CATON L’ANCIEN, ÉTUDE BIOGRAPHIQUE

 

CHAPITRE VII. — VIE PRIVÉE DE CATON.

 

 

Caton avait parcouru tout le cercle des magistratures, et fourni une carrière complète. Aussi désormais son activité politique resta-t-elle bornée aux délibérations du Sénat, et les loisirs que lui avait faits sa retraite, il put les consacrer à sa famille, à l’éducation de son fils, aux travaux des champs, double tâche dont il s’acquittait avec non moins de zèle et de succès que de ses fonctions de citoyen.

Suivons donc le censeur dans l’intérieur de sa maison et au milieu des siens ; asseyons-nous avec lui à l’ombre de ce foyer où trône le lare domestique ; observons le père de famille dans les mille petits soins du ménage, qui succèdent aux graves et sérieuses occupations de la politique, et où la vie romaine va nous apparaître dans tout son naturel et toute sa simplicité majestueuse.

Caton s’était marié dans son âge mûr ; il avait épousé Licinia, dont la famille n’était pas riche, mais noble, et il l’avait choisie telle, parce que disait-il, si les riches et les nobles peuvent être également sages et vertueuses, un culte plus ardent de l’honneur rend les dernières plus soumises à leurs maris. Il la traita toujours avec les plus grands égards, respectant en elle la mère de ses enfants. Il trouva même un jour cette parole d’une si exquise délicatesse qu’on est tout étonné de la rencontrer dans sa bouche : Frapper une femme ou un enfant, c’est porter la main sur les objets les plus sacrés. Il disait aussi qu’un bon mari avait plus de mérite à ses yeux qu’un bon sénateur, et la seule chose qu’il trouvait à admirer dans Socrate, c’était la patience et la tranquillité d’âme avec laquelle il supportait une femme acariâtre et grondeuse. Lorsque Licinia lui donna un fils, il n’eut pas de besogne plus importante que celle de le soigner ; il se tenait près d’elle quand elle le lavait et l’emmaillotait. Licinia nourrit l’enfant de son propre lait, et Plutarque nous a conservé ce trait charmant : souvent elle donnait aussi le sein aux enfants de ses esclaves, afin d’augmenter plus tard leur dévouement envers un maître qui avait été leur frère de lait.

Le fils reçut le nom de son père, Marcus, qui était traditionnel dans sa famille. Caton se dévoua à son éducation avec un amour sans borne. Tout ce qu’il pouvait y avoir de tendresse dans son âme, il le lui prodiguait. Il résolut d’être lui-même son précepteur, bien qu'il eût sous son propre toit un esclave grec fort instruit, nommé Chilon, qui faisait, à prix d’argent et au profit de son maître, l'éducation de beaucoup de jeunes gens. Il ne voulait pas qu’un esclave pût réprimander son fils, et lui tirer l’oreille quand il était en faute ; il ne voulait pas non plus que l’enfant fût redevable à un esclave d’un aussi grand bienfait que l’éducation. Il se fit donc le maître d’école de son fils ; il lui apprit les lettres, les lois, l’histoire ; pour lui faciliter la tâche, il composa lui-même un résumé historique[1] dans lequel il lui racontait les hauts faits des Romains, et qu’il écrivit en grands caractères. Avec quel soin, avec quelle sollicitude jalouse il veillait sur cet enfant, le dérobant à toute influence étrangère ! Devant lui, jamais il ne laissait échapper la moindre parole inconvenante : en sa présence, dit-il, il était toujours chaste et réservé comme devant les Vestales[2]. Jamais, comme on le fit tant de fois depuis, il n’alla au bain avec lui. C’est lui encore qui présida aux exercices corporels du jeune homme : il lui apprit à s’endurcir contre le froid et le chaud, à traverser à la nage les courants les plus rapides, à monter à cheval, à lancer des traits, à lutter, à combattre. Pourtant, lorsqu’il s’aperçut que l’enfant était de constitution délicate, il allégea quelque peu le régime qu’il lui imposait. Bref, il sut former un homme digne de lui et de sa patrie, et qui fit honneur aux leçons et à l’éducation de son père[3].

La vue se repose avec satisfaction sur ce doux tableau d’un intérieur de famille romaine, où règne à un si haut point le sentiment conjugal, où la tendresse de la mère et l’austérité du père se marient dans l’accomplissement d’une même tâche, où la vie tout entière est comme imprégnée des hautes notions du devoir et du respect. Mais il y a un revers à la médaille. Nous avons vu un père de famille modèle : quel sera le maître de maison ? Pendant que, sous l’influence de ce qu’il y avait de meilleur dans l’hellénisme, le poète, devant la foule des citoyens réunis au théâtre, faisait réciter ce vers sublime :

Homo sum, humant nihil a me alienum puto,

l’austère réformateur des mœurs trafiquait de la chair humaine, et donnait à son fils, à cet enfant tant aimé, les conseils les plus barbares sur le traitement des esclaves. Il en avait beaucoup, dit Plutarque, mais il achetait de préférence les plus jeunes, parce que, comme de jeunes chiens, ils étaient plus susceptibles d’être domptés et apprivoisés. Quant aux malheureux enfants tombés dans ses mains, on devine l’éducation qu’ils recevaient : elle consistait uniquement à anéantir en eux la conscience d’eux-mêmes, le sentiment du droit, la lumière de l’intelligence, à les tenir courbés sous le bâton, et à s’assurer de leur soumission en faisant agir le plus ignoble des mobiles : la peur. Point d’instruction : l’esclave n’en a pas besoin ; parfois seulement le maître fera donner une éducation soignée à quelques-uns des plus intelligents, mais ce sera simplement pour spéculer sur leurs connaissances : il les louera à d’autres citoyens comme précepteurs. Point de congé : l’esclave ne peut sortir de la maison qu’avec un ordre du maître ou de la maîtresse. Point de récréation : l’esclave doit ou dormir, ou travailler, et le maître aime ceux qui dorment bien, parce qu’il les trouve plus soumis, plus aptes au travail, et sans doute aussi plus dégradés, moins capables de sentir la profondeur de leur abjection. Point de culte : l’esclave n’a pas le droit d’offrir un sacrifice, le maître seul est en communication avec les dieux[4]. Point d’amitié : l’affection entre opprimés est une menace perpétuelle pour le tyran ; leur discorde au contraire est pour lui un gage de sécurité, et, fidèle à la vieille maxime romaine, Caton ne manquait pas d’entretenir ou de faire naître parmi ses esclaves d'incessantes querelles. Point de famille : car les soins que l’esclave aurait pour ses enfants seraient autant de vols faits au maître ; donc il n’aura pas d’enfant et pas de foyer. Et, comme si ce n’était pas assez de ce crime contre la nature et la société, on y ajoutera cette infamie : moyennant quelque argent qu’ils payaient au maître, les esclaves pouvaient avoir commerce avec leurs compagnes de servitude, mais jamais avec d’autres femmes. Ainsi le vénérable censeur faisait de sa maison un lieu de prostitution, et n’avait pas honte de recevoir, dans le pan de son laticlave consulaire, l’obole sordide qu’y jetait un esclave luxurieux. Croirait-on que le mépris de la nature humaine pût aller plus loin encore ? Eh bien, oui ! Quand un misérable a traîné une pareille existence au service de celui qui lui prend sa vie, sa liberté, son honneur, et qu’une servitude si dure a épuisé toutes les forces de son corps, que va-t-on faire de lui ? Vendez-le, dit Caton, s’il ne peut plus vous être d’aucune utilité ; et la forme sous laquelle il présente ce conseil est si naïvement cynique qu’elle mérite d’être conservée à jamais : Que le maître de maison vende les vieux bœufs, le bétail usé, grand ou petit, la laine, les vieilles peaux, les vieilles charrues, les vieilles ferrailles, les vieux esclaves, les esclaves malades, et enfin tout ce qui peut rester à vendre[5].

Celui qui parle là, remarquez-le, ce n’est pas le premier venu ; c’est l’homme le plus remarquable de son temps, c’est le modèle des bons citoyens, la terreur des méchants, l’oracle du Sénat, le moraliste admiré de ses contemporains et de ses descendants. Pour moi, dit avec une divine simplicité le bon Plutarque, je ne voudrais pas même vendre mon bœuf de labour quand il serait devenu vieux, bien loin d’arracher un homme, un vieillard, aux lieux où il a été élevé, à la vie qui lui est habituelle, et cela pour un léger gain, lorsque ce malheureux sera devenu aussi inutile à celui qui l’achète qu’à celui qui le vend[6].

Est-il besoin, après cela, de relever d’autres traits de barbarie chez le maître de ce Paccus qui se pendit par peur de lui t Le montrerons-nous mettant partout au même rang l’esclave et la bête de somme (boves et bubulcos) ? Noterons-nous les jugements sommaires qu’il faisait prononcer ou exécuter contre ceux qui avaient été trouvés coupables, Dieu sait sur quelles preuves ? Et les humiliations, les vexations, les mauvais traitements que les esclaves enduraient jour par jour, les énumérerons-nous ? Montrerons-nous un cuisinier, le dos sillonné et déchiré de coups de lanières, pour avoir mal apprêté le repas[7] ? Rappellerons-nous cette fameuse recette pour faire le vin des esclaves, composé où entraient à larges doses l’eau de mer et le vinaigre[8] ? Je reconnais bien la le paganisme, a dit un grand esprit de notre temps, et ce breuvage amer qu’il donne à ses esclaves me rappelle l’éponge de vinaigre et de fiel, qu’un autre Romain présentera au bout d’une lance à cet autre esclave, mort sur une croix pour la rédemption des esclaves[9].

Ajoutons cependant, pour être impartial, une chose qui atténuera un peu le mal : Caton était de son temps, et surtout il était de son pays. Le droit romain ne reconnaissait pas aux esclaves la qualité d’hommes, et Caton était fermement convaincu de son droit : jus erat. Rien de plus. Il était dur, mais non sanguinaire. Jamais on ne put lui reprocher une cruauté gratuite. Au contraire, il avait presque autant de soin pour ses esclaves que pour ses bêtes de somme : il leur accordait leurs jours de fête, et la liberté des Saturnales[10] ; son intérêt était de les ménager, de ne pas les accabler de travail. Lui-même d’ailleurs ne s’épargnait pas. Dans son domaine de Tusculum, on le voyait sans cesse travailler au milieu de sa famille et de ses esclaves, donnant un coup de main au besoin, et, en même temps, surveillant toute la besogne avec son infaillible œil du maître. Comparé à ceux des grands propriétaires d’alors, son champ n’est pas de plus vastes[11] : modus agri non ita magnus ; mais il est d’un excellent rapport, car il est incessamment fécondé par les sueurs de celui qui le possède, et une économie rigoureuse a présidé à l’aménagement. La villa s’élève sur le penchant du Monte-Porzio[12] ; elle est simple et rustique comme celle des anciens. Pas de crépi aux murs[13] : Dentatus n’en avait pas! L’intérieur était à l’avenant ; les meubles de luxe y étaient inconnus. Un jour, Caton obtint par héritage un riche tapis de Babylone : il s’empressa de le vendre. Maison coûteuse, vases somptueux, vêtements de luxe, esclaves de grand prix, je n’ai rien de tout cela. Et il ajoutait avec fierté : On me reproche de me passer de beaucoup de choses ; je reproche, moi, à mes ennemis, de ne savoir se passer de rien[14]. C’est là un des traits les plus caractéristiques de Caton que cette austérité de goûts, cette absence de tout besoin factice, combinée avec cette soif d’acquérir et cette insatiable passion pour le gain. Aujourd’hui encore, ce serait là, au dire de Schlosser, un trait du caractère italien : je l’ignore ; mais c’est assurément la marque du véritable paysan de tous les temps et de tous les lieux. Partout et toujours vous trouverez chez le paysan la passion d’acquérir sans penser à jouir : son champ s’arrondira peu à peu, son coffre s’emplira de jour en jour, sans qu’il s’avise de changer ses habitudes ou de se donner un peu d’aise. Tel est Caton. Il ne cesse de prêcher la tempérance, la simplicité, l’économie ; bien mieux, il prêche d’exemple ; mais gardez-vous de croire que son austérité provienne du désintéressement ou du mépris des richesses. Au contraire, il y a peu d’hommes aussi âprement attachés aux biens matériels. Que de pressants conseils à son fils pour qu’il augmente son domaine ! Le laisser diminuer, c’est bon pour une veuve. Admirable et divin est celui qui laisse plus qu’il n’a reçu[15]. Le bon Plutarque reste comme confondu devant de pareils aphorismes. Mais c’est à Caton lui-même qu’il faut nous adresser si nous voulons pénétrer le dernier secret de sa vie intime. Ouvrons donc son livre de la Vie des Champs, qui par bonheur nous a été conservé ; lisons ces recommandations, ces conseils, cette série d’observations dues à une longue expérience ; nous connaîtrons l’homme tout entier, car nous avons la certitude que, tous ses conseils, lui-même les a vingt fois appliqués, et que la pratique a précédé la théorie[16].

Le voici qui revient à sa villa, au sortir d’une orageuse discussion du Sénat. Il va d’abord saluer le lare domestique ; puis, s’il n’est pas trop tard, il parcourt son bien le même jour, ou tout au moins le lendemain. Il examine tout avec le soin le plus scrupuleux : où en est l’exploitation ? Que reste-t-il à faire ? Puis il fait venir l’intendant et lui demande ses comptes. Telle besogne est-elle achevée ? Quand sera faite telle autre ? Quelles sont les provisions en vin, blé et autres produits ? Il ne faut rien lui passer : parfois il sera en faute ; si l’ouvrage n’est pas fait, il cherchera des excuses : il a fait de son mieux, mais il y a eu des esclaves malades ; d’autres se sont enfuis ; des orages sont survenus ; il y a eu des corvées ç faire. Soit ; mais pendant la pluie on aura pu laver et poisser les tonneaux, nettoyer la maison, transporter le blé, porter le fumier aux champs, creuser des fosses à purin, trier les semences, raccommoder les vieilles cordes, ainsi que les hardes des esclaves. S’il y a des gens malades, on aura pu économiser autant de portions. Et ainsi de suite. Le maître donne alors ses instructions ultérieures à l’intendant : tels ouvrages sont à faire ou à préparer, telles provisions à vendre, car il faut vendre autant que possible : le père de famille doit être un grand vendeur et un petit acheteur[17]. En quelques pages dont on peut vraiment dire qu’elles sont écrites de main de maître, Caton indique les devoirs d’un bon fermier. Écoutons ici quelques accents de cette voix rude et sérieuse :

Voici les devoirs d’un intendant. Qu’il fasse régner une bonne discipline. Qu’il observe les jours de repos. Qu’il ne touche pas au bien d’autrui ; qu’il garde avec soin le sien. Qu’il apaise les différends parmi les domestiques. Si quelqu’un commet une faute, qu’il en exige une juste réparation... Qu’il ne flâne pas çà et là, qu’il soit toujours sobre, qu’il n’accepte pas d’invitation à dîner... Qu’il ne s’imagine pas en savoir plus que le maître... Qu’il ne prête à personne des semences, des vivres, de la farine, du vin, de l’huile. Qu’il ait deux ou trois maisons où il empruntera tout ce qu’il lui faut, et auxquelles il prêtera à son tour ; quant à toutes les autres, non. Qu’il fasse souvent le compte avec le maître... Qu’il ne consulte ni haruspices, ni augure, ni devin, ni chaldéen... Qu’il se lève le premier, qu’il se couche le dernier, et qu’avant de dormir il s’assure si la villa est fermée, si chacun est endormi à sa place, si les bêtes ont leur litière. Qu’il prenne le plus grand soin des bœufs. Qu’il ait parfois de la complaisance pour les pâtres : ils en soigneront d’autant mieux les bêtes... Qu’il tâche d’achever chaque besogne en son temps. Cap tels sont les travaux de la campagne : faites-en un trop tard, vous serez en retard pour tous[18].

Il y a aussi des instructions particulières pour la femme de l’intendant, qui, elle, est chargée de la surveillance du monde féminin : Si le maître te la donne en mariage, dit Caton à l’intendant, contente-toi d’elle. Qu’elle te craigne ; qu’elle ne soit pas amie du luxe. Qu’elle fréquente aussi peu que possible les voisines et les autres femmes... Qu’elle soit propre ; qu’elle fasse régner l’ordre et la propreté dans la ferme. Qu’elle nettoie et balaye le foyer chaque soir, avant de se coucher. Aux calendes, aux ides, aux nones, et chaque fois qu’il y aura un jour de fête, qu’elle suspende une couronne au foyer, et que, le même jour, elle fasse une offrande au lare domestique en proportion de ce qu’elle aura[19].

Telle est la tâche des inférieurs ; mais il faut qu’ils soient perpétuellement contrôlés, sinon le désordre s’introduira bientôt dans toute la maison : l’œil du maître doit toujours être ouvert sur les moindres détails du ménage. Aussi Caton a tout prévu ; aucun côté de la vie des champs ne lui échappe ; on voit qu’il traite son sujet avec amour, et qu’il parle d’expérience : c’est là ce qui le distingue des agronomes lettrés qui lui succéderont, et qui feront de l’agriculture en amateurs, comme Varron ou Columelle. Son livre n’est pas une œuvre d’art : c’est le journal d’un laboureur. Il vous dira comment il faut s’y prendre quand on veut acheter un domaine : le visiter plus d’une fois, parce que, s’il est bon, il plaira de plus en plus ; examiner le teint des voisins, parce que, si la terre est bonne, ils auront le visage brillant ; tacher qu’il y ait tout près des moyens de communication, comme une mer, un fleuve navigable, un bon chemin, une ville ; acheter plutôt à un bon propriétaire qu’à un mauvais ; voir combien il y a dans la ferme de pressoir et de tonneaux, car on peut d’après leur nombre juger du rapport des champs, etc. Il ne faut pas trop se bitter de bâtir soi-même, et dans tous les cas on peut attendre que l’on ait au moins trente-six ans. Quand on ensemence ou plante, il faut consulter le sol pour savoir à quoi il est le plus propre : chaque terre est bonne pour tel produit et serait mauvaise pour tel autre. Viennent ensuite de longues instructions sur les soins qu’exige chaque espèce de plante : la vigne, l’olivier, le figuier, etc. La plupart des outils doivent être faits à la ferme même : le maître expérimenté est au courant de la fabrication et la décrit minutieusement. Un bon agriculteur, dit Caton, se reconnaît à ce que ses outils sont toujours luisants[20]. En général, le fermier doit savoir se passer de tout secours extérieur, n’emprunter qu’à lui-même ce qui lui manque[21]. S’il y a des outils ou des instruments qu’il ne peut pas faire lui-même, il doit connaître les endroits où l’on fait les meilleurs : à Rome, à Vénafre, à Capoue, à Pompéi, à Nole ; au besoin Caton indiquera même les noms des fabricants : c’est ainsi que les meilleures cordes de pressoir se trouvent à Casinum chez L. Tunnius, et à Vénafre chez C. Memmius, fils et successeur de Lucius. Les semailles, les plantations, les récoltes, les salaisons, les vendanges, sont l’objet de prescriptions longues et minutieuses. La préparation du vin a aussi occupé l’esprit ingénieux du maître ; il a des recettes pour en faire de diverses espèces, et l’on a vu comment il fabrique celui des esclaves. Quelle est la chose grande ou petite qui échappe à sa pénétration ? Il possède jusqu’à une recette pour empêcher les mites de se loger dans les vêtements[22]. La religion est strictement observée ; les sacrifices et les festins à offrir aux dieux sont solennellement prescrits, et les jours de fête doivent être célébrés avec la plus grande exactitude. Arrive-t-il un cas de maladie parmi les bêtes ou les hommes ? Pas de médecin au logis! Le maître a des remèdes tout prêts, et, dit-il, toute la famille s’en trouve bien[23]. On ne sait en quoi consistaient ces merveilleuses recettes qui, comme Plutarque l’observe malicieusement, n’empêchèrent pas son fils de mourir jeune[24] ; mais on connaît le régime qu’il imposait à ses malades : légumes, canard, pigeon, lièvre, autant d’aliments légers et digestifs, selon lui, si ce n’est que le lièvre donne des rêves[25]. Il recourt beaucoup à l’emploi des vomitifs et des purgatifs ; mais, de tous les remèdes, le meilleur à ses yeux, c’est le chou ; il n’y en a pas de plus efficace, de plus universel. Il en indique de plusieurs sortes, mais il en est un qui l’emporte sur les autres, et qui guérit tout : blessures, tumeurs, cancers, ulcères, luxations, maux d’yeux et de tête, maux de cœur, de foie, de poumons ; coliques, rétentions, maladies articulaires, polypes au nez, obturation de l’ouïe, insomnies, que sais-je encore ? C’est une panacée : heureux le maître de maison qui en connaît les vertus!

Et cependant il existe des cas où cet admirable remède lui-même se trouve impuissant ; il faut alors recourir à d’autres moyens. Voici entre autres une recette infaillible contre les luxations :

Prenez un roseau vert, long de quatre à cinq pieds. Fendez-le par le milieu ; que deux hommes tiennent les deux moitiés croisées l’un au-dessus de l’autre. Commencez à chanter : In alio S. F. motas væta daries dardaries astataries dissunapiter, jusqu’à ce que les deux morceaux se soient rapprochés [recouverts ?]. Balancez le fer [le couteau] par dessus. Quand ils se sont rapprochés et que l’un a touché l’autre, prenez-les en main et coupez-les de droite et de gauche. Liez-les au membre luxé ou fracturé : il guérira. Et cependant chaque jour chantez : In alio S. F. Huat hanat huat ista pista sista damiabo damna austra. Ou encore : Huat haut haut ista sis tar sis ardannabon dunnaustra[26].

On voit par là que celui qui au besoin savait si bien ridiculiser la superstition était aussi de son temps par un côté. Esclave de la routine, ces incantations n’ont plus pour lui aucun sens ; mais il y tient parce qu’elles lui viennent de ses ancêtres, et il les emploie parce qu’on les a toujours employées.

Tels sont les travaux, les occupations, les sollicitudes du père de famille. Son domaine s’agrandit ; il arrive peu à peu à une certaine richesse, qu’il doit, dit-il lui-même, au travail et à l’économie[27]. Remarquons cependant un fait qui servira à éclairer toute l’histoire de son époque : quoiqu’il soit lui-même le meilleur agriculteur d’alors[28], l’agriculture est pour lui une source de plaisir plutôt que de gain ; s’il y a un bon placement d’argent à faire, il recommande d’acheter de préférence des thermes, des fouleries, des pâturages, des forêts, toutes acquisitions que Jupiter, comme il dit, ne peut endommager[29]. Autre part il nous apprend que ce sont les pâturages qui rapportent le plus[30]. Cela prouve que l’on est au temps de la décadence de l’agriculture italique. Blessée à mort par la concurrence que lui faisaient la Sicile et l’Afrique, elle ne pouvait plus écouler ses produits ; les vendit-elle aux plus bas prix, il lui était impossible de lutter contre les distributions gratuites de blés étrangers, que l’on faisait si souvent au peuple de Rome. Aussi les riches convertissaient-ils en pâturages d’immenses domaines ; quant au pauvre paysan, au petit cultivateur, il était voué à la ruine, et finissait par voir son patrimoine englobé dans les propriétés de quelque riche voisin. Ainsi dépérit la population agricole de l’Italie au grand détriment de la république : Caton, tout réformateur qu’il était, ne s’aperçut pas même de l’abîme qui se creusait sous ses pas, et que la voix pathétique de Tiberius Gracchus devait, avec un retentissement si terrible, signaler à la génération suivante.

Gardons-nous donc de le prendre au mot lorsqu’il prétend devoir toute sa fortune à l’agriculture et à l’économie. Peut-être eût-il désiré qu’il en fût ainsi, rien que pour la glorification de ses principes ; mais le fait est qu’il se livrait encore à beaucoup d’autres trafics. En voici un qui est signalé par Plutarque, et où se retrouve cet esprit ingénieux, subtil et sagace qui lui a valu le surnom de sapiens. Il avait un affranchi nommé Quinction, qui, sur son ordre, réunissait tous les débiteurs de son maître et les forçait d’équiper des bâtiments marchanda. Quand ils étaient au nombre de cinquante, chacun devait fournir un navire, et Quinction s’intéressait pour un cinquantième dans l’entreprise de chacun. Réussissait-elle, il gagnait autant que le premier venu d’entre eux ; venait-elle à échouer, il perdait peu : un cinquantième par navire. Inutile de dire que le produit du gain rentrait dans la caisse de Caton. D’aucuns se sont permis d’appeler cela le fœnus maritimum, et sont partis de là pour attaquer violemment le grand ennemi des usuriers, le taxant de contradiction avec lui-même ; d’autres au contraire ont cherché. à le laver de tout reproche à. cet égard. Il serait difficile cependant de l’absoudre tout à fait : pour ne pas parler du prêt lui-même, dont il touchait évidemment les intérêts, on ne fera croire à personne qu’il n’exerçait pas de contrainte sur ceux qu’il forçait de s’associer ainsi, et qu’il ne spéculait pas d’une manière peu délicate sur les embarras de leur position. Il est clair d’ailleurs que son affranchi n’intervenait dans ses affaires de négoce que pour lui permettre d’éluder la loi Claudia (218), qui défendait aux sénateurs de faire le commerce maritime. C’était donc, de toute manière, un funeste exemple qu’il donnait là ; comment pouvait-il exiger de ses contemporains qu’ils respectassent les lois, lorsque lui-même se contentait de ne pas les violer ouvertement ? Et le trafic de chair humaine qu’il faisait faire par ses propres esclaves, en leur prêtant de l’argent pour en acheter d’autres qu’ils revendaient plus tard avec profit, et en se réservant de reprendre pour son compte les plus beaux et les plus forts[31] ? Admettons qu’il n’y eût dans tout cela rien de contraire à la légalité du temps : devait-il se contenter, lui, de ne pas sortir de la légalité ? Mais ces scrupules de délicatesse, ne les demandons pas à sa nature : il n’est pas de ceux qui vont au-delà de l’honnêteté vulgaire, et qui se tourmentent longuement la conscience d’une question de droit ou de devoir.

Nous ne connaîtrions pas l’homme tout entier si, avant de quitter son foyer, nous ne cherchions à le voir dans ses rapports avec ses amis et ses voisins. On a déjà vu qu’il interdisait à ses esclaves toute espèce de relations avec le voisinage, ne leur permettant des rapports qu’avec une seule maison, pour le besoin qu’ils en pouvaient avoir. Ces défenses sont dictées par la jalousie inquiète du propriétaire qui n’aime ni à être épié chez lui, ni à faire l’objet des commentaires d’autrui. C’était dans le même esprit que ses esclaves avaient l’ordre de répondre par un je ne sais pas à toutes les questions qu’on pouvait leur poser au sujet de leur maître[32]. Au demeurant, il se montrait aussi serviable que possible, et Pline le loue beaucoup d’avoir dit qu’il faut se comporter de manière à obtenir la bienveillance de ses voisins[33]. Il aimait à les réunir chez lui : bon compagnon, gai commensal, il savait s’amuser et rire après le travail. Il les invitait souvent à dîner, parce que, selon lui, les amitiés se nouent et s’entretiennent à table ; on passait alors chez lui de joyeuses soirées : repas copieux, bons vins — il gardait les meilleurs pour ces occasions—récits attrayants, paroles plaisantes, l’amphitryon mettait tout à la disposition de ses amis : les trésors de son cellier et ceux de son esprit. Car il avait beaucoup vu et beaucoup retenu ; on aimait à l’entendre ; la séance se prolongeait jusque dans la nuit, entremêlée de rires et de propos enjoués. Caton répandait sur tous les flots de son humour et de sa verve caustique. Les jeunes gens eux-mêmes trouvaient du plaisir dans la société du joyeux vieillard, qui leur apprenait tant de choses intéressantes, car, à cette époque, chez les Romains, comme au temps de l’Odyssée chez les Grecs, la science n’était encore que l’expérience. La médisance n’avait point de part à ces fêtes ; on ne parlait des méchants ni en mal ni en bien, mais ou louait beaucoup les gens de mérite ; peut-être aussi chantait-on en leur honneur, en s’accompagnant de la flûte, quelques-uns de ces chants usités dans les banquets des anciens Romains[34]. On causait, on riait, on buvait, et Caton lui-même se départait en ces occasions de sa sobriété habituelle pour engager les convives à boire[35]. Jamais pourtant il ne se livrait aux excès : n’était-ce pas un de ses mots favoris que l’ivresse était une espèce de fureur volontaire[36] ? Pendant qu’a Rome déjà la corruption et le luxe étaient arrivés au comble, on se réunissait à quelques-uns chez lui, pour se distraire du travail et reprendre haleine. On se quittait tard, gai, content des autres et de soi, et, le lendemain, chacun retournait à sa besogne habituelle[37].

Tel était le censeur dans sa vie privée. Avec ses vices et ses vertus, il personnifie pour nous ce type du paysan sabin, appelé à disparaître à jamais sous le flot de la civilisation nouvelle. Étroit, cupide, obstinément attaché à tout ce qui est de tradition, d’une sévérité inexorable, d’un prosaïsme consommé, mais en même temps laborieux, infatigable, plein de courage et d’énergie, sachant faire face à la bonne et à la mauvaise fortune, homme pratique s’il en fut jamais, il s’impose à l’attention, il commande le respect, il éloigne la sympathie. On ne peut pas dire de lui, comme de tant d’autres hommes remarquables, qu’il perde à être vu dans sa vie privée, car chez lui la vie privée et la vie publique se confondent en une seule, et tel que nous l’avons vu gourmandant ses esclaves dans sa villa, tel nous le reverrons au Sénat, invectivant contre les citoyens pervers. Jamais ni rôle appris d’avance, ni pose péniblement observée : c’est toujours lui qu’on retrouve dans toutes les circonstances, avec son caractère tranchant, original et entier.

 

 



[1] Plutarque, 20. Il ne faut pas ici, comme la plupart de ceux qui ont traité la matière, penser aux Origines, qui ne furent achevées qu’après la mort du jeune Caton, ni, avec Jordan, à un résumé des Origines. C’est tout simplement, comme le dit Ribbeck, un manuel d’histoire romaine à l’usage de l’enfant, et que Caton n’aura pas publié. Moi-même, confondant à tort cet ouvrage avec les Origines, j’avais un instant admis avec Heeren (De Fontibus et auctoritate Vitarum Parallelerum Plutarchi, Gœttingue, 1820) que Plutarque voulait parler ici du second fils ; mais les mêmes difficultés resteraient toujours debout, sans compter que Salonianus n’avait que cinq ans à la mort de son père, et ne pouvait donc nullement avoir reçu de lui un enseignement historique quelconque.

[2] C’est là un des plus beaux traits du caractère romain, que ce respect pour l’enfance. On se rappelle le vers de Juvénal :

Maxima debetur puero revererttia.....

[3] Tout ce que je viens de rapporter sur la femme et le fils aîné de Caton se trouve dans Plutarque, 20.

[4] Scito dominum pro tota familia rem divinam facere. De Re Rust., 143.

[5] Vandat boves vetulos, armenta delicula, oves deliculas, lanam, pellem, plostrum vetus, ferramenta vetera, servum senem, servum morbosum, et si quid aliud supersit, vendat. De Re Rustica, 2.

[6] Plutarque, 5.

[7] Plutarque, 21.

[8] Voici ce curieux morceau : Vinum familiæ per hiemem qui utatur. Musti quadrantalia X in dolium indito, aceti acris quadrantalia II. Eodem infundito sapæ quadrantalia II, aquæ dulcis quadrantalia L. Hæc rude misceto ter in die, dies V continuos. Eo addito aquæ marinæ veteris sextarios LXIIII. Et operculum in dolium imponito, et oblinito dies X. Hoc vinum durabit tibi usque ad solstitium. Si quid superfuerit post solstitium, acetum acerrimum et pulcherrimum erit. — De Re Rustia, 104. Le chapitre 105 n’est pas moins édifiant.

[9] Ozanam, La Civilisation au Ire siècle, 1er volume.

[10] Re Rust., 57.

[11] Cf. Servius ad. Virgile, Georg., II, 412.

[12] V. ce qui a été dit au chap. I. Cf. Caton, R. R., 1, relativement aux conditions que doit réunir un bien-fonds : si poteris, sub radice montis siet.

[13] Plutarque, 4 ; Aulu-Gelle, 13, 21 (23) : M. Cato..... villas suas inexcultas et rudes, ne tectorio guident prælitas fuisse dicit ad annum usque ætatis suæ septuagesimum. Cela veut-il dire, comme le croit Jäger, qu’à partir de l’âge de 70 ans Caton fit crépir ses murs ? Le ad annum septuagesimum signifie simplement, selon moi, que Caton avait 70 ans lorsqu’il prononça ce discours ; c’est un renseignement ajouté par Aulu-Gelle, non une citation.

[14] Aulu-Gelle, 13, 21 (23).

[15] Plutarque, 21.

[16] Tout ce qui va suivre est emprunté au De Re Rustica.

[17] Patrem familias emacem, non vendacem, esse oportet. Re Rust., 2. Cf. de Agric., fragm. 10 : Emas non quod opus est, sed quod necesse est. Quod non opus est, asse carum est.

[18] Nam res rustica sic est : si unam rem sero feceris, omnia opera sero facies. R. R., 5. — Cf. De Re Militari (apud Végète, de re milit., 1, 13) : In aliis rebus..... si quid erratum est, potest corrigi ; præliorum delicta emendationem non recipiunt, cum pœna statim sequatur errorem.

[19] Re Rust., 143.

[20] De Agric., fragm. 6 des Præcepta ad filium (Jordan.)

[21] De Agric., fragm. 13 : quod tibi decrit a te ipso mutuare.

[22] R. R., 98.

[23] Plutarque, 23. Pline, H. N., 29, 8.

[24] Plutarque, 23.

[25] Plutarque, 23. Pline, H. N., 28, 79. Diomède, 1, 358.

[26] Rien ne serait moins philosophique et plus contraire à l’esprit de l’histoire que de supposer, comme beaucoup le font, que ces formules n’ont pas de sens, et cela parce qu’ils ne peuvent pas le découvrir. Il est indubitable que nous avons là sous les yeux du très ancien latin, qui nous a été conservé parce qu’il entrait dans une formule magique, immuable de sa nature, et que Caton lui-même ne comprenait déjà plus. Il en est de même pour la fameuse prière Enos lases juvate, aujourd’hui complètement déchiffrée. Théod. Bergk, dans le Philol., XXI, p. 585, cherche à expliquer les différentes pratiques ordonnées par Caton, et à rétablir le sens des deux formules, la troisième n’étant selon lui qu’une reproduction peu authentique de la dernière. Quant au texte, voici quel en serait le contenu modernisé : In malleo sanum fiat. Motu sueta des reddas sistas ; Diespiter sana. — Sit sit sit ista pestis stans ; domaba damna austra. C’est-à-dire à peu près : Que le mal se guérisse par ce marteau (représentation symbolique de la foudre de Jupiter, qui guérit aussi bien qu’elle tue). Rends aux membres luxés leur place accoutumée ; remets-les et fais-les tenir ; guéris le mal, Jupiter. — Puisse être (ter) ce fléau arrêté ; j’enchaînerai ces fléaux brûlants. — Je renvoie le lecteur curieux à cette remarquable étude.

[27] Plutarque, 25. Si dans Tite-Live, perioch. 48, on nous dit qu’il était pauvre, cela doit s’entendre comme d’une opposition avec les immenses fortunes dont jouissaient quelques familles de ce temps.

[28] Pline, H. N., 14, 44.

[29] Plutarque, 21.

[30] Pline, H. N., 18, 26, sqq.

[31] Plutarque, 21.

[32] Schneider a ici un scrupule véritablement comique. Comment, dit-il, concilier cela avec les rapports que les esclaves de Caton faisaient à Valerius Flaccus sur le compte de leur maître ?

[33] Pline, H. N., 18, 44 : Humanissimum utilissimumque : Id agendum, ut diligant vicini.

[34] Au témoignage de Caton lui-même dans Cicéron, Tusculanes, 1, 2, 3 et 4, 2 ; Brutus, 19, 75. Cf. Valère Maxime, 2, 1, 10, qui pourtant, toujours inexact, fait durer cet usage beaucoup plus longtemps.

[35] Horace, Odes, 3, 21, 11 :

Narratur et Prisci Catonis

Sæpe mero caluisse virtus.

[36] Ammien Marcellin, 15, 12.

[37] Cicéron, de Senect., 13. Plutarque, 25. On trouve dans Horace, Sat., 2, 2, 114 sqq., un charmant petit tableau des banquets rustiques d’Ofellus ; il s’accorderait bien, trait pour trait, avec ce que l’on sait des banquets de Caton :

Videas metato in agello

Cum pecore et gnatis fortem mercede colonum :

Non ego, narrantem, temere edi luçe protesta

Quidquam præter olus fumosæ cum pede pernæ.

At mihi seu longum post tempus venerat hospes,

Sive operum vacuo gratus conviva per imbrem

Vicinus, bene erat non piscibus urbe petitis,

Sed pullo asque hædo ; tum pensilis uva secundas

Et nux ornabat mensas cum duplice ficu.

Je laisse le reste, qui est une vraie crux commentatorum.