I. Après
cette journée où le peuple ne fit d'autre usage de sa force que de la montrer
et d'exercer la pression de Paris sur la représentation, il se retira sans
commettre aucun excès. Il semblait avoir la conscience d'un service immense
rendu à la liberté. Il illumina spontanément les rues. Il n'insulta personne.
Il laissa les Girondins sortir librement des Tuileries et se rendre isolément
à leur domicile. Ce n'était pas des tètes qu'il semblait vouloir, mais un
gouvernement. Il croyait avoir affranchi la Convention du joug de quelques
ambitieux et des trames de quelques traîtres. Cela lui suffisait. Il était
prêt à obéir à la Convention, pourvu qu'il la crût libre. Aucune tentative
pour le pousser plus loin ne put l'entraîner à établir une tyrannie. Un seul
homme voulut faire aboutir le mouvement à son ambition personnelle : ce fut
Marat. Il échoua et fut obligé de se justifier aux Jacobins de l'accusation
d'aspirer à la dictature. Les discours qu'il avait tenus à la Convention, à
la commune et au peuple, pendant les oscillations de ces trois journées,
tendaient évidemment à le désigner lui-même comme le chef indispensable.
Billaud-Varennes le lui reprocha avec rudesse. « Je suis dénoncé, »
répondit Marat, « pour avoir demandé un chef, un maître, c'est-à-dire un
tyran. Je ne parais pas ici pour me disculper, car je suis persuadé que
personne n'ajoute foi à cette calomnie. Il est désagréable de parler français
devant des ignorants qui ne l'entendent pas ou devant des fripons qui ne
veulent pas l'entendre. Hier au soir, à neuf heures, des députations de
plusieurs sections vinrent me consulter sur le parti qu'elles devaient
prendre. Quoi ! leur dis-je, le tocsin de la liberté sonne et vous demandez
des conseils ? J'ajoutai à cette occasion : Je vois qu'il est impossible que
le peuple se sauve sans un chef qui dirige ses mouvements. Des citoyens qui
m'entouraient s'écrièrent : — Quoi ! vous demandez un chef ? — Non,
répondis-je. Je demande un guide et non un maître. C'est bien différent. » II. Marat
réprimandé pour son ambition, Danton le fut à son tour pour son inaction et
pour ses ménagements envers les Girondins. Ce même Varlet, qui avait proposé
au comité de l'Archevêché les plans les plus atroces contre les Girondins,
osa attaquer Danton, à la tribune des Cordeliers, au milieu de ses amis et au
foyer même de sa puissance. Varlet crut que le moment d'ébrécher cette
popularité gigantesque et de fonder la sienne sur les débris de celle du
tribun était venu. En effet, Danton chancelait déjà. Son silence au comité de
salut public, son inertie à la Convention, ses tempéraments pendant la crise,
ses apostrophes grondeuses au peuple insurgé étaient pour les Cordeliers des
signes d'un patriotisme endormi ou d'une complicité cachée avec les Girondins.
Les Cordeliers, laissant parler ainsi Varlet contre leur idole, montrèrent
qu'elle n'était pas inviolable dans leur cœur. Danton était absent. Camille
Desmoulins défendit son patron contre les insinuations de Varlet, en étalant
devant le peuple les titres révolutionnaires de l'homme du 10 août et du 2
septembre. Le
crédit de Danton sortit encore intact de cette lutte. Le soir Camille
Desmoulins étant venu lui raconter cette insolence de Varlet : « Je te
remercie, » lui dit Danton « de m'avoir vengé de ce reptile. Quand le peuple
aura trouvé un autre Danton, il pourra être ingrat impunément et me sacrifier
à ses caprices. Mais je ne crains rien, » ajouta-t-il en se frappant le front
de la paume de la main ; « il y a là deux têtes : une pour soulever la
Révolution, une autre pour la conduire. » Danton, dans ses audacieuses
confidences, déguisait moins, de jour en jour, sa pensée de s'emparer de la
république et de transformer le gouvernement. « Je parle peu, » disait-il
quelques jours après à un autre de ses affidés. « Je songe même à m'éclipser
pour un temps. Il faut user les factions. Les révolutions ont leur lassitude.
C'est là que je vous attends ! » III. La
Montagne fit renouveler le lendemain les comités, à l'exception de celui de
salut public. Elle y jeta en majorité ses membres les plus prononcés.
L'impulsion de la veille lui imprimait la force des masses. Elle destitua les
ministres suspects d'attachement aux vaincus, envoya des commissaires dans
les départements douteux, annula le projet de constitution proposé par les
Girondins, et chargea le comité de salut public de rédiger dans les huit
jours un projet de constitution entièrement démocratique. Elle pressa le
recrutement et l'armement de l'armée révolutionnaire, cette levée en masse du
patriotisme. Elle décréta l'emprunt forcé d'un milliard sur les riches. Elle
envoya, coup sur coup, accusés sur accusés au tribunal révolutionnaire. Ses
séances ne furent plus des délibérations, mais des motions brèves, décrétées
à l'instant par acclamation et renvoyées sur l'heure aux différents comités
pour les moyens d'exécution. Elle dépouilla le pouvoir exécutif du peu
d'indépendance et de responsabilité qu'il avait encore. Sans cesse appelés
dans le sein de ses comités, les ministres ne furent plus que les exécuteurs
passifs des mesures qu'elle décrétait. Ses commissaires, envoyés dans les
départements, furent investis par elle d'un pouvoir dictatorial qui supprimait
devant eux toutes les autorités intermédiaires et même toutes les lois, et
qui semblait transporter aux extrémités de la république l'ubiquité et la
toute-puissance de la Convention. De ce jour l'Assemblée cessa d'être
représentation pour devenir gouvernement. Elle administra, elle jugea, elle
frappa, elle combattit elle-même. Ce fut la France assemblée : tête et main
tout à la fois. Cette dictature collective avait sur la dictature d'un seul
cet avantage qu'elle était invulnérable et qu'un coup de poignard ne pouvait
l'interrompre ni la renverser. De ce
jour aussi, on ne discuta plus, on agit. La disparition des Girondins enleva
la voix à la Révolution. L'éloquence fut proscrite avec Vergniaud, à
l'exception des rares journées où les grands chefs de parti, comme Danton et
Robespierre, prirent la parole, non pour réfuter des opinions, mais pour
intimer des volontés et promulguer des ordres. Les séances devinrent presque
muettes. Un grand silence se fit désormais dans la Convention, interrompu
seulement par le pas accéléré des bataillons qui défilaient dans l'enceinte,
par les salves du canon d'alarme et par les coups de la hache qui frappait
sur la place de la Révolution. IV. Cependant
les vingt-deux Girondins, les membres de la commission des Douze et un
certain nombre de leurs amis, avertis de leur danger par ce premier coup
d'ostracisme, s'enfuyaient dans leur département, et couraient protester
contre la mutilation de la patrie. Les victimes du 31 mai n'avaient pas été
jetées dans les cachots dès le premier jour. La commune se contenta de les
avoir exilés de leurs sièges de législateurs. La pitié de leurs collègues
semblait leur laisser volontairement la facilité de se soustraire par la
fuite à des emprisonnements plus étroits et à des assassinats presque
certains. Des gendarmes accoutumés au respect envers des membres de la
représentation nationale, gardaient les détenus dans leurs maisons. Plutôt
serviteurs que geôliers, ces hommes, facilement attendris ou captés,
laissaient communiquer les députés proscrits avec leur famille et leurs amis
au dehors. Les captifs recevaient des visites, quelques-uns même avaient la
permission de sortir la nuit. On se contentait de leur parole de ne pas
s'évader de Paris. Le plus
grand nombre de ceux qui avaient attendu l'issue de l'insurrection du 2 juin,
chez Meilhan, dans la rue Saint-Honoré, avaient déjà pris ce parti. Les
autres s'évadèrent un à un. Robespierre, Danton, le comité de salut public,
le peuple lui-même semblaient fermer les yeux sur ces évasions, comme pour se
soustraire à eux-mêmes des victimes qu'il leur serait pénible de frapper. V. Buzot,
Barbaroux, Guadet, Louvet, Salles, Péthion, Bergoing, Lesage, Cussy,
Kervélégan, Lanjuinais se jetèrent dans la Normandie, et, après avoir
parcouru, en les soulevant, les départements entre la mer et Paris, ils
établirent à Caen le foyer et le centre de l'insurrection contre la tyrannie
de Paris. Ils se donnèrent le nom d'Assemblée centrale de la résistance à
l'oppression. Biroteau et Chasset étaient parvenus jusqu'à Lyon. Les sections
armées de cette ville s'agitaient en mouvements contraires et déjà sanglants.
Brissot s'enfuit à Moulins ; Rabaut-Saint-Étienne à Nîmes. Grangeneuve,
envoyé par Vergniaud, Fonfrède et Ducos, à Bordeaux, leva des bataillons
prêts à marcher sur la capitale. Toulouse suivit la même impulsion de
résistance à Paris. Les
départements de l'Ouest étaient en feu et se réjouissaient de voir la
république, déchirée en factions contraires, leur offrir la complicité d'un
des deux partis pour le rétablissement de la royauté. Le centre montagneux de
la France, où le joug de Paris est moins accepté et où l'éloignement des
frontières rend moins présents les dangers extérieurs, s'émut. Le Tarn, le
Lot, l'Aveyron, le Cantal, le Puy-de-Dôme, l'Hérault, l'Ain, l'Isère, le
Jura, en tout soixante-dix départements, se déclarèrent en scission avec la
Convention. Ces départements chargèrent leurs autorités constituées de
prendre toutes les mesures pour venger la représentation nationale. Ils
s'envoyèrent réciproquement des députations pour combiner leur soulèvement.
Marseille enrôla dix mille hommes à la voix de Rebecqui et des jeunes amis de
Barbaroux. Elle emprisonna les commissaires de la Convention, Roux et
Antiboul. Le royalisme, toujours couvant dans le Midi, transforma
insensiblement ce mouvement du patriotisme en insurrection monarchique.
Rebecqui, désespéré des atteintes involontaires qu'il portait à la république
et de voir le royalisme s'emparer du mouvement du Midi, échappa au remords
par le suicide et se précipita dans la mer. Lyon et Bordeaux emprisonnèrent
également les envoyés de la Convention comme Maratistes. Les premières
colonnes de l'armée combinée des départements commencèrent à s'ébranler de
toutes parts. Six mille Marseillais étaient déjà à Avignon, prêts à remonter
le Rhône et à faire leur jonction avec les insurgés de Nîmes et de Lyon. La
Bretagne et la Normandie réunies concentraient leurs premières forces à
Évreux. VI. Au
dehors, la situation de la Convention n'était pas moins tendue. L'Angleterre
bloquait tous nos ports. Une armée de cent mille hommes, Anglais, Hollandais,
Autrichiens, pressait et entamait les départements du Nord. Condé, bloquée,
voyait le général Dampierre expirer en tentant de la défendre. Valenciennes,
bombardée par trois cents bouches à feu, n'était plus qu'un amas de cendres
protégé par des remparts imprenables. Les émigrés, les Autrichiens et les
Prussiens avaient passé le Rhin et menaçaient les départements de l'Alsace
d'une invasion de plus de cent mille combattants. Custine et nos garnisons du
Rhin les arrêtaient à peine. Ce général, retranché dans les lignes de
Wissembourg, songeait à se réfugier dans Strasbourg. Mayence, abandonnée,
avec une garnison de vingt mille soldats d'élite paralysés ainsi pour la
guerre active, se défendait héroïquement contre les attaques du général
Kalkreutz à la tête de soixante-dix mille hommes. Le roi de Prusse, au milieu
d'un autre corps d'armée, en face de Custine, n'attendait, pour porter les
derniers coups, que la nouvelle de la reddition de Mayence. De Strasbourg aux
Alpes l'insurrection girondine soulevait la Franche-Comté et rendait l'accès
du Haut-Jura praticable aux intrigues et aux armes des émigrés. Avoir le même
ennemi, c'est la seule alliance entre les factions ! VII. Vingt
mille jeunes volontaires franc-comtois, poussés au royalisme par leur
indignation contre les Montagnards et contre Marat, étaient prêts à descendre
sur Lyon et sur Mâcon pour grossir l'armée du Midi marchant contre Paris.
Quatre-vingt mille Savoyards et Piémontais, postés sur les hauteurs du comté
de Nice et au confluent des hautes gorges des Alpes de la Savoie, menaçaient
Toulon, Grenoble, Lyon. Ces troupes étrangères proposaient aux royalistes de
l'intérieur leurs secours armés contre les tyrans de la république. Biron,
qui commandait l'armée d'Italie, n'avait que quelques milliers d'hommes
découragés et indisciplinés pour couvrir à la fois la Provence et la
frontière. Dans les Pyrénées, notre guerre avec l'Espagne, molle et sans
gloire des deux côtés, se renfermait dans les gorges, laissant nos provinces
du Roussillon sous le coup d'une invasion toujours ajournée, mais toujours
imminente. Les désastres de l'armée révolutionnaire dans la Vendée
complétaient ce tableau des calamités de la république et des extrémités de
la Convention. La force n'était plus qu'au cœur. Pour ne pas désespérer de la
lutte que la république concentrée à Paris avait à soutenir, il fallait
porter dans son âme toute la foi de la nation dans la liberté. La Convention
avait cette foi ; elle se dévoua, et elle dévoua la France ou à la mort ou à
son œuvre. Ce fut sa gloire, son excuse et son salut. Danton et Robespierre,
la commune de Paris et les Jacobins soutinrent son énergie au niveau de ses
périls, tantôt par l'enthousiasme, tantôt par la terreur qu'ils lui
imprimaient. Ils la placèrent entre la contre-révolution et l'échafaud : elle
n'eut, que le choix de la mort ; elle choisit la mort glorieuse, et se
résolut à combattre contre tout espoir. VIII. Pour
montrer qu'elle ne désespérait pas de l'avenir, la Convention vota, en
quelques jours de discussion, la nouvelle constitution dont elle avait chargé
le comité de salut public de lui présenter le plan. Hérault de Séchelles lut
le rapport. Cette
constitution cessait d'être représentative pour devenir démocratique,
c'est-à-dire que la représentation générale, universelle, directe, y appelait
partout et toujours le peuple lui-même, sous toutes les formes, à l'exercice
immédiat de la souveraineté. On consultait la nation sur toutes les lois ;
l'élection nommait tous les pouvoirs exécutifs, les contrôlait et les
destituait à son gré. Robespierre dont les principes avaient prévalu dans
cette conception, la défendit aux Jacobins contre les attaques des démagogues
exagérés, tels que Roux et Chabot, « Défiez-vous, dit-il, de ces
ci-devant prêtres coalisés avec les Autrichiens. Prenez garde au nouveau
masque dont les aristocrates vont se couvrir ! J'entrevois dans l'avenir un
nouveau crime, qui n'est peut-être pas loin d'éclater ; mais nous le dévoilerons,
et nous écraserons les ennemis du peuple sous quelque forme qu'ils osent se
présenter ! » Les Jacobins, qui affectaient de conserver toujours l'avantage
de la modération sur les Cordeliers et qui devaient à ce caractère réfléchi
et politique de leurs actes une partie de leur puissance, applaudirent aux
paroles de Robespierre. Ils envoyèrent une députation, dont Collot d'Herbois
fut l'orateur, supplier les Cordeliers de faire taire les détracteurs de la
constitution et de rallier tous les cœurs à une œuvre que le temps rendrait
plus populaire encore. Les Cordeliers fléchirent à la voix des Jacobins ; ils
chassèrent de leur société, comme perturbateurs et anarchistes, Roux et
Leclerc des Vosges, et pardonnèrent à Varlet en considération de l'ardeur de
sa jeunesse. La constitution, ainsi sanctionnée par les deux sociétés
souveraines de l'opinion à Paris et couverte de l'égide de Robespierre, fut
envoyée à toutes les municipalités de la république pour être présentée à
l'acceptation du peuple français convoqué en assemblées primaires. Quant à
Danton, il lança cette constitution au peuple comme un jouet déjà brisé dans
sa pensée. Il n'aimait du peuple que sa force ; il croyait peu à la liberté ;
il s'inquiétait peu de l'avenir ; il était de la race de ces hommes qui ne
s'insurgent contre les tyrannies que par une tyrannie plus grande. Quand ils
ne sont pas des esclaves révoltés, ils deviennent les plus insolents des
dominateurs. Toutes ces théories constituantes n'étaient aux yeux de Danton
que des puérilités plus ou moins habiles ; il lui en coûtait peu de les
écrire, car il ne lui en coûtait rien de les effacer. Il ne connaissait en
révolution qu'un seul gouvernement légitime : le gouvernement de la
circonstance et la loi de la nécessité. IX. Le
bruit courait alors que la Convention, embarrassée des Girondins captifs à
Paris, n'osant ni les juger ni les absoudre, se proposait de faire un
sacrifice à la paix et à la réconciliation avec les départements en
amnistiant les vingt-deux. C'était en effet l'avis de Danton : les rigueurs
inutiles lui pesaient et le souvenir de septembre l'éloignait du meurtre.
Valazé, indigné de l'outrage caché dans un pareil pardon, écrivit à la
Convention qu'il ne pouvait croire à ce projet du comité de salut public ; que
la liberté lui était moins chère que l'honneur, et qu'il repousserait avec
horreur le pardon. Vergniaud, également intrépide et qui jetait le défi à ses
vainqueurs du fond de sa prison, écrivit une lettre dans le même sens. « Je
demande à être jugé, » disait-il. « Si je suis coupable, je me suis mis
volontairement en état d'arrestation pour offrir ma tête en expiation des
trahisons dont je serais convaincu ; si mes calomniateurs ne produisent pas
leurs preuves contre moi, je demande à mon tour qu'ils aillent à l'échafaud.
Citoyens mes collègues, je m'en rapporte à votre conscience ; votre justice
sera jugée à son tour par la postérité. » Les restes du parti de la Gironde,
encouragés par le soulèvement des départements, se rendirent en masse à la séance
de la Convention pour appuyer la lecture de ces lettres et des pétitions en
faveur des proscrits. « Ce sont des brandons de guerre civile qu'on vous
jette ! s'écria Legendre, hâtez-vous de les éteindre en passant
dédaigneusement à vos délibérations. » La Convention écarta ces pétitions.
Barrère lut un rapport du comité de salut public. Il y glorifiait le 31 mai,
tout en demandant des mesures sévères pour ramener les Jacobins et la commune
au respect du pouvoir suprême concentré dans la Convention. « Hommes de la
Montagne, » disait Barrère en finissant, « vous ne vous êtes pas placés sans
doute sur ce point le plus élevé pour vous élever au-dessus de la vérité ;
sachez donc l'entendre. Ne prononcez pas avant l'opinion sur la culpabilité
des collègues que vous avez repoussés de votre sein, et donnez, en attendant
le jugement, des otages aux départements alarmés. » Robespierre, Lacroix,
Thuriot et Legendre s'indignèrent de cette faiblesse. Robespierre s'étonna de
ce qu'on osât remettre en question ce que le peuple avait jugé. On
annonça au même moment à la Convention que les administrateurs des
départements insurgés venaient de faire arrêter les commissaires Romme,
Prieur de la Côte-d'Or, Ruhl et Prieur de la Marne. « Je connais Ruhl, s’écria
Couthon, il serait libre encore en face de toutes les bouches à feu de
l'Europe ! » On demanda par acclamation la prompte punition des
administrateurs rebelles. Quelques membres de la droite proposèrent des
mesures faibles ou perfides d'expectative. Danton sembla sortir à ces mots,
de l'inexplicable inertie qu'on lui reprochait. « Eh
quoi ! dit-il, on semble douter de la république ? C'est au moment d'un grand
enfantement que les corps politiques comme les corps physiques paraissent
menacés d'une destruction prochaine. Nous sommes entourés d'orages ! la
foudre gronde ! eh bien ! c'est du milieu de ses éclats que sortira l'ouvrage
qui immortalisera la nation française. Rappelez-vous, citoyens, ce qui s'est
passé du temps de la conspiration de La Fayette ; rappelez-vous l'état de
Paris alors, les patriotes opprimés, proscrits, menacés partout, les plus
grands malheurs suspendus sur nous ! C'est aujourd'hui la même situation ! il
semble qu'il n'y ait de péril que pour ceux qui ont créé la liberté ! La
Fayette et sa faction furent bientôt démasqués. Aujourd'hui les nouveaux
ennemis du peuple sont déjà en fuite sous de faux noms. Ce Brissot, ce
coryphée de la secte impie qui va être étouffée, cet homme qui vantait son
courage et qui se targuait de son indigence en m'accusant, moi, d'être
couvert d'or, n'est plus qu'un misérable, dont le peuple a déjà fait justice
à Moulins, en l'arrêtant comme un conspirateur. On dit que l'insurrection de
Paris cause des mouvements dans les départements ? Je le déclare à la face de
l'univers, ces événements feront la gloire de cette superbe cité ! je le
déclare à la face de la France, sans le canon du 31 mai les conspirateurs
nous faisaient la loi ! que le crime de cette insurrection retombe sur nous
!!! » X. Cet
orgueilleux défi à la postérité n'eut qu'un écho unanime sur la Montagne.
Danton s'associait à l'insurrection victorieuse du 31 mai, et lui donnait
devant la France le baptême du patriotisme. Couthon
convertit en motion l'enthousiasme excité par ces paroles, et fit voter
non-seulement l'amnistie des bandes qui avaient assiégé la Convention, mais
encore l'éloge de la commune, du peuple et même du comité insurrecteur de
Paris, pendant les journées du 31 mai, du 1er et du 2 juin. Ducos,
resté avec Fonfrède sur les bancs déserts des Girondins, s'efforça de fléchir
la colère des vainqueurs et d'exciter leur indulgence en faveur de ses
collègues. On lui répondit par des murmures. On accusa Vergniaud d'avoir
voulu corrompre le gendarme qui le gardait. On signala l'évasion de
Lanjuinais et de Péthion, qui étaient allés rejoindre leurs collègues à Caen.
Robespierre demanda le rapport immédiat sur les députés détenus. « Quoi !
c'est ici, dit-il, qu'on ose mettre en parallèle la Convention et quelques
conspirateurs ! C'est ici qu'on tient le langage de la Vendée ? » Cette
apostrophe injurieuse au côté droit fut couverte de dénégations et de
murmures. « Je demande, » dit Legendre, qui affectait le fanatisme pour
Robespierre, « je demande que le premier rebelle, le premier de ces révoltés
» (en
écrasant du geste les amis de Vergniaud) « qui interrompra l'orateur soit envoyé à l'Abbaye
! — On veut connaître leurs crimes, » continua Robespierre. « Leurs crimes,
citoyens ! sont les calamités publiques, l'audace des conspirateurs, la
coalition des tyrans de l'Europe, les lois qu'ils nous ont empêchés de faire,
la constitution sainte qui s'est élevée depuis qu'ils n'y sont plus !
Citoyens ! qu'aucune pusillanimité ne vous engage à ménager les coupables, le
peuple est à vous ! XI. Fonfrède
essaya d'obtenir que le décret d'emprisonnement contre ses amis indiquât du
moins la prison spéciale où ils seraient enfermés pour qu'ils ne fussent pas
confondus avec les criminels. Il n'obtint qu'une froide indifférence. Des
femmes et des enfants des détenus supplièrent qu'on leur permit de partager
le sort de leurs parents. La Montagne accueillit ou rejeta ces prières
individuelles selon sa partialité pour ou contre les personnes. Bertrand, qui
venait de perdre sa femme, et qui restait seul et pauvre pour soigner ses
enfants en bas âge, leur fut impitoyablement arraché. Cette discussion se
prolongea. Drouet accusa Brissot de chercher à fuir et Vergniaud d'avoir
enivré ses geôliers : « Cessons, » dit enfin Robespierre, « de nous occuper
des individus. Ils voudraient que la république ne pensât qu'à eux ; mais la
république ne pense qu'à la liberté. Faites des lois populaires, posez les
bases de l'instruction publique, régénérez l'opinion, épurez les mœurs ;
hâtez-vous si vous ne voulez perpétuer les crises de la Révolution.
L'intention de vos ennemis est de rallumer la guerre civile. On voudrait que
la Convention présentât le spectacle des divisions qui déchirent la France.
Tel est le motif de cette affectation à demander que vous vous occupiez de
ces misérables individus qui, quoique frappés du glaive de la loi, lèvent
l'étendard de la révolte. Laissons ces misérables aux remords qui les
poursuivent. » On
apprit bientôt la fuite de Kervélégan et de Biroteau. « Où est donc leur
crime ? » cria une voix de la Plaine. « Leur crime ! répondit
Maure, il est dans leur fuite. » XII. Enfin
Saint-Just, inspiré par Robespierre, lut le rapport définitif sur les
événements du 31 mai. Ce rapport, rassemblant en un seul faisceau
d'accusations toutes les calomnies de Camille Desmoulins contre les
Girondins, transformait ce parti en une vaste conspiration pour rétablir la
royauté abolie et pour livrer la république à l'étranger. Le fédéralisme
était présenté comme le but constant et systématique de ce parti. « Voyez ! »
disait Saint-Just en finissant, « ils voulaient vous asservir vous-mêmes
au nom de votre sûreté. Ils vous traitaient comme ce roi de Chypre chargé de
chaînes d'or. Marseille et Lyon, prêts à se joindre à la Vendée, sont en
proie à leurs émissaires. Tyrans plus odieux que Pisistrate, ils font égorger
le fils qui leur redemande son père et la mère qui pleure un fils ! Buzot
soulève l'Eure et le Calvados ; Péthion, Louvet, Barbaroux le secondent. On
ferme les sociétés populaires, on sévit contre les patriotes. A Nîmes on
installe une commission de gouvernement. Partout le sang coule. Bordeaux
entend le cri de Vive le roi ! mêlé aux outrages contre la Convention.
Entendez-vous les cris de ceux qu'on assassine ? La liberté du monde et les
droits de l'homme sont bloqués avec vous dans Paris. Ils ne périront pas !
Votre destinée est plus forte que vos ennemis. Vous ne leur devez plus rien,
puisqu'ils désolent la patrie. C'est le feu de la liberté qui nous a de
lui-même épurés, comme le bouillonnement des métaux chasse du creuset l'écume
impure. Qu'ils restent seuls avec leurs crimes. Proscrivez ceux-là, jugez les
autres, et pardonnez ensuite. Vous n'aimez point à être implacables ! » Ce
rapport offrait l'amnistie aux départements insurgés. Il se résumait en un
décret. Ce décret déclarait traîtres à la patrie Buzot, Barbaroux, Gorsas,
Lanjuinais, Salles, Louvet, Bergoing, Biroteau, Péthion ; il mettait en
accusation Gensonné, Guadet, Vergniaud, Mollevault et Gardien, détenus à
Paris. Il rappelait Bertrand, membre de la commission des Douze, dans le sein
de la Convention. Chabot, à la suite de ce rapport, demanda et obtint un
décret d'accusation contre Condorcet, qui venait de défendre courageusement
ses amis, dans une adresse aux Français. XIII. Pendant
que la Convention sévissait ainsi au centre, elle combattait aux extrémités.
Ses commissaires, luttant partout contre les émissaires girondins,
soulevaient les sections, ralliaient les bataillons, marchaient à leur tête
contre les premiers rassemblements et écrasaient l'insurrection dans son germe.
Le général Carteaux coupa la route de Lyon aux volontaires de Marseille et
les mit en fuite auprès d'Avignon. Bordeaux restait indécis s'il vengerait
ses députés ou s'il obéirait à la Montagne. Mais le foyer de l'insurrection
fédéraliste était à Caen, en Normandie et en Bretagne. Jetons un regard sur
cette ville et sur ces provinces. Les
dix-huit députés réfugiés à Caen étaient Barbaroux, Bergoing, Boutedoux,
Buzot, Duchâtel, de Cuny, Gorsas, Guadet, Kervélégan, Lanjuinais quelques
jours seulement, Guadet, Larivière, Lesage d'Eure-et-Loir, Louvet, Meilhan,
Mollevault, Salles, Valady, Péthion accompagné de son fils enfant de dix ans.
Ils avaient été rejoints par trois jeunes écrivains dévoués à leur cause et à
leur malheur : c'étaient Girey-Dupré, Riouffe et Marchenna. Ces
députés s'étaient jetés en masse à Caen, parce que cette ville n'avait pas
attendu leur provocation pour se prononcer contre la journée du 31 mai et
contre la violation de la représentation nationale. Depuis
quelques mois, les Jacobins de Caen, indignés des doctrines de la Montagne,
avaient rompu ouvertement avec la société des Jacobins de Paris. La nuit même
du 31 mai, le conseil du département du Calvados avait voté la formation
d'une armée départementale destinée à assurer la liberté de la Convention. «
Nous ne déposerons les armes, » disait l'adresse rédigée dans la même séance,
« qu'après avoir fait rentrer les prescripteurs et les factieux dans le néant
! » Une assemblée prit le gouvernement de l'insurrection. Elle décerna le
commandement des troupes au général Wimpfen, ancien député constitutionnel.
M. de Wimpfen était de Bayeux. Resté fidèle à la patrie, son cœur cependant
était royaliste. L'assemblée insurrectionnelle fit arrêter Romme et Prieur,
deux commissaires de la Convention du parti montagnard. On les enferma au
château de Caen. C'est pendant ces emprisonnements que Romme médita le plan
du calendrier républicain qui devait enlever au temps lui-même l'empreinte du
passé et de la tradition. Les
députés fugitifs arrivèrent successivement à Caen, les premiers jours de
juin. Chacun d'eux, à son arrivée, se présenta au comité insurrectionnel et
échauffa les opinions fédéralistes par le récit de ses propres persécutions.
La ville leur donna l'hospitalité à l'hôtel de l'ancienne intendance. Ils
restèrent spectateurs plutôt qu'acteurs dans l'insurrection. Elle se grossit
rapidement de quelques régiments en garnison à Caen et aux environs, et de
quelques bataillons de volontaires composés de l'élite de la jeunesse de
Rennes, de Lorient, de Brest. L'avant-garde de ces troupes, sous le
commandement de M. de Puisaye, émigré rentré, dévoué au roi, fut postée à
Évreux. M. de Puisaye ne voyait dans l'insurrection que le renversement de la
république. Une fois vainqueur, il croyait faire changer facilement de
drapeau à ses troupes et rétablir la royauté constitutionnelle. C'était un
homme à la fois orateur, diplomate, soldat ; caractère éminemment trempé pour
les guerres civiles, qui produisent plus d'aventuriers que de héros. M. de
Puisaye avait déjà passé une année entière, caché dans une caverne, au milieu
des forêts de la Bretagne, pour allumer de là par ses manœuvres et par ses
correspondances le feu de la révolte contre la république. Il se revêtait maintenant
des couleurs tricolores et des opinions des Girondins. Ses soldats se
défiaient de lui. Le général Wimpfen resta à Caen avec le corps d'armée
principal. Il essaya sans succès de se fortifier par des enrôlements
volontaires. Les émissaires de la Montagne, répandus dans le département,
amortissaient et décourageaient le mouvement. On tremblait que la liberté ne
succombât dans la lutte livrée en son nom. M. de
Puisaye fit marcher ses troupes, au nombre de deux mille hommes, sur Vernon.
Mais les ayant campées imprudemment aux environs de Brécourt et abandonnées
de sa personne pendant la nuit du 13 juillet, quelques coups de canon des
troupes de la Convention suffirent pour les disperser. Cette déroute fut le
signal de la déroute des rassemblements partout. Les bataillons bretons
eux-mêmes reprirent la route de leurs départements. Robert Lindet,
commissaire de la Convention, rentra à Caen sans résistance. Les députés ne
songèrent plus qu'à leur sûreté. Wimpfen leur offrit de leur assurer un asile
en Angleterre. Ils refusèrent, de peur de confondre leur cause avec celle des
émigrés. La même
indolence qui les avait perdus à Paris les perdit à Caen. Aucun d'eux ne
développa ces ressources de caractère et d'esprit qui suppléent au nombre et
créent les moyens d'action. Ils contemplaient leur fortune sans y porter la
main. Ils perdaient les jours en entretiens stériles avec les membres du
comité insurrectionnel. Barbaroux s'occupait de poésie, comme dans les
loisirs d'une vie heureuse. Il s'excusait de son vote de mort dans le procès
du roi. « Ce n'était pas mon opinion personnelle, disait-il, c'était le vœu
de mes commettants, je me suis borné à l'exprimer. » Péthion
paraissait absorbé dans les soins qu'il donnait à son fils. Louvet
et Barbaroux se portèrent à Lisieux, dans l'intention de marcher avec
l'avant-garde sur Paris. Ils y arrivèrent au moment où les troupes débandées
de Puisaye rétrogradaient vers Caen. Un de leurs amis qui fuyait avec les
bataillons de ce général trouva Barbaroux couché sur le pavé de sa chambre
dans une auberge de Lisieux. Il lui annonça la déroute de Vernon. Barbaroux
revint à Caen. Valady et lui ne se quittaient pas. « Barbaroux, » disait
Valady, « est un étourdi sublime, qui, dans dix ans, sera un grand homme ! »
Girey-Dupré composait des strophes insurrectionnelles pour remplacer celles
de la Marseillaise dans les combats contre la Montagne. Péthion
se justifiait avec indignation du soupçon d'avoir participé aux massacres de
septembre. Sa figure honnête démentait ces imputations atroces. « Voyez,
disait de lui Barbaroux, voyez l'homme qu'on veut faire passer pour un
assassin ! » Guadet
avait le visage, la parole et la contenance tragiques. « Toujours
orateur, » disait de lui en plaisantant Barbaroux. Ils
étalèrent à Caen plus d'indifférence à leur sort que de caractère pour le
réparer. Ils excitèrent plus de curiosité que d'enthousiasme. Tout avorta
sous leurs mains. Leur guerre civile ne fut qu'une émeute qui n'approcha pas
même des remparts de Paris. La république qu'ils avaient créée leur refusa
jusqu'à un champ de bataille et ne leur réservait que l'échafaud. La France
plaignit ces hommes persécutés, mais ne voulut pas s'anéantir pour les
venger. Elle avait horreur des violences faites à la représentation, de
l'oppression de la Convention, des échafauds ; mais elle avait plus horreur
encore des déchirements de son territoire et de l'invasion de l'étranger.
Elle ne mettait pas en balance alors la tyrannie passagère d'un comité de
salut public, quelque atroce que fût cette tyrannie, avec l'anéantissement de
la patrie et la décomposition de l'unité nationale à laquelle elle croyait
s'immoler elle-même. Le nom seul de fédéraliste était plus qu'une injure dans
l'esprit, du peuple : c'était un parricide, que la mort seule à ses yeux
pouvait expier. XIV. Chaque
jour ce soupçon de fédéralisme envoyait au comité révolutionnaire ceux que ce
nom désignait à la vengeance du peuple. Marat ne cessait de stigmatiser de ce
nom tous ceux qui tenaient aux députés proscrits par des liens d'opinion ou
d'attachement. Marat s'était constitué, depuis son triomphe, l'accusateur
public de la commune, des Cordeliers et même de la Convention. L'hésitation
de Danton, la temporisation de Robespierre, la modération des Jacobins
élevaient en ce moment Marat à l'apogée de sa popularité et de sa puissance.
Il osait tout ce qu'il rêvait. Son imagination fiévreuse ne mettait plus de
bornes à ses rêves. Il affectait un grand mépris pour la Convention. Il
dédaignait d'assister aux séances. Il levait les épaules aux noms de
Robespierre et de Danton ; incapables tous deux, disait-il, l'un faute de
vertu, l'autre faute de génie, d'accomplir une révolution et de régénérer un
peuple. Il avait les vertiges de la hauteur où sa folie même l'avait porté.
Il croyait résumer de plein droit dans sa personne le nombre, le droit, la
volonté de la multitude. Il adorait en lui la divinité du peuple. XV. Ce
culte qu'il avait pour lui-même, il l'avait inspiré à la partie ignorante et
turbulente de la nation et surtout de la populace de Paris. Marat était à ses
yeux le dernier mot du patriotisme. « Marat nous est nécessaire, » disait
Camille Desmoulins à Danton pour s'excuser de ses adulations envers cet
homme. « Tant que nous aurons Marat avec nous, le peuple aura confiance dans
nos opinions et ne nous abandonnera pas ; car au-delà des opinions de Marat
il n'y a rien. Il dépasse tout le monde et personne ne peut le dépasser. » Depuis l'expulsion des Girondins il s'était récusé comme député, ne voulant pas, disait-il, prononcer comme juge sur ceux qu'il considérait comme des ennemis personnels. Son jugement à lui, c'était l'insurrection. Il dédaignait le jugement de la Convention et le glaive de la loi. Dévoré par une fièvre lente et par une lèpre hideuse, écume visible des bouillonnements de son sang, il ne sortait presque plus de la demeure sombre et reculée qu'il habitait. De là, invisible et malade, il ne cessait de signaler des proscriptions au peuple, de désigner les suspects, de marquer du doigt les victimes, et de promulguer ses ordres à la Convention elle-même. La Convention écoutait ses lettres avec un dégoût réel, mais avec une déférence affectée. Les Girondins, répandus dans les départements, pour accroître l'horreur de la France contre leurs ennemis, leur donnaient le nom de Maratistes. Cette dénomination injurieuse avait encore grandi Marat dans l'imagination de la multitude. Les départements résumaient dans cet homme toute la terreur, toute l'horreur, toute l'anarchie du moment. En personnifiant le crime dans cet être vivant et sinistre, ils rendaient le crime lui-même plus terrible et plus odieux. |