I Création du Saint-Empire.Lorsqu'Arnulf eut quitté définitivement l'Italie, Walfrid, marquis de Frioul, établi à Vérone, retint quelques temps encore les populations dans la fidélité du roi de Germanie, mais il ne put empêcher Lambert de Spolète de reprendre le royaume et l'empire[1]. Comme la plupart des princes de sa maison, Lambert était un souverain bien intentionné. Il adopta la méthode carolingienne dans la rédaction de ses capitulaires et suivit la politique traditionnelle vis-à-vis de la papauté[2]. Ce fut lui qui, encouragé par sa mère Ageltrude, inspira vraisemblablement la rédaction du Libellus de imperatoria potestate, afin de pouvoir exercer les anciens droits impériaux sur Rome abandonnés par Charles le Chauve à Jean VIII : le pacte de Ravenne, consenti par Jean IX au printemps de 898, donna satisfaction partielle à ces prétentions[3]. Si une mort prématurée ne l'eût enlevé, dit Liudprand[4], il eût soumis le monde entier à sa domination. Cette mort, survenue l'année même du concile de Ravenne, eut pour résultat une nouvelle crise. Louis, fils de Boson et petit-fils de Louis II, appelé par les anciens sujets de son grand'père. fut fait empereur par Benoit IV le 12 février 901[5] : trois ans après, il tomba au pouvoir de Bérenger, qui lui creva les yeux et reçut à son tour la couronne impériale à Rome, le 26 novembre ou le 3 décembre 915, des mains de Jean X[6]. Assassiné en 924, Bérenger fut remplacé par d'autres rois, mais, soit lassitude de la lutte, soit indifférence, ceux-ci cessèrent de revendiquer une dignité, qui depuis plusieurs années se confondait avec celle de roi d'Italie[7]. Pendant que ces évènements s'accomplissaient au-delà des Alpes, les souvenirs de l'Empire étaient loin de s'effacer. La disparition de Charles le Gros et d'Arnulf avait été suivie de nouvelles attaques des Normands et des Sarrasins, de nouveaux dangers et de nouvelles misères[8], non que les Francs manquassent de chefs capables de commander, mais aucun d'eux n'était assez supérieur aux autres pour pouvoir leur imposer son autorité[9]. Il ne semblait cependant pas qu'il y eût lieu de désespérer. Vers 950, un moine de Montiérender nommé Adso adressa à la reine Gerberge, femme de Louis d'Outremer et sœur d'Otton Ier, une vie de l'Antéchrist. Après avoir dit comment ce monstre entouré de mages, d'enchanteurs et de devins, parcourrait les contrées jadis visitées par le Christ afin d'y détruire l'œuvre du Fils de l'homme, Adso déclarait que sa venue dans le monde coïnciderait avec le moment où tous les royaumes se sépareraient de l'empire romain ; mais, ajoutait-il, ce moment n'est pas encore arrivé, car il existe toujours des rois francs, et la dignité impériale est en eux[10]. Adso racontait encore qu'après la victoire de l'Antéchrist surgirait un prince franc, de haute stature et de majestueuse apparence, qui reconstituerait intégralement l'empire romain, anéantirait les peuples de Gog et Magog sortis de l'Aquilon où Alexandre les tenait enfermés, convertirait les Juifs, et, après cent douze ans de règne, viendrait à Jérusalem déposer son sceptre et sa couronne sur le Mont Olivier, et remettre à Dieu le Père et à son Fils Jésus-Christ lé gouvernement des chrétiens. Dans ce sauveur providentiel, on reconnait sans peine Charlemagne, dont la légende s'enrichit chaque jour de nouveaux épisodes, et qui finit par être pleuré par les païens eux-mêmes comme le père du monde[11]. Peu à peu, le siège de Pampelune se transforme en une expédition à travers toute l'Espagne, et jusqu'en Terre-Sainte on rencontre la trace du fils de Pépin[12]. Le Libellus, fort goûté en Italie et en Allemagne, exerce sur les esprits une profonde influence[13], et Liudprand, voulant expliquer pourquoi ses parents le mirent au service du fils de Bérenger, dit que l'on avait cru découvrir en celui-ci un autre David[14]. Rome enfin n'est pas oubliée. Elle reste la reine des cités, digne d'être aimée, honorée, adorée, parce que les saints apôtres Pierre et Paul y furent martyrisés[15]. Si jadis elle n'était que la tête des nations, elle est maintenant la tête de la chrétienté. Malgré les périls que présente la traversée des monts, les pèlerinages ne s'arrêtent pas, et c'est à cette époque que fut rédigée sans doute la partie la plus ancienne des Mirabilia qui nous soit parvenue[16]. Ce furent ces sentiments d'amour pour Charlemagne et pour Rome qui rendirent inévitable, vers le milieu du Xe siècle, une nouvelle restauration du pouvoir impérial. Pourquoi eut-elle lieu au bénéfice de l'Allemagne plutôt que de l'Italie ou de la France ? Il n'est pas difficile de le comprendre. L'Italie était dans un désordre lamentable. De nouvelles bandes sarrasines venues d'Afrique avaient occupé la Calabre, la Pouille, le pays de Bénévent, et mêlaient leurs exploits à ceux des infidèles installés au fond du golfe de Saint-Tropez, et des Hongrois[17]. Hugues de Provence, le successeur de Bérenger, qui garda le pouvoir pendant vingt ans, ne put rien contre les invasions ; roi à Pavie, repoussé par les Romains qui lui préférèrent Albéric, il tenta vainement de prendre la Ville, et laissa pour le remplacer son fils Lothaire, qu'il avait associé au trône de son vivant et qui mourut subitement en 950, peut-être empoisonné[18]. La France était dans un meilleur état. Ses habitants, qui semblaient mériter particulièrement le nom de Carolingiens[19], travaillaient à l'élaboration des premières chansons de gestes, et le cyclé de Charlemagne allait bientôt se répandre d'après eux dans les royaumes avoisinants[20]. Mais il semble que le culte de l'Empereur prospérât surtout dans le peuple et que les hautes classes fussent devenues insensibles au glorieux passé qu'elles entendaient chanter[21]. Les historiens français du temps, Flodoard, Richer, parlent à peine de l'Empire. D'autre part, la rivalité des Robertiens et des derniers Carolingiens absorbe toutes les forces des partis. En Allemagne au contraire, il y a absence de compétitions dynastiques, et l'élection, qui confère la royauté à des ducs militaires énergiques et heureux dans leurs entreprises, donne plus de tranquillité au pays, plus de gloire nationale et de renommée lointaine. Déjà l'éclatante campagne de Henri Ier, le fondateur de la maison de Saxe, contre les Hongrois, a évoqué la mémoire des guerres de Charlemagne, et les soldats ont crié sur le champ de bataille de Riade Vive l'empereur Henri ![22] Plus glorieux, plus fameux encore et vraiment empereur par ses victoires répétées apparaît le fils d'Henri, Otton Ier[23]. L'Allemagne reconnaît que, depuis Charlemagne, elle n'a jamais eu un pareil protecteur, et que le siècle qui l'a vu naître est un siècle doré[24] ; Adélaïde, veuve de Lothaire, désireuse de venger le meurtre de son mari, l'appelle[25]. Qui s'étonnera que le roi de Germanie ait été séduit par l'invitation d'une reine malheureuse et belle qui lui offrait sa main, et par le mirage de l'Empire ?[26] Roi d'Italie depuis le mois de septembre 951, Otton fut couronné empereur à Saint-Pierre le 2 février 963[27], et un diplôme écrit en lettres d'or régla la situation de la papauté et celle des Romains vis-à-vis de leur nouveau maître[28]. Tels sont les débuts de cet Empire, qui s'est appelé dans la suite le Saint-Empire romain germanique, qui a duré jusqu'à notre siècle et que les empereurs actuels d'Allemagne prétendent ressusciter. En réalité, il a atteint son apogée avec Frédéric Barberousse, et s'est modifié immédiatement après lui[29]. Il nous a paru indispensable de terminer notre travail, en indiquant brièvement ce que ses possesseurs crurent y mettre de souvenirs carolingiens, et ce qu'ils y mirent réellement[30]. II Les Saxons se rattachent aux Carolingiens. Otton III. Canonisation de Charlemagne.On sait ce qu'avait été la conquête de la Saxe par les Francs, résultat de la menace et de la violence, telle qu'il n'y en eut jamais de plus longue et de plus pénible[31]. Sans chercher à en atténuer la gravité ou la durée, les écrivains saxons du Xe siècle imaginèrent à son sujet des fables sans valeur, mais qui sont intéressantes à cause des intentions qu'elles révèlent et des conséquences qu'elles eurent. Ils racontèrent que Charlemagne avait vaincu Witikind dans un combat singulier engagé avec l'assentiment des deux peuples dont la liberté servait d'enjeu[32]. Un historien, qui portait le nom de l'héroïque défenseur de l'indépendance saxonne, institua entre ses compatriotes et les Francs une suite de bons rapports qui remontaient jusqu'à Thierry, le fils aîné de Clovis. Neuf chefs saxons reçus au camp du roi mérovingien auraient déclaré à celui-ci que leur peuple était prêt à combattre et à mourir pour lui ; mais, lorsque le grand Charles, plus avisé qu'aucun mortel de son temps, s'aperçut que les alliés de sa nation vivaient toujours dans l'idolâtrie qu'ils tenaient de leurs pères, il pensa que l'erreur était indigne d'une aussi noble race. Après une guerre qui se termina seulement la trentième année de son règne, les anciens alliés et amis des Francs devinrent leurs frères par la foi[33]. La religion de Charlemagne, qui lui avait suggéré sa mémorable entreprise, fut glorifiée, et la conversion de la Saxe par le roi des Francs assimilée à celle de l'Asie par saint Jean, de l'Ethiopie par saint Mathieu, de l'Inde par saint Thomas, en attendant qu'elle servît de base à sa canonisation[34]. Le partage des monarchies, exécuté à la fin du règne de
Charles le Gros, avait définitivement distingué la France occidentale, celle
qu'on appelait aussi la France romane[35] et qui est
devenue notre France, de la France orientale avec ses annexes, Saxe, Alémanie
ou Souabe, qui est aujourd'hui l'Allemagne. Les Ottons prirent comme premier
titre celui de roi des Francs, non de roi des Saxons, et bénirent l'épée
sanglante qui avait soumis le monde et fait participer les vaincus au salut
éternel[36].
Certains détails du couronnement royal d'Otton Ier, au mois d'août 936, ont à
cet égard une signification qu'on aurait tort de négliger. Aix a été choisi
comme lieu de la cérémonie, et à Aix la basilique de Charlemagne. Après
l'acclamation populaire, l'évêque consécrateur, qui est un Franc, Hildebert
de Mayence, s'avance vers l'autel où reposent les insignes de la royauté, et,
se tournant vers Otton vêtu d'une étroite tunique à
la mode franque, lui présente l'épée en ces termes : Reçois ce glaive avec lequel tu chasseras tous les
adversaires du Christ, barbares et mauvais chrétiens, et par lequel Dieu te
donne le pouvoir sur tout l'empire des Francs — auctoritate divina tibi tradita omni potestate totius imperii
Francorum[37]. En vertu de ce principe, les nouveaux rois de Germanie comptent parmi leurs illustres prédécesseurs Clovis, Clodomir, Sigebert, Childéric, Dagobert, surtout Pépin et Charles, Louis le Pieux et Lothaire[38]. Ils figurent sur des tables généalogiques qui commencent avec Arnulf, l'évêque de Metz[39], et bientôt on remarque que les deux maisons saxonne et carolingienne se sont élevées d'une manière identique. De même que Charles Martel a rempli la fonction de roi sans en avoir le titre, Otton le Vieux, duc de Saxe, a eu l'administration du royaume à une époque où il y avait encore des princes régnants de la race de Charles ; puis Henri, fils d'Otton, a été honoré comme Pépin du nom de roi ; enfin, si Charlemagne, après s'être emparé de Didier, a, le premier des Francs, obtenu l'empire, Otton le Grand, le premier des Teutons, a commandé aux Romains après la capture de Bérenger[40]. Parmi les noms inscrits sur les diplômes scellés d'un sceau d'or, que les abbés des monastères germaniques présentaient à la confirmation de leurs souverains, aucun ne revenait aussi souvent que celui du grand Charles : il était naturel et il arriva forcément que ceux auxquels on le citait comme modèle furent pris du désir de l'imiter[41]. Ce souci n'apparaît guère chez les deux premiers empereurs. D'esprit plutôt fruste, soldats avant tout, ayant assez à faire de maîtriser l'Italie et l'Allemagne et de parcourir leurs États en tous sens pour y établir l'ordre et la sécurité, Otton Ier et Otton II n'eurent ni le loisir, ni l'instruction nécessaire pour faire de grandes théories sur l'Empire ; ils vécurent au jour le jour, comme au temps où ils étaient simplement rois, et ce sont leurs panégyristes, les Thietmar et les Witikind, qui ont surtout pensé à établir entre leur gouvernement et celui de Charlemagne un parallèle plus brillant qu'exact[42]. Eux se contentèrent de déclarations vagues sur la mission impériale, qu'ils firent consister principalement dans la protection des biens des églises et des monastères[43]. Il n'en fut pas de même d'Otton III. L'élève de Gerbert avait une culture bien supérieure à celle de son père et de son aïeul, et l'on disait de lui, comme jadis de Charles le Chauve, qu'il était un philosophe[44]. Par son précepteur, l'un des hommes les plus savants de l'époque, si savant qu'on le soupçonnait d'être en relation avec le diable, il avait eu connaissance de toutes les légendes relatives à Charlemagne, et son imagination naturellement ardente était encore nourrie dans l'admiration du passé par sa grand'mère, l'Italienne Adélaïde, qui avait porté l'empire dans la maison de Saxe, par sa mère, la Grecque Théophano, qui aimait à raconter les usages pompeux de sa ville natale. Lorsque le jeune homme, âgé de quinze ans seulement, fut élevé à l'Empire, il accueillit cet honneur avec enthousiasme[45]. Mais les grands mots d'empereur et d'empire ne le surprenaient pas et n'étaient pas pour lui vides de sens. A son avis, la dignité impériale imposait à celui qui en était investi l'obligation de surpasser les autres souverains par ses bonnes œuvres et sa défense de la foi, et le meilleur moyen d'atteindre ce résultat consistait à imiter Charlemagne[46]. Le témoignage de ces sentiments existe dans les diplômes par lesquels Otton III prodigue ses bienfaits à l'église Sainte-Marie d'Aix pour l'amour et le salut de l'âme de son fondateur, le grand empereur Charles, de vénérée mémoire[47], dans l'affection qu'il porte à la ville d'Aix tout entière[48], enfin dans la recherche qu'il fit des ossements de l'empereur dont l'emplacement avait été perdu. A ce prince très religieux, l'admiration qu'il éprouvait pour son glorieux ancêtre fit oublier ce qu'il y avait de sacrilège à violer par curiosité le secret d'une tombe et à dépouiller un mort de ses vêtements, et rien ne lui sembla plus naturel que cette sinistre entrevue de l'an mil, où il put contempler à loisir l'image du deuxième fondateur de l'Empire, interroger sa pensée et toucher de la main la croix d'or suspendue à son cou[49]. Le moment était solennel. Les plus fermes soutiens de la puissance d'Otton III et les premiers conseillers de sa jeunesse venaient de mourir. Son cousin Bruno, dont il avait fait le pape Grégoire V, son aïeule Adelaïde, pour laquelle il avait, comme tous les Saxons, une vénération profonde, sa tante, l'abbesse Mathilde, étaient successivement descendus au tombeau. C'étaient, dit un annaliste, les trois colonnes de l'Église de Dieu qui s'écroulaient[50], et cette ruine montrait la nécessité d'appuyer l'empire, non sur des hommes, mais sur des institutions. Otton qui, depuis plusieurs années, cherchait les meilleurs moyens de restaurer la République, résolut de rétablir les vieilles coutumes des Romains en grande partie détruites, et, après avoir réglé les affaires d'Allemagne, partit pour Rome[51]. Magnifiquement reçu par les évêques et le pape, il élabora avec ce dernier la combinaison qui lui semblait la plus conforme aux enseignements du passé. Rome, qu'il aimait et honorait entre toutes les villes, devint la tête du monde et la capitale effective de l'empire[52]. Tandis que le pape habitait le Quirinal, l'empereur résidait sur l'Aventin[53]. Sept juges palatins couronnaient le nouveau césar et choisissaient le souverain pontife, d'accord avec le clergé de Rome ; ils avaient rang avant les évêques et les grands, se tenaient à droite et à gauche de l'empereur dans les cortèges, et menaient le pape par la main dans les processions[54]. Ce règlement semblait commandé par les circonstances, et l'association de l'empire avec la papauté se présentait dans des conditions exceptionnellement favorables. Le pape était Silvestre II, le précepteur d'Otton, tout dévoué à son élève, capable de comprendre mieux qu'aucun autre et de favoriser les rêves d'un esprit qu'il avait lui-même formé[55]. Il avait salué avec joie l'avènement d'un empereur, grec par le sang, romain parla puissance, réunissant par droit d'hérédité tous les trésors de la sagesse antique, son César, disait-il[56]. De son coté, Otton avait accordé à Saint-Pierre une nouvelle donation[57]. Bientôt parurent les tableaux synoptiques, où le Christ faisait pendant à Auguste, saint Pierre à Néron, et les autres papes aux autres empereurs[58]. Ces nouveautés, qui mécontentèrent beaucoup de gens[59], ne firent cependant que ranimer une dangereuse rivalité, opposer l'une à l'autre les deux plus hautes puissances du monde, exagérer en un mot les conséquences du règne de Louis II. En faisant son cadeau au Saint-Siège, Otton avait pris lui-même un langage agressif, déclaré fausses les concessions de Charles le Chauve à Jean VIII, affirmé que, s'il abandonnait huit comtés, c'était de son plein gré, par libéralité personnelle, par reconnaissance de disciple envers son ancien maitre[60]. Ainsi fut préparée par celui qui prétendait l'éviter cette querelle des Investitures qui remplit l'histoire des empereurs saliques, successeurs des Saxons, et dont l'âpreté nous étonne encore aujourd'hui. Il est intéressant de constater que la nouvelle dynastie chercha sa force dans un rattachement fictif à la maison carolingienne. Déjà l'avènement de Conrad II avait été salué comme si l'Empereur lui-même fût revenu[61]. Dans la suite, Henri III fut apparenté par sa mère Gisèle aux princes éprouvés des Gaules baptisés par saint Rémi à Reims, ce qui permit d'affirmer que la dignité impériale, depuis longtemps sortie de la famille de Charles, avait fait retour enfin à son antique et glorieuse descendance[62]. Tout naturellement ces princes, qui se croyaient ou se disaient sortis en droite ligne des fils de Charlemagne, cherchèrent dans les Annales de leur famille des arguments à l'appui de leurs prétentions. Un de leurs partisans les compare à ces habiles médecins qui savent recueillir et mélanger les herbages de diverses manières, et les appliquer aux différentes maladies suivant le cas[63]. Ils firent remarquer aux Romains et au pape que, toutes les fois qu'il y avait eu désaccord sur le choix d'un pontife, les empereurs avaient été priés d'intervenir. Ainsi Pépin fut invité à fournir douze évêques d'une science et d'une honorabilité reconnues, devant lesquels Etienne III déclara n'avoir jamais obéi à l'intrus Constantin, ni reçu de lui la communion[64]. Henri V, voulant prouver qu'il avait le droit de donner les abbayes et les évêchés par la crosse et l'anneau, invoqua des privilèges qui remontaient à Charlemagne[65]. Quant aux papes ordonnés par la seule faveur des Romains et sans le consentement impérial, il n'y avait pas de doute qu'ils ne fussent de faux papes, car de tout temps les évêques de Rome furent consacrés après qu'un édit impérial eut confirmé leur élection[66]. Aussi bien c'était l'intérêt de l'Église romaine que son chef eût été ordonné avec l'assentiment de l'empereur, car, sans l'appui des puissants de la terre, l'Église est condamnée à être envahie par les impies, opprimée par les tyrans, détruite par les méchants, et la colère d'un prince est terrible, témoin le sort de Nicolas Ier que Louis II tint enfermé pendant cinquante-six jours dans l'église Saint-Pierre et tortura par la faim et par le froid[67]. La mission de la papauté doit être une mission pacifique, du genre de celle qu'elle a remplie sous les petits-fils de Charlemagne[68]. La papauté n'était pas embarrassée pour répondre, et les faits historiques ne lui manquaient pas non plus pour prouver que la supériorité de l'empereur sur le Saint-Siège n'était pas si bien établie. Ses défenseurs, Manegold, Pierre Damien, le saint Jérôme du XIe siècle, ripostaient aux Benzon et aux Grégoire de Farfa, en déclarant que l'autorité impériale n'était pas inviolable si le prince était hérétique ou faible d'esprit, témoin la déposition de Louis le Pieux et celle de Charles le Gros[69]. Ils montraient Charlemagne envahissant l'Italie sur l'ordre d'Hadrien, recevant du pape le patriciat pour prix de ses services et de son humilité, et, réprimandé parce qu'il morigénait trop souvent les évêques, promettant de ne plus recommencer[70]. L'affaire d'Ebbon, l'excommunication de Lothaire II par Nicolas Ier, fournissaient matière à des discussions interminables[71], et, dans les écrits de polémique comme dans les diplômes impériaux, revenaient les souvenirs des Mérovingiens. La spoliation du dernier d'entre eux par saint Boniface et Etienne II au profit de Pépin était complaisamment rapportée par les partisans de la papauté, afin d'établir que cette maison carolingienne, jadis si puissante, n'avait dû sa fortune qu'à la faveur pontificale[72]. La vérité rie gagnait rien à ces débats qui remplissent tout le XIe siècle, et l'on ne se représente pas bien Charlemagne acceptant les injonctions ou les remontrances de l'Église ; mais, invoqués d'un côté ou de l'autre, les Carolingiens gagnaient encore en prestige. Ils furent mis à la suite des empereurs chrétiens chers aux hommes du VIe siècle, et l'on vit sur la même liste Constantin, Valentinien, Théodose, Arcadius, Honorius, Charlemagne et Louis[73]. Ce fut le prélude à l'apothéose finale du grand empereur par Barberousse. Celui-ci nous a dit lui-même qu'aussitôt après son avènement il résolut de suivre l'exemple du très grand et très glorieux empereur Charles dans sa manière de vivre et de gouverner ses sujets, et de l'avoir constamment sous les yeux, qu'il s'agît de conserver les droits de l'Église et de l'État ou l'intégrité des lois[74]. Il fit réparer les vieux palais de Nimègue et d'Ingelheim[75], ouvrit en 1165 le cercueil de Charlemagne, comme avait fait Otton III, et, après avoir placé les reliques dans un catafalque de bois au milieu de l'église, il les honora[76]. L'empereur était toujours dans le sarcophage de Proserpine en marbre blanc ; mais la légende, qui ne le quittait plus, avait trouvé cet ensevelissement trop banal, et l'on racontait qu'on l'avait trouvé dans son caveau, siégeant sur un trône d'or, en grand costume, le voile sous le diadème, l'épée au côté, le sceptre à la main, l'Evangile sur ses genoux[77]. Malheur à Otton III qui avait osé profaner son recueillement ! Il avait encouru le châtiment de l'éternel vengeur, qui l'avait frappé d'une mort prématurée[78]. Barberousse avait évité cette malédiction, parce qu'il avait eu un noble but : celui de faire canoniser son héros. Charles était maintenant un saint. II est vrai que ce saint avait été fait par un antipape, mais qu'importe[79] ! A ce moment, l'assimilation de la jeune Allemagne à la vieille Francie est parfaite : elle ne s'appuie sur rien moins qu'un décret de l'empereur Valentinien qui nomme Francs les Teutons, et elle se complète par l'exclusion des Francs de l'ouest dont on a découvert enfin la véritable origine[80]. Ces gens, qui habitent Reims, Paris, les rives de la Loire et celles de la Seine, sont simplement des Gaudini, que le Teuton Charles Martel a réunis à ses États et auxquels il a bien voulu donner le nom de Francigenœ, c'est-à-dire nés des Francs[81]. La légende troyenne ajoute encore à ces fables. D'Anchise elle fait sortir Enée, Ascagne, et tous les empereurs d'Italie jusqu'à Charlemagne ; de Priam le jeune, neveu du grand Priam, toute la noblesse teutonique jusqu'au même Charles. En celui-ci s'accomplit la fusion, car son père, Pépin, était un prince teutonique, et sa mère, Berthe, la petite-fille de l'empereur romain Héraclius. Teuton par son père, romain par sa mère, quel éclatant présage de sa gloire future[82] ! Puisque nos empereurs descendent des Troyens et par eux des rois d'Athènes, il est évident, conclut Godefroi de Viterbe, le notaire de Frédéric Barberousse, qu'on peut remonter, en suivant leur généalogie, jusqu'au Déluge, et, partant de ce principe, il construit un tableau dans lequel Charlemagne figure comme héritier d'Héraclius, et où l'empire germanique obtient l'éternité du passé en attendant celle de l'avenir[83]. III Les couronnements impériaux, d'Otton à Barberousse. Aspiration des empereurs germaniques au dominium mundi : doctrine de la Translation.Les emprunts faits par les empereurs saliques à l'histoire carolingienne, la célébrité croissante de Charlemagne, les prétentions de Barberousse et d'Otton III à l'imiter et à le suivre eu tout montrent jusqu'à quel point les souvenirs de l'ancien empire vivaient dans le nouveau. C'était en effet le gouvernement du monde, tel qu'il avait existé aussitôt après l'an 800, que Franconiens, Saxons et Souabes croyaient à chaque instant restaurer, et c'est aussi la paix carolingienne que les populations attendaient[84]. Etait-ce bien la tradition de Charlemagne qui renaissait avec le Saint-Empire : c'est ce qu'on va voir, en analysant les caractères essentiels de l'institution impériale du Xe au XIIe siècle. Le couronnement des empereurs germaniques est bien connu, grâce à plusieurs procès-verbaux qui nous sont parvenus et aux récits des chroniqueurs[85]. On sait qu'après une messe où il avait sacré le futur empereur, le pape, prenant la couronne déposée sur l'autel du Prince des Apôtres, la mettait sur la tête de celui qui devenait désormais le prince couronné par la volonté de Dieu et l'intercession de Saint-Pierre[86]. Les deux cérémonies se suivaient immédiatement ou à un jour d'intervalle ; mais, à n'en point douter, l'onction était la plus importante, d'abord parce qu'elle avait lieu la première, ensuite parce que tous les chroniqueurs en parlent et négligent généralement l'imposition des mains. Unctionem suscepit imperii, et quelquefois, mais plus rarement, imperialem benedictionem accepit, telle est la formule, et elle signifie que le roi a consenti à devenir l'avoué de Saint-Pierre, le patron et le défenseur de l'Église romaine[87]. Ainsi, Henri II, arrivé aux portes de la basilique, escorté de seize sénateurs dont six rasés, promet aide et protection au Saint-Siège afin de recevoir l'autorisation d'entrer[88]. En dehors de la couronne, il y avait d'autres insignes de la puissance impériale : la croix, la lance de saint Maurice, qui venait de Boson, le sceptre, le globe et le glaive pour punir les méchants et glorifier les bons[89]. A l'exception du glaive qui n'apparaît que plus tard, ils existent tous à la mort d'Henri IV[90]. Otton III lègue la lance à son successeur[91] ; Benoit VIII remet à Henri II un globe d'or entouré de pierres précieuses et surmonté d'une croix d'or[92]. Il fallait voir Barberousse, les jours de fête, s'avançant avec cette parure, sans que sa démarche en fût alourdie. Son visage brillait de satisfaction ; le diadème étincelait sur sa chevelure fauve qui retombait en boucles crépelées du sommet du front sur le cou ; il avait une épée d'or au côté, des éperons d'or aux talons, un globe d'or dans la main gauche et le sceptre dans la droite. Devant lui étaient portées la Sainte Croix et la lance, tandis que derrière se pressaient, en rangs serrés, les archevêques, les évêques, les abbés, les margraves, les ducs, les comtes et les patrices avec leurs circuli sur la tête et leurs manteaux verts sur les épaules. Seigneur, s'écrie un évêque, quel est cet homme pour que tu le glorifies ainsi, et que, pour lui, tu laisses fléchir ton cœur ![93] La Cité éternelle avait le monopole de ce genre de spectacle, car, si Aix restait la capitale du royaume des Francs ou du royaume teutonique, conformément à la volonté de Charlemagne[94], Rome dorée était la capitale de l'empire[95]. Bien qu'il s'intitulât d'avance roi des Romains par l'ordination divine, le roi de Germanie n'avait que l'apparence du pouvoir — speciem dominantis —, un vain nom sans objet — sine re —, tant qu'il n'avait pas la puissance de la ville de Rome — urbis Romance potestas —, c'est-à-dire les consuls, le sénat et le peuple, les grands et les petits, les fidèles dont il était le dominus, les fils dont il était le père, les citoyens dont il était le concitoyen[96]. Rome conquise, l'Empire était à lui[97]. Il fallait donc à tout prix mettre la main sur elle, pénétrer à Saint-Pierre malgré les obstacles, arracher et emporter la précieuse couronne, et tous les moyens étaient bons pour y arriver. Lorsque les Italiens virent les premières bandes germaniques, celles d'Otton Ier, apparaitre sur le Monte-Mario, ils crurent reconnaître des Barbares dans ces hommes à l'aspect farouche, qui ignoraient le latin, trairaient derrière eux des chariots et des machines, et marchaient sous la conduite d'un chef au visage sanguin, les yeux sortant de la tête comme ceux d'un cholérique[98]. Ce fut en cet équipage que les successeurs d'Otton se présentèrent aux Romains, et sous la protection des troupes campées sur le Monte-Mario qu'ils se risquèrent dans la ville. L'empire des Francs, disait Barberousse, s'achète avec le fer allemand[99]. Au XIIe siècle fut entreprise une immense compilation en
18.500 vers, le Kaiserchronik, qui commençait à César et devait finir
à Rodolphe de Habsbourg[100]. Dans les
grandes chroniques comme celles d'Ekkehard et de l'Annaliste saxon, qui ont
un caractère universel, les années sont comptées depuis la fondation de la
ville — ab Urbe condita —, et les
rangs des empereurs depuis Auguste[101]. Après tous les empereurs romains depuis Jules César,
dit encore Godefroi de Viterbe[102], nous plaçons en dernier lieu notre seigneur Frédéric et
son fils Henri, sixième du nom. Couronné à Rome, le souverain
germanique devient en effet un empereur auguste, un empereur romain ;
Constantin, Justinien, Valentinien, Théodose, Marcien sont ses prédécesseurs,
et conséquemment son empire est un empire romain[103]. Otton III se
fait représenter sur son sceau, la tête couronnée de lauriers, avec une pique
surmontée d'un fanon et la légende : Renovatio
imperii romani[104]. Ces mots
doivent être pris ici dans leur sens littéral. L'empire romain, c'est l'empire
de la ville de Rome — imperium urbis Romæ
—, de la ville aux glorieux souvenirs, de Scipion, Caton, Fabius, Cicéron,
ou, en remontant plus haut encore, de Tarquin l'Ancien, de Tullus, du père
Enée et du farouche Rutule[105] ; c'est aussi
la royauté d'Italie. Après que j'eus reçu à Aix la première onction et la couronne de roi allemand, écrit Barberousse dans sa Lettre-préface aux Gestes d'Otton de Frisingue, je suis entré en Lombardie avec une forte troupe... A Monza, j'ai reçu la couronne... De là, j'ai pris mon chemin vers la Romanie, et à Rome le pape a répandu sur ma tête la bénédiction de la couronne impériale romaine[106]. La même pensée est contenue dans les vers suivants : Scribere
vera volens, quot sint loca prima corone, Quatuor imperii sedes video ratione, Nomina
proponam, sicut et acta sonant. Primas
Aquisgrani locus est, post hec Arelati, Inde
Modoetie regali sede locari, Post solet Ytalie somma corona dari[107]. Ainsi le roi de Germanie, après avoir passé les Alpes, est créé roi d'Italie à Monza — auparavant à Pavie —, et, lorsque les provinces lombardes ont accepté la société du royaume germanique, le premier pas vers l'Empire est fait[108]. Liutprand, Ratchis, Didier, Lambert, Bérenger, deviennent des prédécesseurs. Le palais de Théodoric à Ravenne est remis à neuf par Otton III[109]. Henri II, placé sur le trône royal à Pavie par l'archevêque et les grands et chassé par une pluie de pierres et de flèches, reçoit seulement l'empire à Rome dix ans après[110]. La conception des empereurs germaniques ne s'arrête pas
là. Elle va plus loin que l'absorption de la ville et le gouvernement de
l'Italie, jusqu'à la domination complète de tous les territoires placés jadis
sous l'autorité romaine ; en d'autres termes, Rome ayant été la maîtresse du
monde donne é celui qui la possède le dominium
mundi[111]. Ces
prétentions apparaissent déjà, mais avec une certaine réserve, au temps de la
dynastie saxonne. Dans un diplôme daté de Rome le 23 janvier cool, Otton III
s'intitule : Otto III Romanus Saxonicus et
Italicus, apostolorum servus, dono Dei Romani orbis imperator augustus[112]. Henri II fait
inscrire sur le cercle de la couronne impériale et sur son sceau le vers
fameux qui, d'après les Mirabilia, était jadis gravé sur le tombeau de
César : Roma caput mundi regit
orbis frena rotundi[113]. Avec les empereurs saliques et souabes, ces idées s'affirment et se réduisent en corps de doctrine, en même temps quelles trouvent une base juridique dans l'étude du droit romain et particulièrement des Pandectes[114]. Dès 1047, Henri III déclare s'appuyer sur les constitutions du divin Justinien et du divin Théodose. Les défenseurs d'Henri IV invoquent la lex Julia majestatis[115]. Henri V, qui recevra l'empire avec une joie comparable à celle d'Otton III, ne se fait pas accompagner seulement au-delà des Alpes par des soldats, mais par un historiographe qui racontera ses exploits à la postérité, et par des lettrés prêts à rendre raison à tout venant[116]. En 1142, Conrad III écrit à l'empereur Jean de Constantinople que la France, l'Espagne, l'Angleterre, la Danie, et tous les royaumes adjacents lui envoient chaque jour des ambassadeurs pour protester de leur obéissance et de leur respect, et affirmer, sous la foi du serment, qu'ils sont prêts à exécuter les mandements de son empire[117]. Comme Conrad a depuis longtemps en son pouvoir Rome, l'Italie, l'Apulie, la Lombardie, et, dans son entourage, les plus illustres représentants de la noblesse romaine, franque, bavaroise, saxonne, alsacienne, souabe et lorraine[118], on comprend que son neveu et successeur déclare que la Providence divine lui a confié le gouvernement de la ville et du monde[119]. Il est difficile d'admettre l'authenticité de la lettre à Saladin, où Barberousse déclare que non-seulement les Francs, les Anglais et les Bourguignons lui sont soumis, mais les deux Éthiopies, la Parthie, où a succombé prématurément son lieutenant Crassus, l'Égypte, où Antoine s'est laissé séduire par Cléopâtre : il est certain cependant qu'il ne l'eût pas désavouée[120]. Pour ses fidèles comme pour lui-même, l'empereur germanique était le maître des maîtres du monde[121], dominus et imperator urbis et orbis[122]. De la mer à la mer, du levant au couchant, les hommes avaient les yeux tournés vers lui[123] ; il commandait aux poissons des eaux comme aux volatiles du ciel ; il était le monarcus, le monocrator[124], non-seulement en ce sens qu'il avait la toute-puissance dans ses États, que sa volonté y faisait loi et que quiconque y contredisait était criminel et hérétique, mais parce que le monde entier lui était soumis[125]. Comment un souverain aussi magnifique, maître en droit de toute la terre, aurait-il admis l'existence. d'un concurrent, d'un égal, d'un autre empereur romain ? L'eût-il voulu que ses juristes, s'appuyant sur des textes de lois implacables, ne l'eussent point permis. Le frère unique et très cher ami, comme on nommait quelquefois en Allemagne l'empereur de Constantinople, n'était au demeurant qu'un subalterne, l'illustre et glorieux roi des Grecs[126]. Le seul empereur auguste des Romains était par définition même celui qui régnait à Rome, et le seul empire romain celui où on parlait latin et qui avait Rome dans ses limites. Tout le monde sait, écrivait encore Conrad III au César byzantin Jean[127], que votre nouvelle Rome n'est que la fille de notre république romaine, et que si nous avons pour elle les sentiments d'une mère envers sa fille, il faut qu'elle rende à sa mère ce qu'elle lui doit, c'est-à-dire gloire et honneur, qu'elle accepte son autorité, ses secours, ses conseils. Ces prétentions, qui faisaient bondir les empereurs grecs et leurs officiers, eurent une conséquence capitale. Les défenseurs du droit impérial, cherchant dans l'histoire quelque argument solide pour les appuyer, supposèrent que l'empire romain, transféré autrefois à Byzance par Constantin le Grand, fils d'Hélène, avait de nouveau été ramené à Rome en 800[128]. C'est la fameuse doctrine de la Translation, que l'on rencontre à l'état embryonnaire chez quelques écrivains de la seconde moitié du IXe siècle et entièrement développée au milieu du XIIe[129]. Elle est simple et logique dans ses déductions. Toute puissance humaine, comme toute sagesse, doit commencer en Orient pour finir en Occident ; ainsi l'empire a passé successivement des Mèdes aux Perses, des Perses aux Macédoniens et aux Romains, des Romains aux Grecs, puis aux Francs. Les empereurs de Constantinople ayant cessé de secourir l'Italie contre les Lombards et versé dans l'hérésie, Rome écrivit à sa fille qu'elle la reniait ; elle se choisit d'autres enfants supérieurs par leur noblesse et leurs vertus ; les peuples de la Gaule et de la Germanie devinrent ses fils, et leurs rois les empereurs de la République et les patrices de l'Église romaine[130]. IV Le Saint-Empire ne rappelle l'empire de Charlemagne, ni par ses procédés, ni par son idéal.Quand on a entendu les empereurs germaniques s'affirmer avec une sincérité indiscutable les successeurs, les imitateurs et les continuateurs de Charlemagne, quand on a vu ces mêmes princes, possesseurs d'une partie seulement des États de Charlemagne[131], venir à Rome demander au pape l'onction qui doit les faire empereurs, après s'être assuré à Monza ou à Pavie la soumission des Italiens effrayés par le furor teutonicus, quand on les entend proclamer Rome capitale, quand on les voit enfin, chamarrés d'insignes et d'oripeaux, réclamer le dominium mundi, on se demande où est la ressemblance avec le glorieux empereur carolingien accueilli par les Romains comme un père, couronnant de ses propres mains l'héritier de son trône dans l'assemblée des grands de sa nation, laissant l'Italie à son fils cadet, puis à son petit-fils bâtard, et simple, sa vieille épée au côté, une peau de bête sur les épaules, se contentant, aux jours de grandes fêtes, d'une couronne d'or comme signe extérieur de sa puissance[132]. Tout en reconnaissant que les procédés d'Otton Ier furent différents de ceux de Charlemagne, l'historien Giesebrecht veut que l'idéal de ces deux princes, également guerriers et conquérants, ait été le même[133]. Cela encore n'est point exact. Lorsque Charlemagne prosternait sous ses pas les nations barbares, il avait pour but de les convertir ; la religion était la raison d'être, le droit et aussi la limite de son ambition, et, s'il aimait à rappeler les règnes de Constantin et de Théodose, c'était parce que ces princes avaient mis leur bras au service de l'Église. Les rois chrétiens étaient pour lui des frères, non des subordonnés, et les conseils qu'il leur donnait étaient relatifs au dogme et à la foi ; dans la correspondance avec les empereurs grecs, écrite sur le ton de la plus grande bienveillance et de la plus parfaite égalité, on chercherait en vain une phrase, un mot ayant pour objet d'établir que l'événement de l'an 800 les avait dépossédés de leur puissance[134]. Bryce remarque que déjà le gouvernement d'Otton Ier a un caractère beaucoup moins ecclésiastique, que la religion occupe dans son esprit et son administration une place moins importante, qu'il fit moins de guerres pour elle[135]. Cette différence primordiale s'accentua avec une rapidité extraordinaire, et le souvenir, qui domina bientôt tous les autres, effaça complètement au XIIe siècle celui de l'Empire chrétien, ce fut le souvenir de la monarchie conquérante et maîtresse du monde. Rome de l'empereur Jules César remplaça Rome de Théodose, et les lois qui établissaient la toute puissance du prince firent oublier celles qui avaient été portées contre les idolâtres[136]. Tel fut le véritable sens de ce dominium mundi, en lequel finirent par se concentrer tous les droits et toutes les aspirations des empereurs germaniques[137], et qui sera précieusement recueilli sous cette forme par la maison d'Autriche. Les chefs du Saint-Empire ne furent pas sans s'apercevoir de cette contradiction. Ils savaient que Charlemagne avait travaillé comme un athlète vigoureux à la conversion des nations barbares, et c'est là-dessus que Barberousse s'appuya pour obtenir sa canonisation[138]. Ils employèrent donc des formules capables de faire illusion. Eux aussi, ils citèrent avec complaisance Justinien et Théodose, se nommèrent empereurs chrétiens, chefs de l'empire chrétien, et leur Rome fut celle des Saints-Apôtres[139] ; mais la qualité de vicaire du Christ qu'ils s'arrogeaient ne servait qu'à favoriser encore leurs prétentions à l'omnipotence. On ne voit pas qu'ils aient utilisé la succession de Théodose autrement que pour réunir des conciles utiles à leurs desseins, déposer et imposer les papes à leur gré[140]. Henri III se fit créer patrice au Latran après avoir reçu l'Empire à Saint-Pierre, parce qu'il pensait que cette nouvelle dignité lui conférait le droit de donner l'investiture aux papes et aux évoques ayant des regalia[141]. Charlemagne avait cependant refusé de juger Léon III, et il avait renoncé au patriciat après avoir obtenu l'Empire. Loin de moi la pensée d'incriminer les empereurs germaniques et de leur reprocher de n'avoir pas refait, avec les hommes du XIIe siècle, les institutions du IXe. Ce serait un non-sens et une injustice. Deux causes principales s'opposaient à une restauration du primitif empire carolingien : d'abord l'évolution qui avait substitué le principe des nationalités à celui de la monarchie vraiment universelle et chrétienne, ensuite la légende qui avait défiguré Charlemagne et enseigné aux princes un empereur tout à fait différent de la réalité. D'autre part la corruption qui régnait à Rome avant la réforme de Grégoire VII et les tentatives de la papauté pour subordonner l'autorité laïque expliquent bien des erreurs. Celui qui se crut le mieux documenté sur les anciennes coutumes impériales et qui, aux yeux des contemporains, passa pour les avoir à peu près rétablies, Otton III, s'y trompa complètement. Les fanatiques de l'autorité impériale eurent beau l'admirer comme la merveille de son siècle, estimer que ses mœurs et son activité supérieure à son âge lui avaient mérité la récompense éternelle, ils eurent beau le citer comme modèle à Henri IV pour la subtilité de son esprit[142] : la fameuse constitution romaine, soi-disant renouvelée du temps de Charlemagne, était faite en partie avec la notice des dignitaires de la cour byzantine, en partie avec le Libellus de imperatoria potestate in urbe Roma[143]. A vrai dire, si l'on veut instituer à tout prix une comparaison entre l'empire germanique et l'empire carolingien, c'est à la seconde partie du IXe siècle qu'il faut se reporter, an moment où l'empire se trouva transformé par les conséquences logiques du traité de Verdun. L'empereur admiré par les Otton et les Hohenstaufen et imité par eux dans leurs actes et jusque dans leur costume, c'est Louis II violentant Nicolas Ier, c'est Charles le Chauve allant à Rome demander à Jean VIII l'onction impériale, associant la royauté italienne à l'empire, et, au retour dans ses Etats héréditaires, trônant à l'assemblée de Ponthion dans ce vêtement oriental qui soulevait les railleries des écrivains allemands de l'époque, et que leurs descendants trouvèrent superbe quand il fut porté par Barberousse[144]. FIN DE L'OUVRAGE |
[1] Ann. Fuld. contin, ratisb., a 896.
[2] Voir dans KRAUSE, Cap., p.109-110, le LAMBERTI Capitulare Ravennas, dont les dispositions principales sont empruntées à la législation carolingienne. Cf. SCHIRMEYER, Kaiser Lambert. Göttingue, 1900.
[3] LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège à l'époque carolingienne, p. 192. — Le texte du pacte de Ravenne est dans KRAUSE, Cap., p. 124 sq.
[4] LIUDPRAND, Antapodosis,
I, 44.
[5] JAFFÉ, Reg. n° 3528 ; REGINONIS Chron.,
SS. I, p. 607-608.
[6] JAFFÉ, Reg.
n° 3554.
[7] HIMLY, De
sancti romani imperii indole, p. 11.
[8] Ann. Fuld. contin. ratisb., a. 887 ; Ann. Vedastini, a. 887 ; Widonis Capitalutio electionis, dans KRAUSE, Cap., p. 104-106 ; Hludowici regis arelatensis electio, dans KRAUSE, Cap., p. 376-377 ; Libellus de imperatoria potestate. SS. III, p. 722. — Les évêques italiens et provençaux s'expriment à peu près dans les mêmes termes, ainsi que l'assemblée d'Arles.
[9] REGINONIS Chron. SS. I, p. 598. Le Libellus au contraire suppose que la valeur ou la science du gouvernement a manqué aux successeurs de Charles le Chauve (SS. III, p. 722), mais l'objet de ce factum étant de servir les plans de la maison spolétaine, on ne saurait attacher de valeur générale à une opinion particulière et intéressée.
[10] ADSO, Vita Antechristi dans MIGNE, P. L., t. CI, col. 1295. Vers la même époque, l'auteur de l'histoire des abbés de Lobbes, Folcuin, déclare que l'empire des Francs fait partie de la république des Romains, à cause de la communauté d'origine des deux peuples (Gesta abbataum lobiensium. Prologus. SS. VI, p. 55). D'ailleurs, il est certain qu'Adso s'est servi, pour composer son traité, d'écrits antérieurs, comme ceux attribués à Bède (MIGNE, P. L., t. XC, col. 1185-1186). Sur l'antiquité de la prédiction, d'après laquelle l'Antéchrist devait clore le sixième âge du monde, voir GRAF, o. c., t. II, p. 481, et, sur la légende de l'Antéchrist en général, consulter W. BOUSSET, Der Antichrist, Gœttingue, 1895.
[11] ADEMARI, Hist., II, 9 (SS. IV, p.
118).
[12] Le récit le plus ancien d'un voyage de Charlemagne en Palestine est celui de Benoit, moine du couvent de Saint-André au pied du Mont-Soracte, qui vivait dans la première moitié du Xe siècle et termina son œuvre en 968 (BENEDICTI sancti Andreæ monachi Chronicon, 23. SS. III, p. 708-711). Cf. ÉBERT, t. III, p. 477 sq. ; G. PARIS, Histoire poétique de Charlemagne, p. 55 sq. ; LÉON GAUTIER, Les Épopées françaises, t. III. p. 270 et sq. (Notice bibliographique et historique sur le voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople).
[13] IUNG, Geber den sogenannten Libellus de imperatoria potestate in Urbe Roma (Forschungen zur deutschen Geschichte, t. XIV, p. 412-413). Benoît de Saint-André a certainement emprunté au Libellus sa description légendaire du tribunal carolingien installé au palais du Latran (Cf. SS. III, p. 21 et SS. III, p. 720).
[14] LIUDPRAND, Antapodosis, V, 30.
[15] LIUDPRAND, Antapodosis, I, 25 ; Legatio, 62. — Libellus de imperatoria potestate. SS. III, p. 719, lignes 45-50.
[16] Les Annales de FLODOARD, a. 931, 936, 939, 940, mentionnent de nombreux pèlerinages, notamment celui de Robert, archevêque de Tours, qui, revenant en France, fut assailli la nuit sous sa tente et égorgé avec ses compagnons (SS. III, p. 379 sq.) — Sur les différentes rédactions des Mirabilia, voir GREGOROVIUS, o. c., t. IV, p. 607-608 et GRAF, t. I, p. 60.
[17] LIUDPRAND, Antapodosis, II, 44.
[18] Le récit le plus complet de ces évènements est celui de LIUDPRAND, Antapodosis, livres III et IV. Voir aussi les Annales de FLODOARD. SS. III, p. 376 sq. Ces dernières l'apportent la mort de Lothaire, à l'année 950, dans les termes suivants : Berengarius quidam princeps Italiæ, veneno, ut ferunt, necato Lothario rege, Hugonis filio, rex efficitur Italiæ. — Cf. POUPARDIN, Le Royaume de Provence, p. 218 sq.
[19] WAITZ, Deutsche Verfassungsgeschichte, t. V, p. 123, n. 4 ; LOT, Les Derniers Carolingiens, p. 303-306.
[20] Cette idée est l'idée maitresse du livre de G. PARIS. Voir en particulier l'Introduction, p. 26 sq.
[21] Les prétendus efforts de Charles le Simple pour exercer la plénitude de l'autorité royale dans toute l'étendue de l'empire carolingien ne reposent que sur le témoignage de Rucher, qui a outrageusement altéré la vérité, quoi qu'on ait dit pour l'excuser (BARDOT, Remarques sur un passage de Richer, Annales de la Faculté des Lettres de Lyon, t. VII, p. 1-39). Cependant les évêques de Provence choisissent Louis l'Aveugle comme roi, parce qu'il est ex prosapia imperiali et parce que Charles le Gros lui a déjà conféré la dignité royale (KRAUSE, Cap., p. 377).
[22] WIDUKIND, Res gestæ saxonicæ, I, 39. — Sur l'emplacement de cette bataille, qu'on appelait autrefois la bataille de Mersebourg, voir GIESEBHECHT, Geschichte der deutschen Kaiserzeit, t. I, p. 232 et BŒHMER-OTTENTHAL, Reg. n° 43 c.
[23] WIDUKIND, III, 56. Cf. Ibid., III,
62.
[24] THIETMARI Chron., II, 45. Cf. Ibid.,
p. 18.
[25] REGINONIS Contin. (SS. I, p. 621).
[26] Les faits sont suffisamment clairs par eux-mêmes, et je ne vois pas que ce soit la croyance au caractère germanique de l'Empire qui ait incité Otton à demander à Jean XII la couronne de Charlemagne ni déterminé le pape à accorder ce qui lui était demandé (C'est ce qu'a soutenu LEROUX, La Royauté française et le Saint-Empire romain au Moyen-Age, Revue hist., t. XLIX, p. 241-288). Le rôle du pape en 962 fut très effacé ; il se borna à solliciter un secours contre Bérenger, tandis que l'aristocratie italienne faisait la même démarche (REGINONIS Contin. SS. I, p. 624). Quant au caractère de l'Empire, il était aussi peu germanique que possible à ce moment, puisqu'il avait été occupé depuis un siècle par un Français, trois Italiens, un Provençal, et seulement deux Allemands, Charles le Gros et Arnulf. DÜMMLER, o. c., t. III, p. 181, dit lui-même que Charles le Gros fut le premier empereur purement allemand. La réfutation de l'article de Leroux par LOT (Revue hist., t. L, p. 147-151) est d'ailleurs péremptoire, et la réponse de Leroux (Revue hist., t. L. p. 408-414) n'a rien diminué de sa valeur, au contraire. Conformément à l'avis unanime des historiens, Otton a reçu l'empire parce qu'il était le plus puissant des princes de son époque et le seul qui évoquât dans une certaine mesure le souvenir de Charlemagne (WAITZ, Deutsche Verfassungsgeschichte, t. V, p. 9 ; GREGOROVIUS, t. III, p. 321 ; GIESEBRECHT, T. I, p. 376 sq.).
[27] BŒHMER-OTTENTHAL, Reg. n° 196 e, 309 c.
[28] Voir Th. SICKEL, Das Privilegium Otto I für die römische Kirche vom Iahre 962, Innsbruck. 1883, accompagné du texte (p. 178-182) et d'un fac-simile ; PERTZ, LL. II, p. 29. — L'authenticité du diplôme d'Otton Ier, renouvelé de celui de Louis le Pieux et de la Constitution romaine de 824, a été discutée à plusieurs reprises, et récemment encore par E. SACKUR (Das römische Pactum Ottos I. N. Archiv. ann. 1900, t. XXV, p. 409-424), mais il semble bien que la remarquable étude de Sickel ait définitivement tranché le débat et qu'on doive tenir la pièce pour conforme à l'original. Cf. BAYET, Revue hist., mai 1884, p. 161-165.
[29] BRYCE, oc. p. 265 sq. ; ZELLER, Histoire d'Allemagne, t. V. La Chute de l'Empire germanique au Moyen-Age, 1 vol. Paris, Perrin, 1855. — C'est avec Barberousse que l'expression de Saint-Empire romain se complète par l'adjonction du mot saint (LL. II, p. 100 ; OTTON DE FRISINGUE, II, 30), non que Frédéric ait voulu répondre ainsi aux prétentions de la sainte Église catholique, comme le dit BRYCE, p. 261, mais parce que l'empire romain était qualifié de saint depuis longtemps. Déjà les empereurs saxons avaient reçu le qualificatif de divins (MGH. Diplomata, t. II, p. 506, 508, 644).
[30] On s'est généralement borné à comparer les deux empires au moment de leur fondation, l'empire de Charlemagne avec celui d'Otton. Voir notamment BRYCE, oc., p. 185-18.7 ; GREGOROVIUS, oc., t. III, p. 332-334 ; GIESEBRECHT, Deutsche Kaiserzeit, t. I, P. 476-484. — L'opinion de Giesebrecht est trop favorable à Otton ; inversement, celle de ZELLER (Histoire d'Allemagne, t. II, p. 44, 253, 351) est beaucoup trop sévère, et souvent injuste.
[31] EINH., Vita
Karoli, 7 ; ALCUINI Epistolœ, 7.
[32] Vita Mathildis reginœ, 1 (SS. IV, p. 285). — Cette vie fut composée dans les dix ans qui suivirent la mort de Mathilde (28 février 968) au couvent de Nordhausen, que la veuve d'Henri Ier avait elle-même fondée (WATTENBACH, Deutschlands Geschichtsquellen, t. I, p. 317).
[33] WIDUKIND, I, 15.
[34] Ann. Quedlinburg, a. 814 (SS. III, p. 41). — Diplôme pour la canonisation de Charlemagne, art. 2. — Cf. Pœta saxo, l. IV, vers 675-688.
[35] LIUDPRAND, Antapodosis,
II, 14, 16. Cf. WAITZ, Deutsche Verfassungsgeschichte, t. V., p. 123, n. 3.
[36] Th. SICKEL, Diplomata regum et imperatorum Germaniœ, t. I et II. Voir dans LIUDPRAND, II, 26, le discours d'Henri Ier à ses soldats, au moment d'engager la bataille de 933.
[37] WIDUKIND, II, 1. Cf. GIESEBRECHT, Deutsche
Kaiserzeit, t. I, p. 243.
[38] Diplomata regum et imperatorum Germaniœ, t. I, p. 110, 237-238, 270, 279, 298, 360, 396 (diplômes d'Otton I), t. II, p. 15, 171, 194, 238, 261, 270, 311 (diplômes d'Otton II) etc. On peut citer, comme l'une des formules les plus significatives et les plus complètes, celle d'un diplôme d'Otton II du 4 juin 980 (Diplomata, t. II, p. 248). — De même, les Carolingiens s'étaient, dans leurs diplômes, rattachés aux Mérovingiens (FUSTEL DE COULANGES, Les Transformations de la royauté pendant l'époque carolingienne, p. 219).
[39] Regum et imperatorum Catalogi (SS. III, p. 213-218).
[40] OTTONIS FRISING. Chron., VI, 24. — Les princes de la race de Charles dont il s'agit sont Arnulf, et surtout Louis l'enfant, mort le 24 septembre 911 (BŒHMER-MÜHLB., Reg., n° 2011 b).
[41] Dans le célèbre diplôme de l'abbaye de Farfa du 3 octobre 998, Otton III raconte lui-même que, sortant de Rome, il vit venir à lui l'abbé de ce monastère (Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. II, p. 759). Le même Otton III confirme les privilèges de l'abbaye de Fulde, et Otton Ier ceux de l'église de Trèves dans des conditions tout-à-fait identiques (Diplomata, t. I, p. 193, t. II, p. 412).
[42] Bien que très différent d'aspect, l'un vigoureux et gros, l'autre petit et faible, Otton ter et Otton il furent l'un et l'autre des rois guerriers, et leur culture littéraire semble avoir été peu développée. Otton Ier, n'apprit à lire que dans sa 35e année et sur les instances d'Adélaïde ; il savait à peine le latin. Otton II subit dans une certaine mesure l'influence civilisatrice de sa mère et de sa femme, mais GIESEBRECHT (t. I, p. 550) a fortement exagéré les résultats. Exagéré aussi est le tableau de la Renaissance ottonienne par Lamprecht destiné à faire pendant à la Renaissance carolingienne (KARL LAMPRECHT, Deutsche Geschichte, t. II, p 239 sq.). Cf. ZELLER, Histoire d'Allemagne, t. II, p. 359.
[43] Dipl. d'Otton Ier pour l'église de Parme (Diplomata, t I. p. 333). — Dipl. d'Otton pour Saint-Maximin-de-Trèves (Diplomata, t. I, p. 396). — On trouve de nombreuses formules du même genre dans la diplomatique d'Otton II ou d'Otton III, et encore dans celle d'Otton Ier (Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. I, p. 401, 411 sq. t. II, p. 40, 63, 260 sq.). Il ne faut pas leur accorder trop d'importance, car elles ne font le plus souvent que renouveler des formules de l'époque carolingienne.
[44] ADEMARI, Hist., III, 31 (SS. IV, p.
129).
[45] Voir la lettre qu'il écrivit à ce sujet à sa grand'mère Adélaïde (Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. II, p. 605).
[46] Diplomata, t. II, p. 679. — Ibid., t. II, p. 731.
[47] Diplômes pour l'Église d'Aix, des 12 octobre 997 et 6 février 1000, dans les Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. II, p. 676, 776.
[48] Ann. Quedlinburg., a. 1000 (SS. III, p. 77).
[49] THIETMARI Chron.,
IV, 47.
[50] Ann. Quedlinburg, a. 1000 (SS. III, p. 77).
[51] Diplôme pour l'abbaye de Farfa (Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. II, p. 759). — Cf. THIETMARI Chron., IV, 27, 47.
[52] Diplomata, t. II, p. 819-820. — THIETMARI Chron. IV, 48.
[53] Depuis Charlemagne, les empereurs qui visitaient Rome habitaient à Saint-Pierre ou au Latran, mais ils n'avaient pas de demeure particulière dans la ville ; Otton III est le premier qui ait eu l'idée de créer un palais impérial à Rome (GREGOROVIUS, o. c., t. III, p. 444-445).
[54] La Constitution d'Otton III, dont il ne reste que les deux fragments découverts par Mabillon et Pertz et anciennement publiés par Blume (Rheinisches Museum für Jurisprudenz, t. V, p. 125), a été souvent analysée, en particulier par Olléris (Œuvres de GERBERT, p. CLXXI-CLXXII). On en trouvera le texte en Appendice dans GIESEBRECHT, t. I, p. 892-894. Les rapports de l'Empire et de la papauté sont surtout visés dans ce document, mais, comme le fait observer GREGOROVIUS (t. III, p. 460), il est vraisemblable que les Romains reçurent aussi une constitution.
[55] Cf. KARL LUX, Papst Silvesters II Einfluss auf die Politik Kaiser Otton III, Breslau, 1898.
[56] Dans le préambule du Libellus de rationali et ratione uti dédié à Otton III en 998, Gerbert s'exprime en termes lyriques (Œuvres de GERBERT, éd. Olléris, p. 98). Il convient de rapprocher de ce traité les lettres 32 et 34 de Gerbert dans l'édition Havel, et surtout la lettre 187, qui est conçue à peu près de la même manière. — Cf. THIETMARI, Chron. IV, 44.
[57] Le texte de la donation d'Otton III a été édité par Th. Sickel (Diplomata regum et imperatorum Germaniœ, t. II, p. 820).
[58] THIETMARI, Chron. IV, 47.
[59] Le § 33 du livre VII de la Chronique d'Otton de Frisingue est un Catalogus regum et Pontificum Romanorum, depuis le roi Italus jusqu'à Barberousse. D'autres Catalogues de papes et d'empereurs, de diverses provenances, se trouvent dans les Monumenta Germaniæ historica (SS. XXII. p. 3, 4 sq.). Cf. GRAF, oc., t. I, p. 234 et DUCHESNE, Introduction du Liber pontificalis, t. II, p. XLIII.
[60] Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. II, p. 820.
[61] WIPO, Gesta Chuonradi II imp., 3. Plus loin (§ 6) Wipo cite un proverbe en prose et en vers que l'on avait fait pour rapprocher Conrad et Charlemagne.
[62] WIPO, Gesta Chuonradi, 4 ; Tetralogus, vers 157-160. — OTTONIS FRISING., Chron. VI, 28, 32. — Deux vers ainsi conçus couraient dans le peuple :
Quando post decimam numeratur linea quarta,
De Karolo magna processit Gisila prudens.
On ne voit pas bien comment Gisèle, fille d'Hermann, duc d'Alémanie, pouvait descendre de Charlemagne ; parmi ses ancêtres, on ne rencontre que Conrad, le frère de l'impératrice Judith. En réalité, cette généalogie semble avoir été fabriquée pour la circonstance, comme la prétendue parenté de Conrad Ier de Franconie et d'Henri Ier de Saxe avec les Carolingiens (WAITZ, Deutsche Verfassungsgeschichte, t. V, p. 50, n. 1. — Article de DÜMMLER dans la Deutsche Zeitschritf für Geschichtswissenschaft, t. IX, 2e partie).
[63] GREGORII CATINENCIS monachi farfensis orthadosa defensio imperialis, 1. — Voir les écrits réunis sous le titre de Libelli de lite inter regrum et sacerdotium sæc. XI et XII conscripti (MGH). La défense des droits de l'Empire par Grégoire de Farfa se trouve au t. II, p. 535 et suivantes.
[64] Libelli de lite..., t. II, p. 503. — Libelli de lite..., t. II, p. 42.
[65] SIGEBERTI Chronica (SS. VI, p. 372). —
Coronatio romana (LL. II, p. 70).
[66] EKKEHARDI Chron. a. 1074 (SS. VI, p.
201) ; GREGORII CATINENSIS Opera (SS. XI, p. 571) ; BENZONIS episcopi
albensis ad Heinricum IV imperatorem (SS. XI, p. 670).
[67] GREGORII CATINENSIS orthodoxa
defensio imperialis, 6 (Libelli de lite..., t. II, p. 539). — Libelli
de lite..., t. I, p. 467.
[68] PETRI CRASSI defensio
Heinrici IV regis (Libelli de lite..., t. I, p. 445).
[69] MANEGOLDI ad Gebehardum liber (Libelli de lite..., t. I, p. 362-364).
[70] PLACIDI monachi nonantalani liber de honore ecclesiœ, 19 (Libelli de lite..., p. 595). — Liber canonum contra Heinricum IV, 62-64 (Libelli de lite..., t. I, 496-497).
[71] MANEGOLDI ad Gebehardum liber, 19, 43 (Libelli de lite..., t. I. p. 363, 386). — BERNALDI Libellus presbyteri monachi, 39 (Libelli de lite..., t. II, p. 44). — WENRICI scolastici trevirensis epistola (Libelli de lite..., t. I, p. 289).
[72] MANEGOLDI ad Gebehardum liber, 29 (Libelli de lite..., t. I, p. 362). — De unitate ecclesiœ conservanda (Ibid., t. II, p. 183).
[73] DEUSDEDIT cardinalis libellus contra incasores et symoniacos, I, 2, 17 ; II, 12, dans les Libelli de lite..., t. II, p. 302, 316, 333.
[74] Diplôme pour la canonisation de Charlemagne, art. 1. Acta SS. Bolland., Janvier, II, p. 888.
[75] OTTON. FRISING. Gesta Friderici, IV, 86.
[76] SIGEBERTI Contin. Aquicinctina (SS. VI, p. 411).
[77]
ADEMARI, Hist.
II, 9 (SS. t. IV, p. 118). — Ce fut Otto de Lomello, le protospathaire d'Otton
III, descendu seul avec l'empereur dans la crypte d'Aix-la-Chapelle, qui
raconta cette étrange histoire que son invraisemblance suffirait pour faire
rejeter. Éginhard n'en dit mot (Vita Karoli, 31) ; les Chroniqueurs et
Annalistes sincères du XIe siècle n'en parlent pas davantage (THIETMARI Chron.,
IV, 29 ; LAMBERTI
Annales, SS. t. III, p. 91 ; Ann. Hildesheim. SS. III, p. 92) ;
le Continuateur de Sigebert dit qu'en 1164 les ossements étaient dans un
tombeau de marbre (SS. VI, p. 411). Peut-être le double sens du mot solium, qui signifie à la fois siège et cercueil,
a-t-il créé une confusion. Voir à ce sujet plusieurs articles très sensés de TH. LINDNER, Zeitschrift des Aachener
Geschichtsvereins, t. XIV, sq.
[78] Ann. Hildesheim. (SS. III, p. 92).
[79] Sur la canonisation de Charlemagne, saint toléré et en définitive douteux, voir KETTENER, Karl der Grosse und die Kirche, p. 253-256.
[80] GODEFROI DE VITERBE, Memoria seculorum (SS. XXII, p. 104). D'où l'expression de Franci Teutonici continuellement employée par Otton de Frisingue (Préf. de sa Chronique, et Gesta Friderici, II, 12, 29). Dans sa fameuse lettre en réponse aux prétentions des Romains, Frédéric Barberousse se donne comme le successeur des empereurs francs, Charlemagne et Otton, et son empire est l'empire des Francs, imperium Francorum (OTTON. FRISING. Gesta Friderici, II, 30).
[81] GODEFROI DE VITERBE, Memoria seculorum et Pantheon (SS. XXII, p. 104, 283).
[82] GODEFROI DE VITERBE, Speculum regum. Préface (SS. XXII, p. 21).
[83] GODEFROI DE VITERBE, Speculum regum... (SS. XXII, p. 21). — Pour plus de détails sur la légende de Charlemagne aux XIe et XIIe siècle, lire RAUSCHEN, Die Legende Karls des Grossen im 11 und 12 Iahrhundert, Leipzig, 1890.
[84] Quelques mois avant la mort de l'empereur Henri 111, un mendiant eut une vision. Il s'imagina qu'il était transporté devant une maison sans fenêtres et construite instar caudentis ferventisque metalli, et, comme il se demandait s'il y avait des habitants à l'intérieur, son guide lui répondit : Oui ; là sont enfermés tous ceux qui, morts aujourd'hui, ont naguère voulu empêcher l'empereur Henri d'établir la paix. Bien que cet empereur mérite de nombreux reproches, surtout à cause de son avidité, il a Dieu pour lui, parce qu'il cherche à étendre les avantages de la paix (Ex Othloni libro visionum. Visio undecima. SS. XI, p. 382).
[85] LL., II, p. 78, 97, 187-193 ; BENZONIS episcopi albensis ad Heinricum IV imp., I, 9-12 (SS XI, p. 602-603). — GREGOROVIUS, t. IV, p. 55-60 et surtout WAITZ, Deutsche Verfassungsgesch., t. VI, p. 173 sq., ont longuement décrit le cérémonial des couronnements impériaux, d'Otton Ier à Barberousse.
[86] BENZONIS episcopi albensis ad Heinricum
IV imp., I, 9-10 (SS XI, p. 603).
[87] OTTON Ier : LIUDERAND, Liber de rebus gestis Ottonis magni imperatoris, 3. THIETMARI Chron. II, 13. LL. II, p. 32. — OTTON II : THIETMARI Chron. II, 34. — OTTON III : THIETMARI Chron. IV, 27. Vita Meinwerci episcopi, 7 (SS. XI, p. 110). — CONRAD II : EKKEHARDI Chron. (SS. VI, p. 195). — LOTHAIRE DE SUPPLIMBOURG : ANSELMI Contin. Sigeb. (SS. VI, p. 384). Ann. Erpkesfurd. (SS. VI, p. 539). — Un texte très précis, et d'ailleurs composé d'après la relation de témoins oculaires, est celui d'Ekkeltard relatif au couronnement d'Henri V (EKKEHARDI Chron., a. IIII. SS. VI, p. 245).
[88] THIETMARI Chron., VIII, 1.
[89]
GODEFROI DE VITERBE, Pantheon.
Particula XXVI, 9 (SS. XXII,
p. 272). — OTTON. FRISING. Gesta Friderici, III, 9. — Cf. GRAF, o. c., t. II, p. 434 sq.,
et HIMLY, De sancti romani imperii indole, p. 34-35.
[90] EKKEHARDI Chron., a. 1106 (SS. VI, p. 231). — Les contemporains ne font pas toujours la différence entre les insignes qui appartiennent à la royauté et ceux qui viennent de l'empire (WAITZ, Deutsche Verfassungsgesch., t, VI, p. 226-229).
[91] THIETMARI Chron.,
IV, 50.
[92] RAOUL GLABER, Hist., I, V, 23.
[93] BENZONIS episcopi albensis ad Heinricem
IV imp., I, 9 (SS. XI, p. 602). — OTTON. FRISING. Gesta Friderici, IV, 86.
[94] EKKEHARDI Chron. SS. VI, p. 194. Cf. OTTON. FRISING. Gesta Friderici, I, 2 ; GODEFROI DE VITERBE, Gesta Friderici, vers 16-17. SS. XXII, p. 307 ; Diplôme pour la canonisation de Charlemagne, art. 3.
[95] Diplôme d'Otton III, dans les Diplomata, t. II, p. 820. Cf. Coronatio romana d'Henri V (LL. II, p. 65) ; lettre de Frédéric Barberousse au cardinal Roland, dans OTTON DE FRISINGUE, Gesta Friderici, IV, 65 : GODEFROI DE VITERBE, Pantheon. Partie. XXIII, 30 (SS. XXII, p. 237).
[96] Lettre de Frédéric Barberousse aux cardinaux, dans OTTON DE FRISINGUE, Gesta Friderici, IV, 36.
[97] BENZONIS episcopi albensis ad Heinricum IV imp., VI, 6 (SS. XI, p. 667).
[98] LAMPRECHT, Deutsche Geschichte, t. II, p. 130. — Voir les lamentations de Benoit de Saint-André sur l'occupation de Rome par les Saxons, et le portrait peu flatteur qu'il trace de ces derniers (BENEDICTI sancti Andreæ Chron., 36, 39. SS. III, p. 719). Au synode romain de 963 qui déposa le pape Jean XII, Otton donna la parole à Liudprand pour haranguer les assistants (LIUDPRAND, Gesta Ottonis, 11).
[99] OTTON. FRISING. Gesta Friderici, II, 33. —
OTTON FRISING. Chron., Prolog.
[100] GRAF, o. c.,
t. I, p. 235.
[101] EKKEHARDI Chron. (SS. VI, p. 194-198), — Annalista saxo. (SS. VI, p. 763, 776). — Ann. Erphesfurdenses (SS. VI, p. 536). — On pourrait multiplier les exemples.
[102] GOD. DE VITERBE, Memoria seculorum (SS. XXII, p. 97).
[103] Dès qu'Otton a été couronné à Rome, il abandonne tous ses titres royaux pour garder uniquement celui d'empereur auguste. Otto divina ordinante providencia — ou divina favente clementia — imperator augustus — ou Romanorum imperator augustus —, telle est la formule en usage dans la diplomatique du Xe siècle, et telle est aussi celle qu'emploient les Chroniqueurs et Annalistes (Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. I, p. 319, t. II, p. 25, 33, 35, 213, 321-323, 333, 333, 605-606, etc. ; THIETMARI Chron. III, 11 ; Ann. Quedlinburg, SS. III, p. 74, 76, 86, 88, 90). Le second fils de Frédéric Barberousse est nommé Philippe, à cause de Philippe l'Arabe qui a régné avant lui (GRAF, t. II, p. 427). Cf. BRYCE, p. 165 et De sancti romani imperii indole, p. 12.
[104]
HIMLY, De
sancti romani imperii indole, p. 12 — OLLÉRIS, Introd. aux Œuvres de Gerbert,
p. CLXXI. — Potestatem Romani imperii... reparare curabimus,
dit Lothaire de Supplimbourg (LL. II, p. 83), et Frédéric Barberousse : Consulite Romano imperio cuius etsi nos caput, vos membra
(OTTON. FRISING., Gesta
Friderici, IV, 23. Ibid. III, 27). L'expression imperium Romanum est courante aussi chez les
annalistes, les biographes, les polémistes (EKKEHARDI Chron. SS. VI, p. 199, 211. —
THIETMARI Chron. III, 2). — WALTRAM, De unitate ecclesiœ conservanda,
II, 2. Libelli de lite..., t. II, p. 212. — Vita Meinwerci episcopi,
4 (SS. XI, p. 108). — Vita
Bardonis maior, 1 (SS. XI, p. 323).
[105] OTTON. FRISING., Gesta
Friderici, IV, 86. — BENZONIS episcopi ad Heinricum IV imp.,
III, 24. SS. XI, p. 631. — WIPO, Vita Chuouradi imperatoris. Prolog.
[106] OTTON. FRISING. Gesta Friderici, p. 1.
[107] GODEFROI DE VITERBE, Pantheon. Particula XXIII, 13 (SS. XXII, 221).
[108] Il n'est pas prouvé que les trois premiers empereurs germaniques furent couronnés rois d'Italie (WAITZ, t. VI, p. 169-170 ; BRYCE, p. 250, n. 3), mais il est certain qu'ils commencèrent leur établissement au-delà des Alpes en prenant effectivement possession de l'Italie. Ainsi fit Otton III (THIETMARI Chron., IV, 27). Henri II suivit le même exemple. Voir l'objet que Henri V donne à son voyage, annonçant à l'assemblée de Ratisbonne son projet de passer les monts (EKKEHARDI Chron., a. 1110. SS. VI, p. 243).
[109] THTETMARI Chron, VI, 7. VII, 40.
[110] Diplomata regum et imperatorum Germaniæ, t. II, p, 259, 582, 609. — WIPO, Vita Chuonradi, 7.
[111]
Parmi les insignes impériaux, le globe aurait été le signe de la souveraineté
universelle, BENZONIS
ad Heinricum imp., I, 9 (SS. XI, p. 602).
[112] Diplomata regum et
imperatorum Germaniæ, t. II, p. 821.
[113] GRAF, o. c.,
t. I, p. 7, 296.
[114] GREGOROVIUS, t. IV, p. 597 sq. ; HIMLY, De
sancti imperii indole, p. 36-38 ; BRYCE, p. 222-223 ; FISHER, The
medieval Empire, p. 191-192.
[115] PETRI CRASSI defensio Heinrici regis (Libelli de lite..., t. I, p. 452) : Constitutio de juramento calumniœ (LL. II, p. 41). — Déjà Liudprand, voulant justifier auprès des empereurs grecs la politique d'Otton Ier à Rome, déclarait que son maitre avait agi secundum decreta imperatorum Romanorum, Justiniani, Valentiniani, Theodosii et cœterorum (LIUDPRAND, Legatio, 5).
[116] EKKEHARDI Chron. a. 1110 (SS. VI, p. 243).
[117] OTTON DE FRISINGUE, Gesta Friderici, I, 25.
[118] Ainsi s'exprime déjà Otton III dans deux de ses diplômes (Diplomata, t. II, p. 605, 619).
[119] OTTON DE FRISINGUE, Gesta Friderici, II, 50.
[120] BRYCE, p. 245.
[121] La Vita Chnonradi imperatoris, offerte par Wipo à Henri III, est dédiée hujus orbis domino dominantium.
[122] OTTON. FRISING., Gesta Friderici, III, 22.
[123] EKKEHARDI Chron. (SS. VI, p. 232).
[124]
GODEFROI DE VITERBE, Pantheon. Partic. XXIII, 15 ; XXIV, 11 (SS. XXII, p. 221-269).
[125] Les déclarations les plus catégoriques et les plus complètes à cet égard sont celles de l'archevêque de Milan à la diète de Roncaglia de 1138 (OTTON FRISING., Gesta Friderici, IV, 5). — Cette partie des Gesta Friderici a en réalité pour auteur Rahewin, élève d'Otton de Frisingue et notaire de Barberousse (WATTENBACH, Deutschlands Geschichtsq., t. II, p. 250). Nous l'avons laissée sous le nom d'Otton pour faciliter le renvoi aux sources.
[126] OTTO. FRISING., Gesta Friderici, I, 21.
[127] Lettre rapportée par OTTON DE FRISINGUE (Gesta Friderici, I, 25).
[128] EKKEHARDI, Chron., a. 800 (SS. VI, p. 169). — Otton de Frisingue répète la même chose, à peu près dans les mêmes termes (OTTON. FRISING., Chron., V, 31-32).
[129] BRYCE, p. 283 est d'avis, après Döllinger, que la doctrine de la translation n'a été formulée définitivement que par Innocent III et pour les besoins de la cause pontificale (Cf. INNOCENTII Opera dans MIGNE, P. L., t. CCXIV, p. 1065). C'est une double erreur. La doctrine est antérieure au XIIIe siècle, et les empereurs y trouvant leur profit s'en sont servis avant les papes. Le texte le plus ancien où il en soit parlé se trouve dans la Vie de Willehad par ANSCHAIRE (ANSKARII, Vita Willehadi, 5. SS. II, p. 381), composée entre 838 et 860 (ÉBERT, t. II, p. 373). Après cela, il n'en est plus question pendant quelque temps ; l'auteur du Libellus, l'Anonyme de Salerne et Sigebert de Gembloux constatent que le siège de l'Empire a été transféré par Constantin à Byzance : ils ne disent pas qu'il en soit jamais revenu (SS. III, p. 519, lignes 36-39 ; Chron. salern., 88, SS. III, p. 511-512 ; SIGEBERTI Chronica, SS. VI, p. 336). Le mariage de Théophano avec Otton II est conforme à la tradition carolingienne (THIETMARI, Chron., II, 9 ; REGINONIS Contin. SS. II, p. 629 ; LIUDPRANDI Legatio). Enfin, au milieu du XIIe siècle, la translation est admise par Otton de Frisingue, dans un autre but, mais avec autant de netteté qu'elle le sera plus tard par Innocent III.
[130] OTTON. FRISING., Chron., IV, 31 et Prologus. — WALTRAM, De unitate ecclesiæ conservanda, I, 2 (Libelli de lite..., t. II, p. 185-186).
[131] La remarque a été faite par BRYCE, p. 185 et GREGOROVIUS, t. III, p. 333.
[132] Le rôle du souverain pontife dans l'élection des empereurs germaniques doit être précisé, car il a donné lieu à des interprétations très différentes et très inexactes. On a parlé récemment de la persistance avec laquelle la papauté e maintenu la couronne impériale dans la nation germanique. (LEROUX, Article cité, p. 248, n. 6), comme si le Saint-Siège avait disposé à son gré du Saint-Empire. C'est une erreur juridique et historique considérable. Dès que le roi de Germanie avait été sacré in Augustorum sede a Karolo magno apud Aquisgranum, il se considérait comme un empereur en puissance ; il disait qu'il avait été désigné ad regimen imperii (Ottonis Coronatio aquisgranensis. LL. II, p. 204). Ainsi Frédéric Barberousse, après avoir reçu l'onction royale à Aix, écrit au pape Eugène qu'il va travailler à ce que Romani imperii celsitudo in pristinum suæ excellentiæ robur, Deo adjuvante reformetur, et dans son entourage on pense exactement comme lui (LL. II, p. 90 ; OTTON. FRISING., Gesta Friderici, II, 1). L'onction impériale est une simple formalité qui vient compléter et sanctionner toutes celles qui ont précédé l'onction suprême (Gesta Friderici, III, 17), et c'est dans ce sens que les légats pontificaux peuvent demander à Barberousse de qui il tient l'empire, si ce n'est du pape (Gesta Friderici, III, 10. Assemblée de Besançon de 1157). Seulement, tant qu'il n'a pas été sacré par le pape, l'empereur germain ne porte que le titre de roi des Romains (LL. II, p. 94-96). GODEFROI DE VITERBE (Panthéon. Partic. XXIII, 15. SS. XXII, p. 221) a deux vers qui fixent ce point de droit avec une grande netteté :
Absque manu pape quem pretulit aurea Roma,
Non decet ut capiat monocrator in Urbe coronam.
Au contraire, les empereurs carolingiens, Louis le Pieux, Lothaire, ont pris le titre impérial dans tous leurs actes, dès qu'ils ont été proclamés à Aix par l'assemblée franque, et sans attendre la ratification pontificale. Telle est la différence : elle a son intérêt.
[133] Deutsche Kaiserzeit, t. I, p. 477.
[134] Dans son désir de multiplier les points de ressemblance entre l'empire de Charlemagne et celui d'Otton, Giesebrecht avance que les pays de l'Ouest de l'ancienne monarchie carolingienne (par conséquent la France) étaient par rapport à l'empereur germanique dans la même situation que jadis les États chrétiens d'Espagne et du royaume anglo-saxon vis-à-vis de Charlemagne (Deutsche Kaiserzeit, t. I, p. 481). Le rapprochement est inadmissible ; il n'existe plus au Xe siècle de rois du genre d'Offa de Mercie, et encore moins au XIe et au XIIe siècle. Sur l'accueil fait par les États européens à la doctrine du dominium mundi, voir HIMLY, De sancti Romani imperii indole, p. 56-61.
[135] BRYCE, o. c., p. 185. — Les efforts que les empereurs germaniques firent, au moins au début, pour étendre le domaine de la foi et qui peuvent être considérés comme une suite des missions carolingiennes, ont été exposés par H. FISHER, The medieval Empire, t. II, p. 1-54.
[136] Le mot juste se trouve dans la lettre des Romains à Conrad III (Gesta Friderici, I, 28).
[137] HIMLY, o. c., p. 33.
[138] Diplôme pour la canonisation de Charlemagne, article 2.
[139] Voir le Prologue de la Vita Chuonradi imperatoris par Wipo et le Libelle adressé par Benzon à Henri IV (I, 9 ; VI, 6, 7. SS. XI, p. 603, 667-668). BRYCE, p. 143, a énuméré les titres chrétiens des empereurs germaniques. Constantin, Justinien, Valentinien, sont pour Frédéric Barberousse les prédécesseurs divins dont il convient de vénérer les lois comme des oracles (Constitutio de bonis clericorum decedentium. LL. II, p. 139).
[140] Le droit de réunir les conciles est un de ceux auxquels Barberousse tient le plus et qu'il affirme avec le plus d'énergie. Réunissant à Pavie l'assemblée épiscopale où sera élu l'antipape Victor, voir la déclaration qu'il fait au début de la séance (Gesta Friderici, IV, 74). Ailleurs, Rahewin dit que Frédéric est convaincu que les précédents l'autorisent à réunir les conciles (IV, 64).
[141] Plusieurs empereurs germaniques ont pris à la fois le patriciat et l'empire (WAITZ, Deutsche Verfassungsgesch., t. VI, p. 195-200). Les circonstances dans lesquelles il fut décidé qu'Henri III et ses successeurs seraient faits patrices sicuti de Karolo factum legimus, ont été longuement racontées par BENZON (Libell. ad Heinricum IV imp., VII, 2. SS. XI, p. 671), et dans les Annales romani (SS. V, p. 469). L'avis unanime est que Clément II abandonnait au nouveau patrice ordinationem pontificum... et eorum episcoporum regalia abentium.
[142] THIETMARI, Chron. IV, 27. — BENZONIS episcopi albensis ad Heinricum IV imp. III, 6 (SS. XI, p. 624). — Voir encore THIETMAR, IV, 48 et les diplômes d'Otton III (Diplomata regum et imperatorum Germaniœ, t. II, p. 610, 620, 667, 706).
[143] C'est à Byzance qu'Otton III a emprunté les noms des fonctionnaires de sa cour, logothète, protospothaire, maitre de la milice, etc., et l'appareil nouveau dont il s'entoure depuis l'an mil (GREGOROVIUS, t. III, p. 460-461). C'est dans le Libellus qu'il a pris l'idée d'établir à Rome le siège de son empire. D'ailleurs, dans son diplôme à Silvestre II, le passage relatif au Pacte de Ponthion est manifestement rédigé d'après le Libellus (Libellus de imperatoria potestate. SS. III, p. 722. — Diplom. imper. et regum Germaniœ, t. II, p. 820).
[144] Le rapprochement de l'empire germanique avec l'empire neustrien de Charles le Chauve, a été fait incidemment par GFRÖRER, Gesch. des ost. und westfr. Carolinger, t. III p. 160.