Il était indispensable d'étudier la politique impériale de Louis II et de Charles le Chauve, avant de se prononcer sur l'origine et l'importance d'un document fameux : la lettre de Louis II au César byzantin Basile, où il justifie son titre d'Imperator Romanorum. Les meilleurs historiens ont utilisé cette lettre et lui ont accordé une valeur de premier ordre. Selon Dümmler, elle jette une vive lumière sur les rapports des deux empires, et nous est précieuse pour connaître la conception franque comme la conception byzantine[1]. Gregorovius y voit un document merveilleux, sur lequel il convient de s'appuyer pour comprendre ce qu'était devenu l'empire romain depuis Charlemagne[2]. L'un et l'autre en donnent de longs extraits, un résumé qui n'a pas moins de deux à trois pages : ils ne pensent pas un instant à contester son authenticité. Après eux, Otto Harnack juge une nouvelle analyse superflue, mais il déclare que, pour lui, c'est un écrit de polémique du plus puissant intérêt[3]. L'unanimité de ces historiens est d'autant plus à considérer qu'avant eux des doutes ont été émis et des réserves faites. Il y a une cinquantaine d'années, Amari, dans son Histoire des Musulmans en Sicile, déclara nettement que la lettre était apocryphe. Malheureusement, les raisons qu'il donnait étaient faibles ; par une singulière inconséquence, tout en rejetant la lettre, il admettait comme exacts les faits qu'elle contenait, parce que, disait-il[4], le compilateur, quel qu'il fût, pouvait les avoir de tradition, comme tant d'autres qui ne sont pas mis en doute. Il ne fut pas écouté[5]. Il avait raison cependant. Le caractère apocryphe de la pièce est incontestable, et c'est pourquoi nous l'avons résolument écartée, bien qu'elle parût le fondement nécessaire du précédent chapitre. I Le Chronicon salernitanum. Pourquoi la lettre de Louis II à Basile n'est pas authentique. Arguments tirés de la forme et du fond ; histoire d'Athanase l'ancien, évêque de Naples.La lettre de Louis II à Basile nous est parvenue par une source unique contenue dans un manuscrit unique : Le manuscrit in-4°, en caractères lombards et couvert au XVIe siècle de ratures et de corrections, est celui qui est conservé à la Bibliothèque vaticane sous le n° 5001 ; il renferme l'Historia Langobardorum d'Erchempert et a été trouvé à Salerne vers 1300 ; la source est la Chronicon Salernitanum[6]. Quel est l'auteur de cette Chronique ? A quelle époque a-t-il vécu ? Quelle est la valeur de son œuvre[7] ? L'auteur est un moine de Saint-Benoît de Salerne[8]. Il s'appellerait Ardericus, si on lui attribuait d'après Muratori le poème dédié au comte Rotfrid, qui se trouve dans le manuscrit avec diverses pièces à la suite de l'Histoire d'Erchempert ; mais cette attribution n'est rien moins que certaine[9]. Plein de respect pour l'ordre bénédictin auquel son couvent appartenait, et en particulier pour son fondateur saint Benoît[10], ce moine vénérait aussi la mémoire de son compatriote Paul Diacre, enseveli non loin de là, sur le territoire d'Aquinum, au bord d'un affluent du Garigliano[11]. Il entreprit en conséquence de continuer l'histoire lombarde de Paul Diacre, en la prenant où celui-ci s'était arrêté, et de raconter en particulier l'histoire des princes de la Basse-Italie jusqu'en 974. Le livre parut en 978[12]. Les critiques anciens et modernes sont très sévères pour la Chronique de Salerne. Ils y voient généralement une mauvaise compilation, pleine de faits discutables, et dont la valeur historique est encore amoindrie par le but moral que l'auteur se propose. L'un des plus récents et des plus autorisés de ces critiques estime que c'est un tissu d'anecdotes, plutôt un recueil d'histoires et de contes qu'une véritable histoire. — Les données historiques qu'elle contient ne doivent être accueillies, dit-il, qu'après avoir été soumises à une critique sévère, et l'intérêt de cette publication est surtout littéraire : elle nous montre ce talent de raconter qui distinguera plus tard, à un si haut degré, les Italiens dans la littérature des nouvelles[13]. On ne s'explique que trop cette sévérité. Seule la dernière partie de l'ouvrage, consacrée à Gisulfe, prince de Salerne, que l'Anonyme a personnellement connu et aimé, est originale et donne des détails inédits[14]. Dans tout le reste, l'histoire disparaît fréquemment sous la légende. Ce sont des anecdotes recueillies de la bouche du peuple, des dialogues, des fables. Voici la translation à Constantinople des soixante-dix statues que les Romains avaient élevées au Capitole en l'honneur des nations[15] ; voilà deux lettres échangées entre l'empereur grec et Charlemagne à l'occasion du couronnement de celui-ci par le pape Adrien, et dont l'invraisemblance inouïe ne le cède qu'à la grossièreté[16]. Du moins ces inventions ont-elles un intérêt historique ; elles servent à marquer le progrès de la légende carolingienne dans l'imagination populaire. D'autres ont une fin exclusivement morale ; elles sont destinées à servir de leçons aux femmes adultères, aux moines sans humilité, en général à tous ceux qui sont dépourvus de modestie et de loyauté[17]. Faut-il conclure de ces défauts que l'œuvre est méprisable ? Lorsque Pertz publia la Chronique dans les Monumenta Germaniæ historica, après avoir indiqué les sources à l'aide desquelles elle avait été composée, il écrivit ces lignes : Comme à ces sources l'auteur a mêlé les fables et les poèmes circulant dans la bouche du peuple, et qu'il n'a pas tenu compte partout de l'ordre des temps et des faits, il en est résulté que les choses vraies et tirées des sources originales mêlées aux choses fausses ont donné à son-œuvre un air de fausseté et lui ont valu pendant des siècles une réputation imméritée[18]. On ne saurait mieux dire. Le moine anonyme de Salerne n'était pas le premier venu. Il appartenait à une très illustre famille du pays, et son bisaïeul, le comte Rodoalt, signa avec le duc Radalgise l'acte qui consacrait la prédominance de Salerne ; lui-même était lié avec le prince Gisulfe et familier des grands[19]. La noblesse de sa famille lui permettait de connaître bien des évènements, qu'il les eût appris par ses relations, ou qu'il les tint de la propre bouche de ses aïeux ; sa culture le rendait apte à les comprendre. Bien qu'il exprime maintes fois la crainte d'être repris par des hommes très versés dans les sciences libérales[20], c'est de sa part simple précaution oratoire, étant lui-même parmi les lettrés de son temps, versé dans l'art grammatical, nourri par des lectures abondantes et variées, où Saint Augustin coudoie Virgile et les auteurs anciens se mêlent aux historiens modernes[21]. Il se complaît à étaler sa connaissance des formes : accentuation, racines, étymologies ; de nos jours on l'appellerait un philologue[22]. La noble origine de notre auteur, son goût pour les travaux d'érudition, expliquent suffisamment qu'il ait osé entreprendre une vaste compilation ; mais il n'aurait pu la mener à bonne fin s'il n'avait eu entre les mains des documents nombreux et sûrs, ainsi qu'il résulte de ses propres affirmations et du rapprochement qu'il est facile de faire entre certains passages de son livre et plusieurs passages des écrivains antérieurs qui nous sont parvenus. On sait ainsi qu'il a connu et utilisé les Gestes des papes Zacharie et Etienne II, la Vie de saint Anselme, la translation de saint Trophimène, l'histoire des Lombards d'Erchempert, les Gestes des évêques et comtes italiens qu'on appelait autrefois Chronique de saint Benoît[23], et, ceci est moins banal, les documents publics conservés aux Archives de Salerne et d'Amalfi, les inscriptions des palais et les épitaphes des églises de Salerne[24]. Si empressé d'ordinaire à indiquer ses sources, l'Anonyme ne dit pas où il a pris la lettre à Basile, et il est postérieur de cent ans à Louis II[25]. Ce sont là de fâcheux indices ; mais, étant donné la valeur générale de l'ouvrage, ces raisons ne suffiraient pas pour la rejeter, s'il n'existait d'autres arguments, directs ceux-là, tirés de la forme et du fond de la lettre. Remarquons d'abord le protocole initial, ainsi conçu : Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ Dieu éternel, Louis,
par l'ordre de la divine Providence, empereur auguste des Romains, à notre
très cher frère spirituel Basile, très glorieux et très pieux empereur de la
nouvelle Rome...[26] Cette formule
est contraire aux usages de la diplomatique carolingienne. Depuis Louis le
Pieux inclus, les empereurs qui règnent en occident s'intitulent simplement imperator augustus. Louis le Pieux. Lothaire,
Louis II, Charles le Chauve, le plus romain de tous, ne portent point d'autre
titre, et leur exemple sera suivi dans la suite par Othon I et Othon II[27]. Seul
Charlemagne s'est intitulé imperator Romanorum.
Il n'est pas à notre connaissance non plus que l'empereur franc ait eu coutume
d'appeler l'empereur grec imperator novæ Romæ.
Sous la forme qu'elle revêt actuellement, la lettre n'est donc pas sortie de
la chancellerie impériale. Il y a mieux. Son contenu prouve que Louis II ne
l'a pas écrite, qu'il n'a pas pu l'écrire, et cette affirmation résulte
également pour nous de l'examen des deux parties qui la composent. L'une est une dissertation sur le titre impérial, où Louis II défend contre les Grecs son titre d'imperator Romanorum[28] ; l'autre est un récit où, tantôt se disculpant, tantôt accusant, il expose les principaux évènements politiques et militaires qui se sont accomplis ou sont en train de s'accomplir dans l'Italie du Sud[29]. A ne prendre d'abord que la première partie, on ne perd pas son temps, et quelque chose de nouveau apparaît. Jusqu'ici, tous les historiens ont vu dans le discours de Louis II un plaidoyer fort éloquent, fort habile, en faveur de la dignité impériale des Francs, un plaidoyer qui prouve jusqu'à quel point l'orgueil franc subsistait en un temps où le vieil éclat du nom commençait à s'effacer[30]. Qu'on tourne et retourne la lettre comme on veut, on n'y trouve rien de semblable. La thèse soutenue est celle-ci : C'est au pape, à l'imposition des mains et à l'onction reçue à Rome avec l'assentiment des Romains, que Charlemagne et ses successeurs ont dû leur dignité ; c'est pourquoi ils portent légitimement le titre d'empereurs romains. Le devoir de l'empereur est donc de protéger et d'accroître l'Église romaine, mère de toutes les églises, et, si le souverain pontife a disposé de la couronne impériale en l'an 800, il a agi dans la plénitude de son droit[31]. Tout ce qui existe en dehors, vague préambule, étalage d'érudition historique sur les empereurs de tous les temps et de tous les lieux, discussion sur l'étymologie du mot rex et le sens de Basileus, tout cela n'est qu'accessoire. Écarter les Francs de l'élection impériale, parler d'une manière incidente du rôle des Romains, proclamer que l'onction est seule capable de conférer une dignité qui réside, non dans un vocable, mais dans la piété de celui qui la porte[32], est-ce faire un plaidoyer pour les droits de l'Empire ou du Saint-Siège ? Singulier amour-propre, en vérité, que celui de cet empereur franc qui s'acharne à démontrer, contrairement à la vérité, que les Francs ne sont pour rien dans la création de l'Empire, et que son titre, ni lui ni ses pères n'ont jamais prétendu l'avoir reçu par la chair et par le sang, c'est-à-dire comme le glorieux héritage du nom et des mérites de Charlemagne[33] ! Nous savons que Louis II était incapable de tenir un pareil langage. Peut-il avoir reconnu la subordination de l'Empire au Saint-Siège et accepté la perte de ses privilèges, ce prince si fier, si ombrageux, si soucieux de sa dignité, dont la vie fut une longue lutte pour assurer le maintien de la suprématie impériale sur la papauté et le respect du décret de 824 relatif aux élections pontificales ? Il est impossible d'admettre qu'un tel souverain ait proclamé l'origine étrangère de sa puissance et déclaré l'avoir reçue d'un autre homme. Le voudrait-on d'ailleurs, qu'une raison de fait s'y opposerait. Le droit exposé dans la lettre à Basile est le nouveau droit impérial : or on sait qu'il s'est fixé seulement sous Charles le Chauve ; le signe d'élection indiqué est l'onction : or, nous savons que Louis II a reçu l'huile sainte comme roi seulement, et qu'il a été fait empereur en dehors du pape, et aussi des Romains[34]. Non moins intéressante est la seconde partie de la lettre, celle où Louis II parle des évènements de l'Italie du Sud. L'empereur raconte qu'il a remporté un grand succès en Calabre, malgré l'absence des troupes byzantines ; il.se plaint des attaques du patrice Nicétas Orypha contre les légats au retour du huitième concile œcuménique, et se disculpe d'avoir malmené les Napolitains. S'il a envoyé son peuple brûler les moissons, couper les arbres, et soumettre la ville à son obéissance, c'est, parce que les habitants donnaient aux infidèles des armes, des vivres, des subsides divers, les conduisaient le long des rivages de l'Italie, et ne craignaient pas de piller avec eux le territoire de saint Pierre, prince des apôtres, si bien que Naples paraissait être devenue une nouvelle Palerme ou une Afrique[35]. Autre grief : l'évêque de Naples — Athanase l'ancien, oncle du duc régnant Sergius II — ayant voulu détourner ses compatriotes de l'alliance sarrasine aurait été ex pulsé par eux[36]. Les faits ainsi rapportés sont généralement exacts. André de Bergame parle d'une victoire de Louis II en Calabre[37]. Le patrice Nicétas Orypha est un personnage historique, dont il est question dans un écrit grec, la vie de Basile le Macédonien par le continuateur de Théophane[38]. Les malheurs des légats pontificaux au huitième concile sont connus. Mais, à propos des affaires de Naples, il y a des allégations fausses, des erreurs de chronologie considérables. D'après le contexte, Louis II aurait écrit à Basile après la prise de Bari, au moment où allait commencer le siège de Tarente, la dernière ville de l'Italie péninsulaire qui fût encore au pouvoir des infidèles, et avant l'affaire d'Adalgise[39]. Bari succomba le 2 février 871 ; Adalgise trahit le 14 avril de la même année[40]. Il est aisé d'établir qu'à cette époque, les Napolitains n'étaient pas les alliés des Sarrasins, et que, si leur évêque fut expulsé, ce fut pour des raisons différentes de celles qui sont indiquées dans la lettre de Louis II. Nous disposons de trois sources sur ce sujet : les Gesta episcoporum neapolitanorum, l'Historia Langobardorum Beneventum degentium, la Vita Athanasii[41]. Les Gestes des évêques de Naples, compilation analogue au Liber pontificalis, ont une valeur exceptionnelle. Elles sont d'un écrivain consciencieux, qui ne rapporte que ce qu'il a vu ou entendu et s'exprime dans une langue élégante. La partie relative aux évènements qui nous occupent est particulièrement bien traitée, car f auteur, du nom de Jean, est contemporain et Napolitain. Diacre de l'église Saint-Janvier de Naples, il a connu et affectionné l'évêque Athanase, au point de fermer son livre après la mort du saint prélat[42]. L'Histoire des Lombards de Bénévent par Erchempert, moine du mont Cassin, est un travail sérieux[43]. Quant à la Vita Athanasii, rédigée entre le Xe et le XIIe siècle par un écrivain amoureux des fleurs de rhétorique et des amplifications oratoires, qui a compilé l'Histoire des Lombards d'Erchempert et les Gestes de Jean de Naples, elle a une moindre autorité, bien qu'elle contienne quelques renseignements complémentaires importants[44]. D'après ces divers témoignages, l'établissement des Sarrasins dans l'Italie du Sud, loin d'avoir été favorisé par les Napolitains, fut combattu par eux et ne leur apporta que des misères. En 856, leur ville fut dévastée de fond en comble par les mécréants[45]. Quatre ans après, en 860, profitant de la rivalité de Naples et de Capoue et d'une bataille qui décima cruellement les forces napolitaines, le chef sarrasin Seudan, établi à Bari, vint poser son camp dans la plaine de Naples, et il ne se passa pas de jour qu'il n'assaillit les habitants et n'en tuât un grand nombre[46]. Ce fut alors que les Bénéventins, les Capouans, les Napolitains et autres peuples voisins, invitèrent l'empereur à protéger la patrie perdue[47]. Après la chute de Bari et la trahison d'Adalgise[48], les Sarrasins, prenant leur revanche, s'avancèrent, dit Erchempert, à trente milles de Salerne, devant laquelle ils établirent un blocus rigoureux. Tout fut détruit, au dedans et au dehors de la ligne d'investissement. Les ennemis saccagèrent, d'autre part, les environs de Naples, de Bénévent et de Capoue[49]. Cependant Athanase était en butte aux intrigues de la belle-mère du duc de Naples. Inspiré par cette femme à langue de vipère, qui trouvait excessive l'influence de l'évêque dans les conseils du gouvernement, Sergius II emprisonna son oncle, puis, comme le peuple murmurait, il lui permit de se retirer dans un couvent de l'île du Sauveur, consentant à le laisser tranquille, s'il revêtait l'habit monastique. Athanase ne voulut pas se prêter à cette combinaison. Alors Sergius, plein de fureur, ordonna de l'enlever, avec le concours de Sarrasins soudoyés qui se trouvaient dans le voisinage, et le monastère cerné de toutes parts fut sur le point de succomber. Louis II, instruit de ce qui se passait, chargea Fun de ses fidèles, Marin d'Amalfi, de délivrer Athanase et de le mener à Bénévent : puis il envoya ses ambassadeurs, auxquels s'étaient joints plusieurs légats pontificaux, sommer le gouvernement et le clergé napolitains de reprendre leur pasteur, sous peine d'excommunication. Ils répondirent par un refus. Les choses en étaient là, quand eurent lieu le crime d'Adalgise et l'invasion sarrasine qui en fut la conséquence. Athanase, au lieu de se venger, profita de son influence sur le pape Hadrien et sur l'empereur, pour obtenir du souverain pontife qu'il levât l'excommunication des Napolitains, et de Louis II qu'il organisât une nouvelle armée contre les Sarrasins[50]. Nous voilà loin d'une alliance en règle entre les Napolitains et les Sarrasins, à l'occasion de laquelle Athanase aurait été chassé. Il ne s'agit plus que d'une querelle de famille, d'une banale intrigue de belle-mère auprès de son gendre contre l'oncle de celui-ci, et, si les Sarrasins jouent un rôle, d'ailleurs effacé, dans la circonstance, ils sont seulement une petite bande installée aux environs, et qui, séduite par l'appât du pillage et de l'argent, voulut bien prêter son concours[51]. Mais même cette bande disparaît, et les faits s'éclairent d'une lumière nouvelle si, laissant de côté la Vita Athanasii qui nous a servi de guide jusqu'ici, nous prenons le récit du diacre Jean. On y voit Sergius II, hostile à tous ses oncles et en particulier à l'évêque, le poursuivre avec ses seules forces dans l'île du Sauveur où il s'est réfugié. Quand Louis II a fait enlever Athanase par Marin d'Amalfi, le duc de Naples, craignant la vengeance de l'empereur, pousse les habitants de Salerne et de Bénévent à conspirer contre lui et devient l'instigateur du complot d'Adalgise. Le dénouement est le même que dans la Vita Athanasii et dans Erchempert. Profitant du trouble causé par tous ces évènements, les Sarrasins reviennent à l'attaque et mettent le siège devant Salerne. Athanase ne voyant plus que le péril de sa patrie se rend à Rome auprès du pape, à Ravenne auprès de l'empereur, et obtient de celui-ci qu'il lève une armée[52]. Sa présence est certaine à Ravenne, le 6 janvier 872 ; peu de temps après, le 29 juin, il meurt de la fièvre, à Veroli, sans avoir revu son pays[53]. Il est curieux de voir combien le sens des évènements se
modifie, quand on les étudie d'un peu près. Cette histoire d'Athanase, qui
semblait intimement liée aux péripéties de la lutte sarrasine, n'a rien de
commun avec elle. Elle est simplement un épisode de la politique suivie par
Louis II pour faire reconnaître dans toute l'Italie sa puissance impériale.
Entre tous les habitants du sud de la péninsule, les Napolitains se
montraient fiers de leur indépendance, et volontiers, pour écarter les
prétentions carolingiennes, ils invoquaient leur qualité de sujets grecs[54]. Quand, en 866,
Louis II commença sa grande campagne, alors que toutes les portes s'ouvraient
devant lui, seule Naples fit des difficultés, et l'évêque, qui était déjà
Athanase, profita de son influence sur l'empereur pour le décider à passer à
côté de la ville, sans s'offenser[55]. En réalité,
l'évêque de Naples était l'agent de cette politique, que la papauté soutenait,
et qui consistait à faire l'union de toute la contrée sous l'autorité de
Louis II. La preuve en est partout, dans les relations constantes de l'évêque
de Naples avec Hadrien, dans les marques de faveur innombrables qu'il reçut
de l'empereur[56].
Bon patriote et bon chrétien à son point de vue. il désirait que sa ville
acceptât la tutelle d'un prince orthodoxe et puissant, capable de la protéger
contre toutes les attaques ; mais, pour les habitants étrangers à ces vues,
pour le duc jaloux de sa puissance, il était l'ennemi de l'indépendance
nationale, disons le mot : un traître. C'est ce traître que Sergius avait
entendu frapper, et c'est pourquoi, malgré les menaces d'Hadrien, le clergé
refusa d'accueillir son ancien chef et le laissa mourir en exil[57]. Louis II avait cependant un sentiment trop élevé de son devoir pour sacrifier à une rancune, même légitime, l'intérêt de l'Italie, et, fidèle à la promesse qu'il avait faite à Athanase mourant, il parut à Capoue aux mois de mai et juin 873[58]. Il ne tira pas autrement vengeance des Napolitains il ne répondit pas à leurs mauvaises actions par de mauvais traitements, mais par un oubli généreux du passé, et l'on ne voit pas qu'il ait, à aucun moment de sa vie, envoyé son peuple détruire les récoltes et soumettre la ville[59]. Quant à une alliance de Naples avec les Sarrasins, il en est question beaucoup plus tard. Louis II, démoralisé par l'esprit de trahison qui régnait autour de lui[60] et sentant approcher son heure dernière, n'avait fait en 873 qu'un semblant d'expédition, et telle devint l'ardeur des infidèles qu'ils ravagèrent de fond en comble le littoral, et pénétrèrent dans le Latium, jusqu'à Fundi et Terracine. Pour les arrêter. Jean VIII dut prendre lui-même, vers la fin de février 875, le commandement d'une flotte qui enleva à l'ennemi quatre-vingt navires, tua de nombreux combattants et délivra six cents captifs[61]. Ce fut alors que les habitants cherchèrent à se sauver d'une autre manière, introduisant les Grecs dans Bari, travaillant à s'entendre avec les Sarrasins[62]. En vain l'empereur byzantin et le pape envoyèrent des légats, pour les détourner d'un si monstrueux projet[63] : Salerne, Naples, Gaète, Amalfi, firent paix et alliance avec les infidèles ; mais, sur ces entrefaites, Louis II était mort le 12 août 875[64]. II Politique du pape Jean VIII.Rapportée un siècle après qu'elle aurait été écrite par un chroniqueur qui ne dit pas oh il l'a prise, renfermant des fautes de diplomatique, une doctrine invraisemblable, au moins dans la bouche où elle est placée, des erreurs de faits et de dates, la lettre de Louis II est manifestement apocryphe. Faut-il donc la négliger pour cela ? Il arrive souvent en histoire qu'une pièce fausse présente un intérêt aussi grand qu'un document authentique. Cette pièce a été fabriquée pour les besoins d'un parti ; elle a été utilisée ; elle est devenue la base d'une action postérieure. Tel est le cas de la lettre à Basile. Si elle n'est pas de Louis II et n'a jamais servi qu'à dénaturer sa pensée, elle a été faite par quelqu'autre et révèle l'opinion qu'on avait de l'Empire ailleurs que dans l'entourage de l'empereur. C'est ce qu'il importe de prouver maintenant. La première hypothèse qui se présente est qu'elle a pu être écrite par celui qui nous l'a transmise. De même que l'auteur de la Chronique de Salerne étale avec complaisance sa science des évènements, chérit les discussions étymologiques, prodigue les citations de l'Écriture, de même le rédacteur de la lettre est un clerc instruit : telle montrent les deux développements, l'un historique, l'autre grammatical, entre lesquels il intercale le fond même de sa dissertation, ou les innombrables passages de l'Ancien et du Nouveau Testament dont il émaille son œuvre[65]. Il est impossible pourtant de s'arrêter à cette opinion, pour une raison des plus sérieuses. On peut considérer l'Anonyme comme un compilateur détestable, bien que ce ne soit pas notre avis ; mais, à moins d'être aveugle ou d'avoir mal lu, il est impossible de voir en lui un indifférent. Il a des opinions politiques et ne les cache pas. Lombard de naissance et d'idées, il n'a aucune affection pour les Galli[66] ; ses sympathies sont plutôt du côté des Grecs. Avec quelle chaleur il raconte la réception faite par le prince Gisulfe dans sa ville de Salerne au patrice Eugène, vainqueur de Paldulfe, prince de Bénévent ! Comme il célèbre les vertus des empereurs byzantins : Basile, pieux auguste, Nicéphore Phocas, bon, juste, observateur des lois, vainqueur des nations[67] ! Constantinople est pour lui urbs regia[68], et, s'il lui arrive de parler de l'empire, il se déclare nettement contre les prétentions des Occidentaux. A la fin du récit, d'ailleurs légendaire, d'une entrevue de Charlemagne avec l'évêque de Bénévent, où éclate son admiration pour ce dernier parce qu'il a tenu tète à l'empereur, il place cette courte réflexion : L'empereur, c'est ainsi qu'on le nommait dans sa famille, parce qu'il portait la précieuse couronne sur la tête. Mais il n'y a que celui qui gouverne l'empire romain, c'est-à-dire l'empereur de Constantinople, qui puisse avoir ce titre. Les rois des Francs sont des usurpateurs, car jamais anciennement ils ne furent appelés ainsi[69]. Ce n'est pas celui qui a écrit cette phrase qui aurait eu l'idée de démontrer la légitimité du pouvoir impérial des Carolingiens. La lettre vient probablement des archives de Salerne, et elle a été écrite dans un intérêt évident de polémique. Pour découvrir son origine, il n'y a qu'un moyen : rechercher dans quel dessein, pour qui elle a été faite. Ici le dessein n'a rien de mystérieux et le bénéficiaire n'est point douteux. Il s'agit d'établir, d'une part le droit du pape à faire un empereur, d'autre part la nécessité d'une expédition qui se terminera par l'expulsion des Sarrasins de la Calabre, de Palerme et de Sicile. Malgré quelques rodomontades à l'adresse des Grecs[70], leur concours est sollicité pour cette entreprise, et l'union des deux empereurs pour la défense de la chrétienté reste la suprême espérance : chacun d'eux coopérera dans la mesure de ses forces et de ses moyens à la délivrance des Italiens captifs, la flotte byzantine interceptant les communications des infidèles avec l'Afrique, l'armée franque les délogeant de leurs dernières positions[71]. Il n'est pas difficile d'établir que le seul homme d'État qui ait eu ces vues, toutes ces vues, et qui ait cherché à les réaliser à un certain moment, est le pape Jean VIII. Les idées politiques de la papauté s'étaient complètement modifiées depuis la mort de Nicolas Ier. Dominée par le péril extérieur qui ne lui laissait guère le temps de penser à autre chose, elle avait renoncé, pour le moment du moins, à ses vastes desseins : le salut de Rome et de l'Italie était devenu l'objectif unique de ses efforts. Telle fut la nécessité qui s'imposa à Jean VIII, et pour lui, comme pour Hadrien Il, le succès parut dépendre d'une bonne entente avec l'empereur. Le programme politique du Saint-Siège comporta désormais deux articles : avoir un empereur puissant et respecté, obtenir de lui qu'il prît spécialement la défense de l'Italie et de Rome. Cela résulte clairement des circonstances qui accompagnèrent l'avènement de Charles le Chauve à l'empire et des engagements qu'il dut prendre ; mais les déclarations réitérées de Jean VIII dissiperaient l'équivoque, s'il en existait une. Pas un instant le souverain pontife ne songe à nier les bienfaits des empereurs envers ses prédécesseurs, ni la fidélité de ceux-ci à la race franque[72]. Il va jusqu'à représenter l'ancienne union des papes et des Carolingiens comme une union parfaite : dès que l'un exprimait un désir, l'autre s'empressait de le réaliser[73]. Quant à l'empereur, il est le pieux César, son fils spirituel et chéri, le très droit, très bon, très clément, très excellent empereur, dont la majesté rayonne de la splendide lumière de la sagesse[74]. Le maintien de la dignité impériale n'est pas incompatible avec l'existence du régime de la concorde ; il faut, au contraire, que les lois de la charité soient observées par les princes-frères et tous les fidèles, car l'empereur étant d'accord avec les autres rois sera d'autant plus fort pour la défense des chrétiens[75]. Avec une politique différente de celle de Nicolas Ier, Jean VIII devenait, lui aussi, un homme remarquable, vir prœclarus Johannes, dit un annaliste[76]. Renoncer à soutenir par de grandes phrases et de violents conflits l'autorité matérielle et morale de la papauté, chercher à la défendre contre ses véritables ennemis, c'était moins grandiose, sans' doute, mais infiniment plus pratique, plus honnête et plus sûr. La grande pensée du pontificat fut de profiter des circonstances pour réconcilier l'Europe chrétienne contre les Sarrasins envahisseurs de l'Italie, et faire de Rome le trait d'union entre l'Orient et l'Occident. A l'exécution de cette pensée, Jean VIII consacra toute sa vie, une activité infatigable dont témoigne une correspondance de plus de quatre cents lettres, une vie d'abnégation, de larmes et de combats, au cours de laquelle l'intrépide vieillard ne faiblit jamais[77]. Le projet peut paraître insensé à ceux qui croient que la papauté et l'empire byzantin étaient en mauvais termes depuis le couronnement de Charlemagne ; pour nous, qui savons exactement ce que furent leurs rapports, sa réalisation était possible. L'évènement de l'an 800 n'avait pas interrompu les relations du Saint-Siège avec Constantinople, mais les papes avaient continué à correspondre avec les empereurs grecs, employant dans les moments où la querelle était le plus gigue les mêmes formules de respect et de soumission que par le passé[78]. La mésintelligence religieuse n'avait nullement entraîné la rupture politique : la papauté espérait toujours que l'orthodoxie finirait par triompher, grâce aux empereurs, dans les pays soumis à leur domination[79], et elle s'excusait auprès d'eux de son opposition, en leur faisant remarquer qu'elle ne prouvait qu'une chose : c'est que le Saint-Siège les aimait assez pour mettre au-dessus de tout leur gloire éternelle[80]. Jean VIII espérait d'autant plus que l'Empire grec se relevait à ce moment sous la dynastie macédonienne, et avait à sa tête un prince qui rachetait la bassesse de son origine par ses qualités de capitaine et de chef d'État, l'empereur Basile, le prétendu correspondant de Louis II[81]. Du côté des Carolingiens, aucun obstacle sérieux n'était à redouter non plus. Le traité conclu en 813 par Charlemagne et Michel n'avait jamais été dénoncé par leurs successeurs ; mais la politique d'entente inaugurée par le grand. empereur était demeurée en faveur, et l'on ne peut citer un seul texte qui prouve que les rapports entre Carolingiens et Byzantins aient été mauvais. Au contraire, les annalistes signalent de fréquentes ambassades échangées de part et d'autre. Le pacte de 813 est renouvelé deux fois sous Louis le Pieux, en 824 et 839[82], et l'empereur, désireux de compléter le rapprochement par l'union des deux Églises, décide le pape à envoyer à Constantinople des hommes sages et modérés[83]. Lothaire suit l'exemple de son père et de son aïeul, et, reprenant une de leurs idées, entreprend de marier son fils Louis avec la fille du César byzantin. Ce mariage n'eut pas lieu, par suite de la résistance de Louis, qui préféra Engelberge[84], mais il résulte de témoignages certains que ce prince désirait vivre en bonne intelligence avec les Grecs. Louis il ne s'était jamais fait illusion sur les véritables raisons qui avaient déterminé les Italiens à solliciter son concours ; il était convaincu que la nécessité seule les y avait contraints[85]. D'autre part, il craignait avec raison que, réduit à ses seules forces, il ne pût aller jusqu'au bout de sa tâche[86]. Son frère, le roi Lothaire II, lui accorda, au début, des secours qui lui furent d'une grande utilité[87] ; mais lorsque les Sarrasins eurent concentré leur résistance dans Bari, il parut à l'empereur que ses ressources ne suffiraient plus et qu'il ne parviendrait jamais à enlever la redoutable citadelle. Une prompte solution était cependant nécessaire ; plusieurs nobles se révoltaient dans le Nord ; d'autres avaient trouvé un refuge auprès d'Adalgise[88] ; l'Italie s'exaspérait dans l'attente : l'honneur et le prestige du nom impérial étaient en jeu. Louis fit appel aux Byzantins. Il leur avait montré récemment sa bonne volonté, en désapprouvant l'anathème lancé contre Photius par Nicolas Ier et les violences de langage de ce pape, si bien que le concile, réuni à Constantinople pour répondre aux attaques pontificales, avait acclamé son nom et celui d'Engelberge. Michel III et Basile présidaient la séance, et les acclamations des empereurs francs figurèrent après celles des empereurs grecs au bas du procès-verbal officiel du concile[89]. Un accord fut négocié sans trop de difficultés, aux termes duquel Basile devait envoyer une flotte de quatre cents vaisseaux au siège de Bari, et recevoir en échange la fille de Louis II comme épouse[90]. Mais ces projets d'union entre princes et princesses franques ou byzantines échouaient toujours : il en fut de celui-là comme des autres. L'empereur byzantin tint parole et envoya une flotte commandée par un patrice ; au moment de remettre sa fille à cet officier, Louis II recula, soit qu'un tel mariage lui répugnât, soit plutôt qu'il craignît les complications politiques qui pouvaient en résulter, et le patrice, faisant voile en arrière, revint à Corinthe (869)[91]. Lorsque Jean VIII monta sur le trône de saint Pierre, Bari venait de succomber après un siège de cinq ans[92], et de l'alliance avec les Grecs il n'était plus question. Charles le Chauve ne fit que passer, et laissa l'Italie en péril, Rome sans empereur. Mais le pape n'était pas homme à désespérer. La mort des deux empereurs dans lesquels il avait mis sa confiance le frappa cruellement, et il la déplora avec une sincérité dont on trouve dans ses lettres l'écho à peine affaibli[93] : il ne perdit pas son temps à des lamentations[94]. On sait les circonstances dans lesquelles Charles le Chauve disparut. Des légats pontificaux étaient venus le trouver à Compiègne pour lui rappeler les engagements pris envers le Saint-Siège ; l'empereur, après avoir réglé à Kiersy-sur-Oise les affaires du royaume, avait passé les Alpes malgré l'opposition des grands, et obtenu de Jean VIII qu'il couronnât l'impératrice Richilde, quand arriva la nouvelle que Carloman s'avançait avec une multitude d'hommes armés. Incapable de résister à un pareil choc, Charles aima mieux repasser les monts. Arrivé dans une localité du versant français, peut-être à Briançon, il mourut le 6 octobre 877, et son corps fut transporté avec mille difficultés au monastère de Nantua, où il reçut la sépulture[95]. De même que son prédécesseur Louis II, il avait négligé de régler la question de succession à l'empire[96]. Malgré quelques hésitations apparentes, provenant des difficultés au milieu desquelles il se débattait et de certaines nécessités sous le poids desquelles il était obligé de plier, Jean VIII prit rapidement une décision. Charles le Chauve laissait un fils, Louis le Bègue. Il n'est pas douteux que le pape reporta immédiatement sur ce roi l'affection qu'il avait pour son père, et que son choix se fixa sur lui pour assurer la défense de ses intérêts. C'est en France qu'il convoqua la grande assemblée nécessaire à la généralité du peuple chrétien et à la délivrance de la cité de Rome, tête et maîtresse du monde[97], et, si tous les archevêques, les évêques, les rois, y furent invités[98], Louis le Bègue le fut à un titre spécial, celui de conseiller secret de la papauté institué par l'autorité du Saint-Esprit à la place de Charles le Chauve[99]. Ce qui se passa dans l'esprit du souverain pontife à ce moment est facile à comprendre. Tous les malheurs du premier empereur choisi par lui provenaient de ce que, s'il avait été accepté par les Italiens et les Francs occidentaux, les autres rois ne s'étaient point ralliés à sa candidature : tel avait été l'obstacle contre lequel sa fortune était venue se briser. Jean VIII voulait éviter le retour d'une pareille aventure, avoir un empereur incontesté cette fois, et réaliser, grâce à lui, la paix et l'unité des saintes églises de Dieu et de tous les chrétiens par le Saint-Siège[100]. En 878, il prit la route de mer, et, le jour de la Pentecôte (11 mai), il débarqua à Arles. Boson, le défenseur que Charles le Chauve lui avait autrefois donné, prit la direction de l'escorte, et, à la suite de négociations engagées depuis Lyon avec Louis le Bègue alors à Tours, Troyes en Champagne fut choisi comme lieu de rencontre[101]. Ce fut là que le malheureux pape éprouva la plus grande déception de sa carrière. Les autres rois carolingiens ne vinrent pas[102], et Louis le Bègue resta sourd aux propositions qui lui furent faites. L'avènement du jeune roi de la France occidentale s'était accompli dans des circonstances difficiles[103], et toute absence de sa part eût été imprudente à ce moment ; il était d'ailleurs simple et doux, aimant la paix, la justice et la religion, répugnant à toute entreprise hasardeuse dans le genre de celle qu'on lui proposait[104]. En opposition avec la conception de Jean VIII, plus vieille et qui rappelait celle des premiers empereurs carolingiens, Louis le Bègue en avait une autre ; il considérait l'Empire comme fini, usé, incapable d'une action sérieuse ; son avis était que les princes de la maison carolingienne devaient partager fraternellement les royaumes encore indivis, Bourgogne, France, Italie, comme jadis son père et son oncle avaient partagé la Lorraine, et ainsi il prétendait assurer à sa façon ce salut de tout le peuple chrétien que Jean VIII voyait dans le maintien de l'empire et la création d'un empereur[105]. On conçoit le découragement de Jean VIII. Il était arrivé en France plein d'enthousiasme et d'espérance, heureux d'accepter les présents qui lui étaient offerts par son hôte et de le couronner roi selon ses désirs. Quand il s'aperçut qu'il n'avait aucune satisfaction à attendre, il ne fut pas maître de sa colère : il refusa de couronner la reine et de confirmer le privilège qui faisait de Louis le Bègue l'héritier légitime du trône de Charles le Chauve[106]. Enfin, après sept mois d'attente[107], il reprit le chemin de l'Italie, ne sachant plus quel parti adopter[108]. Boson se tenait toujours à ses côtés, ayant été chargé par le roi, son neveu, d'accompagner le souverain pontife au-delà des Alpes[109]. C'était un homme énergique et entreprenant, illustre par les hautes fonctions qu'il avait remplies et par ses alliances ; sa fille venait d'épouser à Troyes Carloman, le second fils de Louis le Bègue[110]. Boson avait de l'ambition, et plus que lui encore, sa femme Hirmingarde, la digne fille de l'impératrice Engelberge, qui déclarait ne vouloir vivre si, fille d'empereur franc et fiancée à un empereur grec, elle ne faisait de son mari un roi[111]. Peut-être le pape pensa-t-il un instant à faire du gendre de Louis II son défenseur, et à transformer en une royauté effective ce gouvernement de l'Italie qu'il exerçait, assez mal d'ailleurs, pour le compte d'autrui ; mais, profitant des embarras de Louis II et de Carloman, les fils et successeurs de Louis le Bègue, Boson aima mieux rentrer en France pour se faire couronner roi de Provence, et Jean VIII dut renoncer à son projet, si tant est qu'il y ait tenu réellement[112]. Pendant ce temps, les Sarrasins mettant à profit la vacance de l'Empire et la désunion de leurs adversaires, accomplissaient chaque jour de nouveaux progrès. Le pape était atterré de leurs succès et déplorait en particulier l'appui qu'ils rencontraient auprès des habitants de l'Italie du Sud. Au mois de mai 856, accompagné par Lambert de Spolète que Charles le Chauve venait de lui donner pour lieutenant, il s'était rendu en personne à Capoue et à Naples afin de détruire le pacte conclu avec les infidèles par Guaifer, prince de Salerne, et Sergius, duc de Naples[113]. Guaifer obéit volontiers ; Sergius poussé par Adalgise refusa, mais Jean VIII profita de sa présence à Naples pour y installer un évêque de son choix, Athanase le jeune, neveu d'Athanase l'ancien[114]. Celui-là paraissait acquis à la bonne cause ; les lettres de Jean VIII le représentent dévoué au Saint-Siège[115], et grâce à lui, le duc Sergius, renié par ses sujets, frappé d'anathème par l'Église, fut saisi et envoyé à Rome, où il mourut, les yeux crevés[116]. Dangereuse méprise ! Personnage fourbe et cauteleux s'il en fut, Athanase ne s'était rallié à la politique pontificale que par ambition personnelle ; Il n'avait jamais été hostile, dans le fond, à l'alliance sarrasine, et, devenu duc tout en demeurant évêque, il entra dans les idées de son prédécesseur. En vain Jean VIII l'avertit de se séparer des infidèles, le menaça d'anathème s'il n'obéissait pas[117] ; Athanase ne s'émut pas de ces discours, et les Sarrasins purent s'établir avec son autorisation sous les murs de la ville. Ils se jetèrent ensuite sur le pays de Bénévent, le territoire de Rome et de Spolète, pillant les monastères, les églises, les villes, les places et les bourgs, n'épargnant même pas les montagnes, les collines et les îles : les couvents vénérés de Saint-Benoît et de Saint-Vincent martyr furent incendiés[118]. III La lettre a été composée vers le milieu de l'année 879, et elle a pour auteur probable le bibliothécaire Anastase.Par nécessité politique et conviction religieuse, Jean VIII était tellement engagé dans la guerre contre les Sarrasins qu'au moment de son pontificat où nous sommes arrivés il n'avait plus qu'un désir : délivrer l'Italie de leur présence, et, pour y réussir, créer un empereur, rompre l'alliance de Naples avec les infidèles. C'est exactement l'objet de la lettre à Basile, et, si cette lettre s'accorde mal avec les idées et les évènements du règne de Louis II, on doit convenir qu'elle se place tout naturellement à la suite des faits qui viennent d'être rapportés. En serrant les textes d'un peu près, non seulement cette impression se confirme, mais il est possible de fixer l'heure exacte où elle fut écrite, c'est-à-dire le moment où la doctrine de Jean VIII, d'abord incomplète et inavouée, au moins sur un point, la manière de choisir l'empereur, passa à l'état de projet mûrement conçu. Jean VIII fit un empereur, pour la première fois, entre le 12 août 875 — mort de Louis II — et le 25 décembre de la même année — couronnement de Charles le Chauve —. A cette date, sa théorie de l'élection impériale n'était pas arrivée à maturité, ou, du moins, il n'osait la dénoncer publiquement. Pour décider Charles le Chauve à venir en Italie, il se couvrit de l'opinion de ses deux prédécesseurs, du clergé et du sénat romains. Au lendemain du sacre, il se bornait à dire qu'il avait été l'intermédiaire de la divinité et que son initiative avait été approuvée par tous[119]. Un peu plus tard, lorsque l'empereur, descendu en Italie pour la deuxième fois, fut de nouveau menacé par les soldats de Carloman, un synode tenu à Ravenne fut chargé de confirmer et d'approuver la cérémonie romaine du 25 décembre 875[120]. Il y a loin de cette timidité, de ces explications fournies par Jean VIII pour justifier son rôle, au droit pontifical tel qu'il est formulé dans la lettre de Louis II à Basile[121]. En revanche, on trouve ce droit proclamé après la mort de Charles le Chauve, dans une lettre de Jean VIII écrite à l'occasion d'événements qu'il importe de préciser. Tandis que le souverain pontife montrait sa préférence pour Louis le Bègue, les Italiens accordaient à Carloman une faveur marquée. Ce prince avait depuis longtemps des partisans dans le bassin du Pô[122], et, si la maladie qui décimait son armée l'empêcha d'aller jusqu'à Rome après la mort de Charles le Chauve, il s'entendit avec les chefs de l'aristocratie, et revint en Bavière ayant disposé de l'Italie, disent les annalistes, ce qui veut dire qu'il avait été reconnu roi[123]. En même temps il écrivait au pape plusieurs lettres, où il lui promettait de relever l'Église romaine, plus qu'aucun de ses prédécesseurs ne l'avait fait[124]. Le choix eût été bon. Doué d'une beauté peu commune et d'une majesté qui convenait à l'Empire, le fils ainé de Louis le Germanique était un brillant général, qui avait montré les plus grandes qualités militaires dans la guerre contre les Slaves, un esprit cultivé dans un corps robuste, et sa réputation s'étendait au loin[125]. Jean VIII ne pouvait écarter brutalement sa candidature. Il lui répondit par une lettre très habile, où il lui disait qu'il pouvait venir à Rome, qu'il y avait de nombreuses formalités à remplir, qu'on verrait, et ne prononçait pas une seule fois le nom d'empereur ou d'empire[126]. Mais les circonstances l'empêchèrent de dissimuler plus longtemps ses véritables intentions. Lambert de Spolète, associé à un autre seigneur italien, Adalbert d'Ivrée, marcha en effet sur Rome avec une forte troupe, et, mettant le pape sous bonne garde, obligea les nobles romains à prêter serment de fidélité au roi Carloman. Après qu'il fut parti, Jean VIII, redevenu libre, se rendit à Saint-Pierre, dont il fit transporter les trésors au Latran, couvrit l'autel, enferma les hosties, interdit que le culte fût célébré pendant plusieurs jours, même que les portes fussent ouvertes aux pèlerins, puis, il entreprit ce voyage de France, qu'il méditait depuis longtemps, et qui lui réussit assez mal, comme on l'a vu[127]. Pourquoi cette résistance opiniâtre, et inexplicable en apparence, au choix de Carloman ? Faut-il l'attribuer à des sympathies particulières pour la France ? Jean VIII fut-il, comme on l'a écrit, un pape aux tendances françaises, plein de répugnances pour la maison germanique[128] ? C'est douteux. Doit-on croire plutôt qu'il hésitait à couronner un prince qui avait fait le malheur et la perte de l'empereur de son choix ? Il me semble que la conduite du pape s'explique par un autre motif plus grave, par une raison de principe qui intéresse directement notre sujet. Le système électoral récemment inauguré soulevait une question délicate. L'empereur fait par le pape et le roi d'Italie fait par les Italiens étant un même personnage, on pouvait se demander dans quel ordre les deux élections devaient avoir lieu ? Qui commencerait ? Qui imposerait sa volonté à l'autre ? Jean VIII saisit cette nuance avec beaucoup d'à propos, et lors, du couronnement de Charles le Chauve, il agit avec tant de précipitation que les Italiens durent subordonner leur choix au sien[129]. Maintenant il s'agissait pour Jean VIII d'accepter le prince que les Italiens avaient élu en dehors de lui, qu'ils avaient opposé jadis à son candidat, et qu'ils espéraient faire triompher malgré tout. Il était trop fier pour accepter une pareille humiliation, et, dans une lettre adressée à Anspert, archevêque de Milan, le même qui avait pris une part prépondérante aux résolutions de l'Assemblée de Pavie de 876, il exposa ses vues sur l'affaire. Après avoir déploré l'insuccès du voyage de France, il déclarait qu'ayant vainement cherché au péril de la mer un secours humain, il n'avait plus qu'à s'adresser à Dieu ; Anspert était donc invité à venir à Rome avec ses suffragants, afin de participer à un synode oh seraient prises les décisions que la situation exigeait. Faisant bon marché de Carloman, malade, disait-on, et incapable de conserver l'Italie, le pape indiquait de quelle manière le choix du nouveau roi devait se faire à l'avenir : Il faut absolument, disait-il à l'archevêque[130], que vous nous rejoigniez au moment indiqué, et que vous ne receviez aucun roi auparavant, sans notre consentement, car le prince que nous destinons à l'Empire doit être, d'abord et par-dessus tout, appelé et élu par nous. Maintenant tout s'éclaire et s'enchaîne. Cette lettre, où Jean VIII revendique formellement pour la papauté le droit exclusif de choisir l'empereur-roi d'Italie, et qui contient en germe la doctrine développée dans la lettre à Basile, est du 5 mars 879[131]. La trahison d'Athanase, évêque de Naples, se place quelques mois après[132]. A la même époque, le pape demande que Basile envoie une flotte dans les mers italiennes, et, pour obtenir ce service, il ne craint pas d'accorder la réintégration de Photius, si bien que ses ennemis l'accusent de complaisance envers les Grecs[133]. D'autre part, la vacance de l'Empire menace de s'éterniser. Malgré des appels réitérés adressés à tous les princes carolingiens, aucun ne répond[134]. Le moment est grave pour Jean VIII. Toutes les difficultés de sa tâche se précisent et s'accumulent. Le fardeau de la défense de l'Italie retombe entièrement sur lui, car il a été provisoirement chargé par Carloman du gouvernement du royaume[135] : c'est, comme on l'a dit, la crise de son pontificat[136]. Il est nécessaire qu'un grand coup soit frappé. Alors est répandue dans le Sud de la péninsule, où l'Anonyme la retrouvera cent ans plus tard, et peut-être jusqu'en Orient, cette lettre qui résume parfaitement les vues du souverain pontife et les place sous l'invocation du prince franc le plus populaire qui fût jamais en Italie et à Constantinople. Qui s'est chargé de cette audacieuse falsification ? On se rappelle le bibliothécaire Anastase, si intimement mêlé à l'histoire impériale et pontificale du règne de Louis II. Rentré en grâce, malgré ses fautes, à l'avènement de Nicolas Ier, il garda sa situation sous Hadrien II et Jean VIII, et put développer à l'aise les qualités qui faisaient de lui le factotum de la cour romaine[137]. Rédacteur de lettres subtiles, excellent surtout la plume à la main, Anastase était parmi les hommes du pape le seul qui fût capable d'exécuter un travail du genre de celui qui nous est parvenu. Le pastiche est remarquable ; il témoigne une connaissance approfondie de la société contemporaine ; certains termes empruntés à la phraséologie carolingienne montrent que l'auteur avait une conception exacte de cet empire divisé en apparence, mais uni en Dieu enfin le tour de main n'est point d'un novice[138]. Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle paraît très vraisemblable, si l'on tient compte de ce fait qu'Anastase mourut seulement au milieu de l'année 879[139], qu'il fut mêlé directement à tous les évènements rappelés dans la lettre à Basile, que les théories qui y sont exposées lui étaient familières, que le but que l'auteur se proposait fut celui de toute sa vie[140]. Tandis qu'on ne trouve point trace d'une discussion
relative au titre impérial dans la correspondance échangée entre les
empereurs byzantins et francs, en revanche cette question se trouve posée
dans la correspondance des papes avec Constantinople. Une dizaine d'années
avant la mort de Louis II, aux environs de novembre 865, Photius fut frappé
d'anathème par le Saint-Siège. Le patriarche dicta à l'empereur Michel une
lettre pour le pape, où la langue romaine était qualifiée de barbare. A quoi
Nicolas Ier répondit : Mais, si vous qualifiez une
langue de barbare parce que vous ne la comprenez pas, considérez combien il
est ridicule que vous soyez appelés empereurs des Romains, alors qu'il n'y a
point de langue romaine. Vous vous intitulez empereur des Romains au
commencement de votre lettre, et vous ne craignez pas de qualifier la langue
romaine de barbare. Cessez de vous nommer empereurs romains, puisque, de
votre propre aveu, ces Romains, dont vous affirmez être les empereurs, sont
des barbares[141]. Anastase était
l'auteur de cette lettre, puisqu'il a rédigé toute la correspondance de
Nicolas Ier, à une exception près, qui n'est point celle-ci[142]. De même, nul,
mieux que lui, n'était au courant de l'affaire des légats du huitième concile
œcuménique. Il se trouvait à Constantinople pour y régler les conditions du
mariage de la fille de Louis II avec Basile au moment où les Pères étaient
rassemblés, et, quand les légats pontificaux arrêtés par les pirates curent perdu
l'original des actes du synode, Anastase put placer dans ses archives une
copie qu'il avait heureusement gardée[143]. Enfin il avait
joué son rôle dans les démêlés des Napolitains avec la papauté et l'empire.
Ce fut lui en effet qui dirigea la seconde ambassade envoyée aux habitants
pour les décider à reprendre leur pasteur et leur
père. Le bibliothécaire utilisa dans la circonstance toutes les
ressources de son esprit : il se heurta à un refus[144]. En puisant clans ses souvenirs et ses archives, Anastase trouvait tous les éléments de sa lettre, et c'est ainsi que nous-même avons pu les reconnaître. Maintenant, pourquoi éprouva-t-il le besoin de dénaturer la conduite des Napolitains ? Il n'est pas difficile de le supposer. Son éloquence et son talent de persuasion l'avaient fait désigner par Hadrien pour l'ambassade de Naples ; l'insuccès qu'il subit fut d'autant plus cruel à son amour-propre. Alors, au lieu de raconter les choses comme elles s'étaient passées, au lieu d'avouer la tentative faite pour placer les Napolitains sous la tutelle impériale — leur résistance, dans ce cas, eût paru légitime —, il aima mieux, confondant les noms et les époques, les accuser d'être depuis longtemps les alliés des Sarrasins et d'avoir exilé leur vieil évêque, parce qu'il s'opposait à leurs mauvais desseins[145]. Il les fit pourchasser, en punition, par les soldats de Louis II, et cet audacieux travestissement de l'expédition de Marin d'Amalfi n'est pas la moindre curiosité du récit. Anastase travaillait ainsi, — et c'est peut-être son excuse, — à une œuvre qui lui était chère : le rapprochement des deux empereurs d'Orient et d'Occident. Chargé de négocier avec Byzance le mariage de la fille d'Engelberge, il s'était acquitté consciencieusement de sa mission[146], et comme il nous le dit lui-même, il s'appliqua sans relâche, pendant sept ans, à faire l'union des deux Empires et des deux Églises, répandant à travers le monde entier ses paroles et ses écrits. IV Charles le Gros, empereur (12 février 881).La lettre de Louis II à Basile contient, en somme, le programme de l'action pontificale et impériale, telle qu'on la concevait à Rome vers le milieu de l'année 879. Il n'est pas indifférent de savoir si ce programme fut rempli. Louis le Bègue venait de mourir[147], et ses fils, Louis III et Carloman, presque deux enfants, préoccupés du péril extérieur et de la solidité de leur trône, avaient au sujet de l'empire les mêmes idées que leur père : il n'y avait donc rien à faire de ce côté[148]. D'autre part, Carloman, le roi d'Italie, était toujours malade, et son frère Louis l'était également[149]. Jean VIII écrivit à Charles, le dernier fils du Germanique, d'envoyer des députés à Rome et d'imiter ses aïeux dans la protection de l'Église romaine ; il lui suggérait en même temps l'idée de venir en personne, si la chose était possible[150]. Le pape eut beau insister, protester que son choix était sincère, et que ni lucre, ni flatterie, ni crainte ne le détournerait du nouvel élu : il ne réussit pas à convaincre son correspondant[151]. Alors renonçant aux formules vagues, Jean VIII cessa toute équivoque, et, dans une lettre du 16 août 879, prononça le mot décisif : Il y a longtemps que nous vous avons appelé pour vous élever à la sublime dignité de l'Empire — ad culmen imperii volentes perducere[152]. La combinaison était nette cette fois, et elle était viable. Elle fut favorisée par les circonstances. La maladie de Carloman s'aggravait avec une telle rapidité qu'il ne restait plus aucun espoir de le sauver et que lui-même s'en rendait compte. Alors que la paralysie lui avait déjà enlevé l'usage de la parole, il régla par écrit le sort de ses États, et abandonna à son plus jeune frère ses droits sur l'Italie[153]. Le pape n'avait pas été étranger à cette décision ; il l'avait suggérée à Carloman, en lui représentant le désordre dans lequel était tombé le pays privé de défenseur[154]. Cette fois, Charles se décida, et, réunissant une armée nombreuse, il franchit les Alpes pour se rendre à Ravenne, où avaient été convoqués d'avance le souverain pontife, le patriarche de Frioul, l'archevêque de Milan, les évêques, comtes, et en général tous les grands d'Italie[155]. L'assemblée, analogue par sa composition à celle que Charles le Chauve avait précédemment tenue à Pavie, eut lieu à l'endroit indiqué, et l'aristocratie prêta serment à Charles le Gros, après l'avoir proclamé roi d'Italie, probablement le 6 janvier 880, jour de l'Épiphanie[156]. Par suite de quel malentendu ou de quelle mauvaise volonté Jean VIII, venu deux mois trop tôt au rendez-vous, était-il déjà retourné à Rome, de sorte qu'il ne prit aucune part aux actes de Ravenne ? Pourquoi une nouvelle tentative du roi et du pape pour se rejoindre à Pavie le ter novembre n'aboutit pas davantage[157] ? Il est difficile de le dire. Jean VIII trouvait sans doute qu'il avait fait assez d'avances, et peut-être craignait-il que le roi ne voulût lui faire prêter le même serment qu'aux seigneurs italiens[158]. Apprenant le pillage des rives de la Loire par les Normands et la révolte de Boson contre Louis III et Carloman, Charles repassa les Alpes, sans être allé à Rome[159]. Ce fut un an seulement après avoir été proclamé roi d'Italie qu'il put revenir, les affaires de France une fois réglées, et, bien accueilli par le souverain pontife et le sénat romain, recevoir, le 12 février 881, la précieuse couronne avec le titre de César et d'Auguste[160]. A ce moment où sa carrière allait finir, Jean VIII n'avait rien perdu, comme on le voit, de son ancienne activité, rien abdiqué de ses opinions. Fidèle au programme exposé dans la lettre à Basile, il avait fait un empereur. Charles le Gros, désigné par lui pour l'Empire, avait été accepté comme roi par les Italiens, le sénat de Rome réduit à un rôle simplement décoratif, et ainsi s'était réalisé le vœu formulé dans la lettre à Anspert : Il convient que le prince que nous destinons à l'Empire soit d'abord appelé et élu par nous. Inébranlable dans sa foi et ses espérances, le pape donnait chaque jour au nouvel empereur des gages d'affection, le protégeant contre tous ses ennemis, contre les intrigues de l'impératrice Engelberge et de Boson, préparant enfin la noble tâche qu'il lui réservait : la délivrance de l'Italie du Sud[161]. Hélas ! de ce côté, les choses n'allaient pas bien. L'exemple pernicieux des Napolitains avait porté ses fruits. Le comte de Capoue, Pandonulfe, avait à son tour contracté alliance avec les Sarrasins, et expulsé l'évêque Landulfe pour lui substituer son propre frère Landonulfe, comme jadis Sergius avait chassé Athanase l'ancien. Une réunion générale des alliés se tint au Colysée de Capoue. Les villes de Naples, Gaète, Capoue, étaient représentées, et. à la suite des délibérations prises, de nombreux pillages furent commis. Vieux, n'ayant aucune force utilitaire à sa disposition, Jean VIII chercha à obtenir par la diplomatie ce qu'il ne pouvait avoir par la force. Il envoya des sommes considérables à Athanase de Naples pour le détacher des infidèles[162] ; il descendit pour la seconde fois à Capoue, et peut-être même à Naples, après le sacre de Charles le Gros[163] ; enfin, malgré les supplications de Bertaire, abbé de Saint-Benoît du Mont-Cassin, et de Léon, évêque de Téano, qui l'adjuraient de ne pas commettre une pareille action, il consentit à reconnaître Landonulfe comme évêque légitime de Capoue[164]. Efforts louables, mais inutiles ! Athanase, dont l'ambition croissait avec le succès, se montra aussi insensible à la présence pontificale qu'à l'argent, et, le pape une fois parti, il continua la série de ses exploits[165]. Si l'on ajoute que, dans le même temps, le schisme se consommait et l'espoir d'une alliance avec les Grecs s'évanouissait[166], on s'explique la lettre lamentable envoyée par le pape à l'impératrice Richarde et à son conseiller Liutward au mois de mai 882 : Nous attendions la lumière, et voici les ténèbres. Nous cherchions un secours, et nous n'osons sortir des murs de la ville. Avant votre arrivée à Rome, il y avait pour nous quelque tranquillité ; maintenant il y règne une intolérable tempête de persécution, parce que ni notre fils spirituel, l'empereur, ni aucun homme d'aucune nation ne nous porte secours[167]. Jean VIII mourut à Rome le 14 décembre 882, quelques mois après avoir écrit ces lignes qui disent éloquemment sa désillusion et sa défaite[168]. Il avait un empereur, mais qui ne lui rendait aucun service, et le salut de l'Italie du Sud était plus douteux que jamais. Même dans ces conditions, même considérée comme un faux inutile, la lettre à Basile reste cependant une pièce du plus puissant intérêt. Elle a sa place marquée à côté de la fausse donation de Constantin et des fausses Décrétales, et l'on y trouve merveilleusement résumée l'évolution de l'idée impériale à cette époque, cette substitution à l'Empire franc d'un Empire romain dont le pape et les Italiens auraient été les souverains dispensateurs. |
[1] Geschichte des ostfränkischen Reiches, t. II, p. 267-271.
[2] Geschichte der Stadt Rom
im Mittelalter, t. III, p. 155-157.
[3] Das Karolingische und das
byzantinische Reich, p. 83 sq.
[4] AMARI, Storia dei Musulmani in Sicilia,
t. I, p. 381, note 1.
[5] DÜMMLER, t. II, p. 267 n. 3, et BŒHMER-MÜHLBACHER, Reg. n° 1213, repoussent l'opinion d'Amari, en se renvoyant l'un à l'autre et sans donner aucune raison. WAITZ (Deutsche Verfass, t. V, p. 81, note 12), suit Dümmler et Gregorovius, tout en reconnaissant qu'on peut élever des doutes sur l'authenticité de la lettre. GASQUET (L'Empire byzantin et la monarchie franque, p. 415 sq.), emploie celle-ci sans hésiter ; il la résume et en traduit plusieurs passages.
[6] Tous les autres manuscrits que l'on possède sont des copies de celui-là. (PERTZ, Monumenta Germaniæ historica, SS. III, p. 241.) — GASQUET, p. 415 n. 1, se trompe, en disant que Baronius a publié la lettre d'après un manuscrit de l'histoire d'Erchempert auquel elle était annexée, ce qui laisserait supposer qu'il existait à la fin du XVIe siècle un second texte, indépendant, mais aujourd'hui perdu. Baronius dit simplement que la lettre lui a été communiquée d'après un manuscrit d'Erchempert, dont il a retrouvé un exemplaire à la bibliothèque de Cologne (Annales ecclesiastici, t. X, p. 42). Comme l'Histoire des Lombards et la Chronique de Salerne sont toujours ensemble, il est clair que c'est dans la Chronique que Baronius a pris la lettre à Basile. — Le Chronicon Salernitanum a été édité par PERTZ, SS. III, p. 467-571 ; la lettre occupe les pages 521-527.
[7]
Voir le texte de la Chronique, et PERTZ, SS. III, p. 467-469 ; EBERT, o. c., t. III, p. 479-480 ; WATTENBACH, Deutschlands
Geschichtsquellem, t. I, p. 398-399.
[8] Chron. Salern., 33, 37, 64, 84.
[9] PERTZ, SS. III, p. 467, 469.
[10] Chron. Salern., 123, 128.
[11] Chron. Salern., 37. — Il s'agit du Mont-Cassin. Le nom de Paul Diacre revient encore, avec éloge, aux § 9-50, 17-20, 36-37.
[12] EBERT, t. III. p. 480 ; PERTZ ; SS. III, p. 467. — On avait d'abord cru que la date de l'apparition du Chronicon Salernitanum était 995, parce que, dans un catalogue impérial qui précède l'ouvrage, il est dit qu'Otton III a régné douze ans ; or cet empereur est arrivé au pouvoir eu 983. Mais le catalogue en question a été ajouté postérieurement, et l'auteur de la Chronique dit lui-même au § 120 que depuis la mort d'Adalgise (878) usque nunc... centam anni expleti sunt.
[13] EBERT, t. III, p. 480. — Ces exactement ce que dit WATTENBACH, t. I, p. 399.
[14] Cette partie commence avec le § 159 — Cf. § 167, où l'auteur dit de Gisulfe, en termes emphatiques : Regnum Grœcorum, Agarenorum, Francorum, Saxonumque et nimirum obedicbat.
[15] Chron. Salern., 131.
[16] L'empereur grec a offert à Charles des sommes considérables et des terres en Asie, trois légions pour chasser les Normands et le titre de premier consul. Voir la réponse du roi des Francs (Chron. Salern., 34).
[17] Chron Salern., 33 ; § 15. — Mêmes formules aux § 34, 67, 70, etc.
[18] SS. III, p. 467.
[19] Chron. Salern., 68, 84, 139, 184-186, 187. Ce texte est le plus complet de ceux où l'auteur expose sa méthode.
[20] Chron. Salern., 100, 175.
[21] Virgile est nommé au § 175 ; Saint-Augustin est couramment cité (§ 70, 80, 99-100, 149, 154, 156, 175).
[22] Il suffira de renvoyer aux § 99 et 100 sur l'étymologie des mots pavimentum et imponere, 149 sur les trois sens et les différences d'accentuation du mot heros, 154 et 157 sur le sens de proceres et de secundum, 156 sur l'adverbe et la conjonction.
[23] PERTZ, SS. III, p. 467. — La Chronique de Salerne, au point de vue de la composition, se divise en somme en quatre parties. La première partie (§ 1-8) faite d'après les Vies de Zacharie et d'Étienne III, et où l'on reconnaît (§ 7) quatre lignes de la Vie de Saint Anselme, est une relation des premiers rapports entre les Carolingiens et les papes. La seconde (§ 9-110), où se trouve la lettre de Louis II à Basile, est la plus anecdotique ; on y trouve (§ 72-74) deux passages de la Translation de Saint Trophimène, mais l'auteur semble avoir surtout écrit d'après la tradition orale. Les § 111-142 sont littéralement copiés sur l'Histoire des Lombards d'ERCHEMPERT, avec des enjolivements qui n'ajoutent rien à la vérité historique. Enfin, la dernière partie, du § 142 à la fin, est personnelle, et elle constitue un document de premier ordre pour l'étude de l'histoire de la principauté de Bénévent.
[24] Voir § 20, 21, 29, les inscriptions des tombeaux d'Arachis, de Bomoald et de Grimoald ; § 64, le traité de Sicard avec les Napolitains, conservé in sacro Salernitani palatii ; § 90, la liste des comtes d'Amalfi d'après les archives de cette ville ; § 84, le traité de partage de la souveraineté du duché de Bénévent fait à la mort de Sicard.
[25] P. 521.
[26] P. 521.
[27] Par exemple, dans les Pacta et prœcepta venetica (KRAUSE, Cap., p. 128 sq.) où figure toute la série des empereurs, de Lothaire à Gui de Spolète, le seul titre que l'on rencontre est Divina ordinante providentia imperator augustus. — Cf. les précédents chapitres et BŒHMER-MÜHLB., Reg., p. LXXIV.
[28] P. 521.
[29] P. 523 et sq.
[30] DÜMMLER, t. II, p. 271.
[31] P. 523, ligne 22 et sq. Page 522, Louis II a déjà déclaré qu'il a reçu l'empire, et que, si ses oncles lui accordent le titre d'empereur malgré sa jeunesse, c'est qu'ils ne considèrent pas son âge, mais l'onction que le souverain pontife lui a donnée. La conduite du pape dans la circonstance est défendue avec beaucoup de vivacité (P. 523, lignes 39-40, 524, lignes 12-20).
[32] P. 521, lignes 41-42.
[33] P. 524, lignes 34-35.
[34] LAPÔTRE, fait bien remarquer que dans la lettre à Basile, se trouve, nettement et fortement exprimée pour la première fois la théorie de l'investiture romaine de l'Empire (L'Europe et le Saint-Siège, p. 239) ; GREGOROVIUS, t. III, p. 155 et DÜMMLER, t. II, p. 271, reconnaissent que, de l'aveu du prince, la dignité impériale provient désormais de l'onction conférée par le pape, L'idée que ces historiens se font de Louis II ne leur permet pas de voir là quelque chose d'anormal.
[35] P. 526, ligues 32-35. AMARI croit que, par Africa, il faut entendre, non l'Afrique, mais la cité d'Africa, qui d'ailleurs n'existait pas encore, et il en tire un nouvel argument contre l'authenticité de la lettre de Louis II (Storia dei Musulmani di Sicilia, t. I, p. 379 n. 2, 381 n. 1). Cette interprétation du texte est un peu abusive.
[36] P. 526, lignes 38-40.
[37] ANDREÆ BERGOM., Hist., 14.
[38] THEOPHAN. Contin., 53.
[39] P. 526, ligues 48-50. Cf. ERCHEMPERT, Hist.
Langob., 33.
[40] BŒHMER-MÜHLB., Reg., n° 1213.
[41] Ces trois écrits ont été édités par WAITZ (MGH, Scriptores rerum langobardicarum et italicarum sæculi VI-IX). Cet historien leur a consacré en outre des introductions critiques, et ses conclusions ont été reproduites, presque sans y rien changer, par WATTENBACH, t. II, p. 287-288, et ÉBERT, t. III, p. 223, 240, 248-249.
[42] IOHANNIS Gesta episc. neap., 63.
[43] Entreprise à Capoue après la destruction du monastère du Mont-Cassin par les Sarrasins en 883, l'Histoire des Lombards va jusqu'au commencement de l'année 889 (ÉBERT, t. III, p. 248).
[44] On plaçait autrefois la Vita Athanasii au XIIe siècle ; WAITZ, p. 401, l'a ramenée au Xe, et son opinion est aujourd'hui unanimement acceptée (ÉBERT, t. III, p. 223 ; WATTENBACH, t. II, p. 288).
[45] Ann. Bert., a. 856.
[46] Chron. Sancti Benedicti casinensis, 14 et 16 (MGH. Scr. rer. ital., p. 475-476). Sur les exploits de Soudan, cf. AMARI, t. I, p. 372-374.
[47] ERCHEMPERT, Hist. Langob., 32. — De même, la conclusion de l'auteur des Gestes des évêques de Naples, après avoir raconté les excès des Sarrasins dans le pays de Naples (IOHANNIS Gesta episc. neap., 64).
[48] ERCHEMPERT, Hist. Langob., 33. Cf. DÜMMLER, t. II, p. 265.
[49] ERCHEMPERT, Hist. Langob., 35.
[50] Vita Athanasii, 1-8.
[51] Vita Athanasii, 6. Il s'agit évidemment d'une des bandes installées aux environs de Naples, dont il est question dans la Chronique du Mont-Cassin (Chron. S. Benedicti casinensis, 16).
[52] IOHANNIS Gesta epics. neapol., 64-65.
[53] BŒHMER-MÜHLB., Reg., n° 1218 a, 1219 c.
[54] LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège à l'époque carolingienne, p. 220, 225, 229.
[55] IOHANNIS Gesta epics. neapol., 64.
[56] Aussitôt après qu'il a été élu par le peuple, Athanase entreprend le voyage de Rome, pour voir le pape et faire confirmer par celui-ci sa nouvelle dignité (JOANNIS Gesta epsc. neap., 63). Ses relations avec Louis II ne sont pas moins fréquentes (Vita Athanasii, 5). Si ses compatriotes l'envoyaient si souvent à l'empereur, c'est évidemment qu'il était persona grata auprès de celui-ci, et pour cause.
[57] Vita Athanasii, 7.
[58] Aucun chroniqueur ou historien ne fait mention de ce séjour de Louis II à Capoue, mais on a de lui trois diplômes datés de cette ville les 20, 31 mai et 12 juin 873 (BŒHMER-MÜHLB., Reg. n° 1222-1224).
[59] Lettre à Basile, p. 620, lignes 27-28.
[60]
REGINONIS Chron.,
a. 871 (SS. I, p. 583).
[61] JOANNIS VIII Epist., CCCXXXIV (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 939). Cf. JAFFÉ, Reg. n° 3008.
[62] ERCHEMPERT, Hist. langob., 38.
[63] JOANNIS VIII Epist. IX (Fragm.), ad
Neapolitanos, Salernitanos et Antalphitanos (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 655)
; JAFFÉ, Reg., n° 3012. Cf. ERCHEMPERT, Hist. langob., 38.
[64] ERCHEMPERT, Hist. langob., 39.
[65] Outre la discussion sur le mot res qui occupe une partie importante de la lettre, on trouve de nombreuses citations des Évangiles et des Épîtres (p. 524), qui peuvent être rapprochées des citations du même genre répandues dans la Chronique (§ 11, 19, 67, 70, 89, 100, etc.). — GREGOROVIUS admet que la lettre a été composée par un clerc de talent (Gesch. der Stadt Rom., t. III, p. 167).
[66] Chron. Salern., 40. — Le chauvinisme local est si puissant chez l'Anonyme de Salerne que l'Italie septentrionale elle-même rentre à ses yeux dans la Gallia (Chron. Salern., 109).
[67]
Chron. Salern., 172, 174, 129, 131.
[68] Chron. Salern., 131.
[69] Chron. Salern., 11.
[70] P. 525, lignes 1-7. À part cette phrase qui n'est pas méchante, il n'y a rien dans le ton du reste de la lettre dont les Grecs puissent vraiment s'offusquer.
[71] P. 527, lignes 6-13.
[72]
JOANNIS VIII Epist.
CLXV (MIGNE, P. L.,
t. CXXVI, col. 806).
[73] JOANNIS VIII Epist. CCXIV, ad
Carolomannum (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 830).
[74] MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 662,
664, 684, 686, 691, 694, 669, 731.
[75] JOANNIS VIII Epist. CXV, ad
Ludovicum balbum (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 768).
[76] Ann. Xanten. SS. II, p. 235.
[77] Les lettres de Jean VIII se trouvent clans la Patrologie latine de MIGNE (t. CXXVI, col. 650-970) et dans EWALD (Die Papstbriefe der brittischen Sammlung. N. Archiv., t. V, p. 295-326). En attendant que le P. Lapôtre ait donné une copie du Registre plus complète et plus conforme à l'original, on doit suivre les textes de Migne et d'Ewald et la chronologie de JAFFÉ (Regesta pontificum Romanorum, t. I, p. 376-422).
[78] Voir par exemple la correspondance des deux principaux papes du IXe siècle, Nicolas Ier et Jean VIII, avec les empereurs grecs (MIGNE, P. L., t. CXIX, col. 773, 790, 1016, CXXVI, col. 823, 829, 853).
[79] Les lettres de Nicolas Ier à Michel sont particulièrement intéressantes à cet égard. Non seulement le pape donne à l'empereur les louanges les plus flatteuses, le qualifie d'inclytus imperator (MIGNE, P. L., t. CXIX, col. 785), définit sa mission temporelle en termes élevés (MIGNE, P. L., t. CXIX, col 794), mais il affirme sa confiance en lui pour rétablir dans tout l'Orient l'obéissance au Saint-Siège. NICOLAI I, Epist. IV. MIGNE, P. L., t. CXIX, col. 559. Cf. Epist. XIII, col. 790. Telle fut longtemps l'opinion qui domina en Occident ; on crut qu'il suffisait de gagner l'empereur an parti du pape pour abattre les tentatives du patriarche, et que son œuvre était caduque, du moment qu'elle n'avait pas l'appui du pouvoir impérial (BRÉHIER, Le Schisme oriental au XIe siècle, Introd., p. XXIV).
[80]
NICOLAI I, Epist.
XCVIII, ad Michaelem imper.
(MIGNE, P. L., t. CXIX, col. 1045).
[81] Voir un bon portrait de Basile le Macédonien dans GASQUET, L'Empire byzantin et la monarchie franque, p. 387-389, 471 et sq.
[82] Ann. laur. maj. 2, a. 824. Ann. Bert., a. 839. Voir dans BARONIUS, Ann. eccl., t. IX, p. 739 sq., une longue lettre des empereurs Michel et Théophile à Louis le Pieux, qui prouve que le désir de vivre en paix existait de part et d'autre. La suscription de la pièce permettrait peut-être quelque hésitation, mais le contenu ne laisse aucun doute sur les sentiments de cordialité qui l'ont inspirée. Cf. GASQUET, L'Empire byzantin et la monarchie franque, p. 325, et HARNACH, p. 66.
[83] MIGNE, P. L., t. CIV, col. 1316-1317. Cf. t. V, p. 236 sq. D'après Héfélé l'empereur Louis se détermina à faire ce qui dépendrait de lui pour terminer la querelle des images qui troublait la Grèce et pour réconcilier les deux partis ennemis.
[84] Ann. Bert., a. 853.
[85] Chron. S. Benedicti
casinensis, 2.
[86] REGINONIS Chron., SS. I, p. 578.
[87] REGINONIS Chron., SS. I, p. 578-579 ; Chron.,
4. S. Benedicti casinensis : ANDREÆ BERGOM., Hist., 12.
[88] Chron. S. Benedieli
casinensis, 13.
[89] GASQUET, L'Empire byzantin et la monarchie franque, p. 387. — II est vrai que plus tard, lorsque Nicolas eut disparu, les Grecs désirant se concilier les bonnes grâces d'Hadrien II déclarèrent que les signatures des deux empereurs étaient sans autorité, celle de Michel ayant été donnée pendant l'ivresse et celle de Basile ayant été imitée (L. P. Hadrianus II, 29) ; mais on ne saurait se méprendre sur la valeur de cette rétractation tardive et intéressée.
[90] Ann. Bert., a. 869. Anastase le bibliothécaire, qui fut chargé de négocier cet accord, dit que Basile désirait la fille de Louis II pour son fils, et non pour lui (Interpretatio synodi VIII generalis. Prœfatio. MIGNE, P. L., t. CXXIX, col. 17).
[91] Ann. Bert., a. 869. Le récit du Continuateur de THÉOPHANE, V, 55, d'après lequel ce fut Basile qui eut l'idée du siège de Bari et s'empara de cette ville, est volontairement erroné. Les Byzantins n'occupèrent Bari que plusieurs années après (AMARI, t. I, p. 437).
[92] ANDREÆ BERGOM., Hist., 12.
[93] Lettres à Engelberge, au moment des anniversaires de Louis II (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 754, 784, 851). Lettres à Carloman et Louis le Bègue sur la mort de Charles le Chauve (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 744, 767-768).
[94] JOANNIS VIII Epist. XCIII, ad
Carolomannim (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 744).
[95] Ann. Bertin., Fuld., a. 877 ; REGINONIS Chron., SS. I, p. 589 (histoire du juif Sédécias) ; Ann. Vedastini, a. 877. Cf. DÜMMLER, t. III, p. 54.
[96] On ne saurait accorder confiance à l'affirmation invraisemblable du Continuateur d'ERCHANBERT, d'après lequel Charles le Chauve in Galliam rediens atque in ipso itinere moriens, Carlomanno imperii gubernacula dimisit (SS. II, p. 329.) L'empereur s'était préoccupé seulement d'assurer à son fils l'héritage de la couronne de France. Contre l'avis de l'Église, qui prétendait que seule elle avait le pouvoir de faire un roi, par le sacre, Charles admettait que la dignité royale était héréditaire dans la maison carolingienne (Libellus proclamationis adversus Wenilonen, cap. 1. KRAUSE, p. 450). Aussi, craignant une opposition à ses desseins, il recommanda à Louis le Bègue d'aller en Italie, de son vivant même, se faire couronner à Rome par le pape (Capitulare carisiacense, 14 juin 877, art. 14. KRAUSE, p. 359). La mort prématurée du père ne permit pas au fils le voyage projeté, mais Charles le Chauve mourant n'oublia pas l'avenir de son enfant, et Richilde apporta à Louis le Bègue qui se trouvait à Compiègne prœceptum per quod pater suas illi regnum ante mortem suam tradiderat, et spatam quæ vocatur sancti Petri, per quam eum de regno revestiret, sed et regium vestimentum et coronam ac fustem ex auro et gemmis (Ann. Bert., a. 877). De même, deux ans après, Louis le Bègue sentiens se mortem evadere non posse... coronam et spatam ac reliquum regium apparatum filio suo Hludowico misit (Ann. Bert., a. 879).
[97]
JOANNIS VIII Epist.
CXV, ad Ludovicum balbum
(MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 769). — JOANNIS VIII Epist. CVII, ad
Joannem archiepiscopum ravennatem (MIGNE, P. L., CXXVI, col. 757).
[98] Voir dans MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 769 et sq., les lettres d'invitation qui leur furent adressées par Jean VIII, entre avril et mai 878 (JAFFÉ, Reg. n° 3137 et sq.)
[99]
JOANNIS VIII Epist.
CXV, ad Ludovicum balbam.
MIGNE, P. L., CXXVI, col. 769.
[100] JOANNIS VIII Epist. CILI, ad
Ludocicum regem. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 786.
[101] JOANNIS VIII Epist. CXXI, ad Angelbergam Augustam (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 774). — Ann. Bert., a. 878.
[102] JOANNIS VIII Epist. CXLII, ad
Carolum crassum regem (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 786). Ils
ne répondirent même pas à l'invitation du pape (JOANNIS VIII Epist. CXXXIX, CXL, CXLI. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col.
785-786).
[103] Ann. Bert., a. 877.
[104] REGINONIS Chron., SS. I, p. 590.
[105] La conception, que Louis le Bègue avait de la politique, apparaît clairement dans le procès verbal de l'entrevue qu'il eut avec son cousin Louis le jeune à Fouron, le 1er novembre 878 (KRAUSE, Cap., p. 168). Par l'article 5, il est décidé que des missi seront envoyés aux autres fils de Louis le Germanique, Carloman et Charles, pour les inviter à une prochaine réunion.
[106] La scène qui se passa fut curieuse. Deux évêques, Frotaire et Adalgaire, remirent au pape l'acte par lequel Charles le Chauve avait transmis son royaume à son luis, en lui demandant de le confirmer. Jean VIII tira alors à son tour un diplôme de Charles le Chauve qui donnait à l'église romaine l'abbaye de Saint-Denis, déclarant qu'il approuverait le titre de nomination de Louis le Bègue, si le roi confirmait la donation faite par son père au Saint-Siège. Les choses en restèrent là. De l'avis des évêques et des conseillers du roi le prétendu diplôme de Charles le Chauve pour Saint-Denis n'était point authentique (Ann. Bert., a. 878).
[107] Ann. Fuld., a. 878. — Débarqué à Arles le 11 mai 878, le pape repassa les Alpes au mois de novembre de la même année (JAFFÉ, Reg. n° 3201), et fut de retour à Rome en 879 seulement ; sa présence dans la ville est certaine le 1er mai (JAFFÉ, Reg. n° 3240). Ainsi s'explique l'exagération apparente de l'annaliste de Fulde disant que Jean VIII passa en France une année presque entière.
[108] Toute sa tristesse se montre dans sa lettre au comte Suppo (JOANNIS VIII, Epist. CLXV. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 806).
[109]
Ann. Vedastini. SS. II, p. 879. — Ann. Bert., a. 878. — Ann. Fuld., a. 878.
[110] Ann. Bert., a. 878.
[111] Ann. Bert., a. 879. En outre, derrière Hirmingarde, il y avait la vieille Engelberge (JOANNIS VIII Epist. CCCXV, CCCXVI. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 924-925).
[112] Lorsque les évêques, réunis au synode de Mantailles en 879, élevèrent Boson à la royauté, ils rappelèrent que Jean VIII l'avait choisi pour protecteur à son retour de France et laissèrent entendre que Louis le Bègue avait été consentant à cette mesure (KRAUSE, Cap., p. 368). Et ce texte est confirmé par une lettre de Jean VIII à Charles le Gros (JOANNIS VIII Epist. CXLII. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 786). Il est évident qu'il ne s'agit ici que d'un vicariat analogue à celui que Boson avait déjà obtenu de Charles le Chauve, et cela prouve en passant que Louis le Bègue ne se désintéressait pas de l'Italie autant qu'on l'a dit (Cf. Conventio Furonensis, cap. 3. KRAUSE, Cap., p. 150). D'autre part, Jean VIII et Boson avaient eu à Troyes une entrevue secrète dont le motif ne nous est point connu (JOANNIS VIII Epist. CCXXII, ad Bosonem. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 835), et Méginhard déclare que le pape était disposé à mettre l'Italie sous la protection du gendre de Louis II (Ann. Fuld., a. 878). Que signifie, dans ce texte, le mot protéger ? POUPARDIN croit que Jean VIII avait pour Boson de grandes ambitions, mais que cc dernier était peu disposé à en profiter (Le royaume de Provence sous les Carolingiens, p. 92). Au fond, il règne dans toute cette histoire une incertitude dont on ne sortira probablement jamais.
[113] ERCHEMPERT, Hist. Lang., 39 ; JAFFÉ, Reg. n° 3040.
[114] PETRI Gesta Episc. neapol., 66.
[115] Ces lettres sont du 9 septembre 876 et du 9 avril 877 (JAFFÉ, Reg. n° 3046, 3089).
[116] ERCHEMPERT, Hist. Langob., p. 39 ; JAFFÉ, Reg. n° 3117.
[117] JAFFÉ, Reg. n° 3307-3309.
[118] ERCHEMPERT, Hist. Langob., 44.
[119] JOANNIS VIII Epist. XXI (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 605-660). — Cf. Epist. XXII (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 609). Ces deux lettres ont été adressées aux évêques de Germanie.
[120] Ann. Bert., a. 877. Le synode eut lieu le 1er août 877 (JAFFÉ, Reg., n° 3109).
[121] LAPÔTRE, reconnaît qu'à la mort de Louis II, Jean VIII n'avait pas sur la transmission de l'Empire des doctrines aussi arrêtées qu'elles le devinrent plus tard (L'Europe et le Saint-Siège, p. 245).
[122] Il suffit de rappeler que toute une fraction de l'aristocratie italienne, rassemblée par Engelberge à Pavie, se déclara pour lui en 875, avant le premier voyage de Charles le Chauve en Italie.
[123] Ann. Fuld., a. 877. — André de Bergame s'exprime de la même façon (ANDREÆ BERGOM., Hist., 20).
[124] On le sait par la réponse de Jean VIII (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 744).
[125] REGINONIS Chron. SS. I, p. 591. Au même endroit, Regino raconte que Carloman fit plusieurs guerres contre les Slaves, soit seul, soit avec son père, et que toujours il revint victorieux. D'où le vœu du moine de Saint-Gall, souhaitant à Charles le Gros le succès sur les envahisseurs (MONACH. SANGALL., II, 14).
[126] MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 544. Cette lettre a été finement analysée par LAPÔTRE (L'Europe et le Saint-Siège, p. 335-338).
[127] Ann. Fuld., a. 858. — Au moment où il partait pour la France, Jean VIII écrivit à Lambert (MIGNE, P. L. t. CXXVI, col. 549). Comme Lambert avait en réalité travaillé pour son propre compte et ne s'était servi du nom de Carloman que pour la forme, on peut se demander si la lettre de Jean VIII ne constituait pas une menace. En tout cas, le pape écrivit à la même époque au comte Bérenger, pour le prier de faire savoir au roi de Bavière les agissements du duc de Spolète (MEGNE, P. L., t. CXXVI, col. 756). Dans la suscription de cette lettre, Carloman est appelé empereur, mais c'est manifestement une erreur de copiste, car plus bas on ne trouve plus que le titre de roi.
[128] LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 352.
[129] Rappelons les termes de la proclamation par laquelle Charles le Chauve déjà empereur fut fait roi d'Italie à l'assemblée de Pavie de 876 (KRAUSE, Cap., p. 99).
[130] JOANNIS VIII Epist. CC, ad Anspertum. (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 822).
[131] JAFFÉ, Reg. n° 3224.
[132] Le 3 avril, Jean VIII le croit encore dévoué à sa cause (JAFFÉ, Reg. n° 3232) ; le 24 octobre, il lui écrit pour le menacer d'anathème s'il ne se détache de l'alliance sarrasine (JAFFÉ, Reg. n° 3307 et 3309).
[133] JOANNIS VIII Epist. CCXX, ad Gregorium primicerium ; CCXCVI, ad Imperatores augustos (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 834-909). Cf. LAPÔTRE, l'Europe et le Saint-Siège, p, 145 ; DÜMMLER, t. III, p. 175-176.
[134] Carloman, qui a été autrefois dédaigné et dont on voudrait peut-être bien maintenant, est malade. Ses frères, Louis et Charles, iraient volontiers en Italie, mais il leur est impossible de se déplacer pour le moment (JOANNIS VIII Epist. CCIV, CCXLII. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 825, 832-853). Louis le Bègue meurt le 10 avril 829, et de ses fils il ne peut être question.
[135] JOANNIS VIII Epist. CCLXXXI, ad Antonium episcopum. (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 897). Cf. JAFFÉ (Reg. n° 3297).
[136] LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 63.
[137] LAPÔTRE, De Anastasio bibliothecario, p. 208 ; L'Europe et le Saint-Siège, p. 226 et 40-41.
[138] On signalera en particulier le passage de la lettre de Louis II à Basile (P. 523, lignes 19-22). Il est vrai que la suscription n'est pas conforme aux usages de l'époque, c'est-à-dire à la diplomatique de Louis II, mais Anastase l'a peut-être introduite à dessein, afin de mieux préciser son sujet et l'objet du débat.
[139] LAPÔTRE, De Anastasio bibliothecario, p. 286-28, et notes.
[140] LAPÔTRE, De Anastasio bibliothecario, p. 286-28, et notes.
[141] NICOLAI I Epist. LXXXVI, ad Michaelem imperatorem. (MIGNE, P. L., t. CXIX. col. 932). — Cf. Lettre de Louis II à Basile (P. 524, lignes 18-22).
[142] LAPÔTRE, De Anastasio, p. 99 et sq.
[143]
ANASTASIUS BIBLIOTHECARIUS. Interpretatio
Synodi VIII generalis. Prœfatio (MIGNE, P. L., t. CXXIX, col. 18).
— L. P. Hadrianus II, 59. — HADRIANI II Epist. XXXVI, ad
imperatores. (MIGNE, P. L., t. CXXII, col. 1309).
[144] Vita Athanasii, 7.
[145] Une autre raison devait déterminer le rédacteur de la lettre à altérer sur ce point la vérité ; c'est que, les Grecs s'étant toujours considérés comme les maîtres de Naples, il eût été imprudent d'avouer que l'on avait voulu soustraire cette ville à leur autorité, au moment où l'on cherchait à obtenir leur alliance. Il est à remarquer que le langage prêté à Louis II devient ici d'une prudence extrême, loin d'être invraisemblable comme le croit AMARI (t. I, p. 381, note 1). L'empereur se défend d'avoir voulu conquérir les Napolitains ; il n'a cherché que leur salut (P. 526, lignes 30-32) ; son vœu le plus cher est de rendre à la Sicile son ancienne liberté, et, dans toute cette airain, d'agir d'accord avec Constantinople (P. 527, lignes 12-13).
[146] ANASTASE, Interpretatio synodi VIII
generalis. Prœfatio ad Hadrianum II (MIGNE, P. L., t. CXXIX col. 17).
[147] Le 10 avril 879 (DÜMMLER, t. III, p. 113).
[148] La légitimité des deux jeunes princes, fils d'une femme que Louis le Bègue avait répudiée, était discutée, et contribuait, autant que leur jeunesse, à rendre leur pouvoir incertain (Ann. Bert., a. 879 ; REGINONIS Chron. SS. I, p. 7)90). Lorsque Louis le Germanique mourut, quelques-uns parmi les grands de ses États demandèrent à Louis III de venir régner sur eux : il refusa (Ann. Bert., a. 881).
[149] Il devait mourir le 29 janvier 882 (BŒHMER-MÜHLB., Reg. n° 1534 a).
[150] JOANNIS VIII Epist. CCIV. ad Carolum regem. (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 825).
[151] MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 831. Cette lettre est du 2 mai 879 (JAFFÉ, Reg. n° 3244).
[152] MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 882. Cf. JAFFÉ, Reg., n° 3288.
[153]
ERCHANBERTI Breviarii
Contin. SS. II, p. 329. Cf.
Ann. Fuld., a. 879, et JOANNIS VIII Epist. CCXVI, ad
Anspertum archiepiscopum mediolanensem, ad Wibbodum episcopum (MIGNE, P. L.,
L CXXVI, col. 822, 832).
[154] JOANNIS VIII Epist. CCXV, ad Carolum regem. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 831.
[155] ERCHANBERTI Contin. SS. II, p. 329.
[156] ERCHANBERTI Contin. SS. II, p. 329. — Les Annales de Saint-Bertin et la Chronique de Regino (année 879), signalent l'occupation de la Lombardie par Charles le Gros. La date du. 6 janvier 880 est établie par DÜMMLER, t. III, p. 107, n. 3.
[157] JOANNIS VIII Epist. CCLX, CCLXXV, ad
Carolum regem (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 882, 694).
[158] Et omnes præter apostolicæ redis episcopum jurejurando ad devotionem servitii sui constrinxit, dit le Continuateur d'ERCHANBERT parlant de Charles le Gros à l'assemblée de Pavie (SS. II. p. 3291. Que Jean VIII estimât qu'il en avait assez fait comme cela, ce sentiment perce dans la lettre qu'il écrivit à Charles, après être allé inutilement au-devant de lui à Ravenne (MIGNE. P. L., t. CXXVI, col. 882). — DÜMMLER, t. III, p. 108, croit que le pape était mécontent parce que Charles le Gros était venu en Italie, non pour répondre à l'appel du Saint-Siège, mais pour se conformer à la volonté de son frère Carloman. L'hypothèse est inacceptable, puisque Carloman était, dans la circonstance, d'accord avec Jean VIII.
[159] Ann. Bert., a. 883.
[160] ERCHANBERTI Contin. SS. II, p. 330. — Ann. Bert., a. 880. — REGINONIS Chron. SS. I, p 592. — Le pape couronna également l'impératrice Richarde, comme il avait jadis couronné Richilde, femme de Charles le Chauve (ERCHANBERTI Contin. SS. II, p. 230).
[161] Lettres de Jean VIII du 12 mars 881 aux rois Louis et Carloman, aux évêques et comtes italiens, A l'impératrice Richarde (MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 924, 925-926, 949). Finalement Engelberge est placée à Rome, sous la surveillance même du pape (Ann. Bert., a. 882).
[162] JOANNIS VIII Epist. CCCXXI, ad diversos episcopos. MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 931.
[163] LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 354, n. 4 ; JAFFÉ, Reg., n° 3314.
[164] Du moins il lui donna la moitié de l'évêché, laissant l'autre moitié à l'ancien évêque (JAFFÉ, Reg. n° 3314).
[165] Sur l'histoire de l'Italie du Sud à cette époque, voir ERCHEMPERT, Hist. Langob., 44-47. Cf. AMARI, t. I, p. 445-456. — Le témoignage d'Erchempert est très précieux, parce qu'il assista à tous ces évènements et eut personnellement à en souffrir.
[166] GASQUET, L'Empire byzantin et la monarchie franque, p. 481.
[167] MIGNE, P. L., t. CXXVI, col. 949.
[168] JAFFÉ, Reg. n° 3386.