CATON L’ANCIEN, ÉTUDE BIOGRAPHIQUE

 

CHAPITRE VI. — LA CENSURE.

 

 

Après avoir fourni une carrière qui, pour être moins éclatante que celle de Scipion, n’en est peut-être que plus étonnante, Caton est arrivé au point culminant de son rôle politique. S’il n’était qu’un ambitieux, il pourrait se reposer maintenant, sûr de sa gloire ; mais il est homme de conviction ; il a une politique à faire triompher ; il faut, non seulement qu’il reste sur la brèche, mais qu’il porte le fer et la flamme jusque dans le camp ennemi. Maintenant que les luttes personnelles ont fini, c’est la lutte des principes qui va commencer ; ce sont les doctrines de la vieille école qu’il faudra faire triompher, c’est l’esprit nouveau qu’il faudra, non seulement vaincre, mais, si c’est possible, extirper. Une fonction publique était spécialement établie pour faciliter cette réforme, depuis si longtemps projetée : la censure, que Caton avait briguée une première fois et à laquelle il n’avait pas renoncé. Aussi, à peine le procès des Scipions était-il jugé, qu’il se mit de nouveau sur les rangs pour l’année 184, avec son ami Valerius Flaccus. Mais cette fois il se vit attaqué par la plus formidable coalition qu’il y eût jamais eu jusqu’alors. Capitalistes irrités par ses réglementa contre l’usure, Scipioniens exaspérés par le mal qu’il avait fait à leur parti, nobles vaniteux qui craignaient de voir un parvenu arriver à la première dignité de la république, voluptueux qui redoutaient la rigueur de sa censure, tous, avec un acharnement digne d’une meilleure cause, s’unirent pour faire échouer un candidat aussi odieux. Et il n’y avait pas moins de neuf compétiteurs en présence : plusieurs d’entre eux, sans doute, n’étaient mis en avant que pour disséminer les suffrages et pour empêcher Caton de réunir une majorité suffisante[1]. Il y avait cinq patriciens et quatre plébéiens, tous appartenant aux familles les plus riches et les plus influentes de la république. En premier lieu on voyait P. Scipio Nasica, qui avait échoué auparavant en même temps que Caton (189), et L. Scipion l’Asiatique, qui voulait effacer par un vote public la tache que son nom avait reçue précédemment. Ensuite venait le fameux Cn. Manlius Vulso, l’odieux déprédateur qui avait si lâchement attaqué les Gallo-grecs, et donné aux populations soumises comme un avant-goût de Verrès ; puis son implacable ennemi, L. Furius Purpureo, qui, pendant son consulat, avait triomphé des Gaulois de la Cisalpine ; enfin, L. Valerius Flaccus. Parmi les plébéiens on remarquait M. Fulvius Nobilior, qui se retrouvait ici encore en face de Caton ; Ti. Sempronius Longus, qui avait été consul avec l’Africain en 194, et M. Sempronius Tuditanus, auteur de la fameuse loi sur les dettes, qui assimilait les Latins à la juridiction romaine. Mais Caton les effaçait tous, plébéiens et patriciens, par l’éclat de son mérite personnel et par la gravité de la cause qu’il représentait[2]. Ses compétiteurs le comprirent, et il ne saurait y avoir rien de plus glorieux pour lui que le complot qu’ils tramèrent alors contre sa candidature. Il les laissa faire et se rit de leurs efforts, se sentant, cette fois, appuyé par le peuple, que tant de scandales récents avaient dégoûté des censures trop faciles, et qui voulait une réforme énergique. Les nobles avaient peur de cette réforme : Caton au contraire la promettait. Rendant à son ami Valerius la protection qu’il avait tant de fois reçue de lui, il liait sa candidature à celle de son ami, et déclarait au peuple qu’avec ce collègue seul il pourrait châtier le vice et faire revivre les vieilles mœurs. L’État, s’écriait-il du haut de la tribune dans les assemblées électorales, l’État a besoin d’un traitement, car il est bien malade ; et gardez-vous, si vous voulez le guérir, de vous adresser au médecin le plus doux. Il faut de l’énergie et de courage : les voluptueux le savent, et c’est pourquoi ils sont tous ligués contre moi[3].

Mais on comprit bien vite que tous les moyens honnêtes seraient impuissants pour abattre un si rude concurrent. Prévoyant que sur le terrain du droit et de la légalité ils seraient toujours battus par lui, ses compétiteurs eurent l’incroyable idée de le traduire en justice pour les actes de son consulat en 195. Ceci dépassait toutes les bornes. Comme administrateur aussi bien que comme chef d’armée, Caton s’était conduit de manière à faire respecter partout le nom romain ; il avait rendu à son pays les services les plus signalés ; il avait, à son retour, obtenu un triomphe qui ne semble avoir été contesté par personne ; à coup sûr il était impossible de l’accuser de dilapidation, de concussion ou de péculat : l’indignation publique aurait immédiatement fait tomber une accusation de ce genre, si elle avait osé se produire. Il n’était pas plus raisonnable de l’accuser de tyrannie envers ses sujets espagnols ; il les avait traités avec tant de justice et de modération qu’ils en gardèrent longtemps le souvenir, et que, quelques années après, ils lui donnèrent la preuve la plus honorable de leur confiance. Et voilà que, malgré une réputation si bien établie, le plus honnête homme de la république avait à répondre de sa gestion devant le peuple ! Le nom des accusateurs ne nous est pas connu plus que les chefs d’accusation ; aucun historien n’a parlé de ce procès, et ce n’est que par les fragments des discours de Caton qu’il est permis de rétablir cette page si intéressante de l’histoire de Rome[4].

Le disciple de Curius Dentatus et de Fabius Maximus eut donc à son tour à descendre dans l’arène, pour repousser l’une de ces attaques qu’il avait tant de fois dirigées contre d’autres. C’était justice peut-être. Dans un intérêt purement électoral, on ne faisait que se servir contre lui de l’arme déloyale qu’il avait autrefois employée contre son propre chef M’. Acilius Glabrio. Ce n’était pas la première fois sans doute qu’il se voyait cité devant les tribunaux, (il le fut quarante-quatre fois dans sa vie !) et aucun orage du Forum n’aurait fait trembler un homme qui vivait dans l’atmosphère tumultueuse des procès comme dans son véritable élément. Il accepta le défi : accusé, il se justifia devant le peuple, et prononça à cette occasion plusieurs discours. Dans le premier, généralement connu sous le titre de Dierum dictarum de consulatu suo[5], il s’étend longuement, sur ses exploits militaires, comme on peut le voir par le nombre relativement considérable de fragments qui nous en a été conservé. Je sais, dit-il en commençant, et depuis longtemps j’observe et je remarque et je juge qu’il est bien dangereux de s’occuper avec zèle des intérêts publics. Et il se plaint de se voir combattu et attaqué par les mauvais citoyens parce qu’il aime sa patrie : Ils font tous leurs efforts pour qu’on dise faussement du mal de moi ; il n’est rien qu’ils n’inventent hardiment pour me perdre ; et, quoiqu’ils aient fait encore bien d’autres prodiges, je ne puis m’empêcher d’admirer en ceci leur audace et leur impudence[6]. Abordant ensuite le tableau de sa vie, il la montre tout opposée à la leur ; il se vante des services qu’il a rendus, et d’avance il s’en promet la récompense devant la postérité. Pour moi, s’écrie-t-il fièrement, je me suis élevé des monuments durables dans mes actions[7]. Il raconte point par point son consulat : le départ pour l’Espagne, l’arrivée, les batailles qu’il a livrées, les stratagèmes qu’il a employés ; il s’arrête volontiers dans la description des difficultés qu’il a rencontrées et heureusement vaincues ; il promène enfin ses auditeurs à travers toute sa carrière militaire[8], et, quand il la leur a exposée telle qu’elle est, irréprochable et glorieuse, il leur rappelle aussi que tel il a été en Espagne, tel il s’est montré encore aux Thermopyles[9]. Y a-t-il maintenant une seule faute à relever dans toute sa conduite ? Les accusateurs seraient bien en peine de le dire. Mais il connaît leurs motifs : ils veulent l’écarter de la censure, parce qu’ils savent qu’il ne sera pas indulgent comme ceux qui l’ont précédé, et comme seront sans doute aussi ceux qui viendront après lui : peureux, inertes et timides[10].

On voit par ces quelques passages que Caton réfutait de la manière la plus catégorique les accusations relatives à ses actes militaires. Mais ses adversaires avaient attaqué son administration tout entière, et, à ce qu’il parait, ils avaient poussé la hardiesse jusqu’à vouloir examiner le chapitre de ses dépenses. Ce fut l’occasion d’un nouveau discours, plus triomphant encore. Le parcimonieux administrateur était ici sur son terrain ; ce devait être merveille de l’entendre exposer avec quelle sollicitude il avait veillé sur les deniers de l’État, et empêché qu’on ne les gaspillât. Ce discours est intitulé De Sumptu suo[11] ; il nous en reste un fragment très remarquable :

J’ordonnai qu’on apportât le cahier où était écrit mon discours relatif au procès par sponsion que j’avais eu avec Cornelius. On apporte les tablettes : on lit les exploits de mes ancêtres, puis ce que j’ai fait moi-même pour la république. Ces deux points épuisés, on lisait dans le discours : Jamais, dans un intérêt électoral, je n’ai distribué d’argent, ni le mien, ni celui de mes associés. — Non, non, m’écriai-je, ne lis pas cela ; ils ne veulent pas l’entendre. Le secrétaire continua : Jamais je n’ai mis dans les villes de vos alliés des préfets qui pillaient leurs biens et maltraitaient leurs enfants. — Efface cela aussi, lui dis-je, ils ne veulent pas l’entendre. Continue. — Jamais je n’ai partagé entre un petit nombre d’amis le butin, les dépouilles et tout ce qu’on avait pris à l’ennemi, pour l’arracher à ceux qui l’avaient conquis. — Efface cela aussi ; il n’est rien qu’ils souffrent moins d’entendre ; point n’est besoin de lire tout cela. — Jamais je n’ai accordé l’usage gratuit des postes de l’État, pour donner à mes amis le moyen de faire de gros bénéfices sous le seing public. — Va, va, efface soigneusement tout cela. — Je n’ai jamais distribué d’argent à mes appariteurs et à mes amis, me refusant à les faire riches aux dépens de l’État. — Ah ! pour le coup, efface, gratte la cire jusqu’au bois. Voyez maintenant où en est la république. Ce que j’avais fait pour son bien, ce dont je me faisais des titres de faveur et de reconnaissance, voilà qu’aujourd’hui je n’ose plus le rappeler de peur de m’attirer de la haine. Tant il est vrai que nous en sommes venus à faire le mal impunément, mais à ne pouvoir impunément faire le bien.

Fronton, qui cite ce passage, le donne comme le plus bel exemple de prétérition qu’il connaît chez les Grecs et chez les Romains[12]. Il est certain que nous avons ici un spécimen de la véritable éloquence latine, antérieure à toute influence grecque, sans aucun caractère littéraire : la raillerie ne saurait être plus incisive, l’ironie plus mordante, l’expression plus énergique dans sa simplicité. On sent que l’homme qui tient ce langage ne s’est point assis sur les bancs des rhéteurs pendant sa jeunesse, mais que les paroles coulent naturellement du fond de son âme, pour nous servir d’une expression de lui que nous avons déjà citée.

L’accusation, cela va de soi, tomba misérablement, et Caton en sortit plus grand. Il fut nommé censeur avec Valerius[13]. Cette élection suffirait pour prouver que si les hautes classes étaient envahies par la corruption de l’hellénisme, les masses avaient encore gardé intact le culte des vertus et des traditions romaines. Vainqueur de l’aristocratie coalisée, le laboureur de Tusculum se mit sans retard à l’œuvre de la réforme.

Les censeurs précédents s’étaient conduits avec la plus grande douceur, en véritables nobles intéressés à ménager ceux de qui dépendait toute leur fortune ; à plus forte raison un homme qui ne devait rien à la classe régnante, qui était même parvenu malgré elle, allait-il sévir avec la plus grande rigueur contre tous les coupables épargnés par la complaisance de ses prédécesseurs. Sept sénateurs se virent exclus de la liste, et parmi eux un consulaire, L. Quinctius Flamininus, le propre frère du vainqueur de Cynocéphales.

Rien de plus mérité que cette exclusion, et l’irritation qu’elle provoqua dans le camp des nobles donne une bien pauvre idée de leur moralité. Ce Lucius, pendant son consulat en Gaule Cisalpine, se trouvait un jour à table avec un jeune débauché que Tite-Live nomme Philippus Pœnus, et qu’il n’avait pas rougi d’emmener dans sa province. Pendant que ces deux infâmes étaient couchés côte à côte, et que les fumées du vin avaient déjà échauffé leurs esprits, Philippe se mit à faire des protestations d’amour au consul. Il était très avide de voir un jeu de gladiateurs, et pourtant il n’avait pas hésité à renoncer à celui qu’il allait voir à Rome, pour suivre son cher Lucius. Comme ils devisaient ainsi, on vient annoncer au consul qu’un noble Boïen est arrivé en transfuge dans le camp, et désire lui parler. Le consul écoutait à peine : Ainsi, dit-il nonchalamment à Philippe, tu n’as jamais vu mourir un homme ?Non. — Eh bien, veux-tu, au lieu de ce combat de gladiateurs que je t’ai fait manquer, voir mourir ce Gaulois ?Oui, répondit l’enfant en badinant. Aussitôt ce furieux prend son épée suspendue au dessus de lui, et en frappe le Gaulois à la tête. Le malheureux, tout couvert de sang, fuit en implorant la bonne foi du peuple romain ; mais Lucius le poursuit, l’atteint, et l’achève d’un coup dans le flanc[14].

Voilà ce qui se passait au VIe siècle à Rome, dans cette société qui se croyait civilisée, parmi ces nobles qui lisaient Homère et Euripide, et qui nommaient les Gaulois des barbares. La noblesse s’indigna, non contre le misérable qui, joignant l’assassinat à la débauche, avait imprimé une flétrissure indélébile sur son nom et sur celui de sa patrie[15], mais contre l’homme de cœur qui avait osé stigmatiser un pareil forfait sans égard pour la famille et pour le rang du coupable. L’illustre Titus se présenta avec son frère devant le peuple en habits de deuil, et tous deux le supplièrent en pleurant de forcer Caton à s’expliquer sur les motifs de sa mesure. Caton et Valerius s’avancèrent et demandèrent à Titus s’il ne devinait pas le fait qui l’avait motivée. — Non, répondit-il. — Je vais vous l’apprendre, reprit Caton. Et aussitôt, en présence du peuple rassemblé, il raconta la chose comme on vient de la lire : ce dût être une de ses plus virulentes harangues, et qui aura laissé bien loin derrière elle, pour la chaleur et l’inspiration sincère, le fameux morceau de decemviris. Tel fut, dit Tite-Live, l’effet de cette harangue, que si elle avait été prononcée pendant la censure de Titus, Titus lui-même n’aurait pas osé laisser son frère sur la liste des sénateurs[16]. Il ne nous en reste qu’un petit fragment ; c’est le magistrat s’adressant avec sa gravité majestueuse à ce jeune Philippe, cause première du crime de Lucius. Autre chose est l’amour, Philippe, autre chose est la volupté. Celle-ci vient dès que celui-là se retire ; l’un est honnête, l’autre est honteuse. Caton finissait en offrant à Lucius de déposer un gage, selon un usage fréquent entre gens qui soutenaient des assertions contradictoires, mais l’accusé n’osa pas accepter le défi ; il se retira accablé de honte, tandis que le peuple faisait à Caton un cortége d’honneur pour le reconduire chez lui[17].

Un délit d’un autre genre valut une peine analogue à Manilius, qui avait occupé des magistratures curules, entre autres la préture, et qui était sur le chemin du consulat[18]. Le censeur lui reprocha d’avoir embrassé sa femme en présence de sa fille, ce qu’il trouvait inconvenant. Moi-même, disait-il, je n’ai jamais embrassé ma femme qu’un jour où il tonnait très fort, et où elle se jeta effrayée dans mes bras. Et il ajoutait plaisamment qu’il n’était heureux que quand Jupiter tonnait[19]. Cette fois, la sévérité allait jusqu’au ridicule.

On ne nous a pas conservé les noms des cinq autres sénateurs qui furent frappés d’exclusion ; mais on a conjecturé, non sans vraisemblance, que l’un d’eux pourrait bien être ce Claudius Nero dont Caton a attaqué la vie privée dans un discours[20], et qu’un autre serait ce L. Furius qui, comme on le verra plus loin, fut puni d’une amende pour avoir détourné sur ses terres les eaux publiques[21].

La même rigueur atteignit les chevaliers et les autres classes. L. Scipion se vit priver de son cheval. Il était le frère de Publius, cela suffisait ; on aurait eu tort d’exiger de Caton qu’il fût impartial quand ses passions étaient en jeu, et d’ailleurs il pouvait fonder sa décision sur la récente condamnation dont Lucius avait été l’objet. L. Veturius, autre chevalier, dut rendre également sa monture parce qu’il était trop gras : De quelle utilité, disait le censeur, peut être à l’État un homme qui n’est que ventre depuis le gosier jusqu’à l’aine ?[22] Il fallait peu de chose, on le voit, pour s’attirer son mauvais vouloir, et on ne s’étonnera plus du sort qui frappe Veturius, quand on verra un autre citoyen relégué parmi les ærarii à cause d’une parole légère. Le censeur lui demandait selon la formule solennelle : Dis-moi, d’après ton cœur, as-tu une femme ?Oui, mais non pas d’après mon cœur, répondit-il en plaisantant. Cela suffit pour le faire dégrader[23].

Malgré ces rigueurs, les coupables se félicitèrent peut-être d’avoir échappé à meilleur compte qu’ils ne le redoutaient ; mais le censeur devait les retrouver sur un autre terrain. Il avait assez longtemps déclamé contre le luxe et la corruption ; il ne négligea point, cette fois-ci, d’employer, pour les combattre, les moyens dont il disposait. La conquête de l’Orient avait introduit à Rome beaucoup de nouveautés : tapis précieux, meubles artistement travaillés, coupes, vases ciselés, etc. Caton, dans son édit, décupla la valeur fictive de tous les objets de luxe dont le prix excédait 15.000 deniers, et les frappa ensuite d’un impôt de 3 par 1000, prélevant ainsi sur tous l’énorme contribution de 30 pour cent. Il prit la même mesure à l’égard des bijoux et des ornements de femme[24] : c’est ainsi qu’il se vengeait de l’abolition de la loi Oppia. Il justifia toutes ces rigueurs dans deux discours, l’un de vestitu et vehiculis, l’autre de signis et tabulis. Il s’y déchaînait, comme toujours, contre l’immoralité du temps présent, dont il comparait les abus avec la simplicité du passé. On trouvait trop sévères ses mesures contre le luxe ; mais jadis, ne faisait-on pas un crime à un citoyen de posséder quelques minces ustensiles d’argent ? On criait contre la rigueur qu’il apportait dans la révision du Sénat et des chevaliers : mais oubliait-on que dans le temps il suffisait d’avoir négligé son champ et sa vigne pour être mis au rang des ærarii, et qu’un chevalier était immédiatement privé de son cheval, pour peu que la bête fût maigre ou malpropre ?[25] Les esclaves de moins de vingt ans, qui, depuis le dernier lustre, se vendaient plus de 10.000 deniers, furent aussi taxés à 100.000, et leurs maîtres eurent à payer 30 pour cent. A l’aide de ce système d’impôt progressif[26], Caton espérait d’un côté arrêter les progrès du luxe, de l’autre empêcher l’introduction de tous ces esclaves grecs qui propageaient à Rome les idées et les habitudes de leur pays, et qui souvent servaient à de honteux usages. Il frappait l’ennemi partout où il pouvait l’atteindre. Ses nombreuses harangues censoriales avaient toutes le même but : rappeler le peuple au culte des vieilles mœurs, à la tradition des ancêtres, à la simplicité des goûts et des manières. Elle seule, disait-il, a valu aux Romains l’empire du monde, et c’est elle seule qui pourra le leur conserver[27]. — Il n’y a pas de salut, disait-il encore, pour une ville où un poisson se vend plus cher qu’un bœuf de labour, et un jeune esclave qu’un champ de terre[28]. — Je m’étonne qu’on ose, sans le moindre scrupule, avoir chez soi des statues des dieux, et des images où ils sont représentés, tout comme si c’était une partie du mobilier[29]. Ne reconnaît-on pas là un élève de ce Fabius qui, à la prise de Tarente, répondait par cette parole solennelle à ceux qui voulaient emporter les statues : Laissons aux Tarentins leurs dieux irrités ! A plus forte raison Caton devait-il attaquer cette manie d’importation grecque, qui consistait à élever des statues à tout le monde. Et pourtant, en province, on était allé plus loin encore. Non seulement la ville de Smyrne, pendant le consulat même de Caton, cavait élevé un temple à la ville de Rome personnifiée[30], mais, ce qui était le comble du scandale, on avait érigé des statues à des matrones romaines[31]. Où était le temps où les femmes restaient chastement à la maison, et vivaient à l’ombre de leur foyer pour filer de la laine ? Et quant aux hommes, ne devaient-ils pas se contenter du souvenir que leurs bonnes actions avaient laissé dans le cœur de leurs citoyens ? C’étaient là les plus belles statues, les seules dont il fallût être fier : car en quoi y avait-il lieu de s’enorgueillir de l’œuvre d’autrui ? Pour lui, interrogé comment il se faisait qu’un homme de son mérite n’eût pas encore de statue, il répondit : J’aime mieux cette question que si on me demandait pourquoi j’en ai une[32]. Pourtant, son tour devait venir bientôt, et il ne paraît pas qu’alors il ait mis opposition aux honneurs extraordinaires qu’on lui rendit.

La tradition, et plus tard aussi les lettres, conservèrent un grand nombre de mots qui semblent dater de cette époque, et où l’on voit le censeur portant jusque dans ses rapports privés cette austérité de mœurs et cette gravité de langage qui lui sont propres. Il serait difficile de dire si tous sont authentiques au même degré, mais, qu’ils le soient ou non, ils servent également à caractériser le personnage, et complètent ainsi son portrait. Un jour, dit la légende, Caton vit un homme connu sortir d’un mauvais lieu : Bravo ! s’écria-t-il, viens ici chaque fois qu’une honteuse luxure t’enflammera, et respecte les femmes d’autrui[33]. Le moraliste se retrouve encore dans cette parole profonde : J’aime mieux les jeunes gens qui rougissent que ceux qui pâlissent[34]. Et dans cette autre : L’âme de l’amant habite dans un autre corps[35]. Il se moquait de ces gens qui traînaient toute leur vie au Forum, bayant aux corneilles et attendant quelque nouvelle ou quelque débat : Espèce d’antipodes, disait-il, qui n’ont jamais vu ni le lever ni le coucher du soleil[36]. Et il demandait que pour leur donner de l’occupation on pavât le Forum de cailloux pointus[37]. C’est à ses contemporains aussi qu’il adressait ce mot sarcastique : Il est pénible de parler au ventre, qui n’a pas d’oreilles[38], et cet autre : Vous avez grand soin de votre estomac, mais vous vous souciez peu de votre âme[39]. — Les voleurs ordinaires, criait-il, sont jetés en prison et dans les fers ; les voleurs publics trônent dans la pourpre et dans l’or[40]. Un jeune débauché, Albidius, qui, après avoir dissipé tous ses biens, avait eu sa maison détruite par l’incendie, fournit à Caton un de ses plus jolis mots. Faisant allusion à cette espèce de sacrifice anciennement usité, où l’on jetait au feu ce qui restait après le repas, et qu’on appelait propter viam, il disait que ce jeune homme avait fait un propter viam de sa façon : Ce qu’il n’a pas mangé, il l’a brûlé[41]. Un autre, pour subvenir à ses dépenses exagérées, avait vendu des propriétés qu’il possédait au bord de la mer : Celui-là, disait Caton, est plus fort que la mer : ce qu’elle lèche à grand’peine de ses flots, lui l’a avalé sans difficulté[42].

Dans l’administration du domaine public, le censeur témoigna tout autant d’énergie et de courage. Depuis longtemps les particuliers s’étaient arrogé le droit de bâtir sur des terrains appartenant à l’État, et d’empiéter sur la voie publique, de manière à gêner la circulation et à détruire l’alignement des rues : on mit ordre à cela, et dans l’espace de trente jours toutes ces constructions furent abattues. D’autres s’étaient permis de détourner sur leurs domaines l’eau des canaux publics, sans en avait demandé l’autorisation : tous les conduits furent impitoyablement coupés, et probablement les plus grands coupables furent frappés d’une amende : ce fut du moins le cas pour L. Furius. Enfin, un grand nombre de travaux utiles furent entrepris et menés à bonne fin. Avec les sommes que le Sénat leur avait accordées pour cet usage, les censeurs firent paver et border de pierres les réservoirs d’eaux ; des égouts furent creusés sur l’Aventin, quartier populaire, et en beaucoup d’autres endroits où il en était besoin ; les impôts furent affermés à des prix très élevés, et les entreprises publiques, au contraire, adjugées très bas[43]. Les publicains se plaignirent au Sénat de ces mesures ruineuses pour eux, et la noble compagnie, sous l’influence de Titus Flamininus, qui voulait se venger de Caton, fit recommencer les opérations. Mal en prit aux publicains : les censeurs, par un édit, écartèrent de la concurrence tous les réclamants, puis les adjudications furent refaites avec très peu de changement dans les prix[44]. Cette attitude énergique déconcerta les récalcitrants, mais leur haine n’en fit que grandir. Qu’importait aux censeurs ? Ils continuèrent leurs travaux. Valerius fit construire un môle près des eaux de Neptune, et percer une route à travers la montagne de Formies. Caton était occupé à des ouvrages plus importants. Il avait acheté, dans les Lautumies près du Forum, deux maisons, celles de Titius et de Mænius, et quatre tavernes[45], dont l’emplacement lui servit à construire une basilique, le premier monument de cette espèce qui ait été élevé à Rome[46]. Ce ne fut pas sans peine, à ce qu’il parait, que Caton parvint à faire adopter son idée. S’il faut en croire Plutarque, on la combattit au Sénat ; il est certain qu’il prit encore une fois la parole et prononça à cette occasion son discours Uti basilica ædificetur, qui emporta le vote de l’assemblée[47]. Le nom de Porcius resta attaché au monument[48].

Caton couronna son œuvre de réforme eu proclamant prince du Sénat Valerius Flaccus, son fidèle frère d’armes, qui avait combattu à ses côtés sur le champ de bataille et au Forum pour la défense des mêmes idées. Puis il clôtura le lustre par une harangue solennelle au peuple, où il rappelait avec complaisance, outre ses ombreux travaux, la prospérité dont la ville avait joui sous son administration, et la fertilité de l’année, preuve sans doute de la bienveillance et de la protection divines[49]. Le peuple lui garda une longue reconnaissance de tout ce qu’il avait fait pendant les dix-huit mois de sa magistrature ; il lui conféra l’honorable surnom de Censorius, et il lui érigea, dans le temple de la déesse Salus, une statue avec cette inscription : A Caton, pour avoir, pendant sa censure, par ses sages recommandations et ses mesures excellentes, relevé l’État romain déjà penchant vers la décadence[50].

 

 

 



[1] C’est ce que Plutarque semble faire entendre.

[2] Tite-Live, 39, 40.

[3] Plutarque, Caton, 16.

[4] La date que j’assigne à ces discours n’est pas arbitraire. Dans le frg. 26 du premier, on voit qu’il a été prononcé après la bataille des Thermopyles ; dans le frg. 27, qu’il date du temps où Caton demandait la censure. On pourrait donc hésiter entre 189 et 184, mais toute hésitation disparaîtra si l’on se rappelle qu’en 189 Caton n’était guère à craindre pour ses concurrents, et que ce fut Glabrion sur qui se portèrent toutes les attaques. En 184, au contraire, comme nous le savons par les témoignages les plus sûrs, Caton avait plus de chances que tous les autres candidats, et c’est alors que ceux-ci formèrent contre lui cette coalition qui demeura impuissante.

[5] Il est probable que c’était le titre général des discours prononcés par Caton à cette occasion, et que le titre particulier du premier s’est perdu. V. Jordan, Proleg., p. LXV.

[6] Dier. dict., frg. 1, 2, 3.

[7] Dier. dict., frg. 5.

[8] Dier. dict., frg. 6-25.

[9] Dier. dict., frg. 26.

[10] Dier. dict., frg. 27.

[11] On le cite tantôt sous le titre de De Sumptu suo, tantôt sous celui de cum in Hispaniam proficisceretur ; mais ce dernier titre n’est qu’une simple désignation, et on voit clairement, par les deux fragments qui en ont été conservés, qu’il roulait sur les dépenses de Caton. Jordan, tout en admettant l’excellence de ces raisons, a cependant séparé les deux titres ; j’ai été plus hardi que lui.

[12] Fronto, epistul. ad Antonin., 1, 1.

[13] Tite-Live, 39, 40 et 41 ; Plutarque, 46.

[14] J’ai raconté ce fait d’après Tite-Live, 39, 42, qui s’est inspiré du discours même de Caton contre L. Flamininus. Valerius Antias met une femme à la place du mignon, et raconte que Lucius a seulement fait exécuter devant elle un condamné à mort, ce qui atténuerait considérablement l’horreur du crime. Cicéron, de Sen., 12 ; Aurelius Victor, 43 ; Valère Maxime, 4, 5, 1, semblent avoir suivi Valerius Antias, malgré Tite-Live, qui pourtant reproche à son prédécesseur de n’avoir pas lu le discours de Caton. Plutarque, Flamininus, 19, et Caton, 17 rapporte les deux opinions et se range également du côté de Valerius Antias, qui, dit-il, est suivi par le plus grand nombre. Selon lui, Caton aurait peut-être chargé les faits pour rendre Lucius plus odieux : mais qu’aurait-il pu espérer d’une calomnie débitée en présence de celui-là même qu’il accusait, et qui eût été confondue tout de suite ?

[15] Valère Maxime, ordinairement si rhéteur, a ici un beau mouvement en parlant du crime de Lucius : nec pensi duxerat iisdem imaginibus adscribi meretricis oculos humano sanguine delectatos, et regis Philippi supplices manus.

[16] Tite-Live, 39, 42.

[17] Plutarque, Caton, 17 et Flamininus, 19, parle seul d’une action que Titus aurait intentée à Caton. Je n’ai pas voulu, faute de preuves suffisantes, rejeter absolument son récit, mais j’avoue qu’il m’inspire de grands doutes. La note censorienne de Caton n’avait-elle donc pas suffisamment spécifié le crime, et, en admettant que non, les deux frères ne le devinaient-ils pas ? Était-il permis d’ailleurs d’en appeler au peuple d’une note censorienne ? V. Jordan Prolegom., p. 78 et 79. 11 conjecture avec assez de vraisemblance que le discours de Caton fut prononcé au moment même où Lucius, s’apercevant que l’on passait son nom dans la liste des sénateurs, éleva des réclamations. De là aussi l’offre que Caton fait à Lucius dans Tite-Live, de se défendre par une sponsion.

[18] Plutarque, 17. Quelques-uns ont supposé que ce personnage était le même que P. Manlius Vulso, dont il est parlé dans Tite-Live, 26, 23 ; 27, 6 et 7.

[19] Plutarque, l. l.

[20] De moribus Claudii Neronis. Il en reste deux courts fragments.

[21] Si ce L. Furius, comme on l’a conjecturé, est le même que L. Furius Purpureo qui venait de disputer la censure à Caton, admirons comment, encore une fois, les rancunes personnelles du censeur trouvaient leur compte dans les punitions dont il frappait les coupables publics.

[22] Il y avait cependant une autre raison encore à la disgrâce qui frappa Veturius : le discours contre lui est intitulé in Veturium de sacrificio commisso cum ei equum ademit. Mais que faut-il entendre par sacrificio commisso ? Ce n’est pas résoudre la difficulté que de vouloir lire, comme quelques-uns, omisso au lieu de commisso. Il y a là évidemment une allusion que nous ne pouvons pas comprendre, parce qu’elle se rapporte à un fait inconnu.

[23] Cicéron, de Orat., 2, 64 nomme ce citoyen L. Porcius Nasica ; Pighius corrige en L. Porcius Læca, ce qui du moins est vraisemblable, tandis qu’il n’est nulle part question d’un Porcius Nasica. D’autres ont cherché à lire L. Nasica Porcio. J’ai préféré, avec Aulu-Gelle, 4, 20, laisser tout à fait de côté un nom si douteux. — Juste Lipse, ad Gel., 1, 1, lit dans la réponse du citoyen ex animi tui (au lieu de mei) sententia, ce qui rendrait la plaisanterie beaucoup plus mordante, et offensante pour le censeur. Mais mei me semble plus naturel.

[24] Tite-Live, 39, 44. Plutarque, 17. Corn. Nepos, 2. Aurelius Victor, 47.

[25] Sénèque, Vit. Beat. Aulu-Gelle, 4, 12. Ces deux passages ont échappé l’un et l’autre à Jordan, et, quoique les auteurs qui les citent n’indiquent pas le discours où ils sont empruntés, j’ai cru pouvoir, sans trop de hardiesse, leur donner place ici. C’est Klussmann qui a le premier signalé celui de Sénèque. (Philol., XVI, p. 150).

[26] Plutarque, 18.

[27] Plutarque, 8. Cf. De vestita et vehiculis.

[28] Plutarque, Caton, 8 et Apophth., p. 198 D. Polybe, 31, 24 et excerpt. Vat., p. 439 Mai. Diodore, excerpt., p. 85 et Mai p. 115.

[29] Discours Uti præda in publicam referatur. Ce discours à vrai dire n’appartient pas aux harangues censoriales, mais j’ai cru pouvoir en utiliser un fragment qui d’ailleurs rentre complètement dans l’idée du discours de signis et tabulis.

[30] Tacite, Ann., 4, 56.

[31] Pline, H. N., 31, 6. Peu après la mort de Caton, on devait en élever une à Cornélie, mère des Gracques, en pleine ville de Rome. Tel était le fruit de ses réclamations !

[32] Plutarque, Caton, 19 et Apophth., p. 198 F ; Ammien Marcellin, 14, 6.

[33] Horace, Serm. 1, 2, 31. Ce que le scholiaste de Cruquius ajoute est manifestement une superfétation de la légende : Voyant plus tard, à plusieurs reprises, le même homme sortir du même lieu, il lui dit : Je t’ai loué de venir ici de temps en temps, et non pas d’y habiter. Glareanus attribue le mot à Caton d’Utique (Jordan).

[34] Plutarque, Caton, 9. Apophth., p. 198 E ; de audiend. pœt., 10, p. 29 E.

[35] Plutarque, Caton, 9.

[36] Sénèque, ép. 122.

[37] Pline, H. N., 19, 6, 21. Avec Jäger p. 231, j’ai interprété ces paroles dans le sens d’une plaisanterie.

[38] Plutarque, Caton, 8 et Apophth., p. 198 D. Stobée, Floril., I, 153.

[39] Ammien Marcellin, 16, 5.

[40] Discours de prædi militibus dividendi.

[41] Macrobe, Sat. 2, 2, 4.

[42] Plutarque, 8.

[43] Tite-Live, 39, 44. Cf. Bekker und Marquardt IL 2, p. 237 avec la note.

[44] Tite-Live, l. l. Plutarque raconte que les ennemis de Caton excitèrent contre lui les tribuns du peuple, et le firent condamner à deux talents d’amende à cause de ses locations. D’abord il est positif que Caton n’a été condamné aucune des 44 fois qu’il a été accusé ; ensuite le récit de Plutarque me semble tout simplement dériver de celui de Tite-Live, mais avec quelques altérations dues sans doute, encore une fois, à la distraction du biographe grec.

[45] V. Bekker und Marquardt, I, p. 202 et suivantes.

[46] Tite-Live, l. l. Plutarque, 9.

[47] On a élevé des difficultés relativement à la date de la construction de la basilique (184). Plaute en parle dans deux passages : Capt., 4, 2, 33, et Curcul., 4, 1, 11. Mais, au rapport de Cicéron, Brut., 15, Plaute est mort l’année même de la censure de Caton. Comment se tirer d’embarras ? Les uns regardent comme interpolé le passage du Curculio, mais, quand même on leur accorderait cela, il resterait toujours celui des Captivi dont l’authenticité ne peut pas être révoquée en doute. D’autres (V. le Dictionnaire de Smith) supposent que Caton aura bâti sa basilique pendant son édilité, disant que les historiens ont fort bien pu confondre les travaux du censeur et ceux de l’édile, attendu qu’il y avait une grande ressemblance dans la nature de leurs opérations. Mais, avant de risquer cette conjecture, il faudrait d’abord examiner s’il est très certain que Plaute soit mort en 184, et, n’y eût-il que la difficulté présente, elle suffirait pour rendre cette date au moins douteuse.

[48] Basilica Porcia. Le mot lui-même vient de la Grèce : βασιλική était le portique sous lequel l’archonte-roi rendait la justice, et c’est l’ennemi des Grecs qui a introduit à Rome cette chose grecque.

[49] Eumène, gratiar. act. Constant., 13. Præclara fertur Catonis oratio de lustri sui felicitate. Jam enim tum in illa vetere republica ad censorum laudem pertinebat, si lustrum felix condidissent, si horrea messis implesset, si vindemia redundasset, si oliveta larga fluxissent.

[50] Plutarque, Caton, 19. Il se trompe en disant Ύγέεια (Sanitas) croyant ainsi traduire le nom de la déesse Salus, dont le temple, orné de peintures par Fabius Pictor, s’élevait sur le Quirinal, et fut détruit par un incendie sous l’empereur Claude. Plutarque, pour traduire exactement, aurait dû dire Σωτηρία.