HISTOIRE CRITIQUE DES RÈGNES DE CHILDERICH ET DE CHLODOVECH

APPENDICES.

 

 

SUR L’EXIL DE CHILDÉRIC.

Le récit des Gesta se trouve aux c. 6 et 7.

Ce qui concerne l’expulsion de Childerich concorde avec Grégoire. Le roi se demande avec son fidèle ami et conseiller Wiomad, de quelle manière il pourrait apaiser la colère des Franks révoltés. Ils échangent les mêmes discours que chez Grégoire. Childerich s’en va en Thuringe. Pendant ce temps Ægidius gouverne, élevé au trône par les Franks La huitième année de son règne, Wiomad, devenu conseiller d’Ægidius, semble vouloir s’unir à lui par une intime amitié ; il lui conseille de se débarrasser par la ruse de quelques-uns des Franks. 1Egidius suit ce conseil et prépare ses embûches. Les Franks, pleins de colère et de terreur, demandent à Wiomad ce qu’ils ont à faire. Celui-ci leur représente combien ils ont été mal avisés en chassant leur roi national pour prendre le roi des Romains. Ils s’affligent du passé, et souhaitent devoir revenir Childerich. Wiomad lui envoie alors la demi pièce d’or, et l’invite à revenir. Pendant que Childerich était en Thuringe, il a contracté une liaison adultère avec Basine ; elle le suit lorsque, quittant la Thuringe, il revient chez les Franks qui renversent Ægidius, et lui rendent son pouvoir. Elle devient, comme chez Grégoire, la femme de Childerich et engendre Chlodovech. Celui-ci fut un roi, grand par-dessus tous les rois des Franks, un guerrier ami des combats et illustre.

L’Historia epitomata, c. II, 12, raconte ce qui suit :

L’expulsion est racontée également comme dans Grégoire. Wiomad, le seul Frank qui soit resté fidèle à Childerich, l’a déjà arraché aux mains des Huns avec sa mère. Maintenant il veille à son côté, il lui conseille de fuir vers la Thuringe. La conversation connue a lieu : quand Childerich devra quitter sa retraite, Wiomad le lui fera savoir. Le roi s’enfuit chez les Thuringiens. Les Franks choisissent à l’unanimité Ægidius pour roi. Etabli par lui comme vice-roi, Wiomad lui conseille de briser l’orgueil des Franks, en les frappant d’impôts de plus en plus lourds, espérant rendre ainsi la domination romaine insupportable. Pourtant même alors, les Franks préfèrent encore le joug d’Ægidius aux débauches de Childerich. Alors Wiomad représente à Ægidius qu’il faut comprimer par des exécutions l’esprit de mutinerie et de révolte des Franks. Il lui envoie cent hommes incapables et inoffensifs, qu’Ægidius fait périr. Alors les Franks désirent le retour de Childerich pour être délivrés par lux de la tyrannie romaine. Wiomad annonce à Ægidius que le peuple Frank est enfin mâté : il songe à faire revenir Childerich. Mais en même temps il veut exciter contre 1Egidius la colère de l’empereur romain d’Orient, Maurice. Childerich est auprès de lui à Constantinople[1], et Wiomad le sait. Il conseille à Ægidius de demander une grosse somme à l’empereur : elle devra lui servir à soumettre à prix d’or les peuples voisins. En même temps il a soin d’envoyer à Constantinople avec les ambassadeurs d’Ægidius un messager fidèle. Celui-ci apporte à Childerich la demi pièce d’or et lui conseille de prévenir les ambassadeurs auprès de l’empereur, en lui faisant croire qu’Ægidius réclame l’argent d’impôts dus au trésor public. La ruse réussit. Maurice fait jeter les ambassadeurs en prison et sur la demande de Childerich il l’envoie en Gaule comme son vengeur, avec une flotte et de riches présents. Wiomad rejoint Childerich à Bar ; la ville reconnaît la première le roi, et bientôt tout le peuple fané avec elle. Childerich bat Ægidius et les Romarins. Basine apprenant le retour de Childerich et son rétablissement sur le trône, arrive de Thuringe et l’épouse. La nuit de noce, passée chastement sur la demande de la reine est marquée par un événement étrange. Childerich, sur la demande de Basine, sort trois fois dans la, cour du palais ; il voit la première fois paraître et disparaître un lion, une licorne et un léopard, la seconde fois un ours et un loup, la troisième fois des chiens et des animaux inférieurs qui se combattaient entre eux. Il raconte à, Basine ce qu’il a vu et ils passent le reste de la nuit chastement. Lorsqu’ils se lèvent, Basine explique la vision : elle est l’image de la rapidité avec laquelle décroîtront la bravoure et la force de la race qui doit sortir d’eux. Il leur naîtra un fils, brave comme un lion[2] ; ses fils auront la bravoure du léopard et de la lionne ; alors viendra une génération qui ressemblera en audace et en avidité aux ours et aux loups ; les derniers seront semblables aux chiens et aux moindres animaux : alors les peuples n’obéiront plus à leurs chefs et se feront mutuellement la guerre. Basine donne à Childerich un fils du nom de Chlodovech : il fût un guerrier puissant et habile, semblable à un lion, le plus brave de tous les rois.

 

II. — SUR LA LETTRE DE SAINT REMI À CHLODOVECH.

Bouquet, ainsi que la Collection des Conciles, a placé la lettre de saint Remi avant le commencement de la guerre wisigothique (voyez Bouquet, IV, p. 51 E ; Conciliorum Galliæ collectio, Parisiis, 1789. T. I, p. 827). Tout s’y oppose : la lettre est évidemment adressée à un jeune prince nouvellement arrivé au pouvoir, elle contient d’excellents conseils sur les devoirs d’un chef encore inexpérimenté. Pétigny l’a montré avec beaucoup de justesse[3]. Aussi place-t-il la lettre dans les premiers temps du règne de Chlodovech. Cependant il est trop clair que les évêques du Nord de la Gaule ne peuvent s’adresser à lui en se disant sacerdotes tui, lorsqu’il est encore païen[4]. Si la lettre est écrite à Chlodovech, ce ne peut être avant la, fin de l’année 496 : mais alors il n’était plus si jeune ni si inexpérimenté dans le gouvernement. Manet vobis regnum administrandum et Deo auspice procurandum. Populorum caput estis et regimen sustinetis. Acerbitate ne te videant in luctu affici, qui per te felicia videre consueverunt, lui écrit saint Remi à cette époque. Cela nous amène à l’hypothèse que la lettre est adressée non à Chlodovech mais à un de ses fils, qui ont commencé à régner lorsque saint Remi vivait encore ; toutes les difficultés tombent alors. Une faute peut facilement s’être glissée dans la rubrique de la lettre[5].

Nous ne pouvons donc tirer du contenu de cette lettre aucune conclusion sur l’époque de Chlodovech. Les mots sur lesquels on s’est appuyé pour faire de ce roi un Magister militum : Rumor ad nos pervenit, administrationem vos secundun rei bellicæ suscepisse, sont certainement corrompus[6]. Les mots administratio rei bellicæ peuvent être entendus dans un sens plus large que la charge romaine de Magister militum, et l’on ne voit pas pourquoi saint Remi aurait évité de se servir de cette expression si usitée.

 

III. — SUR L’AUTHENTICITÉ DU DIPLÔME DE 497.

On a beaucoup disputé en faveur de l’authenticité du diplôme reproduit dans Pardessus, Diplomate, I, 30 ff. ; mais il est bien difficile de l’admettre. Si nous comparons ce diplôme avec celui qui est imprimé à la p. 57, dont l’authenticité n’est pas contestée, on remarque de notables divergences. Tandis que celui-ci est en forme de lettre, celui-là affecte une forme qui n’est devenue habituelle que plus tard, introduction et conclusion solennelles, transition de style qua propter notum sit, etc. ; en un mot tandis que le diplôme I, 30 est rédigé avec une certaine pompe, le diplôme I, 57 est parfaitement simple, ce qui incline à penser que le premier a été composé plus tard. On est aussi étonné de voir le donateur se gratifier du titre de Celsitudo. Quant au contenu du diplôme, Jean de Reomé reçoit avec la propriété du sol le droit de juridiction : ce droit est absent de la donation à Euspice et Maximin. Mais l’état social que suppose le diplôme excite encore plus les soupçons. Ainsi l’énumération en série exacte des grands fonctionnaires clercs et laïques suppose l’existence d’une aristocratie telle qu’on peut difficilement l’admettre au temps de Chlodovech. Il est reconnu que la recommandation, la vassalité n’existaient pas à cette époque ; on trouve ici les expressions commendare, mundiburdium employées de façon à supposer nécessairement ces relations avec leurs formes légales. La recommandation et la concession d’une terre sont déjà réunies, car il est clair, d’après le passage quia... habeat que Jean a mis son cloître sous la protection du roi pour en obtenir des possessions territoriales avec certains privilèges.

Bréquigny regarde le diplôme comme authentique dans son ensemble, bien qu’il accorde que certaines formules ont été modifiées par la main d’un copiste. Ce n’est là qu’un faux-fuyant ; nous devons tenir ce diplôme pour une fabrication d’époque postérieure, qui se décèle par l’état social qu’il suppose. Nous ne pouvons donc tirer aucune conclusion ni aucune hypothèse historique de ce diplôme ; la date en particulier primo nostræ susceptæ christianitatis atque subjugationis Gallorum anno ne peut nous servir de rien.

 

IV. — MARIAGE DE CHLODOVECH.

L’Historia epitomata donne dans les c. 17-20 le récit du mariage. Le voici en abrégé.

Les affaires de Burgundie, sont racontées d’après Grégoire ; seulement Gundobad a égorgé aussi les deux fils de Chilpéric ; l’aînée des deux filles s’appelle Sædeleuba, elle s’est réfugiée au cloître ; les deux jeunes filles ne sont pas exilées. Chlodovech envoie plusieurs ambassades en Burgundie pour obtenir Chrotechilde. Comme les envoyés ne peuvent pas la voir, Chlodovech envoie seul le Romain Aurélien. Celui-ci arrive déguisé en mendiant à Genève, où Chrotechilde réside avec sa sœur ; toutes deux lui témoignent une compassion chrétienne ; Chrotechilde lui lave les pieds. Aurélien lui révèle alors en secret la demande de Chlodovech, et lui donne l’anneau du roi. Chrotechilde l’accepte avec joie ; elle renvoie Aurélien avec de riches présents et son anneau. Si Chlodovech la désire pour femme il faut qu’il envoie de suite une ambassade pour demander sa main à son oncle Gundobad ; il faut se hâter d’obtenir les fiançailles de peur que tout ne soit empêché par le retour d’Aridius de Constantinople. Aurélien revient avec ses habits de mendiant ; déjà il est sur le point d’atteindre Orléans, sa patrie, quand son déguisement le met en danger. Le sac où sont contenus les présents et l’anneau de Chrotechilde, lui est volé ; mais des serviteurs adroits le reprennent au voleur. Aurélien raconte à Chlodovech le succès de sa mission et le conseil de Chrotechilde. Le roi envoie une ambassade à la cour de Burgundie, pour demander à Gundobad la main de sa nièce. Elle lui est accordée. Suivant l’antique coutume, les envoyés acquièrent la jeune fille pour leur seigneur par l’achat et les fiançailles ; c’est à Chalon-sur-Saône que Chrotechilde est remise aux messagers qui représentent Chlodovech. Au plus vite les Franks mettent sur un chariot la princesse que leur confie Gundobad, et la conduisent elle et ses trésors vers Chlodovech, car Chrotechilde craint le retour d’Aridius ; elle veut qu’on se presse, elle demande à monter à cheval ; elle y monte en effet, et ils hâtent leur course vers le roi. Lorsqu’Aridius revenu de Constantinople après un rapide voyage, apprend de Gundobad ce qui est arrivé, il avertit son roi que le devoir de la vengeance incombe à Chlodovech par l’effet de son mariage, et que s’il en a la puissance il fera expier à Gundobad les souffrances infligées à ses parents. Aridius conseille d’envoyer une armée pour arrêter Chrotechilde. Gundobad suit ce conseil. — Lorsque Chrotechilde approche de Villariacum, résidence de Chlodovech sur le territoire de Troyes, elle demande à son escorte, avant de franchir la frontière burgunde, de piller et de brûler douze milles du pays qu’elle va quitter. On exécute cet ordre de l’aveu de Chlodovech, et Chrotechilde remercie Dieu de ce qu’elle voit enfin le commencement de la vengeance due à ses parents et à ses frères. — Elle est amenée à Chlodovech qui la reçoit joyeusement comme son épouse ; il avait déjà d’une concubine un fils du nom de Theuderich.

Ce récit, indépendamment de sa valeur poétique, est intéressant pour les mœurs du temps auquel il se rapporte. Les filles de sang royal accomplissent ici, comme dans le récit des Gesta, des œuvres de miséricorde chrétienne. L’acte du mariage, dont le côté juridique apparaît ici d’une manière toute spéciale, peut être étudié avec exactitude. On y distingue quatre points principaux : 1° la demande d’Aurélien pour Chlodovech ; 2° la demande à Gundobad et l’achat ; 3° les fiançailles ; 4° la remise de la fiancée aux représentants de son fiancé. L’achat se fait d’après les mœurs franques par le paiement d’une somme symbolique : un sou et un denier. Les quatre préliminaires du mariage étaient séparés ordinairement par un certain intervalle de temps ; si les trois derniers se suivent ici si rapidement, c’est à cause de la hâte que les ambassadeurs doivent avoir témoignée. C’est pour cela qu’ils demandent à Gundobad un placitum ad præsens, ut ipsam ad conjugium traderet Chlodoveo, c’est-à-dire, qu’ils demandent qu’on remette immédiatement la fiancée entre leurs mains. Comme Gundobad y consent, les fêtes du mariage sont préparées à Chalon-sur-Saône, et c’est là, dans une assemblée, parait-il, que la fiancée est remise aux Franks[7].

Les Gesta, c. 11-14, contiennent le récit correspondant.

Les événements de Burgundie, qui précèdent le mariage, sont conformes à la relation de Grégoire ; avec cette différence que la sœur aînée est bannie, tandis que-la cadette reste sans être inquiétée. Les envoyés de Chlodovech réussissent à voir Chrotechilde. Chlodovech envoie son messager Aurélien (on ne dit pas ici qu’il soit Romain) en Burgundie. Un dimanche Aurélien s’habille en mendiant. Comme la pieuse Chrotechilde, après la messe, distribuait des aumônes aux pauvres devant la porte de l’église, Aurélien reçoit d’elle une pièce d’or. Il lui baise la main, et la tire par la robe, sans être remarqué, et obtient d’entrer chez elle. Il lui fait la demande, et veut lui remettre l’anneau et les présents de fiançailles de Chlodovech ; mais on lui a volé son sac de mendiant qu’il a laissé devant la porte ; il le retrouve, grâce à Chrotechilde. Elle accepte les ornements de fiancée et l’anneau de Chlodovech qu’elle dépose dans le trésor de son oncle. Elle fait dire à Chlodovech que, comme chrétienne, elle ne peut pas épouser un païen ; personne ne doit savoir ce qu’elle va faire, mais elle se confie en Dieu. Aurélien revient et raconte ce qui est arrivé. — L’année suivante, Chlodovech envoie Aurélien comme ambassadeur à Gundobad, pour chercher sa fiancée Chrotechilde. Gundobad soupçonne une perfidie de Chlodovech, qui ne connaît pas sa nièce. Il cherche à se débarrasser au plus vite d’Aurélien, mais celui-ci donne la menaçante nouvelle que Chlodovech va venir avec une armée pour faire valoir ses droits sur sa fiancée. Gundobad est prêt à en venir aux mains ; mais les conseillers du roi burgunde s’interposent ; ils veulent éviter une guerre inutile avec un ennemi redoutable. Sur leur conseil, on cherche dans le trésor royal et on y trouve l’anneau de Chlodovech. Chrotechilde, interrogée, explique tout. On la confie à Aurélien, et celui-ci avec ses compagnons, la conduit à Soissons, au roi des Franks. — Chlodovech vient avec joie au devant de sa femme. Le soir, avant de monter sur le lit nuptial, Chrotechilde demande au roi de céder à deux de ses désirs : qu’il se convertisse du paganisme à la foi catholique, et qu’il n’oublie pas les souffrances que Gundobad a infligées à ses parents. Chlodovech lui promet tout sur ce dernier point, mais il ne peut abandonner ses dieux. Il fait donc demander à Gundobad, par son ambassadeur Aurélien, la part de Chrotechilde à l’héritage paternel. Le roi burgunde prononce des menaces de mort contre Aurélien, qui n’est venu, dit-il, que dans des vues d’espionnage. Mais Aurélien en appelle à Chlodovech et à ses Franks ; les conseillers burgundes préviennent encore une rupture ; Gundobad est contraint de céder à Chlodovech la plus grosse partie de son trésor ; mais il lui resterait encore à céder une partie de son royaume. — Aurélien s’en retourne, admiré pour sa bonne foi par les sages conseillers burgundes. Il reçoit de Chlodovech le duché de Melun en récompense. Le roi avait déjà d’une concubine un fils du nom de Theuderich.

 

V. — BAPTÊME DE CHLODOVECH.

Grégoire est la source capitale pour le baptême ; les autres sources sont peu importantes. Les Gesta, c. 15, n’ajoutent rien de nouveau que quelques mots ça et là. Le c. 20 de l’Historia epitomata diffère de Grégoire, mais n’a aucune valeur réelle. On peut consulter en outre la tradition légendaire que donne Hincmar, V. Remigii, Bouquet III, 374 et ss. Elle ne s’appuie pas sur l’ancienne vie de Saint-Remi, dont probablement Grégoire s’est servi[8] ; la légende ne pouvait pas encore s’être développée à ce point. Hincmar a certainement recueilli de la tradition formée plus tard à Reims les prières nocturnes de l’évêque avec le roi et la reine, (Bouquet, 376-A-E), l’attitude de Chlodovech sur le chemin de l’église, la légende de la sainte ampoule. Hincmar pouvait ajouter d’autres traits d’après les mœurs du temps, comme l’entretien du peuple et du roi avant le baptême. En somme, sauf pour les additions indiquées, il suit assez exactement les Gesta, (Bouquet, p. 376 E-377 B ;) le fond est identique, la latinité seulement est améliorée. Depuis le passage p. 378 B : proceditpræceptis, c’est Grégoire qui sert de base. Cette vie n’a donc aucun titre à compter comme source originale.

La preuve que l’Historia epitomata, c. 21, donne de la foi de Chlodovech, a déjà un caractère tout à fait légendaire.

 

VI. — SOURCES RELATIVES — LA GUERRE WISIGOTHIQUE.

Isidori historia Wisigothorum, dans Isidori Opera, éd. Arevalo, Rome 1803. T. VII, p. 119 et dans Bouquet, II, 702 :

Era DXXI[9]. Anno X imperii Zenonis. Eurico mortuo Alaricus filius ejus apud Tolosenam urbem princeps Gothuorm constituitur regnans annos XXIII. Adversus quem Fluduius Francorum princeps Galliæ regnum affectans, Burgundionibus sibi auxiliantibus bellum movet, fusisque Gothorum copiis, ipsum postremo regem apud Pictavium superatum interficit. Theudericus autem Italiæ rex, dura interitum generi comperisset, confestim ab Italia proficiscitur, Francos proterit, partem regni, quam maous hostium occupaverat, recepit Gothorumque juri restituit.

Era DXLV. Anno XVII imperii Anastasii Gisaleicus superioris regis filius ex concubina creatus Narbonæ princeps efficitur, regnans anis quatuor, sicut genere vilissimus, ita infelicitate et ignavia summus. Denique dum eadem civitas a Gundebado Burgundionum rege direpta fuisset, iste cum magna suorum clade apud Barcinonam se contulit, ibique moratus, quo usque etiam regni fascibus a Theuderico fugæ ignominia privaretur. Inde profectus ad Africam, Wandalorum suffragium poscit, quo in regnum posset restitui. Qui dum non impetrasset auxilium, mox de Africa rediens ob metum Theuderici Aquitaniam petiit, ibique anno uno delitescens, in Hispaniam revertitur, atque, a Theuderici regis duce duodecimo a Barcinona urbe miliario commisso prœlio superatus in fugam vertitur, captusque trans fluvium Druentiam Galliarum interiit, sicque prius honorem postea vitam amisit.

Era DXLIX. Anno XXI imperii Anastasii Theudericus junior..... rursus extincto Gisaleico rege Gothorum Hispaniæ regnum quindecim annis obtinuit, quod superstes Amalarico nepoti suo reliquit.

Chronologia et series requm Gothorum, Bouquet, II, 704.

Alaricus filius ejus (Eurici) regnavit annis XXIII. Quem Clodoveus rex Francorum apud Pictavem bello interfecit. Ob cujus vindictam Theodoricus socer ejus, Italiæ rex, Francos prostravit et regnum Gothis integrum restituit sub imperatore Athanasio[10].

Gesalaicus Alarici filius regnavit annis IV. Iste a Gundebaldo Burgundionum rege Narbona superatus ad Barcilonam fugit. Inde ad Africam ad Wandalos pro auxilio perrexit et non impetravit. Inde reversus apud Barcilonam a duce Theuderici Italiæ regis est interfectus sub imperatore Athanasio.

Theudericus supradictus occiso Gesalaico regnum Gothorum tenuit annis XV et superstiti nepoti suo Amalarico reliquit.

Jordanès, de rebus Geticis, c. 58. Non minus trophæum (Theodoricus) de Francis per Hibbam suum comitem in Gallia acquisivit, plus XXX millibus Francorum in prælio cæsis. Narra et Thiodem suum armigerum post mortem Alarici generi tutorem in Hispaniæ regno Amalarici nepotis constituit.

Appendice à Victor de Tunnuna. Roncalli, II, 356, mal publié dans l’Hispania illustrata de Schott, IV, 136.

[Ind. XV, 507][11] Venantio et Celere coss.

His diebus pugna Gothorum et Francorum Boglodoreta. Alaricus rex in prœlio a Francis interfectus est. Regnum Tolosanum destructum est.

[Ind. III, 510] Bœtio V. C. cos.

His coss. Gesalecus Gœricum Barcinone in palatio interfecit : quo anno idem Gesalecus ab Helbane[12] Theodorici Italiæ revis duce ab Hispania fugatus Africam petit. Coms vero Veilici Barcinone occiditur[13].

[Ind. VI, 513] Probo V. C. cos.

Post Marrium[14] Theodoricus Italiæ rex Gothorum regit in Hispania annos XV, Amalarici parvuli tutelam gerens.

Cassiodori chronicon., Roncalli, II, 236.

[Ind. I, 508] Venantius junior et celer.

His coss. contra Francos a D. N. destinatur exercitus, qui Gallias Francorum deprædatione confusas, victis hostibus ac fugatis, suo,adquisivit imperio.

Marii Aventicensis chronicon, Roncalli, II, 405.

 [Ind. II, 509] Importuno.

Hoc cos. Mammo dux Gothorum partem Galliæ depracdavit.

Pseudo-Sulpice Sévère, dans Holder Egger, Ueber die Weltchronik des sogenannten Sulpicius Severus, p. 75 [ajouté par le Traducteur.]

506. Occisus Alaricus rex Gothorum a Francis. Tolosa a Francis et Burgundionibus incensa et Narbona a Gundefade Burgundionum rege capta et Geselerycus rex cum maxima suorum clade ad Ispanias regressus est.

 

VII. — LETTRES DE THEODERICH TIRÉES DE CASSIODORE.

I. I, 24, à tous les Goths — avant le 24 juin 508.

II. III, 38, à Vandil ipsa initia bene plantare debent nostri nominis famam — aussitôt après l’invasion de la Provence, 508.

III, 43, à Unigis cum... Gallias poster exercitus intraverit — aussitôt après l’invasion de la Provence, 508.

III, 16, à Gemellus Galliæ nobis... subjugatæ — aussitôt après la victoire de 508.

III, 17, à tous les Provinciales (en même temps que III, 16) — aussitôt après la victoire de 508.

IV, 17, à Ibbas gloriosam in bellorum certamine — après la victoire de 508.

III, 41, à Gemellus (postérieure à III, 16, 17) — après la victoire de 508.

III, 42, aux Provinciales (postérieure à III, 41) — après la victoire de 508.

III, 34, aux Marseillais (Marabadus est envoyé ad ordinationem, defensionem) — après la victoire de 508.

V, 10, aux Gépides (envoyée pro defensione generali custodiæ causa) — après 508.

V, 11, aux mêmes (postérieure à V, 10) — après 508.

Les lettres III, 34 ; V, 10, 11, appartiennent à l’époque où l’autorité de Theoderich était déjà bien établie ; les autres sont antérieures. On ne peut déterminer si II, 8 ; V, 13 se rapportent aux mêmes faits.

III. IV, 36, à Faustus per Ind. III. as publicus relaxatus — peu avant le 1er sept. 509.

III, 32, à Arles per Ind. IV. relaxata fiscalia tributa peu avant le 1er sept. 510.

III, 44, à Arles cum tempus navigationis arriserit — au commencement de l’époque favorable à la navigation, 510.

III, 40, à tous les Provinciales per Ind. IV. relaxata tributaria functio — peu avant le 1er sept. 510.

IV, 26, — peu avant le 1er sept. 510.

IV. V, 43, — après la fuite de Gesalich, 510.

V, 44, Gesalecus quondam rex — après la mort de Gesalich.

V. Il faut rapporter à une époque postérieure : IV, 16 ; VIII, 10.

 

VIII. — SUR LES SOURCES DE GRÉGOIRE DE TOURS.

Il peut être utile de donner ici un aperçu des sources auxquelles Grégoire de Tours a emprunté ses renseignements.

I. Grégoire a emprunté à des Notes Annalistiques les passages suivants :

1. II, 18, 19, sur les exploits de Childerich.

2. II, 27, sur la guerre contre les Thuringiens.

3. II, 43, sur la mort de Chlodovech.

4. II, 27, sur la chute du royaume de Soissons[15].

5. II, 30 et 37, les dates exactes des guerres contre les Alamans et contre les Wisigoths, données par un manuscrit ancien. (Voyez Bouquet, Præf. p. VII.)

II. On doit considérer comme légendaires et empruntés à la tradition ecclésiastique, orale ou écrite :

1. II, 31, le récit du baptême de Chlodovech. Il provient évidemment da l’ancien Liber vitæ Remigii que Grégoire mentionne comme existant de son temps. Les ch. 29 et 30 proviennent peut-être de la même source[16].

2. Ii, 37, 38, les renseignements sur la guerre wisigothique, sur la réception des insignes consulaires par Chlodovech à Tours. Ils proviennent sans doute d’une tradition conservée à° Tours. Il faut mettre à part ce qui est raconté sur Maxentius.

III. On doit rapporter aux traditions orales et en partie poétiques du peuple frank, encore vivantes au temps de Grégoire.

1. II, 12, le récit de l’expulsion, de la fuite et du retour de Childerich.

2. XI, 27, la description du Champ-de-Mars.

3. II, 32, 33, la guerre de Burgundie[17].

4. II, 40, 41, 42, le récit de l’annexion du royaume ripuaire et des petits royaumes saliens à l’empire de Chlodovech.

 

IX. — DE LA CHRONOLOGIE DU RÈGNE DE CHLODOVECH[18].

Il est absolument impossible de fixer les dates du règne de Chlodovech d’après les seules indications de Grégoire de Tours. Elles sont loin en effet d’être concordantes entre elles.

Voici en effet quelles sont ses données chronologiques sur le règne de Chlodovech :

Liv. II, ch. 27. Chlodovech bat Syagrius la 58 année de son règne.

Liv. II, ch. 27. Il bat les Thuringiens la 108 année de son règne.

Liv. II, ch. 30. Il bat les Alamans la 158 année de son règne. Liv. II, ch. 37. Il bat les Wisigoths la 25e année de son règne.

Liv. II, ch. 43. Il meurt cinq ans après la bataille de Vouillé, la 30e année de son règne, à l’âge de 45 ans, cent douze ans après la mort de saint Martin, la 11e année de l’épiscopat de Licinius. Il fixe de plus la date de la mort de saint Martin, au ch. 43 du liv. I, à 412 ans après la Passion.

Si nous prenons ces indications au pied de la lettre, nous aurons :

445 pour la mort de saint Martin ;

527 pour l’avènement de Chlodovech ;

532 pour la défaite de Syagrius ;

537 pour la défaite des Thuringiens ;

542 pour la défaite des Alamans ;

552 pour la défaite des Wisigoths ;

557 pour la mort de Chlodovech.

D’autre part, la 11e année de Licinius, d’après les calculs donnés par Grégoire au 31e ch. du liv. X, tomberait en 568.

Il est bien évident qu’il y a dans ces chiffres des erreurs de calcul ou des fautes dans la copie des nombres, fautes extrêmement fréquentes dans toutes les copies de manuscrits au moyen age. On a cherché à plusieurs reprises à expliquer et à corriger ces erreurs. Mais dans toutes ces explications[19] il entre toujours une large part d’arbitraire et l’on est obligé de prendre pour point de départ des données autres que celles de Grégoire. Ce n’est donc pas lui qui peut servir de guide dans ces supputations chronologiques.

Est-ce à dire qu’il ne faille tenir aucun compte des indications chronologiques da. Grégoire de Tours. Celles qui reposent sur des calculs prenant pour point de départ la création du monde, la Passion, la mort de saint Martin, sont évidemment sujettes à bien des erreurs, soit que ces erreurs proviennent de Grégoire lui-même, soit qu’elles proviennent de ses copistes. Mais quand il nous indique les ans du règne de Chlodovech, le temps pendant lequel il a régné, l’âge auquel il est mort, les chiffres offrent moins de chances d’erreurs, parce qu’ils sont plus simples et parce qu’au lieu d’être le résultat d’un calcul, ils sont empruntés aux quelques notes annalistiques que Grégoire avait sous les yeux[20]. Nous pouvons donc nous servir de ces indications chronologiques, mais en cherchant ailleurs les moyens de fixer la date du commencement du règne de Chlodovech.

Les diplômes, qui sont souvent si utiles pour la chronologie ne nous sont ici d’aucun secours, car dans le seul diplôme daté de Chlodovech, diplôme d’ailleurs contesté, la date n’appartient certainement pas à l’original[21]. Mais nous possédons deux documents qui ont une valeur supérieure à celle des diplômes qui nous fournissent deux dates précises. Ce sont deux souscriptions de conciles ; celle du concile d’Agde sub die III Idus Septembris, Messala V. C consule ; anno XXII regni domini nostri Alarici regis ; et celle du concile d’Orléans sub die VI Idus Julias, Felice V. C. console[22]. Or, grâce aux chroniques et aux inscriptions, nous pouvons établir d’une manière très exacte la série des consuls, et nous savons que le consulat de Messala est de 806 et celui de Félix de 511. Le III des Ides de septembre ou le 11 septembre 506 tombait donc dans la 22e année d’Alarich. Or, la Series requm Gothorum[23] nous dit qu’Alarich régna 23 ans, et Isidore dans son Historia Gothorum place à l’ère 545 ; c’est-à-dire à 507-508 le commencement du règne de Gesalich, le successeur d’Alarich[24]. D’autre part, la lettre par laquelle les évêques réunis à Orléans, le 10 juillet 511, adressent à Chlodovech les décisions du concile, nous prouve qu’à cette date Chlodovech vivait encore. Pour savoir en quelle année il est mort, nous devons nous servir des indications de la chronique de Marius, combinées avec celles de Grégoire de Tours. Marius qui indique soigneusement les années par les noms des consuls et les indictions, place la mort de Theudebert à la 7e année après le consulat de Basile et à l’indiction XI, ce qui donne 548, et la mort de Chlotachar Ier, à la 20e année après le consulat de Basile et à l’indiction IX, ce qui donne 561. Or, Grégoire nous dit (III, 37) qu’il s’écoula 37 ans de la mort de Chlodovech à celle de Theudebert et que Chlotachar est mort dans la 51e année de son règne ; ce qui nous oblige à placer la mort de Chlodovech vers la fin juillet ou le mois d’août 511, car l’indiction IX ne s’étend que jusqu’à la fin de septembre 561. En tous cas, la date de 511 pour la mort de Chlodovech paraît bien établie. Dès lors les autres dates sont faciles à fixer.

Vers 466 Naissance.

Fin 481 Avènement.

486 Défaite de Syagrius.

491 Défaite des Thuringiens.

496 Défaite des Alamans. A Noël, baptême de Chlodovech.

507 Défaite d’Alarich, dans le milieu de l’année ou en automne.

Marius nous fournit encore une date importante pour l’histoire de Chlodovech. C’est celle de la défaite de Gundobad à Dijon. Elle eut lieu, d’après le chroniqueur burgunde qui écrivait, comme nous l’avons dit, d’après des annales burgundes plus anciennes, sous le consulat de Patrice et d’Hypatius, c’est-à-dire en l’an 500. Les dates que nous avons données dans l’appendice 7, concordent parfaitement avec ces indications.

 

 

 



[1] Cette préoccupation de l’Empire d’Orient est remarquable dans la source burgunde. Maurice est d’ailleurs placé cent vingt ans trop tôt.

[2] Nascetur nostri filius Leonis fortitudine signum et instar tenens. — Leonis n’est pas à sa place dans la phrase.

[3] Pétigny, II, 362, sq.

[4] Waitz, Vfg., II, 43, n. 1, l’a remarqué. Les mots : hoc in primis agendum, ut Domini judicium a te non vacillet, peuvent difficilement être adressés à un roi païen.

[5] Bouquet, IV, 51 c.

[6] Secundum ne se rapporte à rien. La correction secundam n’est pas beaucoup plus claire. [L’hypothèse de M. Junghans nous paraît bien hasardée. N. du T.]

[7] Chlodoveus legatos ad Gundobadum dirigit, petens, ut Chrotechildem neptem suam ei in conjugium sociandam traderet... legati offerentes soliduin et denarium, ut mos erat Francorum, eam partibus Chlodovei sponsant : placitum ad præseus petentos, ut ipsam ad conjugium traderet Chlodoveo. Nulla stanta mora inito placito Cabillono, nuptiæ præparantur. — Déjà dans la réponse de Chrotechilde apparaît la forme juridique : ... obtenta ad præsens firmitate, placitum sub celeritate instituant. — Cf. Waitz, Vfg., I, 198 et Das alte Recht, p. 115.

[8] [Il en parle II, 31. N. du Trad.]

[9] L’ère espagnole est de 38 ans en avance sur l’ère chrétienne.

[10] Lisez : Anastasio.

[11] L’indiction de l’année n’est pas dans le texte original.

[12] Lisez : Hebbane.

[13] Scaliger et Basnage donnent seuls les mots : Comes... occiditur.

[14] Scaliger et Basnage disent avec raison : Post Alaricum.

[15] Il peut y avoir doute sur ce point ; pourtant on ne peut douter qu’il existât sur cet événement des notes annalistiques, les indications des Gesta, ch. 15, en sont aussi une preuve.

[16] La chose est vraisemblable, car les ch. 29, 30, 31, forment un texte conçu dans un même esprit ; c’est l’histoire de la conversion de Chlodovech. Des mots du ch. 31 talemque ibi gratiam adstantibus Deus tribuit, ut æstimarent se paradisii odoribus collocar, on peut conclure que l’auteur de la Vita, dont Grégoire se sert, assistait au baptême ; il parait avoir été un des amis de saint Remi.

[17] Cela n’est vrai que pour l’anecdote d’Aridius au siège d’Avignon. La comparaison de Grégoire avec Marius d’Avenche prouve que tous deux ont eu sous les yeux les mêmes sources écrites, d’origine burgunde. [N. du T.]

[18] Cet appendice a été ajouté par le traducteur.

[19] Même dans celles dé l’abbé C. Chevalier, les Origines de l’église de Tours, 1re p., ch. 3 et q. Il veut ramener les dates de Grégoire à la date vraie de la mort de saint Martin 397. Mais cela est impossible, car cela nous donnerait 509 pour la mort de Chlodovech. Il faudrait trouver un système qui ramenât la mort de saint Martin d’après Grégoire à 399 ou 400.

[20] Les indications du ch. 30. Actum anno XV regni sui ; et du ch. 37 : Anno vicesimo quinto Chlodocechi ; sont évidemment prises à des annales.

[21] Voyez l’appendice 3, et Bouquet, III, 102, 103.

[22] Bouquet, III, 102, 103.

[23] Bouquet, II, 705.

[24] Bouquet, II, 702.