PENDANT que les assiégeants et les défenseurs d'Orléans étaient simplement en train de marquer le pas, d'étranges nouvelles d'événements qui n'avaient point eu lieu, étaient colportées aux oreilles des gens de Domrémy. Pèlerins et marchands de cochons rivalisaient en racontant sur leur passage les plus tristes histoires : comment on avait pris les Tourelles ! comment la ville était investie ! comment les habitants mouraient de faim ! Ce qui semblait à Jeanne le plus cruel, c'est que les Anglais, tout en gardant prisonnier le duc d'Orléans, eussent attaqué sa ville et son territoire. On regardait cette conduite comme une félonie sans précédent, et l'attachement de Jeanne à la maison royale se manifestait très fort dans le cas du beau duc, le prisonnier poète. Elle avait promis en mai 1428 que son dauphin aurait le secours du Ciel en mars 1429. En octobre 1428, il était évident que le dauphin ne s'était jamais trouvé dans une situation aussi critique. En janvier 1429, la date choisie par Jeanne approchait, et vers le 12 (?) de ce mois elle quitta Domrémy, qu'elle ne devait plus revoir, pour la maison de ses cousins les Durand Lassois à Petit-Burey. Quand elle s'en alla à ce pays elle n'eut pas le courage d'entrer souhaiter le bonsoir à sa petite amie Hauviette. Adieu, je vais à Vaucouleurs ! cria-t-elle en passant près de la maison de son amie Guillemette à Greux. Adieu, Mengette ; je te recommande à Dieu ! dit-elle à une autre fille de son âge. Adieu Domrémy ! le petit ruisseau, la rivière, l'île, le château féerique de son enfance et le vieux jardin gris. Adieu fontaine et arbre des Fées ! adieu oiseaux du clos de son père ! adieu sa chère mère et les prairies où elle avait couru pour les guirlandes de fleurs ! elle devait en disputer une autre, immortelle cette fois, la couronne de la vierge martyre. Comment Jacques d'Arc consentit-il encore à laisser sa fille approcher les hommes d'armes ? Cela demeure un mystère. Il peut avoir été persuadé par le curé, Fronte, ou par d'autres qui pensaient que Jeanne pourrait faire du bien en suivant sa voie, car en ce temps son ambition était devenue le thème des commères de Domrémy. Ce qui a le plus de vraisemblance, c'est que Jacques d'Arc s'en remettait absolument au bon sens de Robert de Baudricourt. Assurément, doit-il avoir pensé, le capitaine est le dernier homme à laisser partir la jeune fille ! Sans doute Baudricourt fut pendant longtemps récalcitrant. Ce qui est certain, c'est que Jeanne quitta la maison des Lassois à Petit-Burey et s'en vint demeurer trois semaines avec Henri Royer[1] et sa femme à Vaucouleurs. Tous les deux ont rendu témoignage de sa bonté, de son zèle à se rendre à l'église, de son activité et de son habileté à manier l'aiguille. Elle affirmait qu'elle irait en France accomplir sa mission, quand même elle devrait s'y rendre sur les genoux. Comment fit-elle pour triompher du scepticisme de Baudricourt, si bien qu'il finit par lui accorder une escorte ? Répondre à cette question implique ce que sir Walter Scott appelle une tentative ridicule pour voir dans une pierre à moulin autre chose que ce que comporte une pierre à moulin, procédé que sir Walter Scott comme historien désapprouve fort. Arrivée à Petit-Burey dans la première quinzaine de janvier 1429, Jeanne paraît y être restée trois semaines — Lassois, en 1456, dit six semaines —, et être allée à la maison des Rover à Vaucouleurs dans la première semaine de février. Probablement elle allait et venait de l'une à l'autre de ces demeures amies. Si la déposition de Lassois fixant son séjour à six semaines était exacte, elle serait alors arrivée chez lui en décembre 1428. Chez les Royer, à Vaucouleurs, elle gagna le cœur de son hôtesse par ses gentilles manières, son habileté à la couture et sa foi ardente. Catherine Royer fut fort impressionnée par cette remarque de la Pucelle, point de départ de toute une théorie sur l'origine de sa mission. N'avez-vous pas entendu dire que la France désolée par une femme sera rétablie par une pucelle venue des marches de Lorraine ? — Alors, ajoute Catherine, je me souvins avoir ouï cette prophétie et je fus étonnée. Cette prédiction était une légende populaire, familière à Catherine elle-même qui se rappelait l'avoir entendue, et il est absurde d'en parler comme d'une fraude des prêtres. Jeanne se confessait alors habituellement à Jean Fournier, curé de l'église Sainte-Marie, sur la hauteur qui domine la ville ; et en 1456 un témoin oculaire se souvenait de son assiduité dans ses prières. Parfois elle s'agenouillait en inclinant la tête, parfois elle restait debout près de la statue de la Vierge dans la crypte de l'église. Mais ses prières semblaient rester sans résultat, elle ne pouvait parvenir à émouvoir le jovial incrédule qu'était Baudricourt. Son premier rayon d'espérance semble être venu d'un jeune homme d'armes âgé de vingt-sept ans, qui connaissait un peu son père et sa mère. Il s'appelait Jean de Metz, ou, d'après son pays, Jean de Novelonpont. Il était de ceux qui auraient pu dire : La guerre est ma patrie, Mon harnois ma maison, Et en toute saison Combattre c'est ma vie. Mais son cœur était fidèle à la France et à son roi légitime. Pendant le séjour de la Pucelle chez les Royer à Vaucouleurs, vers la seconde semaine de février 1429, Jean la rencontra, dans son pauvre vêtement rouge de femme (du peuple) et il lui dit : Ma mie, que faites-vous ici ? Faut-il que le roi soit chassé du royaume et que nous soyons Anglais ? Elle répondit : Je suis venue ici, à chambre du roi, pour demander à Robert de Baudricourt de me conduire au dauphin ; mais Baudricourt ne se soucie ni de moi ni de ce que je dis. Et pourtant il le faut, je dois être là-bas avant la mi-carême, et j'y serai, dussé-je user mes jambes jusqu'aux genoux ! Personne au monde, ni prince, ni duc, ni fille du roi d'Écosse, ne peut recouvrer le royaume de France. Il n'y a pour notre roi d'autres secours qu'en moi. Ah ! j'aimerais mieux filer auprès de ma pauvre mère ! Combattre n'est pas mon métier. Mais il faut que j'aille et que je le fasse, car mon Seigneur l'a ordonné. — Et quel est votre Seigneur ? — C'est Dieu, répondit-elle. Il dit alors, avec une émotion qui nous fait tressaillir encore à la lecture : Adoncques, moi Jean, je vous jure
à vous, Pucelle, ma main dans vos mains, qu'avec l'aide de Dieu je vous
conduirai au roi ; et je vous demande, quand partez-vous ? — Plutôt aujourd'hui que demain, plutôt demain qu'après, répondit-elle. Ici nous devons expliquer le sens des paroles de la Pucelle quand elle disait cette vérité contraire à l'attente générale, qu'il ne viendrait aucune aide de la fille du roi d'Écosse. En avril 1428, le dauphin avait envoyé le poète Alain Chartier renouveler l'ancienne alliance avec l'Écosse. Cette alliance, dit Main, n'est pas gravée sur parchemin ni sur une peau de brebis, mais sur la chair vivante des hommes, et les caractères n'en sont pas tracés avec de l'encre, mais avec du sang. La France et l'Écosse tour à tour, avaient sauvé mutuellement leur indépendance, de la conquête anglaise. Le 17 juillet 1428, Jacques Ier envoya une ambassade au dauphin, et le même jour un traité fut signé à Perth, à la demande de John Stewart de Darnley — comte d'Évreux — et de Regnault de Chartres, archevêque de Reims. Deux jours après, Jacques Ier régla les conditions du mariage de sa fille Marguerite, encore dans l'enfance, avec le fils du dauphin, Louis, qui se trouvait dans les mêmes conditions. Jacques devait en 1429 envoyer sa fille en France avec une armée de 6.000 Ecossais. La dot serait le comté de Saintonge, condition acceptée par le dauphin en novembre 1428. Le 3 janvier 1429, le conseil municipal de Tournai était averti par le dauphin de l'arrivée de la fiancée écossaise avec une armée de 4.000 (6.000 ?) hommes avant la Pentecôte, c'est-à-dire au début du mois de mai 1429 ; si cette manifestation n'était pas suffisante, le roi Jacques viendrait lui-même. — En avril 1429, l'Angleterre préparait une flotte pour attaquer les transports écossais. La connaissance de ces faits était parvenue aux gens de Vaucouleurs et à la Pucelle. Mais celle-ci avait prévu l'inanité des espérances de la France, et elle déclara que le secours de Dieu n'arriverait au dauphin ni en avril ni en mai, mais à la mi-carême et qu'au lieu d'une princesse d'Écosse avec 6.000 soldats et archers, ce serait seulement elle, une paysanne de Domrémy. Pour s'expliquer son mépris des bonnes nouvelles officielles relatives à l'armée écossaise des 6.000 hommes, il faut se souvenir de l'inébranlable ardeur de sa foi dans ses Voix proclamant avec juste raison que tout espoir était en elle seule. Si elle pouvait seulement parvenir jusqu'au dauphin, elle se croyait sûre d'obtenir de ses Voix la révélation d'un secret connu seulement de Dieu et de Charles, secret qui devait lui assurer infailliblement la reconnaissance de sa mission. Ses Voix le lui avaient annoncé avant son départ de Domrémy et lui avaient dit : Va hardiment ; quand tu seras auprès du roi, il aura un bon signe pour lui persuader de croire en toi et te recevoir. Ce signe elle le reçut. Si Jeanne avait été une visionnaire banale, elle aurait compris que sa prédiction de mai 1428 : Dieu secourra le dauphin vers la mi-carême 1429, était entièrement réalisée par la promesse du grand contingent écossais avant la Pentecôte. Mais le renseignement que lui communiquaient ses Voix était sans conteste et sans comparaison supérieur à celui du ministère des affaires étrangères du dauphin. L'infortunée petite fiancée d'Écosse n'arriva en France que sept ans plus tard ; quant aux 6.000 hommes, on ne les vit jamais. Jeanne s'en vint seule. Approximativement, nous estimons que la conversation de Jeanne avec Jean de Novelonpont eut lieu à la date des 5-7 février 1429. D'après ce qu'elle lui dit, elle n'avait encore produit aucune impression sur Baudricourt. Elle n'avait pu obtenir ni cheval ni escorte ; il ne lui restait plus qu'à s'en aller jusqu'au dauphin, dût-elle, suivant son expression, user ses jambes jusqu'aux genoux. Voici le témoignage de Lassois : Quand la Pucelle vit que Robert de Baudricourt ne voulait pas la faire conduire au lieu où était le dauphin — Chinon, sur la Loire —, elle prit des habits à moi et me dit qu'il fallait partir, et je la conduisis à Saint-Nicolas sur la route.... Jeanne s'achemina vers la France jusqu'à ce sanctuaire de Saint-Nicolas-de-Septfonds, en costume masculin, non pour un pèlerinage, mais pour sa première étape vers Chinon. Toutefois elle réfléchit que cette façon de voyager n'était pas convenable, et elle retourna à Vaucouleurs. Jean de Novelonpont dit que c'est lui qui suggéra à la Pucelle l'idée de voyager en costume masculin, ou plutôt qu'il lui demanda de faire ainsi et qu'elle y consentit. Mais elle en avait déjà fait l'expérience, lorsqu'elle renonça cette première fois à son projet dé se rendre à Chinon. Le duc de Lorraine ayant entendu parler de Jeanne, lui envoya une lettre avec un sauf-conduit pour venir à Nancy, à vingt ou vingt-trois lieues de Vaucouleurs. On lui acheta un cheval, et Jean de Novelonpont se mit en route avec Durand Lassois pour l'accompagner jusqu'à Toul, tandis que ce dernier faisait avec elle tout le chemin. Quelle que fût la direction prise, le voyage demandait probablement deux jours. A l'aller ou au retour, Jeanne visita le fameux sanctuaire de Saint-Nicolas à Saint-Nicolas-de-Port, à quelque deux lieues de Nancy. Elle s'en retourna à Vaucouleurs vers le 13 février, le lendemain de la défaite des Français à Rouvray. D'après son propre récit de ce qui arriva à Nancy, il apparaît qu'elle avait jusqu'alors échoué dans ses démarches auprès de Baudricourt. Le duc de Lorraine était un vieillard de mauvaise santé, dominé par une maîtresse. Quoique allié de l'Angleterre, il avait récemment marié sa fille et héritière avec René, second fils de Yolande, reine de Sicile et duchesse d'Anjou, belle-mère de Charles VII. René, dont les sympathies étaient françaises, fut plus tard le fameux et populaire roi René dont la cour joyeuse réunissait les artistes et les ménestrels. Tout ce que nous savons de la visite de Jeanne à Nancy, c'est que le duc lui posa des questions sur le rétablissement de sa santé ; elle n'en savait rien, mais elle lui dit quelque chose sur son voyage et lui demanda d'envoyer son gendre (René) et des hommes pour la conduire en France, ajoutant qu'elle prierait pour l'amélioration de sa santé. Il lui donna un cheval noir et un peu d'argent, ou c'est peut-être avec l'argent qu'elle acheta le cheval. Beaucoup d'années après, une femme de Bourges affirma qu'elle avait entendu Jeanne raconter qu'elle ordonna au duc de congédier sa maîtresse ; mais ce témoignage qu'elle se rappelait n'a pas une grande valeur. Nous pouvons probablement placer, comme nous le verrons, après la date du retour de Jeanne à Vaucouleurs vers le 13 février, un singulier incident expliqué par une histoire encore plus singulière. L'hôtesse de Jeanne, la femme de Royer, était assise dans sa maison avec la Pucelle quand Baudricourt lui-même et le curé Fournier entrèrent dans la pièce. Madame Royer se retira, mais elle apprit de Jeanne ce qui s'était passé. Le prêtre avait apporté son étole, il la revêtit et en présence du rude capitaine il exorcisa la Pucelle, en disant : Si vous venez de l'esprit du mal, éloignez-vous ! si vous êtes bonne et venez de Dieu, approchez ! Alors Jeanne se traîna sur ses genoux vers le prêtre. Evidemment elle n'était pas possédée du diable. Jeanne dit à Catherine Royer : Ceci est mal de la part de ce prêtre, car il m'a entendue à confesse. C'était mal en effet, mais comment le jovial Baudricourt, qui jusque-là avait rejeté toutes les demandes de la Pucelle, en était-il arrivé à penser à la mettre à l'épreuve comme sorcière ? Jusque-là il ne l'avait point considérée comme telle ni comme prophétesse, mais comme une fille niaise. Il y a une réponse possible à notre question. Dans le Journal du Siège d'Orléans et dans une sorte de recueil synoptique et varié, qui offre avec lui de grandes analogies, la Chronique de la Pucelle, et d'autre part dans le Mistère du Siège d'Orléans, pièce de date incertaine (1470 ?) nous lisons que le 12 février 1429 Jeanne s'en vint vers Baudricourt et lui dit : En nom Dieu, vous mettez trop à m'envoyer ; car aujourd'hui le gentil dauphin a eu assez près d'Orléans un bien grand dommage. Il sera en danger de l'avoir plus grand, si vous ne m'envoyez bientôt vers lui. Ces mots se gravèrent dans l'esprit du capitaine qui plus tard apprit que ce même jour de la révélation de Jeanne, le connétable d'Écosse et le seigneur d'Orval avaient été battus par les Anglais à la bataille des Harengs à Rouvray près Orléans (12 février 1429). Il peut bien s'être écoulé six jours avant que la nouvelle de cette déroute soit parvenue à Baudricourt, et c'est le 23 février que Jeanne quitta Vaucouleurs pour Chinon avec son escorte. Supposant ce récit exact, nous comprenons pourquoi Baudricourt, quand il sut que ce qu'avait annoncé Jeanne était accompli, ne regarda plus la Pucelle comme une jeune étourdie, mais comme une envoyée du Diable ou de Dieu. Elle avait la vue à distance, elle avait appris un événement éloigné sans aucune intervention normale des sens. C'était l'un ou l'autre, le Diable ou Dieu qui l'inspirait. Baudricourt ayant des cloutes, devait consulter là-dessus le curé qui fit l'exorcisme et trancha la question. C'est le même chroniqueur Cousinot, l'auteur de l'histoire de la clairvoyance de Jeanne, qui seul nous a raconté que Baudricourt voulait tout d'abord faire de Jeanne une fille de joie pour divertir ses hommes d'armes. Il paraît avoir eu des documents particuliers sur le rude capitaine de Vaucouleurs, et il ajoute que Baudricourt écrivit une lettre à Charles VII en faisant mention de la prophétie. Comme nous le savons en effet par un autre témoignage, Baudricourt écrivit à Charles au sujet de la Pucelle, quand elle se mit en route pour la France. Vraie ou fausse, l'histoire de la clairvoyance de Jeanne ne se trouve point parmi les légendes contemporaines relatives à l'héroïne, excepté peut-être dans une allusion de Boulainvilliers dans sa lettre du 21 juin 1429 : Après qu'elle eut montré plusieurs merveilles, Baudricourt la fit conduire au roi. Certes Jeanne dit qu'elle parla de ses Visions à Baudricourt et à aucun autre homme excepté au roi, et cette Vision, confirmée après que Fournier eut prouvé que Jeanne n'était pas sorcière, était bien faite pour ébranler l'incrédulité du capitaine. Vers cette époque, un messager du roi, Jean Colet de Vienne, était à Vaucouleurs. Le 23 février, il se trouvait dans le petit groupe qui sortait avec Jeanne de la porte de France, pour aller trouver le dauphin à Chinon. On peut supposer que c'était lui qui avait apporté à Baudricourt la nouvelle du grand désastre de Rouvray du 12 février. Jeanne et ceux qui l'accompagnaient mirent onze jours (23 février-6 mars) pour leur marche de Vaucouleurs à Chinon. Il est probable que le messager du roi alla plus vite. En comptant une semaine ou six jours de route, il aurait pu apporter à Vaucouleurs, le 19 février, la mauvaise nouvelle de Rouvray. Il est assez improbable que Baudricourt ait pu écrire au Dauphin à propos de Jeanne — qui jusqu'au 13 février n'avait fait sur lui aucune impression —, et qu'il ait reçu une réponse favorable de la cour le 20 février. La chose est en effet matériellement impossible. Peut-être y avait-il des raisons suffisantes pour que Baudricourt ait été au courant de la défaite de Rouvray ? Nous avons vu qu'en juillet 1428 les gouverneurs anglais de France avaient lancé Antoine de Vergy avec une armée contre toute la région qui dépendait du capitaine de Vaucouleurs. Or, un document (du 22 juillet 1428), prouve qu'en raison des u longs retards a de quelques capitaines qui devaient aider le gouverneur de Champagne, Vergy, dans cette attaque, un contrat avait été passé avec Baudricourt pour la capitulation de Vaucouleurs et d'autres places qui relevaient de son autorité. On n'en sait pas davantage. Vaucouleurs ne s'était pas rendu. Les forces ennemies qui s'en approchèrent, s'éloignèrent au bout de cinq jours au plus. On devait rendre la place, comme cela se pratiquait dans de semblables cas, à moins qu'elle ne fût secourue à une date déterminée ou que le dauphin n'eût remporté une grande victoire, et alors il était tout naturel que celui-ci eût envoyé à Baudricourt un messager pour l'informer du désastre de Rouvray et de l'incertitude d'un secours. Mais l'accord visant la capitulation peut avoir été annulé quelques mois avant février 1429, par la diplomatie du duc de Bourgogne — qui par traité s'était engagé à ne pas attaquer Vaucouleurs —, ou par René, duc de Bar, qui à ce moment écrivait lettres sur lettres à Baudricourt. En tout cas, la nouvelle d'une si grande défaite que la bataille des Harengs pouvait avoir été envoyée officiellement à Vaucouleurs, où le messager du roi se trouvait certainement avant le 23 février. La condition désespérée d'Orléans après Rouvray, devait rendre Baudricourt moins réfractaire à laisser la Pucelle courir sa chance — spes exigea et extrema. Quels que soient les motifs qui chez ce capitaine aient pu dominer le sentiment du ridicule, il fit peu pour équiper la Pucelle pour son long voyage, quand il lui eut enfin permis le départ pour Chinon. Jean de Novelonpont et Bertrand de Poulengy firent les frais du voyage qui leur furent remboursés par le trésor royal. Une mesure décisive fut adoptée. Sur l'avis de Jean, comme il le dit lui-même — et la chose a été déjà mentionnée — Jeanne échangea son pauvre habit de drap rouge pour la tunique, le pourpoint, les chausses, les bottes, les éperons et le chapeau de page. Les gens de Vaucouleurs contribuèrent à la dépense. On acheta un cheval pour Jeanne, et quand, avec ses deux amis, leurs deux valets, Richard l'archer, et le messager du roi, Colet de Vienne, elle sortit à cheval de la porte de France, Baudricourt lui donna une épée en disant : Allez, et advienne que pourra ! Ses amies vinrent pour la voir partir, se réjouissant de sa première victoire sur les hésitations humaines. Vous ne devriez pas vous en aller, lui criait-on, tous les chemins sont infestés d'hommes d'armes ! Mais Jeanne, qui avait dit à Catherine Rover qu'elle soupirait après son départ comme une femme grosse après le jour de sa délivrance, répondit : La route est toute ouverte devant moi. J'ai confiance en mon Seigneur, c'est lui qui me facilitera l'accès vers le gentil dauphin pour accomplir la mission pour laquelle je suis née. Alors par l'obscurité croissante, car ils voyageaient de nuit, ils s'engagèrent sur le chemin de France. |