QUELLE sorte de
jeune fille était pour l'observateur celle qui, le 23 février 1429,
chevauchait par la porte de France pour conduire à bonne fin sa grande
entreprise ? Même d'après la tradition anglaise, Jeanne d'Arc était une belle
personne. Dans le Henri VI de Shakespeare (Ière
partie, acte Ier, scène II), Jeanne explique sa beauté par un miracle.
Notre-Dame lui est apparue, And, whercas I was black end swart before, With these clear rays which she infused on me That beauty am I bless'd with which you see. Tandis que mon visage était noir et halé. Les clairs rayons qu'elle a répandus sur moi M'ont donné cette beauté bénie que vous voyez. Dans ce vieux drame du Mistère du Siège d'Orléans, les capitaines la dépeignent ainsi : Elle est plaisante en faits et dits, Belle et blanche comme la rose. On peut suggérer la beauté à la façon d'Homère, sans
détails, comme quand les Troyens disaient en parlant d'Hélène : Elle ressemble à merveille aux déesses divines et
immortelles. C'est ainsi que Jeanne est représentée dans le genre
homérique dans une lettre écrite à sa mère par le jeune chevalier Guy de
Laval : Semble chose toute divine de son faict, et de
la voir et de l'ouïr. D'autres témoins nous apprennent qu'elle était
belle et bien formée, qu'elle avait le visage heureux et souriant, le cou et
la poitrine bien développés, les cheveux coupés court comme ceux d'un soldat.
Pour ce qui est de ses yeux et ses traits, à défaut de renseignements, nous
pouvons nous les imaginer à notre guise. Les yeux étaient probablement gris,
et le teint clair et pâle, sous le hâle du soleil et du vent. Elle était
assez grande pour porter des habits d'homme, ceux de Durand Lassois par
exemple. Aussi, avec son air naturel de gaieté et ses larmes d'avril toujours
prêtes, Jeanne était une jeune fille sur laquelle s'arrêtaient complaisamment
les regards des hommes et qu'ils suivaient avec confiance. Dans une jolie phrase Chaucer nous la montre : Sweet as a flower and upright as a bolt[1]. Il n'existe point de portrait d'elle. Elle n'a jamais posé devant aucun peintre, et les images populaires, dues à la mémoire ou à l'imagination, sont pour la plupart récentes ou apocryphes. Sa santé était parfaite et elle prouva que son énergie était infatigable. Elle semblait avoir appris de ses saintes gracieuses et couronnées, ses manières courtoises de parler et de saluer. Elle aimait un bon cheval, un vaillant chevalier et une bonne épée, et il lui plaisait d'être richement vêtue. Mais quand enfin elle se présenta devant son gentil dauphin, elle portait un pourpoint noir auquel des galons et des agrafes rattachaient une sorte de chausses, une courte tunique grossière en gris foncé et un chapeau noir sur ses cheveux coupés court. Il est vraisemblable que c'est l'habillement avec lequel elle était partie à cheval de Vaucouleurs. Chevauchant de nuit sur les routes infestées de Bourguignons, d'Anglais et de capitaines pillards, Jeanne n'avait pas plus de crainte au sujet de ces routiers que de soucis sur l'attitude de ses compagnons. Baudricourt leur avait fait jurer, dit-elle, qu'ils la guideraient convenablement. Grâce à ce serment, à leur chevalerie, à la bonté qu'ils voyaient en elle, ces deux gentilshommes ont donné le témoignage qu'ils accompagnèrent Jeanne, aussi dégagés de tout sentiment de passion, que si elle eût été leur sœur. Au pis aller, c'était leur intérêt d'amener saine et sauve à leur roi la vierge prophétesse qu'on leur avait confiée. La petite troupe cheminait toute la nuit pour éviter les bandes de rôdeurs bourguignons et anglais. Dans cette contrée hostile, au grand regret de Jeanne, ils n'osaient point aller à la messe. Elle semble avoir été plus disposée qu'elle ne le pensa dans la suite, à leur faire des confidences au sujet de ses Voix. N'ayez pas crainte, leur disait-elle, mes frères du paradis m'enseignent ma mission : il y a déjà quatre ou cinq ans qu'ils me la répètent, et Dieu même me dit qu'il faut que j'aille à la guerre pour recouvrer le royaume de France. Mais elle n'ajoute pas un mot, suivant toute apparence, sur le mode d'apparition de ses frères du paradis. Leur première nuit de marche les amena à la ville de Saint-Urbain. On rapporte que certains de ses compagnons, pour mettre à l'épreuve son courage, la surprirent brusquement comme s'ils étaient des ennemis tandis que les autres faisaient mine de fuir. Arrêtez, au nom de Dieu ! cria-t-elle, ils ne nous feront pas de mal. Cette histoire peu vraisemblable était racontée comme un simple on-dit. Cheminant par de petits sentiers à travers le pays ennemi, il leur fallut passer à gué quatre ou cinq rivières avant d'atteindre Auxerre, en territoire anglo-bourguignon, où ils entendirent la messe. Bientôt ils furent à Gien, relevant du dauphin, et en sûreté, sauf à l'égard des maraudeurs et des brigands. Le bruit courait encore en avril 1429 que quelques gens de cette espèce avaient en effet tendu un guet-apens à Jeanne, mais que ne se sentant pas en force, ils n'osèrent l'attaquer. On raconte précisément de sainte Colette, sa contemporaine, la même légende d'hommes qui se trouvèrent comme cloués au sol, au moment où ils voulaient se jeter sur elle à son passage. L'endroit le plus intéressant où s'arrêta la Pucelle pendant son voyage, est la petite ville de Fierbois, près de Chinon, au sud de la Loire. Il y avait là une célèbre chapelle de l'une de ses patronnes, sainte Catherine, considérée comme protectrice des prisonniers faits par les Anglais et les Bourguignons. Les soldats français et écossais y faisaient des pèlerinages et racontaient au clergé de la chapelle les miracles grâce auxquels la sainte leur avait facilité leur évasion. Parmi ceux qui y allaient témoigner leur ferveur se trouvaient des hommes ou femmes d'un bon rang et d'un caractère estimable, mais aussi des vagabonds qui venaient mendier sous prétexte de remercier la sainte à son sanctuaire. Ils sont décrits d'une façon amusante dans un ouvrage contemporain, le Liber Vagatorum. Les histoires racontées à Fierbois en toute sincérité étaient consignées sur le registre de la chapelle, avec les noms des témoins des déclarations, parmi lesquels on trouve Dunois et La Hire. — Le manuscrit a été publié par M. l'abbé Bourassé et je l'ai traduit. — L'histoire la plus étonnante est celle de Michel Hamilton, un des Écossais de Bothwell. Dans son pays il avait une dévotion spéciale pour sainte Catherine, qui le protégeait bien à l'étranger. Il fut capturé comme pillard et pendu. Dans la nuit, le curé de l'endroit entendit une voix qui lui commandait d'aller couper la corde. Le prêtre n'obéit pas à cet avertissement du Ciel, mais le jour suivant, après le service de Pâques, il envoya son domestique qui se rendit en flânant à l'endroit où avait eu lieu l'exécution, et qui, ouvrant son couteau, fit une blessure à l'un des doigts de pied de Michel. Michel gigota ; il était certainement vivant ; on coupa la corde et il fut confié aux soins d'une charitable religieuse. Il négligea de faire le pèlerinage promis à Fierbois, jusqu'au moment où il reçut la nuit une gifle retentissante, tandis qu'une voix lui commandait de remplir son vœu. Incapable de marcher par suite de la blessure que lui avait faite le couteau, il s'en vint à cheval à Fierbois et fit sa déposition. Jeanne n'apprit point cette histoire, car elle était occupée à faire lever le siège d'Orléans quand Michel parut à Fierbois, mais elle doit avoir eu connaissance de beaucoup d'autres miracles qui lui furent lus ; — du moins cela est probable. Elle entendit trois messes à Fierbois et y dicta une lettre au dauphin, demandant la permission d'entrer dans sa ville de Chinon, car elle avait fait à cheval cent cinquante lieues pour lui dire des choses qui lui seraient utiles et qu'elle seule connaissait. Elle avait l'impression d'avoir écrit au roi dans cette lettre qu'elle le reconnaîtrait entre tous. Elle chevaucha jusqu'à Chinon, et après avoir dîné ou déjeuné dans une hôtellerie tenue par une femme de bonne réputation, elle paraît être allée au château. S'il en est ainsi, elle ne fut pas admise de suite. Le dauphin envoya demander qui elle était et pourquoi elle venait. Évidemment il ne savait rien d'elle. Sa lettre et celle de Baudricourt ne lui avaient pas été remises. Elle ne voulut pas répondre sans avoir vu le roi, dit Simon Charles, maitre des requêtes, qui semble avoir été avisé par Jean de Novelonpont. Elle consentit seulement à dire qu'elle venait pour délivrer Orléans et conduire sacrer le roi à Reims. Le conseil était divisé d'opinion pour savoir s'il devait oui ou non l'admettre. On lui accorda toutefois un rendez-vous ; néanmoins, quand elle approcha du château, le roi, sur l'avis de la majorité du conseil, hésita à la recevoir. Il n'avait pas encore été informé de la lettre de Baudricourt et du voyage presque miraculeux de Jeanne. Tout cela est étrange. Sans doute les favoris du dauphin, La Trémoïlle et les autres, avaient jeté la lettre de la Pucelle comme une folie, et retenu de celle de Baudricourt qu'elle était en contradiction avec le bon sens habituel du capitaine. Quoi qu'il en soit, Jeanne s'approchait du château, quand — suivant la déclaration de son confesseur Pasquerel, qui rapporte ce qu'elle lui dit elle-même — elle fut grossièrement insultée par un homme à cheval. Elle répondit : Vous jurez le nom de Dieu, et vous êtes si près de la mort ! Avant que l'heure fût expirée, l'homme tombait à l'eau — probablement dans le fossé du château ? — et se noyait. Il est fait allusion à cette histoire dans la lettre d'un Italien de l'époque. A ce moment-là le confesseur Pasquerel n'avait encore jamais vu la Pucelle ; il l'accompagna par la suite dans son expédition à Orléans. Louis de Bourbon, comte de Vendôme, conduisit Jeanne en présence du roi. La salle d'audience était comble ; Jeanne dit qu'il y avait trois cents chevaliers et que tout resplendissait de l'éclat d'un lustre de cinquante flambeaux. Maintenant cette pièce n'est qu'une ruine sans toit ; seul, le mur conserve intacte sa vaste cheminée. Au sortir de l'obscurité de la nuit, dans son costume gris et noir de page, la Pucelle ne fut pas éblouie ni par l'éclat des torches ni par cette foule d'hommes en velours et draps d'or, cramoisi, azur, tels qu'elle n'en avait jamais vus ; vieux soldats, conseillers comme l'hypocrite La Trémoïlle, prélats comme l'archevêque de Reims, ne parvinrent pas à l'intimider. Gaucourt, qui était présent, déclare : Elle s'avança avec grande humilité et simplicité, et j'entendis ces mots qu'elle dit au roi : Très noble dauphin, je suis venue de Dieu pour vous aider, vous et votre royaume. Prenant Jeanne à part, le dauphin lui parla longuement. Le roi paraissait heureux de ce qu'il entendait. D'après Dunois, qui était informé par Charles lui-même, la conversation dura plus de deux heures. C'est alors que Jeanne, en une seule fois, dit toute l'histoire de ses Visions et de sa mission. Elle avait reconnu Charles de suite, et il est certain qu'elle crut l'avoir fait spontanément. On dit que c'était un jeune homme laid avec des jambes comme celles de Jacques VI d'Écosse. D'autre part, on l'a représenté comme moult bel prince. Elle avait pu en entendre faire le portrait : elle pensait certainement qu'elle le reconnaîtrait grâce à ses Voix. Gaucourt ne parle pas du miracle de la reconnaissance, ni du dauphin déguisé sous un costume vulgaire. Écrivant probablement quatre mois après (juin 1429), le clerc de La Rochelle dit que le roi n'était pas dans la salle quand la Pucelle entra ; que Charles de Bourbon et d'autres lui furent indiqués comme étant le dauphin ; qu'elle ne fut pas trompée, mais qu'elle le reconnut bien quand il vint d'une autre pièce. Si elle lui écrivit de Fierbois, comme elle se le rappela, disant qu'elle le reconnaîtrait, les courtisans peuvent avoir essayé de lui jouer un tour et de l'embarrasser. Le 22 avril 1429, il était dûment enregistré qu'elle avait promis de faire lever le siège d'Orléans, de conduire sacrer le roi et de faire diverses autres choses que le roi tenait strictement secrètes. Le témoin était un officier attaché au service de Charles de Bourbon, et c'est là, avant que le mois se fût écoulé, la première allusion contemporaine faite au secret du roi, matière très controversée. D'après Jeanne, c'est sa communication secrète à Charles qui fit attacher de l'importance à sa personne et à sa mission ; elle n'avait plus qu'à être examinée par des clercs, des théologiens et des légistes. Suivant son confesseur Pasquerel, la Pucelle lui aurait raconté qu'elle prononça ces paroles en s'adressant au roi : Je te dis de la part de Messire que tu es le vrai héritier de France et fils du roi. Elle le tutoyait, s'exprimant comme une envoyée du Ciel. Il y avait peu de chose dans ces quelques mots d'une jeune paysanne travestie et inconnue, pour inspirer confiance au dauphin, mais la Pucelle en ajouta davantage. Dans une lettre de la fin de juillet, attribuée au poète Alain Chartier, il est écrit : Quant à ce qu'elle a dit au roi, personne n'en sait rien, mais il fut très évident que le roi y trouva grand encouragement, comme si cela venait du Saint-Esprit — non mediocri fuisse alacritate perfusum. Dans une lettre de Bruges à Venise à la date du 9 juillet, nous trouvons : On rapporte que la Pucelle fit savoir au Dauphin que personne ne devait connaître cela (ses révélations) sauf Dieu et lui-même. C'est la raison pour laquelle il la prit au sérieux. Jeanne à son procès maintint cette même affirmation du signe secret comme ayant fait admettre ses prétentions. On ne put l'amener à expliquer ce signe. — V. appendice C, où la façon dont elle a traité ce sujet sera examinée. On verra que peut-être, après avoir donné le signe secret à sa première entrevue avec le Dauphin, elle le communiqua sur le désir de ce dernier à quelques-uns de ses adhérents. Pour ce qui est de ce signe donné au roi par la Pucelle, je n'ai aucune hésitation à suivre l'opinion de son plus célèbre historien, Jules Quicherat. Il accepte comme authentique cette déclaration que fait un contemporain, Thomas Basin, évêque de Lisieux, dans son histoire de Charles VII : Le comte de Dunois, qui était très intime avec le roi, m'a raconté les faits sur la propre autorité du roi lui-même. La Pucelle confirma l'histoire de sa mission, en lui rapportant des choses si secrètes et si cachées que nul mortel en dehors de lui ne pouvait les savoir sauf par révélation divine. Le roi ne dit pas à Dunois ou Dunois ne dit pas à Basin, ce qu'était ce secret que Dieu seul avec le roi et la Pucelle connaissaient. Si nous acceptons un autre témoignage de troisième main, comme Quicherat le fait avec conviction, le secret ne pouvait pas être divulgué en toute sécurité du vivant de Charles, ou tout au moins tant que son droit à la couronne et à la possession du royaume lui était encore contesté. Mais plus tard le secret fut connu. Ces faits semblent ressortir de recherches faites avec beaucoup de circonspection. Tout d'abord, il n'existe pas moins de dix rapports dans des lettres de 1429 et dans les témoignages de contemporains donnés en 1450-1456, attestant que la Pucelle dit au dauphin certaines choses secrètes qui parurent le remplir de confiance et de joie. — Pour cela voyez l'appendice C : Le signe donné au roi. Ensuite nous avons le témoignage de deux chroniques qui ne furent probablement pas complétées dans leur forme exacte avant 1468, prouvant que le secret était relatif à un acte même du dauphin, un vœu qu'il avait fait, quelque grande action qu'il avait accomplie, quelque chose que personne ne pouvait connaître excepté Dieu et lui-même. Au procès, Jeanne va jusqu'à admettre qu'il avait eu un signe en rapport avec ses propres actes. Puis, dans le mystère scénique sans date (1470 ?) (Mistère du Siège d'Orléans), le roi avant l'arrivée de Jeanne fait une prière secrète, que Jeanne lui rappelle. Plus tard les détails de la prière virent le jour, détails que pour de bonnes raisons on ne pouvait publier du vivant de Charles VII. Ils sont donnés dans les Hardiesses des Grands Rois, par Pierre Sala, 1516. Sala avait été domestique de Louis XI — fils de Charles VII — et de son successeur, Charles VIII. Sous ce dernier roi, vers 1480, il devint familier avec Boisy, ancien chambellan de Charles VII, et le seul gentilhomme avec qui ce roi partageât son lit suivant la coutume. Charles VII communiqua ce secret à Boisy ; dans sa profonde détresse de 1428, il entra un matin en son oratoire, tout seul ; et là, il fit une humble requête et prière à Notre-Seigneur, dedans son cœur, sans prononciation de parole, où il lui requérait dévotement que, si ainsi était qu'il fut vrai héritier descendu de la noble maison de France, et que le royaume justement lui dût appartenir, qu'il lui plût de lui garder et défendre, ou au pis lui donner grâce d'échapper sans mort ou prison ; et qu'il se pût sauver en Espagne ou en Écosse, qui étaient de toute ancienneté frères d'armes et alliés des rois de France, et pour ce avait-il là choisi son dernier refuge. Quand vint la Pucelle annonçant sa mission, elle en confirma l'exactitude par les preuves ci-dessus que le roi reconnut pour exactes. Il existe d'autres versions sur le même point, mais c'est de Sala que nous tenons la chaîne de témoignages considérés par Quicherat comme mettant hors de doute l'authenticité de la révélation, attendu que Jeanne dit à ses juges qu'avant de quitter Vaucouleurs les Voix avaient déclaré qu'elle recevrait un signe susceptible de convaincre le roi. Vallet de Viriville admet la coïncidence de témoignages frappants sur ces faits. Mais comme en les acceptant on doit admettre ce que nous appelons les facultés surnormales de la Pucelle, il en donne l'explication scientifique suivante. La Pucelle doit avoir été guidée sur ce point par le confesseur du roi, Machet, son ancien précepteur. Mais pour arriver à cette conclusion nous devons supposer que le roi a parlé à son confesseur de sa prière — ce qui est en contradiction avec le témoignage — et que Machet viola le secret de la confession dans son enthousiasme pour cette singulière jeune fille habillée en page ; enfin, que lui et la Pucelle conspirèrent pour mystifier le monarque crédule. Tout en reconnaissant l'excellence du témoignage avec Quicherat et Vallet de Viriville, je ne puis accepter l'explication de ce dernier. Il est bien évident qu'on ne pouvait publier à cette époque le secret, puisqu'il exposait les doutes de Charles sur sa propre légitimité. Au procès de Jeanne, les menaces de torture, la vue du chevalet, de la botte et du bourreau ne purent lui arracher ce secret. La confiance du dauphin était tempérée par une grande réserve. Il dut consulter le clergé et les docteurs de son parti avant d'avoir recours aux services du bizarre envoyé de Dieu. Cependant la Pucelle était logée dans la tour du Coudray, partie du château de Chinon, et confiée à Guillaume Bellier, officier de la cour, et à sa pieuse femme. Un page de quatorze ou quinze ans, Louis de Coutes, servant chez Gaucourt, lui fut donné comme valet de jour. Il était de famille pauvre niais noble, descendant du côté maternel de la maison écossaise des Mercer. Souvent il vit Jeanne aller chez le roi et en revenir ; des hommes de haut rang lui rendaient visite à elle, mais il n'assistait pas à leurs entretiens. Fréquemment de Coutes l'aperçut agenouillée en prière et pleurant. De même qu'à Vaucouleurs elle soupirait comme une femme grosse après sa délivrance, pour aller à Chinon, maintenant elle priait et pleurait, désirant ardemment secourir le peuple d'Orléans. Vous tenez de trop fréquents et trop longs conseils, dit-elle plus tard au dauphin. Son cœur brûlait d'être à l'œuvre et de ne pas perdre une année et un peu plus, qui devait être le temps de sa durée, comme elle disait au dauphin. C'est d'Alençon qui est le garant de cette triste prédiction absolument littérale. Jeanne doit l'avoir faite dès le début, car dans une lettre datée de Bruges au 10 mai 1429, celui qui l'écrivit fait cette remarque : On dit que la Pucelle doit accomplir deux grandes actions — en dehors de la délivrance d'Orléans — et qu'elle mourra ensuite. Nous devons penser qu'elle annonçait toujours l'approche rapide de sa fin, sans s'en soucier le moins du monde. De fait, Orléans avait grand besoin de secours pendant que les docteurs de Chinon et de Poitiers coupaient des cheveux en quatre et lui posaient de futiles questions, citant les Écritures, Merlin, Bède et Marie d'Avignon, fatigant la Pucelle au dernier degré. Comme le montre le Journal du Siège, les provisions n'entraient alors que par quantités insignifiantes : quelques bestiaux, de rares chevaux de somme, quelques porcs ; et d'ailleurs à quoi bon pendant le Carême ? Le 6 février, arrivèrent La Hire avec Poton de Xaintrailles, toujours prêt en cas de besoin et qui devait plus tard, pendant la captivité de Jeanne, aider à faire lever le long siège de Compiègne. Des émissaires envoyés au dauphin s'en revinrent avec promesse de secours, et, le 8 février, on annonçait William Stewart, frère du connétable de l'armée d'Écosse, avec Gaucourt et un millier de combattants, pour la plupart écossais, dont l'entrée fut un beau spectacle. Ils étaient à quatre jours de la mort ! Pendant ce temps le jeune Charles de Bourbon déjà cité, le comte de Clermont qui n'avait pas encore été fait chevalier, avait réuni une armée de secours à Blois. Il y avait avec lui John Stewart de Darnley, connétable d'Écosse, La Tour d'Auvergne et environ 4.000 soldats d'Auvergne, du Bourbonnais et d'Écosse. Le 9 février, une petite troupe qui venait les rejoindre fut prise par les Anglais. Le Io février, Dunois s'en était allé à cheval à Blois avec une escorte de 200 hommes, pour savoir où et quand l'armée de Blois attaquerait un grand convoi, que Fastolf conduisait de Paris aux Anglais avec provisions pour le Carême et force munitions de guerre. Le jour suivant, William Stewart, d'Albret, Xaintrailles et La Hire emmenèrent d'Orléans plus de quinze cents hommes, pour rejoindre l'armée de Blois sous les ordres de Charles de Bourbon et capturer le convoi de Fastolf. Charles de Bourbon avec sa force imposante était à Rouvray, près de Janville. Toute la troupe comprenait de 3.000 à 4.000 hommes. Fastolf n'avait que 1.500, Anglais, Picards, Normands et autres, avec charretiers et employés, pour garder un convoi de beaucoup de charrettes chargées de canons, de munitions et, pour la nourriture du carême, de harengs salés. Mettre en déroute cette masse bigarrée, se saisir du convoi, était apparemment tâche aisée pour une armée n'ayant pas l'encombrement de tout ce transport, et supérieure du double aux combattants ennemis. Sans l'indécision de Charles de Bourbon et la valeur imprudente des Écossais, le 12 février aurait pu voir se produire un coup fatal pour les assiégeants, et Orléans aurait pu ne pas avoir besoin de l'aide de la jeune paysanne visionnaire. Mais Fastolf connaissait le grand art de la guerre ; ayant su par ses éclaireurs que l'armée française approchait, il fit construire avec ses charrettes, les longues piques de ses archers, et des faisceaux de palissades réunis par des chaînes de fer, décrits par Bueil dans Le Jouvencel, un large camp de disposition scientifique, avec une longue entrée étroite. Là ses hommes décidèrent de vivre ou de mourir, car ils n'avaient pas d'espoir dans la fuite. Pendant ce temps, les forces de La Hire, de Peton, de sir Hugh Kennedy, etc., tous montés sauf les archers, et résolus de combattre à cheval, se trouvèrent assez près de la compagnie de Fastolf pour la charger avant la formation du camp. Mais Charles de Bourbon avec ses 4.000 hommes envoyait continuellement des cavaliers pour dire à La Hire et à Kennedy d'attendre. son arrivée. Par déférence pour Charles et bien dégoûtés, suivant la vigoureuse expression de La Hire, les Français et les Écossais attendaient impatiemment, voyant le camp se monter sous leurs yeux. Le connétable d'Ecosse, avec quatre cents de ses compatriotes toujours disposés à l'attaque, avait atteint l'avant-garde. Vers les trois heures de l'après-midi, il y eut une escarmouche d'archers. Alors sir John Stewart, sans tenir compte de l'ordre général de rester à cheval, sauta de sa selle, et avec William Stewart, Dunois et plusieurs gentilshommes français, il conduisit une charge désespérée de quatre cents combattants environ contre la position retranchée des Anglais. Fastolf se rendant compte de la lenteur de marche de la troupe de Charles de Bourbon, qui ne pourrait avant longtemps entrer en ligne, fit sortir ses soldats, de beaucoup plus nombreux que les assaillants, et, d'après le Journal du Siège, il les extermina presque tous. Il s'ensuivit une déroute générale. Les drapeaux anglais, avec quelques hommes autour de chacun d'eux, flottèrent partout sur le champ de bataille. Les fugitifs allaient être entièrement détruits, quand La Hire et Poton rallièrent une poignée de quatre-vingts cavaliers et commencèrent l'attaque des groupes d'Anglais dispersés. Mais les Stewart et d'Albret, avec beaucoup d'autres chefs français, étaient tombés dans leur charge intempestive, et Dunois, blessé au pied par une flèche, fut contraint à la retraite, tandis que Poton et La Hire formaient l'arrière-garde pour protéger les fugitifs contre l'attaque des bastilles ennemies. Charles de Bourbon, dont l'armée ne prit aucune part à la lutte, s'en revint aussi à Orléans, couvert de honte, mais sans que cela ait diminué en rien la confiance que le dauphin avait en lui. Deux jours après, sans rencontrer d'obstacle, Fastolf conduisait son convoi et ses soldats victorieux dans le camp des Anglais, qui donnèrent à cette rencontre le nom de journée des Harengs et firent une fête avec cette nourriture d'abstinence. Charles de Bourbon abandonna alors Orléans et s'en alla rejoindre le roi à Chinon. L'évêque écossais John Kirkmichael, homme d'épée, quitta aussi la ville infortunée avec deux mille combattants commandés par des seigneurs d'Auvergne, d'Écosse et du Bourbonnais. La Hire même se retira, promettant toutefois de revenir. Dunois, le maréchal de Boussac et de Sainte-Sévère restèrent seuls au poste du danger. Le grand effort pour délivrer Orléans avait échoué d'une façon désastreuse. Les braves gens de cette bonne ville ne désespérèrent pas. Dans la première semaine de mars, pendant que Bedford levait un emprunt forcé d'un quart de leur paye sur tous les fonctionnaires de Normandie, Dunois reçut la nouvelle qu'une bergère nommée la Pucelle était passée par Gien, en disant qu'elle venait pour délivrer Orléans par ordre de Dieu et pour conduire sacrer le dauphin à Reims. Entre temps, la situation de ce dernier est représentée sous les plus sombres couleurs. Tout allait mal pour lui, dit Monstrelet, et tournait de mal en pis. Nous avons le seul témoignage du moine mystérieux de Dunfermline rapportant que le dauphin se disposait à partir pour La Rochelle pour passer en Écosse. Une autorité moins suspecte dit que son conseil avait envisagé le projet d'une retraite vers le Dauphiné, en essayant de garder la région lyonnaise avec le Languedoc et l'Auvergne. Cependant Poton avec d'autres délégués était allé négocier pour la neutralité d'Orléans sous le protectorat du duc de Bourgogne. Ils rencontrèrent le duc dans les Flandres ; il les emmena pour aller trouver ensemble Bedford à Paris (du 4 au 13 avril), et ils retournèrent à Orléans le 17. Le régent refusa de battre les buissons pour que d'autres prissent les oisillons ; une dispute s'ensuivit, et le duc dit à Poton et aux autres délégués que le dauphin et son parti, s'ils n'avaient point de secours, seraient de pauvres gens et de peu d'importance. L'ambassade avait au moins eu pour résultat presque une brouille entre Bourgogne et Bedford. Cette idée diplomatique de Poton avait été heureuse de la part d'un capitaine de cavalerie, considéré comme téméraire et frivole. Ou ils auraient la paix si on écoutait leur demande, ou Bedford et Bourgogne arriveraient sûrement à se quereller. Autour d'Orléans les escarmouches continuaient. L'arme la plus puissante des Anglais était leur hourra ! cri moult grand et terrible, qui déconcertait les Français de façon singulière. Le 3 mars, les assiégeants commencèrent à resserrer le faible cordon qui entourait Orléans, en creusant un chemin souterrain entre leur grand camp retranché de Saint-Laurent — en dehors de la porte de l'ouest et commandant le chemin de Blois —, jusqu'au fort de Saint-Ladre, appelé Paris, qui bloquait la route conduisant à la capitale. Pendant ce travail, ils perdirent quatorze hommes, y, compris Gray, un neveu du feu comte de Salisbury. Les Anglais eurent néanmoins un succès au fort situé entre Saint-Laurent — La Croix Boissée — et le grand donjon qu'ils appelaient London. Le 8 mars, deux cents hommes venus de Jargeau, et beaucoup d'autres des garnisons de la Beauce, vinrent les renforcer en prévision d'une attaque de la ville. Le 10 mars, ils travaillaient à leur forteresse de Saint-Loup, près de la Loire, dominant le bac au-dessus d'Orléans et qui était destinée à arrêter les convois de ravitaillement venant du sud en amont de la rivière. La cité se trouvait maintenant entourée de ces bastilles ; car tandis que de ce côté Saint-Loup surveillait le bac et les abords de l'est, en aval le boulevard de Saint-Privé avec un fort sur l'ile Charlemagne vis-à-vis celui de Saint-Laurent, les Tourelles à la tête du pont, l'ouvrage fortifié des Augustins et celui de Saint-Jean-le-Blanc, semblaient rendre impossible tout accès par eau. Les habitants se trouvaient aussi de plus en plus gènes, et il n'entrait plus qu'une bien petite quantité de provisions ; cependant, comme le fait remarquer le chevalier bourguignon Monstrelet, il n'y eut jamais de siège fermé. De plus, les forces anglaises, insuffisantes pour leur tâche, se trouvaient séparées par le fleuve, et ne pouvaient ou ne voulaient pas se prêter un mutuel appui, malgré la possibilité d'une traversée apparemment sans danger de Saint-Laurent au fort de File Charlemagne et de là au fort Saint-Privé. Les assiégeants étaient au moins bien approvisionnés, et le Bourgeois de Paris se plaint dans son journal du prix des victuailles qui montaient dans la ville au double de l'ordinaire, en raison de ce que la viande et les grains étaient pris en si grande quantité par l'armée d'investissement. Néanmoins les habitants d'Orléans devaient être constamment sous les armes ; les canons de siège anglais commençaient à jeter la mort dans la ville, et le 7 avril, les bourgeois laissaient un convoi entrer dans le camp ennemi sans essayer de s'y opposer. Le 13, un secours considérable en argent arrivait à Orléans, et le 17, Poton de Xaintrailles rentrait avec un héraut du duc de Bourgogne. Bedford ne permettant pas à ce dernier de prendre Orléans sous sa garde, le duc retirait ses troupes du camp anglais et la ligne d'investissement devint plus faible que jamais. Mais le 19 avril les Anglais reçurent un grand convoi et un renfort considérable de vassaux normands qui ne tardèrent pas d'ailleurs à s'en retourner citez eux. Alors ils terminèrent les travaux du fort de Saint-Jean-le-Blanc, qui gardait le bac d'amont sur la rive gauche et ils interceptèrent un convoi destiné à la ville. Néanmoins, le 28 avril, ils ne réussirent point à empêcher l'entrée de quatre cents hommes d'armes sous les ordres de Florent d'Illiers. Ce seul fait prouve qu'ils ne voulaient pas quitter leurs forteresses, pour attaquer une armée de secours assez importante. Jeanne comprit et prédit que les Anglais n'opposeraient point de résistance à ses troupes, niais les chefs français n'étaient point convaincus. Il y avait alors six mois que la ville était assiégée. L'or et le sang anglais avaient été largement dépensés, mais rien de décisif n'avait encore été fait ni tenté. En dehors de la bataille des Harengs, les assiégeants n'avaient point récolté de lauriers depuis la prise des Tourelles. Ils n'étaient pas assez nombreux pour tenter un assaut, et ils ne pouvaient point réduire la ville par la famine. Bedford, qui n'avait jamais approuvé le siège, se rendait compte de son impuissance. Au commencement d'avril il avait fait part de sa manière de voir au conseil anglais à Londres. Il écrivit qu'il désirait voir couronner Henri VI à Paris. Évidemment il était renseigné sur le dessin de la Pucelle de faire sacrer le dauphin à Reims. Il ajoutait aussi que l'armée anglaise devant Orléans était décimée par les désertions ; sans renforts et sans de grosses dépenses, le siège ne pourra être maintenu. Il demandait 400 lances et 1.200 archers engagés pour six mois. Ils n'arrivèrent pas à temps. Et maintenant contre les Anglais affaiblis allait arriver la Pucelle avec un gros convoi et une armée de secours suffisante. Si elle avait commandé l'armée de Blois à la place de Charles de Bourbon, elle eût gagné la bataille des Harengs et serait entrée à Orléans avec 4.000 hommes, et par la hardiesse de son attaque elle eût levé le siège onze semaines avant le jour où elle chassa les Anglais des murailles de la ville. Nous l'avons laissée dans la tour du Coudray, au château de Chinon, le cœur dévoré du désir d'engager la lutte. Tout an moins, se fit-elle un loyal ami de sang royal dans le jeune duc d'Alençon, qui avait été fait prisonnier à Verneuil en 1424 et qui était récemment sorti de captivité. Il chassait les cailles dans les marais, quand il apprit que la Pucelle était arrivée et qu'elle avait été reçue par le dauphin. Le jour suivant, il s'en vint au château et trouva Jeanne en conversation avec son prince. Le dauphin lui présenta d'Alençon — elle ne le reconnut pas, lui, d'une façon miraculeuse. Vous, dit-elle, soyez le très bien venu. Plus on sera ensemble du sang du roi de France, mieux cela sera. Le jour suivant il vit Jeanne à la messe du roi ; elle s'inclina devant le dauphin. Après le service, le dauphin conduisit d'Alençon, La Trémoïlle et la Pucelle clans une pièce réservée, en éloignant le reste de ses courtisans. Fidèle à cette idée que la France était un fief de Dieu, Jeanne demanda au dauphin de placer son royaume clans les mains du Tout-Puissant et de le recevoir à nouveau, formalité féodale commune, comme il s'en passait entre seigneur et vassal. D'Alençon dit que cette remise du royaume entre les mains du divin Suzerain du dauphin ne fut qu'une des requêtes de Jeanne. On parla de l'affaire, cela est rapporté dans les lettres de l'époque et dans les dépêches à l'Italie et à l'Allemagne, et nous savons ce que furent les autres demandes ou ce que l'on suppose qu'elles furent. Le dauphin devait réformer sa conduite et vivre selon la volonté de Dieu. II devait être clément, accorder une amnistie générale et se montrer bon pour les riches et pour les pauvres, qu'ils fussent amis ou ennemis. Deux sources contemporaines décrivent de la sorte les requêtes de la Pucelle. On ne doit pas reconnaître dans ces demandes la voix d'un inspirateur clérical. Ce fabricant de fausses prophéties n'aurait rien eu à gagner en essayant de faire promettre au dauphin ce que chaque roi jurait à son serment de couronnement. Jeanne doit certainement avoir appris à l'église que le Ciel punit les nations pour les fautes de leurs dirigeants, que les cœurs des rois sont dans la main de Dieu et qu'ils sont seulement ses vassaux. Tout cela était connu de la foule comme dicton familier ; couramment les prédicateurs le proclamaient, surtout en temps de désastre national, et cela était ancré au cœur de la Pucelle. Ils parlèrent et dînèrent ensemble, ces quatre personnages étrangement réunis : le dauphin toujours bon, courtois et incrédule ; d'Alençon, beau, jeune, loyal ; le sceptique La Trémoille à la panse rebondie à la Falstaff, où devait s'égarer (en 1433) le coup de dague qui le frappa dans cette même tour du Coudray où Jeanne était alors logée ; enfin cette belle et vive Pucelle qui portait dans son regard la prévision du destin. Un mois auparavant elle était l'hôte de Catherine Rover, maintenant elle était compagne des rois et des princes et à la hauteur de chacune de ces situations. Dans les Mille et une Nuits il n'y a pas d'histoire plus merveilleuse. Ils parièrent, et ensuite s'en vinrent dans la prairie, où Jeanne gagna tellement le cœur d'Alençon par sa bonne grâce comme écuyère et par le maniement de la lance, qu'il lui fit cadeau d'un cheval. Dès lors d'Alençon fut pour Jeanne son beau duc ; ils devinrent fidèles compagnons d'armes, et pour lui, il reconnut lui avoir dû la vie en une occasion. Il s'était déjà battu et désirait ardemment reprendre les armes ; et, comme un brave homme, il avoua que Jeanne lui rendit le courage à un moment on il avait grand besoin de son inspiration. |