Après un assez long repos, Chlodovech se tourna en 507 contre Alarich, roi des Wisigoths ; mais, déjà avant cette époque, la guerre doit avoir été bien près d’éclater. Theoderich le Grand, qui saisissait avec la plus grande netteté de vue la situation politique, reconnut le danger qui résulterait d’un conflit entre Alarich et Chlodovech, et, pour ce motif, il travailla très activement à le conjurer. Comme preuve de ses efforts, nous avons encore quatre lettres de Theoderich conservées dans le recueil de Cassiodore[1]. Elles sont adressées à Alarich, à Gundobad, aux rois des Hérules, des Varnes et des Thuringiens, et à Chlodovech. Theoderich tache d’empêcher une lutte ouverte entre Alarich et Chlodovech, en les priant de faire arranger leur différend au moyen d’arbitres choisis parmi leurs parents. Quant à Gundobad et aux autres rois allemands, il cherche à les réunir dans une alliance. La crainte de l’inimitié de tant de coalisés, espère-t-il, déterminera les princes en lutte, surtout Chlodovech, à céder. A cet effet, il souhaite que les membres de la coalition fassent ensemble des représentations à Chlodovech par ambassadeurs. Des envoyés de Theoderich, au nombre de deux, parait-il, devaient remettre ces lettres à chacun des princes allemands. Ils sont chargés d’aller trouver d’abord Alarich, puis Gundobad, ensuite les rois des Hérules, des Varnes et des Thuringiens, et ce n’est qu’après s’être mis d’accord avec ceux-ci qu’ils devront se rendre auprès de Chlodovech, avec les ambassadeurs de tous ces princes[2]. Pour chacun de ces rois, et aussi pour Chlodovech, Theoderich avait donné à ses envoyés des instructions orales particulières ; les lettres qu’ils portent, simples lettres de créance, sont pour cette raison conçues en termes très généraux. Que ces lettres aient été réellement envoyées, nous n’avons aucune raison d’en douter ; mais quand cet envoi a-t-il eu lieu ? C’est ce que nous ne pouvons dire[3]. Ainsi, Theoderich, pour la seconde fois, faisait opposition au roi des Franks. Il serait injuste de prétendre que ce fût seulement la crainte du roi des Franks, agrandissant son empiré de tous côtés, qui poussa Theoderich à cette démarche ; c’était plutôt la préoccupation de maintenir un certain équilibre parmi les États allemands récemment fondés, dont il s’était attaché les rois par des liens de parenté[4]. Comme chef de cette famille[5], comme successeur des empereurs romains en Italie, il croit que sa mission est de revendiquer le rôle de médiateur. Il se peut que pour un moment les efforts de Theoderich n’aient pas été tout à fait inutiles. En effet, Grégoire raconte que[6], avant l’explosion des hostilités, mais sans préciser le temps, une entrevue amicale eut lieu entre les rois Wisigoth et Frank dans une île de la Loire[7], près d’Amboise. Chlodovech aurait consenti à se rendre à l’invitation quo lui avaient apportés les députés d’Alarich. Les deux rois confèrent, mangent, boivent ensemble ; après s’être promis amitié, ils se retirent en paix. Dans cette entrevue[8] on peut bien voir une preuve des heureux efforts de Theoderich ; mais celui-ci n’a pu arrêter Chlodovech pour toujours. Si l’alliance entre les princes allemands s’était réellement formée, comme Theoderich le projetait, Chlodovech, tant qu’elle, eût subsisté, se serait gardé d’entreprendre quelque chose. En tout cas, cette alliance n’a pas duré longtemps, et, pendant la guerre, Gundobad fût du côté des Franks ; les autres princes allemands n’ont pas pris part à la lutte. Une source, ancienne[9] raconte que Chlodovech, dans la vingt-cinquième année de son règne, fut, pendant deux ans, retenu au lit, à Paris, par une fièvre froide, jusqu’au moment où saint Séverin le guérit. Peut-être que cette maladie a retardé l’explosion des hostilités. Quant à la véritable cause de la guerre, les lettres de Theoderich, dans lesquelles nous chercherons tout d’abord des renseignements sur ce point, ne renferment rien de précis. Il n’y est question que d’un différend des deux rois sur une affaire de peu d’importance[10], et il y est expressément dit qu’il n’existait pas de sérieuse cause de guerre. Aucun de vous, écrit Theoderich à Alarich, n’a à venger le sang de ses parents ; aucun n’a été dépouillé d’une province ; il n’y a encore entre vous qu’une insignifiante querelle de mots[11]. Certainement ce n’est pas se tromper que de chercher-les torts, plutôt du côté de Chlodovech que du côté d’Alarich ; autant qu’il dépendait de, lui, Chlodovech désirait évidemment, déjà à, cette époque, une déclaration de guerre. Mais comme une autre source rejette tous les torts sur Alarich[12] ; il nous faut l’examiner d’un peu plus près. Après avoir longtemps combattu l’un contre l’autre, dit cette source, Chlodovech et Alarich seraient convenus par députés de faire la paix. Un acte symbolique doit confirmer la paix et la rendre perpétuelle entre les deux princes : Alarich, en touchant la barbe de Chlodovech, fera de ce prince son père spirituel. Il ne doit être permis aux Goths et aux Franks d’assister à cette cérémonie que désarmés ; le temps et le lieu sont fixés. Au jour déterminé[13], Patermis, ambassadeur de Chlodovech, vient demander à Alarich si les Goths conformément aux termes de la convention, paraîtront sans armes à l’entrevue. Pendant qu’il parle à Alarich, il voit des Goths tenant à la main[14], contrairement aux conventions, des armes au lieu de bâtons. Paternus arrache l’arme à l’un d’eux, et reproche à Alarich d’agir en traître. Paternus exige que Theoderich, roi d’Italie, règle l’affaire comme arbitre. Un envoyé d’Alarich et Paternus, comme député de Chlodovech, s’empressent de se rendre auprès de Theoderich. L’affaire est exposée ; le député wisigoth ne disconvient pas du crime et de la rupture du traité. Theoderich, mal disposé pour les deux rois, compte tirer parti de leur querelle. Il diffère son jugement d’un jour, et alors il impose, pour entretenir la discorde entre les deux rois[15], une amende qu’il est difficile aux Wisigoths de paver. Le député frank doit venir à cheval, la lance dressée, dans la cour du palais royal d’Alarich ; puis, comme amende, les Wisigoths doivent entasser autour de lui des pièces d’or et l’en couvrir, ainsi que son cheval, jusqu’à la pointe de sa lance. Alarich, qui ne peul ; payer cette somme, cherche à se libérer au moyen d’une supercherie. Il conduit Paternus sur une plate-forme, dont il fait enlever les appuis pendant la nuit[16], évidemment dans l’espoir de tuer ainsi le témoin de la décision de Theoderich. Cependant Paternus en sortit, la vie sauve, mais avec un bras cassé. Le lendemain, Alarich lui montre son trésor pour prouver qu’il ne peut payer l’amende, et certifié par serment qu’il n’a rien de plus. Alors Paternus saisit, une pièce d’or, et la cache dans son sein : il prend ainsi, pour son roi[17], possession du trésor d’Alarich. Là-dessus il retourne auprès de Chlodovech, qui, à la nouvelle de ce qui s’est passé, commence immédiatement la guerre contre Alarich. D’autres sources parlent aussi de ces événements, mais elles ne méritent pas qu’on s’en occupe, puisqu’elles sont identiques à notre relation[18] ou qu’elles en dérivent. Il nous faut juger celle-ci en elle-même. Nous y trouvons plusieurs des signes auxquels nous avons déjà souvent reconnu qu’une source n’est pas rigoureusement historique. Le récit offre dans le détail maintes invraisemblances ; nous devons : signaler comme une inexactitude les nombreux combats mentionnés au début comme précédant le rapprochement pacifique de Chlodovech et d’Alarich. L’histoire n’en dit rien. Mais avant tout l’attitude et la conduite de Theoderich doivent’ éveiller des doutes. Il précipite entre les deux rois une rupture, qu’il avait si ardemment cherché à conjurer, comme nous le savons. Si nous regardons la forme, nous voyons que l’individualisation, la description de, traits même accessoires, les discours développés sont caractéristiques dans ce récit ; comme dans le récit dû mariage de Chlodovech d’après l’Historia epitomata, il se manifeste ici une certaine tendance à accentuer le côté juridique de l’affaire[19]. D’après cela, nous devons reconnaître sans hésitation qu’ici encore nous avons une relation dans laquelle la poésie s’est emparée de la tradition historique. C’est ce que confirme aussi le point de vue si manifestement hostile, sous lequel sont envisagés les Wisigoths et Theoderich. Nous devons donc considérer cette relation comme légendaire ; quant à décider si elle repose sur un fond historique, et jusqu’à quel point, il est difficile de le faire : il se peut que nous avons ici une tradition poétiquement embellie de l’entrevue d’Alarich et de Chlodovech, près d’Amboise[20]. Le rôle conciliant de Theoderich entre les deux rois est connu de l’auteur de ce récit ; seulement il est envisagé d’une façon particulière, ou, si l’on veut, il est dénaturé. Il est donc certain que pour l’histoire nous ne pouvons pas utiliser cette source, et ici encore nous n’apprenons rien de plus sur la véritable cause de la guerre[21]. Nous devons donc nous contenter de ce que raconte Grégoire[22], que Chlodovech n’a pas voulu souffrir plus long ; temps que les Ariens possédassent une partie de la Gaule. Les Romans catholiques, et avant tout le clergé influant, n’ont certainement pas manqué de pousser de toutes manières à cette expédition ; déjà Theoderich dans ses lettres fait entrevoir de tels efforts[23]. Quand on vit des deux côtés qu’il n’était plus possible d’éviter le conflit, on s’arma sérieusement. D’après le récit de Grégoire, Chlodovech s’assura de l’approbation de son peuple. Theuderich, fils aîné de Chlodovech, est désigné pour la première fois comme prenant part à la guerre. Le fils de Sigibert roi des Ripuaires, Chloderich, prête son concours ; ainsi Chlodovech semble cette fois avoir réuni des forces militaires considérables[24]. Gundobad, roi des Burgundions, se mit aussi de son côté ; il menaçait la droite d’Alarich et ses communications avec l’Italie. Chlodovech avait aussi un appui considérable, sur le territoire de son propre ennemi, dans l’assentiment des Romans catholiques[25]. On regardait la guerre faite par Chlodovech comme une guerre religieuse, et Chlodovech lui-même a partagé cette opinion et en a profité[26]. Alarich ne pouvait aller au combat avec autant de confiance. La force primitive et la bravoure guerrière des Wisigoths s’étaient affaiblies : Theoderich redoutait que les Wisigoths, amollis par un long repos, ne fussent inférieurs aux Franks[27], habitués à un exercice perpétuel de la guerre. Il fallut que tout homme, en état de porter les armes[28], s’enrôlât dans l’armée et acceptât la solde du roi ; l’ermite Avitus lui-même ne put se soustraire au service des armes. De là nous pouvons bien conclure qu’Alarich ne put pas rassembler assez de guerriers wisigoths, et qu’il dut pour cette raison enrôler par extraordinaire les Romans eux-mêmes. Parmi ceux-ci les habitants de l’Auvergne se sont distingués au moment critique. Il semble aussi que les ressources financières, dont disposait Alarich, ne répondaient pas à ses désirs[29] ; il fut obligé d’altérer les monnaies d’or, et d’imposer, des contributions, pour se procurer l’argent nécessaire[30]. Alarich a parfaitement reconnu combien les sympathies des Romans catholiques pour Chlodovech pouvaient être dangereuses, et il a essayé de corriger son ancienne sévérité[31], notamment à l’égard des évêques catholiques, en permettant la tenue du concile d’Agde et en publiant le Bréviaire d’Alarich ; mais ce fut, en vain. Si cependant, malgré sa situation difficile, Alarich a hasardé la lutte avec Chlodovech, cela montre assez clairement qu’elle était inévitable. Theodorich était son seul recours ; mais celui-ci ne put le secourir aussi promptement qu’il le fallait[32]. Arrivons maintenant à l’exposition du développement de la guerre elle-même[33], à l’aide de nos sources. Elles nous offrent une plus riche moisson que pour toute antre partie de l’histoire de Chlodovech ; presque tous les genres de sources de l’histoire du Moyen Age v sont représentés,, a celles qui nous sont déjà connues s’ajoutant encore ; Isidore, dans son histoire des Goths ; les Annales, si inappréciables pour les premiers temps du Moyen Age ; quelques passages de vies de saints ; des lettres de Theoderich, d’Athalarich, de Chlodovech. Ces sources représentent, chacune selon leur origine, les points de vue frank, wisigothique, ostrogothique, et elles mettent en lumière ce qui est important à chacun de ces points de vue. Nous commençons far Grégoire et les autres récits franks. Ils nous racontent les débuts de la guerre. Le récit de Grégoire[34], ici encore, trahit assez manifestement son origine ; le caractère de la légende y domine d’une façon qu’on ne peut méconnaître. Le souvenir de cette guerre de Chlodovech a dû se conserver à Tours avec une vigueur toute particulière, soit par la tradition écrite,’ soit par la tradition orale, et c’est de ces traditions que provient évidemment le récit de Grégoire. Ce n’est pas lui qui est l’auteur de cette opinion que la guerre est une guerre religieuse contre les hérétiques ariens ; loin de là, ici comme partout ailleurs, il donne les faits tels qu’il les trouve, sans y ajouter du sien. Ce qu’il raconte se passe en 507 et en 508[35]. Chlodovech, d’après ce récit, dit aux siens : Je supporte avec chagrin que ces Ariens possèdent une partie des Gaules. Marchons avec l’aide de Dieu, et, après les avoir vaincus, réduisons le pays en notre pouvoir. — Ce discours ayant plu à tous les guerriers, l’armée se mit en marche et se dirigea vers Poitiers ; là se trouvait alors Alarich. A quelle époque Chlodovech se mit-il en route ? Nous ne le savons pas précisément, mais nous pouvons conjecturer que, ce fut au printemps[36]. Cette conjecture admise, nous pouvons supposer que cette exhortation à la guerre eut lieu à l’assemblée de Mars. Grégoire ne dit pas non plus d’où Chlodovech est parti[37], mais nous savons qu’à cette époque le roi des Franks avait déjà fait de Paris sa résidence. Si c’est de là qu’il est parti, il a dû traverser la, Loire à Orléans. Il n’a pas touché Tours ; seulement une partie de son armée a passé sur le territoire de ce diocèse. La suite de la marche s’indique d’elle-même ; la Vienne franchie, Chlodovech arrivait à Poitiers[38]. Ce que nous apprenons dû récit de Grégoire sur les événements de l’expédition même, est en partie important pour éclaircir la suite historique des faits ; mais le reste est tout à fait légendaire. Ainsi nous apprenons que Chlodovech maintint sévèrement la discipline militaire. Lorsqu’une partie de l’armée traversa le territoire de Tours, il donna l’ordre à ses guerriers de ne prendre que de l’herbe et de l’eau. Avant appris qu’un soldat s’était emparé du foin d’un pauvre homme, il le tua de sa propre main ; où sera l’espoir de la victoire, aurait-il dit, si nous, offensons Saint-Martin ? Arrivé devant Poitiers ; Chlodovech défendit à toute l’armée de dépouiller les voyageurs paisibles, ou d’enlever à quelqu’un son bien. D’après une lettre[39] qu’il écrivit peu après la guerre gothique aux évêques des pays conquis, nous pouvons conclure qu’il donna encore d’autres ordres dans le même sens. Il ressort de cette lettre que Chlodovech, en entrant avec son armée sur le territoire wisigothique, fit publier une paix, avant tout pour les serviteurs de l’Église, les vierges et les veuves consacrées à Dieu dans tout le royaume wisigothique ; mais il y comprit aussi les clercs et les fils des religieux et des veuves dont nous venons de parler, et qui vivaient avec eux dans leurs maisons. Cette paix protégeait la liberté et les biens, et garantissait de toute violence, de, tout rapt les serviteurs relevant des églises. En outre, des contrées spécialement désignées semblent avoir été l’objet de dispositions semblables[40] : clercs et laïques y sont également garantis de la captivité. De telles prescriptions devaient gagner les Romans catholiques et avant tout le clergé. Plus loin Grégoire raconte comment Chlodovech envoie à l’Église Saint-Martin de Tours des députés portant des présents, dans l’espoir d’obtenir un heureux présage. Quand les messagers entrent dans la basilique, le premier chantre entonne tout à coup dans l’antienne un verset du psalmiste prédisant la victoire : les messagers vont pleins de joie annoncer à leur maître cet heureux présage. Tout cela repose déjà sur une tradition ecclésiastique et légendaire ; mais Grégoire a adopté la légende d’une façon encore plus tranchée dans le récit de la marche de Chlodovech vers Poitiers : une biche blanche montre au roi, à sa prière, l’endroit où il peut passer la Vienne grossie par la pluie ; quand il est arrivé devant Poitiers et qu’il établi son camp, une colonne de feu[41], signe de victoire, partant de l’église Saint-Hilaire, luit à ses yeux ; une troupe de Franks qui, avant la bataille, errent en pillant sur le territoire de Poitiers, éprouvent la puissance miraculeuse de l’abbé Maxentius[42]. 4 De tels récits sont caractéristiques pour apprécier l’idée que l’on se faisait de la guerre wisigothique au temps de Grégoire ; pour l’explication des faits historiques, ils n’ont aucune valeur. Jusqu’ici nous avons trouvé dans le récit de Grégoire un mélange d’histoire et de légende, mais il abandonne la légende dans son récit de la bataille décisive et de la suite de la guerre, et nous n’en retrouvons plus la trace qu’une fois[43]. Alarich avait attendu Chlodovech près de Poitiers, à la frontière du pays wisigothique ; cependant il semble que la bataille[44] n’a pas commencé aussitôt après l’arrivée de Chlodovech. Le roi Chlodovech, dit Grégoire, rencontra Alarich, roi des Wisigoths, sur le champ de Vouglé, à dix milles au Nord de Poitiers ; sur les bords du Clain, comme l’ajoute une source complémentaire[45]. Les Wisigoths commencèrent la bataille de loin[46] ; les Franks la changèrent en mêlée. Les Wisigoths ayant pris la fuite selon leur coutume, Chlodovech remporta la victoire avec l’aide de Dieu. Il fut secouru par Chloderich, fils de Sigebert le boiteux, roi des Ripuaires. Lorsque, dans la poursuite, Chlodovech eut tué Alarich de sa propre main[47], deux guerriers ennemis fondirent tout à coup sur lui et leurs lames l’atteignirent des deux côtés, mais la solidité de sa cuirasse et la vitesse de son cheval le sauvèrent da danger qui le menaçait. La plus grande partie des Arvernes, et parmi eux beaucoup de membres de familles sénatoriales sous le, commandement d’Apollinaire, fils de l’évêque Sidoine, prirent part au combat et tombèrent sur le champ de bataille[48] ; leur chef échappa vivant. Après le combat, Amalarich, fils d’Alarich, s’enfuit en Espagne, et succéda à son père. Chlodovech de son côté envoya son fils Theuderich, par le territoire d’Albi et de Rhodez, en Auvergne : Theuderich[49] part et soumet à la puissance de son père toutes les villes du territoire wisigothique jusqu’aux frontières des Burgundions. Chlodovech passe à Bordeaux l’hiver de 507 à 508 ; au printemps suivant ; tout le trésor d’Alarich tombe avec Toulouse entré ses mains, Il se rendit ensuite devant Angoulême ; et le Seigneur accorda à Chlodovech cette grâce[50] qu’à sa vue les murs de cette ville s’écroulèrent. Après l’expulsion des Wisigoths il réduisit la ville en son pouvoir. Cela fait, Chlodovech revint à Tours et offrit beaucoup de présents à l’église Saint-Martin. Comme complément du récit de Grégoire, nous pouvons admettre encore ce renseignement, que Chlodovech, après la conquête du pays, laissa des Franks en Saintonge et sur le territoire de Bordeaux pour anéantir le peuple wisigothique[51]. De Tours, Chlodovech vint ensuite à Paris et y établit le siège de sa domination. Theuderich, son fils, s’y rendit également[52]. Tel est le récit de Grégoire. Il se borne à ce qui a de l’importance pour Chlodovech et l’empire frank. Quant aux conséquences de la bataille de Poitiers et de la mort d’Alarich pour le royaume wisigothique, quant à la part que prit Theoderich-le-Grand à la guerre, nous n’apprenons rien sur ce point que par des sources wisigothiques et ostrogothiques, où nous trouvons les renseignements nécessaires pour compléter le récit de Grégoire. Nous devons tout particulièrement considérer l’histoire wisigothique d’Isidore de Séville et le résumé des règnes des rois wisigothiques évidemment tiré de cette histoire : Ces deux sources embrassent tous les événements de la guerre. D’autres font ressortir des événements spéciaux, qui ont pour elles une importance toute particulière ; ce sont : les additions aux annales de Victor de Tunnuna[53], les annales de Cassiodore et celles de l’évêque Burgunde Marius d’Avenche. Ce qui augmente encore leur valeur, c’est qu’elles donnent les dates. Jordanès aussi mentionne un événement important de la guerre[54], ainsi que la Vita Camarii[55]. Joignons-y un certain nombre de lettrés dans. le recueil de Cassiodore. Il n’y a pas le moindre doute que nous n’ayons le droit de coordonner entre eux les renseignements de toutes ces sources, autant qu’elles ne se contredisent point. Il est vrai que nous y trouvons peu de détails nouveaux relatifs aux événements qui nous sont déjà connus par le récit de Grégoire. Toutefois ce qui est important, c’est que la bataille de Vouglé ou de Boglodoreta, comme une source l’appelle[56], est définitivement fixée en 507 ; et cette autre assertion du récit de Grégoire, que Chlodovech a tué Alarich de sa propre main[57], est confirmée aussi par deux sources. Un autre fait encore plus important, c’est que Chlodovech a entrepris la guerre contre Alarich[58] avec l’aide des Burgundions ; jusqu’à nouvelle information, nous ne pouvons décider si les Burgundions ont pris part à la bataille de Poitiers ; d’après les expressions d’Isidore, le fait est possible, mais il n’est pas certain. Plus loin Isidore raconte que le roi Theoderich, à la nouvelle de la mort de son gendre, partit en toute hâte d’Italie, vainquit les Franks, et reconquit pour les Wisigoths une partie du royaume, dont une troupe ennemie s’était emparée. D’après Cassiodore, Theoderich cependant ne fit qu’envoyer une armée en Gaule, en 508, et, après une victoire sur les Franks, il conquit pour lui-même la Gaule troublée parleurs invasions et leurs pillages. Jordanès a évidemment les mêmes faits en vue, quand il raconte que Theoderich, grâce à son général le comte Ibbas[59], a remporté en Gaule, sur les Franks, une victoire où il en est tombé plus de trente mille. Mais ces renseignements se contredisent sur deux points : sur la présence de Theoderich en Gaule, et sur les conséquences de la bataille, Cassiodore atteste formellement que Theoderich n’est pas venu lui-même en Gaule ; mais d’autre part, ce qu’il dit des suites de la bataille, mérite moins de confiance ; nous savons qu’il n’a pas toujours raconté l’histoire de son grand souverain[60] d’une façon tout à fait impartiale. Ici nous suivons Isidore. Par contre Cassiodore a raison de dire que Theoderich a conquis le pays pour son compte. — Ce n’est point à ces faits que se rapporte l’assertion de Marius, qui parle d’une expédition de pillage conduite par le Goth 1liamm.o contre une partie de la Gaule en 509. Comme la source burgunde, en dehors de ce fait, ne dit rien des événements de la guerre wisigothique, on peut en tirer facilement cette supposition que la Burgundie, fut particulièrement victime de cette expédition. Theoderich remit aux habitants des Alpes Cottiennes les impôts publics pour la troisième indiction, c’est-à-dire pour l’année 510, parce qu’ils avaient beaucoup souffert du passage de son armée[61]. Les défilés des Alpes Cottiennes conduisent dans la vallée de la Durance ; il fallait qu’une armée qui prenait ce chemin, touchât la frontière ennemie du territoire burgunde. C’est pourquoi il n’est pas Invraisemblable que les annales de Marius aient en vue cette même expédition que nous connaissons par des lettres de Theoderich[62], qui a certainement aussi en vue les événements de l’an 509. En tout cas, l’assertion des annales est pour nous une preuve que Theoderich, même après la victoire remportée en 509, victoire qui le faisait maître d’une partie de l’ancien royaume wisigothique, fut obligé d’envoyer des troupes en Gaule, soit afin de conserver sa conquête, soit afin de poursuivre plus loin sa victoire. Des succès de Theoderich, Isidore passe aux affaires du royaume wisigothique. En 507, on y proclame roi, à Narbonne, Gesalich fils naturel d’Alarich[63]. Homme de basse origine, remarquable par ses malheurs et sa lâcheté, il règne quatre ans. Quand Narbonne fut conquise par le roi des Burgundions, Gundobad, il s’enfuit honteusement à Barcelone en perdant une grande partie de ses soldats. Il y resta jusqu’au jour où il dut fuir lâchement devant Theoderich et abandonner le pouvoir[64]. Il alla d’Espagne en Afrique, et chercha du secours chez les Vandales, pour rentrer dans son royaume ; mais il n’en put obtenir, et il revint d’Afrique. Par crainte de Theoderich, il s’enfuit en Aquitaine. Après s’y être caché une année entière, il retourne en Espagne et il est vaincu dans une bataille par les généraux de Theoderich, à douze mille de Barcelone. Obligé de fuir, il est fait prisonnier et tué en Gaule, au delà de la Durance, par conséquent probablement en Provence[65]. Ainsi il perdit d’abord l’honneur, puis la vie. — Les additions à Victor placent en 510 la première victoire décisive des forcés ostrogothiques, remportée par Ibbas sur Gesalich, qui, à la suite de cette victoire, s’enfuit en Afrique ; ici donc- ils servent de complément aux renseignements incertains fournis par Isidore. En outre ils racontent que Gesalich, avant son expulsion, a tué Goerich à Barcelone. La mort de Veilich, qu’ils mentionnent de même, aura bien pu être une suite de la révolution que l’arrivée des Ostrogoths fit éclater à Barcelone. Après s’être débarrassé de Gesalich, Theoderich-le-Grand a donc régné sur l’Espagne quinze années entières, jusqu’à sa mort, 526. D’après Jordanès, ce fut une régence : il nomme Thiodès comme ayant été désigné par Theoderich pour être le tuteur de son neveu Amalarich. Cependant cette régence pût bien être peu différente d’un vrai gouvernement, car en Espagne on a daté de 516, époque à laquelle Gesalich dut fuir devant l’armée ostrogothique[66], les années du règne de Theoderich ; ce n’est qu’après sa mort qu’on fait commencer le règne d’Amalarich. Ainsi, les sources wisigothiques et ostrogothiques que nous avons étudiées jusqu’ici, nous donnent une esquissé assez complète de l’ensemble de la, guerre. Nous voyons qu’elles mettent en relief ce qui est important pour l’empire wisigothique, c’est-à-dire : la bataille de Poitiers, qui décida de la durée du royaume de Toulouse ; les succès de l’armée ostrogothique envoyée en 508 par Theoderich en Gaule contre les ennemis des Wisigoths ; l’intervention de Theoderich dans les affaires du royaume wisigothique, où précisément alors manquait un bras vigoureux. — Si nous voulons faire une critique de Grégoire, nous devons certainement être frappés de ne trouver dans son récit aucun de ces faits, qui, pour la marche dé la guerre, ne sont assurément pas d’une moindre .importance que la bataille de Poitiers et ses suites. Mais il est évident que la tradition franque, que suit Grégoire, ne renfermait rien de ces faits ; ce qui n’était point glorieux pour Chlodovech et les armes des Franks pouvait s’être affaibli dans leur souvenir, quand Grégoire rassembla les matériaux de ses récits. Les succès de Chlodovech et de son fils Theuderich, la soumission d’une grande partie, du royaume wisigothique, voilà ce qui se conserva et ce que la tradition franque a fidèlement et réellement gardé. Il faut encore ici nous arrêter spécialement sur un point où la tradition franque et la tradition wisigothique semblent se contredire : c’est la situation de Gesalich en face des Wisigoths et de Theoderich. Le récit de Grégoire ne parle pas de Gesalich, mais il fait mention d’Amalarich[67], et raconte qu’après la bataille de Vouglé, il s’enfuit en Espagne et s’empara du pouvoir qu’avait exercé son père. Nous savons que nous ne devons pas prendre cela à la lettre ; la régence de Theoderich commença en 510, alors qu’Amalarich était encore enfant. Isidore, au contraire, ne dit rien du gouvernement d’Amalarich ; après le règne d’Alarich, il fait régner quatre ans Gesalich qui[68], d’après son récit, fut proclamé roi à Narbonne. On a cherché à concilier ces deux versions différentes : Amalarich aurait régné en Espagne sous la tutelle de Theoderich ; Gesalich, sur toute l’étendue des pays au Nord des Pyrénées, qui n’étaient pas encore tombés aux mains des Franks, et il aurait été reconnu roi par une partie des Wisigoths. Par conséquent, Gesalich semble être en face d’Amalarich un roi illégitime[69]. Mais cette hypothèse n’explique point comment Gesalich, chassé de Narbonne, a pu s’enfuir dans l’Espagne ennemie, à Barcelone, et y régner jusqu’à ce qu’il fût obligé de se retirer devant les Ostrogoths en 510. Ajoutez à cela que Theoderich lui-même[70], au commencement, semble avoir accepté l’avènement de Gesalich ; ce ne fut que quand celui-ci eut montré son incapacité, et peut-être même cherché à faire alliance avec les Franks, que Theoderich le fit renverser[71]. Ainsi, nous pouvons regarder l’avènement de Gesalich comme légitime et commandé par la nécessité : après la mort d’Alarich, on avait besoin d’un bras puissant ; comme Amalarich était mineur, le vrai droit céda pour un moment. Expulsé en 510 par l’arrivée des Ostrogoths en Espagne, sous le commandement d’Ibbas, Gesalich a fait une tentative pour rentrer dans son royaume avec l’aide des Vandales, mais Theoderich a déjoué ses efforts. A dire vrai, il semble que Gesalich avait eu en Afrique un succès assez important ; qu’il avait déterminé[72], par d’habiles insinuations, le roi Vandale Trasamund, à conclure formellement avec lui une alliance défensive, et qu’il revint d’Afrique avec des ressources financières considérables, vraisemblablement dans l’Aquitaine alors soumise aux Franks, afin d’y réunir des partisans : nous savons par Isidore qu’il vécut secrètement en Aquitaine une année entière, 510-511. Theoderich écrivit à Trasamund pour lui reprocher sérieusement d’avoir soutenu un homme qui s’était allié avec ses ennemis, quoique Trasamund eût l’honneur d’être uni à la sœur de Theoderich[73], issue de la famille des Amales, et qu’il fût ainsi attaché aux intérêts ostrogothiques. Ces efforts de Theoderich ne restèrent pas sans résultat. Comme nous le voyons par une seconde lettre, Trasamund a renoncé à son alliance avec Gesalich[74] ; il a envoyé des ambassadeurs à Theoderich pour se justifier vis-à-vis de lui[75], et cherché à le réconcilier par des présents de grande valeur. Mais Theoderich, loin de les accepter, les renvoya au roi Vandale, lui faisant dire qu’il ne s’était agi pour lui que de la cause de la justice. C’est à la cessation du secours des Vandales qu’il faut certainement attribuer l’échec que subit Gesalich, lorsqu’il entreprît en 511 de reconquérir son pouvoir. Outre les deux récits de la guerre que nous avons opposés
l’un à l’autre jusqu’à ce moment, en suivant les sources franques, wisigothiques
et ostrogothiques, nous possédons encore une troisième narration de la guerre
dans Procope[76].
Il raconte cette guerre de la manière suivante : En
développant leur puissance, les Franks se tournent contre les Wisigoths sans
craindre Theoderich le Grand[77]. Alarich, à la nouvelle de leur arrivée, appelle le plus
tôt qu’il peut Theoderich à son secours. Celui-ci part avec une forte armée.
Les Franks se dirigent contre Carcassonne, c’est-à-dire dans l’extrême sud du
royaume wisigothique ; les Wisigoths, à cette nouvelle, viennent camper en
face d’eux ; il se passe un temps considérable sans que l’on en vienne aux
mains. Mais la dévastation et le pillage du pays par les Franks rendent aux
Wisigoths leur inactivité si humiliante que, dans l’espérance de pouvoir
soutenir seuls la lutte contre les Franks, ils reprochent vivement à Alarich
sa frayeur et l’obligent ainsi à combattre contre sa volonté. On en vient,
avant l’arrivée du secours des Ostrogoths, à une bataille dans laquelle les
Franks sont victorieux. La plupart des Wisigoths, et parmi eux Alarich,
périssent. Les Franks occupent la plus grande partie de la Gaule, Ils
s’empressent d’assiéger Carcassonne, dans l’espoir de s’emparer du trésor
royal qui y était gardé. Le reste de l’armée wisigothique proclame roi
Gesalich[78], fils naturel d’Alarich, parce qu’Amalarich, son fils
légitime, est encore mineur. Lorsque Theoderich arrive avec l’armée
ostrogothique, les Franks effrayés lèvent le siège de Carcassonne,
s’éloignent de la ville, et conservent cependant la Gaule à l’Ouest du Rhône
jusqu’à la mer. Theoderich leur abandonne ce territoire d’où il ne peut les
expulser, et il garde pour lui le reste de la Gaule. S’étant débarrassé de
Gesalich, il transmet le gouvernement des Wisigoths à son petit-fils, mais il
garde lui-même la récence. Il emporte tout le trésor gardé à Carcassonne, et
se hâte de gagner Ravenne. Pour consolider son pouvoir, il envoie
régulièrement des fonctionnaires et des troupes en Gaulé et en Espagne. Ce récit est en général d’accord avec nos autres sources pour l’ensemble de la guerre : les Franks battent les Visigoths ; Alarich tombe dans la bataille, Theodorich paraît trop tard sur la place du combat ; néanmoins il sauve une partie du pays pour lui-même, pendant que le reste tombe aux mains des Franks. Mais si nous venons aux détails, il y a des différences et des inexactitudes. La présence de Chlodovech à la guerre n’est point mentionnée ; la part de Gundobad ne l’est pas davantage ; par contre, Theoderich, ce qui est en contradiction avec les autres sources, est signalé comme chef de l’armée ostrogothique ; c’est contraint par les Wisigoths qu’Alarich commence la bataille, qui était inévitable, si nous en jugeons par nos autres sources. Ici nous reconnaissons assez clairement le goût byzantin pour les détails minutieux. Le trésor est à Carcassonne et non pas à Toulouse. On pourrait citer encore bien d’autres inexactitudes cependant la différence principale dans le récit de Procope ; c’est que le siége de Carcassonne forme le centre de toute la guerre, fait que toutes les autres : sources ne mentionnent en aucune façon. Cette ville est le but des Franks dès qu’ils entrent sur le territoire wisigothique ; c’est auprès de Carcassonne qu’a lieu cette bataille[79], à laquelle Alarich est forcé contre sa volonté ; après la victoire, les Franks s’empressent d’assiéger la ville ; l’arrivée, de Theoderich les oblige à se retirer ; celui-ci sauve le trésor gardé à Carcassonne. Ainsi toute la guerre converge vers la possession de Carcassonne, et, ce qui doit le plus surprendre, c’est sous les murs de cette ville, à l’extrême sud du royaume wisigothique, qu’a lieu une bataille qui doit être évidemment la même, que la bataille placée par nos autres sources à Vouglé, au nord du royaume d’Alarich. Ainsi il ressort assez clairement que Procope n’a pas de valeur en comparaison des autres sources ; mais ce n’est certes point la tâche de la critique de mettre d’accord avec elles, par des corrections arbitraires[80], son récit de la première partie de la guerre jusqu’à la bataille décisive. Il semble en vérité que Procope n’ait eu qu’une connaissance générale de l’ensemble de la guerre ; il a probablement connu la bataille près Poitiers et son importance, mais il l’a rattachée par erreur, à un siége de Carcassonne, où d’après lui, le trésor wisigothique était gardé, et qui, pour cela même, fut le but des efforts des Franks. Qu’est-ce qui a pu donner lieu à cette supposition de Procope ? On ne le sait pas très bien. Si Carcassonne a réellement été une fois assiégée dans le cours de la guerre, cela peut tout au plus être arrivé à la suite de la victoire près de Poitiers, et ainsi ce siége se placerait sur la même ligne que le siège d’autres villes que nous connaissons par Grégoire. Cependant il vaut mieux omettre un événement isolé de ce genre, que de troubler par des combinaisons hasardées un ensemble de récits très clairs. Nos recherches nous conduisent maintenant à un fait, qui est d’une grande importance pour la marche de la guerre, mais qui n’a pas été mentionné par les sources que nous avons étudiées jusqu’ici : c’est le siége d’Arles. Deux lettres de Theoderich nous le font connaître dans ses traits généraux. L’une, écrite avant le premier septembre 510, loue la fidélité des habitants d’Arles, qui ont fermement soutenu un siége accablant et que la faim elle-même n’a pu contraindre à capituler[81]. L’autre, probablement écrite peu après, raconte que les murs de la ville, les vieilles tours dés fortifications ont beaucoup souffert[82], et que le territoire de la ville est dévasté[83]. Une lettre postérieure d’Athalarich, petit fils de Theoderich, parle de même de ce siége[84] : elle fait l’éloge du général ostrogoth Tulum ; envoyé dès le commencement avec d’autres chefs, il a, dans cette entreprise contre la Gaule, montré sa prudence et son audace guerrière. Arles, est-il dit plus loin, est une ville située sur le Rhône ; un pont traverse ce fleuve et conduit à l’Est. II était nécessaire pour les ennemis de prendre ce pont ; nécessaire pour les nôtres de le défendre. C’est pourquoi les Franks et les Goths se le sont disputé très vigoureusement. Tulum avec son audace assista lui-même au moment le plus critique de la lutte ; il soutint le choc des ennemis avec une telle vigueur qu’il les empêcha d’arriver à leur but et qu’il emporta de glorieuses blessures, témoignages de ses hauts faits. On se demande si Tulum a gagné cette gloire comme défenseur de la ville[85], ou par un heureux effort pour la débloquer ? comme il est expressément dit qu’il fut envoyé par Theoderich en même temps que l’armée[86], mais qu’Arles, comme nous le verrons encore, était déjà assiégée lorsque l’armée de Theoderich entra en Provence en 508, la seconde hypothèse est seule possible. Nous ne savons pas si cette tentative de Tulum pour débloquer la ville amena la levée du siège, ou obligea simplement l’ennemi à renoncer à son attaque sur le pont : cependant son opération a dû être d’une influence décisive sûr la marche du siége. La Vita Cæsarii donne les plus grands détails sur le, siége de la ville. Elle fait particulièrement ressortir ce qui concerne l’évêque Cæsarius, mais pour le siège même, elle n’en fait point ressortir clairement la marche. Voici ce que nous pouvons sur ce sujet tirer de cette vie. Les Franks et les Burgundions avaient déjà entrepris le siége, lorsque Alarich était tombé sur le champ de bataille de la main même de Chlodovech, par conséquent après la bataille près de Poitiers : il était déjà commencé quand les généraux envoyés par Theoderich le Grand entrèrent en Provence en 508[87]. La ville (ceci ressort assez clairement) a été étroitement cernée par les assiégés qui interceptèrent même les communications par le fleuve. On mentionne plus tard un retour des Goths avec une foule immense de prisonniers : les saintes basiliques et la maison commune auraient été remplis d’une foule compacte d’infidèles ; l’évêque Cæsarius aurait exercé envers eux des actes de charité et leur aurait abondamment distribué nourriture et vêtements, jusqu’à ce qu’il pût en racheter quelques uns. Il n’y a pas de doute qu’ici par Goths on ne doive entendre la garnison wisigothique de la ville ; quant aux prisonniers, on pensera avant tout aux assiégeants, les Burgundions ariens pouvant très bien être désignés comme infidèles[88] par l’écrivain catholique de la Vita. Après ce retour des Wisigoths, la Vita ne parle pas d’une continuation du siège, mais elle se borne à en résumer la marche d’une façon très brève quoique précise ; en disant qu’Arles, au temps de Cæsarius, a été assiégée, sans avoir eu à souffrir ni conquête, ni pillage, et que la ville a passé ainsi des mains des Wisigoths sous la domination des Ostrogoths. Nous avons bien le droit de considérer le siège comme fini avec ce retour des Wisigoths. Il est évident que l’arrivée des Ostrogoths en Provence, leur victoire sur les Franks en 508, durent avoir une influence décisive, sur le siège, soit qu’une partie des assiégeants eussent pris part à la bataille, soit que la perte de la bataille eût affaibli leur courage : ce n’est qu’à la suite de ce combat qu’un changement put se produire. La première conséquence de ce changement fut la capture des prisonniers faits par la garnison wisigothique, évidemment dans une sortie ; la dernière conséquence fut la lovée du siège. On né peut pas décider si l’action de Tulum a un rapport plus étroit avec ces opérations ; en tout, cas on irait trop loin si l’on plaçait sous les murs d’Arles la victoire des Ostrogoths[89]. Une fois ces points bien établis, on peut fixer encore d’une façon plus précise la durée du siégez et sa place dans la série des faits militaires de cette guerre. Nous savons que Theuderich, fils de Chlodovech, fut envoyé à la conquête de l’Auvergne encore dans le courant de l’année 507 ; il est difficile qu’une armée franque ait pu paraître devant Arles pour l’assiéger, avant que Theoderich eût réussi dans cette opération. Gundobad, qui apparemment avait pris la Provence en même temps que Chlodovech avançait contre Alarich et avait peut-être ensuite expulsé Gesalich de Narbonne, pouvait alors facilement opérer sa jonction avec les Franks. Ainsi le siège peut avoir commencé déjà en 507 ; nous ne savons pas s’il a été commandé par Theuderich et Gundobad en personne ; il est impossible qu’il ait doré après la victoire des Ostrogoths en 508. De ce que Theoderich a remis aux habitants de la ville les impôts pour l’année qui courait du premier septembre 510 au premier septembre 511[90], personne ne voudra conclure que le siège ait duré jusqu’à la rédaction de sa lettre ; quand il l’écrivit, Theoderich évidemment n’avait plus en face de lui aucun ennemi en Provence, car il pouvait consacrer toutes ses forces à régler les affaires de l’Espagne. Les sources n’autorisent nullement à croire que la ville ait été assiégée plus d’une fois[91]. Il nous faut encore faire ressortir au moins les plus importants des événements qui, d’après la Vita Cæsarii, se sont passés dans la ville pendant le siége. Nous y gagnerons d’être éclairés sur l’agitation des partis en lutte à ce moment. D’après ce que nous savons des sympathies des Romans catholiques pour Chlodovech, et des efforts de Chlodovech pour les gagner, il ne peut pas être étonnant que, dans la ville assiégée par les Franks et les Burgundions, les catholiques, et avant tout l’évêque Cæsarius, aient été regardés avec défiance. Aussi lorsqu’un jeune clerc, parent de Cæsarius, fut descendu des murs au moyen d’une corde et eut passé à l’ennemi, les Wisigoths ariens et les Juifs, qui devaient être domiciliés en assez grand nombre dans Arles, craignirent une trahison : à tort ou à raison ? nous ne le savons pas[92]. L’animosité se tourne alors contre l’évêque ; on veut l’emprisonner dans le Palais, jusqu’à ce que le castrum Ugernense[93], ou même les ondes du Rhône, en l’engloutissant dans l’obscurité de la nuit, aient mis la ville à l’abri de sa trahison. On pénètre dans sa demeure. Néanmoins la vie de Cæsarius est sauvé ; la barque, dans laquelle on l’a jeté, ne peut descendre d’aucun côté du Rhône, tant la ville est étroitement bloquée[94]. Alors on le cache de nuit dans le palais, afin que les catholiques ne sachent pas s’il est encore en vie ou non. Tout à coup il se révèle que ce sont les Juifs qui veulent trahir la ville ; le soupçon s’évanouit et Cæsarius est délivré. Toutefois il semble que le passage de la ville sous la domination ostrogothique n’assura pas entièrement les repos des Romans catholiques, car l’évêque Cæsarius fut emmené prisonnier à Ravenne ; mais Theoderich fut assez prudent pour traiter avec clémence cet homme si considéré. Nous devons enfin mentionner brièvement, parmi nos sources sur l’histoire de cette guerre, celles des lettres de Theoderich que nous n’avons encore utilisées que pour éclaircir des points particuliers. Leur emploi a ses difficultés, car l’époque, précise de leur rédaction ne peut être que rarement constatée, et par conséquent on doit se garder de combinaisons arbitraires qui amèneraient à coordonner faussement les faits qui y sont mentionnés[95]. La plus importante de ces lettres est celle qui engage les Ostrogoths à se préparer[96], selon l’ancienne coutume, à une expédition en Gaule, et leur fixe comme jour du départ le 24 juin 508. Ainsi, avant la seconde moitié de l’année 508, aucune armée ostrogothique ne paraît en Provence. Cette lettre nous fait voir que Theoderich, par son Sajo Nandius, a appelé aux armes ses guerriers ostrogoths en nombre assez considérable. — Un autre fait nous est de même connu par une des lettres de Theoderich[97], c’est que Narbonne ; qui, d’après Isidore, fut conquise par Gundobad, ne resta pas en son pouvoir ; nous y trouvons le général de Theoderich Ibbas entre 508 et 510 ; il parait que pendant la mission dont il fut chargé en Espagne pour v rétablir l’ordre, il resta quelque temps à Narbonne. — De plus nous apprenons encore que des troupes ont été envoyées pour garantir de toute attaque le territoire conquis sur les Franks et les Burgundions[98]. Une chose particulièrement intéressante dans ces lettres, c’est l’idée qu’elles nous donnent des rapports de Theodorich avec le pays d’où les ennemis ont été chassés par l’arrivée de son armée. Il considère la conquête faite par ses armes comme une soumission à sa domination[99] ; mais il s’applique à la rendre facile et agréable à ses nouveaux sujets. Il la considère absolument comme une continuation de celle d’Alarich : tout doit rester dans le même état que sous ce dernier roi[100]. Theoderich tâche d’assurer à chacun ce qu’il a possédé jusqu’à ce jour. Les esclaves, qui, dans les troubles de la guerre, sont passés à un maître étranger, doivent être rendus à leurs anciens maîtres[101] ; il fait restituer à l’église de Narbonne ses possessions[102]. Les anciens privilèges conservent encore leur valeur sous le nouveau gouvernement ; ainsi les habitants de Marseille obtiennent la confirmation de leurs immunités[103]. Partout où il y a quelque, misère, Theoderich s’applique à la soulager : il met sa gloire à prévenir les vœux par des témoignages de sa bienveillance[104]. Les pays, qui ont été gravement atteints par les événements de la guerre ou par la marche de l’armée, obtiennent l’exemption des impôts pour un an ; de ce nombre sont : Arles[105], les habitants des Alpes Cottiennes[106], enfin toute la Provence[107], quoique ici le mal pût être moins grand, La ville d’Arles obtint même des secours en argent et en vivres[108]. Les passages de troupes, qu’on ne pouvait éviter, devaient être le moins lourd possible ; un territoire ami ne devait pis être traité comme un territoire ennemi[109]. Pour l’entretien de son armée Theoderich envoya même du blé de l’Italie[110], et il donna de l’argent à quelques corps[111], afin qu’ils pussent acheter eux-mêmes de quoi subvenir à leurs besoins. Les provinces ne devaient sentir que l’appui qu’il leur offrait, mais non souffrir des charges qui résultent fatalement de l’accumulation de troupes considérables dans un pays[112]. Ce qui rend toute cette conduite de Theoderich particulièrement remarquable, c’est qu’il n’était pas lui-même en Gaule, et qu’il lui fallait tout diriger de l’Italie. Cependant il envoyait avec ses troupes des fonctionnaires capables d’exécuter ses pensées, et il était infatigable à leur donner des instructions. Nous connaissons quelques-uns de ses fonctionnaires par ses lettres ; ils ont leurs résidences dans les plus importantes villes de Provence. Ainsi Gemellus, préfet de la Vienne, semble avoir résidé à Arles[113] ; nous trouvons à Avignon, Wandil, chargé de la défense et de l’administration de la ville[114] ; dans une semblable position, à Marseille, le comte Marabad[115] ; le comte Arigern y fut aussi envoyé quelque temps pour y raffermir les esprits chancelants[116]. Il ne nous reste plus que deux questions à vider : une paix a-t-elle été conclue ? Quelles ont été les suites de la guerre pour les deux partis ? Si l’on a émis l’opinion qu’une paix, qu’un traité avait mis fin à la guerre entre Chlodovech et Theoderich, traité dans lequel Theoderich aurait formellement cédé au roi frank les pays conquis[117], c’est sur l’autorité d’un passage de Procope. Il dit, en terminant son récit de la guerre, que Theoderich, incapable d’expulser les Franks des territoires conquis, a consenti à les laisser en leur possession, et que lui-même a conservé le reste de la Gaule. Il est très douteux que les choses se soient ainsi passées, On a pensé que la paix a pu être conclue en 510[118], parce que Theoderich n’aurait eu que par sa régence qui commençait en 510, le droit de conclure une paix obligatoire pour les Wisigoths. Cet argument est peu solide, car Theoderich avait seul le pouvoir de conclure une paix avec Chlodovech, aussi ne se sera-t-il nullement soucié d’une autorisation pour céder des territoires wisigothiques. L’histoire de la guerre elle-même nous amène à fixer une époque antérieure pour la conclusion de la paix. Après 509 nos sources ne disent plus rien des événements militaires en Gaule ; en 510 et en 511 il ne s’agit plus que de l’Espagne. Chlodovech lui-même a quitté en 510 le théâtre de la guerre ; les Franks laissés par lui en Saintonge et sur le territoire de Bordeaux devaient seulement consolider à l’intérieur des pays conquis la domination qu’il avait fondée. C’est pourquoi on acceptera plus facilement l’hypothèse que la guerre a été finie en 508, et au plus tard en 509[119] Il est vrai qu’on pourra toujours demander si réellement nous devons croire qu’un traité de paix a été conclu[120]. Nos autres sources ne disent rien de pareil. Mais les paroles de Procope, sur lesquelles seules on peut s’appuyer, sans parler du peu d’autorité que nous pouvons leur accorder, permettent encore une autre interprétation : Theoderich laissa les Franks en possession du territoire conquis, c’est à dire qu’il fut forcé de leur laisser, car il ne pouvait pas empêcher qu’il en fut ainsi. En effet il semble que Chlodovech et Theoderich conservent en fait la possession des territoires qu’ils occupent, sans se soucier d’une reconnaissance formellement exprimée, chacun d’eux ayant la force de garder sa conquête. En ce qui concerne les suites de la guerre, elles sont assez clairement exprimées pour le royaume wisigothique dans ces paroles d’une source[121] : Le royaume de Toulouse fut détruit ; la plus grande partie des territoires que les Wisigoths avaient peu à peu conquis en Gaule, tombèrent en d’autres mains. Theoderich prit pour lui une partie des pays que les ennemis avaient déjà parcouru[122] : c’était la Provence ; les Burgundions, alliés de Chlodovech, l’avaient évidemment occupée dès le commencement de la guerre, mais ils ne purent la défendre contre l’armée de Theoderich. Gundobad a été aussi forcé d’abandonner à Theoderich des territoires qu’il avait antérieurement possédés, tels qu’Avignon, que nous trouvons en 500 dans ses mains ; puis Orange[123]. Theoderich conquit donc la partie Sud de l’ancienne Provence, au sens romain, y compris Avignon, Arles, Marseille ; le cours supérieur de la Durance forma vraisemblablement la frontière Nord du côté de la Burgundie[124] ; mais il la franchit sur son cours inférieur, car Orange fut conquis par les Ostrogoths[125]. A l’Ouest à partir d’Avignon, le Rhône forma la frontière. Nous avons un grand nombre de renseignements su.r1afrontière du pays conquis par Chlodovech. D’après l’Historia epitomata[126], la Loire au Nord, les Pyrénées et la mer Tyrrhénienne au Sud, formaient la frontière de la conquête de Chlodovech. La source, que nous avons désignée comme une seconde forme du récit de l’Historia epitomata, ajoute le Rhône comme frontière orientale[127] Procope évidemment n’a pas en vue un territoire aussi grand. Il ne parle pas de son étendue vers le Sud ; il se borne à dire que la Gaule, au delà du Rhône jusqu’à l’Océan, est tombée aux mains des Franks ; la Loire forme ici naturellement la frontière Nord. On peut fixer les frontières plus sûrement par l’histoire de la guerre, telle que le récit de Grégoire nous la fait connaître, que par ces renseignements tirés de sources auxquelles nous ne pouvons pas nous fier sans réserve. Theuderich, fils de Chlodovech, conquit à l’Est le territoire wisigothique jusqu’à la frontière burgunde ; à l’Ouest, Chlodovech lui-même a pris Angoulême, Bordeaux, la Saintonge, Toulouse ; en conséquence la mer formait la frontière jusqu’à l’embouchure de la Garonne ; mais, d’après Grégoire, la Garonne a formé d’abord la frontière au Sud : cependant, comme en 511, les évêques d’Eauze, de Bazas et d’Auch ont souscrit les actes du concile convoqué par Chlodovech à Orléans[128], il en résulte que leurs diocèses appartenaient au royaume de Chlodovech. Il faut donc- que la conquête de ces territoires soit également une conséquence de la guerre contre les Wisigoths. A cette époque le territoire frank ne s’étend pas jusqu’à la Méditerranée ; il restait au pouvoir des Wisigoths, sur la côte, le pays qui fut plus tard la Septimanie. Quant à la condition que fit Chlodovech aux pays conquis, nos sources ne nous la font nullement connaître. Chlodovech fait évidemment ici encore une conquête personnelle : c’est à lui qu’échoient le territoire et le trésor d’Alarich. Il est à présumer qu’il n’y a pas eu partage du territoire ; l’immigration des Franks au Sud de la Loire ne peut pas avoir été importante. Les Wisigoths, pour la plupart, ont vraisemblablement quitté le pays ; nous pouvons le conclure de ce fait que plus tard le droit wisigothique[129] n’avait de valeur qu’en Septimanie. Pour les Romains, leur condition aura été semblable à celle des Romains du Nord de la Loire après la conquête du royaume de Syagrius. On peut croire que les souffrances d’un pays conquis n’auront pas été ménagées aux territoires nouvellement soumis[130]. Nous apprenons, que l’on a fait une grande quantité de prisonniers ; il n’y a pas eu de distinction établie entre les Romains et les Wisigoths ; les Franks victorieux semblent avoir emmené les prisonniers hors de leur pays[131]. Il parait même que la paix proclamée n’a pas toujours été observée, car les évêques ont adressé des plaintes à Chlodovech. Celui-ci leur répondit que les stipulations de cette paix devaient être maintenues ; dans le cas où des serviteurs des églises, des femmes et des vierges consacrées à la vie religieuse, ainsi que ceux qui partageaient leur vie seraient tombés en captivité, il ordonna de les délivrer aussitôt. D’autre part., pour un prisonnier fait à fort sur les territoires compris dans la paix, il demande des lettres, munies du sceau épiscopal et confirmées par serment ; pour d’autres prisonniers, il permet aux évêques de leur assurer la sauvegarde épiscopale ; le rachat des prisonniers ne fut pas défendu par Chlodovech. Jetons, en finissant, un coup d’œil sur la marche et la suite des événements de la guerre wisigothique ; cela est d’autant plus nécessaire que le caractère de cette étude ne nous a pas permis de suivre exactement l’ordre naturel des faits militaires. La guerre commence au printemps de 507 avec l’invasion de Chlodovech sur le territoire wisigothique. Après avoir franchi la Loire, il en vient aux mains avec Alarich, qui était allé à sa rencontre jusqu’à la frontière de son royaume, dans la plaine de Vouglé, à dix milles au nord de Poitiers. La victoire échut à Chlodovech ; Alarich lui-même à la fin tomba, quand tout le monde prit la fuite, frappé de la main de Chlodovech. Cette bataille décida de l’existence du royaume de Toulouse, Amalarich, jeune fils d’Alarich, fut sauvé et conduit en Espagne, les Wisigoths élurent pour roi à Narbonne, à la place d’Alarich, son fils naturel Gesalich. En même temps que Chlodovech avançait, Gundobad, qui était son allié, a sans doute pris les armes contre le royaume wisigothique, et conquis la plus grande partie du territoire de l’ancienne province romaine, qui appartenait au royaume wisigothique et qui séparait la Burgundie de la mer Méditerranée, Chlodovech ne tarda pas à profiter de la victoire qu’il avait remportée : il envoya son fils aîné Theuderich conquérir l’Auvergne, car la : résistance courageuse que les Arvernes lui avaient montrée à la bataille de Vouglé, lui avait certainement prouvé la nécessité de s’assurer avant tout la possession de ce territoire, Il passa lui-même l’hiver de 507 à 508 à Bordeaux. Dans la campagne de 508, Toulouse, et avec cette ville le trésor royal d’Alarich, tombèrent en son pouvoir ; il en fut de même plus tard d’Angoulême. A l’Est, il est à croire que Theuderich, dans le courant de 507, s’était avancé victorieusement jusqu’à la frontière de Burgundie ; Gundobad a aussi remporté d’antres succès ; il a pris Narbonne, et Gesalich s’est enfui honteusement devant lui jusqu’à Barcelone en éprouvant de grandes pertes. De la sorte, l’armée franque pût s’unir avec l’armée burgunde pour assiéger Arles : la possession de cette ville était indispensable pour assurer la conquête faite au Sud. Le siège commença peut-être déjà en 507, en tout cas, au commencement de 508. Jusqu’ici l’alliance franco-burgunde avait eu plein succès, et on pouvait croire que la race wisigothique devait dès lors être exclue de la domination de la Gaule ; mais à ce moment, Theoderich-le-Grand arriva sur le théâtre de la lutter trop tard, il est vrai, pour tout sauver ; assez tôt cependant pour donner à la guerre une antre tournure. Il avait convoqué`son armée pour le 24 juin 508 ; sous la conduite de généraux habiles, parmi lesquels on cite Ibbas et Tulum, elle entra en Provence où eut lieu la première rencontre des Franks et des Ostrogoths. Les Franks, vainqueurs dans leurs combats avec tant de peuples Allemands, succombèrent ici. Probablement, c’est Ibbas qui a remporté cette victoire. Nos sources ne disent pas où eut lieu la bataille : cependant elle fut livrée, à n’en pas douter, dans le pays au Sud de la Durance. Les conséquences de cette victoire furent assez importantes : l’ennemi fut obligé de renoncer au territoire qui s’étend au Sud de la Durance ; Arles qui, malgré ses divisions intérieures, avait résisté au siége des Franks et des Burgundions, doit par conséquent avoir été délivrée ; peut-être qu’une heureuse tentative de Tulum, ou une sortie des assiégés, amena ce résultat. Mais la lutte dans ces contrées ne finit point avec ces événements. Avignon, Orange furent enlevés aux Burgundions. En 509, une armée ostrogothique, sous Mammo, entra encore en Gaule au grand effroi des Burgundions, en passant à ce qu’il semble, par les défilés des Alpes Cottiennes ; et c’est sans doute dans cette même année que nous trouvons a Narbonne, en vainqueur, le général de Theoderich, Ibbas. Dès cette année nous n’apprenons plus rien des événements militaires qui se passent sur le territoire Gaulois. Chlodovech retourna déjà en 508, par Tours, à Paris, où vint aussi Theuderich, mais nous ne savons à quelle époque. Quant à l’expédition d’Ibbas, pendant laquelle nous le trouvons à Narbonne, elle ne concernait plus les Franks, mais l’Espagne. Theoderich, qui auparavant n’avait peut-être pas été opposé à l’élection de Gesalich, le combattait maintenant qu’il avait prouvé son incapacité. On fit valoir les prétentions qu’Amalarich avait a la couronne, et Gesalich fut obligé en 510 de fuir devant Ibbas qui le chassa de Barcelone et de l’Espagne. Il chercha en Afrique, auprès du roi Vandale Trasamund, protection et secours, et il en reçut de l’argent. Mais l’intervention de Theoderich mit fin à cette assistance. Gesalich, désormais incapable de rien entreprendre, vécut une année secrètement en Aquitaine, vraisemblablement sur le territoire frank. Puis il tenta en 511 de rentrer en Espagne, mais il fut vaincu par Ibbas non loin de Barcelone, fait prisonnier et tué en Provence. Theoderich exerça dès lors en Espagne le gouvernement comme régent pendant quinze années pour son petit-fils Amalarich. Il n’y a probablement pas eu de paix conclue avec Chlodovech : la cessation des hostilités en 509 amena la fin dé la guerre en Gaule. La plus grande partie du royaume wisigothique échut à Chlodovech, jusqu’aux frontières de Burgundie à l’est, jusqu’à la Garonne et au delà au sud-ouest. Theoderich a conservé au royaume wisigothique le territoire que comprit plus tard la Septimanie, et il a gagne pour lui-même la Provence au sud de la Durance, avec Marseille, Arles, Avignon ; puis au nord de la Durance, Orange. Il voulait sans doute par cette conquête rétablir la domination de l’Italie sur des territoires qui lui avaient appartenu, car c’est seulement sous Odoacre que ce lien avait été brisé, et il mit le plus grand soin à s’assurer solidement la possession de ces pays par un sage gouvernement. La régence qu’il exerça en Espagne peut bien avoir très peu différé d’une vraie domination ; il en résulte que cette même guerre, qui détruisit en Gaulé la domination wisigothique et y donna la supériorité aux Franks, amena pour un court espace de temps une réunion des races ostrogothique et wisigothique sous le sceptre de Theoderich. |
[1] Cassiodore, Variarum, III, 1. Alarico regi Wisigothorum Theodoriens rex. — III, 2. Gundibado regi Burgundionum Th. r. — III, 3. Herulorum, Guarnorum, Thoringorum regibus Th. r. — III, 4, Luduin regi Francorum Th. r.
[2] Cassiodore, III, 1 : Et ideo..... legatos nostros illum et ilium ad vos credimus esse dirigendos : qui vobis et mandata nostra sufficienter insinuent, et usque ad fratrem nostrum Gundibadum vel alios reges cum vestra voluntate deproperent.
Cassiodore, III, 3 : Et ideo vos... legatos vestros una cum meis et fratris nostri Gundibadi regis ad Francorum regem Luduin destinate.
[3] Pétigny, II, p. 500, à l’exemple d’autres (cf. Mascou, II, p. 27, n. 1.) veut que ce soit immédiatement avant l’explosion des hostilités. Tout semble contraire à cette hypothèse.
[4] Jordanès, de rebus Get., c. 58 ; cf. avec Procope, de bello Goth., I, 12. Theoderich a donné en mariage sa fille Theudigotha à Alarich, sa fille Ostrogotha à Sigtsmund fils de Gundobad ; Amaloberga, fille de sa sœur Amalafreda à Hermanfried roi des Thuringiens. (Cassiodore, Var., IV, 1) ; sa sœur Amalafreda à Trasamzend roi des Vandales. (Cassiodore, Var, V, 43) Lui-même avait polir épouse une sœur de Chlodovech ; (Grégoire, III, 31) si elle s’appelait Audolflède (Jordanès), c’est une autre que cette Alboflède qui fut convertie au christianisme avec Chlodovech. (Grégoire, II, 31.) Düntzer, Jahrbücher, XV, l. c., présume sans raison que ce fut Lantechilde.
[5] Cf. Cassiodore, Var., III, 2 : non sine invidia nostra geritur, si nobis patientibus affinium clade dimicetur, etc. — III, 4 : Jure patris vobis (c. a. d. Alarich et Chlodovech) interminor et amantis.
[6] Grégoire, II. 35. Les Gesta suppriment cela. Pour les autres sources dérivées. Voyez note 18.
[7] Ils avaient choisi une île de la Loire, afin de pouvoir se rencontrer sur un terrain neutre.
[8] Fauriel, II, 51.
[9] V. Severini, écrite par un de ses disciples, Acta SS. ord. S. Benedicti, Saec. I. App. p. 568, et Bouquet III, 392. Eodem tempore cum Chlodoveus rex Francorum anno XXV° regnaret in urbe Parisius, tunc in corpore suo gravis obvenit infirmitas, typus frigoris per duos annos, ut non a sacerdotibus loci illius, neque ab ullo medico corpori suo potuerit invenire medicinam. — On lui conseille de s’adresser à S. Séverin ; celui-ci arrive... Et cum orasset in ecclesia Dei, domum regis se contulit ingressus et ante lectulum regis se in orationem prostravit. Et cum se elevasset, exuens casulam suam corpori regis induit eam, et statuis dimisit cum febris. — La 25e année du règne de Chlodovech nous amène à l’an 507 (ou plutôt 506. N. du T.) Comme la maladie dura deux ans, il faut qu’elle ait commencé avant cette époque. La Vita semble indiquer l’année de la guérison.
[10] Cassiodore, Var., III : lis vestra ; — III, 2 : sciant nos adversarios esse contrarietatibus suis..... convenit enim tales tantosque reges non inter se lamentabiles rixas quærere.
[11] Cassiodore, III, 1.
[12] Bouquet, II, 463. Pour abréger, nous appellerons ce récit, quand nous aurons à le citer, deuxième forme de Frédégaire.
[13] C’est ainsi qu’il faut traduire ibi ; il se rapporte à ces mots : Statuentes diem ad locum designatum ab invicem.
[14] Gotthi fraudulenter uxos pro baculis in manum ferentes. D’après Frédégaire, Chronic., c. 64 (Bouquet, II, p. 438) : Heraclius... extrahens uxum (al. ensem. gladium) caput Patricii Persarum truncavit. — uxus est une épée courte.
[15] Tractansque in arcano cordis jam olim celaverat cupiens his duobus regibus ab invicem semper esse discordes.
[16] Quem (Paternum) in solarium missum, per noctem quod subpositum erat ruens (Alaricus), i’racto brachio vix tandem evasit (Paternus).
[17] Ubi Paternus unum solidum de pugno extrahens, sinu projecit dicens : Hos solidos adarrabo ad partem domini mei Chlodovei regis et Francis.
[18] Vita Remigii, Bouquet, III, 378 : Et mittens legatum nomme Paternum virum industrium ad Alaricum regem de amicitiæ inter eos conditione mandavit. Alaricus vero cum per Paternum vellet Chludowicum decipere, exploratis quæ circa eum erant et thesauris ejus ingenio subarratis..... — Ce passage, même dans l’expression, rappelle formellement notre récit.
L’Hist. epit., c. 25 : Igitur Alaricus rex Gothorum cum amicitias fraudulenter cum Chlodoveo inisset, quod Chlodoveus discurrente Paterno legatario cernens adversus Alaricum arma commovet — est un résumé tout à fait sommaire de notre récit.
[19] Surtout pour la fixation de l’entrevue, le jugement de Theoderich, et la prise de possession par Paternus du trésor d’Alarich.
[20] Il est remarquable que le début du récit de Grégoire et celui de la seconde forme de Frédégaire se ressemblent tant.
[21] Fauriel, II, p. 47, suppose sans aucune raison que l’on s’est brouillé au sujet de la conquête de la Thuringe.
[22] Grégoire, II, 37.
[23] Cassiodore, Var., III, 1 : Ne videamini eorum immissione laborare, qui maligne gaudent alieno certamine. Avertant enim divina, ut super vos iniquitas illa prævaleat. — III, 4 : .....ut nullatenus inter vos scandala seminet aliena malignitas. — Theoderich conseille à Chlodovech d’avoir confiance en lui : .....quoniam qui vult alium in præcipites casus mittere, eum certum est fideliter non monere.
[24] D’après Jordanès, de rebus Geticis, c. 58, il tomba trente mille Franks dans une bataille à laquelle une partie seulement de l’armée put prendre part. Mais on sait combien il faut peu ajouter foi aux chiffres de ce genre que nous trouvons dans les sources de cette époque.
[25] Grégoire, II, 36 : Multi jam tunc ex Galliis habere Francos dominos summo desiderio cupiebant, etc.
[26] Des sources postérieures ajoutent des embellissements légendaires ; Vita Remigii, Bouquet, III, 378 D. — S’il était vrai que Chlodovech, sur le conseil de Chrotechilde et par conséquent avant la guerre, eût fait vœu de bâtir l’église des SS. Apôtres, à Paris, comme le prétendent la Vita Remigii, l. c. et la Vita Chrothildis, ibid. p. 399, Grégoire (II, 43) n’aurait point passé ce fait sous silence.
[27] Cassiodore, Var., III, 1 : ...tamen, quia populorum ferocia corda longa pace mollescunt, cavete subito in aleam mittere quos constat tantis temporibus exercitia non habere.
[28] V. Aviti Eremitæ, Bouquet, III, 390 : Quod suce pertinaciæ votum (il s’agit de la guerre entre Alarich et Chlodovech) ut firmius roborari videt, assensu suorum totius regni argenti ponderosa massa per exactores in unum corpus conflatur : et quisque ex militari ordine viribus potens donativum regis volens nolens recepturus per præcones urgente sententia invitatur.
[29] Ep. Aviti, 78. Avitus parle d’un alliage d’or : ...vel illam certe quam nuperrime rex Getarum secuturæ præsagam minæ monetis publicis adulterinum firmantem mandaverat. Cf. Dubos IV, 9.
[30] Voyez note 28.
[31] Cf. Fauriel, II, 52 et ss.
[32] Pétigny, II, 500, juge trop sévèrement Theoderich, quand il dit qu’il aurait pu secourir Alarich, mais qu’il ne l’a pas voulu.
[33] Les nouveaux travaux, surtout ceux de Pétigny et du Roure, Histoire de Théodoric le Grand, I, 465 et ss., II, 1 et ss., ainsi que celui d’Aschbach, Gesch. der Westgothen, 161 et ss., ne sont point satisfaisants. L’exposition suivante est destinée à en faire la critique ; cependant cette critique n’en réfute pas toujours les détails.
[34] Grégoire, II, 37. Les sources dérivées nous donnent peu de renseignements importants. Les Gesta, c. 17, dans le récit de la guerre, ne diffèrent de Grégoire, que par l’expression ; nous n’y trouvons qu’un seul renseignement important qui ne soit pas dans Grégoire. — Dans le récit de la marche, les Gesta omettent maint détail : l’anecdote du cheval de Chlodovech leur est particulière. — La Vita Chrotechildis est très brève sur la guerre proprement dite, d’ailleurs, elle suit les Gesta ; la Vita Remigii les suit également, mais elle a admis encore plus de légendes. — Les deux formes de Frédégaire ont des renseignements tout particuliers sur les suites de la guerre.
[35] Un ancien manuscrit de Grégoire (Bouquet, II, préf. p. VII) place la guerre dans la XXVe année du règne de Chlodovech, par conséquent en 507. Pendant l’hiver de 507-508, Chlodovech était à Bordeaux.
[36] La Vienne était débordée.
[37] Cf. plus haut, note 9.
[38] Pétigny, II, 503, pense qu’il a passé la Loire près d’Amboise, et qu’il est allé par Loches à Poitiers sans toucher Tours. On ne peut ici rien dire de certain.
[39] Bouquet, IV, 54.
[40] On fait positivement une distinction entre Captivi laici, qui extra pacem sunt captivati (on ne peut traduire avec Dubos IV, 12 : les captifs laïques qui auraient été pris portant les armes contre nous), — et : hi qui in pace nostra tam clerici quam laici subrepti fuerint. Il est évident que ce ne sont pas les mêmes qui sont énumérés jusqu’aux mots : de ceteris quidem...
[41] Voyez aussi V. Hilarii, Bouquet, III, 380, et n. 3.
[42] Cf. V. Maxentii, Acta SS. ord. S. Bened., Saec. I, app. 578. Bouquet, III, 390 ; on y trouve le même récit avec plus de développement et de légendes.
[43] Voyez note 50.
[44] Grégoire, I, 1 : Veniente autem rege (Chlodovecho) apud Pictavis dum eminens in tentoriis commoraretur, pharus ignea..... visa est ei...
[45] Gesta : in campo Vogladise super fluvium Clinnum. — Hist. epit., I : in campania Voglavensi ; II : in campania Voglavensem ; — V. Remigii, Bouquet, III, 379 : in campo Mogotinse ; cf. note de Bouquet, d’après laquelle un cloître du nom de Meugon, sur la rive gauche du Clain, a donné lieu à cette désignation de la bataille. [M. Longnon a consacré à la question du campus Vogladensis, dans sa Géographie de la Gaule, p. 576-587, une monographie qui épuise la question, et la décide définitivement en faveur de Vouillé. La leçon d'Hincmar : campo Mogotinse est une faute de copiste pour Vogladinse. La seule inexactitude de Grégoire est d'avoir placé sur les bords du Clain une localité qui en est éloignée de 15 kilom.]
[46] Et confligentibus his eminus, resistant comminus illi. — Giesebrecht, l. c., interprète différemment ces mots : et pendant qu’une partie en vint aux mains, l’autre partie combattait de loin avec ses javelots.
[47] Cette interprétation est justifiée par d’autres sources : cf. plus bas ; de même V. Eptadii, Bouquet III, 381 c. Les deux rédactions de Frédégaire et les Gesta ont bien compris Grégoire.
[48] Cela ressort aussi du récit de Grégoire, III, 2.
[49] Qui (Theudericus) abiens urbes illas a finibus Gothorum asque Burgundionum terminum patris sui ditionibus subjugavit. Il semble que l’Auvergne, comme le territoire récemment conquis, est séparée ici du reste du royaume wisigothique, car il est évident que Grégoire veut parler des villes de l’Auvergne.
[50] Luden, III, 90, suppose, non sans raison, que la conduite des Romans catholiques a facilité la conquête. D’après les Gesta, les Wisigoths sont tués.
[51] Gesta, l. c. : ... Atque ita omni terra eorum subjugata, in Santonico vel Burdigalense Francos præcepit manere ad delendam Gothorum gentem.
[52] Grégoire, II, 38.
[53] [Le texte du faux Sulpice Sévère que nous citons en entier dans l'appendice 6, prouve que les Burgundions étaient réunis aux Franks pour la campagne en Aquitaine puisqu'ils prirent part au pillage de Toulouse. — Ce que Junghans appelle Appendice à Victor est en réalité des fragments de la chronique de Maxime de Saragosse. Voyez l'Introduction.]
[54] Toutes ces sources sont reproduites dans l’appendice.
[55] Bouquet, III, 384.
[56] Victor de Tunnuna. App.
[57] Isidore et la Series Gothorum regum. Puis V. Cæsarii, Bouquet, III, 384 : ...jam Alarico a victoriosissimo Chlodovæo in certamine peremto.
[58] Isidore.
[59] Je conserve la forme de nom acceptée jusqu’ici. Jordanès donne Hibbas ; Cassiodore, dans les lettres, Ibas ; les additions de Victor ont : Helbas, mauvaise leçon pour Hebbas.
[60] Ainsi par exemple dans sa Chronique, voyez an 489 et 493.
[61] Cassiodore, Var., IV. 36. Fausto præf. præt. Th. r. ...atque ideo illustris magnificentia tua provincialibus Alpium Cottiarum assem publicum per ind. III, nos relaxasse cognoscat, quos transiens noster exercitus more fluminis dum irrigat oppressit. — Le développement suivant montre que la dévastation, dont parle Marius, n’est point une expression exagérée.
[62] Pétigny, II, 325, pense, bien à tort, à une attaque des Wisigoths.
[63] Arevalo donne la forme : Gesaleicus ; les additions à Victor ont : Gesalecus, comme les lettres de Cassiodore ; la Series Gesalaicus. J’ai maintenu la forme usitée.
[64] Aschbach, p. 174, fait de la fuite de Gesalich une trahison. La source ne dit pas cela. [La prise de Narbonne par Gundobad et la fuite de Gesalich en Espagne est aussi mentionnée par le faux Sulpice Sévère. Voyez appendice 6.]
[65] La Series est évidemment un abrégé du récit d’Isidore ; aussi la critique ne saurait la prendre en considération. Bouquet, IV. 460 : Gesalicus regnavit annos III et in latebera annum I. Ce calcul est juste ; il se trouve dans une série chronologique des rois wisigothiques.
[66] Dubos. IV. 12. — Concil. Agripp., t. I, p. 963. In nomine Christi habita synodus Terragonæ anno sexto Theodorici regis, cos. Petro. (516). — Ibid. p. 1048. Concilium Gerundense anno septimo Theodorici regis. Id. Junii, Agapeto cos. (517). — Les additions à la chronique de Victor ne font commencer, il est vrai, le règne de Theoderich qu’en 518 ; mais il semble que c’est le résultat d’une erreur ou d’une mauvaise copie du texte.
[67] Grégoire, II, 37 : De hac pugna Amalaricus, filius Alarici, in Hispaniam fugit, regnumque patris sagaciter occupavit.
[68] Il ne faut pas être surpris de trouver cette expression : princeps car Isidore nomme aussi Chlodovech princeps.
[69] Aschbach, p. 173-174, soutient particulièrement cette opinion. Elle est défendue aussi, mais d’une façon moins absolue par Mascou, II p. 28 ; Manso p. 63 ; Fauriel, II, p. 62.
[70] Cassiodore, Var., V, 43. Theoderich dit de Gesalich : qui nostris inimicis, dum a nobis foveretur, adjunctus est. — Cette lettre a été écrite après 510, alors que Gesalich était déjà revenu d’Afrique ; c’est pourquoi on ne sait pas s’il faut rapporter l’alliance de Gesalich avec les ennemis de Theodorich, blâmée par ce roi, au séjour de Gesalich en Aquitaine, ou à une époque antérieure, (comme le fait Aschbach, p. 174, n. 164). Cependant il résulte évidemment de ce passage qu’à l’origine Theoderich n’était pas un ennemi pour lui. Je ne vois pas sur quoi Pétigny a pu se fonder (II, 508) pour considérer l’élévation de Gesalich comme une réaction d’un parti national wisigothique contré l’influence romaine représentée par Theoderich, et pour représenter (p. 523) la fuite de Gesalich devant les Ostrogoths comme une déposition faite par les Wisigoths.
[71] Cassiodore, Var., V, 33 : Si nostro (regno) propier excessus pulsus est.
[72] Cf. les expressions de Cassiodore citées note 75. — Cassiodore, Var., V, 44.
[73] Cassiodore, Var., V, 43 : Sed stupeo vos his beneficiis obligatos (par son mariage avec Amalafreda) Gesalecum, qui nostris inimicis, dum a nobis foveretur, adjunetus est, in vestram defensionem sic fuisse susceptum, ut qui ad vos viribus destitutus privatusque fortunis venerat, subita pecuniæ ubertate completus ad exteras gentes probetur transmissus, qui quamvis Deo juvante lædere nihil possit, tamen animum vestræ cogitationis aperuit. Quid expectent extraneorum jura, si sic meretur affinitas ? Nam si causa misericordiæ susceptus est, in regno vestro teneri debuit ; si nostro propter excessus pulsus est, non oportuerat cum divitiis ad aliena regna transmitti, quæ ne vobis redderentur infesta nostra fecerunt absolute certamina.
[74] Cassiodore, Var., V, 44. Cette lettre est évidemment postérieure à la mort de Gesalich, comme le prouvent ces mots reproduits ci-dessous : Gesaleci quondam regis.
[75] Nuper vobis objecimus Gesaleci quondam regis dolosa meditatione discessum ; sed nobilitatis vestræ memores et honoris actum rei nobis sub veritate declarastis. — Il n’y a pas de doute que Trasamund a secouru Gesalich ; il est vrai qu’Isidore dit de Gesalich : qui cum non impetrasset auxilium, mais il est clair qu’il n’a pas une connaissance exacte des faits, ou qu’il considère auxilium comme un secours militaire.
[76] Procope, de bello Gothico, I, 12.
[77] Antérieurement, d’après Procope, les Franks, par crainte de Theoderich, se sont abstenus de faire la guerre aux Wisigoths.
[78] La forme de ce nom dans Procope est : Γισέλιχος.
[79] Procope ne dit pas expressément que cette bataille eut lieu près de Carcassonne ; mais l’ensemble des faits nous force d’interpréter ainsi ses paroles.
[80] Dubos IV, 10, se sert d’une leçon de Scaliger Ούκαρκασσώνα, pour corriger le vieux nom de Poitiers Αύγουτοριτώνα ; Bouquet, II p. 32, n. 6, propose : έπί ποταμόν Ούιγεννανήν : on peut faire des mots tout ce que l’on veut. Les derniers historiens se sont plu à combiner les autres sources avec Procope ; Aschbach se distingue entre tous par un grand arbitraire.
[81] Cassiodore, Var., III, 32 : (Arelatenses) qui nostris partibus perdurantes gloriosæ obsidionis penuriam pertulerunt... qui pro nobis in angustiis esurire maluerunt... casum vix (potuerunt) declinare postremum... (dominum agrum) non coluisse cognoscas.
[82] Cassiodore, Var., III, 44 : ... ad cultum reducere antiqua mœnia festinemus... pro reparatione itaque murorum Arelatensium vel turrium vetustarum...
[83] Cassiodore, Var., III, 32.
[84] Cassiodore, Var., VIII, 10.
[85] Manso, p. 65 ; Aschbach, p. 175, sont de cet avis.
[86] Mascou, II, p. 31, émet sur ce point la même opinion que nous.
[87] V. Cæsarii, Bouquet, III, 384. Acta SS. Ord. S. Bened. App. Saec., I, p. 659 sq. : Obsidentibus Francis et Burgundionibus civitatem (Arelatensem), jam Alarico rege a victoriosissimo Clodoveo in certamine perempto, Theudericus Italiæ rex provinciam istam ducibus missis intraverat.
[88] In Arelato vero Gothis eum captivorum immensitate reversis replentur basilicæ sanctæ, repletur etiam domus ecclesiæ consti patione infidelium... Le mot reversis ne laisse pas de doute que l’on ne veuille désigner les Wisigoths qui se trouvaient dans Arles ; Pétigny, II, 519, fait des Gothi des Ostrogoths. [Domus ecclesiæ signifie ici les habitations qui dépendaient de l'église cathédrale et non la maison commune.]
[89] Du Roure, Hist. de Théodoric, II, p. 18.
[90] Cassiodore, Var., III, 32 : per indictionem quartam.
[91] Bouquet IV, p. 11, suppose deux siéges ; Aschbach, p. 175 et 173, est aussi de cet avis.
[92] Fauriel, II, p. 63, est contraire à cette opinion ; Aschbach la défend avec de mauvaises raisons.
[93] Sa situation est inconnue. [M. Longnon : op. cit. p. 436-438 prouve que le Castrum Ugernense occupait la situation de Beaucaire. On a trouvé à Beaucaire même une inscription relative aux Ugernenses.]
[94] Cum ergo ex utraque ripa drumonem, quo injectus fuerat (Cæsarius), obsidione hostium Gothi Dei nutu subrigere non valerent, revocantes sub nocte in palatio sanetum virum, personam ipsius texere silentio, ut, utrum viveret, nullus catholicus posset agnoscere. — Dubos, trompé par une mauvaise leçon, a très mal interprété ce passage, IV, 11. — Pétigny, II, 513, a accepté ses conclusions.
[95] Dans l’appendice, j’ai essayé de fixer la date de chaque lettre. Les derniers historiens de la guerre wisigothique, ne tenant pas compte de l’incertitude de leurs dates, ont fait avec ces lettres des combinaisons qui n’ont aucun fondement. Cela nous mènerait trop loin de les réfuter en détail.
[96] Cassiodore, Var., I, 24.
[97] Cassiodore, Var., IV, 17.
[98] V, 10, 11.
[99] III, 16 : Galliæ nobis Deo auxiliante subjugatæ. III, 41, 42, 43, les expressions : subjecti et nostrum dominium. Les impôts et les prestations sont une functio, III, 40.
[100] IV, 17 : Definitam rem ab antiquo rege.... nulla volumus ambiguitate titubare. Le droit n’a pas été changé. III, 49 : delectamur jure Romano vivere quos cupimus armis vendicare — se rapporte aux Romains des territoires conquis.
[101] III, 43.
[102] IV, 17.
[103] IV, 26.
[104] Cassiodore, Var., III, 40, surtout III, 42 : non occurritur sub principe benigno remedia postulare subjecta, quoniam supplicationem præcedit humanitas et miro modo posteriora fiunt vota, quam præstita. — IV, 26 : Ipsa est enim perfecta pictas, quæ antoquam flectatur precibus, novit considerare fatigatos.
[105] III, 32.
[106] IV, 36.
[107] III, 40. Cette concession est probablement valable aussi pour la IVe Indiction. Il résulte de III, 42, qu’une partie de la Provence n’eut pas à souffrir.
[108] III, 44.
[109] III, 38 : ....ubi exercitus dirigitur non gravandi ; sed defendendi causa, potius æstimetur.
[110] III, 42 : ut nec nimia possessores illatione gravarentur, ex Italia destinavimus exercituales expensas, ut ad defensionem vestram directus exercitus nostris humanitatibus aleretur ; solumque auxilium de tam magna congregatione sentirent.
[111] V, 10, 11.
[112] Cf. II, 6.
[113] Nous trouvons dans les autres villes d’autres fonctionnaires. Cassiodore, Var., III, 32 ; c’est à Gemellus qu’est commandée l’exécution d’une mesure relative a la ville d’Arles ; voyez III, 16, sa lettre de créance.
[114] III, 38.
[115] III, 34.
[116] IV, 16.
[117] Dubos, IV, 12.
[118] Dubos, l. c. Pétigny, II, 527, veut qu’une paix ait été conclue après la bataille mentionnée par Jordanès, c. 58, qu’il place sans aucune preuve en 510.
[119] Manso, p. 65 ; Mascou, II, 31 ; et Luden, III, 92, sont également d’avis qu’une paix a été conclue. — Huschberg, p. 671, pense à un armistice temporaire.
[120] Aschbach, p. 180.
[121] App. de Victor de Tunnuna.
[122] Isidore.
[123] V. Cæsarii, Bouquet, III, 385 : Interea (Cæsarius) omnes captives ultra Druentiam, maxime Arausici oppidi, quod ex toto fuerat captivitati contraditus..... mox inventos in Italia redemit.
[124] Cassiodore, Var., III, 41 : tritici speciem.... ad castella supra Druentiam constituta de Massiliensibus horreis constat esse portandam.
[125] [Sur les possessions des Ostrogoths en Gaule, cf. Longnon, op. cit. p. 60 et ss.]
[126] Hist. epit. c. 25 : regnum ejus (Alarici) a mare Tyrrheno Ligere fluvio et montibus Pyrenæis usque Oceanum mare a Chlodoveo occupatum est.
[127] Bouquet, II, 464 : regnumque ejus (Alarici) a Legere fluvium et Rhodano per mare Terrenum et montes Perenæos usque mare Oceanum abstulit, quod hodieque ditione condigno permanet ad regnum Francorum.
[128] Concilium Aurelianense I. in Conciliorum Galliæ Coll. Parisiis, 1789. T. I, p. 843 ; cf. Fauriel II, 73 et Waitz, Verfg., II, p. 58, n. 5.
[129] Cf. Schæffner, Gesch. der Rechtsverfassung Frankreichs, I, p. 129.
[130] Fauriel, II, 14 et ss., a interprété cela dans un sens hostile aux Franks.
[131] V. Eptadii, III, 384. C : ..... facta est captivorum inuumerabilis multitudo, qui dispersi sunt per regiones dilatali ; ex quibus vir beatissimus Eptadius non parvam multitudinem data pœnnia liberavit et statim pristinæ libertati restituit.