HISTOIRE DE LA GAULE

TOME IV. — LE GOUVERNEMENT DE ROME.

CHAPITRE VII. — DROITS ET CHARGES.

 

 

I. — DU DROIT DE COALITION ENTRE LES CITÉS.

Étudions maintenant en détail les changements que l’État romain avait apportés dans la vie politique des peuples et des hommes de la Gaule, les droits qu’il leur laissait et ceux qu’il revendiquait pour lui, les devoirs et les charges qu’il leur imposait à titre d’alliés, de sujets ou de citoyens.

Le peuple romain étant le corps politique souverain, son droit primordial et pour ainsi dire son devoir envers lui-même est de ne tolérer aucune société, aucune coalition de villes ou d’individus qui mette en péril son existence[1].

Par suite de la conquête disparurent les fédérations de nations- gauloises, les ligues militaires d’Armorique et de Belgique, les Empires arverne et éduen[2]. Il est possible que César ait encore respecté ces relations de clientèle et d’amitié qui groupaient autour d’une cité puissante les peuplades de son voisinage ; je doute qu’Auguste ne les ait point supprimées. Dès son règne, il n’y a plus, entre les différents peuples de la Gaule, d’autres liens politiques que ceux d’une commune obéissance : c’est ainsi que les Vellaves du Velay, si longtemps vassaux des Arvernes[3], en sont dès lors détachés, et pour toujours[4]. Toute cité de la Gaule est libre par rapport aux autres[5]. L’État ne permet, de l’une à l’autre, aucune entente ou aucun conflit politiques, ni paix ni guerre[6]. — Ce fut le plus grand changement, le plus sensible aux peuples, le plus bienfaisant, que leur procura l’empire de Rome. Avant César, une, cité gauloise intervenait sans cesse dans la vie des cités voisines, pour les combattre ou pour se conjurer avec elles. Le nouveau régime les oblige à s’ignorer toutes dans le cours ordinaire de leur existence politique.

Ce n’est pas à dire que Rome ait interdit toute relation entre les peuples. Elle fut au contraire, à cet égard, plus libérale que la France d’aujourd’hui, et elle laissa, d’une cité de la Gaule à l’autre, circuler sans cesse des propos et des marques d’amitié. Je crois qu’elles pouvaient s’inviter publiquement à leurs fêtes et jeux respectifs[7]. Elles échangeaient des mains de bronze, signes de devoirs hospitaliers[8] ; elles s’envoyaient des souhaits de bonheur[9]. Les corps politiques qu’elles formaient ne furent pas séparés par des barrières infranchissables : on put être citoyen, sénateur, magistrat dans deux nations différentes[10].

L’État romain ne prenait nulle inquiétude de manifestations de ce genre, de ces colloques municipaux, ombres innocentes des grandes libertés disparues. Il ne lui déplaisait point que Ies cités gauloises conservassent la tradition de l’antique fraternité qui les avait unies sous un seul nom. Et on a vu qu’Auguste lui-même finit par donner à cette tradition une force nouvelle et la plus sainte des sanctions, en créant l’autel et le conseil des Gaules. — Voilà pourquoi, cent vingt ans après la conquête, il y avait entre les cités de ces pays plus de liens et de rapports naturels, plus de motifs et d’occasions de pourparlers ou d’accords, qu’il n’y en a maintenant entre les grandes villes de notre France. On le vit bien lors de l’anarchie qui suivit la mort de Néron : devant l’inertie du pouvoir central, les nations, en un clin d’œil, surent se concerter pour délibérer ensemble et prendre une résolution commune.

 

II. — DU DROIT D’ARMES ET DE REMPARTS.

Afin d’ôter de ces souvenirs et de ces accords leur caractère dangereux, Rome, cela va de soi, avait supprimé chez les peuples tout ce qui ressemblait à une prérogative militaire : le droit de guerre, le droit de lever et d’armer des hommes, étaient l’essence même de son imperium, et, inversement, la condition propre d’une cité sujette, en face de la cité romaine, était de vivre désarmée. — Mais, en cela aussi, la politique des empereurs toléra mille nuances.

Il n’est pas certain qu’on ait imposé d’abord le désarmement aux nations libres et fédérées, telles que les Lingons et les Éduens[11]. De même, on respecta longtemps les remparts de leurs villes[12] : quand les Éduens bâtirent à Autun une capitale nouvelle, on leur permit de l’entourer de murailles[13].

Ce droit de remparts, toutes les colonies l’avaient sans aucun doute. Aujourd’hui encore, nous pouvons voir à Fréjus ou à Nîmes les majestueux débris des enceintes municipales : et c’étaient vraiment de fort solides constructions, bien comprises pour la sauvegarde militaire d’une grande cité[14]. Il est probable aussi que le port des armes de guerre n’y était point interdit, et qu’elles avaient leur milice et leur arsenal[15]. Sans ces droits, sans des armes et des murailles, la colonie eût-elle été l’image de la Rome ancienne[16] ?

Mais il en advint d’elles et de toutes les cités de la province ce qu’il en était advenu de Rome même. Celle-ci vivait alors désarmée, et ses anciens remparts n’étaient plus qu’un monument historique. En Gaule également, l’Empire vieillissant dans la paix, les formes militaires se perdirent, plutôt sous l’influence des mœurs nouvelles que sous la pression des lois. Dès le temps de Tibère, l’ignorance des armes de guerre est presque générale, et l’on ne connaît plus que les armes de chasse, de police ou de spectacle[17]. Sauf peut-être à Marseille et à Autun, les remparts disparaissent de toutes les villes qui ne sont pas colonies ; et même, sous le règne de Claude, on bâtit des colonies qui ne sont point murées : ce qui est l’abandon des principes séculaires du peuple romain[18]. — Au reste, si l’empereur le juge bon, nul principe et nul privilège, si antiques soient-ils, ne l’empêchent de faire démolir les remparts d’une ville, de désarmer ses habitants un à un[19]. En sa qualité d’imperator, il est l’arbitre souverain dans toutes les choses de la paix et de la guerre.

Ce qui finit par rester aux cités en la matière, ce fut l’indispensable, de quoi armer la police municipale, sergents de ville, gardes champêtres ou gendarmerie rurale. Que ces corps de police locale aient été plus variés et plus importants que dans nos villes modernes, cela va de soi, chaque cité gauloise ayant à répondre de l’ordre sur un vaste territoire. Qu’en cas de danger subit l’État ait toléré la construction de défenses[20], la distribution d’armes à une partie de la population, à des confréries d’artisans, de jeunes gens, de chasseurs ou de vétérans[21], cela valait mieux qu’une ville aux mains de l’ennemi. Mais il n’y avait là que des armements restreints, provisoires et tumultuaires. Une cité gauloise, en temps normal, n’avait plus ses milices ; rien n’y ressemblait à ce que fut si longtemps, chez ; nous, la garde nationale. La multitude y vivait, comme nous vivons nous-mêmes, toujours à la merci des soldats et quelquefois des malfaiteurs.

Il le fallait d’ailleurs : accepter une Gaule en armes, c’eut été l’exposer à une sanglante anarchie. Déjà, par suite des mœurs de ce temps, elle abondait en engins meurtriers[22] : c’était pays de veneurs et pays de gladiateurs ; les riches entretenaient de vrais arsenaux dans leurs domaines pour les jours des grandes chasses[23] ; les villes avaient leurs dépôts de cuirasses et de glaives pour les spectacles des fêtes publiques[24]. De vieilles corporations gauloises conservaient le droit de porter lances et boucliers[25]. Que l’État permette davantage : et, chez ces nations turbulentes, mal guéries des habitudes de l’indépendance, on verra aussitôt batailles dans les rues et guerres sur les routes. — Lorsque, sous Néron et Vitellius, on ne redouta plus l’empereur, les cités s’armèrent à leur guise, et ce fut d’abord pour se battre entre elles. Lingons et Séquanes essayèrent une fois de plus de régler dans un combat leur longue querelle[26]. Vienne, sous prétexte de défendre Galba, leva des hommes, forma des légions, et, cela fait, résolut d’attaquer Lyon sa voisine[27] : dans cette riche et belle cité circulaient toujours le sang et les passions des Allobroges[28]. Ce n’était point trop, pour la faire obéir, de tous les droits et de toute la force d’un État souverain.

 

III. — DU DROIT D’ENTENTE ENTRE LES HOMMES.

L’État romain est également seul à régler les rapports des hommes entre eux, alliances, contrats ou procès.

Les millions d’individus qui dépendaient de lui, appartenaient à des nations et à des classes fort différentes, que séparaient l’obstacle des longues distances ou celui des préjugés sociaux. Il faut rendre cette justice aux empereurs, qu’ils n’ont rien fait pour fortifier ces obstacles.

On passait sans peine d’une classe à l’autre. Tout esclave pouvait aspirer à la liberté, tout affranchi à la puissance, tout chevalier au sénat[29]. Le maître le plus redouté des Gaulois, sous Auguste, fut l’affranchi Licinus, ancien prisonnier de guerre. Avec beaucoup d’adresse et un peu de chance, on s’élevait assez vite loin de sa situation primitive, si basse qu’elle fût. Je pense d’ailleurs qu’il n’en avait pas été autrement dans l’ancienne Gaule, et que le monde occidental répugna toujours à frapper certaines conditions de tares indélébiles, à enfermer les hommes dans des classes murées comme des prisons.

D’une classe à l’autre, les alliances ne furent jamais impossibles. Nous ignorons trop l’ancien droit gaulois pour affirmer qu’il les permît entre esclaves et libres ; mais nous n’avons aucun motif pour croire qu’il les ait prohibées. En tout cas, le nouveau droit de l’Empire les accepta, en Gaule comme ailleurs : il suffit de regarder les épitaphes pour voir combien d’esclaves ont épousé leurs maîtres. Que l’affranchissement ait précédé le mariage, il n’importe[30] la femme qui sortait de l’esclavage pour devenir libre et épouse, recevait un double avantage.

On avait beaucoup discuté, au temps de l’ancienne République, sur la question du mariage entre les personnes de cités différentes, et aussi sur celle des relations commerciales qui pouvaient les rapprocher. Jus connubii, jus commercii, ces droits d’échanger ou de posséder légitimement femmes, terres et marchandises, ne paraissent plus en discussion à l’époque impériale[31]. Nous ne trouvons aucune trace d’une législation qui interdise mariages et contrats entre citoyens et pérégrins. Que la loi ait formulé des conditions[32] et imaginé des subterfuges[33], c’est certain, et le contraire nous étonnerait. Mais elle fut toujours moins forte que le fait[34] : et le fait, que nous montrent d’innombrables inscriptions, a été un irrésistible mouvement entraînant les uns vers les autres tous les habitants de l’Empire.

C’est aussi pour cela que les empereurs ont toujours fait preuve de tolérance en matière d’association : depuis Auguste jusqu’à Alexandre Sévère, durant deux siècles et demi, la marche des lois a été continue dans le sens de la liberté. Une fois prises les garanties nécessaires à la bonne police de l’État, les princes laissaient volontiers aller les choses et se grouper les hommes[35].

Malgré la présence d’un despote, les droits et les libertés de l’homme s’affirmaient chaque jour davantage. L’existence d’un vaste empire annulait, en fait et dans les lois, les défenses que les religions municipales avaient mises autrefois entre les groupes humains. Un empereur ou ses conseillers étaient tenus de subordonner l’idée de cité à celle d’empire. Délivrés des entraves politiques, les habitants s’écrivaient, se visitaient, se connaissaient et s’accordaient d’un bout à l’autre de la terre. Philosophes, rhéteurs et poètes propageaient le culte de la fraternité, le rêve d’une cité divine[36]. Si les Romains voulaient que leur empire se confondît avec le genre humain, il fallait qu’ils reconnussent les lois primordiales de ce genre humain, et qu’ils fissent prévaloir, contre les diversités d’origine et les scrupules de la tradition, le droit naturel des hommes à s’entendre et à s’unir. Nul empereur n’a manqué à cette tâche[37].

 

IV. — DROIT ROMAIN ET DROIT CELTIQUE.

L’État romain fixe la procédure et les sanctions de ces accords, mariages, affranchissements, contrats de vente et de commerce, lois de sociétés. Suivant les cas, il abandonne la connaissance des litiges aux magistrats des cités indigènes ou il la réserve à ses délégués dans la province. Mais c’est lui ; et lui seul, qui est le rédacteur ou le régulateur du droit civil et commercial[38].

Ce droit civil, son application dans les Gaules, soulèvent le problème le plus difficile et comme le plus irritant que présente l’histoire encore mystérieuse de la vie provinciale dans l’Empire romain. En face des pratiques latines, qu’apportaient les juristes d’État, se trouvaient les coutumes des cités gauloises, beaucoup plus expertes en matière de procédure qu’on ne le croit d’ordinaire. Quelles furent les relations entre ces deux droits concurrents, le droit romain et le droit celtique ? Je pose cette question, parce qu’il le faut, et qu’elle est capitale ; je ne crois pas qu’on puisse y faire, de longtemps, une réponse définitive.

Quelques indices font supposer que la coutume celtique a été assez fréquemment maintenue, par exemple en fait de testament[39], de biens de la femme mariée[40], de contrats religieux[41], de domaines de temples[42]. Mais ces indices sont trop vagues pour en tirer une conclusion générale. Et ce que nous appelons la trace d’une pratique gauloise n’est peut-être que la traduction gauloise d’une règle de droit romain.

Un motif d’ordre plus général permet cependant de croire à la persistance légale du droit indigène. Jusqu’à la fin de l’Empire, même au temps de Constantin et de Théodose, alors qu’il n’y avait plus que des citoyens romains, soumis tous au droit d’État, les empereurs et leurs jurisconsultes ne cessèrent de proclamer qu’il fallait respecter les lois locales[43] et les coutumes[44]. Qui dit coutume dit tradition et chose ancienne : que pouvaient être les lois et coutumes locales de la Gaule latine, sinon les survivances de son ancien droit national[45] ? — Mais en quoi elles consistèrent, je doute que nous le retrouvions jamais, si ce n’est peut-être en recherchant les pratiques les plus originales du plus vieux droit coutumier de la France[46].

Une chose, en tout cas, me parait probable, et elle facilita l’application du droit romain dans les Gaules. C’est que ce droit, le plus souvent, ne se trouvait pas en contradiction avec les habitudes indigènes[47]. La famille, le domaine, la cité, ne furent pas organisées dans la Celtique indépendante suivant des règles très différentes de celles qu’avait suivies la Rome des patriciens : les Gaulois connaissaient la propriété foncière et mobilière, le prêt d’argent et les comptes d’intérêts ; ils respectaient l’unité du mariage, la puissance paternelle, les liens collatéraux. Ces principes, sans doute, gardaient encore chez eux leur rigueur primitive ; ils n’étaient point passés par la lente évolution où s’était transformé, à Rome, le droit de la cité patricienne[48]. Mais cette transformation ne paraissait point contraire à la marche naturelle du droit celtique. Et là où le droit romain le supplanta, ce ne fut pas la disparition des anciens principes, chassés par des principes contraires, mais leur adaptation à des règles, à des formules plus humaines.

Qu’on retienne ce mot d’adaptation, ou, si l’on préfère, ceux de fusion et de conciliation : ils désignent la manière dont toutes les institutions romaines, sans exception, se sont implantées dans le monde gaulois. Elles n’ont pas expulsé des institutions rivales : elles se sont associées ou combinées avec les coutumes indigènes qui leur ressemblaient. Le vergobret des nations celtiques est devenu insensiblement un duumvir à la façon latine ; le dieu Bélénus s’est transfiguré peu à peu en Apollon, et Teutatès en Mercure ; des souvenirs de l’église druidique ont servi à constituer l’assemblée du Confluent ; et le droit gaulois a fini par s’appareiller avec le droit romain, sans qu’aucune révolution ait brusquement troublé les habitudes et les pensées des hommes[49].

 

V. — LANGUE, CALENDRIER, POIDS ET MESURES, MONNAIES.

Les pratiques qui intéressent le plus, non pas les règles, mais les actes de la justice ou de l’administration civile, sont celles de la langue, du calendrier, de la monnaie, des poids et mesures.

La langue officielle fut le latin dans les actes publics de l’État, des provinces et des cités. Pas une inscription, pas une monnaie émanant d’un pouvoir local, quelque modeste qu’il soit, n’est gravée en langue celtique[50]. Mais il est évident que l’usage du latin n’a pu être imposé dès le premier jour après la conquête. Il a bien fallu donner aux magistrats municipaux le temps de s’instruire. Et le fait qu’on reconnut longtemps leur titre national de vergobret, montre que les empereurs ne furent pas délibérément hostiles à l’emploi de termes tirés de l’idiome indigène[51]. Au surplus, je crois que les fonctionnaires locaux se sont servis du latin aussi vite et aussi volontiers que leurs maîtres ont pu le désirer. Ils n’avaient pas attendu César pour l’apprendre ou l’employer. Vercingétorix, sur ses monnaies d’or, fit graver son nom sous une forme romaine. Les Celtes se sont d’eux-mêmes rendu compte que, de gré ou de force, le latin allait devenir dans l’univers la langue administrative et la langue d’affaires. — En matière de droit privé et religieux, l’autorité fut plus conciliante. Elle admit pendant longtemps qu’on pût se servir de l’idiome gaulois pour rédiger des testaments ou des règlements de temples[52]. Il est vrai qu’il s’agissait des choses de la mort et de celles du culte, et que le passé s’y attarde davantage.

Il fallut aussi que le calendrier celtique disparût de l’usage public. L’empereur romain eut tout de suite tellement de fêtes et de dévots, que ses fastes s’imposèrent au monde dès l’origine de l’Empire. A Lyon comme à Narbonne, devant l’autel du Confluent comme au forum des colonies, ce sont les ides et les calendes latines qui règlent les cérémonies de la religion officielle[53] et aussi, n’en doutons pas, les actes de la vie politique. Mais les dieux de la Gaule eurent de la peine à abandonner les habitudes périodiques du calendrier national : trop de fêtes, trop de formules, demeuraient attachées à l’observance de ses mois lunaires. On ne voit pas que les empereurs en aient proscrit l’usage dans les temples des divinités indigènes[54]. Ils laissèrent faire le temps.

Il en fut de même pour les poids et mesures[55]. Le système romain devint sans doute obligatoire dans les actes et les faits de l’administration : aux premiers jours de l’Empire, on compte en milles sur les routes[56], on mesure en pieds les concessions de terrain[57], on pèse en onces et en livres[58]. Mais combien de mesures locales subsistèrent au su ou à l’insu des pouvoirs publics ! Il dut arriver en Gaule, pour les pieds et les milles romains, ce qu’on vit en France pour le système métrique : il a fallu un demi-siècle de batailles juridiques pour le faire triompher. Du moins, il l’a emporté[59]. Les Romains ne furent pas aussi heureux en métrologie. L’usage local tint bon partout. Il persista pour les mesures de surface ou de longueur[60], et aussi, je pense, pour celles de capacité[61] : je ne crois pas impossible que nos setiers et nos barriques ne remontent, par delà les temps de l’Empire, jusqu’à ceux de la Gaule indépendante[62]. Il persista même pour les mesures itinéraires, et avec une telle ténacité, que l’État romain dut s’avouer vaincu : l’empereur Septime Sévère renonça à imposer le mille aux trois provinces de la Gaule Chevelue, et, depuis lui, sur toutes leurs bornes routières, on inscrivit officiellement le nom de la lieue celtique[63]. La seule chose que Rome put ou voulut obtenir, ce fut un rapport fixe et facile à calculer entre la mesure d’État et la mesure coutumière des indigènes[64].

Les empereurs eurent, en matière de monnaies, plus d’énergie et d’esprit de suite, et c’était d’ailleurs leur devoir : car la monnaie est le principal régulateur de la vie économique, et il faut qu’elle demeure sous le contrôle continu du pouvoir souverain. Pour éviter de longs et coûteux transports de numéraire, il fut établi à Lyon, à l’usage de l’Occident, un grand atelier d’État, où l’on frappa des pièces d’or, d’argent et de bronze. Cela était déjà fait sous Auguste[65]. Et dès lors, il sembla difficile qu’on tolérât la concurrence d’un monnayage indigène.

Pourtant, le patient empereur ne se hâta point de fermer les ateliers municipaux. Dans le Midi, on laissa fonctionner ceux de cités libres, telles que Marseille[66] ou les Volques de Nîmes[67], et même de cités sujettes, telles que les Allobroges de Vienne[68] ; et, comme l’esprit conservateur, le sens de la tradition s’imposaient alors en toutes choses, même devenue colonie, la ville de Nîmes conserva un droit qu’elle tenait de son passé celtique[69]. Dans la Gaule Chevelue, celle qui dépendait de Lyon, bien des peuplades, grandes ou petites, fédérées, libres ou non, Continuèrent à frapper monnaie, gravant fièrement sur leurs pièces leur nom national et les noms et titres de leurs magistrats[70].

Il est vrai que c’était en langue latine[71], et que les antiques emblèmes du monde celtique cédaient peu à peu la place aux figures consacrées dans le monnayage latin[72]. Rome faisait sentir de plus en plus sa force et son influence. Toutes ces monnaies indigènes étaient conformes aux types de l’État[73]. Ni Marseille ni les cités gauloises n’émettaient de pièces d’or, ce qui était la marque de la souveraineté[74]. Dès Auguste même, la frappe d’argent cessa partout[75]. On garda plus longtemps le droit à la monnaie de bronze, mais pas au delà, je crois, des premières années de Tibère[76]. Celui-ci n’aimait guère les vieux privilèges municipaux : il voyait en eux une entrave à la vie régulière, à une administration sage et bien ordonnée[77]. Et ceux qui mettent en cela l’idéal d’un État, trouveront qu’il eut raison de supprimer les vestiges encombrants et disparates d’une liberté disparue.

Est-il sûr d’ailleurs que les villes aient désiré les conserver ? Un atelier monétaire coûtait cher à entretenir. Il fallait payer la matière première, nourrir les ouvriers, surveiller la frappe, et l’Etat était toujours prêt à contrôler les opérations et à découvrir des malfaçons. Les monnaies impériales défiaient d’ailleurs toute concurrence, et il est douteux que les deniers ou les as locaux aient eu cours forcé en dehors des frontières municipales. Une cité, en ce temps-là, tenait surtout aux privilèges rémunérateurs. Elle sacrifiait volontiers ceux qui ne comptaient que par la gloire et le charme des souvenirs[78].

 

VI. — DROIT CRIMINEL.

En matière de droit pénal et criminel, l’intervention de Rome a été plus brusque et plus franche. Car le pouvoir de punir un crime, d’ôter à un homme sa vie ou sa liberté, n’a jamais appartenu qu’à l’autorité souveraine, à celle qui détenait l’imperium. César n’avait même pas attendu la soumission de la Gaule pour condamner des indigènes suivant la procédure romaine, siégeant sur son tribunal et faisant frapper de verges : ce fut peut-être chez lui la façon la plus visible de les traiter en vaincus et de se montrer en imperator.

On voudrait savoir si les magistrats des grandes cités libres, telles que Marseille ou les Rèmes, n’ont pas conservé, quelque temps après la conquête, le droit de juger au criminel. Nul texte ne nous renseigne à ce sujet. Mais s’ils ont gardé ce droit, cela ne dura pas. J’imagine qu’il en fut bientôt de leurs sentences capitales comme de celles des jurats, capitouls ou échevins municipaux de l’ancienne France : celles-ci n’étaient exécutées qu’après reprise du procès et confirmation de l’arrêt par le tribunal souverain du Parlement[79] ; de même, dans l’Empire romain, nul ne put perdre la vie ou la liberté que sur jugement de l’empereur ou de son délégué[80].

 

VII. — POLICE DE SÛRETÉ GÉNÉRALE[81].

Justice et police vont ensemble, comme on disait autrefois. Les Romains fixèrent les mêmes règles pour le droit de surveiller et pour celui de punir.

Les magistrats des cités demeurèrent chargés de la surveillance locale, villes et campagnes ; les gouverneurs des provinces prenaient les mesures de sûreté générale. Mais la difficulté était de savoir où finissait la besogne de simple police, et quand .entrait en jeu la sécurité de l’État. L’administration impériale se trouva exposée aux mêmes conflits que la nôtre.

Rome les a tranchés, ce me semble, avec plus de libéralisme que les États modernes, moins de jalousie à l’endroit des pouvoirs locaux. Elle ne prit jamais ces habitudes de despotisme administratif que nous ont infligées tour à tour la Royauté, la Convention, l’Empire et les bureaux des ministères. Et, quoique les cités sortissent à peine de l’état de liberté (et peut-être à cause de cela), Rome trouva plus de profit que de danger à leur permettre l’apparence de quelques droits souverains.

La police de la Gaule, par exemple, comportait la protection des grandes routes postales, plus nécessaires encore à la sûreté de l’Empire que les voies ferrées ne le sont à celle des États modernes. Pour les défendre contre les brigands, qui les infestèrent souvent, même aux époques les plus tranquilles, les empereurs mirent sur pied une sorte de gendarmerie, formée surtout de détachements militaires, avec casernes et corps de garde aux bons endroits[82]. Mais ils n’hésitaient pas, même en cette affaire qui entraînait l’emploi d’une force armée, à recourir aux offices des pouvoirs locaux. Certaines cités de montagnes, par exemple les Voconces de la Drôme, reçurent ou conservèrent le droit d’entretenir sur leur vaste domaine une maréchaussée municipale[83].

En cas de trouble imprévu, les magistrats municipaux n’attendaient pas une réquisition du gouverneur pour renforcer leurs troupes ordinaires de police par une milice d’occasion. L’État romain ne leur savait point mauvais gré de prendre un instant sa place et de veiller à la tranquillité de l’Empire.

Cette tranquillité nécessitait aussi la surveillance des cultes et des propos publics.

Les dieux sont, dans la Gaule entière, si nombreux et si variés, qu’on peut, à leur endroit, prononcer le mot de liberté. Je veux dire par là qu’on admit toutes les formes et tous les noms de la divinité, et toutes les manières de l’adorer. Si Teutatès a disparu, c’est que les Gaulois n’ont plus voulu de lui. A Paris comme dans les campagnes, les vieilles déités indigènes reçurent longtemps l’hommage public des cités ou l’hommage visible des dévots. Et, à voir cette profusion de dieux, d’images, de prières, d’autels, de temples et de prêtres qui se pressent côte à côte, qui virent sans se heurter, qui naissent, grandissent et meurent sous la protection indifférente ou bienveillante de l’État, on est tenté d’admirer la tolérance des empereurs romains.

Mais prenons garde. Ils ont combattu les Chrétiens et les druides. Admettons qu’il y ait eu à cette hostilité des motifs politiques : les Chrétiens espéraient et les druides regrettaient un ordre de choses différent du- régime actuel. Ces persécutions n’en montrent pas moins que, si l’intérêt de l’État était en jeu, il n’y avait plus à invoquer la liberté de croire ou de prier. Parmi les rites druidiques, on proscrivit les meurtres rituels : ce qui fut sans doute moins dans l’intérêt de l’humanité que dans celui de, l’État, soucieux de réserver les exécutions capitales à ses maîtres des hautes œuvres. Mais on interdit bien d’autres pratiques, comme l’usage d’amulettes ou de talismans. Porter sur soi un œuf de serpent, passa pour une faute grave, et, dans certains cas, pour un vrai crime, qui entraînait la peine de mort. Et en notant cela, maintenant, nous sommes tentés de parler d’odieuse intolérance et de despotisme incohérent : on laissait le Bélénus celtique trôner dans ses temples, et on décapitait un porteur de fétiche gaulois.

Ces hommes, les Césars et leurs ministres, étaient logiques en leur conduite. D’une part, ils aimaient, ils craignaient, ils voulaient se concilier tous les dieux. D’autre part, rien ne les effrayait plus qu’un acte de sorcellerie, une parole magique, une menace prophétique. Pour le salut de l’Empire et pour leur propre sécurité, les empereurs adoraient Bélénus et proscrivaient l’œuf de serpent. Ils faisaient comme ont fait tous les chefs d’État : ils dirigeaient suivant les croyances de leur temps l’exercice de leur police souveraine.

La surveillance des propos et des discours ne pouvait être bien faite qu’à Rome même. En Gaule, il n’y a qu’à Lyon un corps de police impériale. Partout ailleurs, l’espionnage d’État est laissé à l’initiative des soldats, des esclaves ou des affranchis du prince, des employés municipaux, et surtout des sycophantes de profession, tous gens embusqués dans l’espoir d’une délation profitable. Beaucoup de choses échappaient sans doute à ces volontaires de la police. En temps ordinaire, dans ses paroles, discours, croyances et gestes, le provincial est assez libre. Tu peux dire du mal de César, dit Épictète au paysan, il n’en saura ou n’en fera rien : s’il punissait tous ceux qui l’injurient, il n’aurait plus sur qui régner[84].

La terre est peut-être moins libre que l’homme, le travail rural que le culte des dieux. L’État romain continue à exercer un droit de contrôle sur la façon dont le sol est entretenu, et il peut, à son gré, interdire ou limiter tel mode de culture. C’est ainsi que, de temps à autre, on ordonnait d’arracher des vignes ou on défendait d’en planter de nouvelles : soit que les empereurs favorisent la vente des crus italiens, soit qu’ils veulent que la province produise plus de blé et moins de vin, ils ne craignent pas d’user, contre les vignobles de la Gaule, du droit conféré par la conquête sur les terres vaincues[85].

Ces droits de surveillance et de contrôle, cette police qui s’exerce à la fois sur les hommes, les gestes, les paroles et les terres, ne dépassent pas la portée habituelle de l’autorité publique. On retrouverait aisément ces principes et ces pratiques dans les États modernes, les communes chrétiennes et les cités grecques. La monarchie française, elle aussi, a fait la guerre aux vignobles[86], et tous les États, grands ou petits, despotiques ou libres, ont, à leurs heures mauvaises, persécuté d’innocents fétiches.

A voir même les choses de près, il semble probable que la tyrannie du pouvoir souverain a été, sous la monarchie romaine, moins minutieuse et moins efficace que dans les cités antiques et les États modernes. Les circonstances, à défaut des droits, ont modéré son action. L’Empire était trop vaste, la capitale trop éloignée des provinces, les agents de l’État trop peu nombreux, pour que la liberté ou la désobéissance ne fût point facile et ne restât pas impunie. Rappelons-nous que les empereurs n’entretiennent de bureaux permanents que dans les quatre ou cinq plus grandes villes, métropoles des provinces de la Gaule ; la presque totalité des cités, quatre-vingts, sont sous-traites en temps normal à la surveillance de l’État. N’oublions pas aussi que l’Empire romain n’avait pas organisé un service d’inspection périodique : et dans un grand État, tel qu’est par exemple la France d’aujourd’hui, le corps des inspecteurs, bien plus que celui des fonctionnaires de résidence, est la véritable garantie de la puissance publique. Ce qui, enfin, limita cette puissance dans la Gaule des Césars, c’est que le despotisme d’un seul maître y succéda tout d’un coup à l’extrême indiscipline municipale : les empereurs avaient tout intérêt à y ménager des transitions, et d’ailleurs, quel que fût leur pouvoir, il n’allait pas jusqu’à transformer brusquement la nature de ces hommes. — Nous avons déjà vu souvent comment ils ont su, dans le gouvernement des Gaules, accommoder le principe de leur toute-puissance avec la tradition des libertés expirantes.

Nous allons constater un semblable effort de conciliation même en ce qui concerne les deux droits les plus impérieux d’un État souverain, celui de lever des soldats et celui de lever des impôts.

 

VIII. — LE SERVICE MILITAIRE.

Le service militaire s’imposait aux citoyens romains comme un devoir envers la patrie[87], aux sujets de l’Empire comme une obligation envers l’État souverain[88].

Mais, le principe une fois admis, la pratique en adoucissait la rigueur. Depuis que les Césars avaient renoncé aux conquêtes, et que l’armée se bornait à garder la frontière, moins d’un demi-million de soldats suffisaient à cette tâche[89], et il y avait dans l’Empire plus de cent millions d’êtres. Les troupes du Rhin ne dépassaient pas cent mille hommes, et derrière elles se tenaient, pour combler les vides, les vingt ou trente millions d’habitants de la Gaule, c’est-à-dire trois millions d’enrôlés possibles, sans parler des Espagnols et des Italiens, qui n’avaient point de frontières à défendre. Aussi les empereurs recouraient-ils rare–ment à des levées d’office[90] : les engagements volontaires satisfaisaient aux besoins courants[91]. Les agents recruteurs[92] du prince n’avaient aucune peine à trouver en Gaule, chaque année, les recrues nécessaires à la grande armée de l’Occident[93].

On peut même affirmer qu’il se présentait à eux plus d’hommes qu’il n’en fallait. Le Gaulois, de temps immémorial, regardait la guerre, la marche, la vie sous les armes comme sa raison d’être ici-bas. Et ce qui dut lui coûter le plus, ce ne fut pas de partir pour la frontière, mais de travailler près de son foyer[94].

On a vu que le plus souvent, durant le premier siècle de l’Empire, les Gaulois servirent dans les légions ou les corps auxiliaires des bords du Rhin. Cela permit à l’État d’éviter des frais de route, des longueurs administratives, les inconvénients des bandes de conscrits qui cheminent. Il y gagnait aussi d’avoir une armée homogène, moins prête aux querelles entre nations rivales, plus disposée à défendre une frontière qui encadrait des tombes d’aïeux et des foyers de familles. — Mais les Gaulois profitaient plus encore à cette pratique. Ils servaient ensemble, et ils servaient près de leur pays. En cas de permission, ils se trouvaient aussitôt chez eux. Le climat, le sol, la langue, la nourriture, rien n’était changé à leurs habitudes. On les exposait aux Germains, leurs ennemis héréditaires. Pour un Séquane ou un Trévire, combattre le Sicambre à Cologne ou le Suève à Mayence, c’était continuer l’œuvre six fois séculaire des nations gauloises.

Au reste, les liens qui unissaient Celtes et Belges à l’armée du Rhin, ne furent point exclusifs. Les volontaires gaulois étaient assez nombreux pour refluer dans les troupes les plus lointaines. Beaucoup allèrent en Bretagne[95], en Illyrie[96], d’autres en Afrique[97], et quelques-uns même près du Nil[98] ou de l’Euphrate[99]. Les légats des armées du Centre et de l’Orient ne déconseillaient assurément pas l’emploi de ces recrues à demi barbares : le Gaulois, surtout depuis qu’il était bien encadré et plié à la discipline romaine, passait pour un merveilleux soldat, endurant, gai, entreprenant ; et la présence de ces hardis compagnons réveillait les légions syriennes, amollies par le ciel d’Antioche[100]. Eux-mêmes, se plaignaient-ils d’aller si loin ? Je ne suis point sûr qu’ils ne l’aient pas demandé. Ces lieux célèbres d’Antioche, d’Alexandrie, de Carthage avaient de quoi plaire à leur esprit d’aventure et de curiosité. Leurs grands-pères n’y étaient-ils pas venus avec César, et leurs ancêtres avec les héros de leurs légendes ?

A part ces exceptions, qui d’ailleurs ne détonnaient pas avec les souvenirs de leur passé, Celtes et Belges se réunissaient en armes à la frontière de Germanie, comme au temps où ils combattaient Arioviste. Au début du premier siècle, la comparaison s’imposait plus encore. La majeure partie des Gaulois servaient alors sur les bords du Rhin dans les troupes auxiliaires[101]. Et celles-là, même sous l’Empire romain, gardaient l’apparence indigène des milices nationales que César avait autrefois connues. Entre le contingent des Lingons qui était accouru à l’appel du proconsul, et les cohortes de ce nom qui servirent sous les ordres des légats de la Germanie[102], les différences ne sont point très grandes. A tous ces corps, l’État romain a conservé leur nom d’origine. Nous trouvons dans les armées du Rhin ou de Bretagne des ailes de Trévires, de Voconces, des cohortes de Lingons, de Nerviens, de Bituriges, de Séquanes, d’Helvètes. Celles des nations qui, pour un motif que nous ignorons[103], ne donnent pas leur nom à des troupes auxiliaires, groupent leurs conscrits dans des cohortes dites de Gaulois, de Belges, d’Aquitains, de Ligures : et cela est également pour eux un vocable national. Presque toujours, dans ces ailes ou ces cohortes, les soldats servaient, par contraste avec les légionnaires, sous leurs aimes et leurs enseignes traditionnelles, et les vieux sangliers gaulois les conduisaient toujours aux batailles germaniques[104]. Il y a plus : ils avaient pour officiers des hommes de leur nation, chefs naturels dans leur patrie, fils ou petits-fils de leurs anciens rois[105]. Plus encore peut-être que dans la vie civile, le Celte et le Belge retrouvaient dans les camps l’image du passé et l’illusion de l’indépendance. Cent vingt ans après la conquête, sous le règne de Néron, ces pratiques duraient encore. On eût dit que les empereurs fussent moins désireux d’abolir les souvenirs que les Gaulois de les perdre.

Ce fut imprudence de la part de Rome. La révolte de Classicus et de Tutor, l’Empire militaire des Gaules, lui montrèrent le danger qu’il y avait à perpétuer sous des noms de guerre les choses d’autrefois[106]. Il semble qu’à la suite de cette leçon elle ait cherché à éviter ce danger. Vespasien et ses premiers successeurs renoncèrent souvent aux pratiques libérales de l’ancien système de recrutement. D’ailleurs, cela se fit avec moins de peine qu’on n’en aurait eu au début de l’Empire : car la révolte une fois finie misérablement, et la liberté condamnée par eux-mêmes, les Celtes s’attachèrent de moins en moins aux formes traditionnelles et aux apparences nationales. On déplaça plus volontiers les troupes auxiliaires[107]. Les recrues des diverses provinces se mêlèrent davantage dans les corps de troupes[108]. Un Biturige put servir en Afrique dans une aile de Thraces[109], des Thraces en Égypte dans l’aile des Voconces. Cette dernière troupe, par exemple, installée en Orient et n’en bougeant plus, finit par ne plus être composée que de soldats étrangers à la Gaule. et, de cette Gaule où elle avait pris naissance, elle avait perdu le contact, la langue, la nationalité ; elle n’en retenait plus que ce titre d’aile des Voconces, devenu bizarre pour les Grecs qui le portaient. On le conservait cependant, on laissait à toutes ces troupes leurs vieilles appellations. Car elles rappelaient et impliquaient encore un armement distinct : elles annonçaient, suivant les cas, — les ailes de Gaulois, des escadrons de cavalerie lourde ou légère, — les cohortes de Ligures, des compagnies de tirailleurs ou des bataillons de chasseurs de montagne[110], — les uns et les autres, auxiliaires de l’infanterie de lime, que formaient toujours les légions. Il en était advenu de ces noms comme des titres politiques de Latins ou d’Italiens : ils avaient quitté le sens territorial pour passer à la condition d’un groupe humain. — Mais cela ne se fit qu’en un temps où l’amour-propre des Gaulois n’eut pas à en souffrir.

A défaut de souvenirs nationaux, les Celtes ou les Ligures trouvèrent chaque jour de nouveaux motifs pour aimer davantage les enseignes, les tentes et le camp. Ce service militaire n’ouvrait plus de tristes perspectives. Les grandes guerres étaient très rares : le Gaulois avait toutes les chances de se créer un foyer ou de revoir celui de ses pères, et de mourir au milieu des siens. Un camp, du reste, offrait quelques-uns des avantages de la vie de famille : le soldat put y contracter un quasi-mariage, avoir non loin de sa femme et enfants[111], voir ses fils grandir et servir à ses côtés[112]. Avec ses plaisirs de toute espèce, avec ses fêtes et ses jeux[113], ses collèges et ses réunions d’amis[114], un lieu de garnison était bien plus gai qu’une bourgade de la montagne : mieux valait, pour cette jeunesse, vivre à Mayence près des Suèves qu’à Briançon dans les Alpes.

Le service était de très longue durée, vingt ans pour les légionnaires[115], vingt-cinq ans pour les auxiliaires[116], et beaucoup n’hésitaient pas à rester davantage[117]. Mais, le temps fini, c’étaient de nouveaux privilèges. Outre le droit de cité pour eux, pour leurs femmes et leurs enfants[118], ils recevaient des immunités financières[119], des terres coloniales[120]. Tous ces anciens soldats s’en allaient parader dans leurs villes natales ou leurs colonies adoptives, fiers des titres reçus, du pécule amassé, des parures d’honneur qui ornaient leurs poitrines[121]. Ils s’assemblaient en collèges, image et souvenir de leur ancien camp[122], et ils formaient ainsi, au milieu des villes gauloises, une société à part, une sorte d’aristocratie populaire, outrecuidante et tapageuse, accablant d’insolences ou d’avanies les indigènes et le commun peuple[123].

Un vétéran est un peu plus qu’un citoyen. Il a droit à une épithète d’honneur, et ses contemporains l’appellent un brave, vir fortis[124]. Ses prérogatives sont d’autant plus réelles qu’il est encore dans la force de l’âge, capable de rendre de bons services dans toutes sortes de fonctions. Les emplois municipaux ne lui sont pas interdits[125]. Il peut, s’il le désire, se rengager[126]. Fort souvent alors, il entre dans les bureaux militaires, à Rome ou en province[127] : et il compte, la fortune aidant, devenir intendant du prince et parfois mieux[128]. L’accomplissement du devoir militaire lui a permis d’accéder à des droits et de prétendre à des prérogatives.

 

IX. — LES IMPÔTS.

Voici enfin la charge qui pèse vraiment sur la Gaule, celle de l’impôt.

Maître en droit du sol des nations conquises, le peuple romain aurait pu l’enlever aux détenteurs. Il se contenta de le frapper d’un tribut, qui était à la fois le signe de sa souveraineté de propriétaire et celui de la jouissance laissée au possesseur. Peu importait d’ailleurs la qualité de ce possesseur, qu’il fût ou non citoyen romain : aucune terre provinciale n’était affranchie de l’impôt[129], sauf, au début de l’Empire, celles des villes libres[130], et, à la fin, celles des colonies de droit italique[131].

Comme le sol, les hommes de la Gaule devaient, en droit, se racheter de l’esclavage auquel la défaite les avait condamnés : c’est pour cela qu’ils payaient, eux aussi, la capitation ou tribut personnel[132]. Il va de soi qu’elle ne frappait ni les citoyens romains, ni à l’origine, les habitants des cités libres.

Afin d’établir et de répartir en toute justice les chiffres de ce double impôt, qui atteignait des millions d’hectares et des millions d’hommes, l’État romain faisait faire le relevé exact et détaillé des terres et de leurs habitants, noter l’étendue de chaque domaine ; son mode de culture, sa situation, ses revenus, sans doute le nombre de ses têtes de bétail, et noter aussi le nom, l’âge, la condition et le domicile de tous les êtres vivants, libres ou esclaves[133].

Comme de nos jours, les tableaux du cadastre et du dénombrement n’étaient point tenus au courant par le contrôle minutieux de fonctionnaires permanents. Ils cessaient vite de correspondre à la réalité[134]. Aussi, à des intervalles réguliers, les empereurs ordonnaient un nouveau cens des Gaules[135].

Une opération de ce genre était très longue[136], très délicate, toujours pénible pour les provinciaux[137]. Ils avaient à rendre compte de tous les éléments de leur fortune, de tous les modes de leur existence. On a vu en France, dans ces dernières années, combien la menace d’une pareille recherche nous a troublés et choqués : or le Celte, au siècle d’Auguste, avait gardé plus que nous l’habitude ou l’instinct de la liberté. Il fallait en ce temps-là, pour que le cens des Gaules n’entraînât pas quelque révolte, qu’il fût dirigé par des chefs puissants ou populaires, Drusus, Germanicus et parfois l’empereur lui-même[138]. Plus tard, l’affaire devint moins malaisée, et on put la confier à de moindres personnages, mais qui furent toujours de très hauts fonctionnaires[139], proconsuls[140], légats[141], intendants du prince[142], tous armés de pouvoirs spéciaux. Car il semble bien que de tout temps les Gaulois aient moins souffert de leur double tribut que de l’enquête qui en réglait la perception[143].

Tribut du sol et tribut personnel constituaient l’impôt provincial par excellence, l’impôt direct. Bien d’autres taxes indirectes s’y ajoutèrent dès la première heure, et je ne vois pas que la fiscalité romaine ait été moins Variée que la nôtre.

La principale de ces taxes fut une sorte de douane provinciale qu’on appelait le quarantième des Gaules, quadragesima Galliarum[144]. Elle consistait en un droit de passage, de deux et demi pour cent, sur toutes les marchandises qui entraient en Gaule ou qui en sortaient[145]. La perception[146] s’en faisait par les soins de bureaux[147] établis dans les ports des deux mers[148] et sur les routes du Rhin[149], des Alpes[150] et des Pyrénées[151]. Car, au point de vue douanier, la Narbonnaise, la Gaule Chevelue, les deux Germanies et les provinces des Alpes ne formaient qu’une seule et même circonscription[152]. La circulation était libre de l’une à l’autre de ces provinces : il n’y avait de taxes qu’à la frontière de la contrée, d’ailleurs aussi bien du côté de l’Espagne et de l’Italie même, que du côté de l’Océan et de la Germanie. Cette barrière étrange, qui séparait les Gaules du reste de l’Empire, rappelle bien plus les droits intérieurs de l’ancienne France que les douanes des États modernes. Il est clair qu’elle ne servait pas à protéger les produits d’un pays contre la concurrence des produits voisins. Le quarantième des Gaules ne fut qu’un expédient financier, destiné à couvrir les frais d’entretien des grandes routes : il ressemblait aux péages imaginés jadis par Fontéius autour de Toulouse et de Narbonne ; et peut-être la douane transalpine fut-elle créée, sous Auguste, pour remplacer et unifier les anciennes taxes de voirie établies à l’intérieur du pays par les gouverneurs d’avant l’Empire[153]. Car, passé la frontière fiscale, la marchandise ne doit plus rien à l’État[154].

Une autre imposition d’État, à peine moins importante, était le vingtième des héritages, vicesima heridatium. On l’appelait ainsi, parce qu’elle frappait d’un droit de cinq pour cent, non pas toutes les successions, mais les legs et héritages les plus forts, et s’ils étaient transmis à des étrangers ou à des parents éloignés. Auguste avait institué ce droit pour alimenter la caisse militaire, et, en même temps, pour atteindre la fortune des citoyens romains : car la nouvelle taxe ne visait que les biens de ces derniers[155]. Mais, comme elle était inséparable du droit de cité, elle se propagea aussi vite que lui par toute la Gaule. Et à voir le nombreux personnel que le vingtième occupa au delà des Alpes[156], on devine que, de très bonne heure, il y devint fort avantageux pour l’État, fort onéreux pour l’aristocratie du pays.

Ces deux droits se ressemblaient en ceci, qu’ils frappaient la circulation, l’un des marchandises et l’autre des fortunes, et qu’en échange de ces taxes l’Empire romain assurait aux Gaulois des avantages précieux et visibles, de bonnes routes et une frontière bien gardée.

Les autres impôts publics avaient beaucoup moins d’importance ; et il est difficile de savoir dans quelle mesure ils furent appliqués en Gaule. Tels furent « le centième des ventes[157], le vingtième des affranchissements[158], c’est-à-dire des droits d’un pour cent sur les transmissions de marchandises, de cinq pour cent sur les achats de liberté. Tels furent aussi les droits de patente sur certaines professions[159]. — Aux charges financières qui venaient de l’Empire s’ajoutaient enfin celles qu’imposaient les cités, et peut-être aussi les assemblées provinciales[160].

Ce qui importerait plus que la connaissance de ces divers impôts, du reste pareils à ceux de tous les temps et de tous les pairs, ce serait de résoudre le problème de leur poids total, et de savoir s’il était trop lourd pour la Gaule.

Le chiffre de quarante millions de sesterces, fixé jadis par César pour le tribut des Gaules, n’était plus qu’un lointain souvenir, prêtant à rire aux intendants de finances. Cent ans après César, sous Claude, la seule cité des Arvernes dépensait pareille somme pour une statue de dieu. Doublons-la, comme se sont doublées en un siècle les charges directes de la France[161], ajoutons un chiffre égal de sesterces pour les villes libres et la Narbonnaise, et avec les quarante millions de francs que nous obtiendrons ainsi, nous serons sans doute encore au-dessous du total qu’a pu atteindre le tribut des Gaules[162]. Il ne s’agit là que du tribut, c’est-à-dire des deux contributions directes : et on vient de voir que la Gaule payait bien autre chose. Dans les charges de la France actuelle, qui reposent sur des éléments assez semblables à ceux des finances romaines, les contributions directes ne forment que le huitième de son budget de recettes[163]. Si les proportions étaient alors les mêmes (et c’est possible), la Gaule payait plus de trois cent millions de francs à l’État, et si l’on ajoute les taxes municipales et autres, c’était près d’un demi-milliard que l’impôt de chaque année prélevait sur ses revenus.

Mais il y a, dans ces comparaisons, ces calculs et ces chiffres, tant d’incertitudes et de conjectures, qu’il ne faut leur attribuer qu’une importance minime. Seraient-ils exacts, qu’il nous manquerait encore l’essentiel, le rapport de ce demi-milliard avec les revenus de toute la Gaule, de ces taxes publiques avec la fortune générale du pays : et il n’y a que ce rapport qui nous permettrait d’évaluer le poids et la lourdeur de ces charges. Or, nous l’ignorons, et, à la manière dont l’histoire du passé nous arrive, il est probable que nous l’ignorerons toujours.

 

X. — DU POIDS DES DÉPENSES PUBLIQUES.

J’incline cependant à croire que, durant la belle époque de l’Empire, toutes ces charges réunies ne firent jamais un fardeau exorbitant.

Aucune, à proprement parler, ne fut une surprise. Les Gaulois avaient payé tribut à Arioviste, et sans doute les peuples sujets aux nations souveraines ; dans chaque cité, les habitants acquittaient des taxes de tout genre. L’administration impériale donna à la fiscalité des modes plus réguliers : elle ne la bâtit pas de toutes pièces.

Que certains agents du fisc se soient montrés impitoyables ou concussionnaires, on le sait par l’histoire de Licinus. Que certains peuples se soient irrités de l’impôt jusqu’à prendre les armes, on le vit après le départ de Germanicus. Mais, à se rendre un compte exact des choses, on s’aperçoit que les hommes ont protesté, non pas contre une charge trop lourde, mais contre des procédés vexatoires[164]. Lors de la grande révolte de 70, le poids de l’impôt ne servit jamais d’argument aux amis de la liberté. Et le légat de Vespasien n’hésitait point à leur dire que la Gaule payait juste assez pour entretenir les armées du Rhin, et se mettre ainsi à l’abri derrière ses frontières[165]. Ce qui était, du reste, une exagération d’orateur. Car la Gaule payait pour bien autre chose : pour ses routes, ses bâtisses, le traitement de ses fonctionnaires et les folies de ses empereurs.

Encore faut-il rappeler, au sujet de chacun de ces chapitres, que les contribuables ne furent point les seuls à fournir aux dépenses. Elles étaient imputables, pour une forte part, à d’autres ressources qu’aux impôts. Nul gouvernement ne s’est mieux entendu que celui des empereurs à soutenir le budget public par des dons volontaires, des emprunts forcés, des fonds de concours. Il avait hérité ces pratiques des cités municipales de la Grèce et de l’Italie : il n’eut qu’à les appliquer à l’entretien du monde.

S’agit-il du traitement des hauts fonctionnaires ? Si élevé qu’il fût[166], ils dépensaient d’ordinaire plus qu’ils ne recevaient, car ils menaient grand train, avaient vaisselle plate et armées d’esclaves. Mais on les choisissait parmi les sénateurs les plus riches : c’était l’ambition et le désir de paraître qui, plus que l’avarice, les poussaient dans la carrière administrative. S’ils ont ébloui la Gaule de leur luxe, ils le tiraient le plus souvent de leurs propres ressources, et non pas de méfaits à la Fontéius : elle profitait de leurs richesses au lieu d’en pâtir[167]. A l’exception de Licinus, aucun des maîtres de la Gaule que nous connaissons ne fut l’objet d’accusations ou de poursuites. Nous possédons une longue liste de procès intentés par les provinciaux à leurs gouverneurs : la Gaule n’est point représentée dans ces affaires. Elles concernent surtout l’Espagne et l’Asie[168]. Au delà des Alpes, les deux conseils des Gaules faisaient sans doute bonne garde contre les concussions et les excès de pouvoir.

S’agit il des folies impériales ? Il est rare qu’un prince, même un Néron ou un Caligula, recoure aux impôts pour payer ses prodiges de dépense[169]. Ces despotes (et c’est l’un des traits distinctifs du despotisme impérial) ont le souci de plaire au peuple, et ils savent qu’une surtaxe est toujours impopulaire. Ils aiment mieux, frapper sur les plus riches : et quelques sentences capitales, suivies de confiscations, leur rapporteront bien plus, et plus vite, que de doubler le quarantième des Gaules[170]. D’ailleurs, sots ou sages, tous les empereurs étaient, du fait de leur fortune propre, les hommes les plus riches de l’Empire[171] : pour extravagantes que soient leurs folies, elles furent moins coûteuses à la chose publique que le château de Versailles ne le sera à la France de Louis XIV[172].

S’agit-il enfin des chemins et des bâtisses de la Gaule ? Ces constructions municipales, murailles, aqueducs, thermes, basiliques, temples, théâtres et amphithéâtres, cette multitude de fontaines et de statues, ces parois de marbres et ces frises de bas-reliefs, ce luxe nouveau dont la Gaule entière s’enveloppa, ce réseau de routes parfaites qui découpèrent harmonieusement ses campagnes ; tout cela, qui se fit si rapidement dans le siècle des premiers Césars, coûta des sommes considérables[173] : mais ce ne fut pas à la masse des habitants, et l’impôt n’en paya que la moindre partie. La Gaule trouva d’abord un abondant secours dans la caisse personnelle des Césars : Nîmes, par exemple, doit à Auguste les plus importantes de ses constructions, ses remparts, ses portes et ses tours[174], et à Hadrien le plus somptueux de ses édifices, la basilique en l’honneur de Plotine[175]. Pour le reste de leurs bâtiments, ce fut affaire municipale. Mais les villes, comme les Césars, étaient souvent fort riches, elles avaient leur fortune personnelle, biens-fonds, capitaux, successions ou monopoles. D’ailleurs, elles ne payaient point tout : l’aristocratie du pays les aidait de ses ressources. Il en fut des magistratures locales comme des fonctions d’État : on les réservait aux plus riches ; et, en souvenir de leur passage aux affaires, les préteurs ou les duumvirs des cités faisaient à leurs compatriotes un royal cadeau. Caïus Julius Secundus, qui fut magistrat suprême de Bordeaux au premier siècle, lui légua deux millions de sesterces afin de l’aider à amener des eaux de sources[176]. Les simples particuliers ne demeuraient point en arrière : à Marseille, à la même époque, le médecin Crinas, enrichi par la vogue de son régime alimentaire, rebâtit à ses frais les murailles de sa ville[177], ainsi que César Auguste l’avait fait pour celles de Nîmes[178]. — Cette société romaine, off l’aristocratie dominait à la fois la capitale, les cités et les campagnes, parait à plus d’un égard l’inverse de la nôtre. Les fonctions publiques y étaient le devoir des plus riches, et le poids en pesait sur eux plus que sur les contribuables. Et, de nos jours, nous tendons à recarder une fonction comme notre droit, exercé aux frais de tous.

Ce qui, enfin, diminuait le coût de toutes ces choses, c’était l’emploi des soldats pour fournir la main-d’œuvre. On utilisait les sous-officiers ou les rengagés à la besogne des bureaux, les soldats à la construction des routes et des édifices. La Gaule, qui payait l’impôt afin d’entretenir les armées, rentrait dans ses débours par le double service qu’elles lui rendaient, de garder ses frontières et de l’assister dans son travail.

 

 

 



[1] Cf. Mommsen, Staatsrecht, III, p. 666 et s.

[2] Il n’y a pas trace d’une fédération religieuse ayant perpétué le souvenir de ces ligues : l’existence n’en est cependant pas impossible.

[3] Strabon, IV, 2, 2.

[4] Strabon, IV, 2, 2 : ce qui me parait signifier la liberté moins par rapport à Rome que par rapport aux Arvernes. — A voir la fréquence, dans les listes de Pline, du titre de liberi chez de tout petits peuples, Meldes, Silvanectes, Vellaves, Ségusiaves, on peut se demander si la libertas n’a pas signifié aussi pour eux, à l’origine, leur indépendance vis-à-vis des Rèmes, Suessions, Arvernes, Éduens. Peut-être aussi le titre de libre leur a-t-il été accordé parce qu’il l’était à leurs anciens suzerains.

[5] La seule exception parait être le maintien de la souveraineté de Marseille sur Nice (Strabon, IV, 1, 9 ; C. I. L., V, 7914 et p. 916 ; cf. Mommsen, Staatsrecht, III, p. 670). Ajoutez, au moins sous Auguste, Athenopolis (Massiliensium, Pline, III, 35, autrement dite Olbia), Hyères, avec les îles d’Hyères (Strabon, IV, 1, 10 : mais il ne peut s’agir, dans ce cas, d’une vraie ville). — Antibes, au contraire, parait avoir été détachée de Marseille après César, peut-être par Lépide, et l’être restée, sans doute après procès (Strabon, IV, 1, 9). — De même, Agde, Agatha quondam Massiliensium, Pline, III, 33.

[6] Mommsen, Staatsrecht, III, p. 666-672.

[7] Dans l’amphithéâtre de Nîmes, il y a des places réservées nautis, d’une part Rhod(anicis) et Arar(icis), et de l’autre Atr(icæ ?, de l’Ardèche ?) et Ovid(is) ou de l’Ouvèze (celle du Vivarais ou celle de Vaison ?), qui sont certainement des corporations étrangères à Nîmes, l’une, de Lyon, l’autre, des Voconces, ou des Cavares, ou, plutôt, des Helviens (C. I. L., XII, 3316-7).

[8] Si l’on accepte l’envoi de ville à ville des dextræ, hospitii insigne (Tacite, Hist., I, 54).

[9] J’interprète, sans certitude, comme destinés à des envois de ville à ville les vases fabriqués à Banassac avec les inscriptions Sequanis, Treveris, Gabalibus, Lingonis, Remis feliciter (XII, 5687, 50-2 ; XIII, 10012, 3-6 ; Déchelette, Vases, I, p. 125 et s.). Mais cela peut être des vases réservés aux banquets de nationaux.

[10] Omnibus honoribus apud Eduos et Lingonas functus, XIII, 2873 ; un Véliocasse, colon à Lyon, XIII, 1998 ; citoyen à Lyon et sévir à Valence, XII, 1751 ; un Voconce, sénateur à Lyon (XII, 1585) ; sénateur à Bazas et à Bordeaux (Ausone, 11, Epicedion, 2, 4-6). Cf. R.-Enc., IV, c. 2327-8. — Dans la plupart des cas, l’une des deux fonctions devait être honoraire. — Les Séquanes élèvent une statue à un ancien magistrat des Éduens (C. I. L., XIII, 5353). — Autre fait similaire, XIII, 5110. — Et il y en a bien d’autres.

[11] Il me semble en tout cas certain qu’on leur interdit de fabriquer et de porter des armes légionnaires ; cf. Tacite, Ann., III, 43.

[12] Suétone, Galba, 12, 1, où il peut s’agir des Lingons et d’autres cités libres. Remparts à Besançon ? Dion, LXIII, 24, 1.

[13] Ammien, XV, 11, 11.

[14] Comme textes : pour Cologne, Tacite, Hist., IV, 64-5 (cf. Nissen, Bonner Jahrb., XCVIII, 1895, p. 166) ; pour Vienne, C. I. L., XII, 6034 c ; comme ruines, Blanchet, Les Enceintes romaines de la Gaule, 1907 ; Congrès arch. de 1876, Arles, XLIII, p. 271-2 (Arles) ; Victor Petit, Congrès arch. de 1866, XXXIII, p. 277 et suiv. (Fréjus ; excellent travail). Cf. la loi d’Osuna, XCVIII.

[15] Pour Nîmes, C. I. L., XII, p. 935 (præfectus armorum et vigilum). Cf. la loi d’Osuna, CIII.

[16] C’est probablement cette relation entre le titre colonial et la présence de remparts qui fait dire aux Germains, à propos de Cologne, muros coloniæ, munimenta servitii (Tacite, Hist., IV, 64). Les vignettes des Gromatici veteres associent toujours ces remparts aux colonies (pl. 16-19).

[17] Tacite, Ann., III, 42-46 ; Hist., I, 68 (non arma noscere... dilapsis vetustate mœnibus, même chez les Helvètes de la frontière) ; II, 61 ; IV, 66-7. S’il y a parmi les révoltés de 21 des hommes armés legionariis armis, c’est qu’elles ont été occulte fabricata (Ann., III, 43). Si, en 70, on désarme 70.000 Lingons armati (Frontin, Stratag., IV, 3, 14), c’est qu’ils se sont armés avec Sabinus (Tacite, Hist., IV, 67). Si, en 69, les Viennois sont publice armis multati (Tacite, Hist., I, 66), c’est qu’ils ont pris les armes avec Vindex.

[18] A Camulodunum, vers 50 : Coloniam nullis munimentis sæptam ; Tacite, Ann., XIV, 31. — En ce qui concerne les colonies honoraires, il n’est pas certain que Trèves eût déjà ses remparts en 70 : mœnia, chez Tacite (Hist., IV, 62), il faut à la rigueur (je ne le crois pas cependant) signifier l’agglomération des [...]tisses. Mais je doute que les éléments anciens, dans ce qui reste des remparts fussent de beaucoup postérieurs à cette date. Elle parait bien les posséder en 197 (C. I. L., XIII, 6800). Dans un sens différent, cf. Lehner, W. Z., XV, 1896, p. 260 et s. — Ce qui reste des remparts d’Avenches peut être contemporain des Flaviens (Bursian, Aventicum, 1867, p. 5-8, dans les Mittheilungen, Zurich, XVI). — Aucune autre trace de remparts dans les colonies honoraires. Il semble bien résulter de cela que l’on ne voulut fortifier, après Auguste, que places voisines de la frontière.

[19] Suétone, Galba, 12, 1.

[20] Loricam vallumque per fines suos Treveri struxere, en 70 (Tacite, Hist., IV, 37) ; cf. la loi d’Osuna, XCVIII.

[21] Tacite, Hist., II, 61 (Autun) ; II, 12 (Alpes Maritimes) ; IV, 67 (Séquanes) ; cf. la loi d’Osuna, CIII. La loi d’Osuna déclare que, dans ce cas, l’autorité et la juridiction des magistrats municipaux sont celles du tribun dans l’armée du peuple romain, c’est-à-dire le pouvoir disciplinaire en dehors de la juridiction capitale (cf. Digeste, XLIX, 16, 12, 2).

[22] Cf. Tacite, Annales, III, 43.

[23] C. I. L., XIII, 5708 (lanceis, gladeis, cultris).

[24] Tacite, Ann., III, 43.

[25] Nautes de Paris (Espérandieu, n° 3132) ; les hastiferi ; peut-être aussi les porteurs d’épée d’Autun (Esp., n° 1893), de Sens (n° 2793, 2805), etc., si ce ne sont pas des employés municipaux.

[26] Tacite, Hist., IV, 67.

[27] Tacite, Hist., I, 65.

[28] Voyez les émeutes apaisées par Tibère.

[29] Dion, LII, 25, 6. Cf. Mommsen, Staatsrecht, III, p. 508-9.

[30] C. I. L., XII, 3782, et cent autres. Cf. Lemonnier, Étude historique sur la condition privée des affranchis, 1887, p. 131-4.

[31] J’emploie ces mots dans leur sens le plus général ; cf. Ulpien, V, 3 ; XIX, 5.

[32] Ulpien (Reg., V, 4) mentionne la nécessité d’une autorisation pour le mariage entre cives et Latini ou peregrini (cf. Gaius, I, 56-7).

[33] Le principal fut de s’en rapporter, pour régler ces questions, non pas au jus civile (droit romain), mais au jus gentium. Voyez le beau livre de Voigt, Das Jus naturale, 1856-1876.

[34] Voyez ce que disent des colons romains les Germains de Cologne : Deductis olim et nobiscum per connubium sociatis ; Tacite, Hist., IV, 65. Il peut s’agir, il est vrai, d’Ubiens assimilés, lors de la fondation, aux colons romains.

[35] Ici, ch. X.

[36] Cf. Voigt, Das Jus naturale, I, 1856, p. 229 et suiv.

[37] Je songe ici au développement que prit, sous l’Empire, le jus gentium : Populus Romanus partim suo proprio, partim communi omnium hominum jure utitur ; Gaius, I, 1. — L’assimilation de l’Empire au genus humanum a dû justifier ce développement du jus gentium ; cf. Mommsen, St., III, p. 826-7.

[38] Même quand une cité libre a le droit d’appliquer ses lois, c’est que Rome le lui a laissé ou conféré : Civitas libera et fœderata beneficio indulgentiæ tuæ (Cæsaris) legibus suis utitur ; Pline, Lettres, X, 92. Cf. Cuq, Les Institutions juridiques des Romains, II, 1902, p. 63-67.

[39] Ulpien, Digeste, XXXII, 1, 11 : Fideicommissa... relinqui possunt... Gallicana ; Ulpien, Regulæ, XXII, 6 : Deos heredes instituere non possumus, præter... Martem in Gallia.

[40] Ulpien, Digeste, XXIII, 3, 9, 3.

[41] Peut être conclu d’Ulpien, Regulæ, XXII, 6, et du calendrier de Coligny.

[42] Peut-être Ulpien, Regulæ, XXII, 6.

[43] Gaius, I, 92 (leges moresque peregrinorum) ; III, 96 (singularum civitatium jura) ; III, 120 (jure civitas), 134 (proprium peregrinorum) ; Ulpien, XX, 14 (leges civitatis suæ).

[44] Ne quid contra longam consuetudinem fiat (C. Just., VIII, 52, 1 ; cf. tout le texte) ; Digeste, I, 3, 32-40.

[45] D’autant plus que les textes de la note précédente disent longa consuetudo. Lorsqu’il est question (Digeste, I, 3, 34) de consuetudine civitatis vel provinciæ, la coutume provinciale, pour la Gaule, peut-elle se rattacher ailleurs qu’au droit celtique ? — Il y a peut-être trace de ce droit provincial pour l’Aquitaine dans une loi de Gordien (C. J., X, 39, 2).

[46] Encore cette recherche a-t-elle jusqu’ici complètement échoué ; Viollet (Hist. du droit civil français, 2e éd., 1893), p. 7 : Les théories de l’histoire du droit français qui le prennent [le droit gaulois] pour point de départ et pour assise première sont le fruit de l’imagination, et non pas le résultat d’études sévères et rigoureuses. Viollet fait allusion à la célèbre tentative de [Grosley], Recherches pour servir à l’histoire du droit français, 1752, qui est visiblement disciple de Montesquieu (p. VI) : L’auteur de l’Esprit des Lois a vu nos coutumes existantes et en vigueur dès le neuvième siècle [cf. livre XXVIII, ch. 12], les conduisant ainsi jusqu’à la moitié du chemin par lequel je les fais venir en droiture des anciens Gaulois. C’est sans doute la thèse qu’aurait développée Chambellan dans son second volume (p. 225, n. 9).

[47] C’est ce que faisait ironiquement remarquer Hadrien à propos de Galates qui lui demandaient le droit de cité : Il me semble certain qu’ils connaissent aussi la patria potestas, nec me præterit Galatarum gentem credere in potestate parentum liberos esse (Gaius, I, 55 : c’est du moins ainsi que j’interprète ce passage).

[48] Cf. Fustel de Coulanges, La Cité antique, p. 363 et suiv.

[49] L’octroi du jus Latii a contribué, évidemment, à la diffusion du droit romain, et il est fort possible que les empereurs aient répandu le Latium à cet effet : c’est sans doute le cas d’Hadrien. Toutefois, tout porte à croire que le droit  romain ne s’implantait d’office que dans les cités du Latium majus, par exemple peut-être en Narbonnaise, les autres, celles du Latium minus, pouvant retenir leur droit propre : ce qui fut le ras en Gaule Chevelue, colonies romaines mises à part. — Aulu-Gelle fait peut-être allusion à cette acceptation du droit romain par les cités latines, lorsqu’il parle des municipes, non ulla populi Romani lege adstricti, nisi in quam populus eorum fundus factus est [dans le cas du Latium majus], et lorsqu’il déplore que obscura oblitterataque sunt municipiorum jura, quibus uti jam per innotitiam non queunt (XVI, 13).

[50] Parmi les plus anciens documents de ce genre sont les pièces des vergobrets des Lexoviens, simissos publicos Lixovio (Cab., n° 7156-68).

[51] Il est même à noter ceci : sous la République, il faut une autorisation pour que les magistrats de Cumes emploient le latin dans l’usage officiel et les ventes à l’encan, et ce sont eux qui la demandent.

[52] Calendrier de Coligny.

[53] C. I. L., XII, 4333. — L’affaire de Licinus se rattache peut-être à quelque conflit, en matière fiscale, entre le calendrier celtique et le calendrier romain.

[54] Calendrier de Coligny. De même, dans le rituel funéraire ; C. I. L., XIII, 2494, De même, dans la magie ; Pline, XVI, 250.

[55] Cf. Hultsch, Metrologie, 2e édit., p. 691-5.

[56] Dans les Trois Gaules, XIII, 8976, 9016, etc. ; en Narbonnaise, XII, p. 632 et s.

[57] C. I. L., XII, p. 965 ; inscription cadastrale d’Orange (Chatelain, Les Monuments romains d’Orange, p. 135-6).

[58] C. I. L., XII, 354, 5694 ; XIII, 10030-1 ; etc.

[59] Voyez la loi du 4 [8] juillet 1837.

[60] Gromatici veteres, p. 123 et 122, Lachmann : In Tungris pes Drusianus, qui habet monetatem pedem et sescunciam.... In Narbonense varia sunt vocabula pour l’arpent (par exemple le mot arepennis ; id., p. 367-8 ; Isidore, XV, 15 et 16, Lindsay). Peut-être un système particulier à Orange (C. I. L., XII, 1244 ; Revue épigr., III, p. 144 ; Mommsen, Ges. Schr., V, p. 113).

[61] Toutefois, l’examen des marques gravées sur les récipients (C. I. L., XIII, 10008) n’a encore rien donné de satisfaisant.

[62] Toutefois, il y a eu, après l’époque romaine, tant de modifications suivant les temps et les provinces, que j’ai reconnu l’impossibilité, jusqu’à nouvel ordre, en matière de métrologie, de retrouver les choses gallo-romaines à l’aide des documents médiévaux. Cf. l’Introduction de Brutails, Recherches sur l’équivalence des anciennes mesures de la Gironde, 1912. De même, pour le droit.

[63] A partir de 200 (XIII, 9137, 9067, 9031), et pour les Trois Gaules seulement (Ammien, XV, 11, 17 ; Table de Peutinger, segment 1, 4 = Rev. des Ét. anc., 1912, pl. 4). Les arguments allégués par Hirschfeld pour prouver que l’usage public de la lieue celtique avait été accepté depuis Trajan dans certaines régions (dans l’Aquitaine gauloise, XIII, 8906, 8898, 8931, 8932, 8938, 8942-45), ces arguments, tout en faisant impression, ne sont pas décisifs. — On retrouve encore les milles après 200, par moments et dans certaines régions (9023, route d’Autun à Auxerre), et surtout aux abords de la Narbonnaise (cf. C. I. L., XIII, II, p. 646). — Roth, Bonner Jahrbücher, XXIX-XXX, 1860, p. 1 et s. ; Zangemeister, Westd. Zeitschrift, III, 1884, p. 237 et s., p. 307 et s. ; Hirschfeld, Sitzungsb. de l’Acad. de Berlin, ph.-hist. Cl., 1907, IX, p. 181 et s.

[64] L’intervention de l’État résulte de l’expression pes Drusianus ; cf. Gromat. vet., p. 122-3. L’arepennis dut ainsi être fixé à un semijugerum, la leuga à un mille et demi.

[65] On distingue, parmi les pièces qu’on croit frappées par la monnaie de Lyon, en dehors des petits bronzes de Plancus et des pièces d’argent ou quinaires d’Antoine : 1° les as et sesterces au nom de la colonie, Copia (n° 4665-84), et sans doute pour son compte, en vertu d’un droit de monnayage, droit qui ne parait plus s’exercer après Auguste ; 2° les pièces, grands bronzes aussi et autres, frappées, semble-t-il, pour le compte des Trois Gaules, d’abord au type des têtes de César et d’octave (n° 4660-4, 4685-90), puis (depuis 12 av. J.-C. ?) au type de l’autel, lequel continue jusqu’à Néron, mais en s’interrompant sous Tibère, peut-être vers 21 à la suite de la révolte (n° 4691-4786) ; 3° les monnaies impériales ordinaires. — Pour les monnaies de Lyon, Vienne, Nîmes, Cavaillon, cf. en dernier lieu, outre les deux ouvrages de Blanchet, Traité, 1903, et Manuel, I, 1912, l’article de Willers dans la Num. Zeitschrift de Vienne, XXXIV, 1902, p. 79-138. Pour la bibliographie plus ancienne : Ch. Robert, Num. de la prov. de Languedoc, I, Période antique, 1876 (Hist. gén., 2e éd.) ; Goudard, Monographie des monnaies frappées à Nîmes, Toulouse, 1893.

[66] Les monnaies de Marseille ne renfermant aucune légende chronologique, la chose ne peut se conclure que par analogie avec les autres villes.

[67] Il faudrait chercher, parmi les monnaies précoloniales de Nîmes (Cab., n° 2684-2700, 2709-16) ou des Volques Arécomiques (n° 2620-83), celles qui sont contemporaines d’Octave. J’inclinerais à accepter les dernières, qui portent la légende latine du nom du peuple, et à placer plus tôt les autres, qui portent en légende grecque le nom de Ναμασατ pour les bronzes, Νεμαυ pour les pièces d’argent. Les pièces d’argent semblent être des oboles ou des victoriats suivant le système marseillais. Les petits bronzes, avec leur personnage drapé de la toge (n° 2662-83), font peut-être allusion au droit latin de Nîmes ou des Volques.

[68] A Vienne, monnayage de bronze colonial au nom d’Auguste (n° 2938-52), ayant sans aucun doute succédé au monnayage d’or et d’argent des Allobroges (n° 2912-37). — A Antibes, monnayage de bronze contemporain de Lépide (n° 2179-2208) : Lépide a pu lui accorder ce droit pour affirmer la séparation de la ville d’avec Marseille. — A Avignon, monnayage de bronze et d’argent non colonial (système marseillais ?), à légende grecque (n° 2509-23) ; puis, de très rares bronzes, avec la légende latine C(olonia) A(vennio) ; Blanchet, Traité, p. 441. — Il résulte de tout cela que le monnayage est un héritage de la condition antérieure, et nullement lié au titre colonial. — Pour Cavaillon, ici, note suivante.

[69] Cette remarque s’applique également à Vienne. — En ce qui concerne rimes, voyez les monnaies coloniales, Cab., n° 2717 et s. La monnaie d’argent ne comporte plus que de très petites divisions dès qu’apparaît la frappe coloniale, et a dû cesser bientôt après (n° 2717-24). Pour les monnaies coloniales de bronze, il y a deux catégories. Les plus anciennes, sans mention se rapportant à Auguste, et peu nombreuses, sont toutes petites, avec Nem. col., et contemporaines des monnaies d’argent précédentes (n° 2725-9). Les plus récentes, beaucoup plus nombreuses, sont beaucoup plus grandes, se rapportant toutes à Auguste ou Agrippa, et avec col. Nem. (n° 2740-2877) : elles sont, je crois, postérieures à 18 av. J.-C., date de la tribunicia potestas d’Agrippa, mais ont dû se continuer longtemps après sa mort en 12 av. J.-C. (cf. n° 2818-46, où Auguste est appelé pater patrix, titre qu’il reçut en 2 av. J.-C.). — A Cavaillon, le monnayage d’argent, d’ailleurs pour toutes petites divisions, est contemporain de Lépide (n° 2544-9), celui de bronze, également pour toutes petites divisions, est colonial et au plus tôt de 23 av. J.-C. (n° 2550-85). Il a dû y avoir une longue interruption dans la frappe.

[70] Entre autres : Santons, Santonos, argent (n° 4517-24) ; Turons, Turonos, bronze (n° 6992-7014) ; Aulerques Éburoviques, Aulirco Eburovico, bronze (n° 7044-9) ; Lexoviens, Lixovio (n° 7156-68) ou Lixoviatis (n° 7141-50), bronze ; Éduens, Eduis, argent et bronze (n° 4822-31) ; Rèmes, Remos, bronze (n° 8038-85) ; Véliocasses, Veliocassi et Ratumacos ou Rouen, seul peuple qui aurait inscrit le nom de sa capitale, bronze (n° 7354-73) ; Ségusiaves, Segusiav(o)s, argent et bronze (n° 4622-36) ; Mediomatriques, bronzes à la légende Medioma, etc. (n° 8946-53). J’hésite à attribuer aux Calètes les pièces d’argent Caledu (n° 7174-84), aux Séquanes les bronzes Sequanoiotuos (n° 5329-67). Autres types de la même époque : les pièces d’argent très fréquentes, peut-être des Séquanes, peut-être, plutôt, des Lingons, à la marque Q. Doci Sam. f. (n° 3402-5507) ; les pièces d’argent de Togirix ou Julius Togirix, attribuées aux Séquanes, peut-être aux Lingons (n° 5546-5636) ; etc. — Toutes ces pièces paraissent postérieures à la conquête, aucune à Auguste. — Il parait bien que la majorité des cités monétaires sont des cités libres.

[71] Note précédente. Voyez à Nîmes, par exemple, la substitution aux légendes grecques des légendes latines.

[72] Voyez à Vienne ou chez les Allobroges, par exemple, l’hippocampe (n° 2912-37) remplacé par la proue (n° 2938-52), qu’on retrouve, mais différente de forme, à Lyon, et que je crois être, dans les deux cas, un trophée consacré ; Hercule chez les Ségusiaves (n° 4622-27) ; chez les Lexoviens (n° 7156-68), l’aigle, qui paraît se répandre de plus en plus dans cette dernière période du monnayage gaulois.

[73] Les cités gauloises frappaient surtout des monnaies divisionnaires ou petits bronzes : semis ou demi-as (6 gr. 72), quart ou quadrans (3 gr. 24) ; en outre, des quinaires ou demi-deniers d’argent (1 gr. 95). On ne trouve de moyens ou grands bronzes, as (13 gr. 44) ou sesterce (27 gr. 29), que dans les trois grandes colonies de Lyon, Nîmes et Vienne. Les poids moyens que nous donnons ici peuvent être discutés.

[74] Du reste, Marseille n’en émit jamais, à notre connaissance, même au temps de sa pleine liberté.

[75] Plus tard, semble-t-il, chez les cités libres.

[76] Cela parait résulter, sans doute possible, de l’absence complète de son nom même sur les monnaies de colonies, et du fait que peu de chefs mentionnés sur les monnaies s’appellent Julius ou paraissent citoyens romains. Il n’est pas impossible que la suppression date des derniers temps d’Auguste. Il ne l’est pas non plus qu’elle ait eu lieu plus tard chez les cités alliées ou fédérées. Mais je ne vois pas trace en Gaule de la prolongation de leur privilège au delà de Tibère.

[77] Tacite, Ann., III, 63 ; Suétone, Tibère, 49, 2 ; 37. Remarquons que le monnayage colonial et le monnayage provincial de Lyon cessent sous son règne.

[78] Cf. Mommsen, Hist. de la monnaie romaine, trad. de Blacas, III, 1873, p. 250 et s.

[79] Voyez l’ordonnance criminelle d’août 1670, t. XXVI, art. 6 (Isambert, XVIII, p. 420) : Si la sentence rendue par le juge des lieux porte condamnation de peine corporelle..., soit qu’il y en ait appel ou non, l’accusé et son procès seront envoyés ensemble et sûrement en nos Cours.

[80] Le texte capital est celui de Proculus, contemporain de Claude et Néron (Digeste, XLIX, 15, 7, 2) : Fiunt apud nos rei ex civitatibus fœderatis et in cos damnatos animadvertimus. Etant donné le caractère général du règne de Tibère, je croirais volontiers qu’il a réglementé la chose et que le texte de Proculus fait partie d’un commentaire à son règlement. La suppression des sacrifices humains ou des exécutions rituelles peut également se rattacher à une réglementation générale de la procédure criminelle dans les cités.

[81] Cf. Cagnat, De municipalibus et provincialibus militiis, 1880.

[82] Stationes militum (en Italie sous Tibère, Suétone, Tibère, 37, 1). — Cette gendarmerie était constituée le plus souvent par l’armée légionnaire ou auxiliaire. Et c’est à elle qu’il faut rattacher les troupes en garnison à l’intérieur. — 1° La cohorte urbaine de Lyon. — 2° La flotte de Fréjus, qui devait surveiller la mer, les côtes et les routes de l’Argens et de Riez (cf. Tacite, Ann., IV, 5), mais qui a dû disparaître dans la seconde moitié du second siècle. — 3° La cohors Ligurum de Cimiez, vetus loci auxilium (Tacite, Hist., II, 14 ; C. I. L., V, p. 903), chargée de la police de la côte et des passages alpestres. — 4° La cohorte alpine des Alpes Cottiennes, chargée des routes du Cenis et du Genèvre (Suétone, Tib., 37, 3). — Je doute qu’il n’y ait pas eu une garnison semblable pour les Alpes Grées et Pennines : voyez, au début de Tibère, la levis armatura pour les Alpes centrales (C. I. L., II, 3044). — 5° Les détachements, vexillationes, des cohors I Classica et cohors Alpinorum, à Eysses dans l’Agenais : ils ont pu être constitués par Vespasien à l’aide des troupes de Fréjus et des Alpes, qu’on voulut peut-être alors éloigner de leur pays d’origine (C. I. L., XIII, 922-4). Eysses, Excisum, sur le Lot, est la dernière station avant Agen sur la grande route de Bourges à Auch, et peut-être aussi sur une route menant de la Garonne vers les Cadurques et les Rutènes : assez près de là est la frontière des Pétrocores et des Cadurques. — 6° Les détachements (sous Tibère ?) de la IIe et de la XIVe légions, chez les Santons ou, plutôt, chez les Pictons, à la frontière de la Saintonge et de l’Aunis, à Aulnay, Aunedonnacum, au carrefour des grandes routes de Saintes à Lyon et de Poitiers à Saintes (C. I. L., XIII, 1121-3) ; on y trouve aussi mention de la IIe cohors Gallorum (Ann. épigr., 1889, n° 84). — 7° Les garnisons du camp de Mirebeau. — Au camp de Mirebeau devaient se rattacher les postes de Pontailler (XIII, 5609) et de Thil-Châtel (5621-5). — 8° Peut-être un détachement de la XIVe à Néris, sous Claude au plus tard (C. I. L., XIII, 1383) ; et là également, sous Domitien ?, un détachement de la XIIIe (Néris est chez les Bituriges, mais tout près des Lémoviques et des Arvernes, et sans doute au carrefour de deux grandes routes vers Nantes et Saintes). — Il a pu y en avoir d’autres, dans les Pyrénées, les Cévennes et en Armorique. Nous les connaîtrons en partie par les relevés des marques de briques militaires (C. I. L., XIII). — 9° Ajoutez la flotte de Boulogne, pour la garde du passage et la police des rivages (classis Britannica, cf. Real-Encycl., III, c. 2613-4). — Tous ces détachements ne furent point permanents. Ils ont pu avoir pour cause, non pas seulement quelque sédition ou brigandage, mais la réfection de routes. — Il est possible que quelques-uns de ces détachements aient servi à garder des domaines du prince. — Si on les installait hors des grandes villes et le plus souvent à la frontière de deux ou trois grandes cités, c’était à la fois pour surveiller ces dernières et ménager l’amour-propre de celles-là.

[83] C. I. L., XII, 1 :368 : Præf. præsidio et privat(is ?) : chargé à la fois de la garde des domaines de la cité et d’un poste municipal de surveillance sur les routes. — A Nyon, un præfectus arcendis latrociniis (C. I. L., XIII, 5010), sans doute sur les routes du Jura. — Même titre chez les Vangions (C. I. L., VIII, 6211) : garde de la frontière ou des forêts de l’intérieur ? — Chez les Helvètes, castelli, quod olim [depuis longtemps] Helvelti suis militibus ac stipendiis luebantur (Tacite, Hist., I, 67) : redoute de frontière plutôt que de montagne ? — A Nîmes, le præfectus vigilum et armorum (C. I. L., XII, p. 382) est, outre le service des incendies, préposé peut-être à l’arsenal et à la surveillance des routes des Cévennes. — A Paris, les nautæ, armés de boucliers et de lances, exercent peut-être la police sur la Seine (Rev. des Ét. anc., 1907, p. 263-4). — Un rôle de police, peut-être, aux hastiferi de Vienne (C. I. L., XII, 1814), ainsi qu’à ceux de Wiesbaden (XIII, 7281, 7317) et de Cologne (XIII, 8184). — Habitants de Sens et d’Autun armés de l’épée. — Hirschfeld, Sitzungsberichte de l’Acad. de Vienne, ph.-hist. Cl., 1883, CIII, p. 311 et s. ; 1884, CVII, p. 239 et s.

[84] Arrien, Entretiens, III, 4, 8.

[85] On pourrait ajouter ici le contrôle somptuaire ; si, dans le cas qui nous est connu pour la Gaule (C. I. L., II, 6278), il ne s’agissait pas surtout de dépenses faites dans des cérémonies publiques.

[86] Voyez les remarques de Delamare à propos du règlement de police du 4 février 1567 (Fontanon, I, p. 808) : Tous ces plants de vignes furent enfin portez a un tel excès en France, que sous le règne de Charles IX le Conseil du Roy eut la même pensée que Domitien ; Delamare, Traité de la police, III, 1719, p. 524. De même, Montesquieu, Mémoire contre l’arrêt du Conseil du 27 février 1725 (Mélanges inédits, 1892).

[87] Digeste, XLIX, 16, 4, 10.

[88] Cela résulte de l’organisation d’ailes ou de cohortes par exemple aux noms des Voconces ou des Lingons, qui sont des cités fédérées, et de la situation des Bataves, qui ne paient pas d’impôts, mais sont astreints au service militaire (Tacite, Hist., IV, 14 ; Germ., 29).

[89] On compta 25 légions à la mort d’Auguste (Tacite, Ann., IV, 5), 30 sous Vespasien, 33 sous Septime Sévère, 180.000 hommes au maximum à l’époque des Antonins (cf. Marquardt, Staatsverwaltung, II, p. 445-454). Cela représente 360.000 hommes avec les auxiliaires. On irait difficilement à 500.000 même avec les troupes d’élite de Rome et du palais, les flottes, les corps détachés, les milices locales.

[90] On en signale cependant en 9-14, sous Auguste, à Rome pour les légions du Rhin, à la suite du désastre de Varus (Tacite, Ann., I, 31), en 23 (IV, 4), et en d’autres temps sous Tibère, en 65 dans la Narbonnaise pour celles du Danube (id., XVI, 13), en 69 en Gaule et Germanie pour les troupes auxiliaires (Tacite, Hist., IV, 14, 24-26, 36) et pour les légions (II, 57). Il y en eut sans doute sous Marc-Aurèle, et en bien d’autres temps.

[91] Plerumque voluntario milite numeri supplentur ; Digeste, XLIX, 16, 4, 10. Cf. Tacite, Ann., IV, 6 : on reprochait aux volontaires d’être des inopes ac vagi, dont les empereurs ne voulaient pas toujours (cf. Ann., I, 31).

[92] En temps ordinaire, c’étaient des chevaliers placés sous les ordres du gouverneur (Tacite, Ann., XIV, 18 ; Hist., IV, 14 ; etc.). Telle fut peut-être la situation de celui qui fut (sous Hadrien ?) dilectator per Aquitanicæ XI populos (C. I. L., XIII, 1808). Il est aussi arrivé que les affaires de recrutement aient été distraites du gouvernement de la province pour être réservées à un légat spécial (par exemple Agricola, en Bretagne ?, Tacite, Agr., 7 ; cf. Real-Enc., V, c. 618-9). Et il est aussi arrivé que les proconsuls fussent munis, à cet effet, d’une legatio spéciale, qu’ils ajoutaient à leur titre (en Narbonnaise sous Tibère, C. I. L., XIV, 3602 — Dessau, n° 950). — En sous-ordre, des centurions (Tacite, Hist., IV, 14).

[93] Velleius (II, 130, 2) dit que les populations, sous Tibère, voyaient venir sans effroi les ordres de levées, rem perpetui præcipuique timoris. Toutefois, il y avait bien des abus (Tacite, Hist., IV, 14).

[94] Ce besoin de marche et de conquête, chez les Celtes, est encore signalé par Tacite à la date de 69-70 (Hist., IV, 55).

[95] Après la frontière du Rhin, c’est là surtout que vont Gaulois et Germains on y trouve des alæ Gallorum, Tungrorum, Vocontiorum, des cohortes Aquitanorum, Batavorum, Frisiavonum, Gallorum, Lingonum (I-IV ?), Morinorum, Nerviorum, Sunucorum, Tungrorum, Usipiorum, Vangionum, etc. Cf. Tacite, Ann., XIV, 38 ; Agr., 28, 36. Le Roux, L’Armée romaine de Bretagne, p. 65 et s.

[96] Pour les auxiliaires : des alæ Gallorum et Tungrorum, des cohortes Alpinorum en nombre, Batavorum, Belgarum, Gæsatorum [originaires au début d’Helvétie ou de Rétie], Gallorum en nombre, la cohors V Lingonum, Montanorum [Alpins ?], Ubiorum, etc. Tout ceci, sous cette réserve, que le recrutement de ces corps leur fit perdre d’assez bonne heure leur caractère national. L’important et le difficile sont de savoir la date à laquelle ils prirent ces garnisons et leur composition à cette date.

[97] Cohors IV Sugambrorum : c’est peut-être la principale troupe d’origine rhénane ayant séjourné en Afrique (Cagnat, L’Armée romaine d’Afrique, 2e éd., 1912, p. 247) ; etc. Sur les légionnaires de la IIIe Auguste nés en Gaule, Cagnat, p. 287-308 : on en trouve un nombre assez grand au premier siècle, 8 Gaulois sur 11 dont on connaît l’origine, 3 d’Aquitaine, 4 de Lyonnaise, 1 de Belgique ; on n’en trouve à peu près plus ensuite. L’important serait de savoir à quelle date sont arrivées ces huit recrues gauloises.

[98] Voyez par exemple l’ala Vocontiorum et l’ala veterana Gallorum ou Gallica, et les légionnaires originaires de Lyon, C. I. L., III, 6627 (premiers temps de l’Empire). Au surplus, de très bonne heure, dans ces deux troupes auxiliaires, il n’y a plus de Gaulois ; et je doute que, dans l’inscription d’El-Moueh, nationi Volqu désigne les Volques (je crois à quelque localité thrace). — Cf. Ad.-J. Reinach, Revue des Études anciennes, 1911, p. 63-71.

[99] Des alæ Gallorum, cohortes Germanorum, Sugambrorum. — Je ne serais pas étonné qu’en Orient comme en Afrique les Sicambres eussent été appelés d’abord comme archers ou tirailleurs.

[100] Cf. Tacite, Hist., I, 6 ; Ammien Marcellin, II, 4, 2.

[101] En 21 (Tacite, Ann., III, 40-6) : ala (Treverorum) conscripta Treveris, en garnison sur le Rhin, à Bonn ? ; Sacrovir d’Autun et d’autres primores Gallorum, en garnison en Germanie Inférieure ; l’ala Petriana, certainement alors gauloise, en garnison à Strasbourg. — En 69, la situation est pareille : Tacite, Hist., IV, 25, 33, 36, 37, 55. — On a remarqué que les Gaulois entrés dans les légions faisaient, sur les monuments, suivre leur nom de celui de la métropole de leur cité (un tel, Augustoduno par exemple) ; que les Gaulois servant comme auxiliaires donnaient au contraire simplement l’indication de cette cite (Namnis ou Remus par exemple, natione Petrucorius, civis Menapius, domo Turo, etc.). Et on a donné de ce fait, d’ailleurs positif et général, différentes explications juridiques, notamment celle-ci : le légionnaire, étant citoyen romain, ne pouvait plus être considéré comme civis Æduus par exemple, mais simplement comme domicilié dans une localité éduenne, et, pour se conformer à l’organisation municipale des pays italiens, on fixa, comme domicile légal de ce légionnaire citoyen, la capitale administrative de la cité éduenne, Augustodunum. Et cela est possible. Mais il est aussi possible que cette distinction s’explique par le fait que l’on versait dans les légions les Gaulois des villes, sans aucun doute privilégiés par rapport aux autres, dans les troupes auxiliaires ceux des campagnes, que ceux-là alors pussent se dire Augustoduno, et ceux-ci ne pussent être que cives Ædui. Cf. Mommsen, Ges. Schr., VI, p. 82-84.

[102] Avant la conquête de la Bretagne.

[103] Un motif peut être que les auxiliaires sortis du pays étaient trop peu nombreux, les recrues en étant surtout envoyées dans les légions (par exemple pour les Allobroges). Remarquez l’absence des noms des deux cités les plus privilégiées de la Gaule, Rèmes et Éduens, et cette dernière a certainement formé des cohortes avec ses nationaux. — La condition de cité libre ou fédérée ne parait pas devoir être indiquée à ce propos.

[104] Tacite, Hist., II, 89 : Quattuor et triginta cohortes ut nomina gentium aut species armorum forent ; von Domaszewski, Die Fahnen im rœmischen Heer, 1885. — Cf. Tacite, Hist., IV, 62.

[105] Tacite, Ann., III, 40-3 ; Hist., IV, 55 ; IV, 13.

[106] Je crois que Tibère l’a vu après la révolte de Sacrovir et qu’il y eut sous son règne un déplacement et une fusion des corps auxiliaires gaulois (cf. Tacite, Ann., IV, 5 : Huc illuc mearent). Caligula et Néron ont pu renoncer à ces précautions, auxquelles il me semble que Claude a songé. L’état antérieur se retrouve en 68-69. — Il y a eu, en cette matière du recrutement, plus de fluctuations que nous ne pensons, et, aussi, bien des prescriptions purement locales ou accidentelles. Il peut être parfois dangereux de tirer des conclusions de statistiques épigraphiques, résultats souvent de hasards, et enfermant des textes d’époques et de cités différentes.

[107] L’ala Gallorum Petriana, par exemple, fut envoyée en Bretagne (cf. Real-Enc., I, c. 1244). De même, l’ala Gallorum Indiana (ibid.). Les cohortes des Nerviens et des Tongres disparaissent du Rhin et reparaissent en Bretagne (ibid., IV, c. 318-9, 343-4). J’incline cependant à croire qu’après une première série de déplacements sous les Flaviens on y renonça le plus souvent.

[108] Je ne peux cependant prouver la chose pour les légions.

[109] Dessau, n° 2514 = C. I. L., VIII, 21024 (sous Néron). Dessau, n° 2515 = C. I. L., III, 4466. Il y a d’innombrables exemples. Et il va sans dire que la chose a commencé bien avant Vespasien.

[110] De là, par exemple, l’expression de ala Gallorum et Pannoniorum catafractaria.

[111] En droit, seulement depuis Septime Sévère (Hérodien, III, 8, 5) ; en fait, dès le début de l’Empire (sous Claude, Dion, LX, 24, 2). En dernier lieu, Cagnat, Armée romaine d’Afrique, 2e éd., p. 373 et s.

[112] Surtout à partir de Trajan ; cf. Cagnat, p. 298 et s.

[113] Suétone, Galba, 6, 2.

[114] Surtout à partir de Septime Sévère. Cf. Waltzing, Corporations professionnelles chez les Romains, I, p. 308 et s. ; Cagnat, p. 392 et s.

[115] Tacite, Ann., I, 78.

[116] C. I. L., III, diplômes 2, 9, 11-16, etc. ; cf. p. 908.

[117] Un Lingon ? (Lingauster ; Dessau, n° 2529 = C. I. L., III, 10514) a servi 36 ans ; etc.

[118] Diplômes militaires (C. I. L., III) ; cf. Dessau, n° 1986-2010.

[119] Certainement en ce qui concerne les impôts indirects, en particulier douanes et péages d’État (omnibus vectigalibus portitoribus publicis liberati immunes) ; mais sans doute aussi l’immunitas du tribut foncier (ibid.) ; peut-être dès le début de l’Empire ; Année épigr., 1910, n° 75.

[120] Tacite, Ann., I, 17. La présence de nombreux vétérans à Lyon semble bien indiquer qu’on les y envoyait ou laissait de préférence (cf. Dissard et Allmer, Musée, I, p. 211 et s. ; C. I. L., XIII, 1828 et s.). Sans doute le fisc y avait des terres ou des maisons à leur donner, provenant des lots primitifs de la colonie, et lui ayant fait retour (cf. Gromatici veteres, p. 162, l. 12-5).

[121] C. I. L., XII, 3179, 2230 ; XIII, 1041, 1870-1907 ; etc.

[122] Cf. L. Halkin, Les Collèges de Vétérans, Gand, 1896 (extrait de la Revue de l’Instr. publ. en Belgique, XXXVIII-IX).

[123] Tacite, Ann., XIV, 31. Cf. Cagnat, 2e éd., p. 417 et s.

[124] César, De b. G., III, 20, 2.

[125] C. I. L., XII, 367.

[126] Evocatus, C. I. L., XIII, 1011, 3093, 7356 ; César, De b. G., III, 20, 2 ; C. I. L., XIII, 1837 (inter celeros conveteranos suos revocitus). Il est probable que ce rengagement était souvent obligatoire, et qu’un vétéran formait un soldat de réserve, sauf dispenses. — Du reste, même après le congé régulier, les vétérans pouvaient ou devaient continuer à servir à côté de leur ancien corps, jusqu’au règlement définitif de leur situation. Ce qui explique les vexilla veteranorum qu’on rencontre si souvent dans l’armée du Rhin (Tacite, Ann., I, 17, 36, 39). Cf. Marquardt, Staatsverwaltung, II, p. 463 et s.

[127] C’est le cas des evocati Augusti, empruntés en règle générale (depuis Tibère ?) aux troupes d’élite ; XII, 2602 ; cf. R.-Enc. Wissowa, s. v., VI, c. 1145-52 (Fiebiger).

[128] Voyez les exemples réunis par Hirschfeld, Verwaltungsbeamten, p. 418.

[129] Tributum soli. Gaius, 11, 7 ; Frontin, Gromatici veteres, p. 35-6.

[130] Dans quelle mesure, nous l’ignorons. Si le texte de Frontin (p. 35) est bien reconstitué, agros colonicos immunes peut se rapporter à des colonies qui sont en même temps cités libres. Mais cela est douteux, et il semble qu’il s’agisse plutôt d’une immunitas accordée particulièrement à certaines terres dans des territoires coloniaux ou à des colonies sans jus Italicum (cf. Digeste, L, 15, 8, 7). Il est fort possible que le taux du tribut ne fût pas le même pour toutes les cités, et que certaines bénéficiassent de diminutions à cet égard.

[131] Frontin, p. 35. — Ajoutez les immunités personnelles.

[132] Tributum capitis. Digeste, L, 15, 8, 7 ; L, 15, 3 ; Dion, LXII, 3, 3.

[133] Digeste, L, 15, 3-4. On comptait même le nombre de pieds de vigne, défalcation faite des pieds morts (L, 15, 4, 1). Et peut-être même les pieds d’arbres dans certains bois (platanes ; Pline, parlant de la Gaule, XII, 6).

[134] On calculait toujours l’impôt suivant les relevés faits censendi tempore (L, 13, 3 ; 4, 1) : c’est ce que veut dire Dion, parlant d’impôts payés par les esclaves morts (LXII, 3, 4).

[135] Sont indiqués nettement des cens de la Gaule : en 27 av. J.-C., en 12 av. J.-C., en 14-16 ap. J.-C., sous Tibère, sous Claude, sous Néron en 61, sous Domitien (en 83 plutôt qu’en 92 ? Frontin, Strat., I, 1, 8, etc.). — S’il y a eu une règle, c’est tous les 15 ans, ou peut-être, comme en Égypte, tous les 14 ; cf. Unger, p. 68.

[136] Un cens pouvait durer plus de deux ans.

[137] Une des causes d’ennui, pour les provinciaux, était sans doute l’obligation de se rendre, pour y être recensés, dans leur cité d’origine ; cf. Mitteis et Wilcken, Grundzüge, I, II, p. 235 et s.

[138] En 14, Germanicus s’en occupe (Tacite, Ann., I, 31 et 33 ; cela dure encore en 16 (id., II, 6), où Germanicus le confie à deux sénateurs ses légats, P. Vitellius et C. Antius. Plus tard, Domitien lui-même s’en chargea (Frontin, Strat., I, 1, 8).

[139] En 61, Néron désigne une commission de trois membres (per Gallias, chacun sans doute pour une des Trois Gaules), tous trois consulaires, dont l’un présidait ; et, aux disputes que provoqua la désignation de ce président (Tacite, Ann., XIV, 46), il est visible que le cens comportait, sans doute à Lyon, de très grandes cérémonies, où le président officiait. Cf. Unger, p. 58.

[140] Aux époques du cens, on pouvait en confier la commission spéciale aux gouverneurs, qui l’indiquaient dans leur titre : sous Tibère (vers 30 ?), Torquatus Novellius Atticus, prétorien, leg. a]d cons. accip. et dilect. et [proco]s. provinciæ Narbon. (C. I. L., XIV, 3602 = Dessau, n° 950). Il est possible que Tibère ait préféré ce système, chaque gouverneur recensant sa province, aux solennels mandats du temps d’Auguste, embrassant au moins toute la Gaule Chevelue.

[141] Même remarque pour les légats, quoiqu’il ne soit pas absolument prouvé qu’il y ait identité entre les légats gouverneurs et les legati pro prætore ad census provinciæ, censuum accipiendorum, ou leg. pr, pr. censitores : en Lyonnaise (C. I. L., X, 6658 ; VI, 1333 ; II, 4121) ; en Aquitaine (XIV, 2925 ; V, 7783) ; en Belgique (XIV, 3593) ; en Germanie Inférieure (III, 10804). Dans ce cas, le plus souvent, on confiait la province à un consulaire.

[142] Procuratores ad census Gallorum, sous Claude ? (C. I. L., VI, 31863), a censibus accipiendis, vers 200 dans les Trois Gaules (XIII, 1680). — Censitor, censor provinciæ ou ad accipiendos census : en Aquitaine (II, 4188 ; Marc-Aurèle, XII, 671 ; C. I. Gr., 3751) ; en Lyonnaise (C. I. L., XIV, 4250) ; en Germanie Inférieure (XI, 709). — J’ai peine à croire que ces intendants n’aient pas été placés sous les ordres de chefs supérieurs, comme les gouverneurs. — Il arrivait qu’on constituât en districts spéciaux de recensement les grandes villes ou les cités privilégiées, comme Lyon (censitor Lugdunensium, C. I. L., II, 4121) ou les Rèmes (censor, sous Trajan, XII, 1835, 1869-70) : car ces derniers, quoique fédérés, n’échappaient pas au cens. Sous les ordres du chef du cens : 1° un ou plusieurs sous-chefs, chevaliers, adjutores ad census, par exemple pour la Lyonnaise (C. I. L., XII, 408) ; 2° un ou plusieurs dispensatores ad census, subalternes, par exemple pour la Lyonnaise (VI, 8578).

[143] Voyez encore les précautions de Domitien (Frontin, Str., I, 1, 8). — Les résultats du cens étaient inscrits sur des tables, mensæ, tabulæ, conservées dans des bureaux, tabularia, auxquels étaient préposés, comme chefs et sous-chefs, des affranchis ou des esclaves impériaux, tabularii (C. Just., X, 1, 2) et adjutores tabulariorum. Ces bureaux sont constatés à Lyon (pour la Lyonnaise et l’Aquitaine ?), à Trèves (pour la Belgique et les Germanies ?), à Narbonne (II, 3285 ; XIII, 1816 ?, 1826, 4194, 4208 ; XII, 4254). Quand Caligula vint à Lyon, il se fit montrer ces documents (Dion, LIX, 22, 3). — Ces bureaux étaient permanents, placés sous la direction de l’intendant de la province, et étaient sans doute chargés, non pas seulement de garder les registres du cens, mais d’encaisser les sommes provenant des deux tributs directs. — La répartition et la perception en incombaient aux décurions municipaux. — On a supposé que, pour le recouvrement des arriérés, l’empereur envoyait des exactores, lesquels étaient des esclaves du prince (C. I. L., XIII, 5082). — Cf., sur ces questions, Rostowzew, Geschichte der Staatspacht, 1903, p. 415-422 ; Hirschfeld, Verwaltungsb., p. 53 et s. ; Unger, De censibus provinciarum Romanarum, 1887 (Leipziger Studien, X) ; Kubitschek ap. Wissowa, R.-Enc., III, c. 1914 et s.

[144] Révillout, Mém. sur le Quarantième des Gaules, 1866 (extr. des Mém. de la Soc. arch. de Montpellier).

[145] Quintilien, Déclamations, 359 : très curieux texte, qui nous donne la copie du règlement qui était sans doute affiché dans les bureaux de la douane : Præter instrumenta itineris onmes res quadragesimam publicano debeant. Publicano scrutari liceat. Quod quis professus non fuerit, perdat. Matronam ne liceat attingere. — Étaient sans doute exemptes les marchandises destinées : 1° aux empereurs, 2° aux administrations, 3° aux troupes, 4° à certaines villes, 5° à certains vétérans. — Les plombs trouvés à Lyon en si grand nombre étaient sans doute destinés surtout aux marchandises entrant ou sortant en franchise et plombées ou déplombées à Lyon par le bureau central de la douane. Peut-être aussi s’agit-il parfois de marchandises qui, au lieu d’être visitées à la frontière, l’étaient à Lyon. Cf. Dissard, Collection Récamier, Collection des plombs antiques, 1905. — Je n’arrive pas à comprendre ce que signifient les plombs marqués anabolicum (n° 1-3) ; cf. R.-Enc., V, c. 2016.

[146] La perception en était affermée à une compagnie, socii publici XL Galliarum (C. I. L., V, 721 :3), mancipes XL (C. I. L., VIII, 11813), publicani. — La ferme a été plus tard (sous Commode ?) remplacée par la perception directe (Hirschfeld, Verw., p. 85 ; Rostowzew, p. 399-402).

[147] Stationes, où fonctionnaient, peut-être sous la direction d’un conductor (C. I. L., V, 7832), un groupe d’affranchis ou d’esclaves de la compagnie (un contrôleur, contrascriptor, V, 7213 ; un teneur de livres, librarius, XII, 2252 ; un caissier ou comptable, tabularius, V, 7214), commandés par un vilicus (V, 7852 ; XII, 2348). Pour contrôler les opérations du bureau, il y avait, semble-t-il, un détachement d’esclaves et affranchis du prince (V, 7209, 7211). — Plus tard, la statio dépend d’un præpositus, affranchi du prince (V, 5090, 7643 ; XIII, 5244), assiste d’un contrôleur, contrascriptor (XIII, 253). Peut-être des sous-officiers ou beneficiarii ont-ils pu diriger ces bureaux de douane (XIII, 6127).

[148] A Arles (XII, 717, 724 ; Dissard, n° 61-68) ; à Nassane dans Saint-Mitre au bord de l’étang de Berre ? (XII, 648 ?). — Sur l’Atlantique, pour les marchandises d’échange avec l’île de Bretagne (Strabon, IV, 5, 3).

[149] A Coblentz ? (XIII, 7623). A Cologne ? (Tacite, Hist., IV, 65). Une double station à Altrip sur le Rhin, entre Vangions et Némètes ? (XIII, 6127). A Zurich (XIII, 5244). S’il faut placer, ce que je crois, la statio Maiensis là où a été trouvée l’inscription, près de Méran dans le Tyrol (V, 5090), on la supposera destinée aux marchandises venant d’Italie par l’Adige et gagnant le Rhin par l’Arlberg.

[150] A Pedo près de Borgo-San-Dalmazzo, au carrefour des routes des cols de Larche et de Tende (V, 7852). — A Piasco, à l’entrée de routes menant aux cols du Queyras et de la vallée de Barcelonnette (V, 7643). — A Avigliana, Fines Cottii, à la montée des routes cottiennes (V, 7209, 7211, 7213-4). — Près de Conflans, à l’entrée en Narbonnaise de la route des Alpes Grées, au carrefour des routes vers Vienne et Genève (cf. XII, 2348 ; cf. Ad Publicanos des itinéraires). — A Grenoble (XII, 2252), au carrefour de la route des Alpes Grées et de celle de Briançon et des Alpes Cottiennes par le col de l’Autaret. — A Saint-Maurice dans le Valais ? (XII, 144).

[151] A Théza près d’Elne, avant la montée du Pertus (XII, 5362). — A Saint-Bertrand-de-Comminges, peut-être pour les routes des cols des vallées centrales, val d’Aran, vallées de Luchon et d’Aure (XIII, 255). — Ces bureaux nous permettent de constater l’existence de routes et de cols fréquentés en des endroits pour lesquels les itinéraires, source d’ailleurs de valeur très médiocre, ne nous offrent aucun renseignement.

[152] C’est à Lyon que fonctionnait l’administration centrale, avec procurator (VIII, 10300), viceprocurator (VIII, 822), qui sont chevaliers, avec chefs de bureaux, d’ordinaire affranchis du prince (commentarienses, archivistes, II, 6085 ; tabularii, comptables ou caissiers ; et arcarii ou caissiers subalternes, XIII, 1814, 1817, V, 7213). — Un procurator spécial jugeait, au temps où fonctionna le système de la ferme, les contestations entre mancipes et negotiantes (VIII, 10813). Au temps de la perception directe, un avocat du fisc, fisci advocatus XL Galliarum, défendait les intérêts de la douane devant l’intendant de la province (C. I. L., VIII, 12020). — Je ne sais s’il ne faut pas rattacher à ce bureau, plutôt qu’à une succursale romaine du XLe, les procurator, actor et autres affranchis de ce service mentionnés dans la capitale (X, 6668 ; VI, 8591-2).

[153] Et sans doute aussi pour remplacer des droits perçus par des chefs indigènes. Le XLe, embrassant toute la Gaule, parait bien être antérieur au temps du morcellement.

[154] Sauf les péages (portoria) aux ports, ponts, passages de rivières, dans la mesure où ils dépendaient du fisc public : la manière dont en parlent les textes, outre qu’ils étaient suffisamment élevés (Digeste, XXIV, 1, 21 ; XIX, 2, 60, 8 ; Hérodien, II, 4, 7 ; Suétone, Vitellius, 14, 2 ; Sénèque, Ad Serenum de const. sap., 14, 2). Une étude approfondie des noms de lieux en révélerait peut-être un certain nombre.

[155] Dion Cassius, LV, 25, 5 ; Pline, Panegyrici, 37.

[156] Il fut d’abord affermé ; puis, sous Trajan ou Hadrien, perçu directement. — On trouve en Gaule deux grands bureaux de procurator pour la perception du XXe : un, qui comprend la Narbonnaise et l’Aquitaine (C. I. L., III, 6756-7 ; VI, 1523 ; VIII, 1808), l’autre, la Lyonnaise, la Belgique et les Germanies (II, 4114). — Dans l’intérieur de ces ressorts, des bureaux régionaux de perception (statio Vienn. par exemple), sous la direction d’un vilicus, esclave du prince (C. I. L., XII, 1926).

[157] C. I. L., XII, 1082, à Vienne : il est possible de lire (Hirschfeld, Verw., p. 94) soci c(entesimæ) (venalium).

[158] Vicesima libertatis. On trouve trace de la ferme de cet impôt jusqu’au second siècle, et des agents ou esclaves des fermiers pour la Narbonnaise (C. I. L., XII, 2396 ?), l’Aquitaine (XIII, 1130, à Poitiers), la Germanie (à Mayence ? XIII, 7215).

[159] Cf. Suétone, Caligula, 40-41 ; Dion, LIX, 28, 8 et s.

[160] Pour les impôts indirects, Cagnat, Étude historique sur les impôts indirects chez les Romains, 1882.

[161] En 1816, on prévoyait 223.174.420 francs pour l’ordinaire des quatre contributions directes et 76.283.181 pour les centimes additionnels, sans parler de contributions directes extraordinaires (Mavidal et Laurent, Arch. parlem., IIe s., XVI, p. 446). Les budgets de 1814 et 1815 avaient été de 791.367.992 et 876.318.232 francs (cf. J. Roche, Les Budgets, p. 62).

[162] J’ai supposé qu’il a été doublé sous Auguste ; il a dû être augmenté après le cens de 14-16. Et je crois bien que chaque cens a eu pour conséquence son augmentation. Mais d’autre part, de temps à autre, on en remettait une partie, par exemple le quart.

[163] Budget proposé à la Chambre des Députés pour 1913 : les quatre contributions directes, 561.929.768, et, avec les taxes assimilées, 616.173.030 ; total du budget des recettes, 4.639.791.105.

[164] Tacite, Agricola, 19 : In quæstum reperta ipso tribuio gravius tolerabantur.

[165] Tacite, Hist., IV, 74 : Jure victoriæ id solum vobis addidimus, quo pacem tueremur.

[166] Entre un million de sesterces pour certains proconsuls Dion, LXXVIII, 22, 5) et 60.000 pour certains intendants (Hirschfeld, Verw., p. 433 et s.).

[167] Sur cette richesse et ce luxe des gouverneurs de Gaule : Tacite, Hist., II, 59 ; Agr., 9, cf. 4 et 6 ; Pline, XXXIV, 47 ; XXVI, 4 ; XXXIII, 143 ; Tacite, Hist., IV, 14.

[168] Guiraud, Assemblées, p. 173-4.

[169] Sævi proximis ingruunt ; Tacite, Hist., IV, 74. Il y aurait bien à dire sur les soi-disant fantaisies fiscales attribuées par les auteurs à Caligula (Suétone, Cal., 40-1). Sur la modération fiscale de Néron, Tacite, Ann., XIII, 50-1 ; de Tibère, id., II, 42 ; de Caligula, Suétone, Cal., 16, 3.

[170] C’est le mot de Caligula (Dion, LIX, 22, 3-4).

[171] Il semble cependant que les domaines du prince fussent moins importants en Gaule qu’ailleurs, notamment qu’en Italie, en Afrique, en Espagne même. Ce qui contribue à prouver, contrairement à une opinion courante, que les empereurs y ont trouvé la propriété privée fort développée. En particulier pour les mines (de fer et de cuivre), il y en a de considérables qui appartiennent à des particuliers, à des cités, aux Trois Gaules (Hirschfeld, Verw., p. 158-9) ; de même, pour les carrières (C. I. L., XIII, 38).

[172] Voyez, sur Versailles, le juste et vigoureux jugement de Lavisse, Histoire de France, VII, II, 1906, p. 157-9.

[173] On a calculé qu’un mille de routes romaines revenait à 100.000 sesterces, 25.000 francs (Marquardt, Staatsv., II, p. 92, d’après C. I. L., II, 6072, 6075). A ce compte, le réseau d’Agrippa a dû coûter au moins 50 millions de francs.

[174] C. I. L., XII, 3151 ; autres dons impériaux, à vienne, XII, 6034 ; à Nîmes, 3155.

[175] Hist. Auguste, Hadrianus, 12, 2. — Pour la restauration des routes, l’intervention du fisc impérial est prouvée par les expressions restituit, refecit, restituit et refecit, mises après le nom de l’empereur (XII, 5441, 5445-9, 365, etc.). La réfection de la voie Appienne (C. I. L., IX, 6072, 6075 ; Dessau, n° 5315) fut faite, partie aux frais d’Hadrien, partie à l’aide de contributions des possessores agrorum, l’empereur doublant la somme fournie par ces derniers. Pour les routes de la Gaule, il n’est question que de l’empereur, sua pecunia, dit-on spécialement de lui pour la réfection de la grande route de la Tarentaise ou des Alpes Grées (XII, 107). — Les inscriptions op(era) pagi tel ou tel (XII, 1243 ; Rev. épig., n° 1385), semblent indiquer la section de la route qui incombait aux prestations du pages.

[176] C. I. L., XIII, 596-600. Autres dons ou legs de ce genre : XII1, 950-4, 966, 1612, et cent autres.

[177] Pline, XXIX, 9.

[178] C. I. L., XII, 3151.