PRÉCIS DE L'HISTOIRE ROMAINE

 

 

CONCLUSION.

 

 

Après la mort de Constantin le Grand (357), l'Orient et l'Occident furent partagés entre ses trois fils : Constance, Constantin II et Constant. Le premier eut la suprématie avec l'Égypte, la Thrace, l'Asie et Constantinople pour capitale. Du reste de l'empire, on fit deux lots : Constantin II obtint les Gaules, l'Espagne et la Bretagne ; Constant reçut l'Italie, l'Afrique et l'Illyrie. Les nouveaux chefs de l'Occident ne tardèrent point à prendre les armes l'un contre l'autre, et Constantin II fut égorgé près d'Aquilée (349). Mais les Francs ne permirent point à Constant de jouir tranquillement de sa funeste victoire ; ils rentrèrent dans cette partie de la Gaule qu'ils avaient déjà occupée et qu'on appelait la Seconde Germanie. Magnence, Franc d'origine et chef des corps d'élite appelés les Joviens et les Herculéens, profita du désordre produit par ces agressions pour se faire proclamer empereur à Autun (350) ; Constant prit la fuite et trouva la mort an pied des Pyrénées. Lorsque Magnence à son tour eut été vaincu par l'armée d'Orient et réduit à se tuer, Constance prit les titres d'éternel et de maitre de l'univers. Mais il allait trouver des compétiteurs dans sa propre maison. Pour se précautionner contre cette éventualité, il avait ordonné, lors de son avènement, de massacrer la famille impériale ; deux neveux de Constantin avaient échappé à ses coups : Gallus et Julien. Le premier avait même été investi du gouvernement des cinq diocèses de l'Orient ; il porta bientôt ombrage à l'empereur, et sa mort fut également décrétée. Le second, qui avait été élevé à l'école encore païenne d'Athènes et qui se livrait avec passion à l'étude de la philosophie, déployait néanmoins dans le gouvernement de la Gaule, dont il avait été investi en 356, les qualités d'un grand général et d'un administrateur habile. Il chassa les Barbares de la Gaule, passa trois fois le Rhin et parvint à ressaisir toutes les anciennes positions des Romains, depuis Bingen jusqu'à Nimègue. Ces succès devaient également exciter la jalousie de Constance ; il voulut enlever à Julien le commandement de cette armée avec laquelle celui-ci avait fait tant d'actions héroïques : mais les soldats, loin de se séparer de leur général, lui décernèrent à Lutèce le titre d'Auguste. Constance mourut en se dirigeant vers l'Occident et l'empire tout entier appartint dès lors à Julien (361). Donnant un libre cours à son antipathie pour le christianisme, le disciple couronné de l'école d'Athènes entreprit de ramener le monde romain vers le passé, en relevant le polythéisme ; les chrétiens furent éloignés de tous les emplois honorifiques, bannis des écoles, dénoncés comme suspects et calomniés dans les écrits mêmes de l'empereur ; les temples furent rétablis, les philosophes revendiquèrent l'influence accordée naguère aux évêques, et Julien, après avoir apostasié, redevint grand pontife, comme Auguste et les Césars païens. Mais la religion de l'avenir, l'Église du Christ, triompha des sophistes ameutés contre elle par l'empereur philosophe, de même qu'elle avait triomphé des bourreaux de Néron et de Domitien. Julien trouva la mort dans une expédition contre les Perses, après avoir régné dix-huit mois, et l'armée lui donna pour successeur un fervent catholique, Jovien. Celui-ci, dont le règne n'embrassa pas deux années, laissa le trône à Valentinien, qui le partagea avec son frère Valens. Le premier se réserva l'Occident qu'il défendit contre les Mamans et les Saxons, tandis que d'autres Barbares, les Goths, troublaient le règne de Valens en Orient. A la mort de Valentinien (375), l'empire d'Occident fut partagé entre ses deux fils : Gratien reçut les Gaules, l'Espagne et l'île de Bretagne ; Valentinien II, encore enfant, eut l'Italie, l'Illyrie et l'Afrique.

Valens ayant été exterminé avec ses légions en combattant les Goths, près d'Andrinople (378), Gratien laissa l'Orient à un général d'origine espagnole, Théodose, qui s'était signalé dans les dernières guerres. Un autre général espagnol, Maxime, qui .commandait dans Ille de Bretagne, exigeait aussi un trône. Il fondit sur les Gaules à la tète de trente mille soldats et suivi d'une population nombreuse qui se fixa en partie dans l'Armorique. Gratien, ayant été livré à l'usurpateur, fut égorgé le 25 août 385. Maxime prétendait aussi dépouiller Valentinien Il des provinces de l'Italie. Mais déjà Théodose, dont il avait imploré la protection, venait à son secours. Maxime fut vaincu sur les bords de la Save, livré à Théodose et décapité (388). Le vainqueur retourna à Constantinople après avoir rétabli Valentinien II dans la possession de l'empire d'Occident ; mais déjà les véritables maîtres de cet empire étaient les mercenaires francs que les souverains avaient pris à leur solde. C'est ainsi que Valentinien II était en quelque sorte prisonnier d'Arbogaste ; et lorsqu'il voulut s'affranchir de cette tutelle, il fut trouvé étouffé dans son lit (392). Cependant Arbogaste, dédaignant la pourpre pour lui-même, en revêtit son ancien secrétaire, un Romain, nommé Eugène, qui avait débuté comma professeur de rhétorique latine. Théodose entreprit de venger l'assassinat de Valentinien II, son beau-frère ; les légions qu'il rassembla étaient commandées par un Vandale, Stilicon, et parmi les Barbares auxiliaires se trouvait Alaric. Théodose eût pourtant essuyé une défaite complète sous les murs d'Aquilée, s'il n'avait réussi à gagner une partie des troupes ennemies. La ruse le fit triompher. Arbogaste se donna la mort ; Eugène fut tué aux pieds de Théodose (394). Celui-ci ne régna que quelques mois sur les deux empires réunis : à sa mort (17 janvier 395) ils furent de nouveau séparés et transmis à deux jeunes gens sans expérience. Ces deux fils de Théodose étaient Arcadius et Honorius. Le premier eut l'Orient, l'autre reçut l'Occident. Stilicon, qui avait été nommé tuteur des deux princes, était maitre dans l'Occident ; mais à Constantinople, son influence était contrebalancée par celle d'un Gaulois, nommé Rufin, qui exerçait les fonctions de grand maître du palais. Ce dernier appela les Barbares à son aide : il invita les Huns à se précipiter sur l'Asie et livra l'Europe aux Goths ; mais sa trahison ne resta pas impunie, car il fut massacré aux pieds de l'empereur par les ordres du général que Stilicon avait envoyé au secours de l'Orient. Cependant Alaric ravageait la Macédoine et la Grèce ; Stilicon veut l'arrêter, mais alors Arcadius proclame Alaric maitre général de l'Illyrie orientale, prétendant qu'Honorius n'avait pas eu le droit de le secourir parce que la Grèce était du ressort de l'empire d'Orient. Alaric, se voyant encouragé, menace bientôt l'autre empire. En 400, il pénètre pour la première fois en Italie. Repoussé par Stilicon, il reparaît en 402 ; vaincu de nouveau, il consent à évacuer ses conquêtes, pour délivrer sa femme et ses enfants, restés prisonniers. Mais d'autres Barbares passent le Rhin ou franchissent les Alpes et les Pyrénées. Les Alains, les Vandales et les Suèves s'établissent en Espagne. Les Burgondes restent dans les régions du Rhône et de la Saône, qui conservent leur nom. Les provinces armoricaines se forment en république fédérative ; l'Angleterre secoue le joug que Rome lui avait imposé ; la confédération des Francs acquiert plus de consistance ; enfin Stilicon lui-même met Alaric en possession de l'Illyrie occidentale. Mais cette concession entraîne la ruine du puissant ministre d'Honorius : accusé d'aspirer au trône pour son fils et d'être d'intelligence avec le chef des Goths, il est condamné à avoir la tête tranchée (408). Alors Alaric marche une première fois contre Rome et ne consent à s'éloigner qu'après avoir exigé le payement d'un nouveau tribut. Honorius n'ayant point voulu ratifier ce traité, Alaric proclame un nouvel empereur — Attale —, puis, le 24 août 410, les Goths entrent dans Rome et pendant six jours la mettent au pillage. Alaric se propose ensuite de passer en Afrique, lorsque la mort vient renverser ses projets. Ataulf, son successeur, obtient la main de Placidie, sœur d'Honorius, après avoir promis d'aller secourir l'Espagne assaillie par les Vandales et les Alains. Il passe, en effet, les Pyrénées ; mais il est bientôt assassiné dans Barcelone (415). Singerie, son meurtrier, ayant eu le même sort, le commandement des Goths est remis à Wallia, qui s'engage à renvoyer à Honorius sa sœur Placidie, tombée en esclavage, et à combattre les Barbares d'Espagne, à la condition d'obtenir une province pour y établir ses guerriers. Après avoir rendu la Bétique aux Romains et chassé les Alains de la Lusitanie, il reçut d'Honorius la Seconde Aquitaine, et y fonda le royaume des Visigoths, qui avait Toulouse pour capitale (419).

Trois ans après, Honorius étant mort, Placidie gouverne l'empire d'Occident au nom de Valentinien III, qu'elle avait eu de son second mariage avec Constance, général des armées occidentales. Elle avait partagé sa faveur entre Aétius et Boniface, comte d'Afrique ; leur rivalité amena bientôt de nouveaux désastres. Le comte Boniface ayant épousé une nièce de Genséric, roi des Vandales établis en Espagne, la cour de Ravenne le destitua, et, sur son refus de se soumettre, le lit déclarer ennemi de l'empire. Boniface, outragé, prit les armes, et, pour se défendre, appela les Vandales qui avaient été poussés peu à peu par les Visigoths vers les côtes méridionales de la péninsule espagnole. Genséric et ses soldats passèrent en Afrique au printemps de l'année es, sur des vaisseaux prêtés par le gouverneur romain. Ils prirent d'abord possession de la Mauritanie qui leur avait été cédée ; mais bientôt, peu satisfaits de leur partage, ils désolèrent les cantons voisins et menacèrent toute la province. Alors le comte Boniface, cédant, dit-on, aux admonestations de saint Augustin, évêque d'Hippone, prit lui-même les armes contre les Barbares qu'il avait appelés ; mais il était trop tard : presque toute la côte d'Afrique était déjà ravagée ; Boniface lui-même, vaincu dans deux batailles, fut obligé de quitter son ancien gouvernement, et Genséric établit sa domination dans Carthage (439). D'autres ennemis parurent pour continuer la dissolution de l'empire ; c'étaient les Huns conduits par Attila. Genséric, dans la crainte que Théodose II, successeur d'Arcadius à Constantinople, n'aidât Valentinien III à recouvrer l'Afrique, excita les Huns à envahir de préférence l'Orient. Attila s'avança effectivement de ce côté en refoulant devant lui les armées impériales, qu'il extermina en trois batailles successives ; toute la côte de l'Archipel, des Thermopyles à Constantinople, fut ravagée, et soixante et dix villes disparurent (446). Théodose, cependant, sauva son trône en promettant de payer au chef des Huns un tribut de deux mille cent livres d'or ; Attila rentra dans la Pannonie et devint l'arbitre du monde. Son alliance avec les Vandales, toujours en guerre contre les Visigoths, l'attira enfin dans l'Occident. Il passa le Rhin avec une armée innombrable, traversa la Gaule et s'arrêta dans les plaines de Châlons-sur-Marne ; il y trouva Aetius avec une autre armée, dont des Barbares faisaient aussi toute la force. Les Visigoths étaient opposés aux Huns, les Alains aux Gépides, les Bourguignons aux Hérules, les Francs aux Thuringiens et aux Ostrogoths. Une bataille effroyable s'engagea dans les plaines catalauniques ; cent soixante-deux mille combattants succombèrent, mais Attila fut vaincu (453). L'armée d'Aétius n'osa pas cependant renouveler le combat : le chef des Huns put aller rassembler de nouveaux soldats au delà du Rhin. L'année suivante, il reparaît, plus puissant que jamais, entre en Italie, saccage Aquilée, s'empare de Milan et marche vers Rome. Mais le pape saint Léon négocie avec lui, arrête son bras destructeur et le détermine même à évacuer l'Italie. Attila, de retour dans la Pannonie, y meurt, et son immense domination disparaît avec lui.

La victoire de Châlons avait provoqué la disgrâce d'Aétius ; jaloux de son général, Valentinien ordonna sa mort. Mais le châtiment de ce crime ne se lit pas attendre. Un riche sénateur, Maxime, dont Valentinien avait offensé l'honneur, conspira contre lui et, en plein jour, l'empereur fut assassiné par deux Barbares attachés à la mémoire d'Aétius. Maxime, proclamé Auguste, oblige Eudoxie, veuve de Valentinien, à l'épouser. Cette princesse, pour se venger de cette contrainte, excite secrètement Genséric, maître de l'Afrique, à passer en Italie, lui faisant connaître la facilité et l'avantage de cette conquête. Genséric, attiré par l'espoir du butin, débarque bientôt à Ostie avec ses Vandales, entre dans Rome abandonnée, y reste quatorze jours, enlevant les richesses qui avaient échappé à l'incendie, livre au pillage plusieurs autres villes, et, chargé de butin, retourne à Carthage (455). Maxime avait été déchiré par le peuple avant le sac de Rome.

Une simple mention suffira pour les successeurs de Maxime. L'empire appartient dès lors aux Barbares. Théodoric II, roi des Visigoths, avait donné la pourpre à un noble Arverne nommé Avitus ; mais Récimer, commandant des troupes auxiliaires en Italie, refuse de le reconnaître et se plaît à créer et à renverser quatre autres empereurs (456 à 472). Oreste, autre général des Barbares auxiliaires, imite ensuite l'exemple de Récimer ; il détrône Julius Nepos pour donner sa place à son fils Romulus Augustule (475). Ce fut le dernier des empereurs romains d'Occident : à peine eut-il même le temps de régner. Les Hérules et les Thuringiens qui s'étaient fixés, après la mort d'Attila, sur la rive gauche du Danube, se liguèrent ensemble et entrèrent en Italie. Alors disparut ce qui restait encore des traditions impériales. Odoacre chef des Hérules et des Thuringiens, emporta d'assaut la ville de Pavie, où s'étaient réfugiés Oreste et son fils Romulus Augustule, puis, dédaignant le diadème des Césars, il se fit proclamer roi d'Italie.

 

FIN DE L'OUVRAGE