HISTOIRE DU DROIT DES GENS ET DES RELATIONS  INTERNATIONALES

TOME I. — L’ORIENT

PREMIÈRE PARTIE. — LES THÉOCRATIES.

LIVRE III. — L’ÉGYPTE

CHAPITRE I. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

 

 

§ 1. Grandeur de la civilisation égyptienne.

Il n’y a point de pays, dit Hérodote, qui renferme autant de merveilles que l’Égypte, où l’on voie tant d’ouvrages admirables et au-dessus de toute expression[1]. Lorsque ces œuvres du génie égyptien, longtemps oubliées dans de mystérieuses solitudes, furent révélées par l’expédition française, elles arrachèrent à l’Europe étonnée le même cri d’admiration. L’armée de Desaix, à l’aspect de Thèbes, fit entendre de longs applaudissements[2]. Les savants qu’un conquérant, civilisateur appela à la découverte de ce monde ignoré, écrivirent sous l’empire des mêmes sentiments, que les Égyptiens s’étaient placés par leurs monuments, au premier rang des peuples de la terre[3]. L’enthousiasme a résisté au temps, il inspire tous les voyageurs que l’amour de la science conduit sur les bords du Nil[4].

L’architecture est plus que la littérature peut-être l’expression de la société ; les monuments de l’Égypte nous autorisent donc à croire qu’elle a été le siège d’une civilisation avancée. Les magnifiques édifices élevés en l’honneur des dieux font pressentir le génie particulier de la race égyptienne : la nation qui les a conçus devait être une nation essentiellement religieuse. Mais si nous sommes en droit de revendiquer pour les Égyptiens une haute culture intellectuelle, il est difficile d’en assigner l’étendue, les limites. L’Égypte, pays des merveilles, est aussi le pays des mystères. On connaît la célèbre inscription du temple de Saïs : Je suis tout ce qui a été, ce qui est, ce qui sera, et personne n’a encore percé le voile qui me couvre[5]. On peut dire aussi de l’Égypte, que personne n’a encore percé le voile qui la couvre. En vain ses monuments attestent sa grandeur ; dès que nous voulons sortir des généralités, pénétrer le mouvement religieux qui s’est développé à l’ombre des sanctuaires, la lumière nous fait défaut, les opinions les plus contradictoires se produisent, favorables ou hostiles, suivant le système qui dirige les écrivains. Quelle est la mission de l’Égypte ? est-elle restée isolée, repliée sur elle-même ? les méditations séculaires du sacerdoce sont-elles perdues pour l’humanité, ou ont-elles été communiquées à d’autres peuples ? Question capitale, dont la solution nous révèlera la mission du peuple égyptien, le caractère de ses relations internationales. L’Égypte, placée entre l’Asie et l’Europe, participe à la fois du génie de ces deux mondes : elle est comme une transition de l’Orient à la Grèce. Des traits frappants de ressemblance établissent la parenté du sacerdoce égyptien et des castes orientales. Mais moins isolée que l’Inde, l’Égypte communique par des canaux mystérieux avec les peuples destinés à changer la face de la terre. Elle nourrit pendant quatre siècles dans son sein la nation extraordinaire qui reçut en dépôt le dogme de l’unité de Dieu et qui devait donner naissance au Christ. Elle entra en rapport avec la Grèce, et finit même par devenir grecque. Ces relations de l’Égypte avec l’Orient, les Hébreux et les Hellènes ne seraient-elles pas la marque extérieure de sa vocation ? N’aurait-elle pas transmis à Moïse et aux Grecs la civilisation dont elle reçut les germes de l’Asie et qu’elle développa dans ses temples ? Consultons les traditions et les monuments pour nous éclairer sur les liens qui unissent les nations dominantes de l’antiquité.

Les Égyptiens disent que leur pays est le berceau de l’humanité[6]. Mais ils se sont chargés eux-mêmes de démentir cette haute ambition ; leurs monuments constatent l’existence sur le sol de l’Égypte d’une population étrangère à l’Afrique. On a cru longtemps que les Égyptiens étaient une branche de la race qui peuple le centre et l’occident de ce continent. Cette opinion, fondée sur le témoignage d’Hérodote[7], à pour elle la ressemblance qui existe entre les Coptes., descendants des anciens Égyptiens, et les Nègres[8]. L’étude des monuments qui dépeignent avec une scrupuleuse exactitude les caractères des diverses nations qui y figurent, ne permet plus d’admettre l’identité absolue des habitants de l’Égypte et des Africains. Mais tout doute n’a pas disparu. D’après le savant Heeren, les castes des prêtres et des guerriers se distinguent par leur couleur des castes inférieures ; les premières appartiennent à l’Asie, les dernières à l’Afrique. Les égyptologues vont plus loin, ils revendiquent pour tout le peuple égyptien une descendance caucasienne[9] : si certains traits paraissent rappeler le type nègre, il faut, disent-ils, attribuer celte ressemblance à l’altération produite par le mélange des races ; ce fait explique aussi le sentiment du Père de l’histoire[10]. L’opinion de Heeren a peur elle les analogies historiques. Partout où nous rencontrons des castes, cous devons supposer qu’il y a eu conquête[11] ; la domination exercée en Égypte par les prêtres et les guerriers atteste donc l’invasion d’un peuple étranger. Quels étaient les conquérants ? L’organisation sociale des Égyptiens remonte au moins à quatre ou cinq quille ans ayant notre ère ; c’est assez dire que nous ne pouvons avoir des notions certaines sur leur histoire primitive. Cependant la science croyait avoir trouvé la solution de ce problème si intéressant pour le développement de l’humanité, la filiation ou la parenté des civilisations. Une opinion qui a pour elle l’autorité des savants les plus éminents, rattache l’Égypte à l’Inde.

La population, sinon la civilisation de l’Égypte, dit-on, est descendue successivement de l’Éthiopie dans la vallée du Nil[12]. D’où venaient les prêtres, les guerriers qui soumirent cette partie de l’Afrique à leur domination ? Les traditions nous conduisent dans l’Inde. Philostrate[13] dit que les Ethiopiens sont une race indienne, qui avait été forcée de s’expatrier comme impure ; ce témoignage, bien que vague, prouve que dans l’opinion a de l’antiquité, il y avait un lien de sang entre les deux peuples. Le Syncelle et Eusèbe s’expriment d’une manière plus positive[14]. Il est vrai que les colonies dont parlent ces auteurs se rapportent à une époque postérieure à l’organisation de l’Égypte ; mais les dates sont peu importantes, le fait essentiel est celui de l’émigration qui suppose une liaison entre l’Inde et l’Afrique. Ne serait-ce pas par un souvenir de cette parenté que les côtes méridionales de la Mer Rouge reçurent souvent, même dans le langage historique et géographique des anciens, la dénomination d’Inde, ou l’épithète d’indiennes[15] ? Par une remarquable incidence, l’Inde, si peu soucieuse de l’étranger, a conservé une tradition d’après laquelle un de ses héros mythiques aurait conquis l’Égypte[16]. Des relations commerciales avaient lieu entre l’Inde, l’Arabie et l’Afrique : ces rapports suffisent pour rendre la colonisation possible, elle devient probable par les étonnantes analogies qui existent entre les Égyptiens et les Indiens.

La ressemblance physique est frappante[17]. La constitution politique des deux peuples est la même. Un ordre sacerdotal domine dans l’Inde et en Égypte. Le culte se manifeste par les mêmes actes ; sanctuaires, sacrifices, pèlerinages, pénitences, processions, sont identiques ; on trouve chez les Indiens l’adoration des animaux qu’on croyait particulière à l’Égypte[18]. Hérodote remarque comme un caractère distinctif des Égyptiens, leur croyance à la transmigration des âmes[19] : ce dogme fait le fond de la religion indienne. Il n’y a pas jusqu’au célèbre jugement des morts qui n’existe dans l’Inde avec tous les détails que donnent les historiens grecs[20]. Que chez deux peuples placés lotis des circonstances locales aussi différentes que l’Égypte et l’Inde, il n’y ait pas eu identité parfaite de développement, qui s’en étonnerait ? La littérature a jeté sur les bords du Gange un éclat aussi vif que chez les Grecs ; l’Égypte n’a laissé d’autres monuments de son activité intellectuelle que des hiéroglyphes. L’écriture, la langue, diffèrent. Ces différences s’expliquent ; en admettant même que la civilisation égyptienne a ses racines dans l’Orient, la masse des habitants appartenait cependant à une race indigène ; les colons indiens, peu nombreux, n’ont pas eu la puissance de faire de l’Afrique une reproduction de l’Inde.

L’origine indienne de l’Égypte, appuyée de l’autorité des savants les plus illustres[21], passa dans l’histoire comme une vérité incontestable. Cependant, d’après les dernières recherches sur l’Inde et l’Égypte, il est difficile de ne pas ranger cette opinion au nombre des erreurs historiques : aussi a-t-elle été abandonnée par ceux-là mêmes qui l’avaient soutenue avec le plus de chaleur[22]. Le système de la colonisation indienne suppose l’antériorité de la civilisation de l’Inde. Ce fait paraissait certain, d’après la haute antiquité réclamée par les brâhmanes ; mais leurs milliers de siècles se sont trouvés fabuleux, tandis que toutes les découvertes faites dans les monuments de l’Égypte tendent à prouver que son histoire remonte à une époque où la race sanscrite n’occupait pas encore l’Inde. L’hypothèse de la filiation indienne de l’Égypte tombe devant ce simple rapprochement. Une étude plus attentive des deux peuples a aussi fait ressortir des différences profondes là où dans le principe on n’avilit aperçu que des ressemblances[23].

Il y a entre les grandes nations de l’Orient des analogies qui tiennent à, la vie intime des peuples. Leurs traditions s’ouvrent toutes par un déluge ; on en trouve le souvenir chez les Hébreux, les Babyloniens, les Chinois[24]. Au déluge se rattache l’idée des quatre âges de l’humanité qui existe également chez tous les peuples de l’Asie, chez ceux qui appartiennent à la famille sémitique, aussi bien que chez les nations indo-germaniques[25]. La division du temps qui touche à la fois aux croyances, aux institutions et aux habitudes de l’existence journalière, est la même dans tout l’Orient[26]. Voilà des marques certaines d’une origine commune. L’Egypte se sépare sur tous ces points de l’Asie. Il n’y a pas de trace d’un déluge chez les Égyptiens ; à l’époque où les peuples orientaux placent ce cataclysme mémorable, l’Égypte entre déjà dans une nouvelle ère de sa civilisation ; le mythe de la Création qui est presque identique dans les livres sacrés de l’Orient, manque chez les Égyptiens ; la division du temps diffère[27].

L’antique culture de l’Égypte, les différences qui la séparent de l’Asie, seraient-elles une preuve qu’il n’y a aucun rapport entre ces deux mondes ? Quelques savants, voyant les Égyptiens prendre un développement original dans leur vallée solitaire à une époque où les autres peuples n’ont pas encore conscience d’eux-mêmes, ont soutenu qu’ils sont autochtones[28]. La conclusion que l’on tire de l’ancienneté des traditions de l’Égypte à l’antériorité de son existence ou du moins de sa civilisation nous parait hasardée. La race égyptienne était douée à un haut degré du sens historique qui fait défaut à l’Orient[29] : les populations asiatiques ont donc pu exister, se développer même sans laisser de souvenir de leur vie intellectuelle et politique. Qui oserait assurer d’ailleurs que les monuments manquent entièrement à l’Asie, et que de nouvelles découvertes ne viendront pas renverser un édifice reposant sur des hypothèses ? Déjà Ninive est sortie de sou tombeau séculaire et l’ingénieux investigateur de ses ruines revendique en faveur de l’Assyrie une antiquité aussi haute que celle de l’Égypte[30]

L’autochtonie des Égyptiens n’a pas trouvé faveur même auprès des égyptologues. Ils les considèrent comme une branche du tronc oriental, détachée de bonne heure, et prenant dans un pays a part un développement original, mais gardant néanmoins dans sa langue, dans sa religion des traces de son origine asiatique[31]. La langue égyptienne, cet hiéroglyphe de la science, commence enfin à nous dévoiler ses mystères : elle a dit renoncer à ses prétentions d’originalité ; on lui a trouvé une double affinité arec les langues indo-germaniques et sémitiques[32]. L’identité du langage est la marque la plus certaine d’une origine commune[33]. Les progrès étonnants de la philologie orientale légitiment l’espoir qu’un jour la filiation et la parenté des peuples, qui jusqu’ici ne reposent que sur des conjectures, entreront dans le domaine des faits historiques. Tant que la science des langues comparées ne sera pas parvenue à sa dernière perfection, les origines de l’Égypte resteront un sujet de discussion. Les probabilités, qui il y a un demi-siècle portaient les savants à chercher le berceau de sa civilisation dans l’Inde, semblent aujourd’hui nous appeler à Babylone.

Les Égyptiens disent que les Chaldéens de Babylone sont une de leurs colonies[34]. La parenté des deux peuples, que cette prétention atteste, est, confirmée par la tradition mosaïque : Nemrod, le fondateur de Babylone, descend de Kusch, frère de Mizraïm ; le nom même de Nemrod est égyptien, de même que celui de Nitokris. Les égyptologues ont signalé des rapports remarquables entre les Égyptiens et les Babyloniens. Les poids et les mesures sont identiques[35]. La science astronomique des Chaldéens, devenue si célèbre, repose sur les mêmes fondements que l’astronomie égyptienne[36] ; d’après les Égyptiens, les Chaldéens puisèrent ces connaissances chez leurs prêtres[37]. Les anciens rapportent également à l’Égypte l’origine de la religion assyrienne[38].

Les analogies sont constantes ; elles sont tellement spéciales qu’elles doivent découler d’une même source. Mais est-ce l’Egypte qui procède de la Chaldée, on est-ce la Chaldée qui procède de l’Égypte ? Si l’on s’en tient aux faits connus, on serait tenté de se prononcer pour l’Égypte : les documents nous montrent les Égyptiens civilisés à une époque où la Babylonie n’est pas encore constituée. Cependant le savant Lepsius à qui nous empruntons ces observations[39], ajoute qu’il est possible que les Chaldéens et les Égyptiens tiennent leur civilisation d’une origine commune[40]. Mais ici toute base historique nous fait défaut ; nous n’avons qu’une probabilité, c’est la croyance générale que la culture intellectuelle à son berceau dans l’Orient.

Au milieu de ces incertitudes, un fait probable reste acquis à-la science, c’est que les racines de l’Égypte sont en Asie. La théocratie qui caractérise l’Orient est aussi l’élément essentiel de la société égyptienne. Mais en se rapprochant de l’Occident, la théocratie ce transforme. Si nous comparons l’Égypte avec l’Inde, nous verrons qu’un progrès considérable a été accompli sur les bords du Nil.

§ 3. Progrès de l’Orient à l’Égypte.

N° 1. Différence entre les castes de l’Égypte et celles de l’Inde. Germe d’unité.

Au premier abord, les castes égyptiennes paraissent la reproduction de celles de l’Inde, tant les analogies sont nombreuses[41]. Les grandes divisions sont les mêmes[42]. Les prêtres formaient l’ordre dominant, ils étaient dépositaires des sciences qui, dans les idées de l’Orient, se lient à la religion et en dérivent ; la philosophie, les lois, l’astronomie, les mathématiques, la médecine, étaient le vaste domaine abandonné au sacerdoce. La supériorité d’intelligence entraînait une suprématie politique : la plus grande, la plus belle partie du sol appartenait aux prêtres, les grands pontifes étaient les égaux des rois. Les rois étaient choisis dans la caste des guerriers : ceux-ci formaient en quelque sorte un peuple à part, habitant des districts particuliers. Dans les sociétés théocratiques, les guerriers occupent un rang secondaire. Les rois passaient leur vie dans la compagnie des prêtres, ils dépendaient d’eux par le cérémonial ; les oracles, l’astrologie les guidaient dans toutes leurs entreprises. Le sacerdoce était donc le véritable maître de l’état. Les castes inférieures ont peu d’importance. Il y avait aussi en Égypte, comme dans l’Inde, une classe d’êtres abjects, impurs, objet du mépris universel ; les gardeurs de pourceaux étaient exclus des temples ; les Égyptiens détestaient en eux les terribles Nomades qui menaçaient continuellement leur repos et qui longtemps avaient foulé en vainqueurs insolents leur sol sacré.

Cependant malgré cette ressemblance entre les castes de l’Égypte et celles de l’Inde, il y a des différences essentielles. La destinée des castes supérieures dans les deux pays est la marque d’un développement différent. .Prêtres et guerriers ne peuvent pas coexister sans combattre pour la suprématie. Quel a été le résultat de cette lutte sur les bords du Nil et du Gange ? Au moment on l’Égypte sort de son isolement pour figurer dans l’histoire du monde, l’élément guerrier l’emporte sur l’élément sacerdotal, la domination des prêtres est en pleine décadence ; bientôt la théocratie fait place à une monarchie grecque. Les annales de l’Inde présentent un tout autre spectacle. Les kçhattriyas luttent vainement contre la caste protégée des dieux, ils finissent par disparaître, au point qu’aujourd’hui il est difficile de trouver des traces de leur existence dans les mêmes contrées où les brâhmanes sont encore révérés. Un prêtre égyptien voulut donner à son ordre la domination exclusive que les brâhmanes avaient dans l’Inde ; il s’empara du trône et accabla la caste guerrière de mépris et d’outrages ; mais, chose remarquable, Séthos figure dans l’histoire comme un usurpateur[43] ; son règne, loin d’arrêter la ruine de la caste sacerdotale, ne fit que la précipiter ; les idées grecques ne tardèrent pas à envahir l’Égypte, en attendant que les soldats d’Alexandre vinssent s’asseoir sur le trône des Pharaons[44].

A quelle cause tient cette différence dans la destinée du sacerdoce en Égypte et dans l’Inde ? Les castes ont chez les Indiens une sanction religieuse ; l’inégalité procède de Dieu, de là’ cette persistance, cette immobilité qui nous étonne. En Égypte, les prêtres ne paraissent pas avoir rapporté l’institution des castes au Créateur. Dieu fait le brâhmane, un kçhattriya ne peut s’élever à la caste sacerdotale que par une intervention divine. Il n’en était pas de même en Égypte ; les membres d’une même famille, appartenant aux deux classes privilégiées, pouvaient occuper indifféremment des fonctions religieuses ou militaires ; le mariage entre les deux ordres était permis[45]. Quant aux castes inférieures, elles se sont pour ainsi dire établies naturellement, sous l’influence de circonstances locales. Une partie du territoire ne se prêtant pas à l’agriculture était destinée à servir de demeure aux pasteurs ; les riverains du Nil restèrent pécheurs et bateliers, les plaines devinrent le séjour de cette partie de la population que son génie appelait aux travaux de l’agriculture et de l’industrie. La différence d’origine, jointe aux occultations diverses que commande la nature du sol, explique suffisamment la division des Égyptiens en castes[46].

Ainsi la religion n’était pas, comme dans l’Inde, un obstacle invincible à ce que l’idée de l’unité, de la solidarité des hommes pénétrât dans les esprits. Cette doctrine s’est effectivement fait jour chez les Égyptiens ; nous croyons l’entrevoir dans un usage remarquable du culte : les habitants, en offrant des sacrifices, priaient les dieux de détourner les malheurs qui pourraient arriver à toute l’Égypte ou à eux-mêmes[47]. Il y avait encore un autre peuple dans l’Orient chez lequel les individus comprenaient la nation enture dans leurs prières, les Perses ; et chez les Perses, l’institution des castes avait également disparu. Ce rapport remarquable suppose une conception de l’humanité toute différente de celle qui fait le fond de la religion brahmanique. N’y a-t-il pas là au moins le germe du dogme de l’unité, tandis que les castes sont l’expression de la division ? Cette différence entre l’Inde et l’Égypte est fondamentale. Si l’idée de l’égalité n’a pas transformé la société égyptienne, elle s’est cependant manifestée dans la vie. Les castes supérieures de l’Inde étaient seules initiées à la doctrine religieuse, il n’y avait entre elles et les autres castes aucun rapport ni de justice, ni d’humanité. La condition des tchândalas dépasse tout ce qu’on peut imaginer d’odieux. L’Égypte avait aussi ses parias, mais on ne voit pas qu’elle ait admis les conséquences que les Indiens dérivent da dogme révoltant de l’impureté. Quelques débris de lois conservés par Diodore semblent dénoter au contraire dans les Égyptiens une tendance à l’humanité envers tous les êtres, sans distinction de caste. Celui qui pouvant sauver un homme attaqué ne le faisait pas, était puni aussi rigoureusement que l’assassin. Une loi plus remarquable encore infligeait la peine capitale pour le meurtre d’un esclave, aussi bien que pour celui d’un homme libre[48]. Chose étonnante, c’est un peuple à castes qui partage avec les Athéniens la gloire d’avoir porté la seule loi d’égalité qui ait été faite dans l’antiquité païenne pour l’esclave.

Les Égyptiens avaient donc ait moins l’instinct de l’unité humaine. Les castes sont de l’essence de l’Inde ; en Égypte elles n’étaient qu’une institution politique, le cours naturel des choses en devait amener la dissolution. Moïse, élevé par les prêtres égyptiens, consacra l’égalité religieuse ; des colonies sorties de l’Égypte portèrent la civilisation en Grèce, sans y implanter les castes. Ainsi l’Égypte est une transition entre l’Orient et l’Occident ; elle tient à l’Asie par le régime théocratique, elle se rapproche de la Grèce parce que cette constitution porte en elle des germes de transformation.

N° 2. Doctrine religieuse. La sagesse égyptienne.

S’il y a progrès de l’Orient à l’Égypte, il est probable qu’il est dit à une conception religieuse : dans les Théocraties, la politique, il e droit, ne sont qu’une manifestation de l’idée théologique. Mais quels étaient les dogmes du sacerdoce égyptien ? Cette question nous conduit dans un champ d’interminables controverses. On sait que le culte populaire était le plus grossier polythéisme : l’adoration des animaux[49], variant d’une province à l’autre, se rapproche du fétichisme des sauvages plus que de la religion de Rome ou de la Grèce. La caste sacerdotale ne s’est-elle pas élevée au-dessus de ces ignobles superstitions ? Les anciens la croyaient en possession d’une doctrine sécrète[50]. Cette prévention en faveur de l’Égypte allait jusqu’à l’exagération ; les derniers représentants de la philosophie, les Néoplatoniciens exaltèrent, outre mesure, la sagesse égyptienne[51] ; c’est à eux qu’on attribue la composition des livres hermétiques, mélange de doctrines gredines, de croyances orientales et de sentiments chrétiens[52].

Les savants modernes ont longtemps ajouté foi aux traditions anciennes, mène aux livres apocryphes d’Hermès[53]. Si on leur demandait ce qu’était devenue la sagesse tant vantée des Égyptiens, ils répondaient que les piètres ne l’enseignaient que clans les mystères, que cet enseigneraient oral se perdit avec l’indépendance et la civilisation de l’Égypte[54]. D’autres supposaient que l’écriture hiéroglyphique était destinée à voiler la science sacerdotale aux yeux des profanes[55]. La clef des hiéroglyphes étant perdue, le champ était ouvert aux hypothèses. Les savants ne doutaient pas que le sacerdoce ne connut un Dieu créateur[56] ; ils allaient jusqu’à lui attribuer la connaissance du dogme de la Trinité[57]. Pour expliquer la sublimité de ces croyances dans une nation païenne, on supposait des communications entre l’Égypte et les patriarches[58]. La réaction qui se fit au dix-huitième siècle contre tout ce qui s’appelle théocratie ébranla également l’autorité séculaire des prêtres égyptiens. Le sentiment religieux s’étant altéré, on ne chercha, plus dans les cultes anciens l’adoration d’un être suprême ; les uns, renouvelant le système d’Evhémère, firent de la religion égyptienne une histoire symbolique[59] ; d’autres[60], une représentation des travaux de la vie civile, notamment de l’agriculture. Une opinion qui trouva faveur en France et en Allemagne ne vit dans tous les cultes, et surtout dans celui de l’Égypte, qu’un système astrologique ou astronomique[61].

Le dix-neuvième siècle professe plus de respect pour l’idée religieuse, quelles qu’en soient les aberrations ; mais poussant jusqu’à l’extrême l’esprit critique qui le distingue, il a la prétention de refaire l’histoire ancienne, et de la connaître mieux que les anciens eux-mêmes. Cette audace a produit des travaux remarquables ; mais partant d’un doute systématique, la science a contesté bien des faits universellement admis dans l’antiquité, sans autre motif que l’insuffisance des témoignages. C’est ainsi que des savants allemands, anglais, hollandais[62] représentent la religion égyptienne comme une adoration des éléments de la nature ; ils nient que les prêtres aient eu une doctrine supérieure, enseignée dans les temples ; si on leur oppose l’autorité de Plutarque, des Néoplatoniciens, de Saint Clément, ils répondent que ces philosophes ont attribué leurs propres sentiments aux Égyptiens.

Cependant les égyptologues protestent contre cet abaissement systématique de la science sacerdotale[63]. Chose remarquable, tous ceux qui ont visité l’Égypte, se sont refusés à croire que les prêtres n’aient eu d’autre croyance qu’un polythéisme plus ou moins matériel. Nous ne parlons pas de Champollion[64] ; il s’est exagéré, pourrait-on dire, l’importance de ses découvertes ; comme tout inventeur, il a présenté sous le jour le plus favorable l’antique science dont il a retrouvé la clef. Mais on ne récusera pas le témoignage des savants français qui accompagnèrent le général Buonaparte en Égypte ; bien qu’imbus de l’esprit du dix-huitième siècle, ils se sont dit, à la vue des ruines de l’ancienne société égyptienne, que tant de grandeur dans les arts destinés à célébrer les dieux ne pouvait s’allier à tant de petitesse dans les idées religieuses[65]. Un des derniers voyageurs anglais, le savant Wilkinson admet que les prêtres égyptiens avaient des dogmes secrets enseignés dans les mystères ; il leur reproche seulement de n’avoir pas communiqué au peuple une science estimée si haut par le christianisme naissant ; qu’il glorifia le grand législateur des Hébreux d’y avoir, été initié. Mais quelle était cette doctrine ? Sur cette question règne toujours le doute. Les livres où les prêtres déposèrent leur science sont perdus. Les inscriptions hiéroglyphiques dans lesquelles les savants espéraient trouver le trésor de la sagesse égyptienne, sont étrangères à la religion. Nous n’avons que les rapports des écrivains grecs, mais leurs récits datent de la décadence de l’Égypte[66] ; lorsqu’elle hait au faite de sa puissance, lorsque sa civilisation avait atteint son plus haut degré de développement, elle vivait isolée, les autres peuples étaient encore dans la barbarie. Le royaume des Pharaons est donc encore une terre inconnue. Nous devons nous borner à rapporter les traditions que l’antiquité nous a léguées.

La science de l’Égypte était l’objet d’une admiration universelle chez les anciens. Quand le poète hébreu veut exalter le roi représenté dans les livres sacrés comme le plus sage des hommes, il dit que la sagesse de Salomon surpassait toute celle des Égyptiens[67]. Parmi les Grecs, les riverains du Nil jouissaient également d’une haute estime[68]. Cette réputation était évidemment l’apanage des prêtres[69] ; elle attira dans leurs sanctuaires les législateurs, les philosophes, les poètes, les artistes de la Grèce[70]. Peu importe que la tradition de tous ces voyages ne soit pas à l’abri de la critique ; même fabuleuse, elle ne peut avoir pour fondement que la croyance universelle de la Grèce et du monde ancien à une science secrète cultivée par le sacerdoce égyptien. Quel était l’objet de cette science ? Elle embrassait toutes les connaissances humaines, comme l’atteste Clément d’Alexandrie[71]. Le témoignage du Père de l’Église qu’on a voulu suspecter, a reçu une éclatante confirmation. Diodore[72] parle d’une bibliothèque égyptienne remontant au quatorzième siècle avant notre ère Champollion en a retrouvé les ruines : nous possédons des papyrus datés de cet antique dépôt des connaissances humaines[73]. Parmi les diverses classes de prêtres, Saint Clément nomme les prophètes, dépositaires des connaissances théologiques que les philosophes de la Grèce allaient puiser dans leurs enseignements[74]. C’est à eux qu’on doit rapporter ce que le stoïcien Chérémon dit des prêtres : ils négligeaient tous les travaux humains, pour vouer leur vie entière à la contemplation et à la connaissance des dieux[75].

La méditation des choses divines n’était pas le partage exclusif du sacerdoce : le sentiment religieux était commun à toute la nation. Les témoignages des auteurs anciens sont unanimes sur ce trait caractéristique des Égyptiens ; ils nous donneront quelques indications sur leurs croyances. Ils sont très religieux, dit Hérodote, et surpassent tous les hommes dans le culte qu’ils y rendent aux dieux[76]. Ils avaient la prétention d"avoir les premiers élevé des autels ; des statues et des temples[77], d’avoir les premiers établi des fêtes religieuses[78] et ce qui est plus important, d’avoir les premiers enseigné que l’âme de l’homme est immortelle[79]. Lorsque tels étaient les dogmes vulgarisés par les prêtres, serait-il téméraire d’admettre avec Plutarque qu’ils avaient de plus une doctrine cachée, dont les mystérieux Sphinx placés ait seuil des temples étaient l’image[80] ? Nous avons cité la fameuse inscription de Saïs ; on en a contesté l’antiquité[81], elle prouve dei moins que la croyance de l’unité de Dieu était généralement attribuée au sacerdoce. Des philosophes français et allemands[82] sont allés plus loin, ils ont essayé de reconstituer la théologie égyptienne. Nous n’osons pas nous aventurer sur un terrain où les preuves historiques nous abandonnent. Mais nous ne croyons pas porter trop haut la science des prêtres, en leur supposant la connaissance de Dieu[83], et de l’immortalité de l’âme[84], points fondamentaux d’une conception religieuse de la vie[85].

Il y a un trait remarquable dans les traditions recueillies en Égypte par les écrivains grecs ; la religion y est représentée comme puissance civilisatrice. Osiris trouve des hommes au plus bas degré de barbarie, se dévorant les uns les autres, comme des Animaux féroces : il leur enseigne la culture des fruits ; en leur procurant une nourriture nouvelle et agréable, il leur fait abandonner la vie sauvage. Le droit du plus fort désolait les sociétés primitives : Isis leur donne des lois, elle introduit la justice, et fait cesser l’abus de la force par la crainte du châtiment[86]. Les dieux égyptiens n’apportent pas seulement la civilisation aux riverains du Nil, ils la répandent dans le monde entier. Sur une colonne élevée à Osiris, on lisait, d’après Diodore[87], l’inscription suivante, en caractères sacrés : Je suis le roi Osiris, qui, à la tête d’une expédition, ai parcouru toute la terre jusqu’aux lieux inhabités a des Indes et aux régions inclinées vers l’Ourse, jusqu’aux sources de l’Ister ; et de là dans d’autres contrées jusqu’à l’Océan... Il n’y a pas un endroit de la terre que je n’aie visité, prodiguant à tous mes bienfaits[88]. Ainsi d’après les prêtres égyptiens, leur Dieu aurait civilisé le monde. Ne serait-ce pas un symbole de l’influence bienfaisante que les colonies parties de l’Égypte ont exercée sur les peuples étrangers[89] ?

§ 4. Rapports de l’Égypte avec l’humanité.

On se représente ordinairement l’Égypte sacerdotale isolée, ne pratiquant pas la mer qui est pour elle un symbole du mal, n’ayant de rapports avec le monde ni par la guerre, ni par le commerce. L’isolement des Egyptiens n’était pas aussi absolu qu’on le croit. L’Empire des Pharaons a eu son époque héroïque : Sésostris étendit ses conquêtes jusque dans le lointain Orient. Les temples étaient des centres commerciaux aussi bien que religieux. Cependant ce n’est pas par les armes, ni par le négoce que les Égyptiens entrèrent en communication avec les autres nations ; leurs conquêtes furent passagères, leur commerce plutôt passif qu’actif. Mais la Providence veilla à ce que les fruits de la civilisation égyptienne ne fussent pas perdus pour l’humanité. La tradition universelle de l’antiquité atteste que des relations existèrent entre l’Égypte et les peuples qui devaient préparer de nouvelles destinées au monde. L’Égypte avait la prétention d’être le berceau du genre humain : les Grecs, quelque vains qu’ils fussent de leur autochtonie, semblaient la croire sur parole : leurs institutions nationales leur paraissaient plus vénérables, quand ils eu pouvaient, reporter l’origine à cette source antique et sacrée ; des colonies, dit-on, parties de l’Égypte, eurent la gloire d’initier les Hellènes à la vie intellectuelle ; les philosophes de lai Grèce puisèrent leurs doctrines dans les enseignements du sacerdoce. Là ne s’arrêta pas l’influence de la sagesse égyptienne ; le plus grand législateur de l’antiquité, Moïse fut élevé dans les temples de l’Égypte. Ainsi, dans la croyance des anciens, les Égyptiens auraient transmis aux Grecs et aux Hébreux cette science qui faisait l’objet d’une admiration générale.

Les hommes n’aperçoivent jamais qu’une partie de la vérité, et toujours l’erreur s’y mêle. Hérodote et Diodore, frappés des analogies qui existent entre l’Égypte et la Grèce, étendirent tellement ces rapports, qu’on les a accusés d’égyptomanie. Des savants modernes allèrent encore plus loin que les historiens, grecs dans la voie dangereuse des hypothèses sur la filiation des peuples. Non contents de revendiquer pour la sagesse égyptienne la gloire d’avoir civilisé le monde occidental par l’intermédiaire des Phéniciens et des Grecs[90], ils voulurent faire des Égyptiens les initiateurs de l’humanité tout entière. Il y dans l’Orient un peuple également célèbre par sa sagesse et la hante antiquité qu’il réclame ; les brahmanes furent transformés en disciples de l’Égypte[91]. On prétendit que la nation la plus originale, la plus exclusive, les Chinois, étaient une colonie égyptienne[92] ; Kircher trouvait une si grande ressemblance entre la Chine et l’Égypte, que la première lui parut être l’image de la seconde[93]. Les Chinois étant des Égyptiens, il n’y avait plus de difficulté d’admettre la même origine pour les Japonais et les Tartares[94]. L’Asie entière devenait ainsi une dépendance de la vallée du Nil. Le savant jésuite ne s’étonne pas de cette extension extraordinaire de la religion de l’Égypte ; mais ce qui lui semble extraordinaire, admirable, c’est qu’elle se soit propagée jusqu’en Amérique ; ne sachant comment expliquer ces rapports surprenants, il a recteurs a une puissance surnaturelle ; c’est l’ennemi du genre humain, le diable qui a, répandu les superstitions égyptiennes dans le Nouveau Monde[95]. Ces exagérations furent persiflées par le grand railleur du dix-huitième siècle. Voltaire, inspiré par le bon sens, déclara qu’il n’y a pas plus de parenté entre les Chinois et les Égyptiens qu’entre les Allemands et les Hurons ; que, s’il y a quelque analogie entre la religion de l’Inde et celle de l’Égypte, il se pourrait bien que les prêtres des deux peuples eussent été également ridicules, sans rien imiter les uns des autres[96].

L’influence exagérée qu’on attribuait à la sagesse égyptienne provoqua une inévitable réaction. Des écrivains allemands mirent une science profonde au service d’une opinion tout aussi paradoxale que celle des admirateurs de l’Égypte. A les entendre, la révélation explique la législation de Moïse : la civilisation hellénique, si elle n’est pas tout à fait autochtone, n’a du moins rien emprunté aux prêtres égyptiens[97]. Que resterait-il alors à l’Égypte ? quelle serait sa mission ? Un des peuples les plus remarquables qui aient paru dans le monde, y attrait vécu pendant des milliers d’années, et n’aurait laissé d’autres traces de son passage que des pierres, monuments de mort ! Une pareille opinion nous parait plus qu’erronée ; elle est en opposition avec les desseins de la Providence. La solidarité qui unit les membres du genre humain ne permet pas d’admettre que des individus ou des peuples passent suc cette terre sans que leur existence modifie celle de leurs semblables. L’Égypte n’est isolée qu’en apparence ; elle se lie à l’humanité par les idées[98].

 

NOTE III — Égypte. Science sacerdotale.

La science des prêtres égyptiens a été attaquée par deux écrivains français. L’estime que nous inspirent les connaissances profondes de Letronne et l’esprit ingénieux d’Ampère nous fait un devoir d’exposer succinctement des opinions que nous ne pouvons partager.

N° 1. Opinion de Letronne.

De la civilisation de l’Égypte depuis l’établissement des Grecs sous Psammétichus jusqu’à la conquête d’Alexandre (Revue des deux Mondes, 1845, Tomes I et II, éd. de Brux.).

Letronne admet comme un fait incontestable la continuité de la civilisation de l’Égypte, dans toutes ses branches, depuis la formation de son système graphique qui se perd dans la nuit des temps jusqu’à l’époque d’Alexandre. De ce fait il tire la conclusion que la prétendue sagesse sacerdotale n’a jamais dépassé la limite des sciences que les Égyptiens possédaient lors de la conquête macédonienne. L’imperfection des connaissances chez des disciples aussi intelligents que zélés est une preuve manifeste que les maîtres n’ont jamais été fort habiles. Le fondement de cette opinion est que les Égyptiens continuèrent après Psammétique, sous la domination des Perses, des Grecs et des Romains, à élever des monuments religieux et que rien dans ces monuments n’atteste une décadence de l’art et des sciences qui s’y rattachent (D’après, Wilkinson [Manners and Customs of the ancient Egyptians, T. III, p. 82 et suiv.], l’art égyptien était déjà en décadence lors de l’invasion persane.). La conquête persane, qui, dans l’opinion générale, aurait porté un coup mortel à la culture de l’Égypte (Ce sont les expressions de Wilkinson, T. I, p. 181, 194, 212.), n’a été oppressive que sous Cambyse et Artaxerxés ; mais rien ne prouve que l’Égypte persane ait souffert d’une manière sensible dans sa religion, ses arts et ses institutions civiles. Hérodote trouva la religion intacte, les castes en pleine vigueur. Platon dit positivement que l’art était resté le même depuis l’origine de la civilisation égyptienne.

Il est hors de doute que des monuments ont été élevés en Égypte sous la domination étrangère. Mais peut-on en induire la continuité de la civilisation égyptienne et notamment de la science religieuse ? Dans cette supposition il faudrait aller plus loin que Letronne et soutenir que sous l’empire des Ptolémées et des Romains, l’Égypte est restée la même. La culture égyptienne se serait donc évanouie subitement, à un instant donné, où l’on ne rencontre plus de monument contemporain. Telle n’est pas la marche naturelle des choses. La chute comme le progrès des civilisations a lieu par gradation et d’une manière insensible. La dissolution de l’Égypte sacerdotale était déjà accomplie lors, de la conquête des Perses : un peuple, dans la force de son développement, est prêt a conquérir, non à être conduis. Il est facile de à couvrir des marques de décadence antérieures à l’invasion de Cambyse. Les succès faciles obtenus par Psammétique (Niebuhr, Vorträg über alte Geschichte, T. I, p. 84.) avec quelques mercenaires grecs, démontrent que l’Égypte n’avait plus de forces vitales.

Le témoignage d’Hérodote invoqué par Letronne, prouva plutôt contre son système. L’Égypte théocratique n’existait plus dès lors. L’institution des castes, bien loin d’are intacte, était brise dans l’un de ses éléments essentiels ; les guerriers avaient émigré en masse ; l’influence du sacerdoce était détruite, la puissance des Pharaons ne reposait plus sur la religion, mais sur des soldats étrangers. Qu’importe que les rois d’Égypte aient permis aux prêtres d’élever des temples ? Ce n’était qu’un moyen de capter leur bienveillance ; mais l’esprit qui fait la force d’une institution abandonna le corps sacerdotal du jour oit il cessa de dominer. Tout en bâtissant des temples, les prêtres continuèrent à déchoir au point que du temps de Strabon, ils n’étaient plus que de ridicules cicérone (Strabon, XVII, p. 554, éd. Casaub.).

N° 2. Opinion d’Ampère.

Voyage et Recherchez en Égypte et en Nubie (Revue des deux Mondes, 1846, T. III).

Ampère est le seul voyageur égyptologue qui ait contesté la science des anciens Égyptiens. Le spirituel écrivain dit qu’il n’est pas suspect de prévention contre l’Égypte, qu’on ne pourra du moins lui reprocher de céder à cette manie si commune qui fait enfler à son auteur l’importance d’un sujet favori. Ampère n’aurait-il pas cédé à son insu à cette disposition d’esprit tellement naturelle qu’on la dirait invincible ? Ce qui le préoccupe, c’est de dévoiler la civilisation de l’ancienne Égypte par les monuments et surtout par les hiéroglyphes : les hiéroglyphes ne lui ont pas révélé la prétendue science des prêtres ; donc cette science est une chimère. Il est possible qu’on ait exagéré les connaissances positives des Égyptiens dans les sciences mathématiques et physiques. Cependant ce n’est pas dans le silence des hiéroglyphes que nous voudrions en chercher la preuve. L’auteur dit lui-même qu’il n’a pas trouvé de médecin sur les monuments de l’Égypte, qu’on ne sait pas encore comment médecin se disait en égyptien, et quelles hiéroglyphes servaient à désigner cette profession. Faut-il conclure de là qu’il n’y avait pas de médecins en Égypte ? Non, dit Ampère, mais que la médecine n’y était pas aussi en honneur et aussi cultivée qu’on le croit. Cependant Hérodote dit qu’il y avait chez les Égyptiens des médecins voués à l’étude de maladies spéciales ; Manéthon nous apprend qu’un Pharaon écrivit un livre de médecine. Le silence des hiéroglyphes ne prouve pas davantage contre la science sacerdotale. Les monuments sont muets sur les mystères ; mais si réellement l’y avait des mystères, ce n’était pas le cas de publier sur des monuments une chose qu’on voulait tenir cachée.

 

NOTE IV — De la Théologie égyptienne.

L’incertitude règne encore sur la religion égyptienne. Les systèmes des philosophes et des savants ne sont que des hypothèses. Nous en mentionnerons deux, que recommandent le nom et la science de ceux qui les ont émises :

N° 1. Système de Leroux

(Trilogie sur l’Institution du Dimanche, dans la Revue Sociale, T. III, p. 35 et suiv.).

Leroux explique toutes les religions par la Trinité. C’est le dogme de la Trinité qui d’après lui est l’essence de la religion égyptienne. La révélation de Moïse a consisté à vulgariser cette vérité Le philosophe français fonde son opinion plutôt sur une conception métaphysique que sur des témoignages historiques. Les prêtres d’Égypte étaient les savants de l’Humanité a cette époque. Il y avait donc une science religieuse cultivée en Égypte. Cette science devait avoir pour objet la vie, puisque c’est l’objet de toute philosophie. Il y a tout lieu de supposer que les prêtres ne possédaient pas seulement une fausse science, mais qu’ils possédaient dans une certaine mesure la science véritable. C’est une impiété et une injure à l’Humanité que de voir en eux des imposteurs. C’est encore se faire une idée erronée des religions anciennes que de supposer qu’elles furent uniquement empruntées à la nature, aux phénomènes externes, aux sens : C’est l’être en nous, la pensée en nous, la vie subjective en un mot qui a créé les religions, voilà pourquoi nous croyons que la vie subjective étant arrivée, dès une très haute antiquité, à l’intuition du dogme de la Trinité, c’est ce dogme qui ensuite a créé toutes les Religions. Ce n’est pas Moïse, qui a inventé la religion, elle existait avant lui. Il nous a transmis la Genèse ; ce n’est pas lui qui l’a inventée. Il n’a donc pas inventé le mythe d’Adam, pas plus qu’il n’a inventé le nom de Jéhova. La religion était inventée avant lui ; le dogme de cette charité qui relie tous les hommes en Dieu préexistait à sa révélation ; le dogme de la Trinité divine préexistait également. Moïse n’a été révélateur à cet égard qu’à titre de vulgarisateur. Il est venu, animé de l’esprit divin, porter aux castes inférieures ce que l’esprit divin avait déjà révélé à d’autres hommes avant lui. Mais ces prédécesseurs de Moïse, où les trouver dans le passé antérieur à Moïse, si nous ne les cherchons pas dans les temples de l’Inde, de l’Égypte et de la Babylonie ?

Le système de Leroux est fondé, nous ne dirons pas sur des probabilités, mais sur des possibilités ; c’est une hypothèse bâtie sur des hypothèses. Cependant, chose remarquable, l’intuition métaphysique du philosophé est d’accord avec les recherches d’un savant allemand, basées sur les témoignages cde l’antiquité et les monuments de l’Égypte.

N° 2. Système de Röth.

Un philosophe allemand, animé par l’amour de la science, s’est livré avec passion à l’étude des antiquités égyptiennes. Röth a déposé le fruit de ses consciencieuses recherches dans son Histoire de la Philosophie Occidentale. Mous croyons avec lui que la science égyptienne n’est pas une chimère, mais nous n’avons pas qualité pour porter un jugement sur son système. C’est aux égyptologues à décider si les inductions tirées des monuments, des inscriptions par le savant allemand sont fondées sur une saine interprétation. Nous devons nous borner à donner, une idée des résultats auxquels il est parvenu.

Les Égyptiens reconnaissaient une divinité suprême ; mais ils concevaient cette divinité comme un composé de quatre êtres incréés, infinis, l’Esprit, la Matière, de Temps, l’Espace. C’est la célébré trinité égyptienne que Pythagore emprunta à l’Égypte, que Platon développa ; et qui devint, sous une nouvelle acception, une des bases du Christianisme. Mais l’unité divine, dans ce système, n’est qu’apparente. Les quatre êtres qui forment le Dieu suprême ne sont pas, comme dans le Trinité chrétienne, des personnes unies dans un même Dieu, mais quatre Dieux. Cette erreur est le principe de la variété infinie qui règne dans le polythéisme égyptien. D’un autre côté, Dieu n’est pas créateur de l’univers, puisque la matière est coéternelle avec l’esprit. La matière coexistant dans la Trinité, la religion de l’Égypte est au fond un véritable panthéisme.

Quelle est la destinée de l’humanité dans la doctrine sacerdotale ? Les hommes sont des âmes déchues qui, pour expier leurs fautes, sont enfermées dans les corps comme dans une prison et sont condamnées à des existences successives, même dans des corps d’animaux, jusqu’à ce que l’expiation soit accomplie. Mais les esprits, purs dans le principe, reviendront à leur pureté primitive : les peines auxquelles les coupables sont soumis ne sent pas éternelles, le salut final est assuré à toutes les créatures. Lorsque la création intellectuelle sera rentrée dans l’harmonie, la terre, les corps n’auront plus de raison d’être, ils se confondront en Dieu.

 

 

 



[1] Hérodote, II, 35.

[2] Donon, Voyage en Égypte, T. II, p. 27 (édit. in-12°). Comparez Description de l’Egypte (ou Recueil des Observations et des Recherches qui ont été faites en Égypte pendant l’expédition de l’armée française, édit. de Panckoucke, in-8°), ch. X, § 1 (T. III, p. 287).

[3] Description de l’Égypte, ch. XVIII, Sect. 3, § 1 (T. V, p. 599).

[4] Champollion fut étourdi et comme foudroyé à l’aspect des ruines de Karnak : Les Égyptiens n, écrivait-il, concevaient en hommes de cent pieds de haut ; l’imagination qui en Europe s’élance bien au-dessus de nos portiques, s’arrête et tombe impuissante au pied des cent quarante colonnes de la salle de Karnak.

Belzoni dit que Thèbes a été plutôt la cité des géants que celle des hommes (T. I, p. 7, 52, 242, 243 de la traduction française).

Ampère, à la vue de Thèbes s’écrie : C’est Rome en grand (Voyages et Recherches en Égypte et en Nubie, Revue des deux Mondes, 1847, T. IV, p. 799).

Le plus universel des géographes, Rider, après s’être enquis de tous les monuments de la Grèce et de Rome, de l’antiquité et des temps modernes, avoue qu’il n’y en a aucun qui puisse être comparé aux ruines de Thèbes (Géographie, Afrique, p. 416 de la traduct. française). Hérodote avait déjà porté le même jugement sur le Labyrinthe et les Pyramides, comparés aux monuments de la Grèce (Hérodote, II, 148).

[5] Plutarque, De Isid., c. 9.

[6] Diodore, I, 10.

[7] Hérodote dit que la couleur des Égyptiens est noire, et leur chevelure crépue (II, 104).

[8] C’est en se fondant sur cette ressemblance que Volney soutient que les anciens Égyptiens étaient de vrais nègres, de l’espèce de tous les naturels de l’Afrique (Voyage en Égypte, T. I, État politique de l’Égypte, ch. I).

[9] Heeren, Aegypten, Sect. I. Supplem., p. 853, 854. Cette opinion est suivie par Von Bohlen (Das alte Indien, T. I, p. 48 et suiv.) et Lœbell (Die Weltgeschichte in Umrissen, T. I, p. 285). — Sharpe (History of Egypt) dit que les Égyptiens sont un mélange de trois races.

[10] Ampère, Des Castes dans l’ancienne Egypte (Revue des deux Mondes, 1848, T. III, p. 847, 858) : Sur les murs des temples et des tombeaux, rois, sujets, prêtres, guerriers, offrent le même type physique. La coloration de leur peau est semblable, nulle différence physionomique n’atteste  une variété de race. Si une variété de race eût existé, l’art égyptien qui accuse si nettement dans les captifs le type africain et le type asiatique, n’aurait pas manqué de la reproduire ici.

[11] Ampère, Voyage et Recherches en Egypte, Revue des deux Mondes, 1848, T. II, p. 48). Telle est aussi l’opinion de Champollion (L’Égypte, par Champollion Figeac, p. 28, 27) et de Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, T. I, p. 2, 3.

[12] Heeren croit que l’Éthiopie est le berceau de la civilisation égyptienne ; il retrouve dans l’empire théocratique de Méroé, la langue, l’écriture, la religion, les arts de l’Égypte (Heeren, Aegypten, p. 855, 856). La tradition qui attribue à Méroé la fondation des plus anciens états de l’Égypte lui fait supposer que celle-ci a été civilisée par des colonies sacerdotales venues du Midi (Heeren, Ethiopiens, Sect. II, ch. 2). — Champollion partage ce sentiment (Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, p. 458, 459).

La constitution physique de la vallée du Nil atteste que la race égyptienne a dû descendre successivement le cours du fleuve, mais il ne paraît pas que la civilisation ait suivi la même marche. Les monuments de l’Éthiopie qu’on avait crus le type primordial de ceux de l’Égypte sont au contraire plus récents (Wilkinson, Manners and Customs, T. I, p. 4, 5) ; d’après Ampère (Voyage et Recherches en Égypte, Revue des deux Mondes, 1848, T. II, p. 48, 49), leur construction ne saurait être reportée au-delà de l’époque grecque. Le témoignage de Manéthon confirme cette opinion ; le royaume de Memphis commence à la IVe dynastie, celui de Thèbes à la XIe ; Memphis a précédé Thèbes, l’Égypte a civilisé l’Ethiopie. La parenté des Égyptiens et des Éthiopiens est du reste incontestable ; ils étaient unis par le plus fort des liens, la religion (Rosellini, Monumenti storici dell’ Egitto, T. III, 2e Part., p. 86, 189). — Comparez Lœbell, Die Weltgeschichte in Umrissen, T. I, p. 290.

[13] Vita Apollon., III, 6 ; VI, 8.

[14] Marsham, Canon. chronic., p. 835.

[15] Letronne a rassemblé les preuves de cette assimilation de l’Inde et de l’Ethiopie (Recueil des Inscriptions grecques et latines de l’Égypte, T. II, p. 37-40 ; Journal des Savants, 1842, p. 665-667). Elle remonte au partage qu’Homère fait des Éthiopiens en orientaux et en occidentaux. Les premiers poètes tragiques lièrent à cette idée les notions confuses qu’ils avaient acquises sur l’Inde et s’imaginèrent que le Nil y avait sa source. De là la méprise d’Alexandre qui prit l’Indus pour le Nil. Les grammairiens et les poètes d’Alexandrie contribuèrent à propagera confusion des noms d’Ethiopie et d’Inde. On en trouve des traces dans les poètes du siècle d’Auguste, Virgile, Horace, Ovide, Tibulle, Properce. L’historien Josèphe dit que l’Égypte avec ses dépendances, c’est-à-dire ses établissements sur la Mer Rouge, est contiguë à l’Inde. Le nom d’Inde passa dès lors dans le langage historique et même administratif ; on le trouve sur des inscriptions pour désigner l’Éthiopie.

[16] Polier, Mythologie des Indous, T. I, Introduction, p. 51 et suiv.

[17] La parenté des deux races a reçu, en apparence du moins ; une singulière confirmation dans les guerres de la révolution. Des Indiens, transportés en Égypte avec les armées anglaises, se sont crus dans leur patrie, en présence des monuments égyptiens, et se sont mis à adorer les images des dieux du Nil (Bibliothèque britannique, T. XXXVIII, p. 208 et suiv.).

[18] Benjamin Constant, De la Religion, livre VI, ch. 5. — Heeren, Indiens, Sect. II (T. II de la trad. fr., p. 446 et suiv.) — Creuzer, Symbolik, T. I, p. 415, 416.

[19] Hérodote, II, 128.

[20] Polier, Mythologie des Indous, T. II, p. 12.

[21] Meiners, Commentatio de veterum Aegyptiorum origine, dans les Comment. Societatis Gœtting., T. X, p. 57-59. — Heeren, des Indiens, Sect. II. (T. III, p. 442-454) ; Aegypten, Sect. II. — Creuser, Symbolik, T. I, p. 415 et suiv. — F. Schlegel, Ueber die Sprache und Weisheit der Indier, p. 112. — Ritter, Dic. Vorhalle europaischer Völkergeschichten, p. 814. — Goerres, Mythengeschichte, T. II, p. 435, 486. — Leo, Universalgeschichte, T. I, p. 80, 81. - Raumer, Vorlesungen über die alte Geschichte, T. I, p. 89. — Von Bohlen, Das alte Indien (la parenté des civilisations de l’Inde et de l’Égypte est l’idée dominante de ce savant ouvrage). — Jones, Asiatic Researches (T. I, pp. 18 de la traduction allemande). — Maurice, Indian antiguities, T. II, pp 182-215 ; T. III, p. 56-199, 225-259. — Wilfrord, Asiatic Researches, T. III, p. 300-236. — Cette opinion, abandonnée aujourd’hui par les égyptologues, se trouve encore dans des ouvrages récents : Cantu, Histoire Universelle, T. I, p. 468-472. — Munk, Palestine, p. 153.

[22] Von Bohlen, le partisan le plus décidé de la filiation indienne, a fini par abandonner son opinion (Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 3, note).

[23] La haute antiquité des Égyptiens a été longtemps rejetée comme fabuleuse ; elle est attestée aujourd’hui par des témoignages irrécusables. Un savant français (Lesueur, Chronologie des rois d’Égypte, p. 299 et suiv.) admet que la civilisation égyptienne remonte à lus de dix mille ans. En s’en tenant aux dates certaines, là chronologie égyptienne est authentique dès l’époque de Ménès, quatre mille ans avant notre ère ; il faut supposer au moins un millier à années avant. Ménès pour le développement d’une culture qui avait atteint son plus haut degré, lors de la construction des Pyramides (1430 ans avant notre ère). L’histoire certaine de l’Orient (des Chinois, des Indiens, des Babyloniens) ne va pas au delà de 2300 à 2500 ans, avant J.-C. (Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 8 et suiv.).

[24] Par une coïncidence remarquable, la date de ce déluge est à peu près la même chez tous ces peuples. Lepsius, Chronol. der Aegypt., T. I, p. 20, 21.

[25] Ewald, Geschichte des Volkes Israël, T. I, p. 304, 305.

[26] Tous les peuples de l’Orient se servaient du même calendrier ; ils avaient des mois lunaires et des semaines de sept jours. Lepsius, Chronol. der Aegypter, T. I, p. 21, 22.

[27] L’année des Égyptiens est l’année solaire, leurs semaines sont de dix jours. Lepsius, Chronolog. der Aegypt., T. I, p. 21-24.

[28] Telle est l’opinion de Röth (Geschichte unserer abendlandischen Philosophie, T. I, p. 82, 84). Il place le berceau de la race éthiopienne et égyptienne, ainsi que des Babyloniens et des Phéniciens sur le plateau de l’Abyssinie.

[29] Lepsius (Chronologie der Aegypter, T. I, p. 33-39) a mis dans tout son jour ce trait caractéristique des Égyptiens. Le sol de l’Égypte est couvert de monuments. Toutes les villes avaient leurs palais et leurs temples, ou leurs sanctuaires ornés des statues des dieux et des rois et des sculptures les plus variées. Les constructions monumentales étaient un privilège et une gloire de la royauté ; les particuliers, animés du même esprit, élevaient des tombeaux. Ce qui distingue ces monuments de ceux des autres peuples, c’est qu’ils semblent bâtis pour l’éternité ; le climat favorise leur conservation, mais les bommes venaient en aide à la nature par la solidité de leurs travaux. Ces ouvrages attestent le sens historique des Égyptiens ; ils sont tous littéralement couverts d’inscriptions. On reproche aux peuples modernes l’abus de l’imprimerie ; si nous avons la manie des livres, les Égyptiens avaient celle des inscriptions ; il n’y avait pas de colosse, pas d’amulette ; pas de meuble qui ne portât au moins le nom de son propriétaire. L’Orient offre un spectacle différent. Les Indiens sont entièrement dépourvue de sens historique ; les brâhmanes furent longtemps hostiles à tout monument. Ailleurs la lente action du temps, favorisée de l’humidité de l’air, dissolvait pour ainsi dire les constructions.

[30] Layard, Nineveh and its Remains, T. II, p. 225. Tant que les inscriptions qui couvrent les monuments assyriens n’auront pas été déchiffrées, il sera impossible de préciser avec quelque probabilité l’époque à laquelle remonte l’histoire de l’Asie. Dès maintenant on peut affirmer que cette époque est plus ancienne qu’on le croyait. Les constructions, les sculptures, les emblèmes trouvés dans les ruines de Ninive n’appartiennent pas tous à une même civilisation ; des palais ont été bâtis avec des débris d’édifices (Layard, T. II, p. 201, 202), des tombeaux sont placés sur des ruines de palais (Ibid., T. II, p. 119-121). L’Asie a donc été le siège d’antiques Empires. Les monuments sont d’accord avec les traditions historiques qui nous restent sur un empire assyrien remontant à plus de deux mille ans avant notre ère. (Morers a recueilli tous les témoignages des auteurs anciens sur cet empire. Die Phœnizier, T. II, Ire partie, p. 259-272). Qu’étaient-ce que ces Assyriens ? Leur nom qui couvre aujourd’hui toutes les dominations primitives, cache probablement l’ignorance de l’antiquité. Quels que soient les peuples qui se sont rencontrés dans les plaines de l’Asie, l’existence d’une ancienne civilisation asiatique paraît résulter des découvertes faites à Ninive.

Nous ajouterons que, d’après une opinion très répandue dans l’antiquité, les mages étaient plus anciens que les Egyptiens. C’était l’opinion Aristote, de Hermippus qui a écrit une monographie sur les mages, d’Eudoxe et de Théopompe (Diogène Laërte, I, 8).

[31] Bunsen, Aegypptiens Stellung in der Weltgeschichte, T. I, p. 515. — Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I. — Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, T. I, p. 3.

[32] Lassen, Indische Alterthumskunde, T. I, p. 15. — Von Bohlen, Das alte Indien, T. II, p. 455-461. — Nève, Introduction à l’étude des littératures orientales, p. 54.

[33] Rien ne jette un plus grand jour sur l’origine cachée des peuples que la comparaison des langues (Leibnitz).

[34] Diodore, I, 81.

[35] Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 223. Lepsius observe encore que le mot μνά, mina, qui existe dans toutes les langues de l’antiquité, se trouve déjà dans une inscription hiéroglyphique du XVIe siècle. L’aune égyptienne, qui est identique avec l’aune babylonienne, est représentée sur des monuments de la IVe et de la Ve dynastie (3400 ans avant notre ère).

[36] Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 222.

[37] Diodore, I, 28.

[38] Lucian., De Syria Dea, § 2.

[39] Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 231.

[40] Telle est aussi l’opinion de Letronne (Origine du Zodiaque grec, p. 58). Comparez Lœbell, Die Weltgeschichte in Umrissen, T. I, p. 286.

[41] L’existence des castes chez les Égyptiens n’avait pas été révoquée en doute jusqu’à nos jours. Mais on dirait que les résolutions scientifiques au XIXe siècle marchent de pair avec les révolutions politiques. Rosellini le premier remarqua (Monumenti civili, T. III, p. 210-217) que les monuments ne s’accordent pas avec l’idée qu’on se fait de la division du peuple égyptien en castes ; la barrière n’était pas aussi infranchissable qu’on le suppose ; le mariage était permis entre les castes dominantes, les guerriers et les prêtres pouvaient passer d’un ordre dans l’autre. Un littérateur français que la passion de la science a conduit en Égypte alla plus loin et soutint qu’il n’y avait pas de castes dans l’ancienne Égypte, en prenant ce mot dans un sens rigoureux (Ampère, Des Castes dans l’ancienne Égypte, Revue des deux Mondes, 1848, T. III, p. 645-652). Un fait résulte des observations d’Ampère, c’est que la séparation entre les prêtres et les guerriers n’était pas aussi absolue que dans l’Inde ; mais ses recherches mêmes prouvent que les deux castes supérieures étaient profondément séparées des castes inférieures. Les fonctions civiles (religieuses) et militaires sont les seules qui soient mentionnées dans les Inscriptions, les professions de laboureur, d’artisan ne se sont pas rencontrées jusqu’ici sur les monuments funéraires ; le genre d’honneur qui consiste à montrer le mort recevant les hommages de sa famille et adorant les dieux n’est jamais accordé qu’aux fonctions civiles et militaires. Cette exclusion des classes inférieures est d’une grande importance ; elle prouve qu’il y avait dans l’institution des castes égyptiennes, comme dans celles de l’Inde, un principe religieux.

[42] Sur les castes égyptiennes, voyez Hérodote, II, 86, sqq., 184, sqq. ; Diodore, I, 69, sqq. Les historiens anciens ne sont pas à accord sur les détails ; mais ces différences tiennent à des énumérations incomplètes ou à des subdivisions qu’on a méconnues ; il n’y en a pas dans les traits généraux.

[43] Hérodote, II, 141, 147.

[44] A Méroé même, les rois finirent par secouer avec violence le joug des prêtres (Strabon, Lib. XVII, p. 566, éd. Casaub.).

[45] Ampère, dans la Revue des deux Mondes, 1848, T. III, p. 648. — Rosellini avait déjà fait la même observation ; cependant le savant égyptologue ne donne pas cette confusion comme la règle ; il croit que, surtout dans la caste des guerriers, il était seulement permis aux chefs d’entrer dans l’ordre sacerdotal ; il concilie de cette manière les témoignages des monuments avec les récits des auteurs anciens, qui disent positivement que la caste des guerriers était exclusivement vouée au service des armes, de père en fils (Hérodote, II, 166).

[46] Hérodote les appelle γένεα, terme dont il se sert habituellement pour désigner les différentes tribus d’un peuple (Hérodote II, 164 ; cf. I, 101, 125. — Heeren, Aegyptien, Sect. I, p. ôgffl49).

[47] Hérodote, II, 39.

[48] Diodore, I, 77. Nous citerons encore la loi qui défend au créancier de porter atteinte à la liberté personnelle du débiteur. Les Égyptiens sont peut-être le seul peuple de l’antiquité qui n’ait pas admis l’emprisonnement ou la servitude pour dettes (Diodore, I, 79).

[49] Diodore, I, 83. Les historiens et les philosophes se sont épuisés en conjectures pour expliquer cette adoration d’êtres dénués de raison par l’homme, que nous sommes habitués à considérer comme le maître de la Création (Benjamin Constant, De la Religion, livre VI, ch. 4). On s’efforçait de trouver un sens caché, symbolique à un culte dont on ne pouvait concilier la grossièreté avec la civilisation égyptienne. Il eut été plus naturel de ne pas attribuer à la civilisation ce qui est le fruit de la barbarie. Les voyageurs ont trouve le culte des animaux dans toute l’Afrique, depuis l’Éthiopie jusqu’au Sénégal, chez des peuples tout à fait sauvages. N’est-il pas probable que les habitants indigènes de l’Égypte partageaient une superstition généralement répandue parmi des populations appartenant à la même race et habitant le même continent ? (Heeren, Aegypten, p. 636. — Creuser, Symbolik, T. I, p. 131, 3e édit. — De Pauw, Recherches philosophiques sur les Égyptiens, T. II, p. 140). Cette superstition était tellement enracinée qu’il eut été dangereux pour le sacerdoce d’en tenter la destruction ; peut-être aussi la politique des prêtres y vit-elle un moyen de dominer ; toujours est-il qu’ils ouvrirent leurs sanctuaires à ces ignobles divinités. Cette hypothèse explique non seulement l’origine du culte des animaux, mais aussi la diversité de ceux qu’on adoraient dans les différentes provinces de l’Égypte. Chaque sauvage a son fétiche, il faut déjà un progrès dans la sociabilité pour que d’individuelles, les idoles deviennent communes à une tribu, à une cité. Les animaux, objet, de l’adoration, devaient donc varier une ville à l’autre. Tel était encore l’état de la religion populaire, lorsque Hérodote visita l’Égypte.

[50] Plutarque dit que les sphinx sont le symbole de la philosophie égyptienne (De Isid., c. 9).

D’après Clément d’Alexandrie, la science des choses divines n’était communiquée qu’aux rois et à ceux des prêtres qui se distinguaient par leur éducation, leur sagesse et leur naissance (Stromates, V, 7, p. 508 [670]).

Origène attribue également aux prêtres une science des choses divines, enseignée dans les mystères, tandis que la masse du peuple ne connaissait que les fables (C. Celse, I, 12 ; De princip., III, 3).

[51] Real Encyclopædie der classischen Alterthumswissenschaft, au mot Aegyptische Religion, T. I, p. 101, 110. C’est d’après ces sources que Creuser a cherché à reconstruire les dogmes égyptiens. (Symbolik, T. II, ch. 3, 3e édition).

[52] Bæhr, dans la Real Encyclopædie der Alterthumswissenschaft, au mot Hermès, 1209-1214. — Egger, dans le Dictionnaire des Sciences philosophiques, T. III, p. 77-83.

[53] Le plus célèbre défenseur de la sagesse égyptienne est le théologien anglais Cudworth, qui se fit une arme de la religion égyptienne contre l’incrédulité de ses contemporains (Systema intellectuate, c. IV, § 8).

[54] Kircher, Oedipus Aegyptiacus, p. 115.

[55] Cudworth, p. 371.  Comparez Kircher, Oedip. Aegypt., Préface de Schott.

[56] Joblonski, Pantheom Aegyptiorum Prolegomena, p. 48. Cf. Jablonski, Pantheon, P. I, p. 38-41, 81-82. Cudworth, Systema, T. I, p. 371 ; Kircher, Oedip. Aeg., T. I, p. 147, 149.

[57] Cudworth, d’après Jamblique (De myster. Aegypt. VIII, 3), p. 412, 413. — Kircher, Oedip. Aegypt., T. I, p. 154 ; — Maurice, Indian Antiquities, T. IV, p. 294-326.

[58] Kircher a là-dessus toute une histoire, qu’il rapporte sans manifester le moindre doute, comme s’il s’agissait d’un fait contemporain, authentique. Thaut ou Hermès était disciple des patriarches ; le savant jésuite donne l’année, presque le jour de la naissance de ce sage que Dieu envoya au genre humain encore inculte pour l’instruire. Il fut initié à la vérité par Noë et ses descendants ; après avoir passé quelque temps en Italie, il alla en Egypte, où régnait alors le roi Mizraïm ; il lui enseigna la science et la politique qui servirent de base à la constitution égyptienne (Oedip. Aegypt, T. I, p. 114, 115). Comparez Jablonski, Pantheon Aeg. Prolegom, p. 16. — Wilkinson a reproduit, au moins les idées fondamentales de Kircher, de Cudworth et de Jablonski (T. IV, p. 185-188).

[59] Zoëga, De origine et usu obeliscorum, 1797.

[60] L’abbé Pluche, Histoire du ciel, 1758.

[61] Dupuis, De l’origine des cultes. — Gatterer, De theogonia Aegyptisca, dont les Comment. Soc. Gœtting. T. VI. — Voyez l’analyse de ces divers systèmes, dans la Real Encyclopædie der Alterthumswissenschaft, T. I, p 116-120.

[62] Haakh, dans la Real Encyclopædie der Alterthumswissenschaft, au mot Aegyptische Religion. — Prichard, Darstellung der ægyptischen Religion, ühersetzi von Haymann. — Voir Limburg Browwer, Gedachten over het verband tusschen de godsdienstige en zedelyke beschaving der Egyptenaren.

[63] Sur les systèmes d’Ampère et de Letronne, voyez la Note III, à la fin du chapitre.

[64] D’après Champollion, la religion égyptienne est un monothéisme se manifestant extérieurement par un polythéisme symbolique. (Champollion Figeac, l’Égypte, p. 245 et suiv.).

[65] Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, T. I, p. 273, T. IV, p. 164.

[66] Rosellini, Monumenti storici dell’ Égitto, T. I, Introduzione, p. III.

[67] I Rois, IV, 30.

[68] Hérodote, II, 160 Les Éléens se vantaient d’avoir établi les lois les plus justes pour les jeux olympiques, ils s’imaginaient que les Égyptiens mêmes, quoique réputés les plus sages de tous les hommes ne pourraient rien inventer de mieux. Ils envoyèrent une ambassade en Égypte, pour savoir si les Égyptiens sauraient faire des règles plus équitables. Le Roi convoqua ceux des Égyptiens qui passaient pour les plus sages, et il fut répondu aux Grecs que leur règlement qui admettait les citoyens d’Elée à combattre violait l’équité, parce qu’il était impossible que des juges éléens ne favorisassent pas leurs concitoyens, au préjudice des étrangers.  (Comparez Diodore, I, 95).

[69] Tous les écrivains grecs les représentent comme des philosophes. Diodore, passim — Isocrate, Busiris laud., §§ 21, sqq. Strabon, XVII, p. 541, 544, 561, éd. Casaub. — Dion Chrysost., Or. XLIX, p. 538, C, éd. Morellus. — Porphyre, de Abstinent., II, 5, 26.

[70] Plutarque, De Isid. et Osir., 10. Voyez plus bas, Ch. III, § 2, n° 2.

[71] Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 4548.

[72] Diodore, I, 49.

[73] Lepsius (Chronologie der Aegypter, T. I, p. 88-30) a découvert les tombeaux de deux bibliothécaires de Ramsès Miamoun.

[74] Clément d’Alex., Stromates, I, 15, p. 359, éd. Potter.

[75] Chærem. ap. Porphyre, de Abstin., IV 8.

[76] Hérodote, II, 87.

[77] Hérodote II, 4. — Lucien dit que les Égyptiens ont eu les premiers la connaissance des dieux.

[78] Hérodote, II, 58.

[79] Hérodote, II, 123. Un oracle d’Apollon, rapporté par Eusèbe (Præpar. Evang., IX, 10), reconnaissant les bienfaits de ces hautes vérités propagées par les Égyptiens, les place au-dessus de toutes les autres nations.

[80] Plutarque, De Isid. et Osir., c. 9.

[81] Mosheim sur Cudworth, T. I, p. 398, note 123.

[82] Voyez la Note IV à la fin du chapitre.

[83] Le traité de Plutarque sur Isis et Osiris a pour objet de montrer que les Égyptiens adoraient un seul Dieu (c. 2. — Comparez Jamblich., De Myster. Aegypt., VII, 2 ; VIII, 3). Y a-t-il dans leur conception de Dieu un progrès sur les dogmes de l’Orient ? Nous devons le présumer, puisque l’organisation sociale de l’Égypte, bien que semblable à celle de l’Inde, contient le germe d’une idée qui distingue profondément l’Orient de l’Occident. L’idée de l’égalité religieuse suppose celle de l’unité des hommes en Dieu. Cette doctrine qui est le fondement du Mosaïsme, aurait-elle été conçue dans les temples de l’Égypte ? Voyez le livre des Hébreux, ch. I.

[84] Sur l’immortalité de l’âme, voyez le témoignage d’Hérodote, II, 135. Mais quelle est l’idée précise que les Égyptiens attachaient à l’immortalité ? Cette question a donné lieu aux plus vives discussions, et le doute règne encore. Cependant il paraît résulter des études faites sur les monuments que la conception égyptienne est supérieure à celle de l’Inde. La métempsycose indienne est une loi fatale qui aboutit à la confusion de l’âme en Dieu ou au néant. D’après la doctrine égyptienne telle qu’elle et interprétée par Rosellini, l’âme conserve son individualité vis-à-vis du Créateur (Rosellini, Monumenti Civili, T. III, p. 283-333). Saint Augustin dit que les Égyptiens seuls parmi les anciens croyaient à la résurrection (Serm. CCCLXI, De resurrect. mort., c. 121). Comparez Hegel, Vorlesungen über die Philosophie der Religion, T. I, p. 437.

[85] Telle est l’idée que Schiller donne de la doctrine secrète enseignée dans les mystères. Voyez sa belle dissertation sur la Vocation de Moïse (Œuvres, T. XV, p. 10-16, édit. de Carlsruhe).

[86] Diodore, I, 13, 14.

[87] Diodore, I, 13-20, 27.

[88] Plutarque ajoute que ces conquêtes ne furent pas l’ouvrage de la violence, mais le fruit de la persuasion et de l’enseignement (De Isid. et Osir., c. 19).

[89] C’est la conjecture de Heeren (Aegypten, IIe sect., p. 562). — Les savants qui n’admettent pas que l’Égypte ancienne ait été en rapport avec la Grèce disent que cette partie du mythe d’Osiris date de l’époque où les Pharaons entrèrent en rapport avec les Grecs (Klausen, dans l’Encyclopédie d’Ersch, au mot Osiris, Sect. III, T. 6, p. 271).

[90] Jablonski, Pantheon Aegypt. Proleg., p. 8, seq. — Kircher dit que les Grecs et les Romains étaient les singes de l’Égypte (Oedip. Aejgypt., T. I, p. 142). Une partie de son ouvrage (Syntagma, V) est intitulée : Simia Aegyptia, sive de idolatriæ ægyptiacæ ad aliorum Barbararum gentium idolatriam affinitate ; et quomodo exteræ gentes Aegyptiorum ritus nullo non tempore affectarint.

[91] Jablonski, Pantheon Aegypt. Proleg., p. 20, 98, 100 ; I, 285 ; III, 201. — Kischer, Oedip. Aegypt., I, 412.

[92] De Guignes, mémoire dans lequel on prouve que les Chinois sont une colonie égyptienne.

[93] Oedip. Aegypt., T. I, p. 403 : Alteram Aegypti faciem.

[94] Kircher, Oedip. Aeg., p. 408.

[95] Kircher, Oedip. Aeg., p. 417.

[96] Fragments historiques sur l’Inde, art. VI et XXXV. — De Pauw écrivit ses Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les Chinois pour réfuter le paradoxe de l’origine égyptienne des Chinois (Préface, p. 14 et suiv.).

[97] Voyez plus bas, ch. III, § 2, n° 1.

[98] Ewald, Geschichte des Voltes Israël, T. I, p. 441.