HISTOIRE DE LA GAULE

TOME VII. — LES EMPEREURS DE TRÈVES. - I. - LES CHEFS.

CHAPITRE V. — JULIEN[1].

 

 

I. — ARRIVÉE DE JULIEN À VIENNE.

Julien allait avoir vingt-cinq ans. Né à Constantinople[2], élevé en Orient[3] il ignorait tout de la Gaule. Écarté jusque-là des affaires par la jalousie maladive de Constance[4], il n'avait fait l'apprentissage ni de l'autorité, ni de l'administration, ni du métier militaire. Qu'allait-il devenir dans ces pays du Nord, tristes et brumeux, en face d'ennemis à demi sauvages, au milieu de rudes soldats et de politiques roués[5] ? Son éducation sérieuse, ses goûts de lettré, sa nature aimante, fine et réfléchie, l'entraînaient à une vie de philosophe ou de poète[6] ; Athènes était la patrie de son esprit[7]. Il entra en la puissance impériale comme dans une prison de l'âme, et il partit pour la Gaule en murmurant le vers d'Homère : La mort au manteau de pourpre et l'inflexible destin l'ont saisi[8].

Constance, soit réveil d'un bon sentiment, soit masque de parade officielle, trouva de nobles paroles et de tendres accents à la cérémonie de la proclamation solennelle, lorsqu'il le présenta aux troupes campées à Milan[9]. Le jour du départ, qui fut trois semaines plus tard, il accompagna le jeune prince durant quelques lieues, jusqu'à la rencontre de la route de Gaule[10]. Puis Julien, laissé seul avec sa petite escorte, commença son voyage vers le lointain Occident et l'inconnu de sa destinée.

A Turin[11], il apprit les dernières nouvelles venues de delà les Alpes : Cologne prise et détruite, les Barbares maîtres depuis le Rhin jusqu'à Autun[12]. C'était une grande guerre qu'on lui imposait, presque une guerre de conquête. L'angoisse le saisit, et il pensa de nouveau au terme de sa route comme un seuil de la mort.

Il partit de Turin avec une petite troupe de 360 soldats[13], traversa les Alpes de Suse en plein hiver[14], et, par le mont Genèvre et le col de Cabre, alors la route maîtresse de la montagne[15], il gagna la vallée du Rhône et s'arrêta à Vienne[16].

Depuis que Lyon avait tant souffert, il n'attirait plus les empereurs à la descente des Alpes. Entre la Trèves de Maximien et l'Arles de Constantin[17], son rôle de capitale romaine était fini à tout jamais. Même à côté de lui, Vienne avait réussi à l'éclipser, et, jusque-là sortie indemne des grandes misères, conservait ses richesses et son charme. Elle avait sur Arles l'avantage d'être plus près de la frontière, des routes d'Italie et de la zone dévastée[18]. Julien s'y installa, en attendant que le retour de la belle saison lui permit d'entrer en campagne[19].

Il plut tout de suite aux populations de la Gaule : entre elles et lui il y avait similitude d'humeur. Affable, simple, à la fois gai et méditatif, elles reconnurent en lui un homme de devoir, d'application et de bonté[20]. Son entrée à Vienne fut celle d'un triomphateur populaire[21] : il était le César destiné à la Gaule, à la sauver et à la gouverner, c'était le petit-fils du fondateur de la dynastie, de ce Constance qui avait rendu à la terre des aïeux la paix et la confiance, et aux séductions de sa jeunesse s'ajoutait l'émotion des périls qui l'attendaient. On espérait un grand règne, qui s'ouvrirait par une épopée de victoires libératrices[22].

 

II. — LE CONCILE DE BÉZIERS ET LA PERSÉCUTION DES ORTHODOXES.

Par malheur pour Julien, il était avant tout le délégué de Constance[23], et, comme tel et en vertu sans doute d'ordres formels, il dut s'occuper d'abord de la question religieuse, c'est-à-dire briser la résistance d'Hilaire et de ses amis.

Un nouveau concile fut convoqué à Béziers[24]. Troupeau craintif et mobile, incapables non seulement de lutte mais de murmure[25], les évêques changèrent une fois encore de direction. Ils se laissèrent entraîner par Saturnin, l'évêque hérétique d'Arles. Hilaire et avec lui Rhodanius de Toulouse furent signalés à la justice impériale[26]. Toutes satisfactions étaient données à Constance.

Par son ordre, la persécution commença contre les orthodoxes. Hilaire et Rhodanius durent partir en exil pour l'Orient[27] : la Gaule, quatre ans durant, ne devait plus revoir celui qui s'était si soudainement manifesté comme le vrai chef de ses Églises. Des mesures plus violentes furent prises contre le prêtres inférieurs. On parla de prison, de fouet, de torture. Les temps de Maximien revenaient, mais pour le compte d'hommes qui se disaient des Chrétiens[28].

Julien ne parait pas avoir voulu ces sottises et ces horreurs[29]. Les Chrétiens, qui lui reprocheront plus tard tant de choses, ne lui en firent jamais un crime. Il en éprouva, semble-t-il, du regret et de la confusion[30]. Mais il fallait obéir à Constance : car celui-ci, en matière de gouvernement, entendait n'avoir fait de Julien que l'exécuteur de ses mauvaises œuvres.

 

III. — LES COURSES DE LA PREMIÈRE CAMPAGNE[31].

Ce fut sans doute avec joie que Julien s'éloigna de ces tristes querelles pour marcher à l'ennemi (356)[32]. Là du moins, c'était affaire de courage et d'intelligence.

Du courage, il en eut plus que pas un. Entre plusieurs solutions, pour la marche ou pour la bataille, il choisissait la plus aventureuse[33]. On lui reprocha souvent de s'exposer comme un simple soldat[34]. Mais dans ces temps où le soldat marchandait toujours l'obéissance[35], le chef devait donner l'exemple d'une bravoure spontanée et du sacrifice au devoir.

Je ne sais s'il eut vraiment l'intelligence d'un grand général[36]. Toutes ses guerres, celles de Gaule comme les autres, ont été à coup sûr fort bien conduites, préparées avec soin, combinées avec logique, dirigées avec décision, et dans ces marches rapides, ces formations tactiques, ces manœuvres opportunes, je crois apercevoir une stratégie savante dont l'armée romaine ne nous donnait plus le spectacle depuis qu'elle était aux prises avec les brigands de Germanie. Mais j'ai peine à penser que ce soit le mérite du jeune prince, à peine sorti de l'école, où il n'avait lu qu'Homère et Platon : je préfère chercher, près de Julien, un conseil de guerre formé de ces chefs éprouvés qui ne firent jamais défaut à l'armée romaine ; et en particulier pour la réorganisation des troupes[37] et la conduite de la première campagne, j'entrevois Ursicin, habitué de longue date à sauver les provinces et que Constance avait eu enfin le bon sens de renvoyer en Gaule pour y attendre le nouveau César[38]. Mais en tout cas, Julien eut le mérite de se laisser conseiller et de suivre les meilleurs avis[39].

L'ordre de concentration fut donné pour Reims[40]. Mais on se demandait si Julien pourrait rejoindre l'armée : les Barbares tenaient la campagne entre la Marne et l'Yonne, et leurs partisans avancés venaient d'avoir l'audace d'attaquer Autun, qui ne fut sauvé que par la bravoure désespérée de quelques vétérans[41].

On put cependant y rentrer sans trop de peine[42], mais en prenant ses précautions contre une surprise de flanc[43]. A Autun, il fallut faire halte pour explorer le terrain. D'Autun à Auxerre[44], l'ennemi ne parut point, tant la marche fut rapide[45]. Il se montra entre Auxerre et Troyes et ne cessa de harceler sur la route la troupe impériale, obligée tantôt de se masser pour éviter d'être rompue, tantôt d'opérer des sorties de côté pour dégager le chemin[46]. A Troyes, Julien était si peu attendu et se présenta en si modeste équipage, qu'il fallut parlementer pour faire ouvrir les portes[47]. Enfin, l'on atteignit Reims, et, l'armée réunie, les grands chefs présents, on organisa la première campagne de libération[48].

Le gros des Alamans était campé en Lorraine, au delà de Tarquimpol[49], abrité par un enchevêtrement de bois, d'étangs et de salines[50]. On marcha directement à eux par la grande chaussée de Reims à Strasbourg. Mais les Germains se gardèrent bien d'attendre l'armée romaine. Ils s'ouvrirent devant elle, remontèrent à son insu[51] le long de la route, et vinrent l'attaquer sur son arrière-garde. Deux légions faillirent y rester[52]. Décidément, ce serait une rude guerre, d'éclaireurs, de surprises et d'embûches[53].

Julien profita de la leçon. Il n'avança plus que pas à pas, exagérant la prudence[54]. La ténacité de l'armée romaine finit par en imposer aux Barbares. Elle put franchir sans encombre le col de Saverne, écraser à Brumath[55] la troupe qui couvrait le chemin du fleuve[56], rejoindre enfin le Rhin en aval de Strasbourg, le descendre[57], délivrer l'une après l'autre les ruines des vieilles cités[58] ; cela se termina par la rentrée solennelle à Cologne, où Julien vainqueur fit acte de souverain, relevant les murailles et imposant la paix aux Francs de l'autre rive[59]. Trèves, en arrière de Cologne, se trouva dégagée[60].

Mais ce n'avait été qu'un long sillage tracé à travers les flots ennemis. L'hiver approchant, Julien crut possible de disloquer l'armée, de la répartir dans ses garnisons habituelles[61] et de gagner Sens[62] pour s'y reposer. Mais quand il s'agissait de faire la guerre, les Barbares avaient le bon sens de ne point distinguer si nettement entre la bonne et la mauvaise saison. A peine Julien était-il arrivé à Sens, que les Alamans reparurent et qu'il se trouva assiégé dans son quartier général. Pendant trente jours il dut se battre avec une garnison réduite, sans qu'aucun de ses généraux[63], bien installés dans leurs campements d'hiver, n'eût la pensée de venir à son secours. Mais Julien et les murailles de Sens eurent raison des Barbares[64].

 

IV. — LA BATAILLE DE STRASBOURG[65].

Si dramatique qu'avait été cette triple chevauchée, de Reims à Brumath, de Brumath à Cologne, de Cologne à Sens, elle avait eu à la fin pour résultat de sauver la Belgique, de mater les Francs, de rendre aux Romains la route stratégique de Reims à Strasbourg par Verdun et Metz, et, sur cette route, le col de Saverne par où les Barbares descendaient en Lorraine et en Champagne[66]. Voilà les Alamans séparés des Francs, et rejetés en Alsace. — Il s'agit maintenant de les y coincer entre les Vosges et le Rhin, et de fermer sur eux les deux pinces d'une tenaille[67], dont l'une viendrait par taverne et l'autre par Bâle (357).

Deux armées furent préparées en conséquence : l'une, sous l'ordre de Julien[68], fut concentrée à Saverne, dont on fit une place forte à peu près imprenable[69] ; l'autre, envoyée directement par Constance, fut campée dans les parages d'Augst[70]. Des escouades d'avant-garde, parties des deux quartiers généraux, commencèrent à nettoyer des moindres bandes la plaine d'Alsace et les îles du Rhin[71].

Mais on avait affaire à un ennemi à la fois audacieux et averti. Une de ses troupes[72] s'échappa entre les deux avant postes romains[73], et, se glissant en Bourgogne, poussa jusqu'à Lyon, qui faillit être enlevé[74]. Julien, aussitôt renseigné, donna ordre de barrer tous les chemins par où les Barbares reviendraient[75]. Ils eussent tous péri, si le général de Constance n'avait laissé échapper ceux qui passaient à sa portée[76].

Les Alamans comprirent que de ce côté-là était le point faible de l'attaque romaine. Ils se massèrent contre l'armée de Constance, la surprirent, lui enlevèrent bagages et valetaille, l'obligèrent à se renfermer dans Augst[77]. Julien, par prudence, ne quitta pas Saverne[78]. Les deux pinces de la tenaille étaient démesurément écartées, et l'une d'elles complètement faussée. C'était un adversaire de grand style que Julien trouvait devant lui.

Par bonheur pour Rome, le généralissime des Germains, Chnodomar, eut alors de hautes visées militaires. Il rêva d'une bataille dont il serait le héros[79]. Faisant appel à toutes les tribus des Alamans, il amassa sur la rive gauche, au-devant de Strasbourg, en un vaste campement[80], une armée de 35.000 hommes[81], et il s'apprêta à marcher à sa tête[82] contre celle de Julien, forte seulement de 13.000 soldats[83]. Le Romain ne pouvait espérer mieux. A la guerre d'embuscades et d'alertes, où tout était risque pour lui, succéderait le combat en rase campagne, où il était bien rare qu'un Barbare fût vainqueur[84].

Julien attaqua premier[85], pour ne pas laisser aux Barbares le temps de s'organiser après les fatigues de la concentration[86]. Leur campement était en un site médiocre et défavorable, peu près entièrement en plaine, sauf les collines qui le gardaient du côté de la route de Saverne[87], par où arriverait Julien ; et ils allaient combattre le dos au fleuve, qui leur fermerait la retraite. Tout l'avantage de la position était aux Romains, qui descendaient du haut pays[88], et dont les réserves pouvaient s'appuyer sur les murailles de Saverne.

Pourtant, l'affaire fut longue et pénible, et dura de midi au coucher du soleil, par une chaude journée d'août[89] (357). A gauche, l'infanterie romaine[90] se vit en face de tranchées profondes, d'où émergèrent à l'improviste des masses de combattants[91]. A droite, la cavalerie de Julien rencontra les escadrons alamans, et, dissimulés entre leurs montures, ces redoutables vélites de Germanie, fantassins armés à la légère, habiles à manœuvrer et à frapper sous les flancs même des chevaux[92], et qui, depuis quatre siècles de guerres rhénanes, étaient la terreur du soldat du Midi. Surpris aux deux ailes, les Romains s'arrêtèrent[93]. Il fallut que Julien, par des renforts ou par sa présence, stimulât le courage et l'espoir[94]. Mais si ses fantassins, à gauche, tinrent bon et avancèrent[95], ses cavaliers reculèrent à droite[96].

Ce fut alors la grande poussée ennemie sur les rangs de l'infanterie. Les deux premières troupes romaines furent enfoncées[97] ; deux qui survinrent ensuite ne purent arrêter la pression des Barbares[98], et ceux-ci, dans un dernier élan, leurs rois à la tête[99], pénétrèrent jusqu'aux lignes de réserve, formées par la Première légion[100]. Mais cette fois, devant ce carré droit et dur comme une tour, aux hommes immobiles et bardés de fer[101], ce fut chez les Barbares l'arrêt brusque et complet, avec ses inévitables désordres[102], et, tout de suite, le retour offensif de la cavalerie romaine[103], le sang-froid perdu par les Alamans, la retraite précipitée, la fuite échevelée, la course jusqu'aux bords du Rhin, où s'engloutirent ceux que les vainqueurs ne purent massacrer[104].

On compta 6000 cadavres ennemis sur le champ de bataille[105]. Mais telle était la solidité des cuirasses romaines, que Julien, dit-on, n'avait perdu que 243 soldats[106] : c'était, depuis quatre siècles, la proportion ordinaire des pertes entre Latins et Barbares dans les batailles sévèrement conduites. Chnodomar, pris dans sa fuite[107], fut expédié à l'empereur Constance, qui le laissa vivre[108].

 

V. — LES CAMPAGNES DE LA FRONTIÈRE[109].

La bataille de Strasbourg sauva la Gaule de l'invasion germanique, au même titre que, trois générations auparavant, les chasses aux brigands de la guerre de Probus. Julien aura encore trois années à guerroyer contre les Barbares : mais ce sera toujours à la frontière, et, la moitié du temps, sur l'autre rive du Rhin.

Dans la fin d'année qui suivit la bataille (357), il se rendit à Mayence[110], où, renouvelant de lointains exploits d'empereurs, il franchit le fleuve pour relever un fort de Trajan en pleine Germanie[111]. De Mayence, il continua sa tournée jusqu'à Cologne[112], d'où il revint en Gaule en faisant main basse sur les petits groupes de Francs qui s'étaient aventurés le long de la Meuse[113]. C'est à Paris qu'il acheva de passer l'hiver[114].

Au printemps (358), les grands combats étant finis, il put se mettre, avec, plus de suite et de méthode, à pacifier et réorganiser la frontière[115]. Sous les auspices de Julien, Rome connut cette année-là les derniers beaux jours de gloire et de confiance que ses destins lui aient dévolus sur le Rhin. Elle se crut revenue à ces temps de Drusus et de Germanicus, eux aussi héros de victoire et de jeunesse, lorsque la puissance impériale dominait à la fois par ses légions et par ses escadres, sur la terre et sur la mer, sur le grand fleuve et dans les forêts de Germanie.

Pendant que Julien, avec son armée, s'approchait de l'île batave par la chaussée de Paris à Bavai et à Tongres, une flotte immense, de 600 navires, entrait dans les eaux de l'Escaut, de la Meuse et du Rhin. Il y avait près d'un an qu'on la préparait : quatre cents bateaux s'étaient construits dans les chantiers de la Gaule ou de la Bretagne, les autres avaient été réquisitionnés dans tous les ports[116]. Le rassemblement avait dû se faire dans les eaux de la Tamise[117]. Pour la dernière fois dans l'histoire du monde, vaisseaux et marins de Rome se montrèrent en souverains sur la mer du Nord. Comme Drusus, Julien est de ceux qui ont compris que la sécurité et la puissance de la Gaule résident aussi dans la maîtrise de la mer. Et cela suffit à me faire croire qu'il fut un chef de très haut mérite.

Tandis que la flotte s'avançait dans les eaux du Rhin Julien arrivait à Tongres[118], à portée des Francs Saliens ceux-ci tenaient toutes les routes fluviales, domiciliés légalement dans l'île batave, usurpateurs de terres dans le Brabant septentrional[119]. Mais d'eux on était à peu près sûr. Ils envoyèrent à Tongres une ambassade suppliante[120] ; Julien se contenta d'une parade militaire[121], les laissa en paix sur leurs domaines, bien ou mal acquis. Ils se déclarèrent et restèrent sujets d'Empire[122]. La flotte put continuer sa route[123], et Julien s'engager sur la vieille chaussée militaire, qui de Tongres menait à Cologne.

Sur cette route, il se heurta à d'autres Francs, les Chamaves, venus de l'autre côté du Rhin, ceux-ci ravageurs incurables et bandits effrontés. On leur fit la chasse sans pitié, et on rejeta sur l'autre bord ceux que l'on ne tua point[124]. La flotte put alors remonter jusqu'à Cologne et au delà[125], débarquant partout des vivres sur les terres dévastées, ranimant la force et l'espoir dans les garnisons rétablies et les villages repeuplés de la rive romaine[126].

A Mayence, on touchait aux Alamans. Le Rhin fut franchi de nouveau sur un pont de bateaux[127], et Julien put en toute liberté circuler, fourrager et piller sur terre ennemie[128]. Cette fois, les Romains se disposaient à intervertir les rôles.

Mais à l'arrière du Rhin, il y avait encore un rude nettoyage à faire pour se débarrasser des bandes de Barbares errant dans les campagnes de la Moselle. Un chef franc, Charietto, s'en chargea, et ce fut l'un des plus curieux épisodes de l'histoire de ce temps. Domicilié à Trèves de longue date, il s'avisa un jour de faire pour son propre compte la police du pays. Il se cachait dans les bois du voisinage avec quelques partisans, surprenait les Germains isolés, leur coupait la tête, et revenait à Trèves pour étaler son sanglant butin. Il finit par se trouver maitre d'une petite troupe, et il s'en vint l'offrir à Julien. Le prince se garda bien de la refuser, il l'inscrivit sans doute sur les rôles officiels, et il autorisa même les fidèles Saliens de Batavie à s'y engager sous les ordres de Charietto[129] ; et ce fut ce hardi compagnon qui, à la fin vainqueur de Chamaves, prépara l'entrée triomphale de Julien sur les terres de ces Francs indociles. Il fut récompensé par le titre de comte d'Empire[130].

Les besognes de police achevées, Julien se trouva prêt pour une offensive de grande allure. Ses expéditions se suivaient et se complétaient en une méthode impeccable. L'année suivante (359), qui fut la quatrième de la guerre, il franchit le Rhin dès l'entrée en campagne[131], et ce fut, cette fois, en amont de Mayence[132] et pour aller le plus loin possible à l'intérieur de la Germanie, traverser de part en part tout le territoire alaman, atteindre même jusqu'aux frontières des Burgondes[133]. Depuis Probus, aucun chef romain n'avait pénétré plus avant sur le sol des Barbares. Si on laissait faire Julien, la Souabe et la Franconie redeviendraient terres latines, et les remparts d'Hadrien et d'Antonin seraient rendus à l'Empire. Déjà le jeune César entendait traiter les rois alamans qui occupaient ce territoire[134], non plus en ennemis que l'on combat, mais en vassaux que l'on oblige à obéir[135].

Car le nouveau maitre de la Gaule songeait moins à la gloire du moment qu'à la sécurité du lendemain. Il crut, et il eut raison de croire, qu'elle dépendrait surtout de la solidité de la frontière. De File des Bataves au coude des Rauraques, toutes les antiques forteresses de Rome furent relevées[136], et Vetera[137] cher à Drusus, et Neuss, et Bonn, et Bingen, et Andernach, et d'autres encore[138]. De robustes fortins furent construits pour barrer les accès de la Meuse inférieure. En Alsace et en Lorraine, Saverne et Sarrebourg tenaient la route du col, de l'un et de l'autre côté des Vosges, sous la protection de leurs remparts formidables. Les gîtes d'étapes sur les grandes routes, les stations de passage aux rivières, étaient transformés en véritables citadelles[139]. Partout, des greniers s'élevaient, garnis de vivres en abondance, prêts à fournir aux troupes la subsistance de vingt jours de campagne en pays ennemi[140]. On ne voyait sur les rives du Rhin que chariots chargés de provisions ou de matériaux[141], soldats transformés en portefaix, en maçons et charpentiers[142], ouvriers militaires en longues files, soutenant sur leurs épaules des poutres de plus de cinquante pieds[143]. Même sur les eaux du fleuve, la vie de travail avait repris ; les convois de blé arrivaient régulièrement de Bretagne[144] ; la flotte était réorganisée[145], surtout avec les vaisseaux venus de la grande île. Tout fut disposé pour franchir le fleuve quand et comme on voudrait[146]. Mayence et Cologne restaurées reprenaient leur rôle de capitales militaires[147], et plus au sud Strasbourg[148] et Augst[149] collaboraient à leur tâche. Près de la mer, es Saliens montaient la garde pour le compte de la Gaule romaine[150]. Au delà du Rhin, des traités d'alliance ou de vassalité garantissaient, sinon la fidélité éternelle, du moins l'impuissance momentanée des Francs et des Alamans ; et à de certains indices on pouvait espérer qu'ils finiraient par préférer le travail de la paix romaine à des brigandages toujours punis.

 

VI. — JULIEN À PARIS.

Chose étonnante, Julien ne s'est pas occupé de Trèves. Avait-il une raison particulière de ne point l'aimer ? Estimait-il plutôt, et avec une certaine raison, qu'avant de lui rendre le prestige d'une résidence impériale, il fallait avoir rétabli un ordre définitif sur cette frontière dont elle était si proche ? Il jugea en tout cas préférable, pour y séjourner dans les mois d'hiver, de choisir une ville de l'intérieur, mais qui ne fût point trop éloignée du Rhin, et qui, par sa situation à un carrefour des grandes routes de Gaule[151], pût aider le prince dans sa tâche de distribuer des ordres et de concentrer des troupes. Après avoir songé un instant à Sens, il se décida pour Paris, et, après la bataille de Strasbourg, depuis janvier 358[152], il passa souvent les mois qu'il n'employa pas à se battre[153].

Julien n'aima pas seulement Paris[154] parce que c'était un poste admirable pour un chef de gouvernement et un général d'armée, mais aussi parce que l'aspect aimable et varié de son sol et de ses paysages plaisaient à son âme de poète. Il y sentit, même l'hiver, la douceur de vivre dans une nature accueillante et au milieu de ces Gaulois cordiaux et francs[155] dont il était heureux de se dire l'ami. Les brises d'ouest, qui tempéraient la rigueur de la mauvaise saison, la Seine aux eaux limpides, fraîches et si bonnes à boire, ces coteaux ensoleillés aux riches vignobles, ces figuiers que les soins des paysans entouraient de paillons pour les soustraire aux intempéries[156], ce vin généreux qui lui faisait maudire la bière[157], c'était un peu pour Julien l'image de sa chère Grèce, une image atténuée et à demi voilée par la brume d'un ciel moins ardent.

A Paris, en son palais de l'île adossé aux remparts[158], il avait beau être mal logé[159], grelotter pendant l'hiver ou risquer l'asphyxie avec ces cheminées gauloises qui tiraient mal[160], il n'en vécut pas moins heureux dans ces longues nuits où, après quelques heures de repos, il partageait sa solitude entre les réflexions d'affaires et les études qui lui demeuraient si chères[161]. Car jamais il ne consentit à n'être qu'un chef d'État. La philosophie, la poésie, la joie de lire et la passion d'écrire, s'étaient trop emparées de son âme dans son enfance difficile, grave et studieuse, pour qu'elles n'en fussent pas demeurées les vraies maîtresses. Et puis, il n'avait pas dépassé trente ans. Lettres à des amis où il parlait à la fois de ses campagnes et de ses rêves[162], poésies sur des sujets à demi frivoles[163], panégyriques traditionnels des empereurs[164], récits détaillés de ses campagnes, hymnes étranges où il célébrait les puissances souveraines du ciel et de la terre[165], revue satyrique de cette histoire des princes où il souhaitait de prendre place à côté de Marc-Aurèle[166], s'échappaient tour à tour de sa parole ou de sa main, pour répandre parmi les lettrés la gloire naissante  de Grec, César à Paris.

Il y vivait très simplement, répudiant ce luxe de cour ou l'on se complaisait depuis Dioclétien. Ses abords étaient faciles, ses audiences de jour innombrables. L'idée de justice ne le quittait pas, tempérée seulement par la peur d'être dur[167].

Dans la mesure où Constance le laissa maître[168], il sut bien gouverner la Gaule[169]. L'impôt foncier fut complètement remanié, et diminué à la base dans la très forte proportion de 25 à 7[170]. On veilla à ne plus accorder ces remises d'arriérés qui ne profitaient qu'aux riches[171]. Il refusa de signer l'édit impérial qui imposait au pays des charges nouvelles[172]. Toute procédure fiscale fut écartée de ces pays de Belgique qui avaient été dévastés par l'ennemi[173]. L'autorité militaire fut surveillée et contrôlée de très près ; et Julien sut rappeler aux chefs d'armée la suprématie du pouvoir civil[174], ce qui était la doctrine du temps, particulièrement chère à l'empereur Constance[175].

Enfin, ce fut sous son règne de Gaule, en 360, que la paix religieuse fut rétablie, et à Paris même.

 

VII. — HILAIRE EN ORIENT.

Je parle de la paix entre les Chrétiens : car, pour les païens, il ne semble pas qu'on s'en occupât beaucoup[176]. A part quelques tracasseries au sujet des sacrifices[177] et des biens de temples[178], Constance et ses évêques les laissaient volontiers tranquilles, au service de Mercure, du Soleil ou de la Mère. Mais cet esprit de tolérance s'évanouissait, dès qu'il s'agissait d'une formule de foi à imposer aux frères des Églises[179].

Hilaire avait quitté la Gaule et s'était installé en Phrygie, lieu de son exil[180]. Entre lui et ceux qu'il soutenait dans la lutte, s'interposerait désormais immensité de l'Empire, de longs mois de voyage et la surveillance de la police d'État. Pourtant, telle était la trempe de son caractère, son besoin d'agir, de connaître et de convaincre, qu'il tira de son malheur des forces nouvelles, et que ces forces, mises au secours de l'Église Universelle, l'armèrent pour le triomphe définitif. Ce champion de la Gaule orthodoxe allait fixer là-bas la tradition de l'unité catholique[181]. Car Constance laissa libre d'agir, et d'agir en évêque.

Ce Latin de Gaule ignorait tout de l'Orient chrétien[182]. Il y vit des Églises innombrables, ayant chacune son histoire, ses héros et ses passions ; un clergé intelligent, bavard, querelleur, en qui l'ardeur à discuter était devenue une seconde nature ; les Chrétiens rompus à toutes les finesses de la philosophie et de la dialectique helléniques ; et des évêques instruits à l'école des sophistes et des rhéteurs, et qui leur ressemblaient ; mais en même temps, le goût de toutes les nouveautés, de pensée ou de conduite, l'initiative d'œuvres belles ou hardies, hôpitaux, asiles, séminaires, ermitages ou monastères[183]. Depuis la chaire de l'orateur platonicien[184] jusqu'à la cellule de l'anachorète[185], toutes les manières de vivre ou de méditer se rencontraient en ce Christianisme d'Asie, tumultueux et créateur, ou sur de très vieilles racines poussaient des frondaisons vers un audacieux avenir. Quel contraste avec ces Églises de Gaule, sans passé, sans ambition, monotones et disciplinées ! Hilaire, je ne doute pas, sut regarder, étudier, comparer et réfléchir.

La question principale qui agitait les esprits était celle de la nature du Christ, ou, comme on disait, de sa substance[186]. Le dogme orthodoxe, celui qu'en tout cas Hilaire avait enseigné et où s'arrêtaient depuis longtemps les Églises de Gaule, était l'identité absolue d'espèce et de durée entre Dieu le Père et Christ le Fils. Pour s'être un jour révélé aux hommes en un corps semblable à eux, le Fils n'en avait pas moins existé de tout temps[187], participant de l'essence du Père, tous deux vivant dans l'éternité en état, suivant le mot consacré, de consubstantialité[188]. C'était ce que niaient les disciples d'Arius : le Christ, pour eux, n'était divin que parce que Dieu lui avait communiqué sa vertu, inculqué ses qualités et inspiré des actes pareils aux siens ; il n'était fils de Dieu qu'au sens de la vie morale et non de la nature : de substance ou d'essence originellement divine, il ne pouvait être question en lui[189]. Ici, chez Arius, c'est la thèse de l'homme illuminé, et, à certains égards, du héros à la manière antique. Là chez Hilaire ou chez Athanase[190], c'est la doctrine des substances divines et éternelles, qui se partagent sans perdre de leur unité[191]. Entre les deux, instant, des esprits avisés, qu'on appela parfois des semi-Ariens, lancèrent l'idée qu'il pouvait y avoir, entre Dieu et le Christ, non pas identité, mais similitude de substance : aux Ariens, ils empruntaient le mot de ressemblance, aux orthodoxes celui de substance ; et ce moyen terme fut imaginé en Phrygie, au temps de l'exil d'Hilaire et pour ainsi dire sous ses yeux[192]. Mais ni lui ni Athanase n'admettaient de moyen terme en matière de dogme[193]. Et la bataille fit rage autour de ces idées, ou plutôt de ces mots[194].

Les conciles se multiplièrent, avec l'assentiment et parfois la présence du prince. On en eut de particuliers à certaines régions, de généraux pour l'Occident ou l'Orient, d'universels pour l'Empire[195]. L'un défaisait la besogne de l'autre. A Sirmium, en 357[196], on condamne le mot de substance, ce qui est la victoire pour les Ariens[197] ; en 358, à Sirmium encore[198], c'est la défaite pour eux, et le triomphe des médiateurs, apôtres des substances semblables[199] ; et voici de nouveau qu'en 359, toujours à Sirmium[200], c'est la similitude à la façon arienne qui parait l'emporter[201]. Mais la même année, à Rimini, les évêques d'Occident se rallient à la foi orthodoxe[202], tandis qu'en Orient, à Séleucie d'Isaurie, l'opinion moyenne reprit faveur, dans un concile[203] où Hilaire put assister[204] et où peut-être il faillit se résigner à la conciliation[205]. Les routes de l'Empire ne voyaient que prélats courant la poste ; elle s'épuisait à les servir[206].

Ce fut en Gaule, tout compte fait, qu'il y eut le plus sagesse, de fermeté, de dignité[207]. Si les évêques tenaient conseil, c'était pour songer à Hilaire, désormais accepté comme leur chef[208]. Saturnin d'Arles demeurait exclu de leur communion, et ses menaces n'avaient plus de prise sur eux[209] ; Julien se refusa peut-être à lui donner son appui et à se mêler de ces affaires et de ces hommes. Rien n'empêchait les prélats fidèles d'écrire à leur frère exilé, de l'interroger sur toutes ces questions qui se débattaient en Orient et qu'ils avaient peine à comprendre. Lui, il leur répondait longuement, se tenant en pieuse sympathie avec eux[210]. Son absence et sa disgrâce politique n'avaient fait que grandir son prestige[211]. Des prêtres, s'inspirant de sa doctrine, écrivaient contre ses adversaires de naïfs traités d'exégèse et de polémique[212]. On prenait modèle sur sa résistance à l'empereur. Quand celui-ci offrit aux évêques Gaule les services de poste et d'hôtel pour se rendre à Rimini, ils refusèrent noblement, et ils voyagèrent par leurs propres moyens[213].

A la fin, tout le monde s'en vint à l'empereur ou lui députa[214]. Hilaire obtint lui aussi de se rendre à Constantinople, et il écrivit un long mémoire pour demander audience[215]. C'était en 360 : il y avait vingt-cinq ans que l'exil d'Athanase avait ouvert le débat, une génération de prêtres s'y était usée. Constance se fatigua lui-même de ces discussions qu'il avait entretenues[216] et il voulut obliger les adversaires à signer une formule proscrivant l'emploi du mot de substance, cause de toutes les querelles[217]. La plupart acceptèrent. Mais il y eut quelques récalcitrants, et parmi eux Hilaire, qui ne pouvait sacrifier le mot solennel où il avait à la fin mis toute son âme[218]. De guerre lasse, en proie à mille soucis politiques et militaires[219], jugeant Hilaire plus dangereux dans cette fournaise d'Orient que dans la Gaule lointaine, Constance le renvoya à son diocèse de Poitiers (360)[220].

 

VIII. — LE PAMPHLET D'HILAIRE CONTRE CONSTANCE.

Avant de quitter Constantinople ou au cours de son voyage, Hilaire écrivit contre Constance le plus virulent pamphlet qu'un Père de l'Église ait jamais lancé contre un adversaire, surtout contre un chef d'État[221]. Cet homme, jusque-là seulement théologien habile et dialecticien consommé, improvisa une satire religieuse d'une violence, d'une verve extraordinaires[222], mais où il eut en outre le mérite de proclamer vigoureusement les droits de la pensée et de la croyance, la liberté du sacerdoce contre l'asservissement à l'Empire, inauguré par le fils de Constantin.

Constance, aux yeux d'Hilaire, est pire que les persécuteurs de l'ancien. temps. Ceux-là au moins, combattaient en face[223], et c'étaient des ennemis francs et déclarés. Avec Constance, c'est la bataille obscure et sournoise. Ses caresses à l'Église ne sont que des gestes de tromperie ou des manœuvres corruptrices. Il ne nous ravit pas l'indépendance en nous chassant vers la prison : il nous l'enlève en nous attirant dans la servitude de son palais. Ce n'est pas notre tête qu'il frappe du glaive impérial : c'est notre cœur qu'il abîme avec son or. Il nous permet la vie du corps : il envoie notre âme à la mort[224].

On sent chez Hilaire une rancune inassouvie contre cet empereur qui soumet le clergé à César, et peut-être aussi contre ce clergé qui s'abandonne au pouvoir et aux attraits de la Cour. Que l'empereur laisse donc les évêques fixer eux-mêmes les dogmes de la religion, et qu'il soit le premier à y obéir. Tu établis des articles de foi, et tu vis contre les règles de la loi. Tu t'improvises docteur, au lieu de te faire disciple[225].

Le clergé n'a à recevoir ni leçons ni ordres ni bienfaits. Ce n'est pas au prince qu'il appartient de donner ou d'ôter les évêchés, d'assembler des conciles. A quoi bon ces invitations de prêtres au palais impérial ? C'est Jésus et Judas mangeant à la même table[226].

Tous ces privilèges accordés à l'Église la conduiront à sa perte. Tu as exempté les évêques du tribut[227] : mais Jésus ne l'a-t-il pas payé lui-même ? Tu as fait don à nos sanctuaires de fortunes enlevées aux dieux païens[228] : mais c'est pour nous inviter à trahir le Christ. Tu renonces en notre faveur au droits de l'État : mais c'est pour nous faire perdre les biens de Dieu. Et le mot décisif est à la fin prononcé : Ne serais-tu pas l'Antéchrist ?[229]

 

IX. — LE TRIOMPHE D'HILAIRE ET LE CONCILE DE PARIS.

Le retour d'Hilaire en Gaule[230] eut pour Constance les mêmes conséquences que l'envoi de Julien comme César : celui-ci qui dérobera l'Empire, celui-là va soustraire l'Église à son influence.

A peine arrivé au delà des Alpes, Hilaire commença ses campagnes. L'un après l'autre, les signataires du formulaire impérial se rétractèrent[231]. Julien, soit par ordre de Constance, soit pour lui faire pièce, n'empêcha rien. Il était toujours chrétien, et Hilaire le regardait comme une âme pieuse. Mais ce genre de théologie le trouvait parfaitement indifférent.

Quand l'œuvre parut à point, une assemblée des évêques de Gaule fut convoquée à Paris[232]. Déjà résidence de César et lieu des concentrations militaires, Paris devient maintenant le sanctuaire où s'établit la foi, l'autel où les Églises de Gaule communient dans l'unité. Nul doute que cette réunion n'ait été connue et acceptée de Julien, et que le choix de Paris n'ait été déterminé par le fait de sa présence ou par l'importance qu'elle conférait à la cité[233].

Cette fois, le dogme traditionnel de l'identité de substance fut affirmé et défini avec une netteté et une énergie que les évêques du concile de Nicée avaient ignorées eux-mêmes. Entre le Père et le Fils, il y a unité de substance, et non pas union de volontés[234]. Fils né du Père, le Christ est Dieu issu de Dieu, Vertu issue de Vertu, Esprit issu d'Esprit, Lumière issue de Lumière. Et ces formules et d'autres, façonnées par la langue latine en expressions vigoureuses et en phrases concises, furent aussitôt adressées aux Églises d'Orient, au nom des évêques de Gaule[235], comme axiomes éternels de la croyance orthodoxe. L'Église Catholique, grâce à la Gaule, trouvait la parole de son dogme[236].

La Gaule n'en déviera plus[237]. Malgré la faveur de nouveaux empereurs ou l'appui de rois barbares, l'Arianisme ne la détournera plus de sa route. Il ne réussira jamais à dominer chez elle, pas plus que la Réforme Protestante, laquelle par moments ne sera pas sans lui ressembler.

Pourtant, il y avait dans cet Arianisme si âprement combattu tant d'éléments de succès et de séductions ! Son Christ, à la fois fils d'une femme et animé par Dieu, créature humaine et d'essence divine[238], pouvait être jugé si proche de la vérité historique, et il était si conforme aux secrets désirs des hommes et à tant de beaux rêves imaginés par les philosophes et les poètes grecs ! Et chez les orthodoxes, d'autre part, cette substance divine qui se dédouble de toute éternité en Père et en Fils, cet Esprit qui s'identifie à elle, ce Père d'où émanent toutes choses, ce Fils Unique par qui tout agit, cet Esprit qui rayonne en tous, cette Trinité qui est une Unité éternelle et incorruptible[239], comme tout cela pouvait paraître de l'irréel, le mystère insondable de l'union des forces invisibles !

C'est peut-être ce mystère, et la magie des mots dont on le revêtait, qui explique d'abord le triomphe de l'orthodoxie catholique. Les âmes allèrent plus volontiers à ce qu'elles comprenaient moins, à ce qui leur paraissait en harmonie avec la nature indéfinissable de la souveraineté divine. Elles voulurent arriver du premier coup à l'opposite des fables païennes, de leur Jupiter père dans les cieux et d'Hercule né de lui sur la terre.

Et puis, cette foi était déjà la tradition. On avait établi qu'elle était inscrite dans le Livre Sacré[240], et le Christianisme consistait désormais à croire selon la lettre de ce Livre. Les gens de Gaule n'avaient jamais eu, pour les subtilités métaphysiques, la passion des Orientaux[241] ; leurs esprits s'y fatiguaient vite : c'étaient des êtres à l'humeur de terre à terre, épris d'idées nettes et vivant au jour le jour d'occupations utiles. Les évêques leurs guides, les apôtres fondateurs de leurs Églises, avaient dicté en assemblées solennelles les principes de leur foi, et ils les avaient tirés des Saintes Écritures. Il fallait les accepter de confiance : c'était plus sage et plus facile, et c'était aussi un devoir d'obéissance.

 

X. — JULIEN PROCLAMÉ EMPEREUR À PARIS.

Ces journées de Paris, au cours de 360, furent décisives pour l'histoire du monde. Hilaire rétablissait l'unité de l'Église, et Julien se laissait proclamer empereur.

Au printemps, Constance, en guerre avec la Perse, enjoignit à son cousin de lui envoyer d'urgence quelques-unes de ses meilleures troupes[242]. Déjà des corps de Gaulois servaient en Orient, et ils y avaient accompli des merveilles[243]. Constance, sans l'appui de soldats de cette sorte, doutait de la victoire.

Mais les enlever à la Gaule, c'était la dégarnir, ouvrir de nouveau la frontière aux Barbares[244] : le pays ne s'était sauvé, sous Julien et sous le premier Constance, qu'à la condition de songer uniquement à son propre salut.

A côté de cette raison d'ordre supérieur, Julien avait de particuliers motifs pour garder ses hommes. Les uns, mariés et pères de famille, habitaient près de la frontière, et ils ne partiraient qu'avec l'angoisse d'exposer à l'ennemi leurs êtres les plus chers[245]. Les autres étaient des Barbares enrôlés au delà du Rhin, et leurs contrats de service portaient qu'ils n'auraient pas à franchir les Alpes[246].

Julien obéit pourtant. Un détachement de soldats d'élite partit pour l'Orient, sans difficulté[247]. Mais quand il s'agit d'expédier les grosses troupes de l'infanterie de ligne, l'émeute commença à gronder[248]. Le prince eut beau permettre aux soldats d'emmener avec eux femmes et enfants[249], les recevoir à Paris[250], multiplier les prévenances pour les chefs et les conseils pour les hommes[251]. Rien n'y fit. La nuit, le palais fut investi par les troupes en armes[252]. Le matin, lorsque Julien se montra, il fut salué du titre d'Auguste[253].

Comme tant d'autres avant lui, Julien n'avait plus le choix qu'entre la mort et l'Empire. S'il échappait à ses soldats, il n'échapperait pas à Constance. Le suicide dut effrayer sa jeunesse ardente à la vie. En acceptant d'être l'empereur de la moitié du monde, il réaliserait ces rêves de gloire qui étaient au fond de lui. Depuis cinq ans qu'il était maître en Gaule, l'ancien élève des rhéteurs avait pris le goût et le sens de l'action et l'habitude de gouverner. Devant lui passaient de nobles et séduisantes images, qui l'invitaient à tenter le bonheur de l'Empire, et celle de Marc-Aurèle le guide de son âme[254], et celle du Génie du Peuple Romain, qui l'appelait à son secours[255].

Il se résigna donc aux gestes solennels et redoutables de l'inauguration impériale[256]. La pourpre revêtit ses épaules[257], un simulacre de diadème fut placé sur son front[258], il fut hissé sur le bouclier d'un soldat[259], et l'acclamation d'Auguste retentit dans un fracas de tempête[260]. Ce fut ensuite[261] l'assemblée d'apparat, l'armée entière convoquée au Champ de Mars[262], une large estrade dressée au milieu de la place, les étendards, les enseignes et les aigles[263] déployés au sommet, l'empereur debout au milieu, l'allocution prononcée d'une voix sonore comme un clairon de bataille[264], et la foule des soldats applaudissant en frappant les boucliers de leurs lances[265].

Tout cela n'allait pas sans de cruels déchirements en l'âme du prince. Par moments, il se retirait dans une solitude farouche, rejetant le diadème, refusant de s'occuper de rien[266]. Il fallait cependant agir, éviter avant tout la guerre civile. Julien envoya une ambassade à Constance, pour demander la reconnaissance de son titre et le partage de l'Empire[267]. D'ailleurs, sa situation devenait chaque jour plus forte et plus légitime. Aucune défection ne se produisit dans l'armée[268]. La cité de Paris, avec laquelle il fallait compter, n'avait point hésité à l'accepter[269]. De toutes les provinces de la Gaule arrivaient des adhésions[270] : on y était sans doute à la joie de faire un empereur.

 

XI. — JULIEN QUITTE LA GAULE.

La réponse de Constance, qui parvint à Paris après de longues semaines[271], fut une fin de non-recevoir absolue : Julien devait se contenter du titre de César[272]. Le jeune empereur réunit encore l'armée au Champ de Mars, et cette fois la population civile fut appelée à côté des troupes[273]. Julien, dominant la multitude du haut de son tribunal, ordonna la lecture de la missive impériale. Les assistants y répondirent en acclamant en chœur le nouvel Auguste, et au nom de l'armée, et au nom des provinces, et au nom de la cité de Paris[274]. Ce fut une seconde et définitive consécration.

Julien n'en adressa pas moins un autre message à Constance[275]. Mais, sentant bien que la guerre civile était inévitable, il mit d'abord tout en œuvre pour que la Gaule n'en souffrit poing.

Il quitta Paris[276], où il ne devait plus revenir, se porta rapidement sur le Rhin du côté de Xanten[277], le franchit à l'improviste, massacra tout ce qu'il put de Francs sur l'autre rive, puis retourna sur ses pas[278], et, depuis Pile batave jusqu'à Augst, il inspecta garnisons et forteresses[279]. Quand toute chose lui parut en état, il se rapprocha des Alpes, et descendit sur Vienne[280], d'où il était parti cinq ans auparavant.

À Vienne, il célébra cette cinquième année de pouvoir avec toute la pompe impériale[281], et il assista, comme à son ordinaire, à la fête chrétienne de l'Épiphanie[282]. Vienne, après Paris, était sa ville préférée dans les Gaules.

Mais l'heure critique du départ approchait. De nouveau, il pensa au Rhin, qui était sa préoccupation dominante. Constance, disait-on, avait eu la pensée abominable de travailler les Alamans pour qu'ils fissent la guerre à Julien[283]. Celui-ci prit les devants[284], et il alla une fois de plus sur la rive droite pour donner aux Barbares une leçon salutaire[285]. Enfin, d'Augst où il se trouvait, il partit pour le Danube, qui le conduirait en Orient[286]. Mais il laissait la Gaule sous l'abri de forteresses toutes neuves, sous la protection d'une armée encore nombreuse[287] aguerrie et réconfortée par la victoire, sous la garde de deux généraux de valeur, le Franc Charietto, comte à la frontière du Rhin[288], et le Romain Jovin, maitre de la milice par tout l'Occident[289]. Et surtout, il laissait les Barbares terrifiés par ces cinq années de défaites, ce Rhin franchi cinq fois[290], fait d'armes que l'histoire ne pouvait célébrer chez aucun autre des chefs de Rome, pas même César, Drusus ou Germanicus.

 

XII. — L'ŒUVRE IMPÉRIALE DE JULIEN.

La mort subite de Constance[291] empêcha la guerre civile ; et Julien, maître sans combat de tout l'Empire, réalisa, comme par la volonté du Génie de Rome, le plus grandiose de ses rêves.

Je crois qu'il en fut troublé. Une excessive confiance en lui-même, en ses forces et en son destin, le saisit et le poussa à de plus audacieuses entreprises. On ne reconnaît plus en lui la prudence et la sagesse qu'il avait montrées dans ses belles années de Gaule. La crainte de Constance avait été un frein utile à sa jeunesse. Elle est maintenant livrée tout entière à ses ambitions.

Elles étaient d'ailleurs d'espèce supérieure. Julien avait résolu de restaurer l'ancienne religion, de réformer l'administration de l'Empire, de relever la gloire militaire de Rome. C'était renouveler Auguste, mais sans Actium et sans Arminius.

Je ne peux m'indigner de sa tentative pour remettre en honneur les cultes païens. Il n'était chrétien que de nom[292] ; sa conviction profonde le ramenait à l'hellénisme : et toute œuvre de sincérité mérite le respect. Je n'admets pas qu'on lui inflige le nom d'Apostat, qui porte en soi les stigmates du péché.

La religion qu'il préconisait n'était nullement l'adoration vulgaire et triviale des dieux de la mythologie. Elle s'adressait à la fois aux principes souverains qui avaient façonné et animé le monde et qui le faisaient vivre, la Terre et le Soleil, mère, père et maîtres de tout[293], et aux milliers de formes charmantes dont la poésie hellénique avait revêtu les innombrables créations de la vie et de la pensée ; et son culte, dans le respect qu'il accordait aux images, était moins un fait d'idolâtrie et de superstition qu'une suprême reconnaissance envers les lettres et l'art de la Grèce[294]. Et c'est à dessein qu'il donnait le nom d'hellénisme à sa foi et à sa piété[295].

Je comprends que le Christianisme ait pu lui déplaire. La nouvelle religion traversa sous Constance les pires années de sa vie. Il n'y avait alors dans ses croyances ni la force de l'unité ni la liberté des pensées individuelles. On s'y querellait sans fin sur le seul mot de substance ; et c'était, à propos de ce mot, injures, violences et proscriptions. Les évêques pullulaient à la cour, aussi nombreux que des chambellans, flagorneurs et quémandeurs à souhait. C'était à qui, sous prétexte de sacerdoce, se dégagerait des devoirs et des charges civiques. La littérature de ces prêtres était pitoyable d'ennui. Sauf le pamphlet contre Constance, les écrits d'Hilaire rebutent par leur longueur, par des redites continues, des gloses insipides, des raisonnements interminables sur des abstractions à peine compréhensibles[296]. Quelle différence d'avec les œuvres de Julien, courtes, variées, vivantes, pleines d'imprévu, riches en observations sur les hommes et les choses !

L'empereur, il est vrai, apporta dans ce conflit ces malices, ces bavardages, ces puérilités dont il ne sut jamais se départir ; et il parla trop souvent en enfant, tandis qu'il projetait des œuvres très graves. Mais ce n'est point une raison pour lui faire un crime des trois principales mesures qu'il prit contre les Chrétiens.

Par l'une, il obligeait les prêtres à accepter leur part des impôts d'État et des charges municipales[297] : c'était l'égalité dans les devoirs publics qu'il imposait à tous les citoyens de l'Empire[298]. — Par une autre, il rendait aux cités ceux des biens des temples que Constance avait concédés aux Églises chrétiennes[299] : c'était une restitution légitime, nécessaire pour soutenir les ressources des municipalités[300]. — Par la troisième, il interdit aux maîtres chrétiens l'enseignement dans les écoles[301] et cette mesure, plus que les autres, a toujours paru odieuse, même aux païens[302] : mais n'oublions pas que Julien croyait aux dieux de la Grèce, qu'Homère et Virgile étaient alors inséparables de ces dieux, que l'Iliade ou l'Énéide étaient pour les fidèles de la tradition païenne comme les livres de leur foi, les saintes écritures de leur religion, et que les confier aux commentaires des Chrétiens, c'était favoriser l'Église dans son œuvre de combat et de propagande[303].

On a dit encore que s'il permit aux évêques de suivre chacun la formule de sa croyance[304], ce fut par pure malignité, parce qu'il savait qu'une fois libres ils se disputeraient plus que jamais[305], étant, disait-il, pires que des bêtes pour s'acharner contre des hommes[306]. — Mais Julien n'empêcha jamais les prêtres et les fidèles de pratiquer entre eux l'entente fraternelle promulguée par le Christ[307].

Il n'avait pas l'âme d'un persécuteur : lui qui épargna la vie des rois barbares, violateurs des traités[308], lui dont tous les écrits respirent le besoin d'être aimé et le désir de plaire aux hommes[309], il eût repoussé avec horreur l'exemple d'un Decius ou d'un Maximien. S'il y eut sous son règne des violences contre les Chrétiens (et je doute fort qu'on en ait vu en Gaule[310]), rejetons-en la faute sur des chefs de bureaux ou sur la foule excitée par des passions vulgaires[311]. Mais il n'en était pas moins vrai que sa tentative était imprudente et inutile[312], l'illusion généreuse d'un jeune lettré qui n'avait pu encore comprendre les leçons de l'histoire et la force des événements, la marche du Galiléen vers son triomphe, si lente autrefois, si rapide maintenant[313].

L'esprit de parti et surtout de caste a également discuté ou travesti l'œuvre administrative de Julien. On. lui a reproché les mesures énergiques prises pour réveiller ou renforcer la vie communale, astreignant au service des curies ou aux magistratures locales ces milliers de privilégiés qui s'en évadaient chaque jour, vétérans, prêtres chrétiens, nobles, étrangers, embusqués de toute sorte[314]. Mais Julien avait dû comprendre en Gaule que la cohésion interne de l'Empire, sa capacité de résistance et de résurrection, venait surtout de ces organismes municipaux, qui depuis plus de mille ans avaient survécu à toutes les révolutions[315].

L'amour de la gloire, de la sienne propre et de celle de Rome, l'a entraîné dans cette guerre de Perse où il devait mourir à trente-trois ans. Mais ce n'est pas lui qui a provoqué cette guerre, et l'on a vu que Constance s'y était déjà engagé.

Ces derniers actes de Julien intéressent à peine la Gaule. Elle ne connut la guerre de Perse que par les bonnes troupes qu'elle y envoya, et qui, après avoir refusé d'y rejoindre Constance, acceptèrent d'y suivre leur jeune empereur. Les réformes administratives ne la visèrent point directement. Et je ne sais si le paganisme y profita sérieusement de la faveur du prince, et si Hilaire et ses amis eurent à souffrir de tracasseries : j'ai plutôt l'impression qu'ils vécurent libres et actifs sous ce maitre dont ils avaient jadis vanté l'esprit religieux. — Il fallait cependant rappeler ces dernières œuvres et ces suprêmes années de l'empereur Julien[316] : car c'est en Gaule que son âme, noble entre toutes, s'est formée a son métier de souverain, et c'est de là qu'il est parti pour conquérir l'Empire. Le lien d'affection qui l'unit aux hommes de cette terre ne se rompit jamais. Il aima toujours à se souvenir des journées charmantes qu'il avait vécues au milieu d'eux. Dans la longue série des empereurs romains, aucun n'a parlé de notre pays et de nos ancêtres avec plus de poésie et plus de sympathie. Ce Grec spirituel et bon s'était fait le fils adoptif de la Gaule[317].

 

 

 



[1] Flavius Julianus ou (peut-être seulement comme Auguste) Flavius Claudius Julianus. — En dernier lieu, Bidez et Cumont, Juliani imperatoris epistutæ, leges, etc., 1922 (constitue un excellent répertoire des écrits et actes de Julien). En outre : de La Bletterie, Vie de l'empereur Jovien, etc., éd. de 1746 ; Sievers, Studien zur Geschichte der Rœmischen Kaiser, 1870, p. 225 et s. ; Schwarz, De vita et scriptes Juliani, Bonn, 1888 ; Koch, Kaiser Julian, Leipzig, 1899 (Jahrb. fur class. Phil., Suppl., XXV ) ; Negri, L'Imperatore Giuliano l'Apostata, Milan, 1901 ; Allard, Julien l'Apostat, 3 vol., 1900-1903 (3e éd., 1906-10) ; Geffcken, Kaiser Julianus, 1914 (collection das Erbe der Atten), von Borries, Julianus, dans la Real-Encyolopædie, X, 1917. — Sauf pour les affaires religieuses, connues par les œuvres d'Athanase et d'Hilaire et par la Chronique de Sulpice Sévère, nos renseignements sur Julien en Gaule remontent surtout à Julien lui-même, soit à ses lettres et discours, soit au livre (βιβλίδιον) qu'il écrivit sur ses campagnes, en insistant sur celle de Strasbourg (Eunape, fr. 9, Muller chez Didot, IV, p. 16 ; Bidez et Cumont, p. 212-3), livre aujourd'hui perdu, mais très fidèlement résumé par Ammien Marcellin. Libanius s'en est servi, et nous devons à cela quelques détails qui manquent à Ammien : mais il les enveloppe d'une phraséologie qui les rend parfois inutilisables, et il supprime délibérément toutes les précisions de lieux, de temps et de personnes ; le contraste est absolu entre le rhéteur grec et les rhéteurs gaulois, qui ont su conserver le sens exact et l'enchainement des événements. Eunape et Zosime (cf. l'édit. Mendelssohn, 1887) s'inspirent moins de Julien que des mémoires d'Oribase (ύπόμνημα, Eunape, fr. 8, p. 13, Didot, IV), le dernier par l'intermédiaire d'Eunape. Cf. Hecker, Zur Geschichte des Kaisers Julianus, progr. de Kreuznach, 1886 ; Koch, De Juliano imperatore scriptorum qui res in Gallia ab eo qestas enarrarunt auctore disputatio, Arnhem, 1890 ; etc.

[2] Sans doute à la fin de 331 ; cf. Ammien, XXV, 3, 23 ; Julien, Epist., 51, p. 172, Bidez et Cumont.

[3] Cf. Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 271 et s., Sp.

[4] Cf. Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 271 et s., Sp.

[5] Voyez l'entourage que lui imposa Constance ; Epist. ad sen., p. 281 d, Sp., p. 282 a.

[6] Voyez son portrait par Ammien, XXV, 4 ; et lisez ses lettres (en particulier dans la traduction avec commentaire, de Bidez, 1924).

[7] Voir surtout l'Epistola ad senatum populumque Atheniensem, dans l'édit. Hertlein, Leipzig, 1875-6 (l'édition Spanheim, dont on cite couramment la pagination, est de 1696).

[8] Iliade, V, 83 (Ammien, XV, 8, 17).

[9] Ammien, XV, 8, 4-14.

[10] La route de Pavie à Turin ; 1er décembre 355 ; Ammien, XV, 8, 18.

[11] Ammien, XV, 8, 18.

[12] Ammien, XV, 8, 19.

[13] Julien, Ep. ad sen. Ath., p. 277 d, Sp. ; Libanius, Orationes, XVIII, § 37, p. 252, F. Ce dernier dit que ces soldats étaient les plus misérables des hommes : il y a là peut-être l'inintelligence d'un texte de Julien (p. 281 d), parlant de son entourage politique.

[14] Avant le 1er janvier et après le 1er décembre. Ammien nous explique comment on passait alors les Alpes (XV, 10, 5).

[15] Ce qu'indiquent les points de départ et d'arrivée, Turin et Vienne. Le col du mont Genèvre était devenu de beaucoup le plus usité dans ce siècle ; lorsque les soldats de Gaule songeaient à envahir l'Italie, ils parlaient de franchir le Genèvre (Alpes Cottiæ, Ammien, XV, 5, 29). Ammien ne parle que de ce col (XV, 10, 2-3).

[16] Ammien, XV, 8, 21.

[17] Ici, ch. II, § 3 ; ch. III, § 6.

[18] En outre, elle était la métropole de la Viennensis (t. VIII, ch. I, § 4), et, sans doute, soit le siège du vicaire du préfet du prétoire des Gaules (id.), soit même la résidence occasionnelle de ce préfet (Ammien, XV, 11, 14 ; XX, 4, 6 ; XX, 8, 20).

[19] Ammien, XVI, 2, 1 ; Libanius, Orat., XII, § 44, p. 23. Remarquez que Julien ne séjournera de ce côté jamais à Arles, mais toujours à Vienne (cf. Ammien, XX, 10, 3 ; XXI, 2, 2), et que c'est à Vienne qu'il inaugure son premier consulat, 1er janvier 356 (XVI, 1, 1), ce qui est significatif.

[20] Julien, Misopogon, p. 342, 359, 360, Sp., en particulier p. 360 c. Voyez encore, dans l'Ad Sallustium ses efforts voulus, sans doute inspirés par Salluste, pour plaire aux Gaulois, comme un Grec juste et vertueux, sachant bien parler et expert en philosophie.

[21] Ammien, XV, 8, 21-22 ; Libanius, ibid. ; Orat., XVIII, § 40-41, p. 253-254 voyez l'épisode de la couronne qui lui tombe accidentellement sur la tête à l'entrée de la ville [Vienne ?]).

[22] Voyez la solennité avec laquelle Ammien, au livre XVI, commence le récit du règne de Julien en Gaule. De même, Zosime, III, 2, 7-8 (par Eunape et Oribase).

[23] Pour bien montrer qu'il demeurait le vrai souverain, Constance avait fait accompagner Julien par son image, laquelle ne devait jamais le quitter (Epist. ad sen. Ath., p. 278 a, Sp.).

[24] Dans le premier semestre de 356 ? Sulpice Sévère, Chron., II, 39, 2.

[25] Voyez le mot d'Hilaire, Ad Const. I, § 3. Même Rhodanius de Toulouse, qui allait être exilé avec Hilaire, est dit par Sulpice (II, 39, 7) natura lenior, qui non tam viribus suis quam Hilarii societate non cesserat.

[26] Gallias nostras Saturninus Arclatensium episcopus, homo impotens et factiosus, premebat ; Sulpice, Chr., II, 40, 4 ; Hilaire, Ad Const. II, § 2, Patr. Lat., X, c. 566 ; fragm., 2, 18, c. 644 (p. 141, Feder) ; De synodis, 2 ; Contra Auxentium, 7.

[27] Sulpice, Chr., II, 39, 7 ; Hilaire, Ad. Const. II, § 2. Sans doute à la fin de 356. C'est en ce temps-là avant son départ pour l'exil, que Martin vint se mettre sous sa direction ; Sulpice, Vita Martini, 5, 1 ; cf. Revue des Études anciennes, 1911, p. 271-272 ; Vita Marti, § 34. Rhodanius mourut en exil ; Chr., II, 45, 9.

[28] Mêmes textes ; cf. Gallias premebat Saturninus. — Douais, L'Église des Gaules et le Conciliabule de Béziers, Poitiers, 1875.

[29] Il est possible qu'il ait assisté au concile. Mais remarquez qu'Arles est tenue à l'écart ; ni Julien n'y réside, ni le concile n'y est convoqué.

[30] Cf. Hilaire, Ad Const II, § 2.

[31] Sur les campagnes de Julien, outre les livres généraux et ceux sur la bataille de Strasbourg : von Borries, Die Quellen zu den Feldzugen Julians, etc., dans Hermes, XXVII, 1892, p. 170 et s. ; Cramer, Die Geschichte der Alamannen (collection des Untersuchungen de Gierke, LV1I), Breslau, 1809, p. 88 et s.

[32] Peu avant le 24 juin, où il arriva à Autun (Ammien, XVI, 2, 2).

[33] Ammien, XVI, 2, 4.

[34] Ammien, XXV, 3, 5 ; XXV, 4, 10.

[35] Cf. t. VIII, ch. II, § 12.

[36] Encore qu'Ammien (XXV, 4, 1 et 11) vante sa scientia rei militaris.

[37] Ce fut évidemment la grosse préoccupation de l'hiver ; cf. Libanius, Orat., X11, § 44., p. 24, F.

[38] Je suppose qu'Ursicin a été renvoyé en Gaule dès la fin de 355 pour y reprendre le commandement sur son vicaire Prosper. Nous le trouvons en juin-juillet 356 à Reims, où il préside à la concentration des troupes avec l'ordre (de Constance ?) de rester (en Gaule) adusque expeditionis finem (Ammien, XVI, 2, 8). Il devait être remplacé, comme magister equitum en Gaule, par Marcellus (XVI, 2, 8), imposé par Constance (cf. Eunape, fr. 8, p. 16, Didot). Celui-ci, médiocre et révoqué par Constance (XVI, 7, 1), fut remplacé au début de 357 par Severus (XVI, 11, 1), qui se montra longtemps bellicosus et industrius (XVII, 10, 1). Ils n'étaient chacun que magister equitum, la charge supérieure de magister peditum ayant été dévolue, après Silvain, à Barbatio, restant près de Constance (XVI, 11, 2).

[39] Julien reconnaît lui-même que, du moins au début, il n'avait pas la direction des affaires ; Ép. ad. sen. Ath., p. 281 c, Sp.). — Une place à part doit être laite, parmi les conseillers et collaborateurs de Julien, à son ami personnel Salluste, Flavius Sallustius, originaire de Gaule (cf. Ad Sall., p. 252, Sp.), et qui parait avoir été un des magistri de son palais. Sur sa collaboration intime avec Julien, voyez tout l'Ad Sallastium (Orat., VIII) et l'Epist. ad sen. Ath., p. 282., Sp. Constance le rappela un instant par jalousie (ibid.), mais le renvoya ensuite à Julien, qui devait en faire le préfet des Gaules. C'est l'individualité gauloise la plus intéressante de ce temps, et la manière dont Julien lui parle naïvement de ses efforts pour plaire aux Gaulois (Ad Sall., p. 252, Sp.), montre bien que Salluste a été pour beaucoup dans la popularité du jeune prince en Gaule, le véritable trait d'union entre lui et le pays (p. 252, Sp.).

[40] De manière, sans doute, à commencer la campagne en juillet, unde sumunt Gallicani procinctus exordia (XVII, 8, 1).

[41] Au printemps de 356 ?

[42] Ammien dit que Julien arriva à Autun le 24 juin (octavum kalendas julias ; XVI, 2, 2) : cela me parait bien tard. Il a peut-être confondu avec la date ordinaire des concentrations militaires pour la Gaule, qui semble avoir été précisément le 24 juin (voyez Cassiodore, Variarum, I, 24 : exercitum ad Gallias constitiumus destinare... VIII die kal. juliarum proxime veniente).

[43] Je le suppose, en appliquant dès la marche vers Autun le texte d'Ammien, per diversa palantes barbaros ubi dedisset fors copiam adgressurus (XVI, 2, 2).

[44] Ammien, XVI, 2, 3-4. On hésita entre trois routes : 1° celle par Sedelaucus (Saulieu) et Cora (le passage de la Cure au gué du Port près Saint-Moré), qui est sans aucun doute la grande route de la poste (Itin. Ant., p. 360, W.) ; 2° une route par Arbor [le nom doit être exact ; cf. Éduen Arborius, Ausone, Prof., 6, 3], qui doit être un chemin faisant détour par la route de Langres pour rejoindre à Arnay-le-Duc (ou peut parfaitement être Arbor) le vieux chemin de Chalon à Sens, ou encore pour rejoindre à Sombernon, sur cette même route de Langres, quelque chemin venant de l'est et conduisant encore à Sens ; 3° des chemins de traverse [vias conpendiosas, le pluriel pour le singulier] boisés et difficiles, où je vois le vieux sentier direct d'Autun à Avallon (et Auxerre) par Quarré-les-Tombes. C'est ce dernier que prit Julien afin de suivre l'exemple de Silvain.

[45] Julien n'emmena avec lui que des cataphractaires (cavaliers) et des balistaires (fantassins de l'artillerie). L'emploi de ces armes lourdes pour une expédition de vitesse est du reste assez surprenant ; Ammien le marque lui-même très nettement (parum idoneis,... gravitate præpeditus armorum ; XVI, 2, 5 et 6).

[46] XVI, 2, 6-7.

[47] XVI, 2, 7.

[48] XVI, 2, 8 ; route de Troyes, Châlons, Reims, où l'on trouva l'armée, Ursicin et Marcellus.

[49] XVI, 2, 9 ; Tarquimpol ou Decempagi, sur la route directe de Reims à Metz, au col de Saverne et à Strasbourg. Le camp dû être quelque part entre Tarquimpol et Sarrebourg.

[50] Voyez le pays ; cf. les deux notes suivantes.

[51] Ammien parle de brouillard, dies umectus et decolor ; XVI, 2, 10.

[52] XVI, 2, 9-11. Libanius (Or., XVIII, § 45, p. 235, F.) dit que l'attaque eut lieu au sortir d'une forêt (voyez le pays entre Tarquimpol et Sarrebourg).

[53] Nec sine insidus putans, etc. ; XVI, 2, 11.

[54] Providus et cunctator ; XVI, 2, 11.

[55] XVI, 2, 12. Saverne doit être, bien plutôt que Brumath, le τείχος que Julien dit alors avoir reconquis ; Epist. ad sen. Atn., p. 279 b, Sp.

[56] Je suppose que Julien, de Saverne, a dû, par un chemin latéral (dominant la Zorn), marcher sur Brumath pour occuper la grande route qui de Strasbourg descend vers Mayence (XVI, 2, 12). — C'est sans aucun doute à ce moment que Constance, de son côté, franchit le Rhin en venant par la Rétie ; XVI, 12, 15 et 16 ; 'Ρηνόν τε γεφυρούμενον, dit Thémistius, Orat., IV, p. 68, Dindorf ; καί ναυσί, Julien, Orat., III, p. 129, Sp. (il ne peut s'agir, m'écrit Stæhelin, que du pont voisin de Tasgætium, Eschenz ; Corp., XIII, II, p. 50). Et tout ceci est en quelque façon un premier essai de la double manœuvre qui devait conduire en 357 à la bataille de Strasbourg, manœuvre qui du reste n'était possible qu'après que Julien se serait assuré de toute la ligne du Rhin en aval de Strasbourg. Tout cela me parait fort bien combiné. — Et il est en outre possible qu'il y ait eu quelque entente des Romains avec les Burgondes (cf. Ammien, XVI, 12, 16), conformément à la politique traditionnelle des empereurs.

[57] Je viens d'indiquer le motif de cette direction prise par Julien (n. précédente).

[58] Ammien écrit, à propos de cette marche, cette phrase énigmatique (XVI, 3, 1) : Per quos tractus nec civitas ulla visitur nec castellum nisi quod apud Confluentes... Rigomagum oppidum est et una prope ipsam Coloniam turris. J'interprète visitur dans le sens de est vue debout, tout ayant été détruit, sauf Rigomagus (Remagen) et une tour prés de Cologne. Visitur provient sans doute de ce qui Ammien accompagna Ursicin dans cette campagne.

[59] Ammien, XVI, 3, 1-2 ; Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 279 b, Sp. ; Libanius, Orat., XVIII, § 46-47. Libanius parle ici, avec ses à peu près coutumiers, d'une ville reconstruite et fortifiée à nouveau et d'une autre réconfortée : je suppose qu'il s'agit de Cologne et Trèves, ταΐν μεγίσταιν.

[60] Cf. n. précédente.

[61] Julien n'a même pas avec lui sa garde d'élite, Scutarii et Gentiles (XVI, 4, 1).

[62] Par Trèves (XVI, 3, 3), Metz et Reims ?

[63] En particulier le magister equitum Marcellus (XVI, 4, 3).

[64] Ammien, XVI, 4 ; Julien, Epist. ad sen. Ath, p. 278 b, Sp.

[65] Outre les livres généraux sur Julien et ses campagnes et sur l'Alsace (en particulier Schœpflin, trad. Ravenez, II, p. 401 et s.) : J. G. Schweighœuser, Énumération des monuments... du Bas-Rhin, 1842, Strasbourg, p. 41 et s. ; Felix Dahn, Die Alamannenschlacht bei Strassburg, Brunswick, 1880 ; Kaufmann, Deutsche Litteraturzeitung, V, 1884, c. 940-3 (bonne défense des premières études de Wiegand) ; Necker, Die Alamannenschlacht bei Strassburg, dans Jahrb. für class. Phil., CXXXIX, 1889, p. 59 et s. ; Wiegand, Die Alamannenschlacht etc. surtout dans Beiträge zur Landes- und Volkeskunde von Elsass-Lothringen, III, 1887 ; le même, dans Westdeutsche Zeitschrift, VII, 1888, p. 63 et s. ; Nissen, même Zeitschrift, VI, 1887, p. 319 et s. ; von Barries, Die Alamannenschlacht des Jahres 357, etc., dans Jahresbericht der Neuen Realschale zu Strassburg de 1892 (programme) ; le même dans Westdeutsche Zeitschrift, XII, 1893, p. 242 et s. ; etc.

[66] C'est évidemment pour garder ce col que les Alamans avaient établi leur campement des abords de Tarquimpol.

[67] J'interprète ainsi l'expression si caractéristique d'Ammien, multitudine geminata nostrorum forcipis specie trusi in angustias ; XVI, 11, 3.

[68] Il fut sans doute dès lors investi de l'autorité militaire souveraine, avec Severus pour magister equitum ; Ammien, XVI, 10, 21 ; 11, 1 ; Epist. ad sen. Ath., p. 278 d, Sp. ; Libanius, Or., XVIII, § 48, p, 257, F.

[69] XVI, 11, 11 et 14. Il fallut d'abord reconstruire les remparts, et Ammien remarque justement à ce propos que Saverne avait été fortifiée pour garder l'intérieur de la Gaule, intima Galliarum.

[70] Sous les ordres du maitre de l'infanterie Barbation, avec un effectif de 25.000 hommes (XVI, 11, 2). — Barbation abrita son armée, en venant d'Augst, derrière un retranchement préexistant, qu'Ammien appelle vallum Gallicum (11, 14) : il doit s'agir de quelque levée disposée en avant de Bâle et fermant la route de Strasbourg à Augst et peut-être aussi (11, 6) celle de Besançon à Kembs sur le Rhin, levée probablement construite en 355 par les habitants du pays pour arrêter les incursions des Alamans : d'Huningue vers Altkirch ?

[71] XVI, 11, 8-10 et 14 (stationes prætendit agrarias). On avait préparé, pour atteindre les campements des îles, un pont de bateaux : mais ce pont ayant été détruit (par le mauvais vouloir de Barbation, dit Ammien ; par l'ennemi, dit Libanius, Orat., XVIII, § 50, p. 258, F.), on put passer à gué le premier bras du Rhin (on était en plein été, torrida æstate). L'essentiel fut fait là pour le compte de Julien, par des vélites auxiliaires [les Cornutes ?] commandés par Bainobaudes, tribun des Cornutes. Il s'agit surtout d'une grande île, entre Bâle et Brisach ?

[72] Ammien appelle cette bande Læti barbari (11, 4). Il s'agit donc de Germains (Alamans ou Francs ?) domiciliés en Gaule (sur le plateau de Langres ? en Lorraine ? en haute Alsace ? et peut-être les mêmes que ceux de Magnence ?). Ils auraient rejoint les Alamans au cours de leurs incursions depuis 354.

[73] Inter utriusque exercitus castra, XVI, 11, 4. Par la trouée de Belfort ? Le camp de Julien avait pu être porte un instant du côté de Colmar, Strasbourg n'ayant pas encore été fortement occupé par les Alamans.

[74] Il semble même qu'ils purent entrer un instant dans la ville : invasere Lugdunum incautam... clausis aditibus repercussi ; XVI, 11, 4. Les remparts, comme ceux d'Autun, devaient être en fort mauvais état.

[75] Ammien parle de trois chemins de retour, tria itinera (XVI, 14, 5). Comme il s'agissait pour les Lètes de rejoindre le Rhin, ce doivent être les deux routes de Besançon à Kemps et à Brisach et sans doute un chemin direct (venant de Langres ?) vers Bâle.

[76] Sur le chemin (de Langres ?) vers Bale ? à travers le vallum ? La faute en fut à Bainobaudes et à Valentinien, envoyés par Julien, mais tous deux induits en erreur par un officier de Constance (XVI, 11, 6). Ammien place l'affaire avant le nettoyage de l'Alsace, ce que j'ai peine à accepter.

[77] Ammien dit même qu'il s'enfuit au delà (ultra quod potuit) et rejoignit l'empereur, considérant la campagne comme terminée ; XVI, 11, 14 ; Libanius, Orat., XVIII, § 51, p. 258, F.

[78] Il dut revenir à Saverne ; je place en partie après ce départ de Barbation ce que dit Ammien de Julien, conversus ad reparandas Tres Tabernas (XVI, 11, 11 et 14 ; cf. retrocessisse, 12, 1).

[79] Princeps audendi periculosa ; 12, 4.

[80] Près de Strasbourg (prope Argentoratum urbem), en direction de Saverne ou est Julien (XVI, 12, 1). Le campement devait être barré du côte de cette route, après les dernières pentes des Vosges (vias clivosas), par des amoncellements de troncs ou de grosses branches (XVI, 11, 8) : c'est le vallum barbaricum, situé, dit Ammien (12, 8), à la XIVe lieue en partant de Saverne (21 milles, 31 kil.), et cela représente la distance légale, et d'ailleurs exacte (Int. Ant., p. 240, W.), entre Saverne et Strasbourg. — Ce détail, d'une précision bien rare dans les récits militaires de l'Antiquité, les autres indications de lieux et de sites fournis par Ammien et même Libanius, la correspondance absolue de ces renseignements avec le pays sur la route de Saverne aux abords de Strasbourg, ne permettent pas de douter un seul instant de l'endroit de la bataille ; voyez en particulier Wiegand (p. 395), qui n'a d'ailleurs fait que préciser sur l'opinion traditionnelle (Schœpflin et Schweighœuser). — Von Barries et Koch d'après lui se sont imagine que Julien prit la route de Saverne à Brumath, puis la grande route du Rhin de Strasbourg à Mayence en descendant vers le nord, et que la, rencontre eut lieu à Weitbruch et Kurtzenhausen. Outre qu'Ammien ne dit absolument rien de cette marche de flanc, l'idée de von Barries et de Koch, d'interpréter Argentoratum par le territoire de Strasbourg (das ganse Bezick), est vraiment inadmissible.

[81] Barbari conglobati, 12, 14 ; in unum collecto, 12, 1. Évidemment, il a rappelé toutes les troupes disséminées en Alsace.

[82] C'est alors qu'il adresse son insolente ambassade à Julien.

[83] XVI, 12, 2.

[84] C'est ce que le préfet du prétoire Florentius fit observer à Julien pour le décider au combat (XVI, 12, 14).

[85] C'est la partie médiane de la route de Saverne à Strasbourg qu'il décrivit dans son discours aux soldats, tenu au cours d'un arrêt [sers Zeinheirn ?] (XVI, 12, 11) : scrupulosi tramites et obscuri, puis des terres desséchées et sans sources [la descente et le pays après Zeinheim ?].

[86] Les Alamans avaient mis trois jours et trois nuits à passer le Rhin (XVI, 12, 9) : à Strasbourg et sans doute aussi à Seltz.

[87] Ils ont occupé par un poste d'éclaireurs collem molliter editum, opertum segetibus (12, 19) [fort Maréchal-Pétain dans Oberhausberg, entre la route de Saverne et celle de Brumath ?]. Ils ont dû également occuper les hauteurs entre le ruisseau de Musau et la plaine.

[88] Hauteurs de Hurtigheim qui portent la route ?

[89] XVI, 12, 11. On pourrait songer à juillet, les blés étant mûrs et pas encore coupés (11, 19) : mais aurait-on commencé la campagne avant juillet ? Je préfère août, à la fin de la pleine lune (11, 11), qui était au 16 août (calcul de Luc Picart).

[90] Commandée par Severus ; 12, 27. Il semble qu'il y ait eu, formant l'extrême aile gauche, un groupe de cavaliers (Libanius, Orat., XVIII, § 54, p. 260).

[91] XVI, 12, 23 (clandestinis insidiis et obscuris) ; 12, 27 (fossas armatorum refertas). Libanius apporte une précision (Orat., XVIII, § 56, p. 261) : les ennemis se cachèrent en particulier sous les arches d'un aqueduc, ύπό όχετώ μετεώρω [qui devait traverser, à gauche de la route, le vallon du ruisseau de Musau ?]. C'est ici sans doute qu'il faut placer les premières palissades qui abritaient le campement germanique.

[92] XVI, 12, 21 (pedites discursatores et leves) : le fantassin, rampant à terre, frappait la monture du clibanarius romain, lequel était rendu invulnérable tegminibus ferreis.

[93] Severus à gauche, 12, 27 ; la cavalerie à droite, 12, 37.

[94] XVI, 12, 28-33 ; Julien accourut, ducentis equitibus sæptus.

[95] XVI, 12, 34-37 : en particulier en formant un front continu avec les boucliers, frontem artissimis conserens parmis.

[96] En particulier à la suite de la blessure du chef (rector) des equites cataphracti (12, 38) : c'est ici que se place sans doute l'épisode de la lâcheté d'un escadron d'élite, dont parle Zosime (III, 3). Julien dut aller de ce côté, précédé de son fanion (12, 39-41). Le combat se rétablit alors (12, 41).

[97] Primam actem peditum, formée par les troupes auxiliaires, à armement léger, des Cornuti et des Bracchiati ; celles-ci furent enfoncées malgré la double manœuvre du jet du javelot et de la formation en tortue ; 12, 43-44.

[98] Les Batavi auxiliaires, et les Reges, qui sont la légion des Regii de la Notitia (Occ., 5, 229), toutes deux troupes d'élite, formidabilis manus ; 12, 45-48. La tradition courante semble rapporter ces reges aux Bataves, ce qui me paraît inacceptable.

[99] Inter quos decernebant et reges ; 12, 49 : Chnodomar, au premier rang, armé d'un javelot de dimensions extraordinaires, le front ceint d'un bandeau couleur de flamme (12, 24).

[100] Adusque Primanorurn legionem : il s'agit sans doute d'une legio Prima, qui devait former le centre de la bataille, locata in medio, par conséquent sur la route, 12, 49. — Je verrais volontiers en ces Primani la fameuse Prima Minervia, si longtemps en garnison à Bonn. On les a rapprochés des Primani de la Notitia (Or., 6, 45, légion palatine ; Occ., 7, 155, légion comitatensis) c'est possible, mais il faudrait connaître le surnom de ces Primani. On peut également songer à la legio I Jovia, qui semble avoir été en Gaule sous Constant, une des meilleures de l'Empire : mais n'était-elle pas alors en Orient avec son inséparable II Herculia (Ammien, XXII, 3, 2) ?

[101] XVI, 12, 49-50, miles instar turrium.

[102] XVI, 12, 51-53.

[103] Supposé d'après instante victore ; 12, 54.

[104] XVI, 12, 54-57.

[105] Ammien, 12, 63 ; Libanius dit 8000, Orat., XVIII, § 60, p. 262, F.

[106] Et quatre officiers, dont Bainobaudes, tribunus Cornutorum, un des meilleurs de l'armée ; XVI, 12, 63.

[107] Il s'enfuit dans son camp de débarquement, où étaient toujours prêtes le barques de passage ; mais, embourbé dans les marais du bord, puis réfugié sur une colline du voisinage, essayant en vain de se cacher sur une chaussée boisée, il finit par se rendre. La scène se passe prope munimenta Romana Tribuncos [pour Tribocos ?] et Concordiam, qui sont des stations fortifiées de routes, à l'entrée du territoire triboque de Strasbourg, et qui sont sans doute Lauterbourg et Altenstadt près de Wissembourg. C'est donc vers Seltz, à la frontière de Spire et de Strasbourg, que je placerais le camp et les barques de Chnodomar (son royaume devait être en face), et c'est en effet le meilleur lieu de passage en aval de Strasbourg. On retrouve aisément, au delà du ruisseau de Seltz, colline, marais, bois et chaussée romaine. — Quant au passage d'Ammien, castra... fixit in Triboceis, j'hésite fort à accepter ce texte, qui est une correction moderne : jamais on n'eût dit, au milieu du IVe siècle, Triboci pour le territoire de Strasbourg ; j'aime mieux conserver la leçon des manuscrits, intrepidus, ce que fait judicieusement Clark. Ammien, XVI, 12, 58-61.

[108] Ammien, XVI, 12, 65-66 ; Julien, Epist. ad sen. Athen., p. 279 c-d, Sp.

[109] Sur les campagnes en Germanie Inférieure, Koch dans Bijdragen voor Vaderandsche Geschiedenis, IIIe série, X, 1897, p. 1 et s.

[110] Par Saverne, Metz et Trèves ; XVII, 1, 1 et 2.

[111] Ammien, XVII, 1, 2-13 ; Libanius, Orat., XVIII, § 68-69, p. 265-266, F. — On a accepté qu'il s'agit d'un fort romain dans la direction de Francfort (Nied ? Heddernheim ?), à dix lieues gauloises de Mayence (decimi lapidas : mais cela peut signifier milles) ; Koch, p. 399. J'hésite à croire que Julien ait aventuré si loin une garnison ; et d'autre part, la description de la marche (montium vertices, silva horrenda, etc.) fait songer moins aux bords du Mein et à la route de Francfort qu'à la montée du Taunus. Je me demande donc si le fort de Trajan n'est pas Wiesbaden (Corpus, XIII, II, p. 421-422). Au surplus, Ammien ne dit pas expressément que le fort fut bâti à 10 lieues ou 10 milles de Mayence. L'hypothèse, qu'il s'agit de Ladenburg, est inadmissible.

[112] C'est en tout cas le chemin qu'a suivi l'armée de Severus (Ammien, XVII, 2, 1-2), que Julien a dû suivre ou précéder.

[113] Il fut arrêté pendant cinquante-quatre jours, en décembre et janvier, par un groupe de 600 Francs, qui, après avoir pillé la campagne, se refugièrent dans deux forteresses romaines abandonnées, le long de la Meuse (XVII, 2, 2) : l'une est certainement à Maëstricht, et l'autre, peut-être au même endroit, mais sur une rive différente de la Meuse. Ammien, XVII, 2, 2-3 ; Libanius, Orat., XVIII, § 70, p. 266-267, F. (ne parle que d'un fortin). — Une bande nombreuse de Francs arriva trop tard pour essayer de délivrer les assiégés ; Ammien, XVII, 2, 4 ; Libanius, XVIII, § 71, p. 267, F.

[114] Pas avant janvier 358 (revertit Parisios : ce qui semblerait faire croire que Julien, précédant Severus, soit venu à Paris pendant l'automne et revenu sur la Meuse pour le siège).

[115] Dès mai-juin, avant le rassemblement général de juillet, Ammien, XVII, 8, 1-2.

[116] L'affaire, omise par Ammien, est racontée par Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 279-280, Sp., et par Libanius, Or., XVIII, § 87, p. 273, F. On la place d'ordinaire en 359, l'année suivante, en la rattachant au passage d'Ammien sur la construction et l'approvisionnement des forteresses du Rhin (XVIII, 2, 4). J'ai préféré la faire correspondre à la grande marche militaire de Julien sur le Rhin de Nimègue à Cologne : car il m'a paru impossible que l'arrivée de cette énorme flotte n'ait pas été surveillée de près par le prince. — Il est possible qu'il ait envoyé au-devant d'elle Severus, per ripam (Rheni sans aucun doute, par la chaussée de Cologne, Vetera et Nimègue, XVII, 8, 4). Au surplus, il y eut certainement un lien entre l'arrivée de cette flotte et l'obligation pour les Romains d'être maîtres sur les deux rives et de s'y assurer la liberté de passage (ce que Constance ou son préfet Florentius voulait acheter a prix d'or : aux Saliens ? Julien, ibid.). J'ajoute en faveur de ma solution, que Julien groupe ensemble l'affaire de la flotte et celle des Saliens. — Le transport de blé de Bretagne a dû être d'ailleurs renouvelé en 359 et plus tard. (Ammien, XVIII, 2, 3).

[117] Zosime, III, 5, 2, qui parle de 800 navires et indique 900 stades pour le trajet de Bretagne au rivage germanique (il compte de Douvres à Walcheren ?).

[118] Chaussée de Paris et Bavai vers Cologne, Ammien, XVII, 8, 3.

[119] Ammien, XVII, 8, 3 ; Zosime, II, 6, 4. La Toxiandria était un pagus de la civitas de Tongres mais l'emploi du mot locus par Ammien me fait croire à l'existence d'un centre du pays, d'un chef-lieu du pagus, autour duquel les Francs se seraient groupés (Dispargus ? Greg. de Tours, Hist. Franc., II, 9 : que j'ai placé volontiers à Diest ? en tout cas en Brabant ou en Limbourg [Diest est à la limite, mais en dehors de la Toxandrie]).

[120] XVII, 8, 3.

[121] Marche militaire de Julien de Tongres directement vers Nimègue ? Severus envoyé en même temps vers la Batavie par la rive du Rhin. Ces deux expéditions, comme l'a bien interprète Koch (Kaiser Julian, p. 411) en s'aidant très habilement de Zosime (III, 6, 7), correspondent à deux troupes de Saliens, l'une installée en Toxandrie avec un roi, l'autre sur les hauteurs boisées à l'est de Nimègue.

[122] Ammien, XVII, 8, 3 ; Zosime, III, 6, 5-6 ; Libanius, Orat., XVIII, § 75 ; Eunape, fr. 10, p. 16, Muller-Didot ; Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 280 b, Sp. Je cite à dessein tous ces textes concordants : car ils constituent, avec une extension nouvelle de territoire, une troisième législation t réglementation de la tribu ou, si l'on préfère, de la civitas ou du pagus Saliorum à l'intérieur de la Gaule romaine. — Il résulte bien de tous ces textes que l'installation des Saliens s'est faite « sans combat sans dévastation, sans provocation, à la différence absolue de celle des Alamans de Chnodomar, et plutôt sous la forme de colonies agricoles que de bandes militaires. Et cela est capital pour comprendre l'histoire ultérieure de ce groupe. — Voyez maintenant, au sujet de cet établissement, l'article de J. H. Holwerda, De Franken in Nederland, 1924.

[123] Cf. Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 279-280, Sp.

[124] Ammien, XVII, 8, 5 ; Julien, Ep. ad sen. Ath., p. 280 b, Sp. ; Zosime, III, 6 (ou très visiblement Κουάδους est une méprise pour Χαυαούους : la correction Καύγους de Mendelssohn pour 6, 1, est inadmissible). D'après le récit de Zosime, les Chamaves, qu'il apparente aux Saxons, avaient l'intention d'enlever la Batavie aux Saliens. En marchant sur Nimègue par le Rhin, Severus avait dû débarrasser des Chamaves toute la pointe entre le fleuve et la Meuse. — Un traite de paix paraît avoir été conclu avec les Chamaves ; Eunape, fr. 12, p. 17-19 ; Zosime, III, 7, 10 ; Pierre le Patrice, fr. 18, p. 191, Muller-Didot.

[125] Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 280, Sp. Zosime (III, 5, 3) parle d'un transbordement des cargaisons dans des navires rhénans . c'est possible, et la chose (dit Koch, p. 413) s'est toujours faite, par exemple au Moyen Age, à Nimègue., à Dorestad, a Tiel, à Dordrecht, ou aujourd'hui à Rotterdam. Cela était impossible sans l'intervention amicale des Saliens. — Il est probable que Dore-Lad, à la fourche du Rhin et du Lek, a remplace dès lors Fectio comme point de départ pour la Bretagne et a servi de principal port aux Saliens.

[126] Mêmes textes et Libanius, Orat., XVIII, § 87, p. 273, F. — Ammien mentionne, après l'expédition contre les Chamaves, la reconstruction de trois forteresses sur la Meuse (XVII, 9, 1). On songe d'ordinaire à des fortins sur la basse Meuse, de Cuyk à Gertruidenberg. Je les chercherai en amont. Ou bien entre Cuyk et Maëstricht, aux trois premières stations qui sont signalées par la Table de Peutinger sur la route de Tongres à Nimègue (Desjardins, IV, p. 127 ; voyez sur cette route Habels dans les Verslagen en Mededeelingen de l'Académie royale d'Amsterdam, IIe série, XI, 1882, p. 126 et s.). Ou même, plus en amont, à trois castella gardant les principaux passages de la Meuse en amont de Maëstricht, 1° à Héristal ou Liège, 2° à Ombret (Chaussée Verte, route de Tongres à Reims et sans doute aussi de Tongres à Trèves ou à Metz par Arlon), et 3° à Namur. — Cuyk fut d'ailleurs alors un lieu important, où l'on passait la Meuse.

[127] Sans aucun doute à Mayence, en face le pagus de Suomarius (XVII, 10, 1, 3 et 9, rapproche de XVIII, 2, 7 et 8).

[128] On fit tributaires deux pagi d'Alamans, ceux de Suomarius et d'Hortarius ; XVII, 10, 3-10 ; Libanius, Orat., XVIII, § 76-78, p. 269, F. Celui-là longeait le Rhin, celui-ci plus loin en amont et dans l'intérieur, au delà d'une forêt (XVII, 10, 6). Il s'agit dans l'un et l'autre cas surtout des Alamans voisins des confluents du Mein et du Neckar.

[129] C'est à Julien que Zosime attribue l'incorporation dans l'armée romaine de corps de Saliens, et aussi de Chamaves, et d'autres Barbares installés en Batavie ; Zosime, III, 8, 1 ; 6, 5. Peut-être s'agit-il des Pétulantes, dont il est impossible de trouver un indice antérieur ; ou encore de l'organisation ou réorganisation du corps similaire des Celtæ. Pétulants et Celtes, corps inséparables, le suivirent en Orient et furent pour Julien comme une garde prétorienne. — C'est a l'ensemble de ces nouvelles recrues que Julien fait sans doute allusion dans son refus à Constance.

[130] Tout cela, seulement d'après Zosime, III, 7 ; cf. Ammien, XVII, 10, 5 ; XXVII, 1, 2.

[131] La première partie de l'année fut consacrée t la mise en état des forteresses du Rhin depuis l'île batave jusqu'a Mayence, et, s'il faut la placer en 359, à l'expédition maritime. L'armée de campagne fut amenée par le préfet Florentius (XVIII, 2, 4) directement à Bingen en venant de Gaule. — Le maitre de la cavalerie, Severus, brouillé avec Julien, venait d'être remplacé par Lupicinus (XVII, 10, 1-2 ; XVIII 2, 7).

[132] A Worms ? ou à Spire ? en tout cas, face au pagus d'Hortarius et pas loin de sa résidence (XVIII, 2, 8-15).

[133] Ad regionem cui Capellatu vel Patas nomen est ubi terminales lapides Alamannorum et Burgundiorum confinia distinguebant (XVIII, 2, 15). On a conjecturé avec raison qu'il s'agit des vestiges de l'ancien limes des Champs Décumates (Hubner, Bonner Jahrbücher, LXXX, 1885, p. 75 et s.). Cette fois, c'est l'attaque des Alamans du sud du Mein. Julien a dû, du Rhin, se diriger vers Cannstadt.

[134] Outre les deux rois de l'Alamanie du nord, se soumirent alors les deux frères Macrianus et Hariobaudes, voisins du limes et des Burgondes (vallée du Neckar ? les deux Neckargau ?), puis, au sud, face à Augst (Brisgau ?), Vadomarius, et, à chercher sans doute vers le Wurtemberg, Urius, Urscinus et Vestralpus (Mortenau le long du Rhin, Nagoldgau et Westergau dans les régions supérieures du Neckar et du Danube ?). Comme on dévasta le pays de ces derniers, il est possible que Julien soit revenu par Strasbourg ; Ammien, XVIII, 2, 15-10. Au total, on traita avec huit rois. — Il est curieux de remarquer qu'Ammien ne nous dit pas lesquels de ces rois avaient succédé à Chnodomar et à son frère Médéric. Étant donné que Chnodomar semble avoir attaqué du côté de Trèves et ensuite a débarqué du côte de Seltz, on peut supposer que les pagi de ces deux frères avoisinaient le Rhin de Mayence à Spire, et étaient peut-être ceux de Suomarius et d'Hotarius : on pourrait donc placer Chnodomar puis Hortarius dans le Kraichgau au sud du Neckar, Médéric puis Suomar entre le Neckar et le Mein. — Autres hypothèses chez Cramer (voyez sa carte).

[135] Tributarios et vectigales, Ammien, XX, 4, 1. — Deux détails montrent avec quelle régularité bureaucratique procédaient les Romains même avec les Barbares. D'une part, Julien, pour être assuré que tous les captifs romains lui seraient rendus par les Barbares (en 358 et 359 ; Ammien, XVII, 10, 4 ; XVIII, 2, 19), en avait fait dresser la liste nominative par les cités de la Gaule, avec indication des noms, villes ou villages, et on contrôla sur cette liste au cours des libérations (Zosime, III, 4, 8 et s.). D'autre part, ayant exigé des Alamans des fournitures en blé et autres vivres, et aussi des matériaux, bois et fer, pour la reconstruction des villes détruites (Ammien, XVII, 10, 4 et 9 ; XVIII, 2, 6 ; Libanius, Orat., XVIII, § 78, p. 269, F.), il fit délivrer à leur roi, tout comme à un vulgaire collecteur fiscal de l'Empire (susceptorum vitium more), des accusés de réception (securitates pro inlatis), que le Barbare devait représenter sous peine de nouvelles livraisons (XVII, 10, 4). Tout cela suppose, à la suite de l'armée romaine, un véritable ensemble de services de bureaux. Cf. t. VIII, ch. I, § 13.

[136] Ceci, dans la première partie de 359 ; Ammien, XVIII, 2, 4.

[137] Vetera est à l'origine de l'oppidum appelé par Ammien (XVIII, 2, 4) Tricensimæ, nom dû au long séjour de la légion XXX, qui y était certainement encore à la fin du siècle (Not. dign., Occ., 7, 108). En réalité, le fort de cette époque me parait devoir correspondre à Xanten même (au sud et au contact de l'ancienne Colonia Trajana), Vetera ayant été plus au sud, près de Birten. — Ammien en nomme deux autres (civitates septem, 1, 4), à chercher sur le Rhin en aval de Xanten : Quadriburgium (Burginatium ? lequel est Monterberg près de Calcar) et Castra Herculis (Libanius, Or., XVIII, § 87, p. 273, F, : vers Arnhem, au passage du Rhin, du côté nord de l'île des Bataves ? on la place d'ordinaire vers Huissen ; en tout cas, cette forteresse était en liaison avec le territoire des Saliens).

[138] Ammien, XVIII, 2, 4 ; ici, n. précédente. Sur Bingen, Ausone, Mos., 2.

[139] Ammien, XVIII, 2, 3-4 ; XVII, 8, 2 ; 9, 2.

[140] XVIII, 2, 4.

[141] XVIII, 2, 6 (carpentis).

[142] Ammien ne parle que des auxiliarii milites, d'ordinaire, dit-il (2, 6), rebelles à ce genre de tâche.

[143] Quinquagenarias longioresque materias (madriers) cervicibus vexere (2, 6).

[144] Annona a Brittannis sueta transferri, 2, 3.

[145] Cf. quadraginta lusoriæ naves, vers Worms ? (XVIII, 2, 12).

[146] Cf. XVIII, 2, 11-12.

[147] Not. dign., Occ., 41 ; t. VIII, ch. II, § 6.

[148] Not. dign., Occ., 27.

[149] Cf. Ammien, XXI, 8, 1. Son rôle tendra à s'effacer plus tard.

[150] Il est probable qu'on leur confia non seulement la garde de ce secteur de a frontière, mais la police des embouchures du Rhin, en particulier pour assurer le passage des convois de Bretagne.

[151] On a douté que Julien ait été déterminé en faveur de Paris par 'importance de ses routes, le vrai carrefour utile étant, dit-on, plus à l'est, Langres ou Reims. Je ne vois pas alors pour quelles raisons Julien se serait fixé à Paris. En outre, à faut tenir compte des routes fluviales, que le mauvais état des chemins de terre rendait de plus en plus fréquentées. Puis, Paris avait alors les voies de communication les plus nécessaires à Julien, et vers Tongres et Cologne, qu'il a suivies trois ou quatre fois, et vers Reims et Strasbourg, et vers Autun, Lyon et les Alpes. N'oublions pas enfin que Julien commandait à la Bretagne et à l'Espagne, et que, bien mieux que Reims ou Langres, Paris était à portée de Boulogne par Senlis et Amiens, du col de Roncevaux par Orléans. Il ne faut pas, quand on étudie Julien en Gaule, envisager le réseau routier de l'Empire, mais celui de la Gaule même.

[152] Et peut-être dès la fin de 357.

[153] Hiver 357-358 ; Ammien, XVII, 8, 1 ; rien ne prouve qu'il n'y passa pas l'hiver de 358-359 ; hiver 359-360, XX, 1, 1.

[154] Misopogon, p. 340, Sp. Quoique Parisii fût le nom officiel (voyez les textes d'Ammien), on disait encore Lutetia dans l'usage courant.

[155] Misopogon, p. 359 c, Sp.

[156] Pour tout ceci, le Misopogon de Julien, p. 340-341, Sp.

[157] Id., p. 341, Sp. (Misopogon) ; voir l'épigramme contre la bière des Celtes, Bidez et Cumont, n° 168, p. 219.

[158] En admettant que l'ancien palais des rois ait simplement succédé au lieu de séjour des empereurs, ce qui est très probable. Il demeure cependant possible que Julien se soit installé dans quelque hôtel de bourgeois ou de sénateur à l'intérieur de la Cité, hôtel qui a cette occasion aura pris le titre de palatium (cf. t. VIII, ch. IV, § 9). — Il n'y a pas a s'arrêter à l'opinion traditionnelle qui le loge aux Thermes (surtout vulgarisée par Corrozet, Les Antiquités.... de Paris, éd. de 1550, p. 10 ; etc.) ; cf. De Pachtère, p. 92. Si des textes du Moyen Age appellent les thermes palatium, cela ne signifie absolument rien, le mot s'appliquant alors couramment à des ruines romaines. — Sur ce séjour à Paris, cf. De Vos, Revue des Études grecques, XXI, 1908, p. 426 et s.

[159] Cela me parait évident, vu la petitesse de la ville de la Cité et l'assez nombreux personnel qui entourait Julien. Il avait près de lui sa femme Hélène, qui avait dans le palais son appartement (Ép. ad senatum Athen., p. 284 b, Sp.) et ses officiers de service (id., p. 285 b, Sp.). Autour de Julien était une administration complète, le préfet du prétoire des Gaules (Florentius, qui l'accompagne d'ordinaire, et ne le quitte que pour aller à Vienne, et non à Trèves ; Ammien, XVI, 12, 14 ; XVII, 3, 2 ; XX, 4, 2 ; 8, 20 ; Julien, Epist. ad sen., p. 283, Sp.), un magister officiorum (XX, 8, 19), un questeur (XX, 9, 5), un grand chambellan (præpositus cubiculi ; XX, 8, 19), un maitre militaire (magister equitum), un ou plusieurs magistri du secrétariat, un comte de la Garde (comes Domesticorum ; XX, 4, 21), et tous les bureaux et services à la suite (cf. Zosime, III, 4, 9 et 12, les ύπυγραφεΐς ou notarii). Ajoutez les amis de Julien (en particulier sans doute le médecin Oribase : Eunape, fragm. 8, p. 15, Didot ; le prêtre d'Éleusis (Eunape, Vitæ, Maximus, p 476, Didot) et les solliciteurs de toute sorte. Quand tout ce monde était réuni, et cela dut être la règle pendant l'hiver, on se demande comment il pouvait se loger. — Il ne faut pas enfin oublier, pour se représenter le va-et-vient d'hommes et de chevaux à Paris lors des séjours de Julien, qu'il avait l'autorité supérieure non seulement sur la Gaule, mais sur la Bretagne et l'Espagne (Zosime, III, 8, 6 Ammien, XX, 1, 1).

[160] Anecdote rapportée par Julien, Misopogon, p. 341, Sp. J'ai peine à croire qu'il n'ait pas installé ses charbons dans la cheminée.

[161] Ammien, XVI, 5, 4.

[162] Bidez et Cumont, p. 6 et s. — Il faut signaler à part, car ce sont par l'étendue de véritables orationes, la lettre à Thémistius (Hertlein, p. 328 et s.) et l'écrit des adieux a son ami Salluste, rappelé par Constance à la fin de 357 (id., p. 311 et s.).

[163] Pœticam, Ammien, XVI, 5, 7.

[164] Les deux Panégyriques de Constance et celui d'Eusébie (Orat., I-III) ; cf. rhetoricam et orationum, Ammien, XVI, 5, 7 ; 'ρητορείαν, Julien, Ad Sallustium, p. 252, Sp.

[165] Les deux discours sur le Roi-Soleil et la Mère des Dieux sont postérieurs au séjour en Gaule ; mais ils ont dû être précédés de productions semblables : occulte Mercurio supplicabat, quem mundi velociorem sensum esse, motum mentium suscitantem theologicæ prodidere doctrinæ (Ammien, XVI, 5, 6). — N'y aurait-il pas, dans ce culte particulier que Julien témoigna à Mercure pendant son séjour en Gaule (occulte, car il faisait officiellement profession de Christianisme), quelque influence du Mercure gallo-romain, avatar du grand dieu des Celtes ? Cf. φιλοσοφις dans l'écrit Ad Sallustiam, ibid.

[166] Le Convivium (autrement dit la Satire des Césars) est sans doute postérieur au séjour en Gaule ; mais c'est alors qu'il étudia nostrarum externarumque rerum historiam multiformem (XVI, 5, 7).

[167] Outre ses lettres, lisez Ammien, XVI, 5 ; XVIII, 1.

[168] Il y eut évidemment plus d'un conflit entre lui et le préfet du prétoire Florentius, qui devait être en rapport direct avec Constance (Ammien, XVII, 3, 5). Il y eut même, je le crois avec De Nos, une scène fâcheuse entre eux deux, antérieure au fait de l'usurpation : Libanius (Or., XVIII, § 84-5, p. 272-3, F.) lait certainement allusion a une querelle violente au cours d'une campagne sur le Rhin (l'expression de άντι πατρος appliquée à Florentius semble bien indiquer qu'il avait le titre de patricius). Sur ces querelles avec Florentius, De Vos, Revue de philologie, XXXIV, 1910. p. 156 et s. De même, les changements assez fréquents à la fonction de magister equitum doivent s'expliquer par des conflits d'autorité.

[169] Libanius (Orat., XVIII, § 80, p. 270, F.) décrit en termes idylliques le retour de la Gaule à son ancienne prospérité : les sénats municipaux se repeuplant ainsi que le populaire des villes, renaissance des métiers et du commerce, mariages plus nombreux, voyages, fêtes et foires comme par le passé. Cela va évidemment de soi ; mais les développements de Libanius sont toujours un peu fantaisistes. Voyez un développement semblable chez Mamertin, Paneg., XI, 4.

[170] Ammien, XVI, 5, 14 : Anhelantibus extrema penuria Gallis... primitus partes eas ingressus pro capitibus singulis tributi nomine vicenos quinos repperti flagitari [d'après l'indiction précédente, de 342, qui correspondait à une époque de très grande prospérité], discedens vero septenos tantum miunera universa [capitation et prestations] conplentes. La reforme dut être opérée lors de l'indiction de 357 et fut la conséquence des désastres subis par la Gaule. Cf. t. VIII, ch. I, § 8.

[171] Ammien, XVI, 5, 15 ; cf. t. VIII, ch. I, § 8 et 9.

[172] Ammien, XVII, 3, 4-5 : indictionate augmentum, présenté par le préfet Florentius, qui trouvait sans aucun doute trop faible le chiffre de l'indiction (calculum capitationis) ; à quoi Julien répondit que la capitatio normale (solita, sollemnia) suffisait largement ad commeatuum necessarios apparatus (il s'agissait donc d'un rôle supplémentaire de fournitures).

[173] Pour empêcher ces poursuites, Julien se fit attribuer, par une mesure d'ailleurs fort singulière (inusitato exemplo), l'administration directe (dispositio) de la province de Seconde Belgique, à l'effet d'y empêcher les agents du préfet ou du gouverneur (nec præfectianus nec præsidalis apparitor) d'y exercer aucune contrainte ; XVII, 3, 6. On s'étonne un peu à voir en cette affaire la Seconde Belgique (Reims et Amiens), qui a dû moins souffrir que la Première (Trèves et Metz) mais peut-être celle-ci reçut-elle des l'arrivée de Julien ce traitement de faveur, ou plutôt était-elle placée en principe sous l'autorité immédiate du préfet du prétoire (cf. VIII, ch. I, § 4).

[174] Remarquez le rôle réduit du magister equitum, et le rôle du préfet du prétoire même dans la conduite des opérations militaires (Ammien, XVI, 12, 14 : XVIII, 1, 4, partem militum ducens).

[175] Ammien, XXI, 16, 1-2. — Cela ne l'empêcha pas, et des son arrivée en Gaule, de s'occuper de très près de l'organisation de l'armée (Libanius, Orat., XII, § 14, p. 24, F.).

[176] Ammien n'a pas un mot qui permette de voir en Constance un persécuteur du paganisme, et les païens, au temps de Théodose, parlèrent avec regret de son esprit de sagesse et de tolérance (voyez le texte de Symmaque, Epist., X [Relationes], 3, § 6, p. 281, Seeck).

[177] Loi de 353, promulguée à Arles après la défaite de Magnence Code Théod., XVI, 10, 5), et lois de 356 (XVI, 10, 4 [cf. n. suivante] et 6). En ce qui concerne la loi de 353, il s'agit des fameux sacrificia nocturna institués ou retables par Magnence, et l'on sait que le droit romain a toujours été très sévère a l'endroit de ce genre de pratiques (cf. Paul, V, 23, 15). Remarquez que le Panégyriste de Julien ne trouve à reprocher à Constance, dans cet ordre d'idées, que d'avoir interdit les actes nocturnes d'astrologie (Pan., XI, 23), ce qui ne peut viser que des pratiques de même sorte, toujours également sous le coup des lois.

[178] Loi de 356 [autrefois placée en 346], Code Th., XVI, 10, ; cf. Sozomène, III, 17. — Il est possible que Julien ait atténue en Gaule l'effet de ces lois. Le Panégyriste de Julien, qui fait allusion à ces spoliations de temples (sacra rapiebant, XI, 19), n'y voit que des actes de concussion individuels.

[179] Cela semble bien marqué par Ammien, XXI, 16, 18.

[180] Sulpice Sévère, Chroniques, II, 42, 2.

[181] Voyez en dernier lieu les pénétrants articles de Louis Coulange [Turmel ?], La Réaction contre le consubstantiel et Métamorphose du consubstantiel, dans la Revue d'hist. et de litt. religieuses, déc. 1921 et avril 1922. Auparavant, entre autres et dans des sens assez différents Gummerus, Die homœusianische Partei, 1900 (suspecterait volontiers l'orthodoxie d'Hilaire, cf. p. 109) ; Rasneur, L'Homoiousianisme dans ses rapports avec l'orthodoxie, dans la Revue d'histoire ecclésiastique de Louvain, V, 1903.

[182] Même la formule de Nicée.

[183] Voyez l'admiration que Julien lui-même avait pour ces œuvres chrétiennes ; Sozomène, V, 16, P. Gr., LXVII, c. 1261 (cf. lettre Arsacius, p. 112 et s., Bidez et Cumont) ; Grégoire de Nazianze, Orat., IV, 111, P. Gr., XXXV, c. 648.

[184] Je songe au sophiste arien Astérius, dont il est si souvent question dans les écrits d'Athanase ; cf. Jérôme, De viris ill., 94.

[185] Le premier ermite célèbre (pour ne point parler de Paul de Thèbes) fut Antoine (cf. Jérôme, De vir. ill., 88), mort en 356 ; sa vie, écrite par Athanase (Patr. Gr., XXVI), fut traduite en latin par Évagre (Patr. Lat., LXXIII), traduction qui s'est répandue en Occident vers 375-381 (Augustin, Confessions, VIII, 9).

[186] Ούσία. Le mot qui le traduit, substantia, parait étranger aux théologiens occidentaux avant Hilaire. Comparez à ces subtilités et à ce verbalisme la précision concrète des Actes du concile de Cologne, dont le texte primitif à d'ailleurs pu être arrangé.

[187] Hilaire semble bien n'avoir pas eu cette idée très nettement avant son contact avec l'Orient. Dans le De Trinitate, au contraire, écrit pendant son exil, il insiste là-dessus (X, 6, Patr. Lat., X, c. 347) : Nativitatem subsistentem sine tempore protestantes. Et il avait eu raison d'évoluer dans ce sens : car, si on admettait l'intervention du temps dans la substance du Christ, on inclinait vers l'Arianisme.

[188] Nomine consubstantialitatis usos in Patris et Filii deitate (Cassiodore, Hist. ecclés., II, 7, P. L., LXIX, c. 927) : c'est l'όμοουσία des Grecs. Pour tout cela, voyez le De Trinitate d'Hilaire (n. précédente), qui marque bien l'entrée de l'Occident dans les luttes purement théologiques.

[189] Deo... subjicitur filius in diversitate substantiæ, non ex Deo natus in Deum, sed per creationem susceptus in filium, non naturæ habens nomen, sed adoptionis sortitus appelationem : thèse arienne d'après Hilaire, De Trinitate, V, 34, Patr. Lat., X, c. 153.

[190] Il faut cependant reconnaître (ce que Coulanges a bien vu, avril 1922, p. 181 et s.) qu'Athanase présente avec moins de netteté qu'Hilaire la consubstantialité du Père et du Fils, l'identité absolue de leur nature, leur unité numérique d'essence, puisqu'il fait du Fils un rayonnement du Père, et même, ce qui est plus grave, une image, είκών (Athanase, Discours, II, 31 ; I, 31 ; etc. ; Patr. Gr., XXVI, c. 212 et 76 ; etc.).

[191] C'est pour cela qu'Hilaire affirme sans cesse dans le De Trinitt.ie le principe d'unité, et sa haine contre la thèse de Sabellius, celle de l'union du Père et du Fils, unionem detestantes, unitatem Divinitatis tenemus (VI, 11, P. Lat., X, c. 165). Et cette insistance s'explique peut-être par le fait, que l'Orient avait tenu les Occidentaux pour des Sabelliens.

[192] Théorie de l'όμοιουσία. Lettre de Basile d'Ancyre en 358 ; Épiphane, Hæres., LX III, 2, P. Gr., XLII, c. 401 ; Sozomène, Hist. ecclés., IV, 13, P. Gr., LXVII, c. 1145.

[193] Sauf quelques instants d'hésitation chez Hilaire.

[194] Concertatione verborum ; Ammien, XXI, 16, 18.

[195] En réalité, il y eut plutôt projet que réunion d'un concile universel à Nicomédie (Sozomène, IV, 16, c. 1153), et la rencontre des évêques d'Occident et d'Orient à Sirmium ou à la Cour ne peuvent passer pour des conciles.

[196] Concile d'évêques occidentaux, en 357.

[197] D'autant plus qu'Hosius, alors centenaire, s'y laissa entraîner ; Athanase, Hist. Arian. ad monachos, § 45, c. 749, P. Gr., XXV ; Hilaire, De synodis, § 10-11. En réalité, ce fut l'interdiction de toute dispute sur le mot ούδία, de substantia nullam omnino fieri mentionem (Hilaire, De syn., § 11, P. Lat., X, c. 488), et il y avait en cela de la sagesse, assez pour expliquer l'adhésion d'Hosius. — Je demeure convaincu que saint Martin a assisté au concile, ou du moins s'est installé à Sirmium comme observateur et pour le compte d'Hilaire ; Sulpice, Vita Martini, 6, 4 : Cum infra Illyricum adversus perfidiam sacerdotum solus pæne acerrime repugnaret : cela correspond bien à ce concile.

[198] Au printemps de 358. Ce fut une réunion d'évêques d'Occident et d'Orient plutôt qu'un concile général.

[199] Sozomène, IV, 15. — C'est alors qu'Hilaire dut écrire (hiver 358-359) son De synodis, adressé aux évêques de Gaule, avec lesquels il ne cessait d'être en communion (§ 2, P. L., X, c. 481) ; et dans ce traité, acceptant dans une certaine mesure le principe de la conciliation, il invite les Gaulois à ne pas s'épouvanter du mot de similitude, que ce mot n'empêche pas l'unité, d'autant plus que l'unité de la Divinité réside, non pas dans la confusion des personnes, mais dans l'identité de la nature générique (voir surtout § 76, P. L., X, c. 530 : non personæ unitatis sed generis). On sent bien, à ces réticences et inquiétudes d'Hilaire, que la formule semi-arienne de Sirmium a pu faire courir les plus graves dangers à l'orthodoxie. — Je me demande également si Hilaire n'a point voulu mettre les Gaulois en garde contre le danger de certaines spéculations théologiques, exagérées ou maladroites, dans le genre de celles de Phébade, lorsqu'il dit qu'il vaut mieux parfois ne pas parler de substance, potest una substantia pie dici et pie taceri (§ 71, P. L., X, c. 527). N'aurait-il point eu peur que la Gaule, par l'inexpérience de ses prêtres à manier de tels mots, n'arrivât à passer pour sabellienne ? — A la même époque, et à la même tendance de faire front de tous les côtés et d'arriver à concilier toutes les formes de l'orthodoxie, se rapportent la plupart des fragments historiques d'Hilaire (Feder, dans le Corpus de Vienne, LXV, 1916), lesquels doivent en majeure partie provenir d'un grand traité mentionné par Jérôme (De viris ill., 100), liber adversum Valentem et Ursacium ; cf. Marx dans Theologische Quartalschrift, LXXXVIII, 1906, p. 390 et s. ; Wilmart, Revue Bénédictine de 1907, XXIV ; Feder, Sitzungsberichte de l'Acad. de Vienne, CLXII, 1909, et sa préface, p. LV et s. Le soi-disant Ad Constantium I n'en serait que le liber primas.

[200] Ceci est moins un concile qu'une réunion d'évêques ; 22 mai 359.

[201] Athanase, De synodis, § 8, P. Gr., XXVI, c. 692.

[202] 21 juillet 359. Athanase, De synodis, § 10-11, P. Gr., XXVI, c. 696-701 ; Hilaire, fragm., 7 (P. Lat., X, c. 697 ; éd. Feder, p. 96).

[203] A partir du 27 septembre 359. Socrate, II, 39-40.

[204] Sulpice, Chron., II, 42, 2-3. Les autorités (vicaire d'Asie et gouverneur de Phrygie) le convoquèrent à l'insu de l'empereur, lui assurant même copia evectionis (la poste). — On commença d'ailleurs, en dépit des hommages qui lui furent rendus, par le prier d'exposer la foi des Gaulois : car on les soupçonnait toujours de Sabellianisme. Ce ne fut qu'après une profession de foi rassurante, qu'il fut admis à la communion et au concile. Sulpice, II, 42, 4-5.

[205] Voyez Hilaire, C. Const., § 12, P. L., c. 590-1 : Ex his qui homœusion prædicabant, aliqui nonnulla pie verbis præferebant.

[206] Ut catervis antistitum jumentis publicis ultro citroque discurrentibus per synodos rei vehicalariæ succideret nervos ; Ammien, XXI, 16, 18 ; Sulpice, Chron., II, 42, 3. En plus, ils étaient nourris aux frais de l'État (annonas et cellaria ; Sulpice, II, 41, 2).

[207] Hilaire, De synodis, § 2 : O gloriosæ conscientiæ vestræ inconcussam stabilitatem ! Il semble même qu'il y eut une réunion en 358 pour condamner la formule arienne de Sirmium ; ibid., P. Lat., X, c. 481.

[208] Voyez le début du De synodis et le ton qu'y prend Hilaire.

[209] De synodis : Negatu toto jam trienno communione.

[210] Voir tout le De synodis ; cf. n. suivante.

[211] Episcopus ego sum in omnium Galliarum [var. Gallicarum] ecclesiarum atque episcoporum communione, licet en exsilio, permanens, et ecclesiæ adhuc per presbyteros meos communionem distribuens ; ceci dit à l'empereur, évidemment avec une légitime fierté ; Ad Constantium II, § 2, P. L., X, c. 564 (éd. Feder, p. 197).

[212] Phœbadius ou Fœbadius, évêque d'Agen, et son liber contra Arianos (Patr. Lat. de Migne, XX) : traité d'ailleurs très médiocre, où il se donne une peine infinie pour étudier le mot substantia dans les Écritures ; il y est en effet, mais jamais avec le sens que lui donnent les théologiens de la consubstantialité. — On lui attribue aussi un De fide orthodoxa et un Libellas fidei (Patr. Lat., XX, c. 31 et s.). — Il gouverna l'Église d'Agen pendant une quarantaine d'années (Jérôme, De vir. ill., 108). Et c'est sans doute a lui qu'est adressée une lettre d'Ambroise (Epist., 87, P. L., XVI, c. 1283 : Segatio ou Fœgadio et Delphino episcopis, qui est Delphin de Bordeaux).

[213] Il n'est pas question de la poste, mais des annonæ et cellaria (Sulpice, Chron., II, 41, 2-3), la poste, je crois, allant de soi. Trois évêques seulement, mais de Bretagne, acceptèrent de se faire nourrir par le fisc, en refusant d'ailleurs l'offre de leurs confrères (de Gaule ?) de se cotiser pour pourvoir à leur entretien.

[214] Au début de 360. De Rimini vinrent sans doute Saturnin d'Arles (Sulpice, Chron., II, 45, 6), Servatio (Servais) de Tongres et Phébade d'Agen [Fœgadius, mss]. De Séleucie vint Hilaire. Sulpice, Chr., 44, 1 ; 45, 3.

[215] C'est l'Ad Constantium II.

[216] Ammien, XXI, 16, 18 : Christianam religionem absolutam et simplicem ansti superstitione confundens, in qua scrutanda perplexius quam componenda gravius, excitavit discidia plurima, quæ progressa fusius aluit concertatione verborum.

[217] Abolebat usiæ verbum tanquam ambiguum et temere a patribus usurpatum neque ex auctoritate Scripturarum profectum (et il y avait du vrai dans cette opinion) ; Sulpice, Chr., II, 43, 2 ; Hilaire, fragm., 9, P. L., X, c. 704 (Feder, p. 88).

[218] Autres récalcitrants de Gaule, Phébade d'Agen et Servais de Tongres ; Sulpice, Chr., II, 44.

[219] Guerre de Perse.

[220] Quasi discordiæ seminarium et perturbator Orientis redire ad Gallias jubetur ; Sulpice, Chron., II, 45, 4. En janvier 360 ?

[221] Il ne fut d'ailleurs publié, semble-t-il, qu'après la mort de Constance, in Constantium post mortem ejus ; Jérôme, De viris ill., 100.

[222] Le contraste avec les autres écrits d'Hilaire, et en particulier avec les deux Ad Constantium, est tel, qu'on pourrait être tenté d'en nier l'authenticité. Voyez l'admirable dissertatio prævia de Constant.

[223] Pugnaremus enim palam ; § 4, P. L., c. 581.

[224] Non caput gladio desecat, sed aninam auro occidit ; § 5.

[225] Voyez la conclusion, § 27. Ceci, par contraste avec Constantin.

[226] Cf. § 10.

[227] Censum capitum remittis (§ 10) : ce qui semble bien indiquer la capitatio, et ceci, sans doute, lors de l'indiction de 357.

[228] Detracta templis vel publicata edictis [biens confisqués] vel exacta pænis [produits d'amendes] Deo ingeris ; § 10.

[229] Hilaire, du reste, parait hésiter à prononcer formellement la formule terrible (ce que Constant, de son côte, cherche à adoucir ; voir le § 8 de la dissertatio prævia) : il se borne à dire Antichristum prænenis (§ 7), si vero tu peragis, es Antichristus (§ 11), temerarium me quia dicam Constantium Antichristum esse (§ 6) ; ailleurs, il n'en fait que le fils du diable (§ 8).

[230] Hilaire a dû certainement passer par l'Italie, et s'y arrêter pour faire œuvre de propagande ; voyez Rufin, Hist. ecclés., I, 30, P. L., XXI, c. 501 (regressum jam et in Italia positum) : ce qui confirme le passage où Sulpice Sévère montre Martin cherchant à le rejoindre à Rome (Vita Martini, 6, 7).

[231] Sulpice, Chron., II, 45, 5-6.

[232] Elle dut être précédée de réunions préparatoires, frequentissimis conciliis (Sulpice, II, 45, 5). C'est à l'une de ces réunions et ensuite au concile de Paris qu'eut lieu la déchéance de Saturnin d'Arles, jusque-là le chef des Ariens de Gaule, et de son coreligionnaire Paternus de Périgueux (id., 45,7 ; cf. Hilaire, fragm., 11, 4, P. L., X, c. 713 ; Feder, p. 46). — Tout ce que nous savons du concile de Paris tient dans la lettre écrite par les membres aux Orientaux, qui constitue le fragment 11 d'Hilaire (Patr. Lat., X, c. 710 et s. ; édit. Feder, de Vienne, p. 43 et s.).

[233] On supposera que le concile a eu lieu dans l'été ou à l'automne de 360, et dans ce cas après le départ de Julien pour le Rhin.

[234] Ut non unio Divinitatis, sed unitas.... Unigenitum Deum natum unius usiæ vel substantiæ cum Deo Patre confesum, etc. ; P. Lat., X, c. 711 ; Feder, p. 44.

[235] Dilectissimus et beatissimis consacerdotibus episcopis Orientalibus Gallicani episcopi.

[236] Il est probable que c'est alors qu'Hilaire composa un grand ouvrage historique (liber adversum Valentem et Ursacium historiam Ariminensis et Seleuciensis synodi continens ; Jérôme, De viris ill., 100), relatant toutes ces luttes, et où il aurait incorporé son premier écrit à Constance et les Actes du concile de Paris, ouvrage composé à la manière de ceux d'Athanase sur ces mêmes luttes.

[237] C'est à cette œuvre d'Hilaire, dont il associe le nom à celui d'Eusèbe de Verceil, que fait allusion Rufin dans un très beau passage (Hist. ecclés., I, 31) : Ita duo isti viri velut magnifica quædam mundi lumina, Illyricum, Itaitam, Galliasque suo splendore radiarunt, ut omnes etiam de abditis angulis et abstrusis hæreticorum tenebræ fugarentur. De même, Jérôme, ad a. Abr. 2378 [362] ; Prosper, p. 456, Mommsen.

[238] Quæ autem Arcu prædicabant erant hujusmodi : Patrem Deum instituendi orbis causa genuisse Filium et pro potestate sut ex nihilo in substantiam novam algue alteram Deum novum alterumque [fecisse] : fuisse autem tempus quo Filius non fuisset (cf. Hilaire, fragm., 2, § 26, c. 653 ; p. 149, Feder) ; Sulpice Sévère, Chron., I, 35, 3.

[239] Unus est Pater ex quo omnia, usus Unigenitus per quem omnia, unus Spiritus donum in omnibus ; Hilaire, De Trinitate, II, 1, Patr. Lat., X, c. 50-51. — Il est du reste à remarquer que l'idée de Trinité est singulièrement à l'écart dans ce livre, et que le rapport du Père au Fils y domine tout. Aussi peut-être doit-on préférer comme titre celui de De fide, que parait avoir connu Rufin (I, 31, P. L., XX, c. 501).

[240] Sufficiebat credentibus Dei sermo, qui in aures nostras Evangelistæ testimonio cum ipsa veritatis suæ virtute transfusus est ; Hilaire, De Trinitate, II, 1, Patr. Lat., X, c. 50.

[241] Nous avons peut-être un témoignage de l'éloignement des Gaulois à l'endroit de ces subtilités théologiques, dans le peu d'enthousiasme qu'ils montrèrent pour les discours du rhéteur chrétien Proéresius, que Constant avait appelé : ils admireront sa belle prestance, mais ne prirent aucun goût à ses profonds discours (Eunape, Vitæ, p. 492, Didot).

[242] Ammien, XX, 4, 2-3 ; il réclama les quatre corps auxiliaires d'élite des Hérules, Bataves, Celtes et Pétulants, tous formés, je crois, d'indigènes des basses terres rhénanes ; et en outre, 300 hommes, également d'élite, et d'autres encore, à tirer surtout, semble-t-il, des gardes du palais, Scutarii et Gentiles. Aux uns et aux autres, mais surtout aux gardes, peut convenir ce qu'en dit à ce propos Ammien (4, 4), que c'étaient des barbari voluntarii, venus laribus transrhenanis, et engagés à la condition de servir en Gaule. Et c'est en revanche surtout aux quatre corps auxiliaires que s'applique le fait, qu'ils avaient leurs familles en Gaule, pas loin de la frontière (XX, 4, 10).

[243] Au siège d'Amida en 359 (Ammien, XIX, 6) ; cf. t. VIII, ch. II, § 3. Il s'agit ici de deux légions levées en Gaule par Magnence (Magnentiaci atque Decentiaci, XVIII, 9, 3 ; XIX, 5, 2) et expédiées en Orient sons doute dès 353. — D'autre part, Julien rapporte (Epist. ad sen. Ath., p. 280 d, Sp.) qu'il envoya à Constance quatre numeri d'excellents fantassins, trois numeri plus médiocres, et deux fameuses vexillationes de cavaliers ; Zosime (II, 8, 7) semble indiquer en particulier ces deux corps. Il doit s'agir de troupes distinctes aussi bien des deux légions de 353 que des corps demandés en 360.

[244] Cf. Ammien, XX, 4, 7 et 10.

[245] XX, 4, 10-11.

[246] XX, 4, 4.

[247] XX, 4, 3 et 5 : il doit s'agir de soldats d'élite pris dans la Garde.

[248] Le point de départ en fut chez les Pétulants (XX, 4, 10).

[249] XX, 4, 10-11 : on devait les transporter par chariots, clavularis cursus.

[250] In suburbanis (4, 12) : ils devaient être en garnison dans la Seconde Belgique, à Reims, Amiens ou Beauvais, et ils durent arriver par le faubourg Saint-Martin. — Le rassemblement fut fait par les soins de Lupicinus, qui avait remplacé Severus en 359 (comme magister equitum ? XVIII, 2, 7 ; il est appelé magister armorum, XX, 1, 2 ; 9, 5).

[251] XX, 4, 12-13.

[252] Palatium petivere et spatiis ejus ambitis (s'il était adossé aux remparts, il n'y avait d'issue que du côté de la ville) ; XX, 4, 14.

[253] La nuit, on cria Julien Auguste de façon désordonnée, horrendis clamoribus concrepabant ; le matin, on l'acclama en chœur suivant le rite solennel, consensione firmissima ; XX, 4, 14 ; Libanius, Orat., XVIII, § 97, p. 278 F.

[254] Voyez la fin du Convivium, et le passage si net d'Ammien, XVI, 1, 4 : Marco, ad cujus æmulationem actus suos effingebat et mores.

[255] Pendant la nuit, il avait eu, à ce qu'il raconta, la vision du Genius Publicus, le suppliant de prendre le pouvoir ; XX, 5, 10. Il n'y a pas de doute que ce qu'Ammien appelle ici et ailleurs le Genius Publicus (autre apparition à Julien, XXV, 2, 3), ne soit celui qu'on nomme d'ordinaire le Genius Populi Romani.

[256] Declaratio Augusta, XX, 5, 10. — Libanius (§ 98 et 97) dit que la cérémonie eut lieu sur une estrade, installée devant la ville, face au pont Notre-Dame ?, l'ancienne issue de Paris sur la rive droite. Libanius semble dire que cette estrade était permanente : il pouvait donc y avoir là à l'entrée de la ville, une construction fixe à l'usage des proclamations publiques.

[257] Le fait n'est pas indiqué par Ammien : il avait la pourpre comme César (XX, 5, 4 ; XV, 8, 11).

[258] On hésita entre le collier d'or ou la parure de tête de sa femme, et une phalère de cheval ; et on se décida à la fin pour le torques d'un draconarius des Pétulants (XX, 4, 18 ; Julien, Epist. ad sen. Ath., p. 284 d, Sp. ; Libanius, Orat., XVIII, 99, p. 278, F.).

[259] Seulo pedestri inpositus et sublatius eminens ; XX, 4, 17.

[260] Augustus renuntiatus nullo silente ; XX, 4, 17. — Au début de mai ?

[261] Peut-être le surlendemain. Dans la journée d'intervalle étaient revenues les troupes parties pour l'Orient (XX, 5, 1).

[262] In Campo ; XX, 5, 1.

[263] Signis aquilisque circumdatus et vexillis.

[264] Verbus quasi lituis.

[265] Tout ceci, d'après Ammien, XX, 5, 1-8. — Cf. t. VIII, ch. I, § 7.

[266] XX, 4, 19.

[267] XX, 8, 2-19. Il lui offrit, comme troupes de secours, les Gentiles et Scutarii du palais et en outre des jeunes soldats pris parmi les Lètes (eis Rhenum editam barbarorum progeniem) ou parmi les Barbares deditices (ex dediticiis qui ad nostra desciscunt [émigres volontaires, mais sans contrat spécial]). Il refusa nettement les recrues gauloises (Galli tirones), où l'on peut voir à la rigueur les quatre troupes demandées. Mais il ajouta, sans doute à titre de don gracieux, des chevaux de course espagnols (equos currules Hispanos).

[268] XX, 8, 10 ; 9, 7 ; cf. n. précédente. — Mais le préfet du prétoire Florentius, le représentant de Constance en Gaule, s'était retire à Vienne avant même l'usurpation de Julien, qu'il prévoyait, puis il rejoignit l'empereur (XX, 8, 20-22).

[269] Ammien, XX, 9, 6-7 ; je m'appuie sur l'acclamatio prononcée en chœur par la seconde assemblée du Champ de Mars : exclamabatur undique vocum terribilium sonu, AUGUSTE JULIANE, UT PROVINCIALIS ET MILES ET REIPUBLICÆ DECREVIT AUCTORITAS. Il me paraît impossible, en dépit de l'opinion courante, que respublica ne signifie pas la civitas de Paris, et auctoritas un décret de sa curie ; cf. Revue des Études anc., 1910, p. 377 et s. ; De Vos, ibid., p. 47 et s. Nous avons un exemple de décrets municipaux et d'acclamations de ce genre lors du mouvement populaire en faveur d'Ursicin en 359, ordines civitatum et populi decretis et acclamationibus densis (XVIII, 6, 2) : ce sont des acclamations au texte réglées d'avance et répétées en chœur par la foule.

[270] XX, 9, 7 (cf. n. précédente) : il y eut peut-être des décrets de conseils provinciaux.

[271] Constance étant à Césarée en Cappadoce, il faut compter bien près de deux mois pour l'aller et le retour des courriers. Julien semble bien n'avoir pas quitté Paris. Ammien, XX, 9, 1-6.

[272] Ammien, XX, 9, 4. — Constance se croyait assez sûr de l'autorité pour imposer à Julien de nouveaux ministres : le préfet Florentius fut remplacé par Nebridius, que Julien accepta (9, 5 et 8). Lupicinus avait déjà reçu pour successeur Gumoharius avec le titre de magister armorum (9, 5 ; titre qui, suivant Mommsen, G. Schr., VI, p. 266, ne serait qu'une expression littéraire propre à Ammien).

[273] In Campum cum multitudine armata pariter et plebeia ; XX, 9, 6.

[274] XX, 9, 6-7.

[275] XX, 10, 1. En outre, il faut noter qu'il envoya un notarius interdire toute sortie au port de Boulogne, pour empêcher le magister equitum Lupicinus, alors en Bretagne, de rien apprendre et rien comploter (9, 9).

[276] En juillet sans doute ; XX, 10, 11.

[277] Tricensimæ oppido ; XX, 10, 1-2. Par la route de Bavai, déjà suivie en 357, en 358 et sans doute en 359. La rapidité du passage s'explique par le soin qu'avait donné Julien à l'organisation des flottilles du Rhin.

[278] Il s'agit des Franci dits Atthuarii, qui venaient de ravager la pointe extrême de la Gaule (estima Galliarum), entre Xanten et Nimègue, et dont personne n'avait encore pénétré les pagi à cause des difficultés du terrain (scruposa viarum difficultate : ce qui semble ne pouvoir se rapporter qu'à la région de la Ruhr). Ammien, XX, 10, 2.

[279] Il fit à cette occasion une nouvelle chasse aux Alamans, qui occupaient encore quelques localités comme à titre définitif (loca olim intercepta retinebant ut propria ; 10, 3). Il s'agit évidemment de terres occupées par eux en 354-355 dans la Haute Alsace, entre Strasbourg et Augst, région que Julien n'avait pu encore visiter. On voit par là que son œuvre n'était pas achevée quand Constance voulut disloquer ses troupes. — C'est durant cette marche qu'il traita avec Vadomar (Eunape, fr. 3, p. 20, Didot), qui le trahit aussitôt après.

[280] D'Augst à Vienne per Besantionem (10, 3). — Il parle de son passage à Besançon dans une lettre (Epist., 38, p. 31, B. et G.), et le décrit à cette occasion. — Il dut arriver à Vienne fin octobre ou début de novembre, sa campagne ayant duré trois mois (Julien, ibid., p. 31, 8).

[281] XXI, 1, 4. Sans doute le 6 novembre 360.

[282] XXI, 2, 5. Peut-être célébrait-on alors en ce jour la naissance du Christ.

[283] Il s'agit de Vadomar, le roi du pagus (Brisgau ?) qui faisait face à Augst ; Ammien, XXI, 3, 4-5. Une de ses bandes avait même attaqué un détachement romain des corps de Celtes et de Pétulants prope Sanctionem [qu'on place à Sœckingen, qui est sur la rive droite, mais qui, m'écrit F. Stœhelin, aurait été autrefois dans un îlot ; j'ai peine à croire que engagement n'ait pas eu lieu sur la rive romaine, mais bien d'ailleurs dans cette région] ; XXI, 3, 1-3.

[284] Il commença d'abord par envoyer un de ses agents se saisir par surprise de Vadomar, qui avait franchi le Rhin à titre d'ami. Vadomar, expédié en Espagne, devint ensuite, chose étonnante, duc de Phénicie. Ammien, XXI, 4 ; 3, 5.

[285] Par Zurzach (n. suiv.) ? Ammien, XXI, 4, 7-8. Sur le passage de Zurzach et le fort qui le défendait (à Burg), Heierli, Indicateur d'Antiquités suisses, nouv. série, IX, 907.

[286] Ammien, XXI, 5 ; XXI, 8. Il parait avoir franchi le Rhin à Zurzach et avoir gagné le Danube par le sud de la Forêt Noire (per Marcianas silvas) à travers un pays occupé sans doute en partie par des Alamans insoumis (per ultima ferarum gentum regna ; Paneg., XI, b).

[287] Il est à remarquer qu'elle suffit à contenir les Barbares jusqu'à la mort de Julien. — Il est très difficile d'évaluer l'effectif de l'armée que Julien emmena de Gaule. Zosime indique le chiffre de 23.000 au départ (III, 10, 2 et 4) : mais il peut y avoir là bien des troupes venues d'ailleurs. En tout cas, la sécurité de la frontière ne souffrit pas un instant de cette diminution de l'effectif militaire (Zosime le remarque ; III, 9, 11). — De ces 23.000, 3000 accompagnèrent Julien lui-même (Zosime, III, 10, 2). Ces 3000 hommes semblent représenter les deux fameux corps des Celtes et des Pétulants, qui le suivirent en Asie et auxquels il accordait toute sa confiance, et qui se crurent alors tout permis, à la colère du reste de l'armée (cf. Ammien., XXII, 12, 6).

[288] Charietto, à la mort de Julien, était per utramque Germanium comes (XXVII, 1, 2). C'était un habitué des guerres du Rhin (XVII, 10, 5).

[289] Jovinus, armorum magister per Gallias à la mort de Julien en 363 (XXV, 8, 11). Il est probable qu'il y a remplacé à la fin de 361 Nevitta, que Julien y avait alors nomme magister armorum, au lieu et place de Gumoharius (XXI, 8, 1). Et ce titre parait bien dans ce cas synonyme de magister equitum (8, 3). — Il faut ajouter, comme préfet du prétoire, à la place de Nébridius, Salluste, l'ami personnel de Julien (XXI, 8, 1).

[290] Julien ne dit que trois fois (Ad sen. Ath., p. 280 c, Sp.) : mais il parle des exploits qu'il a faits comme César, avant les deux passages de 360 et de 361.

[291] Le 3 novembre 361.

[292] Ammien, XXI, 2, 4, à propos de sa présence au culte chrétien à Vienne : Adhærere cultui Christiano fingebat, a quo jampridem occulte desciverat ; le même, XXII, 5, 1. Voyez l'excellent article de Bidez, La Jeunesse de l'empereur Julien, 1921 (Ac. roy. de Belgique, Bull. de la Classe des Lettres).

[293] Voir ses deux discours. C'est le Soleil qui lui apparut en songe à Vienne avant son départ pour l'Orient (imago splendidior, Ammien, XXI, 2, 2 ; Ήλιος, Zosime, III, 9, 9). — Un motif personnel semble avoir attire plus particulièrement Julien vers le culte du soleil : c'est que ce culte était pour lui, comme il semble le dire lui-même, un culte familial, depuis trois générations et au delà πρό τοιγονιας (Constantin, Constance, Claude) ; Orat., IV, p. 131 ; cf. J. Maurice, Acad. des Inscr., C. r., 1910, p. 96 et s.

[294] On peut lui reprocher, évidemment, sa passion à demi maniaque pour l'art augural (Ammien, XXI, 2, 4). Mais les Chrétiens de ce temps, de leur côté, abusaient singulièrement du merveilleux (cf. t. VIII, ch. VI, § 13).

[295] Voyez, entre cent textes, la lettre de Julien à Arsacius, grand-prêtre de Galatie (Bidez et Cumont, p. 112 et s.), laquelle est capitale pour comprendre la religion que Julien appelait Έλληνισμός, et la manière dont il entendait l'organiser. — II.-A. Naville, Julien l'Apostat et sa philosophie du polythéisme, 1877 ; Rode, Geschichte der Reaction kaiser Julians, Iéna, 1877 ; etc.

[296] Pour tout ceci, ch. III, § 8, 9 et 10, ch. IV, § 3, 6 et 11, ch. V, § 2, 7, 8 et 9.

[297] Cela résulte évidemment des textes étudiés par Godefroy ad C. Th. XVI, 2, 18. Julien dut supprimer toutes les immunités accordées par Constance aux prêtres chrétiens.

[298] Mais les prêtres municipaux et provinciaux du culte impérial ne demeurèrent-ils pas immunes ? Cela paraît bien certain (Code Théod., XII, 1, 75). Les mesures de Julien avaient donc pour effet de ramener les prêtres chrétiens à la condition de prêtres libres.

[299] C'est ainsi que j'interprète Ammien, XXV, 4, 15 : Vectigalia civitatibus restuta cum fundis absque his quos velut jure vendidere præteritæ potestates [les pouvoirs civils]. Sur cette reconstitution des patrimoines municipaux, voyez les textes réunis par Bidez et Cumont, p. 52-55.

[300] Note précédente.

[301] Voyez les textes chez Bidez et Cumont, p. 69 et s. ; ici, note suivante.

[302] Ammien, XXV, 4, 20 : Illud inclemens quod docere vetuit magistros rhetoricos et grammaticos Christianos, ni transissent [ad] numinum cultum.

[303] Voyez la lettre à Arsacius.

[304] Textes chez Bidez et Cumont, p. 30-32.

[305] C'est Ammien lui-même qui le dit ; XXII, 5, 3-4.

[306] Nullas infestas hommibus bestias [ut] sunt sibi ferales plerique Christianorum expertus ; XXII, 5, 4.

[307] Voyez en particulier sa lettre si significative aux citoyens de Bostra ; Epist., p. 173 et s., Bidez et Cumont.

[308] Chnodomar, Vadomar. Comparez au contraire Constantin.

[309] Voyez ce qu'il voulut faire, à l'exemple des Chrétiens, pour les pauvres et les malades ; lettre à Arsacius, p. 112 et s., B. et C.

[310] Elle était alors gouvernée par son ami le préfet Salluste. — Ce nom amène la question suivante. Ce Salluste est-il différent du personnage de même nom, qui fut préfet d'Orient, de 362 à 365, et dont, la tolérance à l'endroit des Chrétiens fut célèbre (Sozomène, V, 10 ; Théodoret, III, 7) ? Ou bien y a-t-il deux personnages ? Ceci est l'opinion traditionnelle depuis Godefroy (Prosopographia, p 82-10 ; elle a été combattue avec de bons arguments par Gimazane (De S. Sallustio, Toulouse, 1889). Pourtant, je crois qu'elle demeure préférable, et il ne serait même pas impossible, en s'appuyant sur la tradition manuscrite d'Ammien, que le préfet d'Orient se fût appelé, non pas Sallustius, mais Secundus Salutius : c'est sans doute le même personnage que le Saturninius Secundus d'une inscription célèbre (Corp., VI, 1704 ; cf. Tillemont, Julien, note 5). — De toutes manières le Salluste de Gaule ne peut avoir persécuté les Chrétiens en aucune façon ; et Tillemont (Mém., VII, p. 723) a eu raison de combattre à ce sujet Baronius (ad a. 362, V, p. 132). Ce n'est certainement pas à titre de persécuteur qu'Hilaire lui a dédié un de ses écrits de polémique. — Il n'y a jusqu'a nouvel ordre absolument rien d'historique à tirer des Passions ou Vies des quatre saints lorrains dont le martyre est attribue a Julien : Elaphe ou Eliphius (Acta, 10 oct., VII, p. 803-4), Eucaire ou Euchartus (27 oct., XII, p. 229), Libaire ou Libaria (8 oct. , IV, p. 128), Menne ou Menna (3 oct., II, p. 150 ; Anal.-Bolland., XVIII, p. 412-5).

[311] Voyez sa lettre à Atarbius, p. 112, B. et C.

[312] Il est cependant possible que la politique si tolérante de Valentinien ait été en partie influencée par l'œuvre et les idées de Julien.

[313] Sur cette tentative il faut lire surtout les pages de Bidez, pleines de tact, de finesse et de légitime sympathie à l'endroit de Julien, L'Évolution de la politique de l'empereur Julien en matière religieuse (1914, Bruxelles, Bull. de la Classe des Lettres, Acad. royale de Belgique).

[314] Je ne comprends pas les colères que ces mesures si légitimes excitent chez Ammien, qui se fait en cette affaire le défenseur des privilégiés. Illud amarum et notabile fuit, quod ægre sub eo a curialibus quisquam adpetitus, licet privilegiis et stipendtiorum numero et originis penitus alienæ firmitudine communitus, obtinebat æquissimum (XXII, 9, 12) ; illud quoque parum ferendum, et le reste, dans le même sens (XXV, 4, 21). Ammien a dû souffrir personnellement de la mesure. — Cf. t. VIII, ch. I, § 9.

[315] Voyez t. IV, ch. VIII, t. VIII, ch. I, § 15, ch. VII, § 5.

[316] Voyez maintenant, sur l'œuvre impériale de Julien, Ennslin dans Klio, XVIII, 923, p. 104 et s. Bidez prépare une histoire et une édition de Julien.

[317] Il le dit lui-même, Misopogon, p. 342, 359, 360, Ép. ad sen. Atn., p. 281 c, Sp. C'est à dessein que je dis Grec, car Julien reconnaît volontiers qu'il voulut passer aux yeux des Gaulois comme άνδρα τίς τους πρώτους των Έλλήνωντελοΰτα (Orat., VIII, ad Sallustium, p. 252 a, Sp.).

Julien eut comme préfets du prétoire nommés par Constance : Florentius, de 357 [356 ?] à 360 ; Nebridius, de 360 a 361. Il remplaça, celui-ci un instant, en 361, semble-t-il, par Germanianus (Ammien, XXI, 8, 1), puis par Sallustius, qui resta en charge de 361 à 363.