CHARLES-QUINT ET MARGUERITE D'AUTRICHE

ÉTUDE SUR LA MINORITÉ, L'ÉMANCIPATION ET L'AVÈNEMENT DE CHARLES-QUINT À L'EMPIRE (1491-1521)

 

CHAPITRE V. — CHARLES-QUINT ET FRANÇOIS Ier.

 

 

François Ier fait les premières démarches pour obtenir la couronne impériale. — Trois électeurs se déclarent pour lui. — Charles d'Autriche avertit son aïeul Maximilien de ces pratiques hostiles. — Ce prince, après avoir tenté de joindre la tiare à la couronne impériale, offre à Henri VIII d'abdiquer en sa faveur la dignité de roi des Romains. — Ce projet était-il sincère ? — Maximilien se détermine à faire nommer un de ses petits-fils pour son successeur et finit par soutenir la candidature du Roi Catholique. — Démarches faites par Maximilien pour gagner les électeurs. — Les archevêques de Mayence et de Cologne, ainsi que le comte palatin et le margrave de Brandebourg, engagent leur vote au Roi Catholique. — François Ier s'aliène aussi d'autres personnages influents, les la Marck et Franz de Sickingen. — Malgré leur rivalité déjà avouée, François et Charles conservent des relations pacifiques ; projet de mariage entre le Roi Catholique et la princesse Charlotte de France. — Mort de Maximilien Ier. — Cet événement remet tout en question. — Le roi de France brigue ouvertement la couronne impériale et confie cette importante négociation à des personnages considérables. — Marguerite d'Autriche veille sur les intérêts de son neveu. — Mission de Jean de Marnix en Allemagne. — Nouvelles alarmantes transmises par Maximilien de Berghes. — Instructions envoyées par le Roi Catholique. — Représentations de Marguerite d'Autriche et du conseil privé des Pays-Bas. — Négociations avec le duc de Gueldre pour le détacher de l'alliance française ; elles échouent. — François Ier essaie, non sans succès, de regagner le comte palatin, le margrave de Brandebourg, son frère l'archevêque de Mayence et l'électeur de Cologne. — Marguerite d'Autriche et le conseil privé des Pays-Bas, très-alarmés, proposent de solliciter l'Empire en faveur de l'archiduc Ferdinand. — Mécontentement de Charles ; il s'oppose formellement à cette combinaison. — Marguerite et le conseil privé s'excusent. — Démarches astucieuses de Henri VIII, afin d'obtenir pour lui-même la couronne impériale. — Les envoyés de Charles disputent de nouveau à François Ier les voix des électeurs qui se sont laissé regagner par les agents français. — Détails sur ces négociations et sur les transactions pécuniaires qui en sont le complément. — Mission remplie par Maximilien de Berghes en Suisse. — Politique de Léon X dans cette grande lutte. — Conférence des ambassadeurs du pape avec les quatre électeurs des bords du Rhin à Ober-Wesel ; irritation des agents autrichiens. — Léon X ne désirait point un empereur aussi puissant que le roi de France ou le Roi Catholique ; toutefois, il préférait encore ce dernier. — Henri VIII accrédite le docteur R. Pace en Allemagne. — Démarches directes du comte Henri de Nassau, principal ambassadeur du Roi Catholique, auprès des électeurs. — Nouvelles transactions avec les ambassadeurs de Charles, et avec ceux du roi de France. — Conférences de Montpellier. — Les électeurs se rendent à Francfort-sur-le-Mein. — Manifeste de Charles d'Autriche. — Protestation du duc de Gueldre contre la candidature de ce prince. — La corruption se glisse jusqu'au sein même de la diète. — Les troupes de la ligne de Souabe, soldées par le Roi Catholique, entourent Francfort. — Ouverture de la diète électorale. — Frédéric de Saxe, à qui la couronne impériale est d'abord offerte par l'instigation des agents français, décline cet honneur. — L'archevêque de Mayence soutient la candidature du Roi Catholique et l'archevêque de Trèves celle de François Ier. — Frédéric de Saxe, ayant appuyé le discours de l'archevêque de Mayence, tous les autres électeurs, sans excepter celui de Trêves, se rallient enfin à la candidature du Roi Catholique. — Il est proclamé, à l'unanimité, roi des Romains sous le nom de Charles-Quint. — Allégresse qui éclate dans les Pays-Bas. — Mortification et hypocrisie de R. Pace, qui se trouvait alors à Malines. — Charles-Quint, ayant reçu à Molin del Rey les envoyés des électeurs, déclare qu'il accepte la dignité qui lui a été déférée et qu'il se rendra incessamment en Allemagne.

 

On n'ignore pas que la couronne impériale était élective et dépendait, depuis le XIIIe siècle, de sept hauts dignitaires qui représentaient le grand corps germanique, c'est-à-dire les princes séculiers, les prélats ou abbés, les villes impériales, les comtes territoriaux, les seigneurs médiats, etc. Ces sept électeurs étaient les archevêques de Mayence, de Trêves et de Cologne ; le roi de Bohême, le duc de Saxe, le comte palatin de Bavière et le margrave de Brandebourg.

Ce ne fut point le descendant des empereurs qui fit les premières démarches pour obtenir l'expectative du titre impérial ; ce fut François Ier qui prit à cet égard l'initiative. Pour sonder et gagner quelques-uns des électeurs, il se servit d'abord de Robert de la Marck, duc de Bouillon et seigneur de Sedan, ainsi que de son fils le marquis de Fleuranges, seigneurie de Lorraine dépendant de Thionville et qui relevait de l'Empire. Bientôt trois électeurs se déclarèrent formellement pour le roi de France. L'archevêque de Trêves s'engagea le premier le 8 novembre 1516, le margrave Joachim de Brandebourg l'imita le 17 août 1517, l'archevêque de Mayence, son frère, fit de même le 12 octobre de cette année, et le comte palatin, un peu plus tard, promit également sa voix au vainqueur de Marignan[1]. Les la Marck s étaient assurés, en outre, du concours précieux du célèbre Franz de Sickingen qui, de sa citadelle d'Ebernbourg, près de Kreuznach, commandait à une partie de l'Allemagne, car il pouvait mettre au service de ses alliés dix mille piétons, deux mille cavaliers et plus de vingt-trois forteresses. Le marquis de Fleuranges l'ayant conduit au château d'Amboise, François Ier lui fit un brillant accueil, le gratifia d'une pension et lui remit, en outre, une chaîne de trois mille écus[2].

Charles d'Autriche était à ]a veille de s'embarquer pour l'Espagne, lorsqu'il fut averti des tentatives que faisait François Ier pour lui enlever l'Empire. Avant de mettre à la voile, il chargea le trésorier Villinger d'informer l'Empereur de ces pratiques hostiles, de réclamer le concours de son aïeul pour faire prévaloir ses propres prétentions et de mettre à sa disposition les moyens de se concilier la faveur du collège électoral[3].

L'empereur Maximilien, devenu veuf de sa seconde femme, Blanche-Marie Sforce[4], avait conçu pour lui-même un dessein extraordinaire. Il voulait joindre la tiare à la couronne impériale. Jules II étant tombé gravement malade, en 1511, il résolut de solliciter les suffrages des cardinaux, alléguant que la papauté était une fonction inhérente à la dignité d'empereur. L'année suivante, persévérant encore dans ce dessein, il proposait à Jules II de le prendre pour son coadjuteur, afin qu'il pût lui succéder un jour, devenir prêtre et se faire enfin béatifier[5].

Lorsqu'il fallut abandonner cette prétention extravagante, Maximilien feignit de délaisser aussi les intérêts de sa maison : car il offrit d'abdiquer sa dignité en faveur du roi d'Angleterre et, pour assurer l'élection de ce dernier, d'user de toute son influence. Cette proposition également singulière fut faite, par l'entremise du cardinal de Sion, aux ambassadeurs de Henri VIII, le comte de Worcester et le Dr Cuthbert Tunstall, qui fut depuis évêque de Durham. Ce dernier rendit compte des ouvertures de l'Empereur dans une lettre très-confidentielle, adressée au roi Henri et datée de Malines, le 12 février 1517[6]. Il y discutait longuement, si les avantages que le roi d'Angleterre pourrait recueillir de son avènement à l'Empire compenseraient les embarras et les difficultés d'une négociation formelle et d'une acceptation. Il croyait d'ailleurs peu probable le succès de cette négociation et concluait en conseillant à Henri VIII de décliner l'offre de l'Empereur qui, peut-être, n'y avait vu qu'un moyen nouveau d'obtenir quelque somme considérable à titre d'indemnité.

Le diplomate anglais avait raison de douter de la sincérité du chef de la maison d'Autriche en cette circonstance. En effet, Maximilien Ier, qui comptait cinq empereurs parmi ses ancêtres, et qui avait sérieusement désiré d'avoir son fils, Philippe le Beau, pour successeur sur le trône de l'Empire, était trop attaché à la grandeur de la maison d'Autriche pour détruire les espérances de Charles ou de Ferdinand, ses petits-fils. Il voulait donc transmettre la couronne impériale à sa descendance, en faisant élire, de son vivant même, Charles ou Ferdinand, roi des Romains. Comme on objectait que, n'ayant, pas été couronné par le pape, il n'était lui-même qu'Empereur élu, et qu'il n'y avait pas d'exemple d'un roi de Romains à qui, de son vivant, l'on eût nommé un successeur, il sollicita Léon X d'envoyer des légats en Allemagne afin de lui donner la consécration qui lui manquait pour être véritablement empereur[7].

Maximilien, décidé à faire nommer un de ses petits-fils pour son successeur, penchait d'abord pour Ferdinand, le plus jeune. Il disait que la grandeur de la maison d'Autriche serait plus durable quand deux princes la soutiendraient, que si toute la puissance était concentrée entre les mains d'un seul. Ce projet, qui fut encore repris plus tard, eût incontestablement servi les intérêts de François Ier ; aussi rencontra-t-il de fortes objections dans le conseil de l'Empereur. On lui représenta que l'intérêt de sa maison s'opposait à un partage qui diviserait sa puissance ; qu'en ajoutant la couronne impériale à celle d'Espagne, Charles aurait assez de force pour subjuguer l'Italie entière ; que l'exécution de ce projet ferait non-seulement la grandeur de sa postérité, mais encore la sûreté et le bonheur de tous les chrétiens qui n'auraient plus tant à craindre de la part des Turcs ; que la dignité impériale, possédée si longtemps par la maison d'Autriche, n'ayant presque été jusqu'alors qu'un magnifique titre sans autorité réelle, tant par la propre impuissance de Maximilien même que par celle de ses prédécesseurs, il devait ne rien négliger pour lui rendre son ancienne splendeur, ce qu'il ne pouvait faire qu'en se donnant le Roi Catholique pour successeur[8]. Ces raisons persuadèrent Maximilien.

Et, en effet, les anciennes et fortes prérogatives des empereurs de Germanie avaient été enveloppées dans la ruine de la puissante dynastie des Hohenstauffen. Après le grand interrègne, l'ambition et la jalousie des princes de l'Empire ne laissèrent à Rodolphe de Habsbourg qu'un titre en quelque sorte honorifique. Aussi la politique de la maison d'Autriche, à laquelle Maximilien venait enfin de se conformer, avait-elle été extrêmement habile. Les empereurs autrichiens s'efforcèrent de rendre la dignité impériale héréditaire dans leur descendance, et, en agrandissant leurs domaines, d'acquérir la puissance nécessaire pour relever le sceptre des Césars. Un empereur sans domaines n'eût été que le premier fonctionnaire de l'Allemagne ; mais il devenait le suzerain de tous les autres rois et chefs de peuple s'il pouvait s'appuyer sur une grande monarchie. En se disputant la couronne impériale, François Ier et Charles d'Autriche, loin de désirer un vain titre, convoitèrent véritablement la prépondérance en Europe.

François Ier n'était pas seulement le souverain d'un royaume qui s'étendait de l'Océan aux Alpes et des Pyrénées aux Ardennes ; il était encore, depuis la victoire de Marignan, duc accepté de Milan et seigneur reconnu de Gènes. Quant à Charles, ses possessions étaient plus nombreuses et plus vastes, mais aussi plus disséminées. Il était héritier de l'Allemagne orientale et souverain des Espagnes, des Pays-Bas, de Naples et de la Sicile. Comme on l'a remarqué, il possédait de moins que Charlemagne la portion principale des Gaules, mais, de plus, la portion principale de la Péninsule espagnole, l'Italie méridionale, la Sicile et les Indes occidentales récemment découvertes.

Au mois d'avril 1518, Jean de Courteville, chambellan du Roi Catholique, fut envoyé en Allemagne avec 100.000 florins en lettres de change, afin qu'on pût entamer des négociations sérieuses avec les électeurs. Mais bientôt Maximilien avertit son petit-fils qu'il était impossible de gagner ces derniers ainsi que les personnes ayant de l'influence sur eux, sinon par argent comptant, attendu que les Français faisaient aussi leurs affaires par argent comptant et non pas seulement par promesses ni paroles. D'après les instructions de Charles, on devait promettre au comte palatin, au duc de Saxe et au margrave de Brandebourg une pension annuelle de 4.000 florins d'or, et assurer les électeurs ecclésiastiques qu'on les pourvoirait d'opulents bénéfices. Selon Maximilien, ces offres étaient tout à fait insuffisantes : on ne pouvait payer les électeurs ecclésiastiques de promesses, tandis qu'ils recevaient déjà une pension du roi de France ; on ne pouvait non plus promettre 4.000 florins aux électeurs laïques, tandis que le roi de France leur accordait davantage. Enfin, il conseillait à son petit-fils de se concilier les Suisses et de ne pas négliger le concours de Franz de Sickingen. Charles, après avoir fait attendre sa réponse, écrivit à Courteville qu'il donnait toute latitude pour les dépenses à faire dans l'intérêt de son élection. Le chef de l'Empire profita largement de cette autorisation, et, dans la diète qu'il présida à Augsbourg sur ces entrefaites[9], il mit la dernière main aux conventions qu'il avait déjà entamées avec la majorité des électeurs, à la condition, toutefois, que Charles allouerait encore 430.000 florins, indépendamment de 75.000 écus déjà distribués. Jean de Courteville fut renvoyé en Espagne, afin de rendre compte au roi du résultat heureux de cette première négociation.

A l'exception de Richard de Greiffenclau de Wolrath, archevêque de Trêves, qui resta fidèle à François Ier, tous les autres électeurs ecclésiastiques avaient engagé leur vote au Roi Catholique.

Le cardinal Albert de Brandebourg, électeur de Mayence, avait reçu une somme de 4.200 florins d'or pour son entretien à la diète d'Augsbourg. De plus, Maximilien s'était engagé à lui compter 30.000 florins, aussitôt que les autres électeurs auraient également contracté l'engagement de donner leurs suffrages au Roi Catholique. C'était une prime allouée au cardinal de Mayence pour avoir le premier promis sa voix ; on devait ajouter à ce don une crédence d'or et une tapisserie des Pays-Bas. L'avide électeur toucherait, en outre, une pension viagère de 10.000 florins du Rhin, payable annuellement à Leipzick, au comptoir des banquiers Fugger, et garantie par les villes d'Anvers et de Malines. Enfin, le Roi Catholique devait le protéger contre le ressentiment du roi de France et contre tout autre agresseur, en même temps qu'il insisterait à Rome pour lui faire obtenir le titre et les prérogatives de légat a latere en Allemagne, avec la nomination des bénéfices.

Herman de Wied, archevêque-électeur de Cologne, avait reçu en argent comptant 20.000 florins pour lui et 9.000 florins à partager entre ses principaux officiers. On lui promettait, en outre, une pension viagère de 6.000 florins, une pension également viagère de 600 florins pour son frère, le comte Guillaume, une pension perpétuelle de 500 florins pour son autre frère, le comte Jean, enfin d'autres pensions s'élevant à 700 florins, à partager entre ses principaux officiers.

Deux des électeurs laïques n'avaient pas montré moins d'avidité.

Louis V de Bavière, dit le Pacifique, comte palatin du Rhin, n'avait consenti à engager son vote à Charles que moyennant 100.000 florins d'or, tant pour pension viagère que pour gratification et à titre d'indemnité pour l'avouerie ou langtvodie de Haguenau, dont l'Empereur s'était autrefois emparé et qu'il avait gardée. Cet électeur avait stipulé, en outre, la restitution d'une somme de 6.665 florins due à son frère, le comte Frédéric, sans préjudice d'une pension de 5.000 florins ; en outre, le comte Frédéric avait encore l'espoir d'obtenir une confiscation de 20.000 ducats pour avoir procuré la voix de son frère. Les conseillers de l'électeur palatin étaient également récompensés.

De son côté, Joachim, électeur et margrave de Brandebourg, avait exigé une large compensation pour les avantages qu'il perdait en abandonnant le roi de France. Celui-ci lui avait promis une princesse du sang royal pour son fils et une grande somme d'argent. Aussi Joachim tenait-il à remplacer Renée de France par la princesse Catherine, sœur de Charles, et il demandait, en pensions viagères, 8.000 florins pour lui et 600 pour ses conseillers. Ce n'était pas tout. On devait lui payer en argent comptant le jour de l'élection : 70.000 florins en déduction de la dot de la princesse Catherine ; 50.000 florins à cause de l'élection ; a.000 florins destinés à son chancelier et 500 florins pour son conseiller, le doyen Thomas Krul.

Frédéric III, dit le Sage, duc de Saxe, s'était montré désintéressé et réservé ; mais, au fond, il était mécontent de la maison d'Autriche et se rattachait par ses alliances au parti de François Ier. Il ne pouvait pas oublier que Maximilien lui avait refusé les duchés de Berg et de Juliers, après lui en avoir promis l'expectative ; qu'il avait contraint le duc Georges, son cousin, à rétrocéder la Frise au souverain des Pays-Bas ; enfin qu'il avait désiré, après la mort du grand-maître Frédéric de Saxe, qu'un prince de Brandebourg fût mis à la tète de l'ordre Teutonique. D'un autre côté, Frédéric III était beau-frère du duc de Brunswick-Lunebourg et oncle du duc de Gueldre, les plus fidèles alliés de François Ier.

Louis II, roi de Hongrie et de Bohême, n'avait encore que treize ans ; déjà fiancé à Marie d'Autriche, sœur de Charles, il devait nécessairement voter pour le Roi Catholique. Maximilien avait toutefois jugé utile de distribuer 11.000 florins d'or aux ambassadeurs du roi Sigismond de Pologne, qui était avec lui cotuteur de ce jeune prince[10].

Enfin Maximilien lui-même ne s'était point oublié dans la distribution des 450.000 florins. Il voulait, comme on l'a vu, se faire couronner par des légats du pape avant de présider à l'élection du roi des Romains qui aurait lieu ensuite à Francfort, selon les prescriptions de la Bulle d'or. Il demandait 50.000 florins pour couvrir les frais que lui occasionnerait la diète électorale.

Charles trouvait exorbitant le prix que l'on mettait à la couronne de l'Empire ; mais ses parents ainsi que ses plus sages conseillers, l'archiduchesse Marguerite en tête, l'engageaient vivement à ne pas marchander, de peur que le roi de France ne profitât de sa lésinerie[11].

On représentait aussi au Roi Catholique qu'une autre raison devait le déterminer à ne plus hésiter : c'est que la majorité du collège électoral venait de s'engager formellement et par écrit à l'élire roi des Romains. En effet, Maximilien avait fait signer le 27 août aux quatre électeurs gagnés, ainsi qu'aux représentants du cinquième — le roi de Bohême —, la promesse formelle d'élire roi des Romains son petit-fils, au nom duquel il leur garantit, par des lettres reversâtes, le maintien de leurs privilèges particuliers ainsi que des droits généraux de leur pays, et donna l'assurance que l'administration de l'Empire serait concertée avec les princes allemands et confiée à des mains allemandes. Ces engagements réciproques avaient été échangés le 1er septembre 1518[12].

Averti par l'archevêque de Trèves du changement survenu dans le collège électoral, François Ier s'empressa de déléguer de nouveaux agents en Allemagne pour regagner, par les offres les plus séduisantes, les électeurs qui s'étaient détachés de lui[13]. Mais, d'un autre côté, il s'aliénait inconsidérément des personnages qui auraient pu lui rendre les plus grands services. Il indisposa successivement le duc de Bouillon, son frère Érard de la Marck, prince-évêque de Liège, et le redoutable Franz de Sickingen. Épousant les rancunes de la duchesse d'Angoulême, sa mère, il cassa la compagnie d'hommes d'armes dont il avait confié le commandement à Robert de la Marck. Il blessa plus vivement encore le prince-évêque de Liège : au moment où, plein de confiance dans les pro- messes du roi, ce prélat se flattait d'être promu au cardinalat, François faisait donner le chapeau à l'archevêque de Bourges. Quant à Franz de Sickingen, le roi lui retira ses pensions, parce que, dans une querelle entre des marchands allemands et milanais, le châtelain d'Ebernbourg, avait pris parti pour ses concitoyens. Robert de la Marck et son frère s'attachèrent à la cour de Bruxelles, et Franz de Sickingen se montra disposé à soutenir aussi les.intérêts du Roi Catholique[14].

La rivalité déjà avouée de François Ier et de Charles d'Autriche n'avait pas encore modifié le caractère pacifique et même amical de leurs Relations. Il est vrai que le roi de Castille, sous l'impulsion et avec l'aide habile de Marguerite d'Autriche, tout en poursuivant opiniâtrement ses desseins, cherchait, par une grande condescendance, à ménager la susceptibilité du vainqueur de Marignan, et à prévenir une rupture qui aurait été inopportune et dangereuse. Lorsque Robert de la Marck fut recueilli par la cour de Bruxelles, les ambassadeurs de Charles, en France, s'étaient hâtés d'excuser leur maître qui n'avait eu nul dessein, disaient-ils, de déplaire au roi[15]. Une autre démarche vint démontrer également l'adroite politique de Charles et de Marguerite d'Autriche. La jeune princesse Louise, qui avait été naguère fiancée au Roi Catholique, étant morte, Charles fit demander la main de la princesse Charlotte, fille cadette de François Ier, et cette proposition semble avoir été accueillie avec joie[16]. Enfin, quoique ce fût un sacrifice réel pour le souverain des Pays-Bas, Charles ne refusa point d'adhérer au traité de Londres du 2 octobre 1548, qui stipulait la restitution à la France de Tournai et de ses appartenances. Or, parmi celles-ci se trouvait la place de Mortagne qui était été donnée au duc de Suffolck et que ce seigneur, du consentement de Henri VIII, avait vendue au baron de Ligne et de Belœil pour la somme de mille écus. A la sommation de restituer Mortagne, le baron de Ligne, qui était surnommé le Grand Diable, répondit par un refus catégorique, et chercha appui parmi les villes de Flandre. Mais Marguerite d'Autriche, ne voulant point donner aux Français un prétexte pour commencer les hostilités, défendit formellement aux villes de Flandre et, en général, à tous vassaux et sujets du souverain des Pays-Bas, de se mêler de cette querelle[17].

Cette conduite timide et même obséquieuse était commandée par des circonstances exceptionnelles. Au fond, Charles maintenait hardiment sa candidature, et contestait les titres de François Ier aux suffrages des Allemands[18].

Cependant le duc Frédéric de Saxe et l'archevêque de Trèves tenaient en échec les espérances de Maximilien et de son petit-fils, en représentant que l'Empereur, n'ayant pas été couronné, n'était lui-même que roi des Romains, et que, par conséquent, il n'y avait pas lieu d'en élire un second. Pour surmonter ce dernier obstacle, Maximilien fit demander par son petit-fils au pape Léon X que la couronne impériale lui fut envoyée dans la ville de Trente, et que les cardinaux de Médicis et de Mayence fussent désignés pour y accomplir, à la fête de Noël, la cérémonie de son couronnement. Mais Léon X avait contracté une étroite alliance avec François Ier dans l'entrevue qu'il avait eue à Bologne avec ce prince, trois mois après la victoire de Marignan ; il était donc peu disposé à le mécontenter. Aussi la négociation entamée par le Roi Catholique n'avait-elle pas abouti, lorsque, le 12 janvier 1519, Maximilien Ier, mourut à Wels.

Il s'était rendu dans la haute Autriche pour se délivrer, par l'exercice de la chasse et le changement d'air, d'une fièvre lente dont il avait été atteint dans le Tyrol ; mais la fatigue redoubla son mal. Durant le jour, il s'occupait encore des affaires publiques avec ses ministres, et la nuit, quand il ne reposait pas, il se faisait lire l'histoire d'Autriche. Sentant que sa fin approchait, il fit demander un chartreux du Brisgau. Ce moine s'étant présenté, l'Empereur-se leva sur son séant, le reçut avec de grandes démonstrations de joie, et le montrant à ses officiers : C'est lui, dit-il, qui m'ouvrira la voie du ciel. Pour démontrer le néant des grandeurs et de la vie, il commanda que son corps fut exposé toute une journée, qu'on l'enfermât dans un sac rempli de chaux vive, qu'on le déposât dans le cercueil qu'il portait toujours avec lui depuis 1515, qu'on l'inhumât dans l'église du château de Nieustad, sous l'autel de saint Georges, et qu'on le plaçât de manière que la tête fût sous les pieds du célébrant ; quant à son cœur, il prescrivit qu'il fut porté à Bruges, près des dépouilles de sa première femme, Marie de Bourgogne. Ayant exprimé toutes ses volontés, il étendit la main vers ceux qui étaient présents, et leur donna la bénédiction. Pourquoi pleurez-vous ? leur dit-il ; parce que vous voyez en moi un mortel ? De telles larmes conviennent plus à des femmes qu'à des hommes. Il fit les réponses aux prières que lui récita le chartreux, et quand sa voix se fut éteinte, il exprima encore sa foi par des gestes[19].

Le trépas de Maximilien réveilla toutes les espérances de François Ier, car il ne tarda pas à connaître l'attitude équivoque et comme expectante des électeurs qui s'étaient si formellement engagés envers l'Empereur défunt. Aussi brigua-t-il ouvertement dès lors la couronne impériale, et il confia cette grande et délicate négociation à des personnages de marque : Guillaume Gouffier, Sgr de Bonnivet, amiral de France ; Jean d'Albret, comte de Dreux, sire d'Orval, et gouverneur de Champagne ; Charles Guillart, président au parlement de Paris. Ils devaient être secondés par le marquis de Fleuranges, qui n'avait pas suivi Robert de la Marck, son père, à la cour de Bruxelles ; par Olivier de la Vernade, maître des requêtes, le Sgr du Plessis, bailli des montagnes de Bourgogne, et d'autres agents qui avaient déjà pris les devants auprès des électeurs et qui se rendaient, déguisés en pèlerins ou en marchands, jusqu'en Pologne pour séduire le roi Sigismond, tuteur du jeune roi de Bohême.

François Ier, dont l'ambition était ardente et impétueuse, prodiguait, pour réussir, l'or et les promesses. Un jour, Thomas Boleyn, l'ambassadeur de Henri VIII, lui demanda familièrement s'il était vrai, comme le bruit en courait, que, nommé empereur, il ferait en personne une expédition contre les infidèles. François le saisit vivement par la main et, après avoir posé l'autre sur son cœur, jura que, s'il était élu empereur, trois ans après il serait dans Constantinople ou mort. Il ajouta qu'il dépenserait trois millions d'or, la moitié du revenu annuel de son royaume, pour être élu[20]. Peut-être le roi de France espérait-il aussi qu'un de ces violents accès nerveux, auxquels Charles était alors sujet, le débarrasserait de son jeune rival. Il apprenait, à cette époque même, que le Roi Catholique, en entendant la messe à Saragosse, avait été comme foudroyé par une attaque qui l'avait renversé sans connaissance au milieu de sa cour[21].

Cependant Marguerite d'Autriche veillait activement sur les intérêts de son neveu. Le 3 février, de l'avis du conseil privé des Pays-Bas, elle avait envoyé son ministre de confiance, le trésorier général Jean de Marnix[22], aux agents autrichiens pour qu'ils fissent en sorte que les électeurs, qui avaient pris des engagements envers Maximilien, y demeurassent fidèles. On devait donner à ces princes l'assurance que tout ce qui leur avait été promis serait effectué. On devait dire à l'électeur de Brandebourg, mais sans se lier formellement, que le Roi Catholique, parvenu à l'Empire, le ferait son principal lieutenant et vicaire pendant son absence. On devait également faire espérer à l'électeur de Saxe la lieutenance de l'Empire ou quelque traité de mariage pour son héritier[23]. On devait représenter à ceux qui inclineraient pour le roi de France que son élection serait le présage de leur servitude et une honte éternelle pour la nation germanique, puisque l'Empire serait transféré à un étranger. Et si, malgré toutes ces offres et ces représentations, on voyait la plupart des électeurs disposés plutôt pour le roi de France que pour le Roi Catholique, on devait employer l'influence des amis de la maison d'Autriche à faire déférer la couronne impériale à un autre prince, avec lequel le Roi Catholique pourrait s'allier et s'entendre de telle sorte que lui, ou son frère Ferdinand, fût élu roi des Romains[24].

Chaque jour des nouvelles plus alarmantes arrivaient à Bruxelles. Le 1er février, Maximilien de Berghes avait écrit d'Augsbourg à l'archiduchesse que si le Roi Catholique ne venait pas en Allemagne ou si son frère ne l'y suppléait, il ne voyait-point comment on pourrait réussir, les Allemands étant persuadés que Charles ne voudrait pas abandonner l'Espagne. Le 5 et le 6 février, il mandait que le cardinal de-Mayence semblait dévoué au Roi Catholique ; mais que son frère, l'électeur de Brandebourg, père de toute avarice, prêtait l'oreille aux Français[25]. Ceux-ci, disait-il, dans une autre dépêche du 14 février, n'y vont pas seulement par paroles, mais à pleines mains, ce qui donne au prêcheur bon crédit. Il était donc essentiel, d'après lui, que les personnages que l'on enverrait vers les électeurs, notamment vers les électeurs ecclésiastiques, ne leur rappelassent pas trop les promesses faites et les sceaux donnés au défunt empereur : car on les embarrasserait l'élection, aux termes de la Bulle d'or, devant être libre. Il fallait seulement les prier d'avoir mémoire des choses traitées à la journée d'Augsbourg et de persister dans leur bonne affection pour le Roi Catholique[26]. Deux jours après, le 16 février, Maximilien de Berghes avertissait la gouvernante des Pays-Bas que l'archevêque de Mayence avait résolu d'envoyer des citations aux électeurs afin que, dans le délai de trois mois, à partir du 15 mars, ils se trouvassent à Francfort pour procéder à l'élection. Il annonçait que l'électeur de Mayence était toujours dans les mêmes dispositions pour le Roi Catholique, mais que l'électeur de Brandebourg se montrait mécontent et plus avide que jamais. Ce prince affirmait que l'on s'était engagé à réaliser, avant la fête de Noël, les promesses qu'on lui avait faites. Or, il croyait qu'on voulait le tromper, puisqu'on ne lui avait pas envoyé la ratification de la princesse Catherine dont la main était promise à son fils. Il réclamait d'ailleurs une obligation du banquier Fugger pour le reste de la dot, s'élevant à 200.000 florins d'or, et demandait que cette somme lui fût payée, que le mariage eût lieu ou non ; il demandait, en outre, indépendamment des 30.000 florins stipulés pour sa voix, une autre bonne somme et ajoutait que l'on ne devait pas trouver étrange cette nouvelle supplique, attendu que. les Français lui offraient davantage et en argent comptant ; enfin il désirait avoir-une réponse définitive avant cinq semaines, après quoi il s'arrangerait, disait-il, selon son intérêt. En présence de ces prétentions toujours croissantes, l'ambassadeur n'avait pas tort, sans doute, en appelant le margrave de Brandebourg un homme diabolique, lorsqu'il s'agissait de besoigner avec lui en matière d'argent (2)[27]. Dans une autre lettre, datée d'Insprück le 16 février, Maximilien de Berghes signalait les divisions qui existaient parmi les électeurs et qui serviraient la cause du Roi Catholique. D'un côté, le duc de Saxe s'opposait à la fois et à l'électeur de Brandebourg et au roi de France, parce que celui-ci avait promis au margrave Joachim de le nommer son lieutenant dans l'Empire. D'autre part, l'électeur de Brandebourg s'était élevé avec force contre le projet conçu par le duc de Saxe de faire décerner la couronne impériale au jeune roi de Bohême et de Hongrie, à la condition que la sœur de ce prince, déjà promise à l'archiduc Ferdinand, épouserait son neveu et héritier[28].

Charles se trouvait au monastère de Montserrat en Aragon, lorsqu'il apprit la mort de son aïeul. Il s'empressa d'envoyer en Allemagne Henri Lebèghe, un de ses écuyers, avec des instructions relatives à la poursuite des négociations commencées. Il en confiait la direction à Matthieu Lang, cardinal de Gurck, auquel il adjoignait Michel de Volckenstein, Cyprien de Serntein, chancelier du Tyrol, Jacques de Villinger, trésorier général, et le secrétaire Renner. Quant à Maximilien de Berghes, qui avait tenu jusqu'alors le premier rang, il lui était enjoint d'obéir en toutes choses aux nouveaux commissaires désignés par le roi.

Affligé de cette disgrâce, Maximilien de Berghes exposa à la gouvernante des Pays-Bas qu'il n'avait pas sollicité la mission qu'il avait remplie jusqu'à ce moment ; que c'était contre son gré et par pure obéissance qu'il l'avait acceptée, et que, loin d'y gagner, il y avait déjà dépensé 4.000 florins du sien. Il se montrait même disposé à retourner immédiatement dans les Pays-Bas ; mais Jean de Marnix, qui était avec lui, le supplia d'attendre au moins jusqu'à ce qu'il eût reçu une réponse de l'archiduchesse. Du reste, Marnix écrivit lui-même à Marguerite que la détermination du roi n'était guère propre à avancer ses affaires. Il se plaignait aussi de l'élimination de Nicolas Ziegler, qui était l'un des piliers de la négociation et de son remplacement par le cardinal de Gurck, homme de bien, ajoutait le confident de Marguerite, mais peu propre en cette occasion pour certaines raisons dangereuses à écrire. Marnix entendait parla que ce personnage n'était pas aimé en Allemagne[29]. L'archiduchesse, non moins contrariée que ses fidèles agents, s'empressa de répondre à Maximilien de Berghes que les dépêches reçues d'Espagne ne devaient pas l'empêcher de continuer les utiles services qu'il avait rendus jusqu'alors. Elle était, d'ailleurs, persuadée que s'il avait été oublié dans l'ordonnance royale, cela ne procédait pas du vouloir du roi, mais de la faute, ignorance et imbécillité du secrétaire qui a fait les dépêches[30]. Elle ajoutait qu'elle venait d'écrire à son neveu pour lui exposer que les négociations relatives à l'élection exigeaient des personnages plus qualifiés, et pour lui proposer d'expédier de nouveaux pouvoirs non-seulement au cardinal de Gurck, mais aussi à l'évêque de Liège, au marquis Casimir de Brandebourg, au comte palatin Frédéric, et à lui, seigneur de Zevenberghe ; ils auraient pour conseillers Michel de Volckenstein, le chancelier Serntein, Villinger, et les secrétaires Ziegler et Renner. Charles fit mieux que d'approuver les propositions de sa tante : il nomma chef de l'ambassade le premier personnage des Pays-Bas, Henri, comte de Nassau et de Vianden, baron de Diest, vicomte d'Anvers, etc.

Le gouvernement des Pays-Bas, alors intéressé à désarmer partout les adversaires du Roi Catholique et à les changer en partisans de sa grandeur, devait chercher, quoi qu'il lui en coûtât, à détacher de la France le redoutable Charles d'Egmont. Ce puissant et infatigable ennemi de la maison d'Autriche, obligé, par le traité de Noyon, à respecter les domaines du souverain des Pays-Bas, s'était tenu néanmoins à la disposition de François Ier et l'avait accompagné dans son expédition de Lombardie comme chef de 6.000 lansquenets ; mais il n'assista point à la bataille de Marignan. Quelques jours auparavant, il avait obtenu du roi la permission de retourner en Gueldre, sous prétexte qu'il était informé que le duc de Clèves, allié de Charles d'Autriche, voulait surprendre ou faire surprendre la ville d'Arnhem. En apprenant, à Lyon, la victoire que François Ier venait de remporter sur les Suisses, le vieux capitaine tomba malade de chagrin pour n'avoir pas pris part à cette bataille mémorable[31]. De retour dans son pays, il recommença ses agressions et les poursuivit avec une audace singulière. Le souverain des Pays-Bas, ne pouvant le dompter, se plaignit à François Ier des usurpations de son allié et le pria d'intervenir pour mettre un terme à ces nouvelletés et à ces infractions à la trêve[32]. François envoya effectivement en Gueldre Philippe de la Guyche, et, par l'entremise équivoque de ce vieux diplomate, la trêve précédemment conclue fut encore prorogée diverses fois, mais pour des délais assez courts[33]. Pendant ces laborieuses négociations, Charles de Gueldre, toujours dans le dessein de frustrer les espérances de la maison d'Autriche, s'était brusquement décidé à s'allier à un autre partisan de la France. En 4513, Marguerite et son neveu avaient fait échouer, par leur intervention menaçante, le projet que le prince gueldrois avait conçu d'épouser la fille du duc de Clèves. En 1518, Charles de Gueldre, mieux avisé, fit secrètement négocier son mariage avec Isabelle, fille de Henri, duc de Brunswick-Lunebourg, et, comme lui-même, serviteur de François Ier[34]. Marguerite d'Autriche dissimula son dépit et son ressentiment ; et, tout en se préparant à recommencer la guerre contre le plus intraitable ennemi de sa maison, elle fit une démarche extraordinaire pour obtenir sa neutralité et même son concours. Érard de la Marck, qui avait été adjoint à Henri de Nassau pour préparer l'élection du Roi Catholique, fut l'intermédiaire de cette autre négociation également importante. Des concessions inespérées furent offertes à Charles d'Egmont, et elles ébranlèrent la fidélité qu'il avait jusqu'alors conservée à François Ier. Il se montrait même disposé à se ranger du côté de son rival ; mais la lenteur du Roi Catholique à ratifier le projet de transaction qui lui avait été soumis par sa tante, la répugnance qu'il éprouvait sans doute à se réconcilier sincèrement avec un feudataire qui lui avait fait subir de si grandes humiliations, peut-être aussi les démarches et les offres de François Ier firent échouer une tentative commencée sous d'heureux auspices[35]. Charles d'Egmont se rejeta du côté de la France, reprit son inimitié contre la maison d'Autriche et, de concert avec son beau-père, le duc de Lunebourg, ne cessa de travailler pour assurer l'avènement de François Ier à l'Empire.

Le rival de Charles d'Autriche s'était empressé de profiter de la mort de Maximilien pour tâcher de regagner le comte palatin, le margrave de Brandebourg, l'archevêque de Mayence, son frère, ainsi que l'électeur de Cologne. N'ignorant pas ces efforts que le pape Léon X encourageait, et sachant aussi que les nouvelles dispositions du margrave et de l'archevêque de Mayence étaient peu favorables pour le Roi Catholique, Marguerite et le conseil privé des Pays-Bas, très-alarmés, proposèrent à l'unanimité une combinaison qui pût conserver, en tout cas, la couronne impériale dans la maison d'Autriche. Il s'agissait de revenir au premier dessein de l'empereur Maximilien, c'est-à-dire de solliciter les électeurs en faveur de l'archiduc Ferdinand, si la candidature du Roi Catholique échouait ; au pis aller, on ferait élire un prince allemand quelconque, le comte palatin Frédéric ou le marquis Casimir de Brandebourg, afin d'écarter François Ier. Marguerite fit connaître, le 20 février, cette résolution au roi Charles. Mais ce prince la désapprouva fortement. Déjà prévenu des démarches qui se faisaient en faveur de son frère, il lui manda, le 4 mars, qu'il n'entendait pas qu'il se rendît en Allemagne, comme quelques-uns le lui conseillaient, parce que ce voyage serait préjudiciable à leur honneur[36]. De même, il écrivit à sa tante qu'il trouvait étrange que, à son insu et sans ses ordres, on se fût si fort hâté de mettre en avant le voyage de l'archiduc Ferdinand au delà du Rhin et que l'on eût même parlé de son élection. Celle-ci, si elle pouvait réussir, affaiblirait l'Empire, désunirait la maison d'Autriche, et réjouirait ses ennemis.

Charles ajoutait avec hauteur que lui seul devait être Empereur, afin de maintenir la splendeur de sa maison et réaliser les grands desseins qu'il avait conçus dans l'intérêt de la chrétienté. Si la ditte élection est conférée en nostre personne, comme la raison veult, selon les choses passées, nous pourrons, disait-il, dresser beaucoup de choses bonnes et grandes, non-seulement conserver et garder les biens que Dieu nous a donnés, ains iceulx grandement accroistre, avec ce donner paix, repos et tranquillité à toute la Chrestienté, en exauçant et augmentant nostre sainte foy catholique, qui est nostre principal fondement.....

Le jeune monarque, qui dépeignait son ambition et ses projets futurs en un langage si élevé et si fier, tâchait pourtant de ne point désespérer son frère. Il voulait rester le chef incontesté de la maison de Habsbourg et placer sur sa tête la couronne impériale qu'avaient portée ses aïeux ; mais il voulait aussi procurer l'avancement et la grandeur de l'archiduc Ferdinand. Pour le dédommager du sacrifice qu'il exigeait de lui, il lui laissait non-seulement entrevoir qu'il lui céderait les domaines héréditaires des Habsbourg en Allemagne, mais il promettait en outre de le faire élire roi des Romains lorsque lui-même aurait été couronné empereur. C'est ainsi, ajoutait-il, que nous pouvons mettre l'Empire en tel estat qu'il demeurera à toujours en nostre Maison[37].

Marguerite d'Autriche, après avoir pris connaissance des instructions que son neveu avait remises au sieur de Beaurain, crut devoir justifier la conduite qu'elle avait tenue. Le 21 mars, elle lui écrivit que, lorsqu'on avait appris dans les Pays-Bas la maladie de l'empereur Maximilien, le conseil avait jugé utile d'envoyer l'archiduc Ferdinand en Allemagne afin de veiller sur les domaines héréditaires du Roi. Elle ajoutait que Ferdinand s'inclinait devant la volonté de son frère, car jamais, disait-elle, 9n ne vit prince de son âge ni plus sage ni plus débonnaire. A ces explications et à ces excuses, le conseil privé ajouta de graves considérations politiques. Il disait que le bruit courait et court encore en Allemagne que les princes, États et cités de l'Empire ne désirent point un empereur aussi puissant que les rois d'Espagne et de France, qu'ils préféreraient un prince moindre, d'origine germanique, et disposé à résider en Allemagne. Il rappelait que, à la dernière journée tenue en Suisse entre les ambassadeurs de France et les cantons, ceux-ci avaient répondu à la demande que les premiers leur firent de favoriser l'élection de leur souverain, qu'ils s'y refusaient, et qu'ils souhaitaient que ni l'un ni l'autre des deux rois ne parvînt à l'Empire. Le conseil avait aussi appris que le roi de France était dans l'intention, s'il ne pouvait lui-même être élu, de procurer l'Empire au margrave Joachim de Brandebourg et de faire élire son fils roi des Romains, en lui accordant la main de la princesse Renée avec une dot de 500.000 écus comptant, indépendamment d'une rente considérable. Or, si le margrave de Brandebourg, le due de Saxe ou quelque autre prince était élu par la faveur des Français, il en pourrait résulter un grand préjudice pour le Roi Catholique et ses États. Les électeurs déclaraient, au surplus, que les engagements contractés par eux envers l'empereur Maximilien étaient annulés par son décès. Après avoir exposé ces raisons, le conseil privé suppliait le roi de croire que sa proposition n'avait été mise en avant par aucune affection particulière, mais que ç'avait été le résultat des sérieuses convictions de tous les membres du gouvernement[38].

Charles d'Autriche, de même que François Ier, rencontra un rival sinon plus dangereux du moins plus hypocrite, plus astucieux et plus déloyal que l'archiduc Ferdinand. C'était Henri VIII, roi d'Angleterre. Thomas Boleyn, ambassadeur anglais à Paris, avait formellement promis à François Ier le concours et l'appui de son maître pour faire triompher la candidature du roi de France, et ce prince reconnaissant avait déclaré que, de son côté, il saisirait aussi toutes les occasions de faire plaisir à Henri[39]. Du reste, il reconnaissait lui-même qu'il avait reçu du roi d'Angleterre lettres très-honnêtes et tant gracieuses qu'il n'est possible de plus. Les mêmes assurances étaient données par Henri VIII au roi de Castille. Il écrivit au rival de François Ier qu'il avait refusé de recommander aux électeurs la candidature du roi de France, et qu'il préférait que la couronne impériale fût décernée au Roi Catholique. La Roche-Beaucourt, ambassadeur de France en Espagne, ayant eu connaissance de cette lettre, qui était entre les mains de l'évêque de Burgos, avertit sa cour de cette découverte si fâcheuse pour la loyauté de Henri VIII. Elle troubla François Ier qui chargea la duchesse d'Angoulême, sa mère, de mander Th. Boleyn et de lui communiquer la dépêche inattendue de l'ambassadeur français[40].

Mais quoique cette révélation dût couvrir le monarque anglais de confusion, il persévéra dans le projet qu'il avait conçu de solliciter pour lui-même la couronne de l'Empire. C'est ainsi que, le 25 mars, il faisait adresser par le cardinal Wolsey des instructions très-pressantes à son ambassadeur à Rome — Sylvestre Giglio, prélat italien, décoré du titre d'évêque de Worcester —, afin qu'il s'assurât de l'appui du souverain pontife. Il cherchait d'abord à effrayer Léon X, en lui montrant François Il, étendant son sceptre tyrannique sur le monde entier et en signalant aussi la puissance trop redoutable du roi de Castille. Toutefois, s'il fallait absolument que l'un des deux fût élu, mieux valait encore le Roi Catholique que son rival. Ce qu'il y avait de mieux à faire pour l'intérêt de la chrétienté, c'était, selon Henri VIII, de ne protéger aucun de ces deux princes. Dans l'intérêt de la chrétienté, disait Wolsey, il ne faut protéger aucun des deux concurrents. Si l'on ne peut se dispenser d'accorder des lettres de recommandation à l'un ou à l'autre, il faudra user de beaucoup de dissimulation pour en neutraliser l'effet. Enfin, il faut démontrer au pape, si les regards se tournent vers Sa Majesté d Angleterre, tous les avantages qu'un tel choix assurerait au Saint-Siège et à la chrétienté[41].

Les négociations reprises avec le roi de France par l'archevêque de Mayence et par son frère, le margrave Joachim de Brandebourg, augmentaient encore les difficultés déjà si grandes de la tâche qui avait été confiée aux représentants de Charles en Allemagne. Paul Armerstorff, s'étant rendu près de l'archevêque, l'avait trouvé dans des dispositions peu favorables pour le petit-fils de Maximilien. Furieux de ce mécompte, il s'écriait avec indignation que les Français, par leur diabolique trahison et leurs manœuvres perfides, étaient parvenus à gagner le cardinal de Mayence ainsi que son frère, le margrave Joachim, et l'électeur de Cologne. En mandant ce fait au Roi Catholique, le 4 mars, il lui rendait compte aussi d'une conversation importante qu'il avait eue avec le cardinal de Mayence. Celui-ci l'avait appelé en particulier pour lui dire : Nous sommes secrètement avertis qu'après que nous aurons fait l'élection, on ne nous tiendra rien de ce qui nous a été promis, en pensions et autres choses, car nous savons que les Espagnols ne veulent ni que le roi sollicite la couronne impériale ni que sa sœur — la princesse Catherine — sorte d'Espagne ni qu'elle épouse le fils de mon frère. Il avait ajouté que le pape, le roi de France et le roi d'Angleterre s'étaient ligués pour faire échouer la candidature du Roi Catholique ; enfin, il prétendait que celui-ci ne viendrait jamais en Allemagne et que l'Empire demeurerait sans chef. L'agent autrichien avait réfuté toutes ces objections d'une manière satisfaisante ; mais il dut s'apercevoir que le langage du cardinal provenait des offres plus grandes qui lui avaient été faites par les Français, et il le lui déclara nettement. Après une orageuse conversation, pendant laquelle Armerstorff ne ménagea point les vérités les plus dures, le cardinal demanda un supplément de 100.000 florins d'or. L'agent du Roi Catholique s'étant vivement récrié contre l'énormité de cette prétention, le cardinal consentit, après de nouveaux débats, à réduire ce supplément à 20.000 florins. Armerstorff promit ce supplément, au nom du Roi Catholique, mais à la condition expresse que l'accord serait tenu secret et que le cardinal s'emploierait auprès du margrave, son frère, et auprès de l'électeur de Cologne pour que ces princes se contentassent des engagements antérieurs.

Le cardinal, qui y avait acquiescé, dit mystérieusement à l'agent autrichien : Afin que vous soyez persuadé que je puis et veux rendre service au roi et que je ne regarde pas tant au bien que vous pensez, vous promettez de ne me découvrir à personne jusqu'à ce que l'élection soit faite, et je vous montrerai quelles pratiques il y a au monde. Et il ouvrit ses coffres contenant les lettres qui révélaient les machinations et les pratiques du roi de France[42].

Vers la même époque, Maximilien de Berghes apprenait à Charles d'Autriche, sans rien ménager, ce qu'il avait à craindre et à espérer. Il faut accomplir entièrement, disait-il, ce que les électeurs désirent, car, loin d'avoir égard au bien de l'Empire et de toute la chrétienté, ils ne visent qu'à leur profit particulier ; c'est pourquoi, puisque vous êtes à leur merci, il faut franchir ce pas, car tout le monde en ce pays est attaché à V. M., et je ne doute point que si les Allemands savaient que les électeurs par avarice dussent élire un autre que vous, ils leur refuseraient obéissance et à l'étranger élu, surtout si c'était le Français (2)[43]. Le comte de Kœnigstein, qui, n'avait pas voulu accepter d'argent, et beaucoup d'autres seigneurs déclarèrent effectivement aux électeurs que, s'ils s'avisaient d'élire François Ier, ils verseraient tous la dernière goutte de leur sang plutôt que d'être français[44].

Malgré ses protestations récentes de dévouement et de fidélité, le cardinal de Mayence abandonna de nouveau le petit-fils de Maximilien. En effet, dix jours après avoir traité avec Armerstorff, il concluait avec un agent français un autre arrangement qui lui assurait, outre une pension viagère de 10.000 florins, une autre somme de 120.000 florins allouée sous prétexte de l'aider à ériger une église à Halle. Le même jour, Joachim de Brandebourg traitait également avec François Ier qui, entre autres avantages, lui assurait pour son fils la main de la princesse Renée, dont la dot était augmentée de 400.000 écus d'or, indépendamment d'une pension viagère de 12.000 florins, réversible sur le fils du margrave[45].

Vers la fin du mois de mars, Armerstorff retourna à Mayence, porteur de la ratification de l'arrangement qu'il avait conclu avec l'électeur quelques semaines auparavant. Mais ce prince, qui venait de traiter avec les agents français, n'était plus dans les mêmes dispositions. Il fallut, pour le regagner, stipuler un nouvel accord qui assurait à l'électeur de Mayence tous les avantages qu'il réclamait, ainsi que toutes les garanties qu'il indiquait[46]. Cet électeur resta dès lors invariablement fidèle au parti autrichien ; mais il ne parvint pas, toutefois, à déterminer le margrave, son frère, à suivre immédiatement son exemple.

Le chef de la maison d'Autriche était maintenant décidé à prodiguer, comme François Ier, l'argent et les promesses. Il avait déclaré lui-même qu'il ne voulait rien épargner pour son élection, et que, si les sommes promises ne suffisaient point, il en ferait fournir d'autres[47]. Les sacrifices, les efforts et les intrigues de François Ier n'étaient pas moins grands. Il excitait de nouveau contre son jeune rival le duc de Gueldre, lequel ne demandait pas mieux que de recommencer la guerre qu'il faisait depuis si longtemps aux princes de la maison d'Autriche. Il négociait avec les Suisses, et on le soupçonnait de soudoyer ceux qui s'étaient mis au service du duc Ulric de Wurtemberg, l'adversaire de Franz de Sickingen, de ce simple et tout-puissant gentilhomme que Marguerite d'Autriche avait su gagner moyennant Une pension de 3.000 florins d'or et le commandement d'une compagnie de vingt hommes d'ordonnance. Enfin, le roi de France avait envoyé à Liège des ambassadeurs qui cherchèrent ouvertement à rompre l'alliance existante entre la principauté et les Pays-Bas[48].

Cependant, Maximilien de Berghes s'était rendu en Suisse afin d'enlever à François Ier l'appui des Cantons. Grâce aux conseils et aux démarches passionnées du cardinal de Sion, la nouvelle mission, confiée à l'un des plus habiles agents de Marguerite, eut un bon résultat. L'accueil qu'on fit à l'ambassadeur du roi Charles fut des plus empressés : trois cents hommes se rendirent au-devant de lui lorsqu'il approcha de Zurich. Ayant eu audience, le 47 mars, il exposa que le Roi Catholique désirait ratifier la ligue héréditaire existant entre les Cantons et la maison d'Autriche ; qu'il désirait même contracter avec eux une plus étroite alliance ; que les Français ne cherchaient qu'à mettre le trouble dans l'Empire, afin d'opprimer plus facilement la nation germanique ; enfin, que l'Empire avait été bien gouverné par des princes allemands, principalement par ceux de la maison d'Autriche. L'envoyé les priait, en conséquence, au nom du Roi Catholique, d'écrire, en faveur de ce prince, aux électeurs, et d'envoyer, à ses frais, leurs députés à Francfort. Le lendemain, les Cantons répondirent que leur intention était de demeurer toujours les bons confédérés de la maison d'Autriche et de Bourgogne ; quant à la prétention du roi de France, ils étaient décidés à ne l'endurer ni souffrir, dussent-ils perdre leurs biens et leur vie, mais à tenir la main pour qu'un prince d'Allemagne, électeur ou autre, soit élu empereur.

L'argent avait encore été, dans cette occasion, le meilleur auxiliaire du Roi Catholique. Au reste, la distribution faite par son ambassadeur était loin de satisfaire toutes les convoitises des représentants des Cantons. Jamais on n'avait vu tant de rapacité. Quand l'on parle à eulx, mandait Maximilien de Berghes au roi, faut avoir l'argent en mains, comme si l'on alloit au marché. Il s'était déjà plaint antérieurement des exigences intolérables des Suisses qui ne cessent, ni nuyt ni jour, disait-il, de demander. Il ajoutait que, s'il ne craignait de s'exposer à l'indignation du roi et de nuire à ses affaires, il se retirerait en sa maison et aimerait mieux porter des pierres que d'endurer ce que journellement il devait souffrir de la part de ces belistres et coquins. Le cardinal de Sion ne remplissait pas gratuitement non plus son rôle de protecteur : quelque temps auparavant, Charles avait ordonné de lui faire compter mille florins d'or.

Selon leur promesse, les Suisses écrivirent aux électeurs de choisir un prince d'Allemagne, mais sans nommer l'archiduc Charles dans leurs lettres. On ne pouvait toutefois se méprendre sur leurs sympathies. Ils avaient résisté à toutes les suggestions des agents français qui invoquaient la libéralité de leur roi et le souvenir de l'alliance conclue en 1516. Les Suisses répondirent : Que, lorsqu'ils avaient fait alliance avec le roi de France, ils avaient excepté l'Église romaine et l'Empire ; qu'ils ne voulaient point du roi de France pour empereur, et qu'ils étaient décidés, avec la ligue de Souabe et d'autres membres de l'Empire, à mettre en danger corps et biens pour repousser tout prince étranger. Ils rappelèrent leurs compatriotes qui étaient dans l'armée du duc Ulric de Wurtemberg, menaçant, s'ils n'obéissaient pas, de les contraindre par la force à rentrer dans leur pays[49].

Le pape Léon X avait d'abord favorisé de tout son pouvoir la candidature de François Ier et combattu les espérances de son jeune rival[50]. Il eût toutefois préféré au vainqueur de Marignan Laurent de Médicis ou un prince allemand dont la puissance ne lui porterait pas ombrage. Il ne tarda point à se convaincre que François Ier avait peu de chances de parvenir à l'Empire, tandis que le Roi Catholique en avait beaucoup. Pour les faire échouer l'un et l'autre, il résolut, selon Guicciardin, d'encourager encore François Ier, présumant, non sans raison, que plus celui-ci aurait fait de progrès, plus il serait facile de l'engager à procurer l'élection d'un tiers, lorsqu'il verrait que les électeurs l'avaient bercé de fausses espérances. Il se flattait, d'un autre côté, que le Roi Catholique, en le voyant embrasser avec chaleur les intérêts de son rival, se déterminerait peut-être lui-même à faire élire aussi un tiers, dans la crainte que la France ne l'emportât. Il fit partir pour l'Allemagne, en qualité de légat, le cardinal de Saint-Sixte et, en qualité de nonce, Robert Orsini, archevêque de Reggio. Ce dernier était particulièrement chargé de faire ouvertement, et de concert avec les agents français, toutes sortes d'efforts pour procurer la couronne à François Ier ; mais il lui était enjoint secrètement de régler ses démarches sur les dispositions où il trouverait les électeurs et sur l'état des affaires[51].

Au commencement du mois d'avril, les quatre électeurs des bords du Rhin étaient réunis à Ober-Wesel près de Cologne. Le comte Henri de Nassau, Gerard de Pleine, seigneur de la Roche, et Paul Armerstorff se trouvaient également dans cette localité. En apprenant l'arrivée du légat et du nonce, les agents du Roi Catholique ne cachèrent ni leur inquiétude ni leur irritation. Sans l'intervention de l'électeur de Mayence, Armerstorff aurait même fait un mauvais parti à l'archevêque de Reggio[52]. Les ambassadeurs du pape exhortèrent les électeurs à choisir un bon prince ; mais ils ne devaient pas conférer la dignité impériale à Charles, roi de Naples, attendu que ce royaume était tributaire de l'Église, et que celui qui le possédait ne pouvait, en vertu de la constitution de Clément IV, réunir l'une et l'autre dignité. Les électeurs objectèrent qu'ils ne s'étaient pas assemblés à Wesel pour désigner l'Empereur, mais bien à cause des armements qui avaient lieu et qui menaçaient la paix de l'Empire. Ils ne pouvaient donc donner réponse au légat ; le pape cependant pouvait être assuré, ajoutaient-ils, que, lorsqu'ils procéderaient à l'élection, ils le feraient à la louange du Saint-Siège et au profit de la chose publique. Du reste, ils s'émerveillaient que le pape eût voulu prescrire une loi aux électeurs ; cela ne s'était jamais vu. Le légat répliqua que le pape serait fort peu content de cette réponse ; qu'il ne voulait point leur prescrire de loi, mais seulement garder le droit de l'Église[53].

Léon X était moins absolu que son légat en Allemagne, dans les relations directes qu'il avait avec le Roi Catholique, par l'entremise de l'ambassadeur de ce prince à Rome. Loin de le décourager, il se montrait bienveillant pour lui et se disait même prêt, le cas échéant, à lui donner, pour le royaume de Naples, la dispense qui serait nécessaire. A la vérité, Léon X ne dissimulait plus qu'il ne désirait point un empereur aussi puissant que le roi de Castille ou le roi de France. Mais si le cas advenoit de choisir l'un de nous deux, écrivait Charles lui-même à ses envoyés en Allemagne, il a donné à connoître qu'il se contenteroit plus de nous que dudit roy de France, et ne nous refuseroit ladite dispensation ny autre chose que luy saurions demander[54].

Le même jour, Charles mandait aussi à ses commissaires que le roi Henri VIII lui avait formellement promis d'user secrètement de toute son influence pour faire triompher sa candidature[55]. Mais, en réalité, Henri VIII tenait, comme on le sait déjà, une tout autre conduite. Il ne s'était point borné à solliciter pour lui-même la bienveillance du souverain pontife ; il avait envoyé Richard Pace en Allemagne afin de poursuivre sa brigue, et, le 11 mai, il l'avait accrédité auprès des électeurs pour qu'il leur recommandât la candidature du chef de la maison de Tudor. Toutefois, Richard Pace, s'étant bientôt convaincu que son maître n'avait aucune chance, prit le parti de se tenir sur la réserve, ne favorisant aucun des prétendants, ni le Roi Catholique ni le roi de France.

Quels que fussent les progrès du petit-fils de Maximilien, il était loin encore d'avoir atteint le but de son ambition. Même avant les conférences d'Ober-Wesel, le comte Henri de Nassau ne se faisait pas illusion sur les dernières difficultés qu'il fallait vaincre et surmonter. Le roi, écrivait-il à l'archiduchesse Marguerite, est peu connu en Allemagne ; les Français en ont dit beaucoup de mal, et les Allemands, qui viennent d'Espagne, n'en disent guère de bien.

Le 28 mars, le principal ambassadeur de Charles d'Autriche avait eu audience de l'électeur de Cologne : celui-ci ne s'était pas engagé positivement, mais ses délégués avaient débattu la question d'argent et demandé, outre les sommes déjà promises, la cession de Kerpen, petite ville du duché de Juliers. Trois jours après, le comte de Nassau avait vu l'électeur de Trèves dans un château près de Coblentz. Ce prélat, qui était le vrai chef du parti français, avait déclaré qu'il ne pouvait prendre d'engagement ; masque, comme homme privé, il était cependant tout disposé à servir le Roi Catholique. Du reste, le chancelier de l'électeur de Trêves, ayant assuré — bien à tort, cependant — qu'il gagnerait son maître, avait obtenu un cadeau de deux mille florins d'or et, en outre la promesse d'une pension de 500 florins. A Wesel, après la conférence des électeurs avec le légat du pape, un autre chancelier, celui de l'électeur palatin, vint trouver le comte de Nassau et lui dit que l'on faisait à son maître des offres qui dépassaient ce qui lui avait été promis à Augsbourg, avant le décès de Maximilien. Aussi jugeait-il convenable de demander 60.000 florins au lieu de 20.000, indépendamment de la promesse de l'avouerie de Haguenau et de la lieutenance de l'Empire ; il exigeait, d'autre part, La restitution de l'engagement remis par lui à Augsbourg, parce que, si l'existence de cet acte était prouvée, l'électeur palatin serait privé de son droit électoral. La même demande ayant été faite d'ailleurs par les électeurs de Cologne et de Mayence, le comte de Nassau crut devoir y accéder, et, pour satisfaire entièrement l'électeur palatin, il lui assura un supplément de dix mille florins argent comptant, et une augmentation de pension de deux mille[56].

Il s'agissait maintenant de regagner aussi le plus intraitable de tous les princes d'au delà du Rhin, l'électeur Joachim de Brandebourg. Le 8 avril, ce prince, désigné comme le père de toute avarice, signa un acte par lequel il s'engageait formellement à donner sa voix à François Ier, pourvu que deux des co-électeurs, votant avant lui, l'élussent et lui donnassent la leur. Cet engagement avait été obtenu par de nouvelles libéralités : François avait même consenti à porter à 175.000 écus d'or la dot de la princesse Renée[57]. Ce marché était conclu et ratifié lorsque, vers la fin d'avril, le comte de Nassau et le seigneur de la Roche arrivèrent à Berlin. Le margrave alla au-devant d'eux et leur fit très-bon accueil. Mais les ambassadeurs ne furent pas longtemps sans connaître les prétentions nouvelles et vraiment exorbitantes du prince. Ses conseillers firent les demandes suivantes : 1° Une augmentation de 100.000 florins d'or pour la dot de la princesse Catherine, que le fils du margrave devait épouser ; 2° une autre augmentation de 4.000 florins pour sa pension ; 5° une gratification de 60.000 florins, au lieu de 50.000, comme prix de sa voix ; 4° une indemnité mensuelle de 5.000 florins, au lieu de 4.500, pour qu'il se rendit à l'élection ; 5° le vicariat de l'Empire pour la Saxe et les pays adjacents ; 6° un engagement par écrit que ces demandes lui étaient accordées. A ces conditions, il promettait de donner sa voix au Roi Catholique si celui-ci obtenait celle des quatre autres électeurs sur lesquels il croyait pouvoir compter. Les ambassadeurs, effrayés de ces prétentions toujours croissantes, refusèrent positivement les cinq premiers points ; mais ils allèrent jusqu'à lui promettre 10.000 florins d'or de vaisselle et, en outre, qu'ils déposeraient la ratification de la princesse Catherine dans les mains du marquis Casimir. Joachim ne se rendit point et déclara, pour couper court, qu'il se contentait de la première convention faite à Augsbourg avec l'empereur Maximilien. On lui demanda ce qu'il ferait dans le cas où l'un des quatre autres électeurs ne tiendrait point sa promesse : il répondit que, dans ce cas, il se croirait libre. C'est tout ce que les ambassadeurs obtinrent de lui. Ils quittèrent Berlin peu satisfaits et se doutant bien que les offres des Français avaient été plus séduisantes[58].

Les ambassadeurs du Roi Catholique, voyant qu'ils ne pouvaient plus compter sur l'électeur de Brandebourg, songèrent à marier la princesse Catherine au neveu du duc de Saxe. Frédéric le Sage désirait beaucoup cette alliance ; mais alléguant son serment, comme l'électeur de Trêves, il ne voulait point figurer dans la négociation. Toutefois il en laissait secrètement le soin à son frère, le duc Jean, et celui-ci, quoique la princesse Renée de France lui eût été également offerte pour son fils, montrait des dispositions très-favorables pour la maison d'Autriche[59].

Les chefs de la mission française rivalisaient d'activité avec les ambassadeurs du Roi Catholique. Ils avaient quitté Nancy et s'étaient avancés dans les terres de l'Empire sous l'escorte de quatre cents chevaux allemands aux gages de leur maître. Ils emportaient une somme de quatre cent mille écus qui étaient disséminés dans les sacs de cuir de leurs archers[60]. Ils se rendirent d'abord à Coblentz pour y saluer leur plus sincère partisan, l'électeur de Trêves, et de là ils allèrent à Bonn pour tâcher de rallier l'électeur de Cologne à leur parti. Celui-ci, dans une conférence secrète avec Jean d'Albret, refusa de s'engager par écrit à voter pour François Ier, tout en marquant néanmoins, à l'égard du roi de France, les dispositions les plus favorables[61]. Mais l'électeur palatin se montra moins scrupuleux. Par un acte signé au château d'Heidelberg, il s'engagea de la manière la plus formelle à donner sa voix à François Ier et à presser les autres princes de lui donner la leur. Ce changement était le fruit d'un nouveau marché conclu très-secrètement, le 9 mai, entre Bonnivet et le chancelier de l'électeur. Il avait été stipulé, entre autres avantages, que ce prince recevrait 100.000 florins d'or après l'élection ; et, en outre, que le roi de France lui payerait exactement 5.000 couronnes d'or pour sa pension, distribuerait chaque année 2.000 florins à ses conseillers, conférerait des évêchés à ses deux frères, et prendrait au service de France, avec une pension annuelle de 6.000 francs, le comte Frédéric, s'il voulait s'y mettre[62]. Or, ce même comte Frédéric, qui naguère avait écrit de sa main à Marguerite d'Autriche pour protester de son dévouement et offrir ses services dans l'affaire de l'élection, venait de recevoir de la part de la gouvernante des lettres d'assurance pour une somme de vingt mille ducats[63]. Pendant que les envoyés de Charles et de François Ier en Allemagne se disputaient avec acharnement la couronne de l'Empire, ces deux princes, qui s'étaient donné naguère tant de témoignages de déférence et d'affection, conservaient, du moins en apparence, leurs relations amicales. Ils étaient toutefois agités l'un et l'autre par les appréhensions les plus vives. Charles était persuadé que si la couronne impériale sortait de la maison d'Autriche, ce serait pour lui une humiliation sanglante et une déchéance irrémédiable : il verrait les Français lui disputer ses États héréditaires d'Allemagne ainsi que le royaume de Naples ; il devrait renoncer à recouvrer jamais le duché de Bourgogne et risquerait même de se voir dépouillé des Pays-Bas. L'avènement éventuel de Charles d'Autriche n'effrayait pas moins François Ier. C'est ainsi que, le 16 avril 1519, il écrivait à ses ambassadeurs en Allemagne : Vous entendez assez la cause qui me meut de parvenir à l'Empire et qui est d'empêcher que le Roi Catholique y parvienne. S'il y parvenoit, vu la grandeur des royaumes et seigneuries qu'il tient, cela me pourroit, par succession de temps, porter un préjudice inestimable. Je serois toujours en doute et soupçon, et il est à penser qu'il mettroit bonne peine à me jeter hors de l'Italie. On parut croire cependant qu'une exécution fidèle. du traité de Noyon pourrait encore, quel que fût le résultat de l'élection, ajourner, et pour longtemps peut-être, un conflit qui s'annonçait comme inévitable et prochain. A cette œuvre de conciliation se dévouèrent loyalement les principaux ministres des deux rivaux, Artus Gouffier, grand-maître de France et duc de Rouannais, et Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres. Le 1er mai, ils se réunirent à Montpellier, où ils se proposaient d'arrêter définitivement le mariage de Charles d'Autriche avec la princesse Charlotte de France et d'aplanir à l'amiable les difficultés concernant le royaume de Navarre[64]. Malheureusement Artus Gouffier, déjà malade depuis quelque temps, mourut le 10 mai. Cet événement fit avorter les négociations à peine commencées et précipita la rupture. Les idées 'pacifiques qui animaient le duo de Rouannais ne lui survécurent point. La rancune, la vengeance, l'ambition dominèrent bientôt dans les conseils du roi de France et l'entraînèrent jusqu'à Pavie. Aussi un contemporain a-t-il dit avec raison que la mort du sage Artus Gouffier fut comme le signal de ces luttes acharnées qui allaient dévorer plus de deux cent mille hommes[65].

La diète électorale avait été convoquée à Francfort-sur-le-Mein, pour le 17 juin. Dès le 8, tous les électeurs s'étaient rendus dans cette ville dont l'entrée, pendant la durée du conclave, était interdite aux princes non électeurs ainsi qu'à leurs ambassadeurs[66]. Henri de Naseau, le comte palatin Frédéric, l'évêque de Liège, le margrave Casimir de Brandebourg-Culmbach s'établirent à Höchst, à deux lieues de Francfort, laissant les autres agents du Roi Catholique à Mayence. Jean d'Albret et le président Guillart se fixèrent à Coblentz ; plus hardi, Bonnivet se rendit déguisé et sous le nom du capitaine Jacob, à Rüdesheim, non loin de la ville électorale ; quelquefois même il pénétrait dans Francfort, sous le costume d'un valet et portant la malle d'un gentilhomme allemand[67]. Comme la Bulle d'or exigeait que les électeurs fussent libres de tout engagement, les deux rois, remplissant une formalité sans conséquence, avaient l'un et l'autre délié de leurs promesses ceux qui leur avaient assuré et vendu leur vote. Que signifiait, en effet, cette renonciation hypocrite, lorsque l'œuvre de corruption se poursuivait au sein même de la diète ; lorsque l'archevêque de Trêves, acceptant des ambassadeurs français 50.000 écus d'or, les portait dans la ville électorale pour tâcher de gagner l'archevêque de Cologne et le chancelier Ladislas Sternberg, représentant du jeune roi de Hongrie et de Bohême[68] ?

De son côté, le parti autrichien avait recours à l'intimidation. Au moment où la diète s'ouvrait, vingt mille hommes de pied et quatre mille cavaliers, sous le commandement de Franz de Sickingen et du marquis Casimir de Brandebourg, entourèrent Francfort. C'étaient les troupes de la ligue de Souabe que le Roi Catholique, devançant à cet égard son rival, avait prises à sa solde pour trois mois, selon les conseils de Marguerite d'Autriche et du duc de Bouillon. Le voisinage de ces bandes redoutables, qui naguère avaient envahi le Wurtemberg et châtié le duc Ulric, consterna les partisans de François Ier et réjouit ceux de Charles d'Autriche.

Le 18 juin, jour d'ouverture de la diète, les électeurs réunis dans l'église de SI-Barthélemy entendirent d'abord la messe pour invoquer la grâce du St-Esprit. Tous jurèrent ensuite qu'ils donneraient leur voix librement et sans s être liés par aucun pacte, et sans avoir reçu aucune faveur ou promesse. L'archevêque de Mayence, archichancelier de l'Empire, ouvrit enfin la diète par un discours où il exhorta les électeurs à la concorde, ajoutant que cet accord était d'autant plus nécessaire qu'ils avaient plus de périls à craindre pour leur patrie, d'un côté, de la part du Turc qui menaçait de l'envahir, et de l'autre, de la part de ceux qui cherchaient à la démembrer[69].

La candidature des rois de France et de Castille fut alors solennellement déclarée dans les lettres que les ambassadeurs de ces princes adressèrent aux électeurs pour demander ouvertement leurs suffrages. Le langage de Charles d'Autriche respirait une mâle fierté et révélait une haute et noble ambition. Il disait aux électeurs qu'il était résolu de marcher sur les traces de son grand-père, le roi d'Aragon, conquérant de Grenade, en combattant comme lui les infidèles, et que c'était pour exécuter plus aisément ce dessein qu'il sollicitait l'Empire. Notre vraie intention et vouloir, ajoutait-il, est d'établir et de maintenir la paix par toute la chrétienté et de consacrer toutes nos forces et notre puissance à la défense et à la conservation de notre foi. Il se garderait bien, disait-il encore, d'aspirer à la couronne impériale s'il n'était de la vraie race germanique, prince possessionné dans l'Empire, et si le premier fleuron de sa noblesse ne venait de la maison d'Autriche dont il était l'héritier. Il rappelait ensuite la mémoire de son bisaïeul Frédéric III et celle de son aïeul Maximilien qui avaient l'un et l'autre gouverné longuement et avec gloire la nation germanique. Si c'est la volonté de Dieu, ajoutait-il, que nous soyons leur successeur, nous suivrons leur exemple, de telle sorte que la liberté de la nation germanique, tant au spirituel qu'au temporel, soit non-seulement conservée mais encore augmentée. Et même s'il voyait chose préjudiciable à ladite liberté germanique, il promettait, en foi et parole de roi, de la redresser et de consacrer son corps, ses États et ses biens à cette œuvre glorieuse[70].

Par une singulière coïncidence, la diète reçut presque en même temps la circulaire où Charles posait si fièrement sa candidature et un mémoire dirigé contre ce prince par le duc de Gueldre, l'ennemi le plus persistant de la maison de Bourgogne. Dans ce document curieux, Charles d'Egmont récapitulait tous ses griefs contre cette maison et, dans la prévision du triomphe du petit-fils de Maximilien, réclamait la protection de l'Empire contre le futur Empereur[71].

De nouvelles intrigues remplirent les premiers jours de la diète ; des tentatives nouvelles de corruption furent faites de part et d'autre auprès de ces princes et de ces dignitaires qui avaient déjà si gravement compromis leur honneur dans un indigne trafic. L'électeur palatin était surtout le point de mire des deux partis, parce qu'on savait que celui de Cologne suivrait son impulsion. En dernier lieu, le palatin avait formellement engagé sa voix aux ambassadeurs français. Pour l'arracher à cette position, le comte Frédéric, son frère, pénétra dans Francfort, sous un déguisement, et atteignit le but qu'il avait en vue. Prévenu de cette défection par l'archevêque de Trêves, l'amiral Bonnivet adjura l'électeur de rester fidèle à François Ier. Il lui proposa une des sœurs du roi de France en mariage, avec une dot de deux ou trois cent mille florins, la solde de 200 chevaux pendant toute sa vie et le dédommagement des pertes qu'il pourrait éprouver s'il était attaqué à cause de son vote ; il lui offrit aussi, pour le défendre contre les bandes de Franz de Sickingen, de faire marcher l'armée que le roi avait rassemblée sur la frontière d'Allemagne. Le palatin se montra inébranlable : mais il recommanda à Bonnivet de pourvoir à la sûreté de.sa personne.

Un autre mécompte était réservé à François Ier. Le cardinal légat, obéissant aux instructions formelles de Léon X, venait de signifier aux électeurs que le souverain pontife, dans des intentions de concorde et de paix, ne s'opposerait plus à l'élection du roi Charles, si leurs suffrages se portaient sur lui. Quoique la situation parût désespérée, l'amiral Bonnivet fit une dernière tentative pour empêcher le triomphe du Roi Catholique. Renonçant à soutenir plus longtemps la candidature de François Ier, il essaya d'opposer un prince allemand, le margrave de Brandebourg ou le duc de Saxe, a l'heureux rival de son maître. Cette nouvelle combinaison, secrètement approuvée par la cour de Rome, fut sur le point de réussir. Des deux nouveaux candidats indiqués par Bonnivet, l'un, le duc Frédéric de Saxe, était véritablement redoutable, car cet électeur, par sa sagesse et sa droiture, s'était concilié de vives sympathies. La dignité impériale lui fut offerte par ses collègues : mais, soit modestie, soit patriotisme, soit tout autre motif, il déclina l'honneur suprême qu'on voulait lui faire et se montra partisan résolu du roi Charles[72]. Dès lors était irrévocablement assuré le triomphe du petit-fils de Maximilien Ier, du puissant héritier des quatre maisons de Bourgogne, d'Autriche, de Castille et d'Aragon.

Ce fut le 28 juin que les électeurs se réunirent de nouveau dans l'église de St-Barthélemy pour procéder définitivement à l'élection du chef de l'Empire.

L'archevêque de Mayence, après en avoir conféré d'abord avec l'électeur de Saxe, ouvrit la délibération en disant qu'il s'agissait de savoir qui l'on choisirait, de François Ier, roi de France, de Charles d'Autriche, roi des Espagnes, ou de quelque prince allemand. Il se prononça formellement contre le monarque français, en premier lieu parce que François Ier était étranger et secondement parce qu'il ne se servirait de la puissance impériale que pour tâcher d'étendre ses États ; on le verrait, au lieu de combattre les Turcs, essayer toutes ses forces contre son rival et s'efforcer de lui arracher non-seulement l'Autriche et les Pays-Bas, mais encore le royaume de Naples. Pour donner plus de poids à sa prédiction, l'archevêque fit connaître que déjà François Ier levait une armée. Il s'attacha ensuite à montrer les inconvénients très-graves qui résulteraient du choix d'un prince allemand. Élire pour chef un prince trop faible, ce serait exposer l'Empire à des dissensions funestes et à un démembrement ; ce serait encourager les violentes disputes qui se sont élevées sur les indulgences, sur la puissance du pape et sur les lois ecclésiastiques ; ce serait compromettre irrévocablement l'unité religieuse qu'il importe tant de rétablir par des remèdes prompts et efficaces ; ce serait enfin ouvrir l'Allemagne aux Turcs. Pour tous ces motifs, continua l'archevêque, je crois que nous devons choisir pour Empereur quelque prince puissant ; et, tout considéré, il me semble qu'on doit préférer Charles d'Autriche à tous les autres princes d Allemagne. Et, s'il y a quelques inconvénients à le choisir, je trouve pourtant qu'il y en a moins qu'il choisir tout autre prince. Car il est Allemand d'origine et il possède plusieurs États à titre de fiefs de l'Empire. Il n'y a pas d'apparence, d'ailleurs, qu'il veuille rendre esclave notre patrie commune, et il promettra sous serment de ne jamais transférer l'Empire ailleurs et de ne donner aucune atteinte à nos droits et à nos libertés. Telles sont les raisons qui me font pencher en sa faveur. Mais, toutes puissantes qu'elles soient, elles ne suffiraient pas pour me déterminer, si, d'ailleurs, je n'étais pas entièrement persuadé de l'excellence de son caractère. Car il aime la religion, la justice et la pudicité ; il hait toute sorte de cruauté, et il a un excellent esprit. Toutes ses vertus le feront sans cesse ressouvenir de son devoir et de l'attention qu'il doit au bien de l'Empire. Ceux qui le connaissent familièrement en font de grands éloges ; et nous n'avons aucun lieu d'en douter, si nous nous rappelons les bonnes qualités de son père Philippe et de Maximilien, son aïeul. Il est jeune à la vérité, mais cependant d'un âge mûr et propre au gouvernement ; et d'ailleurs il pourra se servir des conseillers de son aïeul et de quelques princes d'Allemagne dont il pourra faire choix pour se conduire par leurs avis. J'ai dit, auparavant, qu'il y aurait de grands inconvénients s'il demeurait trop longtemps absent d'Allemagne ; mais on pourra pourvoir à ce mal en l'obligeant, par certaines lois, à ne pas s'en absenter trop longtemps. De plus, comme il a de grands États en Allemagne, il est impossible qu'il ne les visite de temps à autre. D'ailleurs, enfin, comme il aura à chasser les Turcs de Hongrie, et les Français d'Italie, qu'il faudra qu'il songe à pacifier et à réformer l'Église et qu'il sera obligé de fournir quelquefois des secours à ses alliés, c'est ce qui diminue en moi la crainte que l'on a des inconvénients de son absence. Car, et la force naturelle de son esprit, et l'amour de sa patrie, et la nécessité même des choses l'engageront assez à revenir de temps en temps chez nous[73].

L'archevêque de Mayence, ayant cessé de parler, exhorta ses collègues à dire chacun leur avis. Ils s'expliquèrent en peu de mots, puis engagèrent l'électeur de Trêves, chef du parti français, à développer aussi les raisons qui l'engageaient à soutenir la candidature de François Ier. L'électeur répondit alors, avec éloquence et habileté, à l'apologie de Charles d'Autriche. Il allégua d'abord que si Charles pouvait être élu Empereur parce qu'il avait des États qui relevaient de l'Empire, cette même raison devait avoir autant de force pour François Ier, possesseur de la Lombardie et du royaume d'Arles, qui étaient également des fiefs impériaux. Si l'on choisit le roi de France, poursuivit-il, il n'y aura plus de sujet de guerre en Italie, car il est déjà en possession du Milanais. Et pour ce qui regarde le royaume de Naples, nous le dissuaderons de rien entreprendre, et nous y réussirons. Nous pouvons nous flatter de la même chose à l'égard des Pays-Bas, pourvu que ces peuples veuillent demeurer tranquilles. Je ne vois pas, cependant, quel intérêt nous avons à ce qui concerne leur pays. Il est vrai que les Flamands ont été de tout temps nos voisins. Mais ils n'ont ni traité ni alliance avec nous ; ils croient que les lois de l'Empire ne les regardent point, et ils ne contribuent pas plus aux besoins publics que les Anglais ou les Ecossais.

Si l'on nomme le Roi Catholique, dit-il encore, celui-ci voudra reprendre la Lombardie, et, durant la lutte qui éclatera aussitôt entre les deux plus puissants princes de la chrétienté, qui résistera aux Turcs ? Puis, aux espérances que donnait Charles d'Autriche, l'électeur de Trèves opposait le mérite déjà éprouvé de son compétiteur. Je ne doute point, ajouta-t-il, que Charles ne soit d'un esprit doux et modeste, car c'est ainsi que la plupart en parlent ; mais jeune comme il est, comment peut-on juger avec quelque assurance qu'il a les vertus qui sont requises pour former un grand prince ? L'État en demande un qui, comme l'a sagement remarqué l'électeur de Mayence, puisse raffermir et réformer l'état de l'Église. Or, personne ne pourra mieux réussir à le faire que le roi François Ier qui a beaucoup d'esprit et de jugement, qui a coutume de s'entretenir souvent de la religion avec des savants, et qui lit beaucoup. D'ailleurs, l'état présent des choses demande un prince et un général qui entende la guerre, et qui soit en même temps et actif et heureux. Or, je vous prie, qui, à cet égard, l'emporte sur François Ier ? On connaît et on a déjà éprouvé son courage. Nous ne savons, au contraire, rien de Charles, sinon que son caractère promet quelque chose ; tandis que François, par la grandeur de ses actions, a déjà surpassé ses ancêtres. Il conclut en déclarant que si les destins voulaient que la couronne impériale passât sur la tête d'un prince étranger, il fallait préférer le roi de France au souverain des Espagnes ; mais que, si la loi de l'Empire en excluait le Français, elle était tout aussi sévère pour l'Espagnol. Dans cette hypothèse, sans avoir égard aux interprétations subtiles qui tendaient à faire regarder Charles comme Allemand, il fallait jeter les yeux sur un prince qui n'eût d'autre résidence que l'Allemagne et qui fut véritablement Allemand par sa naissance, ses mœurs, son esprit et son langage[74].

C'était solliciter de nouveau l'ambition de Frédéric de Saxe ; mais cet électeur, loin de se laisser ébranler, appuya fortement l'avis de l'archevêque de Mayence. Il démontra que François Ier était exclu de la prétention à l'Empire par les lois, tandis que Charles, archiduc d'Autriche, était un vrai prince allemand et avait un domicile en Allemagne. Il ajouta que l'Empire avait besoin d'un prince puissant et qu'aucun n'égalait Charles d'Autriche. Pour ces motifs, il proposait de lui décerner la dignité impériale, mais à de certaines conditions qui assurassent la liberté de l'Allemagne et prévinssent tous les dangers signalés par les électeurs de Trèves et de Mayence[75].

Cette opinion triompha dans le collège électoral. Tous les autres électeurs s'y rallièrent, sans excepter l'archevêque de Trêves qui s'expliqua en ces termes : Je prévois le destin de l'Allemagne et je discerne le changement qui est près d'arriver ; mais puisque vous avez jugé à propos de prendre ce parti, je déclare que j'acquiesce volontiers à votre jugement[76].

La délibération s'était prolongée jusque dans la nuit. Il était dix heures du soir lorsque les sept électeurs s'accordèrent pour réunir leurs suffrages sur le rival heureux de François Ier.

Le lendemain, les électeurs s'assemblèrent de nouveau pour délibérer sur les conditions qui seraient exigées de lui. Après que cette capitulation eut été approuvée par les ambassadeurs autrichiens, l'archevêque de Mayence, archichancelier de l'Empire, monta en chaire dans l'église de Saint-Barthélemy et, en présence de la noblesse et du peuplé, proclama roi des Romains et futur empereur Charles, cinquième du nom, prince d'Autriche et roi des Espagnes. Il dit, rapporte Sleidan, qu'on devait rendre grâces à Dieu pour cette élection qui s'était faite avec tant d'unanimité ; il exhorta tout le monde à rendre au nouveau prince fidélité et obéissance, et, après s'être étendu sur ses louanges, il exposa les raisons qui avaient porté les électeurs à le choisir. Des acclamations accueillirent ce discours.

Les ambassadeurs de Charles étant entrés dans Francfort, les électeurs réglèrent avec eux la forme du gouvernement de l'Empire jusqu'à l'arrivée de l'élu. Ils envoyèrent ensuite en Espagne une ambassade qui avait pour chef le comte palatin Frédéric, avec mission de remettre au Roi Catholique les lettres qui lui notifiaient son élection et l'engageaient à se rendre sans délai en Allemagne.

Le triomphe de Charles-Quint fit éclater la joie la plus vive, sinon en Allemagne, du moins dans les Pays-Bas. Dès le 30 juin, Marguerite d'Autriche qui avait eu une si grande part à ce triomphe notifia aux gouverneurs des provinces l'élection du roi de Castille en qualité de roi des Romains. Elle ordonnait en même temps aux villes et châtellenies de rendre grâces à Dieu par processions, sermons, dévotes prières et oraisons et de faire feux de joie, esbatements et aultres actes en tel cas requis et accoustumés[77].

Les compatriotes de Charles-Quint dépassèrent certainement les instructions de la gouvernante ; car les fêtes duraient encore vers la fin du mois de juillet, lorsque Richard Pace, l'ambassadeur mortifié de Henri VIII, vint visiter la cour de Malines. Aucune question ne lui fut adressée sur les démarches qu'il avait faites près des électeurs dans l'intérêt de son maitre. L'archiduchesse et tous les seigneurs de la cour feignirent, au contraire, de lui témoigner leur reconnaissance pour l'appui qu'il avait donné, en Allemagne, à l'élection du Roi Catholique. Et, en vérité, écrivait hypocritement l'ambassadeur[78], ils n'ont aucune raison de se plaindre de moi, car je n'ai jamais parlé contre le Roi Catholique, considérant qu'il me suffisait d'avoir exposé aux électeurs les raisons qui devaient le faire écarter.

Charles-Quint, après avoir été retenu plus de dix mois à Barcelone par les cortès de Catalogne, s'était retiré à Molin del Rey, a cause de la peste qui avait éclaté dans la ville[79]. Ce fut donc à Molin qu'il reçut, vers la fin du mois de novembre, les envoyés des électeurs. Après qu'ils eurent rempli leur mission, le nouveau roi des Romains répondit par la bouche de Mercurin de Gattinare, son chancelier, et les assura que, quoiqu'il fut menacé d'être attaqué fortement, d'un côté, par les Français et de l'autre par les Turcs, il ne manquerait point à ce qu'il devait à leur patrie commune, surtout après que de si grands princes avaient porté de lui un jugement aussi favorable. Il ajouta qu'il acceptait l'honneur qu'ils lui avaient déféré, leur en marquait sa reconnaissance, et mettrait incessamment à la voile pour se rendre sur les frontières de l'Empire[80].

 

 

 



[1] On possède maintenant les détails les plus précis et les plus authentiques sur les négociations qui précédèrent l'élection de Charles Quint. Les pièces diplomatiques en grand nombre, qui étaient déposées aux archives de Lille, ont été publiées, pour la plupart, par M. Le Glay dans les Négociations entre la France et l'Autriche, vol. II, pp. 125-4511. En 1847, nous avons analysé quelques-uns des documents les plus importants de ce recueil dans un article publié par la Revue nationale de Belgique, t. XVII, sous le titre de : De l'influence de l'argent dans l'élection de Charles-Quint. Quant aux pièces omises dans la précieuse collection de M. Le Glay, elles avaient été insérées antérieurement par M. Mone dans l'Anzeiger für Kunde der tentschen Vorzeit (Karlsruhe, 1835-1838). D'un autre côté, M. Gachard avait déjà, en 1841, dans son Rapport sur les archives de l'ancienne chambre des comptes de Flandre à Lille (pp. 146-189), signalé et soigneusement analysé les dépêches et conventions les plus intéressantes qui ont enrichi le recueil de M. Le Glay et d'autres également dignes d'attention. A ces documents si nombreux M. Mignet a encore ajouté des pièces inédites, puisées dans les archives générales de France et mises en œuvre, avec un talent supérieur, dans un remarquable article publié par la Revue des Deux-Mondes, numéro du 15 janvier 1854. Les documents empruntés aux archives de Lille éclairaient surtout le rôle des agents de la maison d'Autriche ; ceux qui ont été révélés par M. Mignet font connaître les démarches les plus secrètes des agents français. La lumière s'est faite ainsi sur tous les points.

[2] Mémoires du maréchal de Fleuranges (1753, in-8°), p. 278.

[3] Les instructions pour Villinger furent données à Middelbourg, au commencement d'août 1517. Monumenta habsburgira, II, I, p. 52.

[4] Fille de Galéas-Marie, duc de Milan, et de Bonne de Savoie. Elle mourut le 15 décembre 1510. Voir la lettre écrite par Maximilien à Marguerite d'Autriche et datée de Fribourg en Brisgau, le 3 janvier 1511, dans la Correspondance de Maximilien Ier, etc., t Ier, p. 466.

[5] Il mandait à Marguerite d'Autriche, sa fille, qu'il avait pris la résolution de ne plus se remarier et même de ne jamais plus hanter femme nue. Il ajoutait qu'il allait envoyer l'évêque de Gurck à Rome, afin de se concerter avec le pape et lui faire connaître que le désir de l'Empereur était de devenir successivement coadjuteur du souverain pontife, puis pontife lui-même, prêtre et saint. Vous serez donc obligée, disait-il, de m'adorer après ma mort, et j'en serai bien glorieux. Il informait encore Marguerite qu'il commençait à pratiquer les cardinaux, que le roi d'Aragon lui avait assuré le concours de ceux d'Espagne, et que deux ou trois cent mille ducats lui viendraient bien à point pour poursuivre ses démarches. Cette lettre, écrite de la main de l'Empereur, était signée : Maximum nus, futur pape. (Correspondance de Maximilien Ier, t. II, pp. 37-39.)

[6] Elle a été publiée par H. Ellis. Voir Original letters, etc., t. Ier, pp. 134-138.

[7] Histoire de Charles-Quint, par Robertson, liv. II.

[8] Histoire d'Italie, par Fr. Guicciardin, liv. XIII.

[9] Cette diète impériale se réunit au mois d'août 1518. Voir Estat de l'argent comptant qu'à cette journée impériale d'Augsbourg, pour et au nom du roy, a esté déboursé. (Mone, Anzeiger, etc., 1856, in-4°, pp. 407-411.)

[10] Toutes les lettres adressées par Maximilien à son petit-fils et par Jean de Courteville à Marguerite d'Autriche ont été insérées par M. Le Glay dans le tome II des Négociations, etc., pp. 125-179. Quelques détails complémentaires se trouvent dans le travail de M. Mignet.

[11] Marguerite d'Autriche s'exprimait en ces termes : Le seigneur roy, mon nepveu, nous a escrit que le cheval sur lequel il nous vouldroit bien venir voir est bien chier. Nous sçavons bien qu'il est chier ; mais toutefois il est tel que, se il ne le veult avoir, il y a marchant prest pour le prendre, et, puisqu'il l'a faict dompter à sa main, semble qu'il ne le doibt laisser, quoi qu'il lui couste. Gachard, Rapport sur les archives de l'ancienne chambre des comptes de Flandre à Lille, p. 155. — Selon les calculs de M. Mignet, les transactions de Maximilien avec les électeurs gagnés, s'élevèrent en définitive à la somme de 514.075 florins d'or (valant au moins 27.345.975 francs de notre monnaie), indépendamment de 70.400 fl. de pensions qui seraient touchées à Malines, à Anvers, à Francfort et dont le gouvernement des Pays-Bas cautionnerait l'exact payement. — On peut remarquer à ce sujet que les anciens historiens, même les plus accrédités, étaient bien mal informés de toutes ces transactions. C'est ainsi qu'on lit dans Sleidan : François Ier avait répandu beaucoup d'argent pour obtenir des suffrages pour lui-même, et on dit que les Flamands avaient fait la même chose de leur côté ; mais c'est sur quoi je ne puis rien affirmer.

[12] Voir Mignet, Une élection à l'Empire, § IV. — Dans une lettre écrite d'Augsbourg, le 1er septembre 1518, Jean de Courteville informait Marguerite d'Autriche que cinq électeurs s'étaient prononcés en faveur du roi de Castille, et qu'il ne restait à gagner que l'archevêque de Trèves et le duc de Saxe. (Négociations, etc., t. II, p. 151.)

[13] Ces agents furent Joachim de Moltzan, conseiller de l'électeur de Brandebourg et que François Ier avait pris à son service, et Baudouin de Champagne, seigneur de Bazoges, qui remplissait les fonctions d'ambassadeur près de Maximilien.

[14] Le prince de Liège et le seigneur de Sédan s'engagèrent à servir le Roi Catholique et à prendre son parti envers et contre tous, en échange des pensions et autres avantages qu'ils stipulaient. La négociation avait été conduite par Marguerite. Voir la réponse de Charles à sa tante, datée de Valladolid, 24 février 1518. (Monumenta habsburgica, II, I, p. 54.)

[15] Ces ambassadeurs étaient Philibert Naturelli et Charles Poupet de la Chaulx. Dans une dépêche datée d'Angers, 7 juin 1518, La Chaulx informe son maître de la démarche qu'il a faite près de François Ier : Je luy feis toutes les remonslrances moy possibles que, en le prenant, vous ne pensâtes jamais que luy en deut desplaire ; car pour cent tels que ledit messire Robert, vous ne vouldriez faire chose où il eust regret, mais pour ce ce qu'il luy avoit donné congié, comme de non s'en plus voloir servir, que vous aviez pensé, puisqu'il estoit sans maistre que encoires, pour vivre, il feroit plus de mal à vos subgects que auparavant en les desrobbant ; que, à ceste cause, vous l'aviez retiré, comme ceulx qui offrent une chandelle au dyable, affin qu'il ne leur nuyse. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, pp. 135 et suivantes.)

[16] Philibert Naturelli à Marguerite d'Autriche, de Baugé, 24 octobre 1518. Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 166.

[17] Documents historiques concernant la ville de Tournai pendant la domination anglaise, publiés par M. Diegerick (Tournai, 1854), passim. — François Ier, qui naguère avait vivement irrité le cardinal Wolsey en recueillant à sa cour l'évêque élu de Tournai, se servit de l'amiral Bonnivet, frère du sire de Boissy, pour se réconcilier avec le puissant ministre de Henri VIII. L'adresse et la flatterie de Bonnivet et de François Ier, dit M. Sismondi, avaient tellement subjugué l'orgueil et la haine de Wolsey que ce fut lui qui persuada Henri de restituer Tournai à la France. Le roi François consentait, il est vrai, à racheter cette ville à un prix excessif : il en offrait 600.000 couronnes d'or payables en douze années. En même temps, Marie d'Angleterre, fille de Henri, était promise au dauphin de France et sa dot de 553.000 couronnes devait être défalquée sur la dette de la France. Le traité qui engageait ainsi par avance ces enfants nouveau-nés fut signé à Londres, le 14 octobre 1518. (Histoire des Français, t. XVI, p. 56.)

[18] Les instructions que Charles donna à ses ambassadeurs en France, Philibert Naturelli et Poupet de la Chaulx, en mai 1518, contenaient ce qui suit : S'il est parlé de l'Empire, sera dit que le Roy Catholique a bien cause d'y penser plus que nul autre, tant pour ce qu'il est yssu et descendu de la lignée des empereurs, comme pour ce que l'Empereur présent, son seigneur et grand-père, l'en a pieçà fait solliciter, avec ce qu'il est tellement qualifié et si puissant roy que pour bien régir et gouverner ledit Empire à l'honneur de Dieu, exaltation de la foy chrestienne et au grand bien et honneur d'icelui saint-empire, et ne se doibt de ce personne esmerveiller, mais plutost de ce que princes d'autre nation vouldroient tirer ledit empire hors de la nation d'Allemagne. (Monumenta habsburgica, t. II, I, p. 61.)

[19] Histoire de la maison d'Autriche par W. Coxe, t. I, chap. XXV. — Original letters, etc., t. Ier. — Complainte de Marguerite sur la mort de Maximilien, son père :

Ô mort trop oultrageuse !

Tu a estain la fleur chevaleureuse

Et as vaincu celluy qui fust vainqueur,

Maximilien, ce très-noble empereur,

Qui en bonté à nul ne se compère.

C'estoy César, mon seul seigneur et père,

Mais tu l'as mis en trop piteux estat,

Sépulture au chasteau Nieustat.....

(Albums de Marguerite d'Autriche, p. 101.)

[20] Ces détails sont consignés dans une lettre datée de Paris, 28 février 1519, et adressée au cardinal Wolsey par sir Thomas Boleyn. Original letters, t. Ier, p. 147.

[21] C'est ce que rapportait La Roche-Beaucourt, ambassadeur de France, dans une lettre écrite de Saragosse, le 8 janvier 1519 : Jeudi derrenier en oyant la grant messe, présents beaucoup de gens, il (le roi Charles) tomba par terre, estant de genoulx et demeura, cuydant qu'il feust mort, l'espace de plus de deux heures, sans pousser, et avoit le visage tout tourné, et fut emporté en sa chambre. Dépêche citée par M. Mignet dans l'ouvrage qu'il a consacré à la retraite de Charles-Quint au monastère de Yuste. Voir le chap. Ier.

[22] Jean de Marnix, seigneur de Thoulouze (en Bourgogne), était secrétaire et trésorier général de Marguerite d'Autriche. Issu d'une noble famille de la Tarentaise (duché de Savoie), il avait suivi l'archiduchesse dans les Pays-Bas, lorsqu'elle eut perdu le duc Philibert, son second époux. Ce ministre, qui jouissait de toute la confiance de Marguerite d'Autriche, fut le grand'père du célèbre Philippe de Marnix, seigneur du Mont-Ste-Aldegonde.

La correspondance de Maximilien et de Marguerite d'Autriche contient des témoignages nombreux de la considération dont Jean de Marnix était l'objet. Le 7 novembre 1510, par une lettre écrite de Brisach, l'Empereur prie sa fille de lui envoyer incontinent son secrétaire Marnix, parce qu'il désire conférer avec celui-ci sur les contestations relatives à la Gueldre. Nous voulons, dit-il, sur ce plus avant disputer avec vostre dit secrétaire. Le 14 mars suivant, Marguerite, par une lettre autographe, priait son père de lire ou faire lire en sa présence par Marnix et non à autre les conseils qu'elle lui envoyait très-confidentiellement pour la direction des affaires, etc. (Correspondance de Maximilien Ier, t. J, p. 348, 386 et passim.)

[23] Jean-Frédéric de Saxe, neveu de l'électeur, alors âgé de seize ans.

[24] Voir ces instructions dans les Négociations diplomatiques, etc., t. II, pp. 194 et suivantes.

[25] Négociations diplomatiques, etc., t. II, pp. 189 et suivantes.

[26] Maximilien de Berghes à Marguerite d'Autriche, d'Augsbourg, 14 février 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 223 et suivantes.)

[27] Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 238.

[28] Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 235.

[29] Jean de Marnix à Marguerite d'Autriche, d'Augsbourg, 20 février 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 251.)

[30] Dans une lettre du 12 mars, le Roi Catholique expliquait comment Maximilien de Berghes, Sgr de Zevenberghe, n'avait pas été compris parmi les premiers commissaires : on le croyait en Suisse.

[31] Pontus Heuterus, lib. VII, p. 316.

[32] Lettre du 23 septembre 1515, dans Lanz, Correspondenz des Kaisers Karl V, t. Ier, p. 48. — In Geldriam reversus, dit Pontus Heuterus, primo quoque tempore principi Carolo bellum intulit, ac per omnem fere vitam gessit. — Dans son mémoire au cardinal Ximenès, l'évêque de Badajoz signalait les embarras que Charles d'Egmont donnait à la cour de Bruxelles ; l'évêque, depuis qu'il y résidait, avait déjà vu tomber cinq villes du pays au pouvoir de ce dangereux feudataire. Il serait déshonorant pour un si grand prince que le nôtre, ajoutait-il, de ne pas s'opposera ces usurpations.

[33] Les nombreuses lettres échangées au sujet de ces négociations, du 27 janvier au 9 avril 1519, ont été publiées dans la Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. II, pp. 143 à 216.

[34] Voir Slichtenhorst, fol. 552 ; Pontanus, fol. 679, et Correspondance de Marguerite d'Autriche, t. II, p. 147.

[35] La démarche faite par l'évêque de Liège est restée inconnue des historiens. Aussi nous saura-t-on gré peut-être de mentionner ici les points les plus intéressants de cette négociation d'après des documents authentiques et contemporains. - Érard de la Marck, après avoir envoyé à Charles d'Egmont un agent secret, transmit à Marguerite d'Autriche son avis confidentiel sur les points en litige. Ils étaient, disait-il, au nombre de cinq : 1° Grave, que le duc de Gueldre réclamera et que personne ne pourra conseiller au Roi Catholique de lui restituer ; 2° la Frise : le duc devait la rendre en totalité au roi, sauf à être indemnisé par une somme d'argent que l'on pourrait d'ailleurs exiger des habitants ; 3° la pension et les gens d'armes, que le duc réclamera, comme il les avait du roi de France : mais il faudra que sur ce point il rabatte de ses prétentions ; 4° les différends qui existaient entre lui et les ducs de Clèves et de Juliers à cet égard le roi pourra lui offrir la justice de l'Empire, et, par ce moyen, il ne contreviendra en rien au traité naguère conclu à Sittard ; 5° les enfants que le duc pourra avoir de son mariage : ce point était le plus délicat ; car le duc avait déclaré que sa volonté formelle était de laisser son héritage même aux filles qu'il procréerait.

Après avoir signalé ces divers points, Érard de la Marck exprimait le vœu qu'un terme fût mis, le plus tôt possible, à une lutte réellement préjudiciable à la grandeur de la maison d'Autriche. Il recommandait de transiger et s'appuyait sur les raisons suivantes : On préviendrait la dépense considérable que le Roi Catholique sera nécessairement obligé de faire avant qu'il vienne à bout de conquérir le pays de Gueldre ; on comblerait un grand port ouvert aux Français, car, avec un écu qu'ils envoient à Charles d'Egmont, ils obligent le roi Charles à en dépenser six, et, cette porte fermée, on n'aurait plus besoin d'entretenir des garnisons, sinon sur les frontières de Picardie. D'un autre côté, lorsque le roi prendrait possession de l'Empire, il y serait mieux obéi et il pourrait mieux y faire prévaloir ses volontés. On ne serait plus obligé non plus de tant complaire au roi d'Angleterre et à son cardinal (Th. Wolsey). Enfin, on purgerait les Pays-Bas des maraudeurs dont le réceptacle était en Gueldre. Du reste, il semblait à l'évêque que, puisque le duc de Gueldre montrait des dispositions favorables à se détacher du service du roi de France, il fallait ne pas laisser échapper une occasion qui pouvait ne plus se représenter et conséquemment ne pas marchander les concessions. Le principal motif allégué par Érard de la Marck était que le mariage du duc de Gueldre serait probablement stérile. Vieux, jaloux et déjà cassé, il tenait, disait-il, sa jeune femme enfermée et n'avait ni joie ni plaisir. Et en supposant qu'il eût des enfants, le roi, au moyen du traité qui interviendrait, en aurait la tutelle, et il pourrait ainsi disposer d'eux et du pays à son gré. (Lettre du prince de Liège à Marguerite d'Autriche, datée de Curange, le 21 janvier 1519. Collection de Documents historiques, aux Archives du Royaume, t. Ier.)

Un projet de traité fut immédiatement préparé par Marguerite d'Autriche, d'après les bases indiquées par l'évêque de Liège, et envoyé à la ratification du Roi Catholique. Mais ce prince exigea diverses modifications. Il ne voulait accorder l'investiture, du duché de Gueldre et du comté de Zutphen à Charles d'Egmont et à ses hoirs mâles, procréés de lui en légitime mariage, qu'avec là réserve que ceux-ci tiendraient ces pays par sous-inféodation et comme arrière-fief mouvant du duché de Brabant et que dans cette investiture ne serait pas compris le territoire déjà possédé par le souverain des Pays-Bas, c'est-à-dire Grave et Montfort. A défaut d'héritiers mâles, le duché de Gueldre et le comté de Zutphen reviendraient au roi Charles. S'il y avait une ou plusieurs filles, elles ne pourraient, prétendre qu'à une dot honnête, à la mode de l'Allemagne, c'est-à-dire cent mille florins pour l'aînée et trente mille pour chacune des autres. Si le duc de Gueldre renonçait expressément à l'alliance qu'il avait avec le Roi de France et voulait s'attacher exclusivement au Roi Catholique, celui-ci consentait à lui donner une compagnie de cinquante hommes d'armes avec une pension annuelle de dix mille livres. Enfin, le jeune roi exigeait qu'il fût stipulé, par un article spécial, que celui des deux contractants qui contreviendrait aux conventions arrêtées serait déchu de tout droit qu'il pourrait prétendre auxdits duchés de Gueldre et comté de Zutphen, le souverain des Pays-Bas comme suzerain, Charles d'Egmont comme feudataire. (Lettre du roi Charles à Marguerite d'Autriche datée de Barcelone, le 1erseptembre 1519, dans Lanz, Correspondenz, etc., t. Ier, p. 54).

Nous avons dit que cette négociation n'eut pas de suite.

[36] M. Mignet a le premier fait connaître la lettre du 20 février, dont une copie se trouve aux archives du ministère des affaires étrangères à Paris : elle est d'ailleurs développée dans la dépêche adressée par Marguerite et les gens du conseil au roi de Castille, et datée de Matines, le 9 mars 1519 (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 516). La lettre du roi à l'archiduc Ferdinand, du 4 mars, est dans le Rapport sur les archives de Lille, p. 165.

[37] Instructions et mémoires à nostre amé et féal conseiller et chambellan le seigneur de Beaurain (Adrien de Croy), donnés à Barcelone, le 5 mars 1519. Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 505 et suivantes. — La candidature de l'archiduc Ferdinand avait déjà fait, ce semble, de grands progrès. C'est ainsi que Jean de Marnix écrivait à Marguerite d'Autriche que ses collègues s'étonnaient que le roi s'opposât à l'élection de son frère ; car l'archiduc, disait-il, parviendrait plus facilement à la couronne impériale au gré de tous les princes et peuples de l'Allemagne.

[38] Cette pièce importante a été analysée dans le Rapport sur les archives de Lille, pp. 175-176.

[39] Lettre de Th. Boleyn à Henri VIII. Original letters, t. Ier, pp. 147-150.

[40] Lettre de Th. Boleyn au cardinal Wolsey ... mars 1519. (Original letters, t. Ier, pp. 150-155.) — Les rapports existants entre Henri VIII et le roi de Castille étaient alors marqués d'un certain embarras. Tous deux cherchaient à se justifier d'avoir traité avec le roi de France. Ainsi, le roi de Castille, après avoir conclu le traité de Noyon, chargeait ses ambassadeurs en Angleterre de déclarer qu'il n'a jamais voulu abandonner ledit roy d'Angleterre, ni innover et faire chose qui ait esté ou pourroit estre au préjudice de lui ou de ses subjetz. Et, de son côté, après avoir restitué Tournai à la France, Henri VIII écrivait à la gouvernante des Pays-Bas : Vous priant, au surplus, très-acertes non vouloir prendre aucun deffidence en nous, et non penser que nous soyons autrement disposez envers l'Empereur, nostredit très-honoré frère et cousin vostre père, le Roy Catholique, nostre nepveu, vous et vostre maison de Bourgoigne, que avons esté par cy-devant, et que noz progeniteurs roys ont esté de leur temps. (Monumenta habsburgica, t. II, I, pp. 65 et 77.)

[41] Ces instructions étaient datées de Londres, 25 mars 1519. (Voir Ampliss. collectio, t. III, et Le Glay, Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, p. CXXIV.)

[42] Paul Armerstorff au roi de Castille, Offembourg, 4 mars 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, pp. 286 et suivantes.)

[43] Maximilien de Berghes au roi de Castille, d'Augsbourg, 8 mars 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 310.)

[44] Ce fait est révélé dans une lettre de Henri de Nassau à Marguerite d'Autriche du 11 mars 1519. Elle a été publiée par M. Mone.

[45] Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, p. CXLIII et t. II, p. 379.

[46] P. Armerstorff à Marguerite d'Autriche, de Mayence, 26 mars 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 576.)

[47] L'état des pensions promises par le Roi Catholique aux électeurs et autres personnes influentes s'élevait alors à la somme de 545.050 florins, sans les cadeaux. Le banquier Fugger devait liquider les sommes promises immédiatement après l'élection ; Charles offrait d'ailleurs, comme garantie, des hypothèques sur ses domaines dans les Pays-Bas. Il avait écrit à sa tante qu'il fallait que les Pays-Bas contribuassent aux charges qu'il avait à supporter comme ceux qui étaient plus près du feu. Mais la gouvernante et le conseil privé lui exposèrent que cette prétention ne pouvait être admise.

[48] La régente et le conseil privé des Pays-Bas au roi de Castille, Malines, le 9 mars 1519. (Rapport sur les archives de Lille, p. 169.)

[49] Lettre de Maximilien de Berghes à ses collègues à Augsbourg, datée de Zurich, le 22 mars 1519 ; du même an roi de Castille, datée de Constance, le 12 avril. (Rapport sur les archives de Lille, pp. 177 et 182, et Négociations diplomatiques, t. II, pp. 267, 573,415 et suivantes. Voir aussi Sleidan, liv. Ier.)

[50] M. Mignet a fait connaître un bref du 13 mars 1519 qui est déposé aux archives de France. Léon X, s'adressant à François Ier, lui promettait, s'il obtenait le titre impérial par les suffrages et les bons offices des archevêques de Cologne et de Trêves, d'appeler ceux-ci dans l'ordre des cardinaux, et il autorisait le roi à leur communiquer cette promesse. Par un autre bref du 14 mars, il promettait, à la même condition, de faire de l'archevêque de Mayence son légat perpétuel en Allemagne.

[51] Guicciardin, Histoire d'Italie, liv. XIII, chap. IV. — Mémoires de Du Bellay, t. Ier, p. 158. — Monumenta habsburgica. (Introduction historique), pp. 230 et suivantes.

[52] Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 577. — Rapport sur les archives de Lille, p. 181.

[53] En apprenant ce qui s'était passé à Ober-Wesel, Charles écrivit à ses ambassadeurs qu'il faisait savoir aux électeurs et au pape que les pratiques du légat et du nonce étaient mauvaises. Léon X avait-il donc oublié que, du vivant même de l'empereur Maximilien, il avait accordé au Roi Catholique dispense de l'investiture de Naples ? Ce prince pouvait en conséquence se passer de son consentement, puisqu'il ne devait plus le reconnaître comme suzerain. Antérieurement, Charles avait chargé ses agents à Augsbourg d'empêcher le passage des postes du pape par le Tyrol et de saisir ses lettres pour dévoiler ensuite ses illicites poursuites et prétentions.

[54] Cette lettre était datée de Barcelone, 16 et 20 avril 1519. (Voir Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 456.)

[55] Lettre du roi Charles à ses commis en Allemagne, de Barcelone, 16 et 20 avril 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 456, et Rapport sur les archives de Lille, p. 185.)

[56] Le comte de Nassau et le seigneur de la Roche au Roi Catholique, Wesel, 4 avril 1519. (Rapport sur les archives de Lille, p. 180 et Négociations diplomatiques, etc., t. II, pp. 403-406.)

[57] Cet acte et les transactions qui précédèrent ont été révélés par M. Mignet, d'après les archives de France. Les pièces mises au jour par cet historien nous apprennent aussi que le 10 mai suivant, à Coblentz, Jean d'Albret remit lui-même 50.000 florins aux envoyés de l'Électeur.

[58] Le comte de Nassau, le seigneur de la Roche et Ziegler au roi de Castille, de Loch (pays de Saxe), 28 avril 1519. Ils ajoutaient : La commune voix et renommée est en sa cour qu'il a traité avec les François contre vous ; que deux évêques de son conseil ont eu, l'un 6.000 et l'autre 4.000 écus d'or comptant : que lui-même en a reçu. Cette lettre intéressante, que M. Mignet suppose inédite, a été analysée avec beaucoup de soin par M. Gachard, dans son Rapport sur les archives de Lille, pp. 184-186.

[59] Henri de Nassau et Gérard de Pleine au roi Charles, de Rudolstadt, 16 mai 1519, (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 449.)

[60] Mémoires du maréchal de Fleuranges, p. 296.

[61] L'électeur de Cologne avait exprimé l'espoir que François Ier suivrait la doctrine de Dieu qui donna autant à ceulx qui vindrent besongner à sa vigne à la moitié du jour qu'à ceulx qui y estoient dès le matin. Lettre de Jean d'Albret à François Ier, du 27 mai 1519, publiée par M. Mignet.

[62] M. Mignet a fait connaître cette négociation d'après les documents originaux et inédits des archives de France.

[63] Jean de le Sauch à Marguerite d'Autriche, d'Augsbourg, 29 avril 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 441.)

[64] Mémoire de ce qui s'est passé en la journée de Montpellier, dans les Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 450. Voir aussi Monumenta habsburgica, II, I, pp. 78 et suivantes.

[65] Mémoires de Fleuranges, t. Ier, p. 507. — Voir aussi Du Bellay, t. Ier, p. 112.

[66] La Bulle d'or prescrivait que le magistrat de Francfort prêterait serment de fidélité aux électeurs, et que, pendant la diète, il n'admettrait dans la ville qu'eux et leur suite. Cette suite, d'ailleurs, ne pouvait se composer pour chacun de plus de 200 cavaliers dont 50 portant des armes.

[67] Mémoires du maréchal de Fleuranges, p. 298.

[68] Voir les lettres des ambassadeurs de François Ier à ce prince, du 10 et du 14 mai 1519, citées par M. Mignet d'après les archives de France.

[69] Histoire de la réformation ou Mémoires de Jean Sleidan sur l'état de la religion et de la république sous l'empire de Charles-Quint (traduction de P.-F. le Courrayer), la Haye, 1767, in-4°, t, Ier, p. 31.

[70] Papiers d'État du cardinal de Granvelle, t. Ier, p. 111.

[71] J.-J. Pontanus, Hist. Gelr., fol. 684. — Slichlenhorst, Geldersse geschisdenissen, fol. 335.

[72] Cette dernière phase du conflit a été éclaircie par M. Mignet au moyen de la correspondance de l'amiral Bonnivet avec le comte palatin et avec François Ier, conservée dans les Mss. de la Bibliothèque impériale de Paris. L'amiral Bonnivet prit sur lui de proposer la candidature d'un prince allemand, avant d'avoir reçu les instructions de son maître. Celles-ci ne furent expédiées que le 26 juin et arrivèrent trop tard. Elles étaient d'ailleurs conformes aux démarches spontanées de l'amiral. François n'imposait pas au duc de Saxe, comme l'avait fait Bonnivet, l'obligation de solliciter pour le possesseur du trône de France le titre de roi des Romains, après que le duc aurait pris possession de l'Empire ; ce qu'il désirait, c'était d'écarter à tout prix du trône impérial le Roi Catholique. — Que la dignité impériale ait été positivement offerte au duc de Saxe, on ne peut en douter : on n'a pas seulement le témoignage de Sleidan ; le fait de cette offre est également constaté dans le manifeste que l'électeur Jean Frédéric, neveu de Frédéric le Sage, publia contre l'édit et le ban que Charles-Quint avait lancés contre lui et le landgrave de Hesse, le 20 juillet 1546. Eût-il osé le faire, demande le commentateur de Sleidan, si le fait du refus n'eût été et public et constant ?

[73] Sleidan, Oper. cit.. t. Ier, pp. 32-36.

[74] Sleidan, Oper. cit.. t. Ier, pp. 36-39.

[75] Sleidan, Oper. cit., p. 40.

[76] Sleidan, Oper. cit., p. 40. — Les discours que Sleidan met dans la bouche des électeurs ont été réellement prononcés. Cf. la lettre du cardinal Cajetan à Léon X, écrite de Francfort, le 29 juin. (Lettere di principi, t. Ier, pp. 68-72.)

[77] Lettre datée de Bruxelles, le 30 juin 1519. (Négociations diplomatiques, etc., t. II, p. 455.)

[78] R. Pace au cardinal Wolsey, de Malines, 27 juillet 1519. (Original letters, t. Ier, pp. 157-158.)

[79] W. Bradford, Correspondence of the emperor Charles V. (London, 1850, in-8°), p. 484.

[80] Sleidan, Oper. cit., t. Ier, p. 41.