En s’emparant des provinces romaines de la Gaule septentrionale, Chlodovech avait ménagé, dans son nouveau royaume, une large place à l’élément roman. Pour conserver à cet empire naissant son caractère primitif, il importait donc singulièrement d’y faire entrer aussi des peuplades d’origine germaine. Une guerre dirigée contre les Thuringiens, et terminée par la soumission de cette tribu, forme le prélude de cette seconde série d’entreprises. L’événement eut lieu, d’après Grégoire[1], la dixième année du règne de Chlodovech (491). Il ne s’agit pas ici des Thuringiens domiciliés dans l’intérieur de l’Allemagne : c’est un point trop bien établi aujourd’hui pour qu’il soit nécessaire d’y revenir[2]. Il ne s’agit pas non plus des habitants de Tongres : du moins on ne saurait apporter aucune raison plausible à l’appui de cette opinion[3]. Une phrase échappée à Grégoire semble dire implicitement que les Thuringiens étaient proches voisins de la mer[4], aussi les placerons-nous, — c’est l’hypothèse la plus vraisemblable, — sur la rive gauche du Rhin, près des embouchures de ce fleuve et de la Meuse. Y avait-il, entre ces Thuringiens et, les Franks Saliens, quelque lien de parenté ? Nous manquons des données nécessaires pour résoudre le problème. Évidemment Grégoire ne considère pas les Thuringiens comme apparentes aux Franks. La guerre que Chlodovech soutint contre les Alamans nous est un peu mieux connue que la précédente ; mais ici encore la clarté de nos renseignements n’est pas tout à fait aussi grande que nous pourrions le désirer. Grégoire[5] fait de cette guerre la cause déterminante de la conversion de Chlodovech. En cela. il se conforme à une tradition sans cloute très répandue de son temps, et à laquelle le clergé catholique en particulier devait être très attaché. D’après son récit, les Franks marchèrent contre les Alamans en 496[6]. Les deux armées, en étant venues aux mains, combattent avec acharnement ; celle de Chlodovech va être taillée en pièces. Chlodovech, voyant le danger, implore d’un cœur fervent et d’une voix haute le Dieu des chrétiens, le Dieu que révère la reine Chrotechilde. Tandis qu’il prie, les Alamans tournent le dos, commencent à prendre la fuite ; puis, voyant leur roi mort, ils se soumettent à là domination de Chlodovech, en disant : Cesse, de grâce, de faire périr notre peuple, car, nous sommes à toi. Chlodovech, après avoir arrêté la guerre, exhorte le peuple alaman à lui rester fidèle, revient en paix dans son royaume, et raconte à la reine comment, en invoquant le nom du Christ, il a remporté la victoire. Où se livra cette bataille décisive, qui fut suivie, d’après notre auteur, de la soumission du peuple alaman ? Grégoire ne nous l’apprend pas ; toutefois, on a longtemps regardé Zülpich, (Tolbiac) ville située au Sud-Ouest de Cologne, comme le point où s’étaient rencontrées les deux armées[7] : Grégoire, en effet, dit incidemment dans un autre passage[8], que Sibgibert, roi des Franks Ripuaires, devint boiteux en combattant contre les Alamans non loin de Zülpich. Mais rien ne prouve que le combat dont il s’agit ici soit celui d’où Chlodovech sortit vainqueur[9] ; il semble du moins que, si cela était, l’historien aurait fait quelque allusion à la bataille dont il avait parlé plus haut. Une autre supposition, non moins arbitraire que la précédente, consiste à chercher, dans cette rencontre entre Sigibert et les Alamans, le prétexte invoqué par Chlodovech pour commencer la guerre[10]. Quant au lieu où se livra la bataille, les renseignements fournis par Grégoire ne nous permettent pas, comme obi voit, de le de terminer avec exactitude : par bonheur, d’autres informations, ayant leur valeur propre, nous viennent ici en aide ; c’est à la Vie de Saint Vaast que nous les empruntons[11]. L’auteur raconte que lorsque Chlodovech eut pénétré dans le pays des Alamans, les deux armées, également avides d’en venir aux mains, se virent séparées avant de combattre par les eaux du Rhin[12]. Il semble, d’après cela, que la bataille dut s’engager au moment où Chlodovech cherchait à passer le fleuve. En ce qui touche les péripéties de la journée, le récit de notre hagiographe s’accorde avec celui de Grégoire ; il en diffère pourtant sur un point : le roi des Alamans, au lieu de tomber parmi les morts, se soumet avec son peuple au souverain frank. Cette variante n’a peut-être d’autre fondement qu’une simple inadvertance[13]. Notre écrivain nous apprend que Chlodovech, après sa victoire, revint à Reims, en passant par Toul, le pays de Vouzy[14], Rilly, et en suivant le cours de l’Aisne[15]. Il se rencontre ici avec une autre source, qui nous montre le roi des Franks s’arrêtant à Joine[16], sur son retour[17] De tout cela nous pouvons conclure avec assez de vraisemblance que le champ de bataille en question se trouvait sur le cours supérieur du Rhin[18]. La victoire de Chlodovech amena, selon Grégoire, la soumission du peuple alaman. L’exactitude de cette assertion a été révoquée en doute. Rien de plus injuste. Nous savons que Theoderich le Grand ne vit pas d’un œil indifférent les événements qui nous occupent, qu’il s’y mêla même en qualité de médiateur. Sa lettre à Chlodovech nous a été conservée ; on la trouvera dans la collection des lettres de Cassiodore[19]. Cette lettre fut écrite à l’époque où il y avait déjà parenté entre les deux princes, et où Chlodovech, selon toutes les apparences, professait déjà la religion chrétienne[20]. C’est bien à l’occasion de la guerre dont parle Grégoire, et non à l’occasion d’une guerre postérieure[21], qu’elle fut composée ; pour s’en convaincre, il suffit d’étudier les faits qui y sont mentionnés. Or, que lisons-nous dans cette épître ? Que les tribus alamannes se sont courbées sous la main victorieuse de Chlodovech ; que leur roi est mort ; que l’orgueil de ce peuple a été brisé ; que les vaincus ont humblement supplié le vainqueur de leur laisser la vie sauve[22]. Theoderich félicite le souverain frank de son triomphe ; mais en même temps il le supplie de ne pas donner suite à ce qu’il appelle ses mouvements contre des restes épuisés (à la colère qui l’anime ?) ; en effet, dit-il, ceux qui se sont réfugiés sous la protection de son parent (du parent de Chlodovech) doivent obtenir leur pardon, d’après les lois de la clémence. Oui, Chlodovech épargnera les malheureux qui, chassés de leur pays, sont venus chercher un asile sur son territoire (sur le territoire des Ostrogoths). Car s’il persistait à combattre ceux des Alamans qui, survivent encore, on ne croirait jamais qu’il a défait la nation toute entière. Theoderich exprime, en terminant, l’espoir de voir sa prière écoutée, et promet, à cette condition, de ne rien entreprendre contre Chlodovech[23]. On tirait ce que c’était que ces Alamans qui vinrent trouver Theoderich, lui demandant de les accueillir et de les protéger : un reste de combattants épuisés, rien de plus ; — on est presque tenté de les regarder comme une troupe de guerriers échappés du, carnage ; — quant à la masse du peuple, elle avait passé sous le joug de Chlodovech. Ces fugitifs, dont le nombre ne peut avoir été très considérable, Theoderich veut les arracher à l’esclavage qui les menace en vertu du droit de conquête. Comme il dit expressément que ces étrangers se sont réfugiés dans son royaume après avoir été chassés de leur patrie, on ne saurait admettre qu’il ait eu l’intention d’enlever à Chlodovech certaines portions du territoire alaman. Ce qui est moins facile à comprendre que l’épître précédente, c’est un passage du panégyrique de Theoderich par l’évêque Ennodius, passage relatif aux circonstances qui nous occupent[24]. S’il faut en croire notre panégyriste, Theoderich a fait entrer l’Alamannie toute entière dans les limites de l’Italie, et cela, sans causer aucun dommage aux propriétaires romains ; de cette manière, les Alamans ont retrouvé un roi, après avoir perdu leur ancien chef[25] Eux, les habituels dévastateurs du territoire de Nome, ils sont devenus les gardiens de l’empire latin. Et c’est pour leur bonheur qu’ils ont fui leur patrie : ils ont participé ainsi aux richesses du sol romain[26]. Ils ont acquis une terre qui se laissera, aisément remuer par la houe, bien qu’ils ne puissent oublier entièrement ce qu’ils ont perdu[27]. On a vu sous Theoderich la prospérité naître de la mauvaise fortune. Les Alamans, enfin échappés à leurs roseaux, s’applaudissent de cultiver une terre qu’ils aiment, parce qu’habitués à des demeures mal fermées, ils lui doivent le bienfait d’un jonc plus solide[28]. Ce passage ne confirme en rien l’hypothèse d’après laquelle Theoderich aurait réuni à ses domaines des territoires alamans. Ce qui parait en résulter, c’est que le roi des Ostrogoths, après avoir plaidé avec succès la causé des Alamans fugitifs, leur assigna un poste fixe sur la lisière septentrionale de son royaume. Il le fit, nous dit Ennodius, sans nuire aux propriétaires romains, il semble, d’après cela, qu’on ait donné aux nouveaux venus des terres incultes, ou tout au moins délaissées, comme il devait tant v en avoir à cette époque. Ces Alamans, dont le nombre, nous le répétons, ne peut avoir été considérable, se chargèrent probablement, pour payer l’hospitalité qu’on leur accordait, de la défense des frontières : il importait, en effet, à Theoderich de garantir la limite septentrionale de son empire contre les empiètements possibles de la monarchie franque, devenue sa proche voisine par suite des derniers événements. Quant à la question de savoir où se trouvaient les établissements de ces Alamans fugitifs, et quelle en était l’étendue, l’insuffisance de nos renseignements ne nous permet pas de la résoudre d’une manière certaine[29]. Tels sont les faits qui découlent, pour tout esprit non prévenu, de nos sources d’information, en ce qui concerne la médiation de Theoderich. Ils ne contiennent, comme on voit, rien de contraire aux assertions de Grégoire sur la pleine et entière soumission du peuple alaman, après la victoire de Chlodovech. Supposer que la partie méridionale de l’Alsace[30], ou tout au moins du territoire alaman[31], échut en partage à Theoderich, c’est émettre une hypothèse que rien ne confirme[32]. Mais cette hypothèse n’est pas la seule qu’on nous propose : certaines fractions de l’Alamannie, nous dit-on encore, conservèrent leur indépendance. En effet, Theudebert, petit-fils de Chlodovech, soumit, lui aussi, des Alamans, à ce que rapporte un historien[33]. Il n’est pas douteux que cet historien n’ait ici en vue l’événement dont il reparle plus bas, lorsqu’il dit que les Ostrogoths, pressés par les Romains d’Orient, abandonnèrent le peuple alaman[34] ; or, dans ce peuple, nous croyons qu’il faut voir précisément notre colonie alamanne, établie sur le territoire des Ostrogoths[35]. Ce, passage ne prouve donc pas qu’il y eût encore, du temps de Theudebert, des souverainetés alamannes indépendantes ; en revanche, les informations que nous fournissent certaines sources franques sembleraient presque nous mener à cette supposition. Les Gesta, par exemple, rapportent que Chlodovech entreprit une expédition contre les Alamans et les Suèves[36] ; il n’est pas question de ceux-ci dans ce que l’auteur dit ultérieurement de cette campagne. En admettant qu’il faille voir dans cette variante autre chose qu’une simple paraphrase du texte de Grégoire[37], on pourrait en induire que les Suèves, c’est-à-dire, les tribus domiciliées un peu au Sud-Est des Alamans, ne partagèrent pas le sort de ces derniers[38]. D’autre part, l’Historia epitomata[39] fait mention de territoires alamans, ou, pour parler plus exactement, de bandes alamannes, qui conservèrent temporairement leur indépendance. D’après cette chronique, les Alamans, chassés de, leur pays, errèrent pendant neuf ans de côté et d’autre : enfin, n’ayant pu trouver aucun peuple qui consentit à les secourir contre les Franks, ils se soumirent à Chlodovech. Il est bien douteux qu’on parvienne à concilier ces renseignements avec le récit de Grégoire[40] : le mieux est de s’en tenir ait témoignage de l’auteur dont l’autorité prévaut en général. Peut-être le rédacteur de l’Historia epitomata se conforme-t-il, ici encore, à la tradition populaire, si encline à embellir l’histoire, et songe-t-il aux Alamans qui se réfugièrent auprès de Theodorich. Nous maintenons donc avec fermeté l’assertion de Grégoire : la victoire de Chlodovech entraîna la soumission du peuple alaman tout entier[41]. Reste à examiner la question suivante : le territoire des Alamans eut-il partout, après la conquête, un seul et même sort, ou bien les vainqueurs firent-ils certaines exceptions, certaines différences ? De quelque façon qu’on envisage la chose, il est un fait dont on ne peut s’empêcher d’être frappé : les pays arrosés par le 11lein et par le Neckar, pays alamans à l’origine, nous apparaissent, à une époque postérieure de l’histoire allemande, comme entièrement franks, tandis que ceux dont s’est formé plus tard le duché d’Alamannie ont toujours conservé leur caractère national. On cherchera peut-être l’explication de ce phénomène dans la manière dont les Franks traitèrent les contrées tombées entre leurs mains. Il se pourrait fort bien, par exemple, que la partie septentrionale du territoire alaman eût été cédée aux vainqueurs ; en d’autres termes, que la doctrine germanique du droit de conquête, en vertu de laquelle tout peuple vaincu devait sacrifier le tiers ou même les deux tiers de ses domaines, eût été mise une fois de plus en pratique dans la circonstance présente[42]. Dès lors, on comprendrait comment une portion du pays des Alamans put conserver sa nationalité et ses lois, pendant qu’une autre portion du même pays devenait complètement franque. Dans la première, le peuple passa simplement sous la domination d’un nouveau souverain ; dans la seconde, il perdit son autonomie, si même il ne quitta pas la contrée[43]. À vrai, dire, nous n’avons pas de témoignage direct qui confirme cette manière de voir[44]. Dans un passage d’une lettre d’Avit, évêque de Vienne[45], Chlodovech est loué pour la clémence dont il a récemment fait preuve, en affranchissant un peuple devenu son prisonnier de guerre, mais faut-il conclure de lit que ce peuple, dans lequel on ne peut voir que les Alamans, avait été placé d’abord dans une condition assez dure, et que son sort s’était radouci ensuite ? C’est une question qui nécessairement doit rester indécise. |
[1] Grégoire, II, 27. Decimo regni sui anno Thoringis bellum intulit, eosdemque suis ditionibus subjugavit.
[2] Waitz, Das alte Recht der salischen Franken, p. 48-52 ; et Vfg., II, 68. Dans ce dernier passage l’auteur fait remarquer que les Gesta voient déjà dans les Thoringi les Thuringiens d’Allemagne. De là les modifications apportées au récit de Grégoire : commoto exercitu magno valde in Toringiam abiit, ipsosque Toringos plaga magna prostravit. (N. de l’A.) Nous ne croyons pas que le royaume de Thuringe s’étendit sur la rive gauche du Rhin, mais nous pensons qu’il s’étendait jusqu’au Rhin vers Dispargum. Duisbourg (Grégoire, II, 9) et séparait les Saxons et Frisons au N. des Franks, Alamans et Bavarois au S. Nous pensons donc que Childerich et Chlodovech passèrent tous deux le Rhin, le premier pour chercher asile chez les Thuringiens, le second pour les combattre (N. du T.). [M Longnon, op. cit., p. 165, pense aussi qu’il s’agit d’une peuplade Thuringienne établie sur la rive gauche du Rhin.]
[3] Huschberg, p. 629 et Pétigny, II, 406, défendent cette manière de voir.
[4] Basine dit à Childerich (Grégoire, II, 12) : si in transmarinis partibus aliquem cognovissem utiliorem te.....
[5] Grégoire, II, 30. Les différences qu’on remarque ici entre le récit de Grégoire et ceux de l’Historia epitomata et des Gesta, sont plus importantes que d’habitude ; nous en tenons compte plus bas. Les rôle joué par Aurélien dans les Gesta n’est certainement pas historique ; il n’est mentionné que dans les poèmes composés sur le mariage de Chlodovech ; dans tous les cas, nous ne devions pas mêler cette fable au récit des faits. La V. Remigii (Bouquet, III, 375) qui embellit ça et là le récit de Grégoire ; la V. Chrothildis (ibid., 398) qui l’abrège ; enfin la V. Arnulfi (ibid., 383.) se servent toutes les trois des Gesta.
[6] Cette date résulte d’une variante que nous donne un ancien manuscrit de Grégoire ; comparez Bouquet, II, præf. p. VII. Bello prohibito, cohortato populo, cum pace regressus narravit reginæ qualiter per invocationem nominis Christi victoriam meruit obtinere. Actum anno XV. regni sui. Les Gesta indiquent également cette date ; ils l’ont puisée, sans doute, dans d’anciens manuscrits de Grégoire.
[7] C’est l’opinion qu’ont adoptée, à la suite de Mascou (II, 14) et de Dubos (IV, 1) la plupart des historiens modernes, entre autres Düntzer, Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfreundem im Rheinlande, III, 32 et XV, 50, n. 44 ; Merkel lui-même, De republicta Alamannorum, p. 6, a reproduit cette erreur.
[8] Grégoire, II, 27. Hic Sigibertus pugnans contra Alamannos apud Tulbiacense oppidum percussus in geniculo claudicabat. Le changement de Tulbiacense en Tullense ou Tulliacense, adopté par Türk, Forschungen, II, 98, n’est pas nécessaire. Sur l’infirmité de Sigibert, comparez Grégoire, II, 40. Dans ce passage, Chlodovech écrit au fils de Sigebert : ecce pater tuus senuit et perle debili claudicat.
[9] Voir, pour la réfutation de cette opinion, Luden, III, 649, Sybel, Jahrbücher, III, 39, loc. cit., et Waitz, Verfg., II, 65.
[10] Luden, III, 68 ; Rettberg, Kirchengeschichte, I, 263 ; et Düntzer, op. cit., ont essayé de prouver la réalité de cette hypothèse.
[11] Bouquet, III, 372. — Sybel, Jahrbücher, III, 40, défend avec raison la véracité de notre hagiographe, attaquée par Düntzer, loc. cit.
[12] Le texte de cette Vie est certainement moins altéré que ne l’a dit Düntzer. Celui-ci voulait, en attaquant le texte, se débarrasser d’un renseignement qui le gênait, et qui cependant est des plus précieux. Le sens général de la phrase n’est pas douteux : la voici mot pour mot : Quo cum venisset ab utroque acies et nisi obvium hostem habuisset Rheni, tam Franci quam Alamanni ad mutuam cædem inhiarent.....
[13] Nos sources les plus anciennes s’accordent sur ce point avec Grégoire.
[14] [Le Pagus Vongise ou plutôt Vonginse, n'est pas le pays de Vouzy, mais le pays de Voncq. Voyez Longnon, Etudes sur les Pagi du diocèse de Reims, p. 100, dans la Bibl. de l'École des Hautes Études.]
[15] Victor... ad Tulium oppidum venit... Dum pariter pergerent, quadam die venerunt in pago Vongise ad locum qui dicitur Grandeponte juxta villam Rilugiago super fluvium Axona. Deinde ad Remorum urbem... perduxit.
[16] [Au lieu de Joine, lisez : Jouaignes (arr. de Soissons, carat. de Braisne). Voyez Longnon, ibid., p. 92.]
[17] V. Arnulfi, Bouquet, III, 383. Victor (Chlodoveus) ad Juviniacum in pago Suessonico remeavit.
[18] Comment Sybel, loc. cit., en est-il venu à faire de Toul le lieu où s’était livrée la bataille ? Je ne parviens pas à le comprendre.
[19] Cassiodore, Var., II, 41.
[20] C’est ce qu’a démontré Düntzer, Jahrb., XV, 35 et ss., en s’appuyant sur des expressions telles que : affinitas, parentes, gentilitas.
[21] Düntzer, après avoir le premier émis cette opinion, Jahrb., III, 34, l’a maintenue contre Waitz, qui la rejette, Vfj., II, 57, n. 4. L’hypothèse d’une guerre postérieure n’est certainement pas admissible ; un passage d’une lettre d’Avit, écrite peu de jours après Noël en 496, coupe court à tous les doutes en ce qui concerne la campagne de 496. La lettre de Theoderich paraît avoir été composée peu après la fin de la guerre.
[22] .....Alamannicos populos causis fortioribus inclinatos, victrici dextera subdidistis..... Memorabilis triumphus est, Alamannum acerrimum sic expavisse, ut tibi eum cogas de vitæ munere supplicare. L’étroite relation d’un tel langage avec le récit de Grégoire saute aux yeux de prime abord. Sufficiat illum regem cum sentis suæ superbia cecidisse, sufficiat innumerabilem nationem partim ferro partim servitio subjugatam. — C’est avec intention que les termes d’Alamannici populi et les expressions synonymes de natio, de gens, sont rapprochés dans cette lettre. Les Alamans se divisaient autrefois en plusieurs tribus gouvernées par des rois différents ; actuellement ils se trouvent réunis sous un seul chef.
[23] Sed... motus vestros in fessas reliquias temperate, quia jure gratiæ merentur evadere, quos ad parentum vestrorum defensionem respicitis confugisse. Estote illis remissi, qui nostris finibus celantur exterriti... Nam si cum reliquis confligis, adhuc cunctos superasse non crederis... Cede itaque suaviter genio nostro, quod sibi gentilitas communi remittere consuevit exemplo.
[24] Ennodii panegyricus, ap. Manso, Gesch. des osigothischen Reiches, p. 477.
[25] Quid ? quod a te Alamanniæ generalitas intra Italiæ terminos sine detrimento Romanæ possessionis inclusa est, cui evenit habere regem, postquam meruit perdidisse. On sera sans doute tenté, à première vue, de regarder le mot generalitas comme s’appliquant à la totalité du peuple alaman ; mais il faut remarquer qu’Ennodius n’emploie nulle part celui de peuple. On peut donc porter ce mot sonore au compte du panégyriste, et le traduire par communauté ou par quelque chose d’approchant. On ne saurait dire au juste comment inclusa est doit être compris. Remarquons qu’Ennodius mentionne la mort du roi des Alamans ; en cela, il est d’accord avec Grégoire.
[26] Facta est Latiaris custos imperii, semper nostrorum populatione grassata, cui feliciter cessit fugisse patriam suam, nam sic adepta est soli nostri opulentiam. — On peut hésiter sur la question de savoir si les mots custos imperii signifient que les Alamans recueillis par Theoderich reçurent la garde d’une frontière, ou s’il faut simplement les prendre au sens figuré. La première de ces deux interprétations nous paraît la plus vraisemblable : étant donné le caractère bien connu du règne de Theoderich, on ne trouvera pas étrange que la coutume romaine de confier aux barbares la surveillance des frontières ait été conservée sous ce prince. Les mots fugisse patriam ne laissent aucun doute sur la véritable signification de ce passage ; il en est de même de ceux qui suivent : adepta est soli nostri opulentiam, et acquisistis terram ; on ne peut les expliquer qu’en interprétant comme nous l’avons fait la lettre de Theoderich. Tout le monde voit quelle étroite relation il y a entre ce fugisse patriam et le qui nostris finibus celantur exterriti de la lettre.
[27] Acquisistis, quæ noverit ligonibus tellus adquiescere, quamvis non contigerit damna nescire. Ici encore on voit clairement que les Alamans avaient abandonné leur patrie. Le territoire qu’ils reçoivent en dédommagement devait être inculte puisque Ennodius fait remarquer qu’il est propre à la culture.
[28] Sub te vidimus eventus optimos de adversitate generari et fleri secundorum matrem occasionem periculi. Ulvis liberata gratulatur terram incolens, quæ hactenus dehiscontibus domiciliis, solidori schœni emergebat beneficio. — Voir, pour l’interprétation de ce passage, les observations de Manso. Ennodius veut dire que les Alamans trouvèrent dans leur nouvelle patrie des demeures plus solides, mieux à l’abri du vent et de l’orage, que celles auxquelles ils étaient habitués.
[29] Manso, p. 59, pense que ces Alamans s’établirent dans les Grisons actuels ; suivant Burckhardt, Archiv für Schweizerische Gesch., IV, 49, ils se figèrent sur les frontières de la Souabe, dans la partie septentrionale du Vorarlberg (Bregenzerwad), la vallée supérieure du Lech et l’Oberinnthal, en Tyrol, pays où de nos jours encore, si nous en croyons l’auteur, règne le dialecte alaman.
[30] Luden, III, 70.
[31] Stælin, Wirtembergische Gesch., I, 150 pense que la partie Alamanne de la Suisse échut en partage à Theoderich, avec les pays qui formèrent plus tard les diocèses de Constance et d’Augsbourg.
[32] Quand Agathias, I, 6, parle des Alamans soumis par Theoderich, il n’a certainement en vue que notre colonie alamanne. Voyez Waitz, Verfg., II, 58, n. 1.
[33] Agathias, I, 4.
[34] Agathias, I, 6. Voyez Stælin, 150, n. 4 ; et 152.
[35] Stælin voit naturellement dans les territoires alamans conquis ici par les Franks, ceux dont Theoderich, selon lui, s’était emparé autrefois, territoires dont ce prince se serait exagéré l’importance. Voir, sur la façon dont Merkel a compris ces événements, Waitz, dans les Gœttingische gelehrte Anzeigen., 1850, p. 398.
[36] Gesta, c. 14. Chlodovech refuse de croire au Dieu des chrétiens, donec tandem aliquando bellum contra Alamannos Suevosque moveret.
[37] Il est constant que, plus tard, on employa de nouveau le nom de Suèves concurremment avec celui d’Alamans, et que le premier finit par supplanter le second. Peut-être l’auteur des Gesta écrivait-il à une époque où les deux noms servaient à désigner le même peuple, en ce cas, il n’aurait fait que se conformer, à l’usage de son temps.
[38] Cette induction, il faut le dire, rendrait les contradictions d’Agathias plus faciles à comprendre, mais elle est évidemment forcée. (N. de l’A.) Elle est très certainement fausse (N. du T.)
[39] Hist. epit., c. 21, d’après Merkel, p. 32 : Alamanni terga vertentes in fuga lapsi sunt. Cumque regem suum cernerent interemptum, novem annis exoli a sedibus eorum nec ullam potuerunt gentem comperire qui ei contra Francos auxiliaret, tandem se dicionem Chlodoviæ subdunt. L’interprétation que Luden donne de ce passage est certainement arbitraire, III, 651 ; exoli ne peut signifier ce qu’il lui fait dire. Le manuscrit le plus ancien ne justifie pas la correction qu’il propose.
[40] Merkel, p. 6, fait deux parts des pays alamans : selon lui, les uns ont été soumis par Chlodovech en 436, après dix ans de luttes ; les Ostrogoths se sont emparés des autres en 536. Les premiers ont conservé leurs lois propres : il s’agirait des Suèves, Mais cette distinction est arbitraire. Voyez Waitz, Gœtt. gel, Anz., 1830, p. 396.
[41] L’hypothèse émise par Luden, III, 70, et par Düntzer, XV, 40, d’après lesquels Chlodovech ne conquit que les pays situés sur la rive gauche du Rhin, est entièrement contraire aux souries. Manso p. 59, parait croire à une conquête générale de tout le territoire alaman.
[42] Il y a quelque exagération à parler d’une doctrine germanique du droit de conquête, car les exemples les plus frappants que nous connaissions de partages de territoires par tiers sont ceux d’Arioviste avec les Séquanes (Cæsar, de Bell. Gall., I, 31) et des Suèves avec les Saxons (Grégoire, V, 15) où il n’y avait ni vaincus ni vainqueurs. Le caractère frank des pays du Mein et du Neckar est bien antérieur à la conquête dé Chlodovech. (N. du T.)
[43] C’est l’avis émis par Waitz, Verfg., II, 68.
[44] La distinction faite par Theoderich dans sa lettre : sufficiat innumerabilem nationem partim ferro, partim servitio subjugatam ne se rapporte qu’à la défaite et à la soumission des Alamans. Quant à la phrase des Gesta : Alamannos cepit, ipsos terramque eorum sub jugo tributarios constituit ; il nous paraît bien difficile d’y voir autre chose qu’une paraphrase du texte de Grégoire.
[45] Ep. Aviti, apud Bouquet IV, 50 : an misericordiam (vobis prædicabimus) quam solutus a vobis adhuc nuper populus captivus gaudiis mundo insinuat, lacrymis deo ?