I. — LES HUNS EN EUROPE ET L'INVASION DE 406. DANS la seconde moitié du IVe siècle, de grands mouvements de populations jetèrent sur les provinces de l'empire des peuples barbares tout entiers. Alors en effet apparaissent les Huns, qui appartiennent à la grande masse nomade des Tartares, et qui épouvantent les Barbares eux-mêmes autant que les Romains. Ce peuple, écrit Ammien, peu connu par les anciens monuments, dépasse tout ce qu'on peut imaginer en barbarie. A peine les enfants sont-ils nés qu'on sillonne leurs joues de profondes blessures afin d'empêcher la barbe de pousser. Leur existence est si rude qu'ils ne savent ni cuire ni assaisonner leurs mets, ils se nourrissent d'herbes sauvages, de chairs à demi crues qu'ils font chauffer en les plaçant sous eux à cheval. Ils n'ont point de maisons, point de cabanes, ils errent en nomades à travers les montagnes et les forêts, habitués dès leur naissance à supporter le froid, la soif, la faim. Cloués en quelque sorte sur leurs chevaux, qui sont robustes, mais laids, ils y vivent, ils y mangent et boivent, ils y dorment même ; c'est à cheval qu'ils se réunissent en assemblée et délibèrent. L'autorité royale est chez eux sans force ; sous la conduite de leurs chefs, ils se jettent furieusement en avant, brisant tout ce qu'ils rencontrent. Leurs chariots sont leurs demeures : leurs femmes y vivent, tissent, engendrent, nourrissent leurs enfants. Semblables à des animaux sans raison, ils ignorent toute distinction du bien et du mal, ils sont fourbes, aucune crainte religieuse, aucune superstition ne les retient, leur humeur est si changeante et si violente que, en une même journée, ils rompent et renouent leurs amitiés et leurs alliances[2]. Ces hordes avaient pénétré en Europe, entre le IIe et le IVe siècle, et s'étaient répandues dans les steppes au nord de la mer Noire, où erraient d'autres peuples nomades. Le plus puissant était celui des Alains, qui ne purent résister et se joignirent à ces envahisseurs dont l'existence ressemblait à la leur. L'ouragan grossi se déchaîna sur les Goths à l'époque où ils venaient de se diviser en deux groupes principaux, les Ostrogoths et les Wisigoths. Le roi des Ostrogoths, Hermanarich, essaya de combattre, puis, découragé, se donna la mort. Les Wisigoths se réfugièrent dans les montagnes. Bientôt, aux bords du Danube, on les vit se presser en foule et demander à l'empereur Valens un asile sur le sol romain. On sait ce qu'ils y devinrent après la bataille d'Andrinople. Établis dans l'empire, les Wisigoths y agirent en maîtres ; sous le commandement d'Alaric ils s'emparèrent de Rome. Bientôt nous les retrouverons en Gaule. Les Huns étaient divisés en hordes indépendantes les unes des autres ; plus tard seulement Attila les réunira sous son pouvoir. Rome chercha à profiter de cette absence d'unité ; elle enrôla des Huns comme elle enrôlait des Germains. Mais la Germanie orientale était profondément troublée : le choc violent qui avait refoulé les Goths dans les montagnes ou sur l'empire se répercutait au loin ; les peuples inquiets, poussés les uns sur les autres, se mettaient en marche vers l'Ouest et vers le Sud, d'immenses coalitions se formaient, recrutant des bandes, des aventuriers venus de tous côtés. Tandis que les Wisigoths avec Alaric prétendaient dicter leurs conditions à l'empire, tout à coup, sous la conduite de Radagaise, une cohue de tribus redevenues errantes débordait sur l'Italie. Stilicon en eut raison ; l'Italie fut sauvée cette fois encore (405). Mais, du côté de l'Ouest, les Vandales reparaissaient sur le Rhin, entraînant avec eux des Alains et des Suèves. Peut-être d'autres bandes, échappées à la destruction de l'armée de Radagaise, se joignirent à eux. Les Germains établis sur les bords du Rhin, alliés de Rome, attachés à la culture du sol, se sentaient menacés par ces hordes dévastatrices. Francs, Alamans, Burgondes résolurent de résister. D'abord battus, les Francs taillèrent en pièces les Vandales avec leur roi Godegisil. Néanmoins ils ne purent arrêter le torrent. Dans les derniers jours de 406 les envahisseurs franchirent le Rhin, probablement entre Worms et Bonn. Cette fois ils ne trouvèrent plus de résistance ; souvent même Francs, Alamans, Burgondes se joignirent à eux. Des peuples innombrables et féroces, écrit saint Jérôme dans une lettre célèbre, ont occupé toute la Gaule. Tout ce qui est compris entre les Alpes et les Pyrénées, entre l'Océan et le Rhin, le Quade, le Vandale, le Sunnite, l'Alain, les Gépides, les Hérules, les Saxons, les Burgondes, les Alamans, les Pannoniens l'ont dévasté. Mayence a été prise et détruite, des milliers d'hommes ont été égorgés dans l'église. Worms a succombé après un long siège. La ville puissante de Reims, les pays d'Amiens, d'Arras, la Morinie si reculée, Tournai, Spire, Strasbourg sont devenus germaniques. L'Aquitaine, la Novempopulanie, la Lugdunaise, la Narbonnaise, sauf peu de villes, ont été ravagées[3]. Si même ce récit est exagéré, comme on l'a soutenu, il est certain cependant que la Gaule souffrit alors terriblement. Les historiens de ce temps n'ont point suivi la marche de ces bandes qui, semble-t-il, allaient au hasard devant elles, tuant et pillant. Leurs ravages durèrent pendant trois ans environ. Depuis la mort de Théodose (395), ses deux fils Honorius et Arcadius, selon l'expression d'un écrivain de ce temps, gouvernaient l'empire en commun, tout en résidant dans des capitales distinctes, l'un à Rome, l'autre à Constantinople. Honorius vivait sous la tutelle de Stilicon, un des derniers généraux qui aient défendu l'empire avec habileté et avec vaillance, mais Stilicon se préoccupait avant tout de sauver l'Italie. Abandonnée à elle-même, la Gaule accueillit un usurpateur, Constantin, que les légions de Bretagne venaient de proclamer. Établi dans la Gaule du Sud-Est, Constantin, de 407 à 411, essaya de résister aux armées que Stilicon envoya contre lui et de se concilier les populations gallo-romaines. Il gagna en effet des partisans dans l'aristocratie, dans l'épiscopat, mais les Barbares avec lesquels il traitait se riaient de la foi jurée : les généraux d'Honorius en vinrent à bout (411). Au nord, en cette année même, à Mayence, les Francs, les Burgondes, les Alamans proclamaient à leur tour empereur un noble gaulois, Jovinus. Les Vandales, les Suèves, une partie des Alains gagnèrent l'Espagne qu'ils traitèrent comme ils avaient traité la Gaule ; d'autres se fixaient çà et là, et aux déprédations substituaient un établissement à demeure. La Gaule romaine se déchirait pour ainsi dire en lambeaux. Un historien grec, Zosime, a défini exactement cette situation : Les Bretons et la plupart des peuples de la Gaule se détachaient de l'autorité romaine, ils cherchaient à se suffire à eux-mêmes, combattant pour leurs intérêts, luttant contre les Barbares et renvoyant les fonctionnaires romains pour se gouverner à leur convenance. II. — L'ARRIVÉE DES WISIGOTHS, DES BURGONDES ET DES FRANCS EN GAULE. AU milieu de cette confuse anarchie, dont il est sans intérêt de raconter les incidents, un fait important se dégage. Trois peuples s'installent en Gaule et fondent de véritables États. Les Wisigoths, depuis de longues années, promenaient leurs ravages à travers le monde romain, ils avaient dévasté la Grèce, ils avaient pris Rome, mais, tout en combattant l'empire, ils se déclaraient prêts à le servir. Depuis la mort d'Alaric, son frère Athaulf les commande. En 412, il s'achemine vers la Gaule, emmenant avec lui la fille du grand Théodose, la sœur d'Honorius et d'Arcadius, Galla Placidia, prisonnière des Goths, et le rhéteur Attale, ex-empereur de comédie, qu'Alaric avait successivement fait et défait pour intimider Honorius. Ce ne sont plus des hordes pillardes qui envahissent la Gaule, c'est un peuple, guerriers, femmes, enfants, en quête d'un établissement fixe. Athaulf a-t-il signé un traité avec Honorius ? A-t-il promis de pacifier la Gaule ? Rien ne le prouve. Dans la suite il négocia, s'engagea à rendre Placidia, mais ne le fit point. Ce qui est certain, c'est que, après avoir vainement attaqué Marseille, il se rendit maitre de Toulouse, de Narbonne, de Bordeaux. Bordeaux, célèbre par ses écoles et par son commerce, était alors la métropole de la Gaule du Sud-Ouest[4]. Derrière son enceinte carrée peut-être eût-elle pu résister, mais sa population amollie et élégante n'était point capable d'un tel effort : elle ouvrit ses portes. Quelque temps après les Goths l'abandonnaient. Athaulf, dit un contemporain, Paulin de Pella, donna l'ordre aux Goths de sortir de cette ville où ils avaient été reçus en amis. Ils nous traitèrent selon les lois de la guerre, en peuple conquis, et, après avoir cruellement désolé la ville, ils la brûlèrent... Je m'y trouvais, ils me dépouillèrent de tous mes biens, ainsi que ma mère ; ils crurent nous faire une grâce en ne nous retenant pas captifs et en nous permettant, sans aucun châtiment, de quitter Bordeaux avec toutes les compagnes et les servantes qui avaient suivi notre fortune. Pourtant il reconnaît que quelques Goths, se montrant plus humains, prirent à cœur de veiller à la défense de leurs hôtes. En cette même année 414, au mois de janvier, à Narbonne, Athaulf avait solennellement épousé Galla Placidia. La cérémonie eut lieu dans la demeure d'un des notables de la ville. Placidia, vêtue du costume impérial, occupait la place d'honneur ; Athaulf s'assit auprès d'elle. Cinquante beaux adolescents défilèrent, chacun portant deux plateaux remplis, l'un d'or, l'autre de pierres précieuses : par une étrange dérision du sort le roi barbare offrait à la sœur d'Honorius le butin de la prise de Rome ! Des épithalames furent récités, l'un par Attale, l'ex-empereur qui reprenait humblement son rôle de rhéteur. Puis des divertissements furent célébrés où se mêlaient Barbares et Romains. Cette fête était conforme à la politique d'Athaulf : devenu le gendre posthume du grand Théodose, il entendait se constituer le défenseur légitime de l'empire, même malgré Honorius. Il avait voulu d'abord, disait-il, effacer le nom romain, faire que ce qui était Romain devint Gothique, devenir lui-même ce qu'avait été autrefois César Auguste. Mais l'expérience lui avait appris que la barbarie effrénée des Goths ne pouvait en aucune façon se soumettre aux lois, que, d'autre part, on ne pouvait supprimer les lois sans lesquelles il n'y a point d'État. Il avait donc voulu du moins acquérir la gloire de restaurer l'empire, d'augmenter l'éclat du nom romain à l'aide des forces des Goths... C'est pourquoi il s'abstenait de faire la guerre, il aspirait à la paix, s'associant la vive intelligence de Placidia[5]. Ainsi ces rois germains s'inclinaient devant la grandeur de Rome ; si affaiblies que fussent les institutions romaines, ils ne pouvaient en concevoir la disparition. Mais il ne faut point juger par de telles déclarations la conduite des envahisseurs : les actes ne répondaient point aux paroles, la « barbarie effrénée des Goths » ne se pliait point toujours à la discipline que voulaient leur imposer leurs chefs ; ceux-ci même, malgré leur politique, se laissaient souvent entraîner par la violence de leurs passions barbares. Honorius n'avait point consenti au mariage de Placidia. Le roi goth, furieux de ne pouvoir le décider à traiter, donna de nouveau la pourpre impériale à Attale, l'usurpateur en disponibilité. Toutefois sa situation devenait dangereuse ; il avait à lutter contre Constance, le meilleur des généraux d'Honorius, il chercha fortune en Espagne. En Aquitaine, sur son chemin, se trouvait Bazas. Il en fit le siège. Un incident se produisit qui éclaire l'histoire de ce temps. A l'anarchie qui désolait la Gaule se mêlaient des luttes sociales : les classes inférieures, exaspérées par de longues souffrances, songeaient à profiter des malheurs publics pour se venger des puissants. A Bazas, la plèbe, les esclaves se soulevèrent, rêvant le massacre des nobles. Cependant Bazas ne fut pas pris. Le souvenir de cet événement resta populaire ; au VIe siècle, on racontait qu'une vision miraculeuse avait décidé la retraite des Barbares. Athaulf fut assassiné à Barcelone. Une furieuse réaction barbare éclata contre sa politique. Placidia, confondue avec d'autres prisonniers, dut, pendant douze milles, marcher devant le char de Sigrich, le nouveau roi. Celui-ci fut à son tour assassiné. Enfin le roi Wallia put traiter avec Honorius, il lui rendit Placidia qui épousa Constance. Reconnus de nouveau comme fédérés, les Goths, en 419, reparurent en Gaule. L'empire leur donna la seconde Aquitaine et des cités voisines, depuis Toulouse jusqu'à l'Océan, leur assurant ainsi les villes de Bordeaux, Agen, Angoulême, Saintes, Poitiers, Périgueux, Auch, Bazas, Lectoure. Sous le règne de Théodoric Ier (419-451), installés dans ces riches contrées, ils combattirent avec les généraux romains, tantôt contre les Vandales, tantôt contre les usurpateurs qui cherchaient à s'emparer du pouvoir impérial. Au Nord-Est, les Burgondes avaient été entraînés en 406 par l'invasion. En 413, d'après un chroniqueur, ils obtinrent la partie de la Gaule voisine du Rhin, sans doute une partie de la Germanie supérieure, avec Worms pour centre : c'est là que l'épopée des Niebelungen, écho peut-être d'une tradition fidèle, placera la résidence de leur roi. Une fraction du peuple burgonde resta encore fixée sur la rive droite du Rhin. Les Alamans se répandaient dans le pays qui devint plus tard l'Alsace, dans la vallée du Doubs, en Suisse, et, plus au Nord, dans la vallée de la Moselle. Les Francs de l'Est, auxquels on donna plus tard le nom de Ripuaires, avaient pris Trèves vers 413 et l'avaient gardée ; ils arrivaient bientôt jusqu'à la Meuse et jusqu'à la Sambre, en même temps qu'ils s'étendaient vers le Sud. L'étude des frontières qui séparent, de nos jours même, la langue française et la langue allemande, aide à déterminer dans quelles régions les Germains s'établirent en masse ; dans le Nord-Est, la limite n'a guère changé depuis le VIe siècle[6]. Les Francs du Nord occupaient la Belgique. Le roi Chlodio résidait à Dispargum, sur les limites de la Toxandrie. Il faut renoncer à identifier Dispargum, et, de la Toxandrie même, tout ce qu'on peut dire de précis, c'est qu'elle était située sur la rive gauche du Rhin. L'immigration franque se développa librement au nord de la vaste forêt Charbonnière, qui s'étendait dans le sud de la Belgique, de l'Escaut jusqu'aux Ardennes, région sauvage, déserte, et où les Romains avaient peu pénétré. De là dans la Belgique occidentale, dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, la fréquence des noms de lieux terminés en hem, ghem, ghien, ain, sala, seele, zele, et qui indiquent la demeure. Ils s'y rencontrent avec d'autres suffixes germaniques (hof ou hove, ferme, burg, bourg, hauteur fortifiée, forth, furt, woorde, gué, loo, bois, dal, vallée). Du côté du Sud-Est, l'expansion des Francs fut arrêtée par la grande chaussée romaine de Bavay à Cologne, que défendaient de nombreux forts. Lorsque, sous Chlodio, ils s'avancèrent dans ces régions, ils conquirent le pays sans s'y établir par fortes masses : les noms de lieux de forme franque sont rares dans la région de Cambrai et dans l'Artois méridional. Le vrai pays franc eut pour limites méridionales la Lys et la forêt Charbonnière. Ainsi s'explique comment se forma cette région flamande, germanique d'origine, de race, de langue, qui s'enfonce comme un coin dans le Nord-Ouest de la France[7]. Sidoine Apollinaire a décrit les guerriers francs de ce temps. Leurs cheveux roux sont ramenés du sommet de la tête vers le front, laissant la nuque à découvert ; leurs yeux sont verdâtres et humides, leur visage est rasé, et le peigne, au lieu de barbe, ne rencontre que de maigres moustaches. Des vêtements collants serrent les membres de ces guerriers à la haute stature et laissent à nu le jarret. Un large ceinturon presse leur ventre étroit. C'est pour eux un jeu de lancer au loin leurs francisques, sûrs qu'ils sont d'avance du coup qu'ils porteront, de faire tourner leurs boucliers, et d'un bond de sauter sur l'ennemi, devançant le javelot qu'ils ont lancé. Dès l'enfance la guerre est leur passion. S'ils sont écrasés sous le nombre, ou par suite d'une mauvaise situation, la mort les terrasse, non la crainte. Sur divers points de la Belgique, notamment dans les pays de Namur et de Charleroi, les fouilles archéologiques ont mis au jour les traces de l'occupation franque. Des cimetières de Samson, de Spontin, de Furfooz sont sortis en abondance des bijoux, des armes qui permettent de reconstituer la physionomie du guerrier franc. La saie ou tunique était attachée par des boutons ou des fibules ; un ceinturon de cuir, fermé par une large boucle enfer damasquiné d'argent ou en bronze gravé, la serrait à la taille. A ce ceinturon pendaient la longue épée à manche de bois ou d'os, ou le glaive court, le coutelas, scramasax, dans un fourreau de bois recouvert de cuir, un poignard, un peigne en os ou en bois, des ciseaux, une bourse contenant des pièces de monnaie, de menus objets, tels que des poinçons, des clefs. C'est là encore que s'attachait la hache à un seul tranchant ou francisque, l'arme par excellence des Francs, dont ils se servaient soit de près, soit de loin, en la lançant contre l'ennemi. L'angon était un javelot en fer, dont le manche en bois était pourvu d'une corde ; la pointe en était armée de crochets qui rendaient les blessures fort dangereuses. La lance, framée, présentait, au bout de la tige de bois, un fer plat, solidement emmanché, quelquefois décoré de dessins en creux. Ils se servaient aussi de l'arc : l'arme, qui était en bois, a disparu, mais on retrouve les fers des flèches. Point d'autre arme défensive que le bouclier en bois ou en osier tressé et couvert de peau, tantôt ovale, tantôt rond, et mesurant de 50 à 70 centimètres. A l'intérieur, il était muni d'une poignée ; à l'extérieur, il présentait au centre une pièce en métal, l'umbo, que des tiges de fer rattachaient souvent à une bordure circulaire également en fer. Les tombes ne contiennent pas de casques, la tête devait donc être libre. Des anneaux de bronze, ornés soit de lettres et de dessins en creux, soit de chatons, sont passés aux doigts. Dans les tombes de femmes se trouvent des colliers de perles, d'or, d'ambre, de verre, des boucles d'oreilles, des bracelets. Çà et là, dans ce mobilier funéraire, un mélange de goût barbare et de goût romain rappelle que ces guerriers, sur les bords du Rhin, ont déjà subi l'influence de la civilisation romaine[8]. D'ailleurs les Francs n'ont pas tous émigré sur la rive gauche du Rhin ; ils habitent encore nombreux au delà du fleuve. Sur les côtes les Saxons exercent librement leurs ravages. C'est un jeu pour ces pirates, écrit Sidoine, de sillonner la mer de Bretagne sur des cuirs cousus... S'agit-il de pillage, tous savent commander, obéir, enseigner, recevoir des leçons... De tous les ennemis le Saxon est le plus cruel. Il attaque à l'improviste et déjoue les surprises ; il méprise ceux qu'on lui oppose et écrase les imprudents sans défense... Les Saxons se jouent de la tempête. Avant de remettre à la voile, ils ont pour habitude de tuer le dixième de leurs prisonniers. Le littoral de la Gaule, qu'ils dévastent depuis
l'embouchure du Rhin jusqu'à celle de la Loire, prend le nom significatif de Litus Saxonicum. Sur certains points, à Bayeux,
dans les fies à l'embouchure de la Loire, ils ont des établissements. De là ils
poussent même plus au Sud. Dans la biographie de Vivien, évêque de Saintes,
qui vécut alors, il est parlé d'une incursion de Saxons venus avec de nombreux navires. D'après la légende,
Saintes aurait été sauvée par les prières de Vivien, et une vision aurait
effrayé les Barbares. III. — AETIUS ET ATTILA. AINSI, de toutes parts, la Gaule s'emplissait de Barbares. Ceux même que Rome reconnaissait comme fédérés étaient toujours prêts à s'étendre en dehors des territoires qui leur étaient assignés : leur obéissance et leur fidélité dépendaient de l'énergie et de l'habileté des généraux romains chargés de les rappeler au respect des traités. Pendant vingt-cinq ans environ, Aétius joua ce rôle en Gaule, tandis que Placidia gouvernait l'empire au nom de son jeune fils Valentinien III. Dans le Sud-Ouest, le roi goth Théodoric était un allié fort incertain : il mariait une de ses filles à Rechiar, roi des Suèves, une autre à Huneric, roi des Vandales d'Afrique. Il cherchait à s'étendre dans la vallée du Rhône. Aétius le combattit à diverses reprises. Au Nord-Est, les Burgondes, qui méconnaissaient les conventions passées avec Rome, furent châtiés. Peu de temps après, des Huns, qui avaient poussé jusqu'au Rhin, leur infligèrent une sanglante défaite dont le poème des Niebelungen a conservé le souvenir[9]. Aétius, jugeant que les Burgondes avaient cessé d'être dangereux, en établit vers 443 les débris dans la Sabaudia (Savoie), qui s'étendait autour de Genève. Dans le Nord-Ouest, à la même époque, l'Armorique avait chassé les fonctionnaires romains. Aétius la livra au roi alain Eocharich et à ses bandes. Ce malheureux pays fut ravagé pendant dix ans. Les constructions romaines qu'on y a découvertes portent des traces d'incendies dont beaucoup datent sans doute de cette époque. Au Nord, Aétius refoula les Francs qui, sous la conduite de Chlodio, s'étaient emparés de Tournai, de Cambrai et poussaient jusqu'à la Somme. Il les surprit à Helena (Hesdin le Vieux), sur les bords de la Canche. Sur une colline voisine de la rivière, écrit Sidoine Apollinaire, les Barbares célébraient un hyménée par des chants et des danses, à la manière des Scythes : une blonde épousée se mariait à un époux blond comme elle. Ils furent écrasés... Sur les chariots on voyait briller les apprêts de la fête, les plats, les mets, les chaudrons débordants, couronnés de guirlandes qu'y entassaient les Barbares ; avec les chars, l'épousée elle-même tomba au pouvoir du vainqueur. On ignore la date précise de ce combat (entre 431 et 451), et même si le roi Chlodio y assista. Les Francs demandèrent la paix, mais ils restèrent maîtres tout au moins de la plus grande partie du pays conquis. Aétius, par son activité et par sa vaillance, avait su inspirer aux Barbares le respect de son autorité. Aussi, au milieu du Ve siècle, quand les hordes huniques fondirent sur la Gaule, Germains et Gallo-Romains, également menacés, se groupèrent autour de lui[10]. Attila avait réuni sous son pouvoir les tribus des Huns. Établi entre le Danube et la Theiss, il faisait trembler l'empire d'Orient. Un Grec, Priscus, qui fit partie d'une ambassade envoyée vers lui, a décrit le caractère étrange de cette cour barbare, la simplicité rude, le caractère violent d'Attila. L'attitude énergique d'un nouvel empereur, Marcien, décide Attila à se tourner vers l'Occident. La Gaule, où Aétius lutte contre des peuples divisés entre eux, lui apparaît comme une proie riche et facile. Il demande à Valentinien III, l'empereur d'Occident, la main de sa sœur Honoria, et déclare qu'il est, lui aussi, l'allié et l'ami de Rome et qu'il n'entre en Gaule que pour combattre les Wisigoths. A la tête d'une immense cohue de peuples tartares et germaniques, il franchit le Rhin, en 45i, entre Worms et Bingen, et se dirige sur Metz. Il y arrive le 6 avril, massacre les habitants, incendie la ville ; on racontait au VIe siècle que seul l'oratoire de Saint-Étienne avait échappé à la ruine. Paris est menacé. Les habitants voulaient s'enfuir : une jeune fille consacrée au Christ, Geneviève, essaya de leur rendre courage, leur prédit que la ville ne serait point attaquée. L'événement lui donna raison. Attila marche sur Orléans dont l'évêque Aignan est allé implorer Aétius. Celui-ci arrive d'Italie et, à son appel, accourent les Francs, la plus grande partie des Burgondes, les Armoricains, même les Wisigoths. Ainsi les Barbares établis sur le sol de la Gaule unissaient leurs efforts pour le défendre contre de nouveaux conquérants. Attila assiégeait Orléans, peut-être même y avait-il pénétré déjà, quand les alliés l'attaquèrent. Près de la ville s'engagea un premier et furieux combat. Le 14 juin le siège était levé, Attila se retirait. Une seconde bataille eut, lieu à Mauriac, aux environs de Troyes, (probablement Moirey, village qui est aujourd'hui détruit). Elle dura trois jours. On raconta plus tard que le ruisseau qui traversait la plaine, enflé par le sang, s'était transformé en torrent. Attila vaincu se serait retranché dans son camp, derrière ses chariots, prêt à y mettre le feu s'il était poursuivi[11]. On le laissa partir, il saccagea Trèves sur son passage, puis, l'année suivante, se jeta sur l'Italie. La Gaule était sauvée, mais le danger qu'elle avait couru frappa vivement les imaginations ; des fictions pieuses grandirent autour de ces souvenirs : à côté d'Aétius, libérateur de la Gaule, les évêques, Auctor de Metz, Aignan d'Orléans, Loup de Troyes, à Paris Geneviève, apparurent comme les protecteurs de leurs cités. Même des villes où Attila n'était point passé voulurent avoir leur légende. Peu d'années après, en 454, mourait Aétius. Avec lui, dit un chroniqueur, le comte Marcellin, tomba l'empire d'Occident, et depuis on n'a pu le relever. IV. — LES GALLO-ROMAINS ET LES BARBARES. 'EST à cette date qu'on peut se placer pour examiner quelle était, depuis un demi-siècle, la situation réelle de la Gaule, comment vivaient côte à côte les anciens habitants et les Barbares. On a soutenu quelquefois que l'arrivée de ces nouveaux
occupants n'avait pas été violente, que les pillages et les excès n'avaient
été que des faits isolés. C'est écarter le témoignage des contemporains qui
nous dépeignent le temps où ils vivent comme une époque de terribles épreuves
et de ruines. Ainsi le rhéteur Claudius Marius Victor, dans une lettre écrite
en 415 à Salomon, abbé de Saint-Victor de Marseille, montre le Barbare qui se
jette sur les richesses, sur les colons ; il déplore « les ravages du Sarmate
(peut-être le Goth), les incendies du Vandale, les pillages de l'Alain rapide
». Orientius, évêque d'Auch, qui écrit entre 430 et 440, dans les pays occupés
par les Wisigoths, déclare que ni les bois, ni les âpres montagnes, ni les
fleuves, ni les châteaux, ni les villes protégées par les enceintes, ni les
déserts n'ont pu mettre les populations à l'abri des Barbares. A travers les bourgs, les campagnes, les villes, partout
en un mot, sévissent la mort, la douleur, la destruction, les massacres, les
incendies, les deuils : toute la Gaule a brûlé sur un même bûcher. — Où sont maintenant, dit un autre chrétien
gallo-romain, les richesses des puissants ? Celui
dont cent charrues fendaient les terres peine pour avoir des bœufs ; celui
qui traversait les villes sur des chars superbes, exténué, parcourt d'un pied
fatigué la campagne déserte ; celui qui possédait dix grands vaisseaux
voguant sur la mer conduit maintenant lui-même une petite barque. Campagnes,
villes, tout a changé d'aspect, tout est entraîné d'une chute précipitée à la
ruine. L'auteur du poème Sur la Providence de Dieu est plus
précis encore. Lorsqu'il écrit, la Gaule est, depuis dix ans, sous le glaive vandalique et gothique. Tout a été
dévasté. Les Barbares ont égorgé pêle-mêle la plèbe et la noblesse, les
vieillards, les enfants, les jeunes filles. Il montre les Goths qui occupent
les villas, enlèvent l'argent, les meubles, partagent les bracelets entre
leurs femmes ; ils boivent le vin, emmènent les troupeaux, incendient les
maisons. Les églises ont été détruites par le feu, les vases sacrés ont été
profanés. Les évêques ont souffert les mêmes épreuves que les fidèles, ils
ont été fustigés, brûlés, enchaînés. Il se dépeint lui-même, couvert de poussière, chargé d'un fardeau, cheminant avec
peine, au milieu des chars et des armes des Goths, auprès de son évêque
chassé de sa ville incendiée. Il a conscience de la gravité de
l'invasion et de la ruine de la patrie : Lorsque
l'image de la patrie fumante s'offre à nous, que nous nous rappelons tout ce
qui a péri, la douleur nous brise, et nos visages se mouillent de larmes que
nous ne pouvons arrêter. L'historien n'a point le droit de récuser ces
plaintes poignantes, si souvent répétées, et que confirment les faits[12]. Lorsque les nouveaux venus se fixèrent dans le pays, leurs rapports avec les anciens habitants prirent un autre caractère. Il fallut leur faire sur le sol une place régulière et procéder à des partages. A diverses reprises les chroniqueurs parlent des contrées qui furent assignées en Gaule à des peuples barbares pour les partager avec les habitants. Des documents précis indiquent les règles qui furent adoptées pour les Wisigoths et les Burgondes ; ils ne datent que de la seconde moitié du Ve siècle, mais la situation qu'ils font connaître est certainement antérieure[13]. Sous l'empire, quand des troupes étaient établies d'une façon permanente dans un endroit, on les logeait chez l'habitant : c'était ce qu'on appelait l'hospitalité. Le propriétaire fournissait à l'hôte des vivres et lui abandonnait un tiers de sa maison. Cette institution, dont avaient bénéficié déjà bien des Barbares au service de Rome, servit de modèle aux nouveaux partages, mais elle s'appliqua au sol même. Les Burgondes reçurent d'abord le tiers des esclaves et les deux tiers des terres ; plus tard ces conditions furent adoucies. On partageait les forêts aussi bien que les champs cultivés. A cette répartition on appliquait encore le terme ancien d'hospitalité ; la terre que recevait chaque nouvel occupant s'appelait sors, ce qui voulait dire non point une terre tirée au sort, mais un lot de terre. Les Wisigoths eurent aussi les deux tiers des terres des Gallo-romains qui furent soumises au partage. C'est à tort qu'on a voulu représenter ces Barbares comme des fermiers au service des anciens propriétaires : ils disposaient de leurs terres, les transmettaient par héritage, et même, dans certains cas, pouvaient les aliéner. La loi burgonde désigne sous le nom de consortes les anciens et les nouveaux habitants, ce qui indique tout au moins un mode de copropriété, sinon la propriété absolue. Cette dépossession partielle revêtit donc des formes légales et juridiques, et dans ce sens on a pu dire qu'il n'y avait là ni invasion, ni conquête, mais un mal qui ressemblait fort à celui que l'invasion et la conquête produisent ordinairement. Ces partages s'accompagnèrent parfois de violences. Les chroniqueurs mentionnent, sans donner de détails, que lorsqu'Aétius assigna aux Alains des territoires qu'ils devaient partager avec les Gallo-Romains, ceux-ci résistèrent ; les Alains chassèrent les propriétaires et s'emparèrent du sol. Mais, en général, les anciennes populations se soumirent au partage. D'ailleurs la dépossession ne dut point frapper tous les propriétaires. Comparés aux anciens habitants, les Wisigoths et les Burgondes étaient peu nombreux : on assigna d'abord à un certain nombre d'entre eux une partie des terres du domaine public, les terres vacantes ; les autres furent installés aux dépens des grands propriétaires. Ce furent donc surtout ceux-ci qui souffrirent, mais le tiers qu'ils conservaient était souvent assez vaste pour leur assurer l'aisance. D'ailleurs, à mesure que l'occupation se consolidait, les rois barbares étaient eux-mêmes intéressés à prévenir les excès et à ne point exaspérer les populations au milieu desquelles ils vivaient. Paulin de Pella qui, on l'a vu plus haut, avait été chassé de Bordeaux lors de l'arrivée des Wisigoths, après bien des aventures, vivait à Marseille, vers le milieu du VIe siècle, des débris de sa fortune. Un Goth eut envie d'un de ses domaines auprès de Bordeaux : il ne s'en empara point, il voulut l'acheter, et il envoya à Paulin une somme dont celui-ci se contenta, bien qu'elle fût inférieure à la valeur du domaine. Ainsi, à cette date, les Goths en Aquitaine respectaient les biens de ceux même qui avaient quitté le pays et dont, au moment de l'invasion, ils avaient pillé les maisons. Au Ve comme au IVe siècle, les membres de l'aristocratie gallo-romaine vivent encore loin des cités, à la campagne, dans de riches villas et ils y jouissent d'une tranquillité relative. Il arriva même que les relations de voisinage qui s'établirent contribuèrent à l'apaisement. On apprenait à se connaître, à s'entraider. L'humeur brutale du Barbare s'adoucissait ; ces natures frustes, lorsqu'elles n'étaient plus emportées par l'ardeur du combat ou du pillage, n'étaient point toujours méchantes. Les Burgondes en particulier étaient d'assez braves gens, travailleurs, d'humeur pacifique. Sidoine Apollinaire les a subis comme hôtes ; ils blessent ses goûts, son amour-propre de Gallo-Romain, il se moque donc de ces géants de sept pieds, aux cheveux graissés de beurre rance, qui sentent l'ail et l'oignon, mais il se borne à se plaindre que leur présence fasse fuir la muse. Il faut ajouter, il est vrai, qu'il n'osait point trop parler. Dans une lettre à un de ses amis il raconte une fête qui eut lieu à Lyon, au tombeau de saint Just : on s'y livra à de longs entretiens, mais on ne causa ni des pouvoirs, dit-il, ni des impôts, il n'y eut là ni propos à dénoncer, ni traître pour le faire. Dans le Sud-Ouest, les Wisigoths n'effrayaient plus autant les populations. La paix gothique avait ses partisans ; des Romains de noble naissance étaient entrés à la cour des rois goths et jouissaient de leur faveur. Les Barbares, écrivait Orose, peu d'années déjà après l'arrivée des Goths, exécrant leurs glaives, se tournent vers la charrue, ils traitent en alliés, en amis les Romains qui restent dans les pays occupés par eux ; aussi trouve-t-on des Romains qui préfèrent vivre au milieu des Barbares, pauvres mais libres, qu'écrasés d'impôts sous la protection des fonctionnaires romains. Paulin de Pella voyait ses fils l'abandonner et retourner à Bordeaux, parce qu'ils espéraient, dit-il, plus de liberté, même dans un pays dont on partageait le sol avec les Barbares. Dans le Nord, l'établissement des Francs eut d'abord un caractère violent. Les envahisseurs refoulèrent les anciens habitants sur les bords de la Meuse, où ceux-ci, à l'abri de la forêt Charbonnière, formèrent cette population wallonne qui, par son caractère aussi bien que par sa langue, diffère de la population flamande. Au contraire, établis en masse dans la Belgique occidentale, les Francs restaient rebelles à toute influence chrétienne. Dans la région rhénane, d'autres peuples francs déterminèrent de même l'exode de la population gallo-romaine vers les Ardennes et les Vosges. Le pays s'assauvagit, les évêchés disparurent pour la plupart ; au VIe siècle, il fallut de nouvelles missions pour restaurer le christianisme dans ces régions. Toutes ces révolutions fortifièrent encore l'influence de l'Église sur les anciens habitants. Au milieu de ces événements où sombrait tout ce qui avait paru jusqu'alors glorieux et désirable, les esprits troublés éprouvaient un impérieux besoin de se rattacher à quelque principe qui fût supérieur aux coups incessants du sort. L'Église profita de cette crise morale, elle sut convaincre les hommes que Dieu les frappait pour assurer leur salut, et ils s'habituèrent à se consoler en comparant leurs souffrances à celles du Christ. Ces sentiments, alors fort répandus, sont exprimés avec beaucoup d'accent dans un poème qu'un chrétien de ce temps adresse à sa femme pour l'engager à se consacrer avec lui à la vie religieuse. Nulle plainte contre les malheurs qui accablent la société : hôte passager de la vie, il célèbre ceux qui ont su ne pas s'en rendre esclaves, et qui se sont soustraits à la sagesse trompeuse du monde. Fortifié par les désastres contre les atteintes du sort, il ne craint pas l'exil, le monde étant pour tous une même demeure ; son seul espoir est en Dieu, qui l'a fait citoyen d'une autre patrie. Un autre défend la Providence contre les objections qu'on pourrait tirer des désastres du temps. A celui qui pleure sur ses champs devenus incultes, sur ses fermes abandonnées, sur les débris de sa demeure incendiée, il répond qu'il devrait pleurer bien plus encore sur l'état de son âme, tandis que le serviteur du Christ n'a rien perdu de ces biens parce qu'il les a méprisés. Paulin de Pella, à demi ruiné, remercie Dieu qui, en le privant de ses biens terrestres, lui a appris à ne rechercher que les biens éternels et l'a déterminé à mener une vie semblable à celle des moines. Ce ne sont point là de simples lieux communs : ces croyances soutinrent alors bien des âmes, mais elles eurent pour conséquence de les rendre trop indifférentes à leurs malheurs mêmes. On s'étonne souvent que des populations denses, qui ne manquaient ni d'armes ni de ressources, se soient soumises si facilement aux bandes, d'ordinaire peu nombreuses, qui occupaient le pays en vertu d'une convention fort fictive avec l'empereur, et que les résistances aient été si rares. Au lieu d'accuser les Gallo-Romains de lâcheté, alors que certains faits montrent qu'ils étaient capables de courage, il faut chercher en partie la raison de leur conduite dans les enseignements de l'Église : pour beaucoup la résignation fut un acte de foi fervente. Or la résignation religieuse eut pour conséquence la résignation politique. Au siècle précédent, les écrivains chrétiens sont presque tous des patriotes ; au Ve siècle, ils cessent d'associer les destinées du christianisme à celles de l'empire. Ces sentiments sont visibles déjà chez l'historien Orose, qui, vers 417, écrivait ses Histoires. Il soutient que l'établissement des Barbares est un bonheur : ils auraient pu traiter les provinces en pays conquis, ils se contentent d'y demander des résidences et s'offrent à les défendre. S'il trouve parfois de beaux accents pour parler des bienfaits de la civilisation romaine, quand il regarde vers l'avenir, il entrevoit un monde nouveau dont le christianisme sera le principe et qui ne dépendra plus du roc immobile du Capitole. Chez Salvien, qui, né à Trèves, prêtre à Marseille, écrit plus tard, au milieu du siècle (entre 439 et 451), tout patriotisme romain a disparu. Rude et fougueux, il se prête mal aux fictions mensongères dont ses contemporains cherchent encore à masquer la réalité. L'empire est mort ou il agonise ; les Barbares ont été envoyés par Dieu, ils sont les instruments de sa vengeance contre une société corrompue et dégradée. Ce réquisitoire souvent injuste le conduit à un parallèle célèbre entre les Romains et les Barbares, dont il excuse les vices sans les cacher ; il conclut en ces termes : Les Romains souhaitent de n'être plus jamais contraints à redevenir sujets de Rome, ils prient le ciel de les laisser vivre comme ils vivent avec les Barbares. Toutefois il ne faut accepter qu'avec réserve les anathèmes de ce témoin partial et emporté. Dans les rangs de l'aristocratie on trouvait encore des hommes qui, tout en subissant les Barbares, conservaient pour Rome et ses institutions un attachement pieux. Tu évites les Barbares parce qu'ils passent pour méchants, écrivait Sidoine Apollinaire à un de ses amis ; je les fuirais, fussent-ils bons. De fait, il ne pouvait les fuir, mais il ne se réjouissait point de leur présence. Quant à la foule, elle n'avait point conscience de la révolution qui s'accomplissait sous ses yeux. Aétius était mort. Le meurtre de Valentinien III avait mis fin à la dynastie théodosienne, les Vandales avaient pris Rome. Plus que jamais les Gallo-Romains étaient réduits à eux-mêmes. En juillet 455, à Beaucaire, une grande assemblée des nobles gallo-romains choisit pour empereur l'Arverne Avitus, ancien préfet des Gaules. Sidoine Apollinaire, qui fut gendre d'Avitus, a traduit leurs sentiments. Nous avons, disaient-ils, considéré comme un devoir sacré de nous associer aux malheurs d'un pouvoir vieilli, nous avons supporté l'ombre de l'empire : l'occasion s'offre à la Gaule de montrer ce qu'elle vaut. C'était donc la Gaule qui voulait se charger de son propre salut, mais elle le cherchait en s'entendant avec les Barbares. Avitus était l'ami des Wisigoths, et, d'autre part, grâce à son origine, il était populaire auprès des anciennes populations. Il échoua cependant, et mourut en 456. Un général romain, Egidius, essaya encore, pendant quelques années, de lutter contre l'expansion barbare, il battit même les Wisigoths près d'Orléans, mais il disparut à son tour en 464, peut-être assassiné ou empoisonné[14]. V. — EURIC ET GONDEBAUD. C'EST alors, dans la seconde moitié du Ve siècle, que la domination gothique et la domination burgonde se consolident. Deux rois, Euric et Gondebaud, actifs et intelligents, organisent de véritables États, légifèrent, administrent. Parmi les rois barbares de ce temps nul n'égale Euric ; il fut le Clovis des Wisigoths, et peut-être leur eût-il assuré l'empire de la Gaule s'il avait su gagner l'Église à sa cause. Quand il devint roi, en 466, il était jeune encore, vaillant, actif, terrible par sa puissance ; sa domination, dit un contemporain, était de fer. Jusqu'à lui les Wisigoths avaient accepté la fiction qui faisait d'eux des fédérés au service de Rome ; Euric l'écarta, il rompit toute alliance avec Rome, il voulut conquérir la Gaule méridionale et en être le maitre indépendant : les écrivains de ce temps ont eux-mêmes, en termes précis, défini sa politique. Pour atteindre ce but, tous les moyens lui sont bons, la trahison comme la force. Arvandus était alors préfet des Gaules : il trahit l'empire, il négocie avec Euric, lui conseille de s'entendre avec les Burgondes pour partager la Gaule. En Auvergne, un autre fonctionnaire, Seronat, agit de même, en même temps qu'il exaspère le pays par ses exactions. Ces intrigues échouèrent. Bien des membres de l'aristocratie gallo-romaine, on l'a vu, ne se résignaient pas encore à être livrés aux Goths sans réserve et sans retour. Arvandus fut arrêté, traduit à Rome devant le Sénat ; une députation de nobles gallo-romains soutint l'accusation. Il fut condamné à mort, mais on se contenta de le bannir (469). Bientôt après, Seronat fut jugé et exécuté. Cependant Euric commence ses conquêtes. Au Nord, il bat auprès de Déols les Bretons commandés par Riothime, il leur enlève Bourges (entre 468 et 470). Il conquiert le Berri, le Limousin, le Velay. Enfin il s'attaque à l'Auvergne. De ce côté la tâche fut rude. Abandonnées de Rome, isolées, mais retranchées dans leurs montagnes, ces robustes et vaillantes populations s'acharnèrent à défendre leur indépendance. Deux hommes dirigent la résistance, Ecdicius, maitre de la milice, fils de l'empereur Avitus, et le nouvel évêque de Clermont, Sidoine Apollinaire. Sidoine appartenait à une des plus nobles familles de la Gaule. Riche, célèbre par son talent littéraire, il était néanmoins de ceux qui trouvaient que l'aristocratie ne devait point vivre dans ses domaines insoucieuse des affaires publiques, et il prêchait d'exemple : il avait été préfet de Rome en 468. Redevenu simple particulier il fut choisi par le peuple de Clermont pour évêque. Ce n'était ni un dévot, ni un théologien : à lire la plupart de ses œuvres on le croirait païen, mais il avait du crédit et de l'activité, une âme généreuse et bienveillante, on le savait dévoué à son pays. Dans ce temps de détresse, l'évêque devait être un administrateur, un négociateur, au besoin un général, autant qu'un prêtre. L'Auvergne lutta donc de 471 à 474. Ecdicius fit des prodiges de valeur, on le vit un jour avec dix-huit cavaliers traverser des milliers de Goths pour rentrer victorieusement dans Clermont. Mais ce fut en vain. Au lieu de secourir l'héroïque province, un des derniers fantômes d'empereurs, Julius Nepos, en fit l'objet d'un honteux marché : comme Euric étendait ses ravages dans toute la vallée du Rhône, pour obtenir la paix on lui livra l'Auvergne (475). Sidoine protesta : Notre servitude est devenue le prix de la sécurité d'autrui... Est-ce là ce que nous ont valu la faim, la flamme, le fer, la peste, les glaives engraissés du sang des ennemis, nos combattants amaigris par le jeûne ? Il fallut céder. Ecdicius s'enfuit chez les Burgondes ; l'évêque resta à son poste. On l'envoya en captivité à Livie, près de Carcassonne. Il y passa deux ans, puis demanda grâce ; pour l'obtenir, il célébra Euric dans ses vers. Patriote sincère, vaillant à l'occasion, sans doute le découragement l'avait gagné et il se résignait à la force des choses. Euric ne rencontra plus de résistance sérieuse. A la fin de son règne, qui se termina en 485, il était devenu maître d'Arles, de Marseille et de la Provence ; sa domination s'étendait, au Nord, jusqu'à la Loire. Tous les rois barbares le reconnaissaient en quelque sorte comme leur chef ; leurs envoyés se rencontraient à sa cour : Sidoine y vit le Saxon aux yeux bleus, le Sicambre, l'Hérule aux joues verdâtres qui habite les golfes reculés de l'Océan, le Burgonde haut de sept pieds, l'Ostrogoth, le Romain lui-même qui vient demander à la Garonne de protéger le Tibre affaibli. Le premier, dit un chroniqueur, Euric donna des lois écrites aux Wisigoths, qui auparavant n'étaient régis que par des usages et des coutumes. Les lois des Wisigoths, telles qu'elles nous sont parvenues, sont de rédaction plus récente, mais certaines de leurs dispositions doivent remonter à Euric. Dès l'origine, ces lois barbares sont écrites en latin, probablement par des Gallo-Romains. Ceux-ci d'ailleurs gardent les leurs : le successeur d'Euric, Alaric II, fera rédiger à leur usage, et pour faciliter la tâche des magistrats, un recueil abrégé des lois romaines, la Lex romana Wisigothorum ou Bréviaire d'Alaric[15]. La royauté gothique a grandi, elle n'est plus élective, elle ne se divise plus entre plusieurs chefs. Le roi a encore des conseillers, mais il ne partage plus son autorité avec eux, il est un maître. Quelques textes mentionnent encore par exception des assemblées, mais elles n'ont rien de régulier : telle est celle dont parle Sidoine, où siègent des vieillards chargés d'ans, mais actifs, à l'aspect barbare, aux vêtements incultes. Sur le sol de l'Aquitaine les institutions germaniques s'affaiblissaient et faisaient place à une organisation toute romaine. A la tête des anciennes provinces le roi met des ducs ; au-dessous, dans les circonscriptions qui conservent le nom de cités, les comtes ont à la fois l'administration civile et militaire. Dans les villes, les institutions municipales ne se sont point fortifiées, comme on l'a cru quelquefois, mais elles subsistent. Gallo-Romains et Goths vivent à peu près en paix, mais les deux peuples ne se mêlent pas. Dans le Bréviaire d'Alaric on retrouve la loi, qui, en 365, avait interdit le mariage entre Romains et Barbares. La religion surtout les empêcha de s'unir ; entre les deux races elle élève une barrière. Cependant, jusqu'à Euric, les rois goths laissaient aux anciens habitants la liberté de leur culte. Avec lui la situation changea. Arien ardent, il voulut, dit Sidoine, le succès de ses croyances comme celui de son peuple. Il laissa des évêchés vacants, entrava le recrutement du clergé. Dans les diocèses, dans les paroisses, tout est à l'abandon. Les toits des églises pourrissent et s'effondrent, les portes en sont arrachées, l'entrée en est obstruée de ronces. Ô douleur ! les troupeaux y pénètrent et broutent l'herbe qui croit au flanc des autels. Dans les villes même les assemblées de fidèles deviennent plus rares. On a dit que la haine avait dicté ces plaintes, mais, si même Sidoine exagère, on ne saurait écarter entièrement son témoignage. Euric, de son côté, sentait que la religion avait sa part dans les résistances qu'il rencontrait. Rien ne prouve qu'il ait poussé plus loin et procédé à des exécutions. Après la conquête de l'Auvergne, la persécution semble avoir cessé : le nouveau gouverneur de ce pays, Victorius, s'occupa de construire et d'embellir des églises à Clermont. Ces efforts furent vains, et le clergé catholique ne pardonna point aux Goths. Dès le Moyen Age on a dit de certains édifices qu'ils étaient d'art gothique, qu'ils avaient été construits par une main gothique. Cette expression a été reprise au XVIIe siècle, pour opposer l'art du Moyen Age à l'art classique, et elle s'est maintenue jusqu'à nos jours pour désigner au moins une période de cet art. Faut-il admettre qu'elle soit, dans une certaine mesure, justifiée ? On l'a soutenu récemment. Entre l'Orient et l'Occident les Goths auraient servi d'intermédiaires, ils auraient apporté en Gaule les éléments de l'art chrétien byzantin, tel qu'il se constituait alors en Orient ; mais à cet art qu'ils empruntaient ils auraient donné une marque personnelle. L'ornementation des sarcophages sculptés du Sud-Ouest, des bijoux trouvés dans les tombes de ces régions porterait la trace de cette influence qui se serait propagée ensuite au Nord, parmi les Francs ; on la retrouverait même dans l'architecture, et ainsi se serait constitué en Gaule, bien avant l'art roman, un art pré-roman, de physionomie à la fois byzantine et gothique. Cette théorie ne repose que sur des hypothèses[16] ; aucun fait précis ne la confirme. Si plus tard on s'est servi du mot de gothique pour désigner un art, c'est qu'il était devenu synonyme de barbare. Sans doute, il y a eu, au Ve siècle et dans les siècles suivants, un art barbare, dont il sera question dans un autre chapitre ; il s'est manifesté surtout par certaines industries de luxe, comme l'orfèvrerie ; les Goths ont contribué à sa formation, là s'est borné leur rôle. Les Burgondes occupaient depuis 443 la Sabaudia. Ils étaient commandés par le roi Gundeuch lorsque se passa, en 437, un événement dont l'histoire est obscure. Les Gallo-Romains de la Lyonnaise, de la Gaule chevelue et de la Cisalpine, dit un chroniqueur, afin de pouvoir se soustraire aux impôts publics, invitèrent les Burgondes à s'établir chez eux ; ceux-ci s'installèrent avec leurs femmes et leurs enfants[17]. Et un autre ajoute qu'ils partagèrent les terres avec les sénateurs de la Gaule. A cette date, l'empereur Avitus, l'élu de l'aristocratie gallo-romaine, venait de succomber. L'empire était vacant. Un parti se forma, dont le centre fut à Lyon, qui voulait élever au pouvoir un certain Marcellinus ; Sidoine Apollinaire y entra. A ce parti il fallait des alliés, des soldats : il les chercha du côté des Burgondes. Dans une région des vallées de la Saône et du Rhône, les grands propriétaires se résignèrent à obtenir leur concours par des cessions de terres. Ils se flattaient de l'espoir qu'ils compenseraient la perte partielle de leurs domaines en réformant l'administration, en diminuant les impôts qui écrasaient la Gaule et que les abus des fonctionnaires aggravaient. D'ailleurs, établis parmi eux, les Burgondes les défendraient contre d'autres Barbares. Pour les sénateurs, il ne s'agissait donc point de se détacher de l'empire, mais d'assurer des fédérés à un empereur de leur choix. Cependant un nouvel empereur élu en Italie, Majorien, franchit les Alpes, entra à Lyon. Les Burgondes évacuèrent la ville, mais ils restèrent dans la région voisine : Majorien tenait à les avoir à son service. Après sa mort, Lyon retomba en leur pouvoir. Ils montrèrent une modération dont un évêque de ce temps fait l'éloge ; il voit dans la conduite de ces barbares romanisés une preuve de l'indulgence divine : auprès de leurs vainqueurs, les vaincus vivent en paix, leur liberté n'est point atteinte. Progressivement les Burgondes s'étendent vers le Sud, mais ils se considèrent toujours comme des fédérés au service de Rome. Lorsque le pape écrit à leur roi, il l'appelle notre fils, l'illustre maitre de la milice, le traitant en fonctionnaire romain. Quand Euric attaque l'Auvergne, les Burgondes envoient des troupes pour la défendre. Sidoine Apollinaire les appelle les patrons de l'Auvergne ; il ajoute, il est vrai, que ce sont des patrons inquiétants. Au témoignage des écrivains les découvertes archéologiques ont ajouté quelques renseignements. Ceux qui ont fouillé des sépultures burgondes ont été frappés de la grandeur des ossements : ainsi se trouve confirmé ce que disait Sidoine Apollinaire de ces géants de sept pieds. L'emplacement même de ces nécropoles montre que les groupes barbares s'établissaient surtout le long des vallées et sur les plateaux, aux endroits où se développait la vie gallo-romaine, à proximité des voies antiques[18]. La puissance burgonde atteignit à son plus haut degré, dans le dernier tiers du va siècle, sous le roi Gondebaud[19]. Les frontières de l'État furent reculées : autant qu'on en peut juger, le royaume burgonde était limité, du côté des Francs, par le plateau de Langres ; du côté des Alamans, par la trouée de Belfort et l'Aar, le Jura septentrional ; du côté des Ostrogoths par les Alpes ; à l'Ouest par une partie du cours inférieur du Rhône, le cours supérieur de la Loire, les monts du Morvan et la Côte d'Or ; au Sud, la Durance le séparait de la Provence gothique, mais, à diverses reprises, les Burgondes la franchirent. Gondebaud était intelligent, habile, de caractère conciliant. Le plus illustre des évêques de la Gaule méridionale à cette époque, Avitus de Vienne, vante son esprit philosophique, sa pénétration, son éloquence, sa connaissance des auteurs profanes. D'autres témoignages prouvent que ces éloges n'étaient point une simple flatterie. Le dessein de Gondebaud était de romaniser les Burgondes, d'habituer les Gallo-Romains à leur présence en la leur rendant moins lourde, de préparer la fusion des deux peuples. Les Burgondes étaient, en temps de paix, d'allures douces et débonnaires. Quant à l'aristocratie gallo-romaine, Gondebaud voulait la gagner en maintenant son influence et en l'associant au gouvernement. Cette politique de conciliation apparaît dans le recueil législatif que Gondebaud fit rédiger en latin et que, de son nom, on appelle ordinairement la loi Gombette. De nouvelles constitutions s'y ajoutèrent dans la suite. La loi Gombette n'est pas exclusivement destinée aux Burgondes : elle règle leurs rapports avec les Gallo-Romains. Entre les deux peuples Gondebaud ne veut point de différences blessantes : la peine de mort frappe celui qui aura tué un homme libre de notre peuple, quelle que soit son origine. S'agit-il de vol ou d'autres délits, les peines sont encore égales. Le roi se plaît à répéter les termes qui attestent cette situation. Que le Burgonde et le Romain soient soumis aux mêmes règles. Si un voyageur, qui a légalement droit d'être hébergé, frappe à la porte d'un Burgonde, et que celui-ci, pour se soustraire à cette obligation, lui indique la maison d'un Romain, le Romain a droit à une indemnité de la part du Burgonde. D'ailleurs l'influence du droit romain est plus sensible dans la loi Gombette que dans des lois barbares de date postérieure. La loi montre les Burgondes attachés au sol, cultivant les terres qui leur ont été attribuées et que leurs fils se partagent après leur mort. Les empiétements sur la propriété d'autrui, les vols sont sévèrement punis, parfois de mort. La population est divisée en classes : les optimates, qui comprennent les grands fonctionnaires et les grands propriétaires ; les hommes libres, gens aisés et petites gens (mediocres, minores) ; puis les affranchis, et enfin les colons et les esclaves. Ces divisions s'appliquent aux Gallo-Romains comme aux Burgondes. On ne trouve plus mention de l'ancien droit de vengeance germanique en cas de meurtre. Les attentats contre les personnes et les biens donnent lieu à des compositions, c'est-à-dire à des compensations pécuniaires, qui varient selon la condition de la personne lésée. Ici, et dans le combat judiciaire, dans les épreuves par l'eau, par le feu, ordalies, destinées à établir l'innocence ou la culpabilité, se retrouvent les coutumes germaniques. La famille est fortement constituée. Le mari achète la femme à ses parents : le prix de cet achat est le wittimon. A la femme, le mariage accompli, il doit le présent du matin, morgengabe. Le Burgonde qui séduit une jeune fille, quel que soit son rang, doit au père une forte composition : si elle n'est point payée, les parents ont tout droit sur lui. La femme qui abandonne son mari est étouffée dans la boue ; le mari qui abandonne sa femme doit lui payer une somme égale au wittimon, ou la laisser avec ses filles en possession de sa maison et de ses biens. Le divorce n'est admis que si le mari peut convaincre la femme d'adultère, de maléfice ou de violation de sépulture. Plus douce envers les filles que d'autres lois barbares, la loi Gombette les admet, à défaut de fils, à succéder au père. Dans l'organisation politique les traces de l'influence romaine sont sensibles. La royauté n'est plus élective. Celui qui en est investi, roi pour les Burgondes, est aux yeux des Gallo-Romains le délégué de l'empereur dont il reçoit le titre de maître de la milice ou de patrice. Comme les empereurs, qu'il prend pour modèles, il a une cour ; il y est entouré de fonctionnaires, domestici, de conseillers, de comtes. Dans les anciennes circonscriptions romaines, ces comtes, Burgondes ou gallo-romains, gouvernent en son nom, à la fois administrateurs, chefs militaires, juges ; il les nomme, les révoque à sa guise ; de leurs sentences on peut appeler à lui. Quand il légifère, s'il consulte les grands, rien ne prouve qu'il soit obligé de le faire ni de suivre leurs avis ; l'assemblée des hommes libres, si puissante dans l'ancienne Germanie, ne paraît plus avoir aucun rôle actif. Possesseur de domaines étendus, des anciens biens du fisc dont il distribue des parts à ses sujets, le roi est riche, par suite il est fort. Il garantit l'ordre, la paix : parmi ces guerriers, quiconque tire l'épée, même s'il ne frappe point, encourt une amende. Gondebaud avait promis un recueil législatif destiné aux Gallo-Romains qui, dans leurs rapports entre eux, conservaient l'usage du droit romain ainsi que leurs institutions municipales. Ce fut la Loi romaine des Burgondes, dont les auteurs puisèrent dans les codes romains antérieurs, mais en s'efforçant d'établir une certaine concordance de matières avec la loi Gombette. Tout est donc calculé pour ménager les susceptibilités des Gallo-Romains et ne point accuser un changement de régime politique : les actes officiels sont rédigés en latin, ils sont datés, selon la tradition, par les noms des consuls ; sur les monnaies que frappe l'atelier de Lyon figure toujours l'effigie impériale. La politique religieuse de Gondebaud fut fort différente de celle d'Euric. Les Burgondes avaient-ils été d'abord catholiques, comme l'assure l'historien Orose ? En tout cas, ils avaient été gagnés pour la plupart à l'arianisme après leur établissement en Savoie. Mais ils ne persécutèrent point les catholiques. Aussi les soupçonnait-on de chercher à s'étendre, en dehors même de leurs territoires, par l'alliance des évêques. Saint Césaire, évêque d'Arles, fut accusé par les Wisigoths de chercher à détacher de leur domination Arles et le pays d'alentour pour les soumettre aux Burgondes. Chez eux, les évêques furent libres de se réunir en conciles ; ils trouvèrent toujours auprès du roi un accueil bienveillant. Avitus, évêque de Vienne, dont un contemporain disait qu'il était l'homme le plus illustre de la Gaule, était souvent écouté par lui. Avitus était de famille sénatoriale, il succédait comme évêque à son père Isicius ; un de ses frères, Apollinaire, était évêque de Valence. Il devint le chef moral de la Gaule méridionale. Or il put combattre activement l'arianisme, s'efforcer de convertir Gondebaud lui-même sans que son crédit eût à en souffrir ; en lui adressant un traité contre l'eutychianisme, il le félicite de faire figurer au premier rang de ses devoirs de roi la défense de la vérité catholique. Dans sa loi, Gondebaud recommande que les églises et les prêtres ne soient en rien méprisés. Il aime les discussions théologiques[20], il y est fort habile, mais avant tout il est conciliant, il veut que catholiques et ariens vivent côte à côte sans danger pour la paix publique. On a prétendu, il est vrai, que cette sage politique était postérieure à la guerre contre Clovis, que Gondebaud avait tenu auparavant une tout autre conduite, mais cette hypothèse ne s'appuie pas sur des faits probants. VI. — LES BRETONS EN ARMORIQUE[21]. DANS le nord-ouest de la Gaule commence, au Ve siècle, une immigration dont l'histoire est mal connue, mais dont les conséquences devaient être fort importantes. Aujourd'hui encore, de toutes les provinces de l'ancienne France, la Bretagne est celle où la population a le plus obstinément conservé sa physionomie, ses traditions, ses mœurs et sa langue : c'est dans ce passé lointain et obscur qu'il en faut rechercher la cause. Sous l'empire, la Bretagne avait été romanisée : nul témoignage ne la montre comme une sorte d'asile où la langue et les institutions celtiques se seraient maintenues avec plus d'énergie qu'ailleurs. Des voies romaines la sillonnaient, on y a retrouvé la trace de monuments, de riches villas ; plus tard le christianisme y avait pénétré, bien que les évêchés de Nantes, de Rennes et de Vannes soient les seuls dont on puisse affirmer avec certitude l'existence au Ve siècle. Toutefois cette région couverte de forêts était, sur bien des points, encore inculte et sauvage. Au IVe siècle, elle avait beaucoup souffert ; opprimée par les fonctionnaires romains, abandonnée sans défense aux ravages des pirates saxons, elle avait subi, au Ve siècle, les violences des Mains. Un écrivain grec, souvent bien informé, Procope, affirme que nul pays en Gaule n'était plus désert. Les Bretons de la Grande-Bretagne étaient dans une situation plus désespérée encore. Rome ayant retiré de l'île ses légions, ils avaient à lutter contre les attaques des Pictes et des Scots du côté de la terre, des Saxons du côté de la mer. Vers 446, ils firent vainement appel à Aetius. Ce fut alors qu'ils se décidèrent à traiter avec les Saxons et les Angles. Trahis bientôt par ces dangereux alliés, ils se résignèrent à l'esclavage, ou bien ils se réfugièrent dans les montagnes et les forêts, ou encore ils s'expatrièrent. Ils s'embarquaient, en poussant de grandes lamentations, dit Gildas, qui plus tard raconta leurs malheurs, et, tandis que le vent gonflait leurs voiles, ils chantaient avec le Psalmiste : Seigneur, vous nous avez livrés comme des agneaux à la boucherie et vous nous avez dispersés parmi les nations. Dès le milieu du Ve siècle, ces bandes d'émigrés abordent aux côtes de l'Armorique. Notre race, écrivait au IXe siècle Wrdisten, abbé de Landevenec, tire son origine de l'île de Bretagne. Elle est la fille, la progéniture chérie de la race insulaire ; elle fut jadis amenée dans des barques sur nos bords à travers l'océan Britannique, au temps même où le territoire de sa mère tomba au pouvoir de la race saxonne... Se voyant en sûreté dans cet asile, elle s'établit tranquillement, sans guerre, sur le rivage. Sur ce dernier point, il est difficile d'accepter le témoignage de l'abbé de Landevenec. Les immigrants n'étaient point d'humeur si douce ni si pacifique : quand ils furent en nombre, ils agirent en conquérants. Dès 461, siège au concile de Tours un évêque des Bretons, Mansuetus ; plus tard, vers 470, un chef breton, Riothime, est au service de Rome, il lutte contre les Wisigoths dans la région de la Loire. Dans la suite, très souvent les immigrants arrivent d'outre-mer sous la conduite, non de chefs guerriers, mais d'évêques, de prêtres, de moines, car ils viennent d'un pays fortement évangélisé. Ils s'établissent sur le littoral, puis ils pénètrent dans l'intérieur du pays où s'épaissit la forêt : ils fondent des évêchés, des monastères ; ils implantent les institutions et les mœurs celtiques. Bientôt l'Armorique prendra le nom de Bretagne, et la langue celtique, telle qu'on la parlait au delà de la Manche, deviendra la langue du pays. Toutefois il serait téméraire de chercher à faire l'histoire de ces migrations à l'aide de légendes écrites longtemps plus tard, et qui souvent ne s'accordent pas entre elles. On n'en peut connaître que les caractères généraux et les résultats. VII. - PUISSANCE DE L'ÉPISCOPAT. DANS la Gaule du Ve siècle, la Bretagne forme une région à part dont longtemps les destinées seront différentes de celles des autres régions. Partout ailleurs, Gallo-Romains et Germains sont en présence ; l'influence romaine a exercé son action puissante : les Barbares n'ont abandonné entièrement ni leur caractère, ni leurs institutions, mais ils se sont adaptés aux mœurs et aux institutions gallo-romaines et, d'autre part, à leur contact, ces mœurs et ces institutions se sont modifiées. Ainsi se forme une civilisation mixte, dont on ne peut dire ni qu'elle soit barbare, ni qu'elle soit romaine. Toutefois cette fusion ne peut être complète. Déjà, au début du siècle, on l'a vu plus haut, Orose se résignait à la chute de l'empire, il se déclarait prêt à en louer la miséricorde divine, si les églises du Christ devaient partout se multiplier, et si les peuples barbares devaient reconnaître la vérité. Or, pour les anciens habitants, ni les Goths, ni les Burgondes n'ont reconnu la vérité : ils ne prient point avec eux, ils ont accepté l'arianisme, qui jamais n'a pu prendre racine dans la Gaule romaine. Dès lors, qu'ils persécutent ou non, ce sont des étrangers qu'on subit : il n'est point avec eux d'union sincère. La domination gothique et la domination burgonde sont donc précaires. Il n'est en Gaule qu'un pouvoir vraiment fort, l'épiscopat. C'est lui qui représente le principe d'unité, dans cette société troublée et divisée qu'il domine, et, dépassant les frontières mobiles des États barbares, il fait pénétrer partout son action. On a dit quelquefois que le développement du christianisme avait été entravé au Ve siècle, que les constructions d'églises étaient devenues plus rares. Cela n'est vrai que de quelques régions du Nord où les Barbares, encore païens, s'établirent en masses compactes et qu'il fallut plus tard évangéliser de nouveau. Partout ailleurs, sauf de courtes persécutions comme celles d'Euric, la vie religieuse est active et l'épiscopat la dirige. D'un bout à l'autre de la Gaule, les évêques se visitent, s'écrivent, ils se tiennent en communion d'idées, de sentiments, ils ont les mêmes intérêts, ils forment les mêmes vœux. Au milieu des guerres, des ruines, des révolutions, l'Église seule n'a pas cessé de grandir ; sa force est faite de toutes les faiblesses, de toutes les détresses de ce temps ; elle pousse ses racines au plus profond des couches populaires, et la société, à la fin du y° siècle, vit en elle et par elle. Plus d'une fois on a eu l'occasion de signaler l'intervention politique d'un Sidoine Apollinaire ou d'un Avitus. De tels faits ne sont point une exception. Si les évêques sont souvent choisis dans l'aristocratie, c'est qu'ils sont sans cesse exposés à comparaître en ambassadeurs devant les empereurs romains ou les rois barbares. Tel Germain, de noble famille, qui a exercé de hautes fonctions publiques. Devenu évêque d'Auxerre, il donne ses biens aux pauvres, son épouse devient pour lui une sœur, il se condamne aux plus dures austérités, se nourrit de pain d'avoine. Mais cet ascète est un homme d'action : avec Loup de Troyes il se rend en Bretagne pour combattre l'hérésie pélagienne, ils aident les Bretons à repousser une invasion des Saxons et des Pictes. A son retour, Germain trouve les Auxerrois malheureux, on les a accablés d'impôts extraordinaires : il se remet en route, se rend à Arles auprès du préfet Auxiliaris, obtient ce que demandent ses concitoyens. Plus tard Aétius a livré l'Armorique aux ravages du roi Main Eocharich : des envoyés de ce malheureux pays implorent le secours de Germain. Il accepte, il va au devant des Barbares, aborde le roi païen au milieu de ses guerriers, tour à tour le supplie, le menace, et enfin saisit son cheval par la bride. Eocharich, étonné de ce courage, suspend sa marche à la condition que Germain obtiendra de l'empereur ou d'Aétius la grâce de l'Armorique. Germain part pour Ravenne implorer Placidia et Valentinien III. Placidia lui envoie un vase d'argent avec des mets délicats ; Germain lui renvoie un plat de bois avec un pain d'avoine. C'est à Ravenne qu'il meurt (448), sans avoir pu sauver l'Armorique. Les documents abondent en exemples de ce genre. De l'épiscopat dépendent les destinées de la Gaule barbare. |
[1] SOURCES. Les textes relatifs à cette période sont réunis en grande partie dans Dom Bouquet, Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t. II, III, et dans Migne, Patrologie latine. Beaucoup ont été édités à nouveau dans les Monumenta Germaniæ historica, série in-4°, Auctores antiquissimi Leges, (Sidoine Apollinaire, Salvien, Jordanis, Grégoire de Tours, Chronica minora, Leges Burgundionum) ; et dans le Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum publié par l'Académie de Vienne (Orose, Paulin de Pella, Salvien). Les vies de saints utiles à l'histoire sont énumérées dans Molinier, Les sources de l'histoire de France, 1902, p. 46 et suiv., avec indication des recueils où on les trouve.
OUVRAGES À CONSULTER. Outre les ouvrages déjà cités de Fustel de Coulanges, Wietersheim, Waitz, Sybel, Dahn, Lamprecht, Brunner, Scheider : Dom Vaissette, Histoire générale de Languedoc, nouvelle édition, 1872-92. Fauriel, Histoire de la Gaule méridionale sous les conquérants germains, 1898. Pétigny, Études sur l'histoire, les institutions et les lois de l'époque mérovingienne, 1842-1845. Digot, Histoire du royaume d'Austrasie, 1863. Longnon, Géographie de la Gaule au VIe siècle, 1878. Binding, Das Burgundisch-Romanische Königreich, 1868. Jahn, Geschichle der Burgundionen., 1876. Caillemer, L'établissement des Burgondes dans le Lyonnais, 1877. Bethmann-Hollweg, Der Civilprocesz im Mittelalter, t. I, 1867. Dahn, Die Könige der Germanen, t. V, 1876, t. VI, 1885. Yver, Euric, roi des Wisigoths, dans les Études d'histoire du Moyen Age dédiées à G. Monod, 1896.
[2] Ammien Marcellin, XXXI, 2, dont j'ai resserré la description.
[3] Migne, Patrol. lat., t. XXII, p. 1057 et suiv. Saint Jérôme accusa Stilicon d'avoir livré la Gaule aux Barbares. D'autres écrivains chrétiens en ont fait autant. C'est une assertion qu'on ne peut discuter ici, mais qu'on ne doit pas accepter sans réserves.
[4] Sur Bordeaux à cette époque : Jullian, Inscriptions romaines de Bordeaux, t. II, 1890, p. 590 et suiv., Ausone et Bordeaux, 1893.
[5] Orose, VII, 48, rapporte le témoignage d'un Narbonnais qui avait souvent entendu Athaulf tenir ce langage.
[6] Pfister, La limite de la langue française et de la langue allemande en Alsace-Lorraine, 1888.
[7] Kurth, La frontière linguistique en Belgique et dans le nord de la France, 1895. Voir aussi Wauters, Les origines de la population flamande de la Belgique, Bulletin de l'Académie de Belgique, 1885. Van der Kindere, Les origines de la population flamande, même recueil, même année, qui tient pour l'origine saxonne. Pirenne, Histoire de Belgique, t. I, 1900. Depuis le XIIIe siècle, le français a regagné du terrain sur le flamand.
[8] Mémoires, rapports en vue du Congrès de Charleroi en 1888 et Comptes rendus du même congrès (Mémoires de Van Bastelær, Tabon, de Loe, Bequet). Les objets provenant de ces fouilles se trouvent en grande partie au musée de Namur. Barrière-Flavy, Les arts industriels des peuples barbares de la Gaule, 1901.
[9] Sur les origines historiques du poème des Niebelungen, voir Lichtenberger, Le poème et la légende des Niebelungen, 1891.
[10] Amédée Thierry, Histoire d'Attila, 1864. De Barthélemy, La campagne d'Attila, Revue des questions historiques, 1870. Köhler, Étude critique sur la vie de sainte Geneviève, 1881. Girard, Le Campus Mauriacus, Revue Historique, 1885. Cuissard, La bataille de Mauriac, Revue de Champagne et de Brie, 1887.
[11] Le récit de Jordanès, dont le caractère pittoresque a séduit les historiens, doit éveiller de sérieuses défiances.
[12] Voir, par exemple, Lécrivain, Un épisode inconnu de l'histoire des Wisigoths, Annales du Midi, 1889.
[13] Sur cette question voir notamment l'ouvrage ancien, mais qui n'a pas perdu sa valeur, de Gaupp, Die germanischen Ansiedlungen und Landtheilungen, 1844. Fustel de Coulanges, Nouvelles recherches sur quelques problèmes d'histoire, 1891, p. 279 et suiv. Julien Havet, Du partage entre les Romains et les Barbares chez les Romains et les Wisigoths, dans le tome II de ses œuvres, 1896. Saleilles, De l'établissement des Burgondes sur les domaines des Gallo-Romains, dans la Revue bourguignonne de l'Enseignement Supérieur, 1891.
[14] Tamassia, Egidio e Siagrio, Rivista storica italiana, 1886, a essayé de débrouiller l'histoire confuse d'Egidius.
[15] Sur le caractère de cette compilation, voir Lécrivain, Remarques sur l'interprétation de la Lex romana Visigothorum, Annales du Midi, 1889.
[16] Courajod, Leçons professées à l'École du Louvre, t. I, 1899, et, en sens contraire, Brutails, L'archéologie du Moyen Age et ses méthodes, 1900.
[17] Outre les ouvrages cités plus haut, voir Monod, Sur un texte de la compilation dite de Frédégaire relatif à rétablissement des Burgundions dans l'empire romain, 1878, Bibl. de l'École des Hautes Études, 35e fascicule.
[18] Voir notamment Le Roux et Marteaux, Sépultures burgondes, Revue Savoisienne, 1898.
[19] On a laissé ici de coté l'histoire fort obscure de ses relations avec ses frères, notamment avec Chilpéric, dont, d'après certains témoignages, il aurait été l'assassin.
[20] Toutefois la conférence de Lyon en 499, entre évêques catholiques et docteurs ariens, est suspecte : Julien Havet, Questions mérovingiennes, p. 33 et suiv. et t. I de ses œuvres, 1897.
[21] Loth, L'émigration bretonne en Armorique du Ve au VIe siècle, 1883. De la Borderie, Cartulaire de Landevenec, 1889 ; Histoire de Bretagne, t. I, 1896. Tous deux ont rendu à l'histoire un signalé service ; cependant on leur a parfois reproché de se servir trop facilement de vies de saints rédigées plusieurs siècles plus tard et de valeur douteuse. Comme l'a dit avec raison M. Duchesne : Il faut se résigner à ignorer, sauf quelques traits et quelques faits généraux, l'histoire de la Bretagne avant le IXe siècle. Voir notamment Revue historique, 1898, t. LXVI, p. 182 et suiv. ; Revue celtique, 1901, p. 91 et suiv.