mort du roi d'Angleterre. La guerre, longue et sanglante, qui allait mettre aux prises, pendant vingt ans, les candidats à sa succession, paralysa la puissance anglo-normande et permit au Capétien de respirer. IV. — LOUIS LE GROS, SON CLERGÉ ET SES BOURGEOIS. QUAND on songe que ce roi de France, tout en subissant les assauts de la monarchie voisine, avait constamment à se débattre contre la petite féodalité de son domaine et travaillait à détruire, sous toutes ses formes, l'esprit d'indépendance seigneuriale, on s'étonne qu'il ait pu résister, se maintenir et, finalement, garder son territoire intact. Il semblait impossible qu'il échappât à tant de périls et d'ennemis. Ce miracle s'explique, en partie, par l'union intime de Louis VI avec son clergé. Évêques et abbés mirent à son service, non seulement la
chevalerie de leur vasselage, mais des cadres d'infanterie tout organisés,
ces milices des paroisses conduites par leurs curés, que les associations de
la paix de Dieu, depuis le milieu du XIe siècle, avaient fait sortir de
terre. L'histoire ne perdra pas le souvenir de ce pauvre curé, un prêtre chauve, à qui Louis le Gros dut, en 1111,
la prise du donjon du Puiset. Les chevaliers du roi de France désespéraient
de l'emporter d'assaut. Tout à coup, dit
Suger, on vit ce prêtre s'avancer, tête nue, protégé
seulement par une mauvaise planche, et monter jusqu'à la palissade. Se
cachant sous les bois qui en masquaient les ouvertures, il l'arrache pièce à
pièce. Joyeux de réussir si aisément, il fait signe aux hommes du Roi qui
hésitaient et restaient, sans bouger, dans la plaine, de venir à son aide.
Ceux-ci, à la vue de ce clerc sans armes, qui détruisait courageusement la
palissade, bondissent jusqu'à lui avec des haches, des outils de fer, coupent
la clôture et la brisent. Cette barrière abaissée, on eut dit les murs d'une
autre Jéricho qui tombaient. Les troupes du Roi pénètrent dans
l'enceinte et Hugue du Puiset est fait prisonnier. Ainsi Louis le Gros se servait de l'Église pour dompter les châtelains, comme il savait utiliser son alliance avec l'épiscopat pour tenter d'introduire l'influence morale de la Royauté dans les grands fiefs qu'il ne pouvait atteindre autrement. En Bretagne, où la suzeraineté politique lui échappe, il prend sa revanche en confirmant les possessions et les droits de l'évêque de Nantes (1121). En Bourgogne il accorde un privilège à l'église d'Avallon. Sa chancellerie pénètre jusqu'en Languedoc, où le roi légiféra en faveur de l'église de Maguelone, à l'exemple des souverains carolingiens ! Politique féconde qui s'imposa à tous ses successeurs et devait contribuer, pour une part considérable, aux progrès de la monarchie. Louis doit beaucoup à l'Église, mais lui donne beaucoup aussi. Il la défend contre les brigands féodaux de la grande et de la petite espèce. Il lui fait à ses côtés, dans son palais, dans ses conseils, la plus large place. Ses deux premiers ministres ont été un clerc, Étienne de Garlande, et un abbé, Suger. Ses conseillers politiques, ses négociateurs à l'étranger, sont des abbés parisiens ou des évêques. Ce soldat vit et chevauche constamment au milieu des clercs ou des moines. Il prodigue terres et privilèges aux évêchés, aux chapitres, aux abbayes. Il patronne le mouvement de régénération monastique qui se produisait partout, autour de lui, et comble de faveurs les nouvelles congrégations, Cîteaux, Prémontré, Tiron, Fontevrault. Il prend sa part de l'enthousiasme général pour la Réforme et se met au service des réformateurs. On l'a vu contraindre des moines à recevoir la règle de Cluni et expulser des religieuses qui vivaient mal. Il a créé matériellement, en la dotant, la grande abbaye de Saint-Victor, foyer intense de propagande spirituelle. Enfin, rompant avec la tradition et les habitudes de ses prédécesseurs, il a conclu avec la Papauté une alliance durable et donné la France, comme point d'appui, comme lieu d'asile, à Pascal II, à Gélase, à Calixte II, adversaires de l'empire allemand. Ici encore il a fait quelque chose de nouveau et fondé vraiment une tradition. Cette étroite union de la monarchie de France avec le Clergé et le Pape avait ses périls, l'allié de l'Église risquant toujours de devenir son subordonné. Mais Louis le Gros sut rester indépendant. On s'en aperçut, en 1113, lorsque la Papauté voulut dédoubler l'évêché de Noyon-Tournai et donner un évêque particulier aux Tournaisiens, ce qui amoindrissait, au profit de la Flandre et du Hainaut, le territoire soumis à l'action du roi de France. Louis protesta, jusqu'à menacer Rome d'une rupture, si bien que l'évêque Ive de Chartres jugea prudent d'intervenir. Le Roi, écrivit-il à Pascal II, est un homme simple, dévoué à l'Église et plein de bienveillance pour le siège apostolique. Gardez-vous bien de troubler la paix qui règne entre vous et ne laissez pas diminuer la sincère affection qui vous l'attache. Et Pascal céda pour éviter un scandale dans le royaume. Le jour où Calixte II s'avisa (1124) d'appuyer l'archevêque de Lyon dans ses prétentions à la primatie, que l'archevêque de Sens ne voulait pas reconnaître, un autre orage éclata et Louis VI écrivit lui-même au Pape une lettre presque comminatoire : J'aimerais mieux voir mon royaume incendié et moi-même voué à la mort que de subir l'affront d'un assujettissement de l'église de Sens à celle de Lyon. C'est que Lyon n'était pas du royaume et que Louis ne pouvait accepter une atteinte, même indirecte, portée à l'indépendance de sa royauté. Il continue en rappelant au Pape, sans le moindre ménagement, les services qu'il a rendus au Saint-Siège, sa fidélité inébranlable à une cause que ni les prières, ni les promesses de l'Empereur n'ont pu lui faire abandonner, tout récemment encore la preuve d'affection qu'il a donnée à l'Église romaine, en se montrant au concile de Reims, au grand détriment de sa santé, alors fort ébranlée, et de son domaine, abandonné aux coups de l'ennemi. Ce n'est pas que je regrette d'avoir agi de la sorte, ajouta-t-il, mais je ne voudrais pas que ces faits sortissent trop promptement de votre mémoire. Il termine par quelques mots secs et coupants : Le Roi de France est le propre fils de l'Église romaine ; mais si on lui inflige un affront pour une affaire de peu d'importance, il aura raison de croire qu'on est décidé à ne lui rien accorder dans les cas graves, et il ne s'exposera pas à subir un nouvel échec. Le Pape se le tint pour dit et n'insista pas. Même fermeté d'attitude avec le clergé national. Louis se croit en droit d'obliger les évêques et les abbés à reconnaître la juridiction de sa cour et à en accepter les arrêts. À son règne appartient le plus ancien exemple connu d'un procès jugé en première instance dans une cour ecclésiastique et porté en appel devant les juges royaux. Le principe de la supériorité de la justice royale sur la justice d'Église se trouve appliqué clairement et presque formulé dans l'acte par lequel Louis partagea le droit de banlieue avec l'évêque de Paris (1112-1116). Il a déclaré, bien avant Philippe Auguste, que les rois ne pouvaient faire hommage à personne, pas même à une seigneurie d'Église. D'autre part, il maintenait énergiquement son droit d'intervenir dans les élections des prélats. On a vu que, s'il renonçait à l'hommage et à l'investiture, il voulait au moins continuer à accorder la permission d'élire, à approuver l'élection et à disposer des régales. Enfin, il n'a même pas hésité à entrer en lutte ouverte avec le Clergé, lorsque les changements qui s'y produisaient lui paraissaient de nature à compromettre le pouvoir politique de la Royauté ou à diminuer ses revenus. Ce protecteur des clercs et des moines, cet allié de la Papauté, ce fondateur de Saint-Victor, a fait la guerre aux prélats réformistes. Il a persécuté Hildebert de Lavardin, Ive de Chartres et l'évêque de Paris, Étienne de Senlis. Il a bravé même (on sait en quelles circonstances) la redoutable indignation de saint Bernard. Propagateur de la Réforme, surtout sur le territoire d'autrui, il la repoussa, quand elle fut en opposition avec ses intérêts privés. C'est encore l'intérêt, et souvent entendu de la façon la plus étroite, qui fut le mobile principal de sa conduite à l'égard des classes inférieures de la société. Personne n'oserait plus dire aujourd'hui que Louis le Gros a été l'auteur du mouvement d'émancipation qui transforma, au XIIe siècle, la condition du paysan et du bourgeois. Cette évolution, née bien avant son règne, s'est poursuivie longtemps après lui. Il l'a secondée, quand il y trouvait bénéfice, et combattue, quand elle lui paraissait nuire à son autorité ou à son fisc. On ne voit pas que, sur son domaine particulier, il ait affranchi plus de serfs, et privilégié plus d'hommes libres que ne l'ont fait ses prédécesseurs. La plupart des paysans et des bourgeois dont il améliora la situation par ses diplômes appartenaient à des seigneurs d'Église. Il avait besoin d'être agréable au Clergé. S'il octroya un certain nombre de chartes communales, c'est que la bourgeoisie les lui payait, ou qu'il jugeait avantageux pour le pouvoir royal de voir l'autorité des évêques battue en brèche dans les cités. Mantes et Dreux furent les seules localités de son domaine propre qu'il ait gratifiées d'une constitution libre ; encore ne ressemblait-elle que de très loin à celles des grandes républiques de la Picardie ou de la Flandre. La charte de Lorris en Gâtinais, dont il faut lui faire honneur, ne conférait aux habitants que des privilèges d'ordre économique, sans leur donner l'ombre d'une liberté administrative. Elle n'est que l'œuvre intelligente d'un maître qui ne veut rien abandonner de ses droits essentiels, mais consent au soulagement de la population exploitable pour enrichir la seigneurie. La même raison détermina Louis VI à supprimer dans quelques grandes villes, notamment à Paris et à Bourges, certaines coutumes vexatoires dont abusaient les agents royaux. On ne saurait donc faire de ce Capétien un roi émancipateur, favorable, par système, aux revendications populaires, pas plus qu'il n'est possible de le présenter comme un souverain réformateur. Bien que, sous son règne, les institutions monarchiques aient pris, par le développement naturel des choses, un caractère de régularité qu'elles n'avaient pas dans la période précédente, son œuvre législative et administrative, peu importante, n'a rien changé d'essentiel à l'organisation du domaine et du pouvoir royal. Le souvenir de Louis le Gros est pourtant resté dans la mémoire du peuple. C'est que ce roi-soldat, destructeur de la petite féodalité, protecteur des terres d'Église, bataillait, en fin de compte, pour le salut des faibles et des opprimés. En mettant le feu aux repaires des châtelains, il vengeait les paysans dépouillés, les moines persécutés, les marchands outragés et mis à rançon. Par ce côté, la cause du monarque se confondait avec celle du peuple. Louis le Justicier (comme l'appellera, au XIIIe siècle, le Ménestrel de Reims, écho de la tradition bourgeoise) commence à réaliser le type de cette royauté bienfaisante qui trouvera plus tard, dans une alliance définitive avec les classes d'en bas, le moyen le plus sûr et le plus rapide de vaincre les résistances d'en haut. V. — LE PRESTIGE DE LA ROYAUTÉ CAPÉTIENNE. A la fin du règne, deux faits se produisent, qui ont eu l'un et l'autre un retentissement considérable, double indice de la renommée du souverain et du réel progrès de la Monarchie. On a vu qu'en 1124, le roi d'Angleterre, Henri Ier, s'était allié contre Louis le Gros à l'empereur allemand Henri V. Celui-ci voulait faire payer chèrement au Capétien la protection que la France avait accordée à la Papauté dans son conflit avec l'Empire. Une armée allemande envahit le royaume français par la Lorraine et se dirige sur Reims. Ce n'était pas la première fois qu'une invasion venue de l'Est menaçait la royauté des Francs d'Occident : le fait avait eu des précédents au Xe siècle, sous les derniers princes carolingiens. Mais jamais agression de l'Allemagne n'avait suscité un pareil émoi. On vit se grouper rapidement autour du Roi toutes les forces militaires de la Féodalité et de l'Église, au moins celles de la France du Nord, car les contingents de l'Aquitaine, de la Bretagne et de l'Anjou n'auraient pu arriver à temps. Quand de tous les points du royaume, dit Suger, notre puissante armée fut réunie à Reims, il se trouva une si grande quantité de chevaliers et de gens de pied qu'on eût dit des nuées de sauterelles qui couvraient la surface de la terre, non seulement sur les rives des fleuves, mais sur les montagnes et dans les plaines. Le Roi ayant attendu là, une semaine tout entière, l'arrivée des Allemands, les grands du royaume se préparaient au combat et disaient entre eux : Marchons hardiment aux ennemis ; qu'ils ne rentrent pas dans leurs foyers sans avoir été punis, et ne puissent pas dire qu'ils ont eu l'orgueilleuse présomption d'attaquer la France, la maîtresse de la terre. Que leur arrogance obtienne ce qu'elle mérite, non dans notre pays, mais dans le leur même que les Français ont subjugué, et qui doit leur rester soumis en vertu du droit de souveraineté qu'ils ont acquis sur lui ; ce qu'ils projetaient d'entreprendre furtivement contre nous, rendons-le leur ouvertement. Quelques autres, plus expérimentés, conseillaient d'attendre que les ennemis fussent entrés sur notre territoire, de leur couper la retraite, de les égorger sans miséricorde comme des Sarrasins, d'abandonner, sans sépulture, aux loups et aux corbeaux, les corps de ces barbares, massacre justifié par la nécessité de défendre notre pays. L'armée royale, divisée en cinq corps, soutenue par une arrière-garde que commandait le comte de Flandre, présentait, cette fois, un aspect régulier et s'organisait enfin pour le combat. Louis prit même des mesures de prévoyance pour assurer des rafraîchissements aux hommes et un lieu de repos aux blessés. On ne peut dire que ces formidables préparatifs furent inutiles. Henri V avait à peine dépassé Metz qu'il se retira prudemment, sans avoir combattu. Louis le Gros ne le poursuivit pas ; il avait trop d'affaires chez lui pour prendre à son tour l'offensive. Mais cette expédition avortée eut un résultat décisif. Il s'était produit là, dans cette plaine de Champagne où l'armée capétienne se massait autour de l'étendard de Saint-Denis, un phénomène caractéristique qu'on reverra à Bouvines. Pendant quelques jours au moins, le seigneur de l'Île-de-France avait été vraiment le roi de France. L'ennemi héréditaire de la dynastie, le comte de Chartres, Thibaut IV, s'était cru lui-même obligé d'amener son contingent de soldats. Les princes indépendants avaient eu l'idée d'un danger national ; ils s'étaient souvenus qu'ils appartenaient au royaume et que le royaume avait un chef. Ainsi pensa ce duc d'Aquitaine, Guillaume X, qui, ne laissant qu'une fille pour unique héritière, choisit, pour l'épouser et prendre possession de son vaste fief, le successeur désigné de Louis le Gros (1137, avril-juin). Ici, comme en bien d'autres circonstances, l'Église prêta son concours à la Royauté. L'archevêque de Bordeaux et les évêques d'Aquitaine n'ont pas été étrangers, sans doute, à la décision de leur duc. Il n'est pas resté trace de leurs négociations avec le roi de France ; mais l'histoire a conservé l'acte par lequel la dynastie capétienne récompensait le service rendu. Telle fut la signification du diplôme de 1137, octroyé par Louis le Gros et confirmé immédiatement par Louis le Jeune, en faveur de toutes les églises d'Aquitaine. Le Roi leur accordait des privilèges considérables : l'entière liberté pour l'élection de leurs prélats ; la suppression de la formalité de l'hommage et de la fidélité ; la permission, lorsque les sièges deviendraient vacants, de faire passer intégralement les biens ecclésiastiques aux évêques élus. L'Église d'Aquitaine faisait payer au Capétien l'accroissement inespéré de territoire qu'elle lui procurait. Mais il consentit à tout ce qu'on lui demandait, tant il avait hâte de porter la suzeraineté directe de la couronne, par delà Bordeaux et Agen, jusqu'à l'extrême frontière des Pyrénées. Augmentation d'honneur plutôt que de pouvoir réel. Le tout n'était pas d'absorber en une fois l'Auvergne, le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Bordelais, l'Agenais et la Gascogne, habités par une féodalité indomptable ; il fallait encore pouvoir digérer ce morceau de roi. Mais on se préoccupa peu de l'avenir et des obstacles. Lorsque, au mois de juillet 1137, Louis le Jeune, entouré d'une somptueuse escorte de hauts barons, d'archevêques et d'évêques, quitta les bords de la Seine pour se diriger vers ces régions du Sud-Ouest qui depuis si longtemps échappaient à la domination royale, Louis le Gros put s'imaginer que l'heure n'était pas loin où la Monarchie, maîtresse déjà d'une grande partie de la France, achèverait de conquérir le reste et de réaliser l'unité rêvée. Il n'eut pas le temps de se complaire dans cette illusion. Un mois après le départ de son fils, la dysenterie l'enlevait à cinquante-six ans, et il mourait, entouré d'évêques et d'abbés, revêtu de l'habit monastique, étendu sur un tapis où l'on avait jeté des cendres en forme de croix (1er août). |
[1] SOURCES. Historiens de France, t. XII et XIII, et Aug. Monnier, édition de la Vie de Louis VI le Gros, par Suger, 1887.
OUVRAGES
À CONSULTER. Luchaire, Louis VI le Gros, Annales de sa vie et de son
règne, 1890. Thompson, The
development of the French Monarchy under Louis VI le Gros, 1895.