PREMIÈRE PARTIE. —
MŒURS ET USAGES
Dans
les premiers siècles du christianisme, les Cérémonies de l'Église étaient
simples et tout à fait secrètes. Les chrétiens, afin de se soustraire aux
persécutions, se réfugiaient dans des lieux retirés, dans des bois
impénétrables, dans de profondes catacombes, pour y célébrer en paix les
mystères de leur religion. Cela dura ainsi jusqu'au commencement du quatrième
siècle, où Constantin, ayant vaincu Maxence, et s'étant rendu maître de
l'Italie et de l'Afrique, mit fin aux persécutions, embrassa le christianisme
et en fit la religion de l'empire. Dès lors seulement commencèrent le culte
extérieur et les Cérémonies publiques de l'Église. Le
pape, évêque de Rome, est le chef visible de l'Église catholique romaine, le
vicaire de Jésus-Christ, le légitime successeur de saint Pierre. Il a la
souveraine autorité sur l'Église. Il assemble les conciles, crée les
cardinaux, nomme ou confirme les évêques ; institue, autorise ou supprime à
volonté les ordres religieux, veille au maintien du dogme, donne et publie des
bulles, des brefs, des encycliques, dans l'intérêt de la foi et de la
discipline ; excommunie ou lève l'excommunication ; distribue les
indulgences, etc. La suprématie de l'évêque de Rome est établie dans les
actes des conciles œcuméniques et dans les saints canons. Elle fut
formellement reconnue par un décret de l'empereur Valentinien III, mais elle
ne' cessa d'être contestée par les patriarches de l'Église d'Orient. Dans sa
dixième session, le concile tenu à Florence en 1439 modifia l'ordre de ces
patriarches marqué dans les canons : En sorte,
y est-il dit, que celui de Constantinople soit le second après le saint
pontife romain ; celui d'Alexandrie, le troisième ; celui d'Antioche, le
quatrième, et celui de Jérusalem, le cinquième, sans toucher à leurs privilèges
ou à leurs droits. Le mode
d'élection des papes subit, jusqu'au douzième siècle, de nombreuses
variations. On voit les papes nommés d'abord par le clergé et la population
chrétienne de Rome ; puis, Odoacre, chef des Hérules, devenu possesseur de
l'Italie par la défaite d'Augustule, déclara que cette élection ne se ferait
qu'avec son agrément ; son assassin et son successeur, Théodoric, roi des
Ostrogoths, nomme, de sa propre autorité, le pape Félix IV. En 774, lorsque
Charlemagne eut fait la conquête de la Lombardie, et détrôné Didier, son
beau-père, dont il venait de répudier la fille, le pape Adrien Ier, qui avait
appelé à son secours ce grand empereur, lui déféra, dit-on, de concert avec
cent cinquante évêques et tout le peuple romain, la faculté d'élire seul le
souverain pontife. Charlemagne ordonna que l'élection serait faite par le
clergé et par le peuple ; que le résultat de l'élection serait soumis à
l'approbation de l'empereur, et que la consécration de l'élu n'aurait lieu
qu'en vertu de cette approbation. Louis le Débonnaire, Lothaire et Louis le
Bègue contribuèrent à restituer et à maintenir complètement le droit
d'élection aux Romains. Au dixième siècle, le pape Léon VII remet ce droit à
l'empereur Othon Ier, et Nicolas II, en 1059, le rend aux empereurs, et règle
dans un concile les formalités à suivre pour l'élection des papes. Vers l'an
1126, le clergé, le peuple et le sénat élisent les papes sans le consentement
et la confirmation de l'empereur ; enfin, Innocent II transporte aux seuls
cardinaux ce droit, objet de tant d'ambitions et de conflits. Honoré
III, élu pape en 1216, ordonna que l'élection des papes aurait lieu dans un
conclave ; son prédécesseur, Innocent III, passe pour avoir décidé qu'elle
pourrait se faire de trois manières : par le scrutin, par le compromis et par
l'inspiration. L'élection
se faisait par compromis, lorsque l'on s'en rapportait au choix de quelque
cardinal en s'engageant à reconnaître pour pape celui qu'il aurait élu. En
1314, les cardinaux assemblés à Lyon, après la mort de Clément V, ne pouvant
s'accorder sur le choix d'un pape, déférèrent l'élection à la voix de Jacques
d'Euse, cardinal, qui se nomma lui-même, en disant : Ego sum papa. Il occupa le Saint-Siège, sous le nom de Jean
XXII. L'élection par compromis ne fut toutefois employée que très-rarement,
de même que celle de l'inspiration, qui consistait à crier, comme si l'on était
subitement inspiré : Un tel est pape ! Le concile de Lyon, en 1274,
sous le pontificat de Grégoire X, règle, dans sa cinquième session, la forme,
les lois et la procédure de l'élection des papes par scrutin. Avant
d'entrer dans le détail de cette sorte d'élection, la seule vraiment en usage
et canonique, nous croyons devoir parler des conciles, puisque ce sont les
décisions de ces assemblées qui sont la loi de l'Église, tant pour les
questions touchant la foi que pour la discipline et le cérémonial. Le
premier concile eut lieu, l'an de Jésus-Christ 51, à l'occasion d'une
division que la doctrine de Cérinthe, gnostique juif, suscita parmi les
fidèles d'Antioche. On résolut d'aller à Jérusalem consulter les apôtres, qui
s'y rencontrèrent au nombre de cinq : saint Pierre, saint Jean, saint
Jacques, saint Paul et saint Barnabe. Le reste du concile se composait de
leurs disciples et de l'Église de Jérusalem. On rédigea par écrit leur
décision qui commençait par ces mots : Visum
est enim Spiritui Sancto et nobis — il a semblé bon
au Saint-Esprit et à nous
—, etc. Cette première assemblée des apôtres à Jérusalem -servit de modèle
dans la tenue des conciles généraux ou œcuméniques. Les conciles généraux
devaient être réunis tous les dix ans, dans un lieu désigné par le pape. Le
quatrième concile (national) de Tolède, en 633, indique ainsi la forme de leur
tenue : A
la première heure du jour, avant le lever du soleil, on fera sortir tout le
monde de l'église, dont on fermera les portes. Tous les portiers se tiendront
à la porte par laquelle doivent entrer les évêques, qui entreront tous
ensemble et prendront séance suivant leur rang d'ordination. Après les
évêques, on appellera les prêtres que quelque raison obligera de faire entrer
; puis, les diacres, avec le même choix. Les évêques seront assis en rond ;
les prêtres assis derrière eux, et les diacres debout devant les évêques.
Puis, entreront les laïques que le concile en jugera dignes. On fera aussi
entrer les notaires, pour lire et écrire ce qui sera nécessaire, et l'on
gardera les portes. Après que les évêques auront été longtemps assis en
silence et appliqués à Dieu, l'archidiacre dira : Priez. Aussitôt, ils se
prosterneront tous à terre, prieront longtemps en silence avec larmes et
gémissements, et un des plus anciens évêques se lèvera pour faire tout haut
une prière ; les autres demeureront prosternés. Lorsqu'il aura fini l'oraison
et que tous auront répondu : Amen l'archidiacre dira : Levez-vous. Tous se
lèveront, et les évêques et les prêtres s'assoiront, avec crainte de Dieu et
modestie ; tous garderont le silence. Un diacre, revêtu de l'aube, apportera
au milieu de l'assemblée le livre des canons et lira ceux qui parlent de la
tenue des conciles. Puis, l'évêque métropolitain prendra la parole et
exhortera ceux qui auront quelque plainte à former ou quelque affaire à
proposer. On ne passera point à une autre affaire, avant que la première ne
soit expédiée. Si quelqu'un du dehors, prêtre, clerc ou laïque, veut
s'adresser au concile, il le déclarera à l'archidiacre de la métropole, qui
dénoncera l'affaire au concile. Alors, on permettra à la partie d'entrer et
de proposer son affaire. Aucun évêque ne sortira avant l'heure de la levée de
la séance ; aucun ne quittera le concile, que tout ne soit terminé, afin de
pouvoir souscrire aux décisions ; car on doit croire que Dieu est présent au
concile quand les affaires ecclésiastiques se terminent sans tumulte, avec
application et tranquillité. Pierre
Sarpi, dit fra Paolo, a écrit l'Histoire du concile de Trente, le dernier
des conciles œcuméniques ; nous allons, d'après lui, en rapporter les
cérémonies. Ce concile général fut d'abord convoqué, par une bulle du pape
Paul III, pour le 23 mai 1537, à l'occasion du progrès rapide de l'hérésie de
Luther, de Zwingle et de Calvin. Mais le duc de Mantoue, n'ayant pas voulu
accorder sa ville pour la tenue du concile, le pape prorogea cette assemblée
jusqu'en mai 1538 et désigna la ville de Vicence pour lieu de réunion. Aucun
évêque ne s'étant rendu dans cette dernière ville, le pape prorogea de
nouveau le concile jusqu'à Pâques 1539 ; puis, sur quelques différends encore
survenus, le remit au jour où il lui plairait de le tenir. Enfin, au bout de trois
ans, en 1542, après bien des débats sur le choix du lieu, entre le pape, l'empereur
et les princes catholiques qui voulaient Ratisbonne ou Cologne, tandis que le
pape exigeait que le concile se tînt en Italie, on accepta la ville de
Trente. Une bulle avait fixé le concile au 15 mars 1543, mais les
contestations, qui survenaient tous les jours, en firent différer l'ouverture
jusqu'au 13 décembre 1545. Ce
jour-là, les légats et les évêques, au nombre de vingt-cinq, revêtus de leurs
habits pontificaux, accompagnés de leurs théologiens, du clergé de Trente et
de tout le peuple de la ville et des environs, allèrent en procession, de
l'église de la Trinité à la cathédrale, où le cardinal del Monte, premier
légat, chanta la messe du Saint-Esprit, et l'évêque de Bitonte, au nom de Sa
Sainteté, fit un discours, afin d'exhorter les Pères à se dépouiller de toute
passion et à n'avoir en vue que la gloire de Dieu. Après ce discours, tous se
mirent à genoux, firent une prière à basse voix ; après quoi, le chef du concile
récita au nom de tous la prière qui commence par Adsumus, Domine, Sancte Spiritus. On chanta ensuite les
Litanies, et le diacre lut l'Évangile de la mission des soixante-douze
disciples, tiré du chapitre X de saint Luc. Après que l'on eut chanté l'hymne
Veni, Creator Spiritus, tous ayant repris leurs places, le cardinal
del Monte lut lui-même le décret de convocation, en demandant aux Pères S'il leur plaisait de déclarer que le saint concile de
Trente était commencé pour la gloire de Dieu, l'extirpation des hérésies, la
réformation du clergé et du peuple, et l'abaissement des ennemis du nom
chrétien. A quoi
ils répondirent tous : Placet, les légats parlant les
premiers, puis les évêques et les autres Pères. Le même légat leur demanda
ensuite : Si, à cause des empêchements des
fêtes de la fin de l'année el du commencement de la suivante, ils voulaient
que la seconde session se tînt le 7 de janvier prochain ? Et ils répondirent de nouveau :
Placet. Hercules Severola, promoteur du concile, requit
les notaires d'en passer un acte public ; on chanta le Te Deum, et les Pères,
ayant quitté leurs habits pontificaux, accompagnèrent les légats précédés de
la croix, jusqu'à leurs demeures. Le 7 de
janvier, jour de la deuxième session, tous les prélats, sortant de la maison
du premier légat, où ils s'étaient réunis en habits ordinaires, se rendirent
à l'église cathédrale, précédés de la croix, au milieu de trois cents
fantassins du comté de Trente, qui étaient armés de piques et d'arquebuses,
et qui, avec quelques cavaliers, formaient la haie jusqu'à l'église. Lorsque
le cortège fut arrivé, tous ces soldats firent une décharge dans la place et
y demeurèrent pour faire la garde durant le temps de la session. Outre les
trois légats et le cardinal de Trente, se trouvèrent rassemblés quatre
archevêques, vingt-huit évêques, trois abbés de la congrégation du
Mont-Cassin et quatre généraux d'ordres ; ce qui faisait en tout
quarante-trois personnes composant le concile général. Parmi les théologiens
qui se tenaient debout, il en est deux, Olcaster et un autre, auxquels on
permit, par honneur, de s'asseoir. L'ambassadeur du roi des Romains et le
procureur du cardinal d'Augsbourg assistèrent à la séance, sur les bancs des
ambassadeurs, et, auprès d'eux, dix gentilshommes du voisinage, choisis par
le cardinal de Trente. Jean Fonseca, évêque de Castello-a-Mare, chanta la
messe, et Coriolan Martirano, évêque de Saint-Marc, prononça le sermon. Après
la messe, les évêques s'étant revêtus de leurs habits pontificaux, on chanta
les litanies, et l'on dit les mêmes oraisons que dans la première session.
Semblable cérémonial fut suivi aux sessions suivantes. Le plus
ordinairement, les conciles se sont tenus dans les églises cathédrales ou
dans de vastes sacristies ; cependant ce n'était pas de règle obligatoire. Le
premier concile général, celui de Nicée, s'est réuni dans une salle du palais
de l'empereur Constantin, et le sixième, à Constantinople, sous le dôme
impérial — in loco qui dicilur Trullus — ; aussi nomme-t-on ce concile
in Trullo. Remarquons, en passant, que l'on appelle encore, à Arles,
l'ancien palais de Constantin la Trouille ou Trouillane, et que c'est dans ce palais que s'est assemblé le deuxième
concile tenu en cette ville. Quel
que fût enfin le lieu choisi, il devait être convenablement orné. Les Pères
du concile de Trente demandèrent que la salle de la séance fût tendue de
tapisseries, sans quoi il était à craindre, dit le Cérémonial romain,
que le concile fût regardé comme une
assemblée de gens mécaniques et d'artisans... Si
le concile doit se tenir dans une église, ajoute le même Cérémonial romain,
on n'y laissera qu'une seule entrée dont les portes puissent être solidement
fermées. On réservera dans la partie supérieure de cette église, auprès du
maître-autel, un espace convenable pour la célébration des messes
solennelles, lequel sera séparé, par des planches ou toute autre clôture, de
la partie inférieure où siégera l'assemblée. Au fond de l'espace réservé, en
face, on érigera le trône du pape, dont le siège, élevé sur trois gradins,
sera recouvert d'étoffe d'or ; le dais et les pentes seront de même étoffe ;
le tapis, ainsi que le grand et le petit marchepied, de drap écarlate. Sur
les gradins du trône, il y aura deux sièges pour les diacres assistants, et le
premier cardinal-prêtre se placera sur un siège plus élevé, soit à droite,
soit à gauche, selon que le demandera son office de chapelain assistant, et
alors il devra être revêtu du pluvial (chape) et non de la chasuble. Si
l'empereur se trouve en personne au concile, les deux diacres assistants se
déplaceront et iront s'asseoir devant Sa Sainteté sur deux petits escabeaux,
suivant l'antique usage. Le siège impérial sera préparé, à la droite du pape,
sur deux gradins seulement, joints à ceux du trône papal, et on prendra garde
à ce que sa hauteur ne dépasse pas celle des pieds du pontife. Ce siège sera
orné, par derrière, de drap d'or, mais il n'y aura rien au-dessus de la tête
de l'empereur ; le marchepied sera de couleur verte. Si
un ou deux rois assistent au concile, ils auront des sièges à dossier montant
jusqu'aux épaules, ornés comme les bancs des cardinaux, avec des coussins
cramoisis, et le marchepied vert sans gradins. Les rois seront placés de
chaque côté et pas tout à fait sur la même ligne que le pape, mais un peu
obliquement, de façon qu'ils puissent voir le visage de Sa Sainteté. Dans
la longueur de l'emplacement, seront des bancs à dossier et d'un seul gradin,
pour les cardinaux et les prélats : les évêques et les prêtres en occuperont
la moitié, à droite ; l'autre-partie, à gauche (la droite du pape), qui devra être plus élevée de
quatre à cinq doigts, et ornée d'étoffes plus riches, sera réservée aux
cardinaux-diacres. En
face du pape, et au bout de ces deux rangées de bancs, on disposera en ligne
transversale quatre sièges distincts à dossier, pour les patriarches des
quatre églises de Constantinople, d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem.
Ces sièges seront à distance égale entre eux, et le milieu formera comme la
porte et l'entrée du quadrilatère. Lesdits patriarches, parés ou non, durant
les messes ou les autres actes, s'asseyent, avant les assistants du pape. Les
autres patriarches, les primats, les archevêques, les évêques, les abbés,
tous parés, se placeront, de chaque côté, après les cardinaux ; ensuite, les
orateurs des rois et des princes, s'ils sont parés, et le reste des prélats,
parés aussi. Le premier rang de bancs se trouvant rempli, ils se mettront
derrière ; les derniers seront les généraux d'ordres. Les
prélats, de quelque grade qu'ils soient, devront, suivant le décret du pape
Grégoire II, prendre place parmi leurs collègues, selon l'ordre de leur
promotion. Les assistants du pape, revêtus de leurs parements, s'assiéront, à
gauche, sur les gradins du trône pontifical, ainsi qu'il a été dit ; les
protonotaires apostoliques et les clercs de la chambre, à droite ; les sous-diacres,
les auditeurs de rote et les acolytes, sur le devant, aux pieds du pape. Au
bas des gradins, seront, sur le sol même, deux cubiculaires secrets, le doyen
des auditeurs, qui tient la mitre, et le secrétaire du pape, s'il n'est point
prélat. Les
orateurs laïques ou non prélats se placent sur de petits sièges simples qui
forment la première ligne intérieure du carré, et plus ou moins rapprochés du
pape, en raison de la dignité de leurs maîtres. Si quelque grand prince est
présent, sa place sera sur le banc des diacres et après tous les diacres. Les
autres laïques, de rang inférieur, se mettront avec ou après les orateurs non
prélats, selon leur qualité, et les autres prêtres et clercs se tiendront
derrière les bancs des prélats. On
élèvera aussi, dans un endroit convenable de la salle du concile, un autel,
surmonté de la croix avec la sainte Eucharistie, et renfermant les reliques
de quelque saint. C'est à cet autel que le pape, lorsqu'il vient au concile,
fait sa prière et appelle la bénédiction du Saint-Esprit sur l'assemblée. Si
le pape ne doit pas être présent au concile, les sièges pourront alors être
rangés à partir de l'autel ; et, la messe terminée, le président du concile,
revêtu de ses ornements sacrés, comme s'il allait officier, s'assiéra sur un
fauteuil contre l'autel. Saint
Cyrille d'Alexandrie, dans l'Apologétique des actes du concile œcuménique
d'Éphèse, dit que l'Évangile y fut posé sur le trône pontifical, comme
représentant Jésus-Christ, dont la parole
doit sans cesse retentir aux oreilles des prêtres. Loup, abbé de Ferrière, au
neuvième siècle, rapporte aussi qu'à ce même concile le saint Évangile
occupait le milieu du trône ; c'est pourquoi les légats romains, qui
présidaient cette assemblée au nom du pape, se placèrent à la gauche de ceux
qui entraient : ils se trouvaient ainsi à la droite du Christ et comme sous
ses yeux. La
présence de l'empereur ou des rois ne leur donnait aucun droit de
participation aux actes de ces conciles. Ils y assistaient comme défenseurs
officieux, sans aucune juridiction d'ailleurs, veillant seulement au maintien
de la tranquillité et de l'ordre, ainsi qu'à l'exécution des décrets, et ils
portaient d'ordinaire leur costume impérial ou royal. Eusèbe, évêque de
Césarée en Palestine, qui a écrit la vie de Constantin, dit que lorsque cet
empereur entra au premier concile de Nicée, il avait un habillement pourpre,
resplendissant d'or et de pierreries, et était semblable à un ange céleste au
milieu de rayons éblouissants. L'empereur
Sigismond assista, à la deuxième session du concile de Constance, en habit de
diacre, à la messe célébrée pontificalement par le pape, et il y chanta
l'Évangile de la première messe du jour de Noël, le 25 décembre 1414. Antoine
Pagi rapporte que le même empereur vint à la troisième session de ce concile,
en costume impérial, et qu'une autre fois, il siégea revêtu de la dalmatique
et du pluvial, couronné du diadème, assisté de deux légats a latere et accompagné de quatre seigneurs qui portaient : Louis, comte
Palatin, le globe d'or ; Henri, duc de Bavière, l'épée ; le burgrave
Frédéric, le sceptre ; et André, baron de Hongrie, la couronne. Le
cardinal Jacobatius, au livre Ier de son Traité des conciles, dit quels
doivent être les parements des membres du concile, savoir : Les cardinaux et les prélats, avec le pluvial, la chape et
leurs habits sacrés ; les évêques, avec la mitre blanche, unie et sans
ornement ; les cardinaux, avec la mitre blanche aussi, mais un peu brodée
d'or ; le pape, avec ses habits pontificaux, le pluvial rouge et la mitre
précieuse sur la tête, selon le rite pratiqué au concile de Constance. On a
souvent agité la question de savoir si, dans les premiers siècles de
l'Église, on se servait, pour les Cérémonies ecclésiastiques, d'habits
distincts de ceux portés dans la vie civile. Il paraît certain que les habits
de célébration des apôtres et de leurs successeurs immédiats différaient peu
du vêtement ordinaire ; et l'on conçoit qu'il en devait être ainsi, surtout
au temps de la persécution des chrétiens. Cependant Génébrard démontre, par
des citations tirées de saint Clément, de Tertullien et autres autorités,
que, même dans la primitive Église, on faisait usage d'habits sacrés ; et à
l'appui de cette opinion, il cite, entre autres preuves, la défense que fit,
en 260, saint Etienne, pape et martyr, de s'en servir, non plus que d'autres
ornements à l'usage du culte, hors le
pourpris de l'église
— extra ecclesiam vestes sacerdotales et
legumenta allarium.
Le même pape dit aussi que ces vêtements doivent être décents, consacrés au
service divin, et que personne ne peut s'en revêtir, excepté les
ecclésiastiques. Après
l'an 1000, les conciles réglèrent les fonctions et le costume de chacun dans
le synode. Le concile de Bude, en 1279, assigne aux évêques et aux abbés
mitrés le surplis, superpelliceum — ainsi nommé, parce qu'on le
mettait sur la robe fourrée que portaient autrefois les ecclésiastiques,
surtout dans le nord, surpelisse — ; l'étole, qui était d'abord
une robe ouverte par devant et dont l'ouverture était garnie d'un orfroi — aurum phrygium, or phrygien, broderie d'or dont l'invention était
due aux Phrygiens — ; le pluvial, chape dont le nom fait connaître l'usage,
et la mitre ; aux prélats inférieurs, le surplis, l'étole et le pluvial ; aux
chefs de paroisses — parochis, c'est-à-dire ceux qui étaient
chargés par les évêques de présider les assemblées des fidèles dans les
villages dont la population n'était pas assez considérable pour y établir une
église diocésaine ou épiscopale — et aux autres prêtres, le surplis et l'étole
; aux moines, seulement l'étole. Le synode de Cologne, en 1280, attribue
l'aube et l'étole aux prieurs, aux archiprêtres et aux doyens ruraux ; aux
prêtres, seulement le surplis. Le Cérémonial
romain décrit ainsi les vêtements du pape : Lorsque le souverain pontife paraît solennellement en
public, il est revêtu, ou du pluvial, ou de la chape, comme les cardinaux,
mais ouverte sur la poitrine, avec la mitre ; ou du manteau papal (mantum)
avec le capuce sur la tête ; il porte la robe de laine blanche, le rochet,
les bas rouges et les sandales ornées d'une croix. Nous
devons maintenant revenir à l'élection du pape par la voie du scrutin et aux
Cérémonies du conclave qui a pour objet cette élection. Depuis
la mort de Clément IV jusqu'à l'élection de Grégoire X, il y eut un interpontificat de trois ans (1268 à 1271) ; les cardinaux, rassemblés à
Viterbe, où était mort le dernier pape, ne purent s'entendre sur le choix de
son successeur, malgré leurs fréquentes réunions à cet effet ; car, en ce temps-là, dit Panvinio — dans ses annotations sur la vie de
Grégoire X, écrite par Platine —, l'usage
n'était pas que les cardinaux fussent renfermés en conclave, comme cela a
lieu maintenant ; mais, chaque matin, ils se réunissaient, soit à
Saint-Jean-de-Latran ou dans la basilique de Saint-Pierre, s'ils étaient à
Rome, soit dans la cathédrale de toute autre ville où ils pouvaient se
trouver rassemblés.
Il paraît constant néanmoins que, si Grégoire X fut le premier qui prescrivit
cette forme dans sa Constitution lue au deuxième concile général de Lyon,
longtemps déjà auparavant les cardinaux avaient été ainsi renfermés en
conclave (cum clave, sous clef) ; par exemple, aux élections
d'Honoré III, de Grégoire IX, de Célestin IV et d'Innocent IV ; mais Panvinio
ajoute que ce n'était pas de droit —tamen
id de jure faciendum non est. Avant
Grégoire X, il n'y avait aucune règle qui astreignit les cardinaux présents à
attendre, pendant un certain nombre de jours limité, l'arrivée des absents,
pour s'occuper de l'élection du nouveau pape. On laissait passer
ordinairement le troisième jour, quelquefois moins. Innocent III fut élu le
jour même de la mort de Célestin III, et Grégoire IX le lendemain de la mort
de Honoré III. Selon la Constitution de Grégoire X, les cardinaux doivent entrer
en conclave, dix jours au moins après le décès du pape. Pendant
la vacance du Saint-Siège et la tenue du conclave, quatre cardinaux de
différents ordres se partagent l'administration des affaires publiques,
savoir : le cardinal-doyen ou le premier cardinal-évêque, le premier cardinal
prêtre, le premier cardinal-diacre et le cardinal-camerlingue ; les trois
premiers se chargent des affaires de la justice et de la police ; le dernier
brise les sceaux qui servaient au pape défunt et fait battre la monnaie à son
coin. Cette monnaie porte deux clefs en sautoir sous le gonfalon de l'Église,
avec ces mots : Sede vacante. C'est à Rome que s'est faite
le plus souvent l'élection du pape, contrairement aux Constitutions de
Grégoire X et de Clément V, qui prescrivaient qu'elle se fit au lieu même du
décès du pape. La grandeur du Vatican et sa proximité de la basilique de
Saint-Pierre, avaient autrefois déterminé les cardinaux à choisir ce palais
pour y tenir le conclave. Les
derniers devoirs ayant été rendus au pape défunt, un camérier de la sainte
Église romaine et les officiers de la chambre apostolique s'empressent de
préparer le lieu du conclave ; et d'abord, de faire murer les portes et les
fenêtres qui s'ouvrent au dehors, en ne laissant qu'une seule entrée, dont la
porte est munie de verrous et de quatre serrures, et au milieu de laquelle il
y a un guichet pour le passage des vivres. Paris de Grassis, maître des
cérémonies de la cour de Rome, rapporte, dans son Journal manuscrit (pendant
la vacance du Saint-Siège, après la mort de Jules II), qu'à cause des fraudes
qui se commettaient par ce guichet, quand on apportait les provisions, il
proposa aux cardinaux, qui y consentirent, de le remplacer par un tour, comme
chez les moines : on mit donc une porte, bien fermée, de chaque côté de ce tour,
et les gardiens du conclave eurent la clef de la porte extérieure, et le
maître des cérémonies, la clef de la porte intérieure. La moins grande des
deux chapelles, à droite en entrant dans le Vatican, chapelle dédiée à saint
Nicolas — appelée Pauline, depuis que Paul III la fit restaurer —, est celle
où doivent s'assembler les Pères pour entendre les offices divins et pour
procéder à l'élection. C'est dans la plus grande chapelle, à gauche, que sont
dressées les cellules des cardinaux. Ces cellules, formées de montants légers
en sapin, sont recouvertes de serge violette pour les cardinaux, parents du
pape défunt ou ses créatures, et de serge verte pour les autres. C'est à la
mort de Jules II que parait avoir commencé la distinction déterminée de ces
deux couleurs ; car le Journal de Burchard nous apprend qu'au conclave où fut
élu Innocent VIII, les cellules étaient en serge verte, rouge, blanche, etc.,
suivant le goût de chacun. On tire les cellules au sort, la veille de l'entrée
au conclave, tant pour les cardinaux présents que pour ceux qui peuvent
arriver. Elles sont marquées chacune d'une lettre de l'alphabet. On remet au
serviteur de chaque cardinal le billet qui porte la lettre échue à son
maître, afin qu'il puisse disposer la cellule et y faire apporter les meubles
nécessaires, c'est-à-dire un lit, une table, un banc, un coffre, au besoin, mais
qui ne doit point avoir de couvercle, des vases pour le vin et l’eau, et
d'autres ustensiles de bois. Depuis le temps de P. Amelius, qui donne ce
détail dans son XVe Ordre romain, le mobilier paraît s'être amélioré,
car, dans l’Histoire des conclaves, on voit que les sièges, le lit et
la table sont couverts de la même étoffe que la cellule. Le jour et l'air
entrent dans cette petite pièce par une ouverture pratiquée à sa partie
supérieure, et par une autre, ménagée au-dessus de l'entrée. Chaque cardinal
fait mettre ses armes sur sa porte. Ces cellules sont toutes rangées sur une
même ligne, et séparées entre elles par une petite ruelle d'environ un pied
de large. Il y a dans chacune un réduit pour les conclavistes, au nombre de
deux et même de trois si le cardinal est infirme. A gauche en entrant dans
cette grande chapelle, sont des chambres où loge le sacristain du palais, et
dont la première est la garde-robe du conclave ; le tout fermé de façon que
le jour n'y pénètre point, aussi doit-il y avoir toujours des lampes
allumées. Augustin Patrizi, auteur du Cérémonial romain, et qui fut lui-même
maître des cérémonies sous plusieurs papes, dit expressément que les maîtres
des cérémonies devaient dormir dans cet endroit même, in ipsis latrinis. Paris de Grassis y place un médecin, et ajoute
que ce lieu doit être très-bien gardé : parce
qu'il s'est aperçu que des conclavistes y avaient souvent des intelligences
avec des gens du dehors. Pendant
ces préparatifs, les Pères se réunissent, soit dans la sacristie de l'église
où les obsèques du pape défunt ont eu lieu, soit dans la maison du premier
camérier, si elle est convenable, et s'il fait partie du collège des cardinaux,
car le camérier peut n'être pas cardinal. Le gouvernement temporaire de la
ville et de la cour romaine appartient au Sacré-Collège, et particulièrement
au camérier. Le
palais du Vatican renfermant plusieurs cours supérieures entourées de murs,
on place à toutes les issues, aux fenêtres comme aux portes, des gardiens
nommés par les cardinaux. La garde de la première porte du palais est confiée
à quelque prélat de distinction ou noble personnage, aussitôt après la mort
du pape, et l'on met deux ou trois cents fantassins sous ses ordres. Les
autres gardiens, pris parmi les dignitaires de la cour de Rome, les
conservateurs, les chefs de quartiers et les citoyens nobles, n'entrent en
fonctions qu'à l'ouverture du conclave : ils s'engagent par serment à visiter
scrupuleusement tout ce qui sera apporté aux cardinaux, à ne recevoir d'eux
ni pour eux aucune lettre — les Pères devant demander de vive voix tout ce
dont ils peuvent avoir besoin — ; enfin, à ne laisser pénétrer personne dans le
conclave, à moins que ce ne soit un cardinal qui arrive, et alors celui-ci
est introduit avec un prêtre et un clerc. Le lieu
du conclave ainsi disposé, le dixième jour après la mort du pape les Pères
assistent à une messe solennelle du Saint-Esprit dans la basilique de Saint-Pierre.
Un prélat prononce un discours, afin d'exhorter les cardinaux à choisir un
digne successeur du prince des apôtres. Après ce discours, les cardinaux,
revêtus de leurs chapes violettes, se rendent en procession au conclave, marchant
deux à deux, escortés de gardes et accompagnés de tout le peuple. Le maître
des cérémonies est en avant avec la croix, la figure du Christ tournée du
côté du cortège ; les cardinaux viennent ensuite ; puis, les évêques, les
prélats et les diacres. Les serviteurs laïques des cardinaux précèdent la
croix, et sont suivis immédiatement des chantres et des musiciens, qui
chantent l'hymne : Veni, Creator. La
messe terminée, raconte Paris de Grassis, en ma qualité de maître des
cérémonies et couvert de mon surplis je pris la croix, et nous commençâmes à
nous mettre en marche. Il y avait tant de foule, que j'avais peine à me
mouvoir et à sortir de la chapelle. Nous nous dirigeâmes vers la grande porte
qui est à gauche du portique de Saint-Pierre, du côté du palais, dans lequel
nous entrâmes. Nous montâmes les degrés qui conduisent aux étages supérieurs
où devait se tenir le conclave. Mon collègue, à cause de la fatigue que
j'éprouvais d'avoir porté la croix pendant une si longue marche, me relaya et
continua de la porter jusqu'à l'autel de la grande chapelle où étaient les
cellules des cardinaux. Il n'y avait, sur l'autel (cum monilibus), qu'une nappe et deux
candélabres allumés, sans plus de pompe. Quand l'hymne fut achevée, le R.
cardinal de Saint-Georges, debout (in cornu Evangelii) du côté de l'Évangile, chanta l'oraison, et les
cardinaux, ayant déposé leurs grandes chapes, entrèrent chacun dans sa
cellule, à l'exception de quelques-uns, qui, habitant le palais, s'en
allèrent dîner chez eux. Après
la prise de possession des cellules, les cardinaux se rendent à la chapelle
Pauline, où l'on fait la lecture des bulles concernant l'élection du pape, et
le doyen du Sacré-Collège exhorte l'assemblée à s'y conformer. Les cardinaux
ont la permission d'aller dîner chez eux, à la condition d'être de retour au
conclave avant trois heures de nuit (c'est-à-dire trois heures après le
coucher du soleil). Le gouverneur et le maréchal du conclave placent des
soldats partout où ils le-jugent nécessaire pour la sûreté de l'élection. Les
ambassadeurs des puissances et tous ceux qui sont intéressés à cette élection
peuvent paraître, ce jour-là seulement, au conclave, jusqu'à trois heures de
nuit. Alors un maître des cérémonies sonne la cloche, pour avertir tous ceux
qui n'ont point droit de rester au conclave, qu'ils doivent se retirer. Ceci
fait, la porte du conclave est fermée en dedans et en dehors ; les maîtres
des cérémonies ont les deux clefs intérieures, et celles de l'extérieur sont
entre les mains des prélats gardiens. On allume ensuite des flambeaux et l'on
visite partout, afin de s'assurer qu'il n'est resté personne d'étranger au conclave.
Ceux qui doivent y demeurer sont ainsi désignés par la Constitution de Pie IV
: le sacristain, avec un clerc pour l'aider dans le service de la sacristie ;
deux maîtres des cérémonies, un confesseur, élu au scrutin par la majorité
des cardinaux ; un secrétaire du Sacré-Collège, deux médecins, un chirurgien,
un apothicaire avec un ou deux garçons, un charpentier, un maçon, deux
barbiers avec un ou deux garçons ; enfin, huit ou dix hommes de service pour
porter le bois, nettoyer, etc. Tous sont nommés au scrutin secret (per fabas secretas) par les cardinaux. Ils doivent
être pris en dehors des domestiques des cardinaux et sont payés par le Sacré-Collège. Matin
et soir, les gens de chaque cardinal lui apportent des vivres. Ces provisions
sont renfermées dans des coffres de bois, ordinairement ronds, sur lesquels
sont peintes les armoiries du cardinal. On donne à ces coffres le nom de
cornues, à cause de la ressemblance de leurs anses avec des cornes de
bouquetin. Deux palefreniers (parafrenarii), placés l'un devant l'autre, portent sur leurs épaules le
coffre, à l'aide d'un bâton passé dans les anses ; ils sont précédés de deux
estafiers (scutiferi), de chapelains, et suivis d'un
grand nombre de parents et de clercs, qui marchent gravement, deux à deux, la
tête découverte. Ænéas Sylvius (Pie II) dit, dans son discours à l'empereur Frédéric III,
en parlant de ce cortège ridicule (dignam risu cœremoniam), qu'on croirait voir passer des convois funèbres,
et que les courtisans qui les accompagnent sont arrivés à ce point d'habitude
de flatterie, que, le cardinal leur manquant, ils flattent ses cornues et
leur rendent les mêmes hommages qu'à lui-même. Les porteurs s'arrêtent enfin
au tour placé près de la porte du conclave, où les prêtres gardiens visitent
scrupuleusement les viandes, les pâtisseries, le pain et le vin, lequel doit
être dans des flacons de verre non bouchés, afin de s'assurer qu'ils ne
contiennent aucun billet. Ensuite, le maître des cérémonies, qui a ouvert la
porte intérieure du tour, appelle les serviteurs du cardinal dont les
provisions sont apportées, et les leur remet. D'après
la Constitution de Grégoire X, si l'élection n'était pas terminée au bout de
trois jours, les cardinaux, pendant les cinq jours suivants, devaient se
contenter d'un seul plat à chaque repas ; si, passé ce temps, ils ne
s'étaient pas encore mis d'accord, on les réduisait au pain, au vin et à
l'eau. Clément VI (1351) établit pour les repas une règle plus sévère, défend de dîner
deux dans la même cellule et de partager ses plats avec un autre. Lorsque les
Pères mangent ou travaillent dans leurs cellules, les rideaux en doivent
rester ouverts, excepté ceux du lit, qui sont fermés pendant le jour. Chaque
matin, deux messes sont dites : l'une, par le sacristain, c'est la messe du
jour courant ; l'autre, par le chapelain, c'est une messe particulière à la
circonstance du siège vacant. Le
costume des cardinaux en collège se composait d'une espèce de chlamyde noire (nommée en
latin crocea) tombant jusqu'à terre, ouverte
par-devant et plissant autour du cou, semblable aux chapes de prélat, moins
le capuchon ; sous cette chlamyde, ils portaient la mozette violette et le rochet,
mais ils pouvaient, soit dans leur cellule, soit en se promenant dans les
salles, ne garder que ces deux derniers habits. L'ancien usage de ce costume
des cardinaux nous est prouvé par les témoignages de Pie II, de Burchard, de
Paris de Grassis et autres. Lorsqu'il
s'agit de procéder à l'élection, les cardinaux, après avoir entendu la messe,
demeurent seuls dans la chapelle et à leurs places. Devant l'autel, dit A. Patrizi dans le récit de cette cérémonie après la mort
de Sixte IV, nous apportâmes une petite table
couverte d'un tapis rouge, sur laquelle nous mîmes une horloge, une sonnette,
une écritoire avec des plumes, des roseaux (calamis)
et un cahier de papier. Le sacristain, ayant ôté ses habits sacrés, posa sur
le milieu de l'autel le calice vide, avec la patène par-dessus, et le
serviteur de chaque cardinal plaça devant son maître un escabeau formant
pupitre, une écritoire contenant une plume ou un roseau, une petite
chandelle, et une feuille de papier où étaient écrits les noms de tous les
cardinaux présents au conclave. Au livre Ier des Commentaires de Pie II, nous voyons
qu'au quinzième siècle on se servait du calice pour l'élection : On posa,
y est-il dit, le calice d'or sur l'autel,
sous la garde de trois cardinaux : l'évêque de Rodez, le cardinal-prêtre de
Rouen et le cardinal- diacre de Cologne ; afin de prévenir toute fraude, les
autres cardinaux, quittant leurs places par ordre de dignité, allèrent, à la
suite l'un de l'autre, déposer dans le calice les billets sur lesquels ils
avaient inscrit les noms de ceux qu'ils portaient au pontificat. Lorsque tous
l'eurent fait, on plaça une table au milieu de la chapelle ; les trois
cardinaux ci-dessus nommés renversèrent le calice sur cette table et lurent à
haute voix les noms inscrits sur les billets. Cependant,
les sacristains, les serviteurs des cardinaux et tous autres qui se trouvent
dans le conclave, sont renfermés dans la chapelle des cellules ; les seuls
maîtres des cérémonies se tiennent en dehors de la porte de la chapelle de
l'élection, prêts à venir dans le cas où on les appellerait. A ces
détails, le Cérémonial romain (édition de 1516) en ajoute d'autres qui
précisent les Cérémonies usitées depuis le temps dont nous parlons, et du
moins avant 1496, époque de la mort de celui qui l'a rédigé : Préfère-t-on
pour l'élection la voie du scrutin, il convient d'abord de délibérer si,
après le scrutin, on emploiera, au besoin, dans le même jour, le moyen de
l'accès (accessus), afin de parfaire l'élection.
Ensuite, tous les Pères étant assis dans la chapelle, le doyen des
cardinaux-évêques, son bulletin à la main, s'avance jusqu'à l'autel, et prie
quelque temps, agenouillé ; puis, il se relève, et il dépose son bulletin,
après l'avoir baisé, dans le calice, dont le doyen des cardinaux-diacres, qui
se tient au côté gauche de l'autel (où se lit l'épître), a enlevé la patène. Ces
bulletins sont, en général, ainsi formulés (en latin) : Moi, évêque de... cardinal..., j'élis pour souverain pontife... Ici, le nom et la qualité de
celui que l'on nomme. On peut inscrire deux ou plusieurs noms, pris dans le
Collège, sur le même bulletin ; mais le nom de celui qu'on élirait en dehors
du Collège devrait être écrit sur le verso de ce bulletin, que le cardinal
cachette avec son anneau et porte comme nous venons de le dire. Ainsi
font-ils tous l'un après l'autre. Les bulletins déposés dans le calice, les
Pères reprennent leurs places, où chacun a devant lui un pupitre avec du
papier, des tablettes (pugillares) et la liste de ceux qui sont présents ; alors le doyen des
cardinaux-évêques et le doyen des cardinaux-diacres, portant le calice, de
l'autel sur la table, devant laquelle le doyen des cardinaux-prêtres
s'assied, se placent à la droite de celui-ci. Ensuite le doyen des cardinaux-évêques,
prenant le calice de la main droite et appuyant la gauche sur la patène qui
le recouvre, le retourne, en ayant soin que rien n'en tombe, l'enlève et le
repose sur la table ; puis, élevant un peu la patène, il prend avec deux
doigts de la main droite le premier bulletin venu, et, le montrant au doyen
des cardinaux-prêtres, il le passe au cardinal-diacre, lequel l'ouvre et le
lit de façon à être entendu de tous. Chacun, y compris les trois dont nous
venons de parler, fait, à mesure, une marque à la suite du nom qu'il a sur sa
liste. Les trois premiers scrutateurs comptent et proclament le nombre des
suffrages. Si les voix ne sont pas suffisantes et qu'on ne puisse pas
compléter l'élection par l'accès, les Pères se séparent, sans plus s'en occuper
jusqu'au lendemain. L'accès
consiste à reporter sa voix sur celui ou ceux qui en ont obtenu le plus grand
nombre. Un prêtre se lève, en disant : Ego
accedo ad reverendissimum dominum... talem, et aussitôt ceux qui sont de
cet avis se réunissent à lui. Jacob Gajétan, auteur du XIVe Ordre romain,
nous apprend, au chapitre X, que, lorsque l'on se trouvait d'accord, le doyen
des diacres ôtait à l'élu la chape ou la chlamyde qu'il portait, et le
revêtait de l'aube, s'il ne l'avait pas déjà, du rochet, de la tunique de lin
(camisia) et de l'étole, placée sur ses deux épaules, s'il
était prêtre, et sur l'épaule gauche, s'il n'était que diacre ; ensuite, il
le couvrait du manteau (manlum), en disant : Je
t'investis de.la papauté romaine, afin que tu commandes à la ville et au
monde. Alors il lui
remettait l'anneau de ses prédécesseurs et le coiffait de la mitre. Ce
manteau, de couleur rouge, et la mitre étaient les insignes de la papauté.
Censius, camérier de Célestin III au douzième siècle, dit, dans son Ordre
romain : Tous les membres du conclave étant
d'accord sur le choix du cardinal qui leur paraît le mieux convenir, le doyen
des diacres le revêt du manteau rouge (pluviali rubeo ammantal). Le Cérémonial romain s'exprime ainsi : Le doyen des cardinaux-évêques le déclare pontife romain,
au nom de tout le Collège, et lui demande son assentiment ; ce qu'ayant
obtenu, tous les Pères se lèvent et vont adresser des félicitations au
nouveau pape. Ensuite, on lui enlève sa chlamyde, le petit capuce, et on le
conduit, ainsi vêtu seulement du rochet, jusqu'à un siège orné que l'on place
devant la table où les premiers se tenaient. On lui met au doigt Vanneau du
pécheur et on lui demande quel nom il veut porter. Après quoi, il jure le
maintien des Constitutions et signe, d'ordinaire sans les lire, les suppliques
qui lui sont présentées. Pendant
ce temps-là, le premier cardinal-diacre, ayant fait ouvrir la petite fenêtre
murée de la sacristie, d'où peut le voir le peuple qui attend au dehors,
s'écrie, en élevant la croix qu'il tient à la main : Je vous annonce une grande joie ; nous avons un pape ; le
très-révérend cardinal...
est nommé souverain pontife, et il a pris tel
nom ! Sergius
IV, élu en l'an 1009, est, à ce que l'on croit, le premier pape qui ait
changé de nom ; il s'appelait d'abord Pietro
Bocca di Porca (groin de porc). On
voit, au livre II, chapitre LVII, de la Vie de Frédéric Ier, dit
Barberousse — dans la continuation, par Hadevic, de cet ouvrage d'Othon,
évêque de Freisingen —), qu'au douzième siècle la nouvelle de la nomination
du pape n'était pas seulement annoncée, mais que le peuple même et le clergé
étaient consultés. A l'élection de l'anti-pape Victor IV (1179), un des quatre compétiteurs que
cet empereur suscita à Alexandre III, l'archiviste
(scriniarius), montant en haut (in altum), selon l'antique
usage des Romains, cria de toutes ses forces : Écoutez, citoyens de la
république romaine ; notre Père Adrien est mort, et, le samedi suivant, N. S.
Octavien, cardinal de Sainte-Cécile, a été élu et investi du manteau papal,
sous le nom de Victor ; vous convient-il ? (placet vobis ?) Cette question fut répétée par
trois fois, et à chacune le peuple et le clergé répondirent : Il nous convient (placet). Le pape fut ensuite reconduit au palais, escorté de troupes et
avec tous les honneurs dus à sa dignité. Le Cérémonial de Burchard nous
montre cette coutume de proclamer ainsi la nomination du pape, conservée au
quinzième siècle lors de l'élection d'Innocent VIII, mais une seule fois
seulement et non sous la forme consultative. A
ces paroles,
ajoute-t-il, le peuple, rassemblé dans la
cour du palais, poussa des cris et des acclamations, les cloches sonnèrent à
grande volée, et les gardes du palais firent entendre, sans interruption, des
décharges d'escopette jusqu'à ce que le pontife fût rentré de l'église au
palais. — Après son élection, dit Aug. Patrizi, l'élu
est conduit dans la sacristie ; les cardinaux-diacres lui ôtent ses
vêtements, que l'ancien usage abandonne aux maîtres des cérémonies, et on lui
met la robe de laine blanche, les bas rouges, les sandales rouges ornées de
la croix d'or, la ceinture rouge avec les agrafes d'or, la barrette rouge et
le rochet blanc ; ensuite, l'amict, l'aube, la ceinture, ainsi que l'étole
ornée de perles, placée sur le cou ou sur l'épaule, suivant l'ordre auquel il
appartient, et sans étole, s'il n'est que dans les ordres mineurs. Après
avoir signé les suppliques, il est revêtu, par les cardinaux qui ont repris
leurs chapes, du pluvial rouge et de la mitre d'or ornée de pierres
précieuses ; on le place sur l'autel, et tous les cardinaux lui font la
révérence et lui baisent les pieds, la main droite et la bouche. Il
paraît, d'après le XIIe Ordre romain de Censius, qu'en 1188 ce n'était pas
sur l'autel que se plaçait le pape, mais sur un siège, un fauteuil (faldistorio). Le XIVe Ordre romain (commencement
du quatorzième siècle)
nous fournit la même remarque. Ce n'est qu'au quinzième siècle, à l'élection
de Pie II, que nous voyons le pape assis sur l'autel. Quant à la révérence,
appelée aussi adoration, Burchard dit que les cardinaux vinrent, suivant leur
rang, en commençant par le vice-chancelier, et baisèrent d'abord le pied
droit, ensuite la main et la bouche de l'élu (Innocent VIII) ; Paris de Grassis, dans le
récit de l'élection de Léon X, en 1513, nous les montre, lui baisant le pied,
la main nue et les deux joues. Nous
devons parler aussi, en passant, d'un singulier abus qui exista pendant
longtemps, et dont fait mention le livre Ier des Commentaires de Pie Il : Aussitôt que l'élection fut proclamée du haut de la fenêtre
du conclave, rapporte-t-il, les gens des cardinaux pillèrent la cellule du
nouveau pape, le peu qu'il avait d'argent, ses livres, et la vile multitude
de la ville (in urbe
vilissima plebs) ne se contenta
pas de saccager la maison, mais elle y brisa et emporta des marbres. Il ajoute que d'autres
cardinaux se trouvèrent quelquefois victimes de ces excès, qui se
reproduisirent, justement, à la nomination de ce même pape : le peuple, qui
stationnait au dehors, ayant entendu que l'élu était le cardinal-évêque de
Gènes, au lieu de Sienne, dont Ænéas Sylvius occupait le siège, courut piller
le palais du premier. Aussi, Mucantius, maître des cérémonies du pape Urbain
VII, nous apprend-il, dans son Journal de 1580, que l'élection de ce pape,
bien que terminée vers la quatorzième heure du 15 septembre, ne fut cependant
pas publiée aussitôt, afin de laisser le
temps aux conclavistes de mettre en sûreté les biens de leurs maîtres et de
prévenir les dilapidations qui ont lieu en pareil cas. Le
conclave étant démuré, le nouveau pontife, précédé de la croix et des
cardinaux, descend à l'église de Saint-Pierre, et là, prosterné, il rend
grâces à Dieu et aux saints apôtres. Ensuite, coiffé de la mitre précieuse,
on le place, sur un coussin, au milieu de l'autel, et le premier
cardinal-évêque entonne le Te Deum, qui est continué par tous les
clercs. Pendant ce temps, a lieu une nouvelle adoration, et, après les
prières d'usage, le pape descend de l'autel, qu'il baise respectueusement, et
donne solennellement sa bénédiction au peuple ; puis, il retourne à ses
appartements, dans le même ordre qu'il en était sorti, en bénissant sur son
passage. Il paraît démontré que les pontifes, dans les premiers siècles,
bénissaient en étendant les mains ou seulement la main droite ; plus tard, ce
fut en faisant le signe de la croix avec trois doigts levés, c'est-à-dire le
pouce et les deux premiers, l'annulaire et l'auriculaire étant repliés sur la
paume de la main. Le livre de la Vie des papes, attribué à Luitprand, prouve (au liv. I,
chap. VIII) qu'il
en était ainsi au neuvième siècle. Il y est rapporté que le pape Étienne VI
(896), après avoir fait exhumer, pour le mettre en jugement, le pape Formose,
son prédécesseur, lui fit couper les trois doigts avec lesquels il avait
donné la bénédiction au peuple, et ordonna que son cadavre serait jeté dans
le Tibre — tribus abcissis digilis, in
Tiberim, etc. Le pape élu, dit le Cérémonial
romain, peut être un simple laïque (merus laïcus, comme Jean XIX) ;
il suffit qu'il soit chrétien et catholique (dummodo sit christianus et catholicus). Dans ce cas, il reçoit les
ordres mineurs et majeurs, selon le rit observé pour tout autre néophyte,
avec cette différence pourtant qu'il porte, par-dessus le rochet, le manteau
rejeté derrière le cou ; qu'il est couvert de la mitre et qu'il reçoit, assis
sur son fauteuil, les insignes, ainsi que les habits des ordres, tandis que
les autres ordinands portent ces habits sur le bras gauche et les reçoivent à
genoux. Il peut, en outre, être promu à tous les ordres dans le même jour, si
cela lui convient. Après
avoir été tonsuré, le nouveau pape, vêtu comme nous venons de le dire, avec
l'amict attaché de façon à pouvoir être relevé sur la tête, s'avance à
l'autel, s'y prosterne en priant, puis fait sa confession avec le consécrateur
et retourne à son siège, où, à un certain instant de la messe, l'évêque lui
présente et lui fait toucher des deux mains le calice et la patène vides, les
burettes avec le vin et l'eau, le bassin et l'essuie-main. Il lui relève
ensuite l'amict sur la tête, en lui disant : Accipe amictum — Recevez l'amict, etc. L'amict (du mot latin amicire) est un linge pour couvrir le cou, que, jusqu'au
huitième siècle, les ecclésiastiques, comme les laïques, tenaient découvert.
Le pape reprend sa mitre et reçoit le manipule sur le bras gauche ; on le
découvre de nouveau et on lui enlève le pluvial, afin de le revêtir de la
tunique. Après quoi, on lui remet le livre des Épîtres, ce qui termine
l'ordination du sous-diaconat. Primitivement, cet ordre se conférait par le
seul signe de la croix, et il est probable qu'avant le douzième siècle cette
cérémonie s'arrêtait à la présentation des vases sacrés et des autres objets
nécessaires à la messe. Le
manipule était alors une petite nappe (mappula), un mouchoir, que le diacre portait sur le bras gauche, et qui
devait servir au pontife pour s'essuyer le visage et se moucher (ad tergendum sudorem el narium sordes). On a donné aussi à ce linge le
nom de suaire, sudarium (FERRARIUS, De re vestiaria,
lib. I). Au onzième
siècle, c'était encore un mouchoir (YVO CARNOT., De signific. indum. sacerd.) ; au douzième, ce n'était plus
qu'un ornement, un morceau d'étoffe (pannus, fanon), large d'environ deux pouces, ayant une croix à l'endroit où il
s'attachait et garni de franges aux extrémités. L'ordination du diaconat
consiste dans l'imposition de la main droite sur la tête nue de l'ordinand,
et dans la remise de l'étole, placée sur l'épaule gauche, du vêtement appelé
dalmatique, et du livre des Évangiles. Les Romains avaient adopté ce dernier
vêtement, qui était celui des Dalmates au deuxième siècle, à l'époque sans
doute où Metellus, surnommé le Dalmatique, soumit le reste de la Dalmatie.
C'était une robe ample et longue avec des manches fort larges, qui ne
descendaient que jusqu'au coude. Les empereurs se revêtirent de la dalmatique
; elle fut décernée comme honneur aux évêques, et le pape Sylvestre 1er en
décora les diacres de Rome. Cet habit, devenu sacré, se mettait par-dessus la
tunique, dont les manches étaient beaucoup plus étroites. Saint Isidore, au
septième siècle, dit que la dalmatique est un habit sacré, blanc, orné de
bandes de pourpre, cum clavis ex purpura (XIXe liv. des Origines, chap. XXVI). Le
pape, ainsi en costume de diacre, mais sans la tunicelle, ni la dalmatique, ni
les sandales, et seulement avec l'amict, l'aube et le manipule, va recevoir
la prêtrise : le consécrateur, coiffé de la mitre, s'approche de lui et lui
impose les deux mains sur la tête découverte, sans prononcer de paroles. Les
cardinaux-évêques ou prêtres présents font de même, mais tête nue et avec de
grandes marques de respect. Les prières, indiquées dans le Pontifical, étant
achevées, le prélat ramène en avant l'étole de l'élu, la lui croise sur la
poitrine, en disant : Accipe jugum Domini — Recevez le joug du Seigneur, etc. ; puis, il le revêt de la chasuble, retenue
sur les épaules par derrière et dont la partie antérieure retombe seule, et
lui dit : Recevez la robe sacerdotale, afin qu'elle augmente en vous la
charité. Il consacre ensuite les mains de l'ordinand, avec l'huile des
catéchumènes, en lui faisant, avec le pouce, dans l'intérieur des mains, une
onction en forme de croix, depuis le pouce de la main droite jusqu'à l'index
de la gauche, et du pouce de la gauche à l'index de la droite, et il finit
par étendre l'onction sur les deux mains ; puis, il les lie l'une contre
l'autre, les enveloppe avec un linge blanc, et l'ordinand les tient appuyées
sur une bande de linge nouée à son cou et pendante comme un large collier.
Alors l'évêque lui donne le pouvoir d'offrir le sacrifice divin, en lui
faisant toucher le calice plein de vin, ainsi que la patène qui le recouvre
et sur laquelle est une hostie ; il reçoit de lui l'offrande, qui consistait,
au treizième siècle, en deux grands pains, deux fioles de vin (duas phiolas) et deux cierges (duo torticia), et lui baise la main, à la
réception de chacune de ces choses (Cœremon. Gregorii X). Suivant l'ancien usage, l'élu
célèbre la messe avec le consécrateur, lequel lui fait une nouvelle
imposition des mains et lui confère le pouvoir de lier et de délier, par ces
paroles : Accipe Spiritum Sanctum, etc. La chasuble, jusque-là
retenue sur les épaules, est en ce moment déroulée par l'évêque, qui dit : Stola innocentiœ induat te Dominus ! — Que le Seigneur vous couvre de la robe d'innocence ! Enfin, la messe terminée, l'élu
se place, sans mitre, au milieu de l'autel, et, ayant la croix devant lui,
donne à tous la bénédiction. Le consécrateur s'approche ensuite, se met à
genoux et lui répète trois fois ce souhait : Ad multos annos (beaucoup d'années). La dernière imposition des mains n'est point
mentionnée dans les anciens Ordres romains, au-delà du neuvième siècle. La
chasuble, qui conserva jusqu'au seizième siècle sa forme primitive, était une
longue robe sans manches, n'ayant en haut qu'une ouverture pour y passer la
tête. Son nom lui vient de son ampleur, casula, pour ainsi dire : petite
maison. On la nomme aussi planète, parce que, rien n'en indiquant le devant
ou le derrière, elle tournait, errait facilement autour du cou. Comme, pour
agir, on la relevait de côté sur les bras, de là vient l'usage d'aider le
prêtre à tenir les bras en l'air, en la retroussant par derrière. Au Moyen
Age, la planète était le vêtement commun, et c'est pour cela que le prêtre la
recevait par-dessus ses autres habits, comme
emblème de la charité.
Jean Diacre, qui a écrit cinq livres de la Vie de saint Grégoire-le-Grand
(mort en 604), dit que le costume de ce Père était une planète de couleur
marron, et, sous la planète, une dalmatique (FERRARIUS, De re vestiaria,
lib. I). Mais,
ainsi que nous l'avons déjà dit, ces vêtements, semblables par la forme à
ceux que l'on portait habituellement, en différaient pourtant, comme habits
sacrés, soit par la couleur, soit par les ornements. L'abbé Sabbathier dit
que la chasuble était blanche, mouchetée de pourpre, et qu'on a souvent
confondu ce vêtement sacerdotal avec la dalmatique (Dictionnaire
pour l'intelligence des auteurs classiques). II
était d'usage que l'ordination de la prêtrise eût lieu le samedi, et la
consécration comme évêque le lendemain. Cette cérémonie est publique et
entourée de beaucoup de pompe. Le pontife, arrivé à l'église de Saint-Pierre,
est conduit processionnellement à la chapelle de Saint-Grégoire par les
chanoines, après avoir reçu la révérence des cardinaux ; là, pendant le chant
d'un psaume, il est chaussé des bas et des sandales. Dans les premiers temps,
les bas des évêques étaient bleu-ciel, coloris
cœrulei, sive cœlestis
(G.
DURAND, Rationale divin, oflicior.,
lib. III) ; mais
ceux du souverain pontife romain, toujours de drap rouge, ainsi que ses
sandales. On le revêt de l'aube, du cordon, de la ceinture, du pectoral, du
manipule, de l'étole, de la tunicelle ; et il reçoit successivement les
gants, la chasuble et la mitre, mais non le pallium et l'anneau, qu'il
recevra en son temps. Ensuite, entouré de tous les cardinaux évêques,
prêtres, diacres, et des autres prélats ayant chacun le costume de leur
dignité, il arrive au grand autel, précédé de la croix papale, qu'accompagnent
sept flambeaux et l'encensoir, en bénissant selon l'usage (ut moris est), et fait sa confession.
Lorsqu'elle est terminée, il s'assied, la mitre sur la tête, au fauteuil qui
lui a été préparé entre l'autel et les degrés du trône pontifical ; puis, la
messe commence. Cependant
l'évêque d'Ostie, que les plus anciennes traditions montrent en possession du
privilège de consacrer l'évêque de Home, ayant chaussé les bas et les
sandales, dans un lieu convenable près de l'autel, et revêtu tous les
ornements pontificaux avec la mitre simple ou précieuse, suivant l'exigence
du temps, s'approche, ainsi que les cardinaux - archevêques, évêques et
prêtres, afin de donner la consécration épiscopale à l'élu, lequel, assisté
de deux diacres, se prosterne, sur son fauteuil ; tous en font autant, sur
leurs sièges ; ceux qui en manquent, sur le tapis, en tenant leurs livres et
gardant la tête un peu élevée (erecta aliquantulum facie). Lorsque la litanie, entonnée par le chapelain,
est finie, tous se relèvent, et l'évêque d'Ostie, accompagné à droite et à
gauche des évêques d'Albano et de Porto, ouvre le livre des Évangiles, le
place, la couverture en dehors, derrière le cou de l'ordinand, et deux
cardinaux-diacres l'y maintiennent jusqu'à la fin de la consécration ; alors
le consécrateur impose silencieusement la main droite (le Cérémonial
de 1516 dit les deux mains) sur la tête découverte du pape, ce que tous les évêques présents
font à leur tour. Le rite
de l'imposition de l'Évangile est prescrit par le deuxième canon du quatrième
concile de Carthage en l'an 388. Dans ces temps reculés, on ouvrait le livre
au hasard, et le texte sacré, qui se présentait sur la première page, était
interprété comme pronostic pour celui qui recevait l'ordination. (E. MARTÈNE, De antiq. Eccles. rit.) L'Évangile
ainsi placé, un diacre entoure la tête de l'élu avec une bande de linge tin
nouée par derrière et dont les bouts retombent sur le cou. Cette précaution
étant prise afin que l'huile ne touche pas aux cheveux, le consécrateur,
couvert de la mitre, trempe le pouce de la main droite dans le saint chrême,
et fait l'onction de la tête, en forme de croix, sur la couronne ou tonsure,
en prononçant les paroles d'usage ; puis, après une oraison, il continue
l'onction sur les mains, que le pape tient l'une contre l'autre appuyées sur
une bande de linge, comme à l'ordination de la prêtrise. On ne lui remet
point le bâton pastoral, ainsi qu'aux autres évêques, mais le consacrant
bénit et lui met au doigt annulaire de la main droite l'anneau précieux.
Ensuite, aidé des évêques assistants, il enlève de dessus les épaules du pape
le livre des Évangiles et le lui présente, en disant : Accipe Evangelium, etc. ; après quoi, le souverain pontife lave ses
mains avec de la mie de pain et de l'eau, et un cardinal-diacre lui nettoie
la tête aussi avec de la mie de pain, lui arrange les cheveux avec un peigne
d'ivoire, et replace la mitre. Le
pape, couvert alors du pallium, remonte sur son siège et reçoit au baiser de
la bouche et du pied tous les cardinaux et prélats. La messe se poursuit
jusqu'à la lecture de l'offertoire, après laquelle l'évêque consacrant reçoit
de l'élu deux cierges allumés, deux pains blancs et deux amphores pleines de
vin. Ce rite est des plus anciens, car il est indiqué dans l'Ordre du
pape Melchiade en l'an 311, et il en est aussi mention dans le Pontifical de
Mayence, écrit cent cinquante ans auparavant. L'évêque, à chaque objet qu'il
reçoit, baise la main de l'élu. Le pape termine la messe avec le
consécrateur, et, lorsqu'elle. est finie, il se place, sans gants et sans
mitre, au milieu de l'autel, ayant devant lui la croix papale, et donne la
bénédiction. Il reprend ensuite sa mitre, et va s'asseoir sur son siège.
Alors le consécrateur, faisant trois génuflexions, lui adresse le même souhait
qu'à la prêtrise : Ad multos annos. Si
l'élu est déjà évêque, on ne le consacre pas de nouveau, mais il est
seulement béni, un jour de dimanche, en même temps qu'il est couronné. Ce
jour-là, il se rend de grand matin à la chambre du parement (paramenti), où il est revêtu de l'amict,
de l'aube longue, de la ceinture, de l'étole, du pluvial rouge et de la mitre
précieuse. Les cardinaux l'entourent, ainsi que tous les prélats et officiaux
ayant leurs chapes de laine. Le pontife, ainsi paré, se dirige vers l'église
de Saint-Pierre, précédé de la croix. Les cardinaux tiennent de chaque côté
les bords du pluvial, dont le personnage le plus noble présent, fut-il
empereur ou roi, doit porter la queue, si le pape est à pied. Au-dessus du
pape, est un baldaquin soutenu par huit nobles ou délégués (octo nobiles sive oratores), et, en avant, deux sergents
d'armes (servientes arrnorum) portent un fauteuil avec un
grand coussin ; un troisième porte un tapis, un coussin et un petit
marchepied. Lorsque
le pape est arrivé à la dernière porte du palais, près du portique de Saint-Pierre,
il s'assied pour recevoir au baisement du pied les chanoines de la basilique.
Ensuite il s'avance jusqu'au second rond de porphyre incrusté dans le pavé de
l'église, se prosterne sur son fauteuil et y fait sa prière la tête
découverte. De là, on le transporte à la chapelle de Saint-Grégoire, où il
prend place sur son trône, environné des ambassadeurs étrangers et des
personnages de distinction. Les cardinaux, en chapes rouges, viennent lui baiser
la main sous l'orfroi (sub auriphrigio porrectam), et les autres prélats, le pied droit. Le
saint-père donne ensuite sa bénédiction. Un des sous-diacres va à l'autel
recevoir du sacristain les bas et les sandales, qu'il porte révérencieusement
en les tenant élevés ; puis, aidé d'un cubiculaire secret, il en chausse le
pape, lequel quitte ses parements rouges pour en prendre de blancs. Tous les
cardinaux et prélats en prennent de même couleur, et la procession se met en
marche pour se rendre au grand autel, conduite par le premier
cardinal-diacre, qui porte en signe de commandement un petit bâton blanc que
l'on nomme férule. Le maître des cérémonies précède le pape et tient à la
main deux roseaux : au bout de l'un est de l'étoupe ; à l'autre, est adaptée
une mèche allumée. Au départ, il se tourne vers le pape, fait une génuflexion
et enflamme l'étoupe, en disant à haute voix : Pater sancle sic transit gloria mundi — Saint-père, c'est ainsi que passe la gloire de ce monde ; ce qui se renouvelle trois
fois pendant le trajet. Ce rite
date de l'élection d'Alexandre V (1409), ainsi que le témoigne Luc d'Achery, dans le tome
VI de son Spicilège. Le
pape, après avoir fait sa confession, se couvre de la mitre et s'assied sur
le fauteuil, préparé entre le trône et l'autel. Alors les évêques d'Albano,
de Porto et d'Ostie s'avancent et disent chacun une oraison, en commençant
par le plus jeune. Le pape ensuite se découvre, monte à l'autel, et le
premier diacre, prenant le pallium sur l'autel, en revêt le pontife et le lui
attache sur le devant, par derrière et au côté gauche, avec trois épingles
d'or à tête enrichie d'hyacinthes, en disant : Accipe pallium, etc. Ainsi
paré, le pape célèbre la messe, pendant laquelle l'Épître et l'Évangile sont
chantés en latin et en grec. (Censius, Ord. Rom. XII. — 12e siècle,
Célestin III, etc.)
Après la messe, le pape, en grand costume, est porté à une tribune construite
au-dessus des degrés de l'église ; tout le peuple sort et inonde la place ;
le diacre de gauche enlève la mitre de la tête du saint-père, que le diacre
placé à droite couronne de la tiare ou regnum, aux acclamations répétées du
Kyrie eleison. Les deux diacres assistants publient en latin et en langue
vulgaire les indulgences plénières, et le pape se retire pour aller prendre
quelque nourriture, pendant que se prépare la procession qui doit se rendre à
Latran. On
croit que le premier couronnement de pape remonte à Nicolas 1er (858) ; du
moins le P. Pagi ne se souvenait-il point d'avoir lu que cette cérémonie ait
eu lieu avant l'élection de ce pontife. D'après le P. Mabillon cependant,
lequel cite le IXe Ordre romain, les papes, après leur consécration,
recevaient un ornement de tête appelé regnum, qui était une coiffure
d'étoffe blanche ayant la forme d'un casque (ad similitudinem cassidis, ex albo indumento). Cet Ordre romain est écrit du
temps de Léon III, vers la fin du huitième siècle. (MABILL., Museum Italicum, tom. II.) L'auteur anonyme d'un manuscrit
du Vatican, cité par Baronius, dit qu'Alexandre
III, élu en 1159, après avoir reçu la consécration comme souverain pontife,
fut, selon la coutume de l'Église, couronné du regnum, c'est-à-dire d'une
mitre ronde, se terminant en pointe (turbinata) et entourée
d'une couronne.
Cette mitre est la tiare, à laquelle Boniface VIII (1294) ajouta une seconde couronne, et
Urbain V (1362), une troisième. Ainsi, les
peintres, qui ont représenté les papes coiffés du trirègne, avant cette
dernière époque, ont fait un anachronisme. Tous
les prélats sont à cheval. Le cheval du pape est blanc, de haute taille, et
couvert, sur la partie postérieure seulement, d'une housse écarlate (magnum equum phaleratum, etc.) ; pour y monter, comme pour en
descendre, le pontife se sert d'un marchepied couvert de drap rouge, et
pendant ce temps, l'empereur, le roi ou le prince présent doit tenir l'étrier
et conduire ainsi quelques instants le cheval par la bride. Si le pape est en
litière, empereur, roi ou prince présent doit aussi mettre la main au
brancard, comme pour le porter un moment. Catalani, dans ses Commentaires,
cite l'auteur de la Vie d'Étienne III, lequel dit que ce pape fut porté, sur les épaules des siens, à la
basilique de Latran, d'où la coutume est venue, dans plusieurs solennités, de
porter ainsi le pape.
Cette coutume daterait donc de l'an 768. Le
maréchal de la cour, qui circule autour du pape, a deux sacs de monnaie sur
le devant de sa selle, et il jette de temps à autre quelques pièces au peuple,
afin d'écarter la foule qui se presse sur son passage. (Cérém. Rom.) Dans
l'angle du château Saint-Ange, les Juifs de Rome présentent à genoux la loi
de Moïse et ils en font l'éloge en langue hébraïque, en exhortant le pape à
la respecter. Le pape leur répond qu'il la respecte, mais qu'il improuve et
condamne leur manière de l'interpréter. Les Juifs se retirent, et le cortège
continue sa marche. Burchard,
dans le récit du couronnement d'Innocent VIII, dit que ceci avait lieu
autrefois (bien avant 1484 — voir Censius), lorsqu'on était arrivé au mont Jordano (ad montem Jordanum), mais que, comme le peuple se
ruait sur les Juifs et les poursuivait, ceux-ci obtinrent la permission de se
mettre à l'abri de ces outrages, en se tenant sur le rempart du château
Saint-Ange, à l'angle près de la route. Lorsque
le pontife arrive au portique de Saint-Jean de Latran, le premier chanoine
lui présente la croix à baiser ; le cardinal-diacre la reçoit et l'approche
de la bouche du pape, auquel il a retiré la tiare, que l'on donne à porter à
un auditeur. Le pape, ayant pris la mitre, est conduit par les chanoines,
devant la porte principale de l'église, à un siège de marbre placé à gauche.
Il s'y pose plutôt comme couché qu'assis ; aussitôt les cardinaux s'avancent
et le relèvent révérencieusement, en disant : Suscitat de pulvere egenum et de stercore erigit pauperem — Il tire l'indigent de la poussière, et le pauvre de dessus
le fumier, etc. Le
nom de chaise stercoraire paraît avoir été vulgairement imposé à ce siège, à
cause du mot stercore de l'antienne. Le
pontife, en se relevant, prend dans une bourse, que lui présente le camérier
qui est auprès de lui, autant de pièces de monnaie qu'il en peut tenir dans
sa main, mais parmi lesquelles il n'y en a aucune d'or ou d'argent. Il les
jette au peuple, en disant : Je n'ai ni or ni
argent ; ce que j'ai, je vous le donne. Il entre ensuite dans l'église, en passant sur un
pont construit exprès depuis la porte jusqu'au grand autel, et assez élevé
pour que le pape puisse être dégagé de la foule. Après avoir fait sa prière
devant cet autel et béni le peuple, il se place sur un trône, où les
chanoines de Saint-Jean viennent lui baiser le pied. Il se rend ensuite au
palais de Latran par le même pont, continué jusqu'à la sortie de l'Église.
Arrivé dans la salle dite du Concile, il s'assied sur un fauteuil, placé
devant une table de pierre appelée mensura Christi, et là on chante laudes.
Après cette cérémonie, le pape va à la chapelle de Saint-Sylvestre. Devant la
porte de cette chapelle, il y a deux sièges de porphyre qui sont percés (ce
sont des sièges antiques de thermes romains, selon Mabillon, Pagi et divers
archéologues) ; le pape s'assied dans le premier, et le prieur de Latran
vient lui offrir à genoux une férule, symbole de la correction et du
gouvernement, ainsi que les clefs de l'église et du palais, pour marquer le
pouvoir qu'il a de fermer et d'ouvrir, de lier et de délier. Le pape s'assied
ensuite sur le second siège, et là il rend au chanoine la férule et les
clefs. Celui-ci lui attache une ceinture de soie rouge où pend une bourse, de
même étoffe et couleur, dans laquelle il y a douze sceaux en pierres précieuses
et du musc. Alors le pontife reçoit de son camérier une poignée d'argent
qu'il jette au peuple, en disant : Dispersit,
dedit pauperibus
— Il a répandu ses biens sur les pauvres, etc. Le pape va faire ensuite
sa prière à l'église de Saint-Laurent, dite Sancta-Sanctorum
; puis, il est ramené à la chapelle de Saint-Sylvestre. Il quitte la mitre,
les gants, le pallium, la planète, et, ayant pris le pluvial et la mitre
simple, il se place sur un trône, devant lequel les cardinaux viennent
s'incliner profondément, en présentant leur mitre ouverte, dans laquelle le
souverain pontife jette deux pièces d'or et deux pièces d'argent ; puis, il
leur donne sa main à baiser. Les autres prélats font une génuflexion,
reçoivent dans l'ouverture de leur mitre une pièce d'or et une d'argent, et
baisent le genou droit du pape. Ceux qui ne sont ni archevêques ni évêques
reçoivent l'argent dans la main et baisent les pieds de Sa Sainteté. Ces dons
s'appelaient presbyteria, parce qu'ils n'étaient faits
qu'aux prêtres. Le
pape, après cette cérémonie, donnait ordinairement un grand festin au palais
de Latran, tant aux cardinaux qu'aux autres prélats et grands personnages ;
il y assistait sur un siège élevé, la mitre en tête et dans son costume. Des
vases d'or et d'argent couvraient les tables, et rien n'égalait la
magnificence de ce festin. Douze cardinaux, reconduisaient ensuite le pontife
à sa chambre, où il se reposait ; puis, le cortège se mettait en marche pour
le retour, éclairé par les feux resplendissants des illuminations. Le
consistoire est le conseil du pape, qui le convoque quand il lui plaît, et
d'ordinaire, après son avènement, pour remercier le sacré collège. Le pape
tient consistoire, pour recevoir les souverains et les ambassadeurs, pour
proposer la canonisation de quelque saint, la création de nouveaux cardinaux,
et traiter enfin toutes les affaires importantes. C'est le premier tribunal
de Rome. Lorsque le pape va tenir consistoire public, il porte la mitre
précieuse, ainsi que l'amict, la ceinture, l'aube, l'étole, le pluvial rouge,
et marche, précédé de la croix et des cardinaux. Il se place sur un trône à
trois gradins couverts d'écarlate, et dont le siège, ainsi que le dais, sont
de drap d'or. Cette assemblée se réunit dans la grande salle du palais
apostolique. Les archevêques, évêques et tous les prélats se placent sur les
degrés du trône, et, avec eux, sur le dernier, les sous-diacres, les
auditeurs, les clercs de la chambre et les acolytes, tous avec leurs chapes
de laine. Les officiers ecclésiastiques de la cour du pape (curiales logati) s'asseyent à terre, sur des
coussins, entre les sièges des cardinaux ; les cubiculaires et les
secrétaires, avec leur capuce, s'asseyent aussi au milieu d'eux, sur le
plancher même de la salle. Les neveux du pape, s'il en a, et les princes qui
peuvent s'y trouver, se tiennent aux deux côtés du trône : à la droite, sont
les ambassadeurs et les principaux nobles, entre les degrés et la muraille ;
à gauche, les autres gentilshommes et les officiers de la maison du pape. Les
avocats consistoriaux se placent derrière les cardinaux-diacres, et les
procureurs des princes, avec le procureur fiscal, derrière les évêques. La
garde du pape occupe le passage qui conduit au trône ; le maître du sacré
palais se tient devant les gardes, à l'extrémité du rang des
cardinaux-prêtres ; les clercs des cérémonies sont en tête du rang des
diacres. Lorsque
le consistoire a lieu pour des causes judiciaires seulement, l'avocat
proposant se tient, derrière les cardinaux-prêtres, en face du pape : il expose
la cause et jette sa requête (in terram projicit), du côté des officiers ecclésiastiques, qui la
prennent et la remettent au vice-chancelier. Si un avocat défendeur veut
répondre, il le peut. Enfin, lorsque le consistoire est fini, le pontife,
soutenu par les deux plus anciens cardinaux-diacres, se lève et s'en retourne
dans le même ordre qu'il est venu. Le
consistoire secret se tient dans quelque chambre écartée du palais. Le trône
pontifical n'a pas de dais ni de degrés ; il a seulement un grand et un petit
marchepied. Le siège cependant est couvert de drap d'or ; mais les bancs des
cardinaux sont simplement peints en rouge avec les armes du pape. S'il est
question d'une promotion de cardinaux ou de prélats, le pape se rend au
consistoire, avec le pluvial (paludatus) et la mitre. Dans les autres affaires, il n'a que son rochet et
le petit capuce. Lorsque l'on traite les affaires, tout le monde sort,
excepté les cardinaux. Le pontife fait ses propositions, et chacun* se lève à
son tour pour exprimer son vote. Le pape décide d'après l'avis de la majorité
des cardinaux présents. Le mot cardinal, qui veut dire : premier, principal, paraît dériver du latin cardo, qui signifie : gond, pivot, sur lequel s'appuie et tourne une
chose ; de là l'emploi de ce mot au figuré. On appelait cardinaux, dans
l'origine, les curés des principales paroisses de Rome, les évêques
suburbicaires, suffragants du patriarcat de Rome : leur nombre s'augmenta des
titulaires de diaconies, qui étaient des chapelles jointes à des hôpitaux desservis
par des diacres ; puis, des prêtres attachés à de simples oratoires : d'où
sont venus les titres de cardinaux-évêques et de cardinaux-diacres ou prêtres
(THOMASSIN, Disciplinœ eccl., III pars, lib. II). Il y avait, en plusieurs
lieux, des curés à qui l'on donnait le titre de cardinal en certaines
circonstances ; ainsi, les curés d'Angers, assistant leur évêque dans les
solennités, s'intitulaient cardinaux. Dans les premiers temps, les cardinaux
avaient rang après les évêques ; mais ils reprirent leur prééminence sur
ceux-ci au onzième siècle. Leur nombre a varié jusqu'en 1586, où Sixte V le
fixa à soixante-dix, partagés en trois ordres, savoir : six cardinaux-évêques,
cinquante cardinaux-prêtres et quatorze cardinaux-diacres. Innocent IV, en
1245, leur donna le chapeau rouge, et Boniface VIII, en 1294, la pourpre.
Paul II, en 1464, régla que, dans les cérémonies où ils paraissent à cheval,
chacun d'eux en monterait un blanc, dont la bride serait dorée. Bien
qu'au pape appartînt le droit d'élever, quand il le voulait, à la dignité de
cardinal ceux qu'il en jugeait dignes, cependant l'usage était qu'il proposât
leur promotion à l'époque des Quatre-Temps et qu'il la soumit au consentement
de la majorité du sacré collège. Plus anciennement, cette promotion était
publiée et annoncée au peuple, par un lecteur, du haut de l'ambon ou jubé ;
c'était une véritable publication de bans, afin que si quelqu'un avait
opposition à y mettre, il en fit connaître les motifs. Nous ne
pouvons mieux faire que de citer ici la traduction textuelle d'un passage du
curieux journal de Jean Burchard, maître des cérémonies de la chapelle du
pape Alexandre VI, pour décrire la promotion d'un cardinal au quinzième
siècle. Le
vendredi 16 janvier (1495), le pape se fit porter du château Saint-Ange au palais
apostolique. Le roi (Charles VIII), apprenant son arrivée, vint à sa rencontre
jusqu'à l'extrémité du second jardin secret : dès qu'il aperçut le saint
Père, il s'arrêta, éloigné de Sa Sainteté l'espace de deux cannes, et mit
deux fois de suite le genou en terre, ce que le pape feignit de ne pas voir.
Le roi s'approchait pour faire une troisième génuflexion, lorsque le pape se
découvrit, s'avança vers lui, et, l'empêchant de s'agenouiller de nouveau,
l'embrassa. Tous deux demeurèrent la tête nue. Ainsi, le roi ne baisa ni le
pied ni la main de Sa Sainteté. Le pape refusa de se couvrir avant le roi ;
enfin ils se couvrirent ensemble, le pape portant la main au chapeau du roi
pour l'obliger à le mettre. Dès que le roi eut été reçu par le pape, comme
nous venons de le dire, il pria Sa Sainteté d'élever au cardinalat l'évêque
de Saint-Malo — Guillaume Briconnet, premier ministre de Charles VIII, et son
conseiller —. Le pape y consentit, et me donna ordre, à cet effet, de lui
procurer une robe et un chapeau de cardinal ; le cardinal Valentin prêta la
robe, et on apporta un chapeau, du palais du révérendissime cardinal de
Sainte-Anastasie. Le roi, pensant qu'on devait procéder de suite à la
cérémonie, me demanda où et comment elle aurait lieu. Je répondis que ce
serait dans la chambre de Papagallo, où sans délai le pape conduisit le roi
en lui donnant la main. Avant d'y entrer, le saint Père feignit de tomber en
défaillance ; toutefois, étant entré, il s'assit sur une chaise basse qui
avait été placée devant la fenêtre : le roi était près de lui sur un escabeau,
mais le pape lui fit apporter aussitôt une chaise semblable à la sienne.
Alors, comme je représentai fortement au saint Père qu'il ne convenait pas de
procéder ainsi à une pareille cérémonie, il prit place sur la chaise
consistoriale que j'avais fait apporter, suivant la règle. Il avait
auparavant quitté son bonnet et son camail rouge pour un bonnet et un camail
blanc, et il avait passé une riche étole. On apporta, à la droite "du
pape, un siège où se plaça le roi, et, devant et derrière ce prince, furent
disposés en cercle les sièges où s'assirent les cardinaux, comme dans un
consistoire. Le pape ne voulut s'asseoir qu'après le roi, et l'invita de la
main à s'asseoir le premier. Ensuite le révérendissime cardinal de Naples
prit place, à la droite du pape, contre le mur, sur un escabeau, comme a
coutume de s'asseoir le cardinal-diacre, qui est à la droite du pape quand il
l'assiste dans sa chapelle. Les autres cardinaux prirent leur place, selon
l'ordre du consistoire, après lui ou un peu en avant. Ainsi, le roi n'était
pas sur la même ligne que les cardinaux, mais devant eux ou plutôt au milieu
d'eux. Chacun étant assis, le pape dit que tous les cardinaux lui avaient
témoigné naguère le désir de voir élever à la dignité de cardinal de la
sainte Église romaine le révérendissime évêque de Saint-Malo, ce dont Sa
Majesté royale, ici présente, le priait instamment, et ce qu'il était prêt à
faire si les cardinaux y consentaient. Alors le révérendissime cardinal de
Naples et après lui tous les cardinaux répondirent d'un commun accord que
non-seulement ils approuvaient cette nomination, mais encore qu'ils
suppliaient Sa Sainteté d'avoir égard en cela au bon plaisir du roi. En
conséquence, je fis venir ledit seigneur évêque de Saint-Malo, qui aussitôt
quitta son manteau, son camail et son bonnet noir ; alors, ayant été revêtu
de la chape, il s'agenouilla devant lé pape, qui, s'étant découvert, le créa
cardinal, suivant la formule accoutumée : Auctorilate
Dei omnipotentis,
etc., et le confirma dans la possession de l'église de Saint-Malo, ainsi que
des monastères et des bénéfices dont il jouissait déjà. L'évêque baisa le
pied et la main du pape, qui le releva pour l'embrasser ; alors, l'évêque
s'étant de nouveau agenouillé devant le pape, le saint Père lui mit sur la
tête le chapeau rouge en prononçant les paroles du sage. Ensuite l'évêque de
Saint-Malo rendit ses actions de grâces à Sa Sainteté, qui lui dit de remercier
le roi, aux pieds duquel il se prosterna, oubliant son titre d'évêque et sa
nouvelle dignité de cardinal. Enfin il se releva et embrassa tous les
cardinaux. L'évêque de Saint-Malo ayant quitté son manteau, les valets de
chambre Jacques de Casanova et François Alabagne se l'approprièrent sans aucun
droit et à mon insu ; quant au camail et au bonnet, ils restèrent entre mes
mains. Cependant le pape se leva et témoigna le désir de reconduire le roi
jusqu'à ses appartements ; mais le roi, ne voulant pas le souffrir, fut
accompagné par tous les cardinaux. La première porte du palais et toutes les
avenues furent confiées à la garde écossaise, qui, chargée de ce service
auprès du prince, ne laissait entrer que les Français et très-peu des nôtres. Afin
qu'un cardinal ne mourût sans recevoir les sacrements, les médecins, dès
qu'ils reconnaissaient le danger de mort, devaient, sous peine
d'excommunication, cesser de lui donner leurs soins après la troisième
visite, et ne les continuer que sur le vu d'un billet de son confesseur,
constatant que le malade avait rempli ses devoirs religieux. Les cérémonies
qui avaient lieu à la mort des cardinaux ne diffèrent de celles qui suivent
la mort du pape, que par une moins grande pompe ; nous ne parlerons donc que
de ces dernières. Aussitôt que le pape est mort, les cardinaux viennent l'un
après l'autre le visiter, et chacun se retire, après lui avoir donné
l'absoute. Cette cérémonie terminée, on transporte le défunt dans une autre
chambre : on le rase ; le corps est lavé avec du vin blanc chaud et des
aromates, puis embaumé. Les pénitenciers le revêtent de ses habits ordinaires
jusqu'au rochet, et ensuite des habits pontificaux de couleur rouge avec la
mitre simple. Il faut, dit Amélius, que le camérier, qui soigne le pape dans ses derniers
moments, ait bien l'attention de mettre tout ce qui appartenait à celui-ci,
en lieu de sûreté et à l'abri de la rapacité des domestiques. En effet, Burchard rapporte
qu'aussitôt que le corps de Sixte IV fut transporté de la chambre où ce pape
était mort dans celle où il devait être lavé et embaumé, en un moment — unico momento, ut ita dicam, tout fut enlevé, au point
qu'on ne put trouver un vase quelconque pour y mettre le vin parfumé qui
devait servir à laver le corps, ni une serviette, ni une chemise blanche ;
qu'enfin le barbier Andréas fut obligé de prêter un bassin de sa boutique, et
que, comme le linge manquait pour essuyer le corps, il fallut bien déchirer
en deux la chemise que le défunt portait et lui laisser les braies avec lesquelles
il était mort, faute de pouvoir en changer. On
place le corps sur une litière couverte de drap d'or aux armes du pape et de
l'Église ; sous la tête est un coussin de même étoffe, et deux autres
coussins sont aux pieds, avec deux chapeaux pontificaux. Si le
pape est mort dans la nuit, les pénitenciers veillent et psalmodient près du
défunt, dans la chambre de Papagallo, où il est déposé. A l'heure
convenable, le sous-diacre apostolique, en chape violette, vient, avec la
croix, accompagné des chantres de la chapelle, chercher le corps, que les
pénitenciers portent dans la grande chapelle. Les estafiers du pape et les
gens de sa maison suivent avec des cierges. Les religieux des congrégations
et des couvents se succèdent alors pour chanter les vêpres des morts et
donner l'absoute ; puis, le pape est exposé pendant deux ou trois jours dans
l'église de Saint-Pierre, afin que le peuple puisse le visiter et lui baiser
la main. Au bout de ce temps, on le dépose, durant la nuit, dans le cercueil,
que l'on place sous un catafalque appelé castrum
doloris, de
chaque côté duquel deux palefreniers agitent des flabelles, comme pour en
chasser les mouches, même en hiver — videantur
abigere muscas, etiam sit tempus hyemale, dit le Cérémonial. Les obsèques du pape
durent neuf jours, pendant lesquels de larges aumônes sont distribuées par le
camérier et le trésorier de la chambre apostolique. Le premier jour, on dit
deux cents messes. La messe solennelle est chantée par le premier des
cardinaux-évêques ; on y entend l'oraison funèbre du défunt, et cette
cérémonie se termine par l'absoute. Pendant la neuvaine, cent messes
seulement sont dites par jour ; mais ce n'est qu'au premier et au dernier
jour que l'église et le catafalque sont illuminés. Chaque jour, après la
messe, les cardinaux se réunissent dans un lieu convenable pour s'occuper du
choix d'un pape. La neuvaine, instituée par Grégoire X, pour les funérailles
des pontifes, n'a pas toujours été observée, car les obsèques de Martin IV,
mort en 1285, ne durèrent que trois jours. Le pape,
après son exaltation et lors de la canonisation d'un saint, accordait
ordinairement un jubilé. C'est une indulgence plénière obtenue par les
fidèles, moyennant certaines pratiques de dévotion. Ce jubilé spécial était
indépendant des jubilés réguliers qui avaient lieu à des époques déterminées,
mais dont l'intervalle a plusieurs fois varié. L'origine du jubilé remonte à
Moïse. Il est dit au chapitre XXV du Lévitique : Vous compterez aussi sept semaines d'années, sept fois sept
ans ; ces sept semaines faisant quarante-neuf ans. Puis, vous ferez sonner du
cor, le dixième jour du septième mois, qui est le jour de l'expiation : vous
ferez retentir le son de la trompette dans tout votre pays. Vous sanctifierez
cette année qui sera la cinquantième. Cette cinquantième année sera pour vous
celle du jubilé et vous sera sainte. Jubilé dériverait donc de l'hébreu jobel, qui signifie bélier. D'anciens vers français rappellent
l'étymologie hébraïque du nom donné à l'année sainte : Jobel,
Bélier, l'an jubilé, Le
cinquantième est appelé ; Car,
pour l'annoncer, la trompette De
sa corne seule était faite. Les
époques des jubilés, jusqu'au treizième siècle, sont tout à fait perdues : ce
qui paraît certain, c'est que l'année 1300 vit accourir à Rome un nombre immense
de pèlerins qui venaient y visiter les tombeaux des Apôtres, et que Boniface
VIII, ayant appris, de la bouche d'un vieillard de cent sept ans, que l'an
1200 il y avait eu pareil concours, statua, par une bulle, qu'un jubilé aurait
lieu au commencement de chaque siècle, et que ceux qui, après s'être
confessés et avoir communié, visiteraient les saints tombeaux, gagneraient
une indulgence plénière. Clément VI réduisit la période jubilaire à cinquante
ans ; Urbain VI, en 1389, à trente-trois ans ; Paul II, à vingt-cinq. Boniface
VIII désigna comme églises de stations la basilique de Saint-Pierre, du
Vatican, et celle de Saint-Paul hors des murs, sur la voie d'Ostie ; Clément
VI y joignit Saint-Jean- de-Latran ; Grégoire XI, Sainte-Marie-Majeure. Les
plus grands personnages se rendaient en pèlerinage à Rome, pour prendre part
aux stations du jubilé. A celui de 1300, on vit venir Charles de Valois,
frère de Phi-, lippe-le-Bel ; Charles Martel, roi de Hongrie ; à celui de
1475, Ferdinand, roi de Naples ; Christian Ier, roi de Danemark et de Norvège
; Charlotte, reine de Chypre ; Catherine, reine de Bosnie ; Jean, duc de Saxe
; à celui de 1575, Torquato Tasso et le saint archevêque de Milan, Charles
Borromée, lequel, suivant l'exemple donné par Nicolas V et plusieurs
cardinaux, alla nu-pieds visiter les églises. Ce jubilé offrit le spectacle
d'une magnifique procession figurant le triomphe de l'Église, dont le char
était précédé et suivi par les pénitents de Ninive, les Prophètes, les
Apôtres, les Évangélistes, les Docteurs. Celui de 1600 eut une procession à
peu près semblable : on y représentait les mystères de l'Ancien Testament, le
sacrifice d'Abraham, l'échelle de Jacob, Judith portant la tête d'Holopherne,
outre les personnages allégoriques du précédent jubilé. Ces processions se
composaient d'une foule prodigieuse d'assistants. On porte à cinquante mille
le nombre des individus des deux sexes qui suivirent la procession, le jour
de la fête du Saint-Rosaire de cette même année 1600. Il fallait être à Rome,
afin de gagner l'indulgence plénière. Pour donner une idée de l'affluence des
pèlerins qui y accouraient, nous dirons qu'on en compta jusqu'à douze cent
mille au jubilé de 1550 ; mais, à la fin du seizième siècle, les pontifes
ayant dispensé les fidèles de visiter la capitale du monde chrétien, en étendant
la faveur du jubilé à tous les pays catholiques, et en n'exigeant, pour le
pèlerinage, que les stations aux églises désignées par les Ordinaires des
lieux, le nombre des pèlerins diminua considérablement à Rome. A Rome,
l'approche du jubilé était annoncée par un auditeur de rote, après l'Évangile
de la messe solennelle, le jour de l'Ascension, qui précédait l'ouverture de
cette année sainte, dont Alexandre VI inaugura le premier le cérémonial. Aux
vêpres de la vigile de Noël, le pape, revêtu du pluvial et couronné de la
mitre, arrive porté sur la sedia gestatoria jusqu'au vestibule de
Saint-Pierre. Il est accompagné du sacré collège et tient un cierge, comme
tous les cardinaux. Là, il députe des légats a latere, pour aller ouvrir les portes saintes des autres basiliques ;
puis, s'approchant de la dernière des cinq portes, à droite, murée depuis
l'année révolue du dernier jubilé, il chante l'antienne Aperite portas,
etc., et donne trois coups d'un marteau d'argent dans cette maçonnerie, que
des ouvriers s'empressent de démolir entièrement et dont le peuple se dispute
les débris. Le pape alors, la croix à la main droite et le cierge dans
l'autre, entre le premier dans l'église par cette porte, et l'on chante le Te
Deum. La clôture de la porte sainte se fait, avec le même cérémonial, aux
vêpres de Noël de l'année suivante : le pape prend à trois reprises un peu de
mortier avec une truelle d'argent, l'étend sur le seuil, et le recouvre de
trois pierres en y ajoutant plusieurs médailles. Les
pèlerinages étaient fort suivis au Moyen Age. Comme exemple du zèle que l'on
avait pour ces dévotions, l'abbé Fleury rapporte, d'après le témoignage de
saint Paulin, que l'on pouvait compter plus de vingt villes ou provinces d'Italie,
dont les habitants venaient tous les ans, en grandes troupes, avec leurs
femmes et leurs enfants, à la fête de Saint-Félix, le 14 janvier, nonobstant
la rigueur de la saison, et cela pour un seul confesseur, dans la ville de Nole
: On peut juger, continue-t-il, ce que ce devait être à Rome, aux fêtes de
Saint-Hippolyte, de Saint-Laurent, des Apôtres saint Pierre et saint Paul ;
on y venait de fort loin et en tout temps. Les
pèlerinages les plus célèbres étaient ceux de la Terre-Sainte, la visite des
tombeaux des Apôtres, le voyage de Notre-Dame de Lorette, celui de
Saint-Jacques de Compostelle. Dès que
l'Église a été en paix,
dit le P. Lebrun, on a fait beaucoup de
processions pour aller au tombeau des martyrs, pour transporter leurs
reliques, pour faire aller les fidèles tous ensemble, les jours de jeûne, aux
lieux de stations, et y demander des grâces particulières. Ces confréries mêlèrent
souvent à leurs processions des représentations de mystères et de pieuses farces, qui ne tardèrent pas à dégénérer en licence et en
abus les plus monstrueux. Il suffit de citer la procession qui se faisait à
Nivelle, le lendemain de la Pentecôte, en l'honneur de sainte Gertrude,
patronne de la ville, procession où une jeune fille, assise en croupe
derrière un cavalier, jouait le personnage de la sainte, tandis que, devant
elle, un jeune homme alerte, remplissant celui du diable, faisait mille sauts
et mille cabrioles, afin de tâcher, par ses gestes bouffons, de faire rire la
prétendue sainte, laquelle de son côté s'efforçait de conserver la gravité
qui convenait à son caractère ; — la procession de Courtrai, le
vendredi-saint, où un pauvre homme recevait vingt-cinq livres, de la ville,
pour représenter les souffrances du Sauveur, et se soumettait non-seulement à
porter par les rues une lourde croix, mais encore à subir réellement les
coups et les tourments que lui infligeaient six capucins d'un côté, et six
récollets de l'autre, faisant l'office de bourreaux ; — la procession de
Bruxelles, où semblable représentation avait lieu, ainsi que l'imitation du
crucifiement, dans l'église des Augustins ; — la procession de Venise, le
même jour aussi ; — celle des Disciplinaires et de la FêteDieu, en Espagne,
où s'alliaient aux cérémonies de la religion les pantomimes les plus burlesques
et les plus inconvenantes ; — celle du Rosaire, à Venise, dont l'invention
est attribuée aux dominicains. Mais nous n'avons pas à décrire ces ridicules
momeries qui ne sont point du nombre des Cérémonies ecclésiastiques et qui
n'auraient jamais dû s'y trouver mêlées. La
procession des Palmes ou des Rameaux, qui a lieu le dimanche avant la fête de
Pâques pour rappeler l'entrée de Jésus-Christ à Jérusalem, était depuis
longtemps en usage dans l'Orient, quand, vers le sixième ou septième siècle,
elle fut aussi adoptée par l'Église latine. Ce dimanche reçut des
dénominations différentes : les uns lui donnaient le nom d'Hozanna, en souvenir des acclamations du peuple de Jérusalem ; d'autres,
celui de dimanche des Indulgences, à cause des indulgences que l'Église
distribuait à l'occasion de cette grande fête. On l'appelait aussi la Pâque des compétents, parce que ce jour-là les catéchumènes allaient
tous ensemble demander (competere) le baptême, que l'on administrait le samedi suivant, et entendre
le Symbole, selon la prescription du
concile d'Agde, en 506 — ut Symbolum ante
octo dies Paschœ competentibus prœdicetur, Can. XIII — ; ou bien, le jour des têtes lavées (capitalivium), parce que la coutume était
alors, dit saint Isidore, et après lui Alcuin, de laver la tête des enfants
qui devaient recevoir l'onction ; enfin, Amalaire et d'autres écrivains lui
donnent le nom de jour des Rameaux de palmiers. A cette procession, du temps
d'Alcuin (huitième siècle), deux prêtres en aube portaient en grande pompe,
sur une espèce de civière richement ornée et entourée de palmes, le texte
sacré de l'Évangile. D'après les statuts de Lanfranc, archevêque de
Cantorbéry au onzième siècle, le corps du Christ devait y être porté
également. Le chroniqueur anglais Matthieu Paris, dans la Vie des abbés du
monastère de Saint-Alban, décrit le vase ou l'écrin, élégamment travaillé par
l'abbé Simon, et destiné à contenir l'hostie à la procession des Rameaux. Cette
procession se dirigeait vers quelque église ou lieu de station, et là, après
la lecture de l'Évangile, on bénissait et distribuait les rameaux. L'usage
ordinaire était que les cendres employées pour la cérémonie du premier
mercredi de carême provinssent de ces rameaux brûlés. Robert,
évêque de Liège, jugea qu'il y avait beaucoup de convenance à célébrer
l'institution de l'Eucharistie d'une manière plus solennelle qu'on ne pouvait
le faire le jeudi-saint, l'Église étant occupée ce jour-là à la réconciliation
des pénitents et à plusieurs autres fonctions qui l'empêchent d'honorer
uniquement ce mystère : il ordonna, par un statut de l'an 1249, que, tous les
ans, la fête du Corps du Christ serait célébrée le jeudi après la semaine de
la Pentecôte, et il composa l'office de cette fête, qu'Urbain IV, en 1262,
étendit à toute la chrétienté. La ville d'Angers, où Bérenger de Tours,
archidiacre, au commencement du onzième siècle, avait publié ses erreurs
contre les mystères de l'Eucharistie et de la transsubstantiation, tint à
honneur de se distinguer parmi toutes les Églises et de protester contre
cette hérésie par la magnificence de la procession des Rameaux. La
procession appelée Litanies majeures, créée par Pélage II, doit son
origine à une peste qui désola Rome, en 589, à la suite d'une inondation ;
c'est cette même peste dont les symptômes diagnostiques se révélèrent par une
suite d'éternuements : de là est venue la coutume de dire à quelqu'un qui
éternue : Dieu vous bénisse ! Pélage fut lui-même victime de
l'épidémie, avec soixante-dix personnes, au milieu de la procession qu'il avait
ordonnée pour apaiser la colère de Dieu. Saint Grégoire-le-Grand, qui
succédait à ce pape, décida que semblable cérémonie serait renouvelée tous
les ans, le 25 avril. Il paraît que, dans certains diocèses, le lieu de la
station était fort éloigné, et qu'après la messe les fidèles faisaient un
frugal repas d'œufs et de comestibles maigres dont ils avaient eu soin de
s'approvisionner ; on revenait ensuite à l'église paroissiale. Saint
Mamert, archevêque de Vienne en Dauphiné, avait institué dans son diocèse, en
474, la procession des Rogations — dite depuis Litanies mineures, pour la
distinguer de celle dont nous venons de parler —, afin de remercier Dieu
d'avoir délivré ce pays des fléaux qui le désolaient et des bêtes féroces qui
y commettaient d'horribles ravages. Elle se faisait pendant les trois jours
qui précèdent l'Ascension, et elle fut ordonnée par toute la France, en 511,
par le concile d'Orléans ; mais, à Rome, l'usage n'en commença que vers la
fin du huitième siècle sous le pape Léon III. On portait, en tête de cette
procession, dit Guillaume Durand dans son Rationale divinorum officiorum,
un énorme serpent ou dragon, de bois ou de carton peint, qui avait, pendant
les deux premiers jours, la gueule ouverte, mais qui la fermait, le troisième
jour, comme marque de défaite, et cette fois le dragon ne venait plus que
derrière la procession. A Rouen, on promenait ainsi deux grands serpents,
appelés Gargouilles par le peuple. Il en était de même à Paris, à Laon, à
Provins et dans beaucoup d'autres villes. On mettait quelquefois des fusées
dans la gueule et les yeux de ces monstres ; les accidents qui en résultèrent
ont contribué, plus encore que les défenses de l'autorité épiscopale, à faire
abandonner l'usage des pièces d'artifice dans ces processions. Quant
aux fêtes ou jours fériés de l'Église qui donnaient lieu à des Cérémonies
ecclésiastiques, leur nombre était considérable au Moyen Age. Le concile de
Mayence, en 813, ordonna de célébrer les suivantes : Pâques et toute la
semaine, l'Ascension, la Pentecôte et toute la semaine, Saint-Pierre et
Saint-Paul, Saint-Jean-Baptiste, l'Assomption, la Dédicace, Saint-Michel, Saint-Rémi,
Saint-Martin, Saint-André, Noël et les quatre jours suivants, la
Circoncision, l'Epiphanie, la Purification, et les anniversaires de tous les
saints dont on a des reliques. Nous nous bornerons à parler des fêtes qui
présentaient quelques singularités. On appelait autrefois Pâques toutes les
grandes fêtes ; celle de la Résurrection était la grande Pâque, et l'on
disait aussi Pâques de la Nativité, de l'Épiphanie, de l'Ascension, de la
Pentecôte. On se préparait à la célébration de la grande Pâque, en se
purifiant le corps par des bains, comme symbole du soin que l'on devait
prendre de purifier son âme de toute souillure ; on se coupait les cheveux et
la barbe, en signe de retranchement des vices et de la déposition du vieil
homme, selon les expressions de Guillaume Durand dans son Rationale. Cette
fête donnait lieu, dans certaines églises, à des représentations par
personnages du mystère même de la Résurrection. On allait en procession à un
tombeau figuré dans un roc ; là on trouvait trois femmes et plusieurs hommes
en costume, faisant les rôles des trois Marie et des disciples Jean et
Pierre, ainsi que des anges qui s'entretenaient avec eux. Tous les acteurs
revenaient avec la procession, et on entonnait le Te Deum. Le sieur de
Moléon, dans ses Voyages liturgiques, parle d'une semblable représentation
scénique, qui se célébrait aussi, le jour de Pâque, dans la cathédrale
d'Orléans : Rien n'y manquait, dit-il ; il y avait jusqu'aux soldats qui avaient gardé le
sépulcre, et qui terminaient toute la cérémonie en rompant leurs lances ou
piques à la troisième stalle d'auprès M. le chantre, et allaient par toute
l'église, avec leurs épées nues ; après quoi, le sous-doyen commençait le Te
Deum ; ce jour-là, on portait deux croix aux processions, tant de la
messe que des vêpres.
Un ancien manuscrit de l'église de Saint-Benoît-sur-Loire nous transmet un
mystère analogue, avec les paroles et le rôle assignés à chacun des
personnages de ce drame religieux. La
procession qui précède la messe du jeudi de l'Ascension, en commémoration de
la marche des disciples du Sauveur vers la montagne d'où il s'éleva au ciel
en leur présence, est de la plus haute antiquité. Pendant plusieurs siècles,
il y eut pareille procession tous les jeudis de l'année, dans la même
intention. Les pèlerins accouraient en foule pour assister à la célébration
de cette fêle dans l'église que sainte Hélène, mère de Constantin, avait fait
construire, au commencement du quatrième siècle, à l'endroit même où s'était
accompli le mystère, et pour vénérer l'empreinte des pieds de Jésus-Christ,
qui restait gravée dans la pierre sur laquelle il les avait posés. La
Pentecôte ou Pâque des roses (Pasqua rosata), regardée par Eusèbe comme la
plus grande de toutes les fêtes, offrait, au Moyen Age, le même mélange
dramatique et religieux. A la messe de ce jour, pendant le Veni sancte
Spiritus, en beaucoup d'églises, on sonnait tout à coup de la trompette,
pour imiter le grand bruit qu'entendirent les apôtres lorsque le Saint-Esprit
descendit sur eux ; et, pour continuer l'imitation du mystère, des langues de
feu tombaient du haut de la voûte et venaient expirer au-dessus des fidèles ;
ou bien, c'était une pluie de feuilles de roses rouges, et on lâchait des
colombes, symboles du Saint-Esprit, qui voltigeaient dans l'église. On
s'accorde à penser que les apôtres ne commencèrent à offrir le sacrifice de
la messe (missa) qu'à partir du jour de la Pentecôte, où les
promesses (promissa) de Jésus-Christ se trouvèrent
entièrement accomplies. Le nom
de messe, qui signifie en latin renvoi, congé, fut
donné aux saints mystères, parce que, dans l'origine, au moment de leur
célébration, les fidèles seuls demeuraient, tandis que l'on renvoyait les
catéchumènes, ainsi que l'exprime saint Augustin : Post sermonem fil missa catechumenis, manebunt fideles. Gilb. Génébrard, dans son Traité
de la Liturgie, décrit en ces termes l'ordre de la messe, selon l'usage et forme des apostres et de leur disciple
sainct Denys, apostre des François : MYSTERUM SYNAXIS. La
messe des catéchumènes, ou première partie de la messe. Le
hiérarque, ayant parachevé sa divine prière auprès du saint autel, commence à
l'encenser, et en continuant cette action, passe tout à l'entour du lieu
sacré. Estant
de retour au saint autel, il commence de rechef à psalmodier, et tout l'ordre
ecclésiastique chante avec lui les sacrés versets. Puis
après, les ministres récitent par ordre quelques leçons des saintes
Écritures. Et
cela fait, les catéchumènes, ensemble les possédez et tourmentez de mauvais esprits
avec ceux qui font pénitence publique, sont mis hors du saint lieu ; y demeurent
seulement ceux qui méritent d'assister et de participer au divin sacrifice. La
messe des fidèles, ou bien la seconde partie de la messe. Au
surplus, quelques ministres se tiennent près des portes fermées, les autres
font quelque autre charge particulière, et certains ministres esleuz avec les
prebstres présentent sur le sacro-saint autel le pain sacré et le calice de
bénédiction, ayant précédé par forme de confession l'Hymne et Louange
catholique. Après
cela, le divin hiérarque, parachevant sa prière sacrée, annonce la sainte paix
à tous. S'estant tous réciproquement entre-saluez, on récite la mystique commémoration
des saintes tablettes. Puis, le hiérarque et ses prebstres ayant lavé leurs mains,
il se place au milieu du saint autel. Au
reste, seulement les ministres choisis l'environnent avec les prebstres et le
pontife ; après avoir, avec hymnes et cantiques, honoré et célébré les divins
présens ou offrandes, il consacre les sacro-saints et très-augustes mystères,
proposant à la veue des assistants et monstrant les divins présens cachez
soubs les vénérables signes et espèces, après qu'il les a auparavant célébrez
par hymnes et louanges. En
après, il se prépare et dispose à la sacrée communion et réception d iceux,
et invite les autres à les recevoir. Finalement,
ayant receu et distribué la divine communion, il rend grâce à Dieu et impose
fin aux mystères. (Édit. de 1592, pag. 85, chap. XIII.) Comme
on vient de le voir, à la première partie de la messe, dite des catéchumènes,
c'est-à-dire ceux que l'on instruisait à la foi avant de leur donner le
baptême, on admettait les possédés ou énergumènes et les pénitents. Après le
chant de l'Évangile, ou après la prédication, s'il y en avait, le diacre
disait à haute voix : Que les catéchisés,
possédés et pénitents sortent en paix ! Il y
avait quatre classes de pénitents : celle des pleurants, lesquels se tenaient
à la porte de l'église sans pouvoir en franchir le seuil, et se voyaient
réduits à réclamer les prières des fidèles qui entraient ; celle des
ecoutants, auxquels on permettait l'entrée de la partie de l'église appelée ηάφθηξ ou férula, sorte de vestibule obscur, entre la porte extérieure et la nef,
pour y entendre la lecture des livres saints et les instructions ; les
pénitents prosternés, sur lesquels on faisait des prières en leur imposant
les mains ; enfin, la quatrième classe était celle des consistants, qui
avaient le droit de rester dans l'église pendant toute la durée des offices,
mais qui ne pouvaient présenter leurs offrandes comme les autres. Ces
offrandes, que dans la primitive Église les fidèles avaient coutume d'apporter
chaque jour, consistaient en pain et en vin. Elles étaient présentées, au
commencement de la seconde partie de la messe, après la lecture de l'Évangile
et du Symbole. Les Capitulaires des rois de France ordonnent d'aller à
l'offrande au moins tous les dimanches. Le second concile de Maçon, en 585,
prescrit aux hommes et aux femmes d'y venir au moins tous les dimanches et
d'y offrir du pain et du vin. Saint Césaire invitait les fidèles à paraître à
l'offrande, surtout quand ils communiaient, et il leur disait qu'un chrétien
doit rougir de communier avec le pain qu'un autre aurait offert. Jusqu'au
huitième ou neuvième siècle, on se servait pour la messe indifféremment de
pain levé ou de pain azyme ordinaire ; mais depuis lors, cet usage ne fut
plus permis dans l'Église romaine, quoique l'Église d'Orient l'ait conservé ;
et le pain de l'offrande ne servit plus qu'à être distribué au peuple, comme
symbole de communion, et prit le nom d'eulogie ou de pain bénit. On
apportait ces offrandes sur des nappes ou des serviettes blanches ; les
assistants venaient les premiers et s'arrêtaient à la porte du chœur ; les
prêtres et les diacres venaient ensuite : ils n'offraient que du pain et
s'avançaient jusque devant l'autel ; les femmes ne quittaient pas leurs
places, et les prêtres allaient autour de l'église recevoir leurs oblations. Ces
pains étaient de forme ronde ; Sévère d'Alexandrie les appelle des cercles ;
saint Grégoire, des couronnes ; d'autres les ont nommés des roues. Le prêtre
ne consacrait pas toutes ces oblations : il mettait en réserve pour les
clercs et les pauvres tout ce qui n'était pas nécessaire pour la communion. L'offrande
du pain et du vin, présentée avec un cierge, s'est conservée pour les
enterrements, dans beaucoup de diocèses. L'autel
était couronné d'une coupole appelée ciboire, soutenue par quatre colonnes
entre lesquelles régnaient des rideaux que l'on fermait au canon de la messe
pour cacher les saints mystères ; une colombe creuse en or ou en argent, où
l'on conservait l'Eucharistie pour les malades, était suspendue au milieu du
ciboire. Par mesure de sûreté, l'Eglise remplaça les colombes par les
tabernacles ; le premier dont l'histoire fasse mention est celui que Félix,
évêque de Bourges, fit exécuter en or, et qui avait la forme d'une tour. La
consécration terminée, le sous-diacre ouvrait les rideaux et montrait au
peuple le ministre de l'autel. Après l'oraison dominicale, le diacre
avertissait les fidèles de se préparer à la communion, tandis que le
célébrant rompait les hosties que les prêtres distribuaient ensuite. On
recevait la communion avec la main, et l'on se communiait soi-même. (GRÉGOIRE DE TOURS.) Mais, depuis le sixième siècle,
il fut prescrit aux femmes de la recevoir sur un voile blanc, appelé
dominical, et de se servir de ce voile pour la porter à leur bouche. (FLEURY, Hist. ecclés.) En 880, le concile de Rouen changea cette coutume,
en ordonnant que les fidèles ne communieraient plus que de la main des
prêtres. (GRANCOLAS, Anc. Liturg., t. II.) La
communion était toujours précédée du baiser de paix. Les hommes
s'embrassaient entre eux ; les femmes, entre elles. Cet usage se retrouve
encore au treizième siècle. (CL. DE VERT, Cérém. de l'Égl. — Le P. LEBRUN, Explic.
des Cérém. de la messe.) Après la distribution du pain eucharistique, venaient les
diacres portant le calice pour donner l'espèce du vin, qui s'aspirait au
moyen d'un chalumeau d'or appelé fistula
pugilaris. Les
calices étaient ordinairement à deux anses et d'une grande capacité ; on en
faisait circuler plusieurs à la fois dans toutes les parties de l'église. Ils
servaient aussi à recevoir le vin d'offrande que chacun apportait dans de
petits vases appelés par les Latins amulœ. Au témoignage de saint
Grégoire de Tours, il y avait dans les églises principales un calice
particulier pour la communion des princes, qui ne la recevaient pas, comme
les autres fidèles, avec un chalumeau. (Hist. Franc., lib. III, cap. XXXI.) On
concevra facilement qu'il y eût des patènes d'argent du poids de trente
livres, comme le dit Anastase, si l'on se reporte au temps où la communion se
donnait sous forme de fraction de pain ; ces patènes avaient deux anses et se
portaient à deux mains pour être présentées aux fidèles : elles se nommaient
patènes ministérielles. Les grands calices dont nous venons de parler
recevaient aussi cette dénomination. Le
temps d'épreuve des catéchumènes qui se disposaient à recevoir le baptême
n'était pas limité ; il dépendait de leur degré d'instruction ; et souvent
eux-mêmes, par scrupule de conscience, retardaient leur inscription sur la
liste des élus, c'est-à-dire ceux qui, après un sévère examen, devaient enfin
être admis à la prochaine administration de ce sacrement. C'est ainsi que
saint Augustin différa pendant longtemps de se faire baptiser ; que saint Martin,
fait catéchumène à dix ans, ne fut baptisé qu'à dix-huit ; que saint Ambroise
ne l'était pas encore lorsqu'il fut élu évêque de Milan, et que Constantin ne
reçut le baptême, à Nicomédie, que peu de temps avant sa mort. Hors
les cas de nécessité, le baptême ne se donnait que deux fois dans l'année :
le samedi saint et la veille de la Pentecôte. Il ne reste plus de cette
ancienne discipline que la bénédiction de l'eau baptismale en ces deux
jours-là, ainsi que la prière faite à la messe pour les nouveaux baptisés.
Ces époques de baptême solennel se multiplièrent cependant, mais ce ne fut
que vers le douzième ou treizième siècle que la coutume de baptiser en tout
temps devint générale. Le
baptême était précédé des scrutins. Il y avait ordinairement sept scrutins :
c'est-à-dire sept jours consacrés à examiner ceux qui demandaient à être
baptisés, et à leur donner les dernières instructions ; alors leurs noms
étaient placés dans les diptyques pour être lus en memento avec les noms des parrains et marraines qu'ils s'étaient
choisis. L'enfant mâle était présenté par un parrain ; celui de l'autre sexe,
par une marraine. Suivant le premier Ordre romain, vers la troisième
heure du jour, les catéchumènes se rendaient en procession à l'église, afin
de subir le dernier examen. Ils se tenaient rangés, les garçons à droite et
les filles à gauche. Le prêtre leur faisait à tous un signe de croix sur le
front avec le pouce, leur imposait la main sur la tête en prononçant sur
chacun d'eux ces mots : Nec te latet Satanas, et leur mettait dans la bouche
du sel qu'il avait béni en leur présence. Saint Augustin fait mention de ce
dernier rite, dont ne parle pas l'Ordre romain I. Le prêtre les
touchait ensuite, avec de la salive, aux narines et aux oreilles, en disant :
Epheta (Ouvrez-vous). Suivait une prière d'exorcisme ; puis, une onction sur la
poitrine et sur les épaules, avec l'huile des catéchumènes, en demandant à
chacun s'il renonçait à Satan et à ses pompes. Le prêtre, alors, imposant de
nouveau la main, récitait sur chacun d'eux aussi les paroles du Symbole, et
l'archidiacre les congédiait tous jusqu'à ce que l'heure du baptême fût
arrivée. Cette heure venue, les élus rentraient dans l'église processionnellement,
s'arrêtaient à distance du baptistère, puis s'avançaient un à un, conduits
par les parrains ou marraines, suivant leur sexe. Ces baptistères étaient au
bas de l'église, le plus souvent à gauche. Les fonts baptismaux consistaient
en des cuves remplies d'eau, chauffée selon que le demandait la saison ou le
climat. Ces cuves, enfoncées en terre, ne s'élevaient environ que d'un pied
et demi au-dessus du sol. Il y avait, pour les deux sexes, des cuves séparées
par des rideaux. L'élu se dépouillait de ses habits et entrait dans l'eau,
avec l'aide de ses parrains ou marraines ; le prêtre, pour donner à cette
immersion la forme d'une croix, faisait incliner la tête de l'élu, de
l'orient à l'occident et du nord au midi, en disant : Je vous baptise au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit. En
quelques diocèses l'élu faisait trois immersions successives, pendant que le
prêtre prononçait les paroles sacramentelles. Le
néophyte sortait ensuite de la cuve, aidé par ses parrains ou marraines (susceptores) : ceux-ci le présentaient au
prêtre, qui lui donnait l'onction du saint chrême, en lui versant sur la tête
l'huile sainte, qu'on laissait couler sur les reins. On essuyait cette
onction et on couvrait la tête du baptisé avec le chrémeau (galea) ; puis on le revêtait d'une robe blanche, qu'il
portait pendant huit jours : il ne la quittait qu'au huitième. C'est là ce
qui a fait donner au premier dimanche après Pâques cette dénomination : In albis depositis. Les
nouveaux baptisés, ainsi revêtus de leur robe blanche, s'avançaient en rang
vers le chœur, et on leur faisait manger du lait et du miel, pour marquer,
dit l'abbé Fleury, l'entrée de la vraie terre promise et l'enfance
spirituelle, car c'était la première nourriture des enfants sevrés. Enfin,
ils assistaient à la messe des fidèles, un cierge à la main, et y
communiaient pour la première fois. Après la messe, l'évêque leur donnait la
confirmation, en leur imposant les mains, et leur lavait les pieds, à
l'exemple de Jésus-Christ, cérémonie dont l'Église rappelle la mémoire au
jeudi saint. Dans
les premiers siècles de l'Église, on ne baptisait guère que des adultes ;
aussi, les fonctions dont les diacres ne pouvaient décemment être chargés
auprès des femmes, étaient-elles remplies par des diaconesses. C'étaient des
veuves ou des vierges consacrées au service de l'Église par une bénédiction
spéciale. Ces pieuses femmes prenaient soin des pauvres et des malades et
visitaient les prisonniers. Dans les assemblées religieuses, elles étaient
préposées aux portes du côté des femmes et avaient mission de veiller au
maintien du bon ordre. Au onzième siècle, sous le pape Jean XIX, on ordonnait
encore des diaconesses dans l'Église d'Occident. L'Église
a changé le moins possible son ancienne liturgie ; cependant les sept
sacrements que nous allons passer en revue dans l'ordre canonique où les place
le Catéchisme du concile de Trente, étaient autrefois accompagnés de
certaines Cérémonies qui sont tombées en désuétude par la force du changement
naturel des mœurs. 1° Le Baptême
avait lieu de trois manières : par immersion, ainsi qu'on vient de le voir ;
par aspersion comme le donna saint Pierre aux trois mille personnes qui, dès
sa première prédication, crurent en Jésus-Christ ; par infusion, tel qu'il se
confère de nos jours. 2° La Confirmation
était administrée immédiatement après le Baptême, par la raison que, dans les
premiers siècles, on ne baptisait que des adultes, instruits pendant leur
catéchuménat et préparés à recevoir les deux sacrements ; mais, depuis
l'époque où l'on ne baptisa plus que des nouveau-nés, la confirmation dut
être renvoyée au temps où ils auraient l'âge de raison. 3° L'Eucharistie
était administrée sous le nom de communion aux fidèles en bonne santé, et
sous le nom de viatique aux malades en danger de mort. 4° La Pénitence,
dont l'usage a été prescrit une fois l'an par le quatrième concile de Latran,
eut toujours pour but l'absolution : Il y a
pénitence, dit
Origène, lorsque le pécheur ne rougit point
de révéler son péché au prêtre du Seigneur et de lui en demander le remède. — Ce mot signifie donc, outre
la confession de la faute, le remède même par lequel le pécheur expie cette
faute. Nous avons parlé des quatre classes de pénitents publics ; nous devons
dire comment cette pénitence leur était imposée et comment avait lieu leur
réconciliation avec l'Église. Les pénitents se présentaient à l'évêque,
couverts d'un sac, nu-pieds et le visage courbé vers la terre. L'évêque lui-même, prosterné et fondant en larmes dit le canon 63 du concile
d'Agde, exprimant ainsi l'esprit paternel de l'Église, doit chanter avec le clergé les sept psaumes pénitentiaux
pour obtenir leur absolution. Après la récitation des versets et collectes on bénissait des
cendres, que l'on répandait sur la tête des pénitents ; lesquels étaient
aspergés d'eau bénite et chassés de l'enceinte sacrée, dont les portes se
refermaient devant eux. C'est en imitation de ces pénitents publics que les
fidèles se présentent encore à l'église, le premier mercredi du carême, pour
recevoir des cendres sur le front. L'excommunication
se prononçait à la lueur d'un cierge, que l'on éteignait ensuite et qu'on
foulait aux pieds. Dans certains pays, le peuple avait coutume de porter une
bière devant la porte de celui qui venait d'être excommunié ; on lançait des
pierres contre sa maison en vomissant contre lui un torrent d'injures. Quant
à l'excommunication solennelle, fulminée par le pape, en vertu de la bulle
dite In cœna Domini, contre tous ceux qui appelleraient au concile
général des décrets et ordonnances des papes, contre les princes et autres
qui exigeraient des ecclésiastiques certaines contributions indues, contre
les hérétiques, les pirates, les falsificateurs des lettres apostoliques,
etc., etc., cette excommunication n'avait lieu que le jeudi saint. Un
cardinal-diacre, du haut de la loge du Vatican, lisait la bulle, en présence
du pape, qui, pour marque d'anathème, jetait sur la place une torche de cire
jaune allumée. On attribue cette bulle et ce cérémonial à Martin V (1417). L'Église gallicane, en 1510,
déclara qu'elle n'acceptait point cette bulle, et la publication en fut
complétement suspendue par Clément XIV au dix-huitième siècle. C'était
à la fin du carême, au jeudi saint aussi, qu'avait lieu la réconciliation des
pénitents, afin qu'ils pussent participer aux saints mystères de la fête de
Pâques. L'évêque se tenait assis à la porte de l'église et les pénitents
attendaient, sous le portique, que l'archidiacre demandât leur rentrée en
grâce. L'évêque alors priait pour eux, puis les rappelait à lui, et tous se
prosternaient à ses pieds. Ils se relevaient ensuite et les curés les
conduisaient par la main à l'archidiacre pour être présentés à l'évêque, qui
les rendait au giron de l'Église (Ecclesiœ gremio). Lorsqu'un
lieu sacré avait subi quelque profanation — comme l'église de Cantorbéry, par
le meurtre de Thomas Becket, en 1172, laquelle fut dépavée, dépouillée de
tous les ornements qui la décoraient, et demeura près d'un an sous la peine
de l'interdit —, la réconciliation s'en faisait avec un appareil des plus imposants.
L'évêque, au milieu du chant de psaumes de douleur, aspergeait extérieurement
et intérieurement les murs de l'église, avec de l'eau bénite mêlée de sel, de
cendres et de vin. Celte eau porte le nom de Grégorienne, ce qui en ferait remonter l'origine à la fin du sixième siècle.
Enfin, après d'humbles prières pour conjurer le Seigneur de rendre à ces
lieux pollués leur pureté primitive, on reprenait un chant de triomphe et de
glorification, qui était suivi de la messe et d'une bénédiction solennelle. 5° L'Extrême-Onction,
qui s'administra dans les mêmes cas de nécessité que le viatique, était
donnée autrefois avant ce dernier sacrement. La matière de l'extrême-onction
est l'huile des infirmes. On voit, d'après d'anciens rituels, que la place et
le nombre des onctions ont beaucoup varié. En général, on faisait ces
onctions sur le front, aux épaules et aux endroits où le malade souffrait. Le
Rituel romain indique sept onctions : sur les yeux, les narines, la bouche,
les oreilles, les mains, les pieds, les reins ; d'autres, quinze. Selon le
Rituel de Rouen de 1640, avant d'administrer le sacrement on devait mettre de
la cendre en croix sur la poitrine du malade et figurer ensuite une croix sur
cette cendre en prononçant les mêmes paroles qu'au premier jour du carême : Memento, homo, quia pulvis es, etc. D'autres rituels, enfin,
prescrivaient de coucher le malade sur la cendre même, et de lui en mettre
sur la bouche et la poitrine. 6° L'Ordre.
Nous avons parlé en détail des ordres majeurs ; l'Église compte quatre ordres
mineurs, qu'elle confère aux clercs tonsurés : ce sont ceux de portier,
lecteur, exorciste et acolyte. On voit qu'il n'était pas nécessaire, pour
recevoir le pouvoir d'exorciser, d'être dans les ordres sacrés. Mais ce
pouvoir ne devait pas s'exercer sans la permission de l'évêque. La forme de
l'exorcisme des possédés, auquel on recourait si fréquemment au Moyen Age, a
toujours été la prière, l'aspersion d'eau bénite, et l'adjuration faite au
démon de sortir du corps qu'il possédait. Lorsque l'exorcisme avait lieu par
le ministère d'un prêtre, celui-ci était vêtu d'un surplis et de l'étole
violette, dont il plaçait les extrémités sur le cou de l'énergumène en lui
faisant des signes de croix au front et à la poitrine. La
consécration des abbés et des abbesses, bien que faite avec beaucoup
d'appareil, n'était pas considérée comme une ordination, mais seulement comme
une bénédiction. L'évêque, après avoir donné à l'abbé la communion sous
l'espèce du pain, le bénissait, lui posait la mitre sur la tête, et lui
remettait les gants, avec les prières d'usage. La crosse abbatiale et
l'anneau lui avaient été remis avant l'offertoire. Ce fut
Alexandre II, élu pape en 1061, qui le premier accorda le privilège de la
mitre aux abbés en faveur d'Egelsinus, abbé du monastère de Saint-Augustin
près Cantorbéry. Des abbesses eurent aussi le droit de crosse : elles la
recevaient de l'évêque, ainsi que la croix pastorale et l'anneau. D'après un
règlement de Clément IV, les abbés ne devaient porter, dans les synodes et
conciles, qu'une mitre garnie d'orfroi, sans perles, ni pierreries, ni lames
d'or ou d'argent. Dans les assemblées les évêques portaient la mitre
précieuse, c'est-à-dire ornée de perles et de pierreries. 7°
Enfin, le Mariage, dont le cérémonial a peu changé d'ailleurs, était
autrefois célébré à la porte de l'église. Au neuvième siècle, dans l'Église
d'Occident et surtout en Italie, le prêtre posait sur la tête des époux des
couronnes faites en forme de tour (turritœ), qui étaient ensuite conservées près de l'autel. Les anciens
Gaulois se fiançaient par le sol et le denier — per solidum et denarium : la pièce d'argent, que le prêtre bénit encore
aux messes de mariage, est un souvenir de cette coutume. M.
l'abbé Pascal, auquel nous sommes redevables de beaucoup de matériaux
intéressants, nous fournira encore un curieux document relatif au Mariage.
D'après un Rituel de la province de Reims, imprimé en 1585, lorsque l'époux
présente l'anneau nuptial à sa femme, il le lui place d'abord sur le pouce et
l'index, en disant : De cet anneau, je vous
épouse ; puis, il
touche avec l'anneau le doigt du milieu, et quand il le met au quatrième
doigt, il ajoute : Et de mon corps je vous
honore. Dans un
manuscrit plus ancien de la même église, l’époux dit les vers suivants, en
mettant l'anneau successivement à chaque doigt, depuis le pouce jusqu'au
doigt annulaire : Par
cet anel, l'Église enjoint Que
nos deux cueurs en un soient joints Par
vray amour et loyale foy : Pour
tant je le mets en ce doy. Tel est
le précis des Cérémonies ecclésiastiques et liturgiques du Moyen Age et de la
Renaissance. MARQUIS EDMOND DE VARENNES. |