CLOVIS

LIVRE QUATRIÈME.

II. — CLOVIS ATTENDU EN AQUITAINE.

 

 

Clovis n’avait plus qu’un seul rival en Gaule ; c’était, il est vrai, le plus dangereux de tous. Malgré les vices de sa constitution et l’affaiblissement de ses forces, le royaume des Visigoths restait la plus formidable puissance militaire de l’Occident, aussi longtemps qu’une épreuve suprême n’avait pas révélé sa décadence. Le moment est venu de jeter un coup d’œil rapide sur cette puissance et sur les pays qui allaient devenir l’enjeu de la lutte entre elle et les Francs.

La Gaule méridionale avait été, sous l’Empire, le jardin de l’Europe et la perle de l’Occident. La sérénité du ciel, la douceur du climat, la beauté des sites, la richesse du sol et l’aménité des mœurs se réunissaient pour en faire l’un des plus heureux séjours de la terre. Tous les écrivains de l’Empire l’ont aimée et vantée : Pline ne connaît pas de province qui la surpasse ; Ausone et Sidoine Apollinaire en parlent avec ravissement, et l’austère Salvien lui-même la décrit comme un véritable Éden. Selon lui, les habitants de cette contrée devaient une reconnaissance particulière à Dieu, parce qu’ils avaient reçu en partage une image du paradis plutôt qu’une partie de la Gaule[1]. Nulle part on n’était plus fier du titre de Romain, plus passionnément épris des bienfaits de la culture romaine. Aucune autre province ne comptait une si florissante série de villes et de municipes illustres : c’était Marseille d’abord, la vieille cité phocéenne, toujours en communication par son commerce avec’ les extrémités du monde habité, et versant au milieu de la Gaule les richesses de toutes les nations ; c’était Narbonne, dont le mouvement commercial ne le cédait qu’à celui de Marseille, et qui était pour la Gaule un centre administratif et un centre intellectuel ; c’était Arles, qui fut au cinquième siècle la capitale de l’empire d’Occident, la Rome gauloise, comme dit un poète[2] ; c’était la belle et riche Bordeaux, la Marseille de l’Atlantique ; c’étaient encore, à l’intérieur, des villes opulentes comme Toulouse, Vienne, Saintes, Poitiers, sans compter une multitude de localités de second ordre qui allumaient sur tous les points du pays des foyers ardents de vie romaine. Cette terre avait largement payé sa dette à l’Empire ; elle lui avait donné des empereurs comme Antonin le Pieux, des savants comme Varron et Trogue Pompée, des romanciers comme Pétrone, des poètes comme Ausone et comme Sidoine Apollinaire. A l’heure où déjà le soleil de la civilisation pâlissait dans toutes les contrées avoisinantes, la Gaule méridionale restait un milieu plein d’élégance et de luxe raffiné, au seuil duquel semblait expirer la voix douloureuse du siècle agonisant. Les relations mondaines y avaient un charme exquis dans leur frivolité, et l’on y goûtait cette douceur de vivre qui est le privilège des aristocraties vieillissantes, ou du moins de tous ceux qu’elles admettent à la participation de leurs jouissances. Retirés dans des campagnes délicieuses dont les ombrages parfumés abritaient leur oisiveté de bon ton, les grands seigneurs y vivaient comme des rois, voisinant entre eux et persiflant dans des petits vers mignons les lourds et grossiers barbares devenus les maîtres des cités.

Car les barbares avaient pénétré enfin dans le dernier asile de la félicité romaine. En 406, ils s’étaient rués sur ces belles provinces comme un torrent dévastateur, signalant leur marche par les plus cruels ravages, à travers des régions qui depuis des siècles ne savaient plus ce que c’était qu’un camp ennemi.

A la vérité, ils n’avaient fait que passer, et les traîtres qui leur ouvrirent les défilés des Pyrénées rendirent au moins à la Gaule le service de l’en débarrasser en les jetant sur l’Espagne. Mais dès 412 étaient arrivés les Visigoths, et ceux-ci ne devaient plus disparaître. L’Empire se servit d’eux pour mettre à la raison les envahisseurs de la péninsule ibérique ; puis, ne voulant pas les y rendre trop puissants, il imagina de récompenser leurs services en leur cédant la deuxième Aquitaine, avec Bordeaux pour capitale (418). Telle fut l’origine du royaume visigothique. Installés dans le pays par l’empereur, selon les modes administratifs en vigueur pour le cantonnement des troupes, les Visigoths prirent possession des deux tiers des terres et laissèrent le troisième tiers aux indigènes. Pour légale qu’elle fût, cette occupation militaire, on l’a déjà vu, ne laissait pas d’être singulièrement oppressive, et c’était un fâcheux point de départ pour les relations qui allaient s’établir entre les barbares et les indigènes.

Bientôt, voyant toute la Gaule à leur merci et l’Empire incapable de la défendre contre eux, les Visigoths voulurent s’agrandir. Ils avaient alors à leur tète un homme dont le long règne lui permit une politique suivie, et qui devint le fondateur de leur dynastie royale, Théodoric Ier (419-451). A plusieurs reprises, Théodoric essaya d’arriver à la Méditerranée ; mais deux tentatives sur Arles, l’une en 425 et l’autre en 429, et une troisième sur Narbonne en 437, furent repoussées victorieusement par Aétius. Aétius força le roi barbare à se contenir dans ses frontières ; il fit mieux : lorsque Attila envahit la Gaule, il sut rappeler aux Visigoths les liens de fidélité qui les rattachaient à l’Empire et les entraîner à sa suite dans les champs de Mauriac, où ils jouèrent un rôle important dans la lutte commune contre le grand destructeur. Mauriac fut pour les Visigoths une victoire nationale. Leur roi l’avait payée de son sang, et ses guerriers lui avaient fait des funérailles pleines de grandeur sur le champ de bataille même, sous les yeux des Huns vaincus.

Thorismund, fils aîné de Théodoric Ier, ne régna que deux ans, et périt assassiné par ses frères Théodoric et Frédéric. Le premier de ceux-ci monta alors sur le trône sous le nom de Théodoric II, mais en assignant une place considérable auprès de lui au frère qui avait été son complice. Théodoric II fut un souverain énergique et obéi. Il put, à un moment donné, se permettre de créer un empereur romain, et il donna la pourpre à Avitus, un grand seigneur arverne de ses amis (455). Avitus disparut bientôt ; mais Théodoric, par ta mort d’Aétius, resta le maître de la Gaule, et s’étendit en Espagne du côté des Suèves, en Gaule dans la direction du Rhône et de la Loire. Deux hommes l’arrêtèrent pendant quelque temps : Ægidius qui le força à lever le siège d’Arles en 459, et Majorien, qui le contraignit à renouveler les traités avec l’Empire. Mais, à la mort de Majorien, Narbonne fut livrée à Théodoric par un traître, et Ægidius, réfugié dans la vallée de la Loire, y fut pourchassé par le prince Frédéric. Celui-ci succomba peu de temps après dans la lutte, débarrassant son frère d’un rival plutôt qu’il ne le privait d’un appui. La mort d’Ægidius, survenue peu après, livra toute l’Aquitaine au roi barbare.

Le portrait que nous trace de celui-ci une plume romaine éveille l’idée d’une force royale pleine de modération et d’activité, qui se possède elle-même au milieu de la toute-puissance. La journée de Théodoric, commencée par des pratiques de piété, se continue par les graves occupations de la politique, parmi lesquelles se place surtout la réception des ambassadeurs étrangers. Les distractions du roi consistent à passer en revue son trésor ou à visiter ses écuries ; souvent aussi il goûte le plaisir de la chasse. Ses repas sont simples, même les jours de fête ; après le dîner, le roi prend un léger somme ; parfois il joue, et il s’amuse de la mauvaise humeur de son adversaire perdait. Le reste de la journée est de nouveau consacré aux affaires. Le soir, le repas est égayé par quelque chantre mélodieux ou par les saillies d’un bouffon, mais tout se passe avec mesure, et sans rien de blessant pour aucun convive[3].

Ce puissant, toutefois, ne devait pas vieillir en paix au milieu de sa prospérité. Il avait inauguré ce qu’un écrivain franc appelle la détestable coutume qu’ont les Goths de tuer leurs souverains[4]. Mais, de même qu’un fratricide l’avait fait monter sur le trône, un fratricide l’en précipita, et il périt à la fleur de l’âge sous les coups de son frère Euric.

Alors commença la carrière conquérante du plus remarquable des rois visigoths. Devenu maître du pouvoir, il fit oublier à son peuple le crime qui le lui avait valu, et il y déploya l’ardente activité et l’ambition insatiable d’un génie dont la vocation est de commander. En face de l’empire d’Occident qui faisait, sous Anthémius, de languissants efforts pour remonter la pente fatale des choses, le Mars de la Garonne, comme l’appelait Sidoine[5], s’affirma avec une égale puissance comme diplomate et comme homme de guerre. Il ouvrit des négociations avec les Suèves d’Espagne, avec les Vandales d’Afrique, et entretint des intelligences avec cette partie de la population romaine qui avait pris son parti d’une occupation barbare, et aimait mieux la préparer que la subir. Rome, qui n’avait plus d’armée et plus de généraux, combattait ses ennemis les uns par les autres : aux Visigoths envahissants elle opposa les Burgondes, qui vinrent tenir garnison à Clermont ; les Bretons, qu’elle campa au nombre de douze mille au cœur du Berry ; les Francs, qui avaient servi sous les ordres d’Ægidius, et qui étaient restés fidèles à son successeur.

Mais rien n’arrêtait Euric. Tenu au courant, par des traîtres comme Seronatus, de ce qui se passait du côté romain, il allait écraser les Bretons à Déols (468), et, après cette journée qui lui rouvrait la vallée de la Loire, il venait mettre le siège devant Clermont (473), qui était, dans les montagnes, la clef de toutes les positions qui commandent la Gaule centrale. Maître de ce poste, il pouvait se porter à tour de rôle, selon les intérêts du moment, sur la Loire ou sur le Rhône, et tenir en échec les Francs, les Burgondes et les Romains d’Italie.

La patrie de Vercingétorix fit preuve alors, envers l’Empire agonisant, de cette fidélité qu’elle avait montrée, il y avait cinq siècles, à la liberté gauloise, comme s’il avait été dans sa destinée de s’honorer en faisant briller sur les causes déchues un dernier rayon de gloire et de dévouement. Seule en face d’un ennemi devant qui pliaient toutes les résistances, abandonnée par l’Empire qui ne défendait plus que l’Italie, par les Burgondes que l’heure du danger ne trouva plus dans ses murs[6], la vaillante cité soutint bravement le choc. A la tête de la résistance était son évêque, Sidoine Apollinaire, dans lequel l’ordination épiscopale semblait avoir créé ‘un pasteur de peuples et un patriote, à côté du grand seigneur ami de la vie mondaine et du faiseur de petits vers élégants. Cet homme, qui s’est complu, au cours de ses écrits, dans une loquacité souvent si fatigante, ne nous dit rien du rôle qu’il a joué dans ce siège, comme si la grandeur à laquelle il dut élever son âme dans ces jours de crise nationale n’était pas compatible avec le frivole babillage qui était le caractère de son talent. Mais, s’il s’est oublié lui-même, il a tracé dans une page inoubliable les services qu’un autre, qui lui était cher, a rendus alors à l’Auvergne et à l’Empire. Cet autre, c’était son beau-frère Ecdicius, fils de l’empereur Avitus, dont Sidoine avait épousé la fille.

Ecdicius était une âme généreuse et grande, que la richesse n’avait pas amollie, et qui avait gardé toute’ sa fermeté au milieu de l’universel fléchissement des caractères de cette époque. Aux premières nouvelles du danger qui menaçait sa patrie, il quitta Rome, où l’avaient appelé les intérêts de sa province, et s’élança sur la route de la Gaule. Brûlant les étapes, dévoré d’ardeur et d’inquiétude, il déboucha enfin, à la tête de dix-huit cavaliers qui formaient toute son escorte, dans le vaste bassin de la Limagne, ayant en face de lui, sur la colline, les murailles aimées de la ville natale, et, entre lui et elle, le camp des Visigoths. Il le traverse au galop, se frayant un chemin à la pointe de l’épée, au milieu d’une armée stupéfaite d’une audace qui semblait de la folie, et il parvient à rentrer dans la ville sans avoir perdu un seul homme. La population de Clermont, qui du haut de ses remparts avait assisté au magnifique exploit de son concitoyen, lui fit une ovation indescriptible. A travers les rues noires de monde, les cris de joie, les sanglots et les applaudissements retentissaient sans discontinuer, et il eut plus de ‘peine à traverser cette multitude désarmée que tout à l’heure à fendre les rangs des ennemis. Chacun voulait le voir, le toucher, baiser ses mains ou ses genoux, l’aider à détacher son armure ; on comptait les coups dont sa cotte de mailles portait les traces, on emportait comme des reliques la poussière glorieuse qui couvrait ses habits, mêlée à la sueur et au sang. Reconduit jusqu’auprès de son foyer par cette foule en délire qui le bénissait avec des larmes, le héros savoura pleinement, en une heure, l’ivresse de la reconnaissance populaire et la joie d’une récompense si haute qu’elle semblait le salaire anticipé de la mort.

Cette incomparable journée avait exalté tous les cœurs : désormais la défense eut l’entrain et l’enthousiasme d’une attaque. Avec ses propres ressources, Ecdicius leva un corps de soldats à la tête desquels il harcela l’ennemi par une série de sorties heureuses. Les barbares, transformés presque en assiégés, eurent toutes les peines du monde à maintenir leurs positions. Les pertes qu’ils faisaient dans les rencontres quotidiennes étaient telles qu’ils se voyaient Obligés, pour n’en pas laisser reconnaître l’étendue, de couper les têtes des morts ; après quoi ils brûlaient les cadavres, sans aucune solennité, dans des huttes où ils les entassaient[7]. Le courage des assiégés ne se démentit pas : ils endurèrent les souffrances de la faim sans parler de, se rendre, et lorsque les provisions commencèrent à s’épuiser, ils allèrent jusqu’à se nourrir des herbes qui poussaient dans les interstices de leurs murailles[8]. Ce furent les assiégeants qui perdirent patience : démoralisés par les exploits d’Ecdicius, fatigués d’une lutte qui se prolongeait sans mesure, effrayés de l’hiver qui s’avançait avec toutes ses rigueurs, ils levèrent le siège, .et Euric repartit avec l’humiliation d’avoir été arrêté par une seule ville.

Les souffrances de l’Auvergne n’étaient pas finies, car les Goths avaient ravagé cruellement les campagnes des environs, et ils laissaient derrière eux la famine, qui continuait leur œuvre de mort. Alors le rôle de la charité commença. Sidoine Apollinaire se multiplia ; plus d’une fois, à l’insu de sa femme, il distribuait aux pauvres l’argenterie de sa maison, qu’elle allait racheter ensuite[9]. Les évêques des cités voisines vinrent aussi au secours des victimes. Tous les chemins de la province étaient sillonnés par les voitures chargées des provisions envoyées par saint Patient, le généreux évêque de Lyon[10]. Cette fois encore, Ecdicius ne manqua pas à sa patrie : il fut aussi prodigue de son or que de son sang, et à lui seul il nourrit sous son toit quatre mille affamés[11]. Mais la malédiction des décadences, c’est que l’héroïsme y est stérile, et qu’elles ne savent que faire des plus généreux dévouements. Les Arvernes croyaient avoir prouvé au monde qu’ils avaient le droit de garder leur indépendance : ils furent trahis par celui-là même qui avait pour devoir de les défendre. Comme les Visigoths ne cessaient de troubler l’Empire, menaçant les autres provinces si on leur cédait celle qui les avait repoussés, un malheureux du nom de Julius Nepos, alors revêtu du titre impérial, eut le triste courage de leur livrer cette noble contrée (475). On devine le désespoir des patriotes arvernes. Ceux qui ne pouvaient se résigner à cesser d’être Romains durent prendre le chemin de l’exil. Ecdicius, on le comprend, fut du nombre ; il alla, loin des murs chéris dont il avait été le défenseur, terminer obscurément une carrière que des âges plus heureux auraient couverte d’une gloire impérissable[12]. Quant à son beau-frère Sidoine, il fut arraché à son troupeau et relégué à Livia, près de Narbonne[13]. Voilà comment l’Auvergne passa sous le joug des Visigoths.

La chute de Clermont faisait d’Euric le maître de toute la Gaule au sud de la Loire : il se hâta de cueillir les fruits de ce nouveau succès. Les circonstances d’ailleurs le servirent à souhait. En 476, Odoacre mettait fin à l’empire d’Occident, et peu après mourait Julius Nepos, l’empereur détrôné, mais légitime, envers lequel les Visigoths étaient liés par le traité de 475. Ayant les mains libres désormais du côté de Rome, Euric reprit le programme de ses prédécesseurs, et, plus heureux, mit enfin la main sur les villes qu’ils avaient si ardemment convoitées. Arles, qui avait soutenu quatre sièges de la part des Visigoths, lui ouvrait ses portes, de même que l’opulente Marseille, la reine du commerce d’Occident. Cette conquête livrait au barbare tout le littoral méridional de la Gaule ; il s’étendait sur la rive gauche du Rhône jusqu’à la Durance, et il fermait définitivement aux Burgondes l’accès de la Méditerranée.

Euric était maintenant à la tête d’un royaume immense, qui ressemblait à un empire. Les frontières en couraient depuis les Alpes jusqu’au détroit de Gibraltar d’une part, jusqu’aux rives de la Loire de l’autre, et comprenaient les plus belles contrées de l’Occident. Maître de ces superbes domaines, Euric pouvait se considérer comme le véritable héritier des Césars, maintenant surtout qu’il n’y avait plus personne qui portât le titre impérial. Il fut, avant Théodoric le Grand, et dans une aussi large mesure que lui, l’arbitre de l’Europe, et il ne lui a manqué, pour prendre le même rang devant l’histoire, que des panégyristes pour le vanter et des chanceliers pour parler en son nom le langage imposant de la civilisation romaine. Tant qu’il vécut, il n’y eut pas de plus grand nom que le sien, ni de plus redouté. Sa cour, qu’il tenait alternativement à Bordeaux[14] et à Toulouse[15], et qu’il transporta enfin à Arles[16] dans sa nouvelle conquête, était le rendez-vous des ambassadeurs de tous les peuples. Les Francs et les Saxons s’y rencontraient avec les Hérules et les Burgondes ; les Ostrogoths y coudoyaient les Huns, et les envoyés de Rome, qui venaient demander des soldats pour défendre l’Empire, étaient étonnés d’y trouver les députations du roi des Perses, qui offraient au puissant barbare l’alliance du despote d’Orient[17]. Les cadeaux et les secours d’Euric prenaient souvent le chemin de la vieille Germanie, et bien des fois la terreur de son nom suffit pour y protéger ses amis contre les attaques de leurs voisins[18].

Toutefois, cette domination ne sut pas prendre racine dans les peuples sur lesquels elle s’étendait. Conquérants, les Visigoths le restèrent toujours, même après que les jours de la conquête furent passés. Ils ne cessèrent de se considérer comme un peuple de militaires campés au milieu d’une population de civils qu’il fallait tenir en respect. Ils ne se préoccupèrent pas de rendre leur autorité acceptable, se contentant qu’elle fût solide, et oubliant qu’elle avait besoin pour cela d’être populaire. Ils étalèrent au milieu de ces Romains d’humeur paisible, et qui ne demandaient qu’à faire bon accueil à leurs maîtres nouveaux, la morgue et l’insolence du traîne-sabre à qui la conscience de sa supériorité ne suffit pas, tant qu’il ne l’a pas affirmée par quelque signe bien visible, par quelque manifestation bien blessante. Ils semblaient affecter, par leur fidélité à leurs coutumes nationales au milieu de la vie romaine, d’accentuer encore l’écart qu’il eût fallu dissimuler. A la cour de Bordeaux, l’étiquette ne permettait pas au roi de répondre ; autrement que dans sa langue gothique aux envoyés impériaux[19]. Il pouvait y avoir danger pour lui à s’affranchir trop ouvertement des préjugés de sa nation : tel d’entre eux, comme Ataulf, avait payé de sa vie son mariage avec une princesse romaine et son engouement pour le monde impérial. Rien d’instructif à lire comme la description, tracée par un contemporain, d’une assemblée générale des Visigoths en armes pour délibérer sur les affaires publiques : on se croirait transporté dans les forêts d’outre-Rhin par le tableau de cette réunion tumultueuse de guerriers vêtus de peaux de bêtes, et l’on est étonné de rencontrer sous le ciel bleu de Toulouse les scènes qu’on a lues dans la Germanie de Tacite[20].

Mais les populations romaines avaient appris à supporter beaucoup. Amoureuses avant tout de la paix, et la croyant garantie par la présence de leurs nouveaux maîtres, elles ne se plaignaient pas d’eux. Sans les aimer, elles s’habituaient à eux comme à un mal nécessaire. N’étaient-ils pas là de par la volonté de l’empereur, avec un titre légitime, et avec la mission de défendre le pays ? Ces défenseurs étaient hautains et arrogants ; mais il n’en était jamais autrement,’ et cela faisait partie des ennuis que créent aux civils tous les logements militaires. On avait la ressource de se moquer d’eux dans les salons, et une épigramme heureuse, qui faisait rire d’eux dans le beau monde, dédommageait de tant de mortifications ! Et puis, on s’avouait tout bas, parfois même on reconnaissait tout haut qu’on était plus à l’aise maintenant que du temps des fonctionnaires impériaux. Une fois établis dans leurs lots, les barbares ne demandaient pas autre chose : ils savaient même montrer de la probité dans leurs relations avec les indigènes, et ils ne faisaient pas fonctionner la machine du fisc avec l’impitoyable virtuosité des gens du métier. C’est pour ces raisons d’ordre négatif qu’à tout prendre on s’accommodait d’eux, malgré leur superbe et leur brutalité.

Faut-il s’étonner, après cela, que des hommes désabusés du rêve romain, des esprits positifs et bourgeois allassent plus loin, et préparassent les voies à la domination visigothique sur toute la Gaule ? Là où il restait f. quelque esprit romain, dans les hautes classes des provinces qui n’avaient pas encore été occupées par les barbares, en Auvergne surtout, on s’indignait de cette attitude, on la qualifiait de haute trahison, on en poursuivait la condamnation à Rome. Mais ce qui prouve que cette indignation portait quelque peu à faux, et que cet attachement archaïque à l’ombre de l’Empire ne correspondait plus à l’état général des consciences, c’est l’indifférence des multitudes, c’est la stupéfaction de ceux-là même qui se voyaient poursuivis pour haute trahison, et qui ne pouvaient comprendre qu’ils fussent punissables[21]. La sympathie non déguisée du clergé catholique pour les barbares le prouve mieux encore. C’est que, malgré toute leur grossièreté, et même sous leur vernis d’arianisme, le prêtre catholique sentait battre des cœurs plus purs que ceux des Romains, et frémir des âmes vierges dont on pouvait espérer de faire quelque chose. Il faut voir avec quelle éloquence ces sentiments se traduisent dans le livre de Salvien, qui peut être regardé comme l’organe d’une grande partie’ du clergé de cette époque. Même dans les rangs supérieurs de la hiérarchie, on ne se cachait pas de préférer les barbares hérétiques aux Romains impies, et on ne craignait pas d’en témoigner de la manière la plus éclatante. Lorsque le roi Théodoric Ier fut assiégé dans Toulouse, en 439, par le général Litorius, c’est du côté des barbares qu’allèrent les vœux des évêques : saint Orientius, évêque d’Auch, ne cessa de prier pour le succès de leurs armes, et son biographe considère la victoire de Théodoric comme le résultat surnaturel des prières du saint[22] !

En somme donc, l’Aquitaine, prise dans son ensemble, n’était pas hostile à ses maîtres nouveaux. Elle leur passait beaucoup, elle ne leur résistait en rien, elle se prêtait avec bonne volonté à leur régime. Le pouvoir trouva dans la population tous les éléments nécessaires à son service : elle fournit au roi son premier ministre, Léon de Narbonne, ses gouverneurs de province, et autant d’agents de tout grade qu’il lui en demanda. Sidoine lui-même, si longtemps irréconciliable, finit par se laisser conquérir, et nous le voyons faire l’inscription du vase offert par son compatriote Evodius à la reine Ragnahilde[23]. Peu s’en fallut même qu’après avoir fait un madrigal pour la reine, il ne consentit à écrire le panégyrique du roi. Ce fut un sentiment de dignité qui l’arrêta. Il se souvint qu’il était le beau-frère d’Ecdicius, et il s’excusa poliment[24].

En présence de pareilles dispositions de la part des Romains d’Aquitaine, combien il eût été facile de les rallier en masse au régime visigoth, et d’en faire les zélés partisans de la dynastie barbare ! Il eût suffi pour cela de ne pas leur rendre l’obéissance odieuse et l’attachement impossible, en les violentant jusque dans le plus intime de leurs consciences. Mais le fanatisme religieux des Visigoths ne tint compte de rien. Premiers-nés de l’arianisme, ils avaient au plus haut degré la passion de leur secte, et ils avaient si bien identifié leur nationalité ave c leur hérésie, qu’on disait la foi gothique pour désigner la doctrine d’Arius[25]. Bien plus, ils étaient parvenus à faire de l’arianisme une espèce de religion germanique, en la communiquant successivement à tous les ‘peuples de leur race. Lorsqu’ils furent établis en Gaule, ils continuèrent cette espèce d’apostolat, mais en lui donnant, cette fois, un caractère nettement anti-catholique. Ce n’était plus, en effet, des peuplades païennes qu’ils endoctrinaient, mais des nations déjà chrétiennes, comme les Suèves d’Espagne et les Burgondes. Les missionnaires ariens introduisirent l’hérésie dans ces chrétientés naissantes. Les princesses ariennes, envoyées comme épouses aux rois suèves[26], emmenèrent avec elles des prêtres de leur confession, et, à la tête de ceux-ci, un certain Ajax, Galate d’origine, alla, sous le haut patronage du roi des Visigoths, jeter la perturbation dans la vie religieuse d’un peuple ami[27]. Il n’est pas douteux que les Visigoths n’aient travaillé avec la même ardeur leurs voisins les Burgondes, et n’aient été la principale influence qui dépouilla de l’Église ce peuple déjà en grande partie converti. La campagne de 456-457, que les deux peuples firent en commun contre les Suèves[28], fournit aux prédicateurs ariens une occasion excellente de déployer leur zèle hérétique. Au retour de l’expédition à laquelle ils s’étaient laissé associer contre un roi catholique, les Burgondes rapportèrent dans leurs foyers la religion des Goths.

Tant que cette propagande fut limitée aux Germains seuls, les Romains se contentèrent de l’envisager avec la parfaite indifférence que leur inspiraient toutes les choses barbares. Il n’en fut plus ainsi lorsqu’ils la virent faire des ravages dans leurs propres rangs. Ils n’avaient rien de plus précieux que leur foi : elle leur était devenue plus chère encore depuis la banqueroute de la patrie. On peut même dire que l’attachement à l’Église catholique restait pour eux la seule forme du patriotisme. La propagande arienne fut assez active pour alarmer une nature aussi optimiste que Sidoine Apollinaire, qui exprime à ce sujet de sérieuses inquiétudes. Dans une lettre à l’évêque Basile d’Aix, il se plaint de la fausse sécurité des pontifes qui ne voulaient pas voir le danger, et qui laissaient l’hérésie ravager impunément leurs troupeaux. Qu’il me soit permis, écrit-il, de le dire sans manquer de respect aux évêques, je pleure sur les âmes livrées à l’ennemi, qui profite du sommeil des pasteurs pour fondre sur les brebis abandonnées[29]. Un de ces prédicateurs d’arianisme parmi les populations catholiques était un certain Modahar, que l’évêque Basile, dans une discussion publique, réduisit au silence, ce qui lui valut les félicitations de son correspondant[30]. L’orthodoxie avait les mêmes luttes à soutenir en Burgondie, et l’on voit par les lettres de Sidoine que Patient de Lyon y défendit la vérité catholique avec autant d’énergie que Basile l’avait fait à Aix[31]. Les apôtres de l’arianisme pénétrèrent-ils plus loin, et vinrent-ils disputer aussi à l’Église catholique les prémices de la nation franque ? Nous avons déjà indiqué que cela n’est guère probable, et c’est seulement sur la foi de documents apocryphes qu’on a pu parler de l’arianisme de Cologne[32] et de Tournai[33]. Mais ce que les missions ne faisaient pas, la diplomatie pouvait le faire, et l’on a vu que la sœur de Clovis avait été conquise à l’arianisme par les négociateurs du mariage de Théodoric le Grand.

Un peuple aussi ardent à propager sa foi chez les catholiques du dehors devait résister difficilement à la tentation de l’imposer à ceux du dedans, et la persécution religieuse était comme sa pente naturelle. Mais les premiers rois visigoths étaient trop fins politiques pour ne pas comprendre la nécessité de ménager l’Église, et ils tinrent en bride les impatiences sectaires de leurs compatriotes. Ils eurent des relations d’amitié avec plusieurs des grands prélats de la Gaule méridionale ; c’est ainsi qu’Orientius, le saint évêque d’Auch, était le commensal de Théodoric Ier[34], et que Théodoric II parvint, comme on l’a vu plus haut, à faire la conquête de Sidoine Apollinaire. Quant au prince Frédéric, nous le voyons réclamer auprès du pape Hilaire contre une élection épiscopale irrégulière, et le pape parle de lui en l’appelant son fils[35]. Ces relations courtoises auraient pu continuer longtemps entre l’Église et les rois : des deux, côtés on y avait intérêt. Mais le fanatisme grossier et aveugle des masses barbares ne pouvait envisager sans défiance les preuves de respect que leurs souverains donnaient aux prélats ; elles y voyaient une trahison, elles attendaient d’eux qu’ils les aidassent dans leur conflit quotidien avec les orthodoxes. Pour résister à leur impatience, pour leur refuser les mesures de rigueur qu’elles réclamaient à grands cris, il eût fallu chez les rois une grande somme de justice, de courage et de clairvoyance politique ; il leur eût fallu surtout une popularité bien assise, et une autorité qui ne tremblât pas devant le murmure des foules.

Le moment vint où ces conditions ne se trouvèrent plus réunies sur le trône. Euric devait sa couronne à un fratricide ; il n’osa pas, en donnant un nouveau grief à son peuple, s’exposer à s’entendre rappeler l’ancien ; il fut persécuteur comme ses prédécesseurs avaient été tolérants, par raison d’État. Ce roi, qui se montra plein d’égards pour l’Auvergne récemment conquise, jusqu’au point de lui donner un gouverneur indigène et catholique[36], partageait, au reste, les passions religieuses de son peuple. Le nom de catholique lui faisait horreur ; par contre, il professait un grand attachement pour le culte arien, auquel il attribuait sa prospérité. On eût pu, dit un contemporain, le prendre pour un chef de secte plutôt que pour un chef de peuple[37]. La persécution cependant n’eut pas sous lui le caractère de brutalité féroce qui marqua celle des Vandales d’Afrique. On dirait plutôt qu’il chercha, dès les premiers jours, à donner le change sur ses vrais mobiles, et qu’il voulut avoir l’air de ne frapper que lorsqu’il était provoqué. Ce n’est pas qu’il reculât devant l’effusion du sang : nous savons qu’il a immolé plusieurs évêques[38], et une ancienne tradition locale nous apprend que saint Vidien de Riez périt pour la foi sous les coups des Goths[39]. D’autres furent envoyés en exil, comme Sidoine Apollinaire, comme Faustus de Riez, comme Crocus de Nîmes, comme Simplicius, dont on ignore le siège. Mais c’étaient là des mesures isolées. Ce qui est plus grave, c’est qu’Euric imagina de faire périr le culte catholique par l’extinction graduelle de la hiérarchie. Il défendit de pourvoir aux sièges épiscopaux devenus vacants, et c’est ainsi qu’en peu d’années la tradition du sacerdoce fut interrompue à Bordeaux, à Périgueux, à Rodez, à Limoges, à Javoulz, à Eauze, à Comminges, à Auch, et dans d’autres villes encore. A ceux qui restaient, toute communication fut interdite avec le dehors ; éternelle et illusoire précaution de tous les persécuteurs contre la puissance de la solidarité catholique[40] ! Les rangs du clergé inférieur s’éclaircissaient rapidement, et, comme là aussi le recrutement était à peu près impossible, l’exercice du culte catholique fut arrêté dans une multitude d’endroits. Les églises abandonnées tombaient en ruinés, les toits s’effondraient, les épines envahissaient les sanctuaires ouverts à tous les vents, les troupeaux couchaient dans les vestibules des lieux saints, ou venaient brouter l’herbe au flanc des autels profanés. Déjà les villes elles-mêmes se voyaient envahies par ces vides de la mort, et les populations, privées de leurs pasteurs et de leur culte, s’abandonnaient au désespoir[41].

Ces rigueurs n’avaient toutefois rien d’uniforme, rien de général. Si elles s’inspiraient d’un plan systématique, il n’y paraissait guère ; une royauté barbare est trop peu armée pour atteindre également ; par des mesures administratives, toutes les provinces d’un vaste royaume. Qu’on ne s’étonne donc pas de voir, au plus fort de la crise, la vie catholique se dérouler tranquillement partout où la persécution n’était pas organisée sur place, des églises se bâtir et se consacrer[42], des monastères se fonder[43], et, bien plus, des officiers du roi, des ducs et des comtes, intervenir généreusement dans les frais de ces fondations. Le duc Victorius, nommé gouverneur de l’Auvergne par Euric, ne craignit pas de bâtir une église à Brioude[44], et lorsque mourut saint Abraham, c’est lui qui prit à sa charge les frais des funérailles[45]. Le roi tolérait cela et ne pouvait guère s’en plaindre ; au contraire, les mêmes raisons qui le faisaient céder à la fièvre persécutrice des Visigoths lui faisaient désirer de ne pas pousser à bout la population romaine d’une contrée récemment conquise, et il ne devait pas être fâché d’avoir autour de lui des ministres qui, discrètement, réparaient une partie du mal et réconciliaient la dynastie avec quelques-unes de ses victimes[46].

A tout prendre, grâce à l’impardonnable aberration du gouvernement, la situation était singulièrement troublée, et la clairvoyance politique la plus élémentaire suffisait pour en comprendre le danger. Comme il arrive toujours, lorsque la persécution s’abat sur une cause juste, elle stimule et relève le moral des persécutés. Ces molles populations d’Aquitaine, si amoureuses de la vie facile, si accueillantes pour le maître barbare, si vite consolées de la disparition des empereurs, se redressèrent sous l’affront qu’on faisait à leur foi : elle leur devint plus chère quand ils la virent opprimée, et les plus indifférents retrouvèrent pour elle une certaine ardeur patriotique. Et puis, les Aquitains tenaient à leurs évêques ; c’étaient les pères et les défenseurs des cités ; on les avait trouvés sur la brèche chaque fois que l’heure était venue de mourir ; on se souvenait que plusieurs avaient sauvé leur ville, et on se rappelait avec fierté l’audace du barbare domptée par la majesté surhumaine de l’homme de Dieu. La guerre faite à l’épiscopat révoltait donc tout ce qu’il y avait de plus généreux et de plus fier dans les âmes : tout catholique se sentait atteint dans ceux qu’il regardait comme des chefs et comme des pères. Le dualisme jusqu’alors dissimulé entre Goths et Romains reparaissait dans toute son acuité ; en face des barbares hérétiques, toute la population romaine se retrouvait unie dans un commun sentiment d’exécration. Tel était le fruit des mesures persécutrices d’Euric : elles avaient produit ce que n’avaient pu des années entières de pillages et de spoliations ; elles avaient ressuscité le patriotisme romain de la Gaule, et rappelé à chaque habitant que le Visigoth était un usurpateur étranger.

Euric mourut en 484, au milieu des mécontentements croissants causés par sa politique, léguant un triste héritage à son fils Alaric II. Le royaume ne tenait debout que par la force ; dans chaque ville, une poignée d’hérétiques se faisaient les tyrans de la population ; le moindre événement pouvait amener une explosion. Et précisément à l’heure où disparaissait l’homme puissant qui avait créé cette situation et qui semblait jusqu’à un certain point la dominer, on voyait surgir à l’horizon la monarchie jeune et hardie du peuple franc. En quelques années de temps, elle était devenue la voisine des Visigoths sur toute l’étendue de la Loire, et elle plaçait, en face des catholiques opprimés dans ce malheureux royaume, un spectacle bien fait pour exciter leur envie et leurs regrets. Dans cette nation à qui tout souriait, leur religion était celle de tous, le roi recevait la bénédiction de leurs évêques, et, selon l’expression de saint Avitus, chaque victoire du souverain était un triomphe pour leur foi.

Quelle éloquence il y avait dans ce simple rapprochement, et avec quelle force persuasive les faits devaient parler aux esprits ! Les Visigoths le comprirent peut-être avant les catholiques. Ils se rendirent compte que la présence d’un royaume orthodoxe à leurs frontières était pour leurs sujets catholiques le plus formidable appel à la défection. Ils les accusèrent de trahison et de sympathies franques sur la seule foi des légitimes sujets de mécontentement qu’ils leur avaient donnés. C’était leur conscience de persécuteurs qui évoquait le fantôme de complots imaginaires. Comme au temps de l’Empire, quand on prétendait que les chrétiens se réjouissaient de chaque désastre public, de chaque victoire des Perses ou des Germains, de même on entendit retentir tous les jours, à l’adresse des catholiques, les mots de traîtres à l’État et d’ennemis de la patrie. Et certes, s’il suffisait des calomnies des persécuteurs pour faire condamner leurs victimes, il faudrait croire que le royaume visigoth a succombé sous les intrigues des catholiques d’Aquitaine au moins autant que sous les armes de Clovis. La vérité, c’est que, si les accusations reparaissent sur toutes les pages de l’histoire de ce temps, on n’y trouve pas la moindre trace des prétendus complots. Il n’y avait d’autre révolte que celle des consciences opprimées ; il n’y avait d’autre conspiration que le mécontentement universel d’une nation blessée dans ses sentiments les plus chers. Les oppresseurs n’avaient pas le droit de se plaindre de ces dispositions, qu’ils avaient créées[47].

Le gouvernement eût pu, au lendemain de la mort d’Euric, liquider le passé et inaugurer une politique nouvelle : peut-être était-il temps encore. Le comprit-il, et se rendit-il compte de l’abîme qui allait s’ouvrir sous ses pas ? Nous n’en savons rien. Un incident en apparence futile nous révèle le profond dédain avec lequel on continuait de traiter les catholiques dans les régions officielles, et l’étourderie avec laquelle on courait au-devant de leur ressentiment. A Narbonne, il y avait une église catholique dont le campanile enlevait au palais royal la vue de la Livière. La cour ordonna de le faire abattre, et cet incident, qui en d’autres circonstances aurait passé inaperçu, devint, à ce qu’il paraît, quelque chose comme un scandale[48]. Dans l’état où se trouvaient les esprits, rien n’était plus facile à prévenir. Les ministres du roi, en froissant inutilement la susceptibilité religieuse d’une ville entière, prouvaient tout au moins combien ils avaient peu l’esprit politique, et à quel point l’intelligence de la situation leur manquait.

Il faut cependant rendre au gouvernement cette justice que, depuis l’avènement d’Alaric II, la persécution ne paraît plus avoir été organisée par le pouvoir, mais par le peuple visigoth lui-même. C’est l’aveugle et grossier fanatisme des minorités barbares qui mène la campagne contre l’Église : l’État se borne à laisser faire, ou encore obéit à la pression qu’exercent sur lui les zélateurs ariens. Voilà pourquoi, sous le règne d’Alaric plus encore que sous celui de son père, la lutte religieuse revêt un caractère local. Telles régions semblent entièrement épargnées par la fièvre des violences : telles autres en souffrirent d’une manière ininterrompue. C’était le cas, notamment, des villes voisines de la frontière franque, où, à cause de la proximité d’un royaume orthodoxe, les catholiques se sentaient plus forts, et où les hérétiques se montraient plus défiants. Tours surtout, ce grand foyer religieux de la Gaule, où accouraient les fidèles de tous les pays, Tours, dont la province ecclésiastique était comprise presque tout entière dans le royaume de Clovis, devait éveiller au plus haut degré la sollicitude inquiète des Visigoths. Comment le chef du troupeau catholique dans cet avant-poste du royaume hérétique eût-il pu être épargné par l’accusation de trahison ? Il ne le fut pas. Saint Volusien, qui occupait alors le siège pontifical, fut chassé, emmené captif à Toulouse et traîné plus tard en Espagne, où il mourut dans les tribulations[49]. Son successeur Verus eut la même destinée : lui aussi fut accusé de conspirer avec les Francs, et arraché à son troupeau. Le vieux Ruricius de Limoges dut prendre à son tour le chemin de l’exil ; nous le retrouvons à Bordeaux, où l’ombrageux tyran aimait à mettre en observation les hommes qu’il poursuivait de ses injustes soupçons[50].

Mais de toutes les victimes de la jalousie des Visigoths, la plus illustre fut sans contredit le grand homme qui était alors métropolitain d’Arles, et la plus brillante lumière du royaume d’Aquitaine. Avec saint Remi et saint Avitus, saint Césaire forme la triade sacrée en laquelle se résumaient alors toutes les gloires et toutes les forces de l’Église des Gaules. Il ne fut pas appelé, comme eux, à jouer un grand rôle politique : il ne devint pas, comme Remi, le créateur d’une nation et l’oracle d’un grand peuple, ni même, comme Avitus, le conseiller et l’ami d’un roi ; mais comme docteur catholique et comme maître de la vie spirituelle, il n’eut pas d’égal au sixième siècle. Pasteur du troupeau catholique dans la grande ville romaine qui était tombée l’une des dernières aux mains des Visigoths, et entouré par les fidèles de son Église d’une vénération sans bornes, il ne pouvait guère échapper aux suspicions des ariens. Seulement, comme il était Burgonde d’origine, étant né à Chalon-sur-Saône, et que les Francs étaient bien loin, c’est à ses anciens rois qu’il fut accusé de vouloir livrer sa ville. Ceux qui se sont fait l’écho de cette calomnie n’ont pas réfléchi que Gondebaud était arien, et qu’il n’y avait pas d’apparence qu’un évêque catholique trahît un monarque arien pour un autre[51]. Mais les passions ne raisonnent pas. Césaire était l’objet de la haine des ariens, et les ariens étaient les maîtres : il fut enlevé à son siège et exilé à Bordeaux[52].

Pendant qu’ils expulsaient ainsi de leurs diocèses les plus grands et les plus saints évêques du pays, les Visigoths y laissaient pénétrer un prélat étranger, proscrit et fugitif, qui ne cherchait qu’un coin de terre pour y mourir tranquille, et qui, à son insu, devait devenir le plus redoutable agitateur des catholiques d’Aquitaine. Il s’appelait Eugène, il était évêque de Carthage, et il avait été à la tète de l’Église d’Afrique au cours de l’atroce persécution par laquelle les Vandales avaient fait revivre les jours les plus sombres du règne de Dioclétien. Eugène était entouré de la double auréole du confesseur et du martyr. Il avait confessé la foi devant les rois persécuteurs, il avait souffert la déposition, l’exil, les outrages et les mauvais traitements quotidiens ; frappé enfin d’une sentence capitale, il avait été mené au champ du supplice, et, après avoir assisté à l’exécution de ses collègues, il s’était vu subitement gracié, à une heure où il n’avait plus rien à attendre de la vie ni rien à craindre de la mort. Enfin, il avait été relégué en Gaule, comme si, en le mettant sous la surveillance des persécuteurs de ce pays, les persécuteurs d’Afrique avaient voulu garder comme otage l’homme dont ils n’avaient pas osé faire un martyr ! Calcul funeste, puisqu’en offrant dans sa personne, à des populations catholiques, le témoin vivant des excès du fanatisme arien, ils fournissaient à leur haine de l’arianisme un aliment efficace. Pour les Aquitains, les Visigoths devinrent solidaires de toutes les atrocités de la persécution vandale ; plus on vénérait les vertus et la sainteté de la noble victime, plus on abhorrait des maîtres en qui on voyait les complices de ses bourreaux. Eugène mourut à Albi en 505, après avoir fait rayonner dans sa personne, aux yeux de toute l’Aquitaine, l’éclat des plus hautes vertus et le mérite des plus saintes souffrances. A son insu, comme nous l’avons dit, il avait plus que personne contribué à miner l’autorité de l’arianisme en Gaule[53].

Le gouvernement s’aperçut enfin que le sol se dérobait sous lui, et que l’État allait s’effondrer. Partout autour de lui régnaient la désaffection et le découragement. Il sentait, dans les sourds grondements qui sortaient des masses populaires, les signes avant-coureurs d’un orage terrible, et le bruit des acclamations qui saluaient l’entrée de Clovis dans les villes du nord de la Loire avait pour lui une signification sinistre. Il voulut alors revenir sur ses pas, et il fit, sous l’empire de la peur, les démarches qu’auraient dé lui dicter depuis longtemps la justice ou du moins la prudence. Il montra qu’il était assez fort pour ne pas céder, quand il voulait, aux fantaisies persécutrices des Goths, et les sévices contre la hiérarchie catholique cessèrent à partir du jour où ils semblèrent désapprouvés par lui. Comme l’avait fait Gondebaud au lendemain d’une expérience pénible, il imagina de donner une satisfaction aux catholiques en réglant légalement leur situation, et le bréviaire d’Alaric, résumé de la législation impériale fait pour leur usage, fut, de même que la loi Gombette, quelque chose comme un dédommagement accordé aux persécutés.

Ce ne fut pas tout. Allant plus loin dans la voie des réparations, Alaric II rendit à leurs troupeaux les évêques déposés. De ce nombre furent Verus de Tours[54], Ruricius de Limoges et saint Césaire d’Arles ; ce dernier, avant de reprendre possession de son siège, avait eu la satisfaction de voir son accusateur confondu[55]. Bien plus, ce grand homme fut autorisé à réunir un concile national. En effet, au mois de septembre 506, vingt-quatre évêques et dix prêtres délégués d’autant d’évêques absents se réunirent à Agde, dans l’église Saint-André. L’épiscopat catholique, après le rude orage qui semblait devoir le détruire, se retrouvait à peu près au complet dans ces pacifiques assises : les persécuteurs avaient perdu leurs peines, l’œuvre d’Euric croulait derrière lui ! Après avoir prié solennellement à genoux pour le roi Alaric, leur très glorieux et très magnifique seigneur, les Pères du concile se mirent à l’œuvre sans désemparer, et les quarante-sept canons authentiques qu’ils ont laissés sont la preuve éloquente de l’énergie tranquille avec laquelle, au sortir de la fournaise, l’Église des Gaules reprenait le travail civilisateur interrompu depuis une génération. Le concile était plein de confiance et de vitalité : avant de se séparer, il décida qu’une nouvelle réunion se tiendrait l’année suivante à Toulouse, et que les prélats d’Espagne y seraient invités[56].

On ne peut donc pas contester qu’à un moment donné, la cour de Toulouse ait renoncé formellement à la politique du règne précédent, et essayé de se réconcilier avec les populations catholiques. Mais toutes ces mesures qui, prises à temps, auraient peut-être conjuré l’orage, avaient le défaut de tout ce que les gouvernements font malgré eux : elles venaient trop tard. Dans les relations publiques, comme dans la vie privée, la pente de la désaffection ne se remonte pas, et on ne regagne point la confiance une fois qu’elle a été gaspillée. Les liens étaient rompus, les sympathies avaient émigré, tous les regards catholiques étaient tournés avec admiration et enthousiasme d’un autre côté. Partout Clovis était attendu, partout les cœurs se portaient au-devant de son peuple, et, comme dit Grégoire de Tours, dans son naïf langage, on désirait ardemment la domination des Francs[57].

 

 

 



[1] Salvien, De Gubernat Dei, VII, 2.

[2] Gallula Roma. Ausone, Opuscula, XIX, 73 et suiv.

[3] Sidoine Apollinaire, Epist., I, 2.

[4] Grégoire de Tours, III, 30.

[5] Sidoine Apollinaire, Epist., VIII, 9.

[6] Dahn, Die Kœnige der Germanen, V, p. 92, croit à tort que les Burgondes y étaient encore ; il n’y en a aucune preuve.

[7] Sidoine Apollinaire, Epist., III, 3.

[8] Id., Epist., VII, 7.

[9] Grégoire de Tours, II, 23.

[10] Sidoine Apollinaire, Epist., VI, 12.

[11] Grégoire de Tours, II, 24.

[12] Jordanès, c. 45. Cf. Binding, Das Burgundisch-Romanische Kœnig reich, p. 90, note 360.

[13] Sidoine Apollinaire, Epist., VIII, 3.

[14] Sidoine Apollinaire, Epist., VIII, 3 et 9.

[15] Id., Ibid., IV, 22.

[16] Jordanès, c. 47.

[17] Sidoine Apollinaire, Epist., VIII, 9.

[18] Cassiodore, Variar., III, 3 : Recolite namque Eurici senioris affectum, quantis vos juvit siepe muneribus, quotiens a vobis proximarum gentium imminentia bella suspendit.

[19] Ennodius, Vita sancti Epiphanii ; cf. Fauriel, I, 530.

[20] Sidoine Apollinaire, Carm., VII, 452 et suiv. Je suis d’ailleurs convaincu que cet écrivain, ami des amplifications oratoires et poétiques, a notablement accentué le caractère barbare de cette assemblée.

[21] Lire à ce point de vue l’instructive lettre de Sidoine Apollinaire, Epist., I, 7.

[22] Vita sancti Orientii dans les Bollandistes, t. I de mai ; Prosper d’Aquitaine ; Isidore, Chronicon.

[23] Sidoine Apollinaire, Carm., IV, 8.

[24] Id., Epist., IV, 22.

[25] Gothica lex. Voir le Vita sancti Sigismundi dans Jahn, Geschichte der Burgundionen und Burgundiens, t. II, p. 67, et Révillout, De l’arianisme des peuples germaniques qui ont envahi l’Empire romain, p. 67.

[26] Idacius, Chronicon, 140 et 226 ; Isidore de Séville, Chronicon, 33.

[27] Idacius, 232 : Ajax natione Galata effectus apostata et senior Arrianus inter Suevos regis sui auxilio hostis catholica, fidei et divinæ Trinitatis emersit. A Gallicana Gothorum habitatione hoc pestiferum inimici hominis virus advectum.

[28] Jordanès, c. 44. Sur la participation des Burgondes à cette campagne, Binding, o. c., p. 54, note 219, contre Pétigny, II, p. 145, note 2.

[29] Sidoine Apollinaire, Epist., VII, 6.

[30] Id., ibid., l. l.

[31] Id., ibid., VI, 12.

[32] Le concile de Cologne, en 346, dans lequel Euphratas, évêque de cette ville, aurait été déposé pour crime d’arianisme à l’instance de saint Semais de Tongres, est une fiction dont je me propose de faire connaître un jour l’origine. Euphratas a été une victime et non un fauteur de l’arianisme.

[33] Sur les sévices des ariens à Tournai et sur l’expulsion des catholiques, il n’y a d’autre témoignage que celui d’un Vita Eleutherii, qui n’est pas antérieur au XIe siècle, et qui manque de toute autorité. V. l’Appendice.

[34] Vita sancti Orientii dans les Bollandistes, t. I de mai.

[35] Lettre du pape Hilaire à Léonce d’Arles dans Sirmond, Concil. Gall., I, p. 128.

[36] G. Kurth, Les comtes d’Auvergne au sixième siècle (Bull. de l’Acad. Roy. de Belgique, 1899, 11e livraison).

[37] Sidoine Apollinaire, Epist., VII, 6.

[38] Grégoire de Tours, II, 25.

[39] V. sur saint Vidien les Bollandistes du 8 septembre, t. III, p. 261.

[40] Sidoine Apollinaire, IV, 10.

[41] Le principal document pour l’histoire de cette persécution est la lettre de Sidoine Apollinaire, VII, 6, reproduite, avec quelques inexactitudes, par Grégoire de Tours, II, 25. Le persécuteur a eu plus d’un apologiste qui a trouvé plaisant, comme fait encore Dahn, Kœnige der Germanen, V, p.101, de voir dans l’oppression des consciences catholiques une mesure de légitime défense contre l’opposition tenace et dangereuse que lei évêques catholiques faisaient partout au gouvernement. Est-il besoin d’ajouter que Dahn ne fournit pas la moindre preuve de cette opposition tenace et dangereuse ? Kaufmann, Deutsche Geschichte bis auf Karl den Grossen, Leipzig 1881, t. II, p. 53, se gêne encore moins. Après un hymne en l’honneur de la modération des rois wisigoths, il dit que si Euric et Alaric ont exilé ou emprisonné plusieurs évêques et laissé leurs sièges vacants, ce fut parce que ces évêques conspiraient avec l’ennemi, ou du moins qu’ils en étaient soupçonnés. La légende a fait de ces évêques des martyrs, mais il n’y a pas de doute qu’ils aient été des criminels politiques. Ni la bonté ni la sévérité ne parvenaient à dompter ces audacieux conspirateurs, etc. Et, encore une fois, pour étayer des accusations si graves et si précises, par l’ombre d’un texte 1 Il faut protester hautement contre des procédés de ce genre, qui auraient bientôt fait de transformer l’histoire en roman. Cf. Malnory, Saint Césaire, p. 46, qui, tout en se montrant d’une certaine timidité dans l’appréciation de la politique religieuse des rois visigoths, proteste cependant avec raison, dans une note, contre la tendance qui parait être d’intervertir les rôles de parti pris, en donnant raison aux barbares, et en réservant tout le blâme pour les Gallo-Romains

[42] Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 15. Cf. Révillout, p. 144.

[43] Vic et Vaissette, Histoire du Languedoc, t. I, p. 238.

[44] Grégoire de Tours, II, 20.

[45] Sidoine Apollinaire, Epist., VII, 17.

[46] G. Kurth, o. c.

[47] Cf. Malnory, Saint Césaire, p. 91, avec lequel je me rencontre fréquemment dans l’appréciation de ces questions délicates, si étrangement défigurées par les historiens du parti pris.

[48] Grégoire de Tours, Gloria Martyrum, c. 91.

[49] Grégoire de Tours, II, 26, et X, 31.

[50] Sur l’exil de Ruricius, voir ses Epistolæ, 17, et sur son séjour à Bordeaux, ibid., 33. Cf. la préface de Krusch, pp. LXIII-LXIV. Quant à saint Quentien de Rodez, il ne fut pas chassé de son diocèse sous le règne d’Alaric II, car nous le voyons siéger aux conciles d’Agde en 506 et d’Orléans en 511 ; sa fuite à Clermont eut lieu quelques années après cette date, pendant le temps que les Goths avaient momentanément repris le Rouergue. C’est Grégoire de Tours, II, 36, qui s’est trompé en antidatant ces événements. Voir A. de Valois, I, p. 218 et suiv., et Longnon, p. 518.

[51] On est étonné de retrouver cette accusation dans le livre d’Arnold, Cæsarius von Arelate, dont l’auteur fait généralement preuve d’indépendance d’esprit et d’une critique large et ferme. Selon Arnold, Césaire a rêvé de livrer Arles aux Burgondes, parce que, sujet de Gondebaud, il aurait pu combattre avec plus de chances de succès les prétentions de saint Avitus de Vienne à la primatie. Rien de plus invraisemblable en soi, et de plus contraire aux sources.

[52] Vita sancti Cæsarii, I, 12 ; dans Mabillon, Acta Sanct., t. I, p. 640.

[53] Sur lui, voir Grégoire de Tours, II, 3 ; et Gloria Martyrum, 27 ; Victor de Vita et le Vita sancti Eugenii, 13 juillet.

[54] Le nom de son délégué figure au bas des actes du concile d’Agde, en 506. Voir Sirmond, Concilia Galliæ, t. I, p. 174.

[55] Vita Sancti Cesarii, c. 13, p. 640.

[56] Sirmond, o. c., I, pp, 160-171. Sur le concile de 507, qui devait se tenir à Toulouse, voir le canon 71 d’Arles et la lettre de saint Césaire à Ruricius, dans l’édition de Krusch, p. 274.

[57] Grégoire de Tours, II, 35.