HISTOIRE DE LA GAULE

TOME II. — LA GAULE INDÉPENDANTE.

CHAPITRE XII. — TEMPÉRAMENT[1].

 

 

I. — ASPECT ET FACULTÉS PHYSIQUES.

Les écrivains des abords de l’ère chrétienne ont donné aux Gaulois leurs contemporains les mêmes caractères physiques qu’aux vainqueurs de l’Allia et aux combattants de Delphes : taille élevée[2], chairs molles et blanches[3], chevelure blonde[4], regard farouche[5], ce type du Celte, consacré par dix générations de chroniqueurs et d’artistes, régnait toujours sur le marbre et la poésie, et les traditions d’école le perpétuaient indéfiniment. Il fait désormais partie de la phraséologie littéraire et des modèles d’ateliers.

Cela même nous donne le droit d’émettre quelques réserves sur l’exactitude de ce portrait, et de nous demander s’il convenait bien à tous les Celtes et à tous les Belges que César eut à combattre.

Qu’ils fussent moins noirs de chevelure que des Espagnols et des Italiens, cela était naturel. Mais d’une part, beaucoup de Celtes paraissaient blonds qui ne l’étaient qu’à force de lavages[6] et de teintures[7]. Et d’autre part, le terme de blond n’a jamais, dans les descriptions populaires, qu’une valeur relative : il y a des degrés infinis dans les tons fauves ou jaunes, et on ne tardera pas à reconnaître que les Germains étaient plus blonds que les Gaulois[8]. Pourtant, beaucoup de Gaulois descendaient d’hommes de même origine que les Germains : mais le mélange avec les Ligures, le contact des terres chaudes du Midi a pu tourner graduellement les chevelures vers des tons moins clairs et une couleur moins ardente[9].

Étaient-ils tous aussi grands qu’on voulait bien le dire ? Les peuples ont toujours une tendance à exagérer la taille des hommes qui les ont combattus : les Grecs ont transformé en géants les ennemis de leurs dieux. Et cette réputation de grandeur s’imposait d’autant plus à propos des Gaulois que, suivant une coutume de Barbares, ils plaçaient sur le front de leurs armées les statures les plus hautes. C’étaient sans doute des corps magnifiques que ces cavaliers gaulois qui, durant les guerres civiles, entouraient César et Labienus, et les vainqueurs ne pouvaient s’empêcher d’admirer leurs ratites cadavres étendus sur le champ de bataille : mais après tout, ils ont pu être choisis entre dix mille, et il y avait des Germains parmi eux[10]. Comme tous les peuples épris de guerre, les Celtes et les Belges ont aimé les beaux hommes : Vercingétorix dut une partie de son prestige à sa haute taille et à sa superbe prestance[11] ; des peuples se faisaient gloire de s’appeler les Grands, Cavari ; on donnait volontiers ce nom aux enfants[12]. Mais cela même prouve que le mot de grandeur, appliqué par les Anciens aux Gaulois, n’avait qu’un sens relatif[13], et ne visait que l’élite des soldats ou une partie des habitants. Au reste, on reconnaissait que les Belges, au nord de la Marne, étaient plus grands que les Celtes[14] ; on savait que les Germains, au delà du Rhin, étaient plus grands que les uns et les autres[15]. On ne peut prouver, je l’avoue, que les populations de nos pays ressemblaient alors à ce qu’elles sont maintenant : mais de toutes les assertions qui peuvent être émises à leur endroit, c’est de beaucoup la plus raisonnable.

Les historiens des invasions celtiques ont répété que le Gaulois manquait d’endurance physique, et ils ont, de cette faiblesse, donné d’assez bonnes preuves. Mais le récit des guerres de l’indépendance n’apporte pas tout à fait la même impression. Ces hommes qui ont culbuté à Gergovie les centurions de la VIIIe légion, ces fantassins qui se sont battus pendant deux jours au pied d’Alésia, épuisés cependant par un mais d’attente et de faim, les Nerviens de la Sambre, les Bellovaques de l’Oise, ces insaisissables cavaliers qu’ont été Ambiorix l’Éburon et Comm l’Atrébate[16], paraissent des chefs-d’œuvre de complexion physique, égaux aux meilleurs des légionnaires marses ou samnites. On disait que les Belges étaient les plus robustes de tous les Gaulois[17] : mais il ne manquait pas de Celtes, au sud de la Marne, qui leur ressemblaient, et l’acharnement des Cadurques dans Uxellodunum dénote une ténacité physique comparable à celle des indigènes de la Flandre et de la Moselle[18].

Nul doute que dans l’ensemble, les membres des fantassins romains ne fussent plus rompus à la fatigue, et surtout à des fatigues plus diverses, à la marche, au remuement des terres, au maniement prolongé des armes, au port des fardeaux[19] : tous les muscles avaient été également exercés, soumis à un entraînement savant et continu. C’étaient cette science et cette expérience qui faisaient défaut à leurs adversaires. Mais ceux-ci, de par leur nature, ne sont point incapables d’acquérir l’une et l’autre, et de se former des corps vigoureux, durcis et résistants[20] Ils pourront même un jour devenir, sous la discipline de chefs entendus, les plus endurants des soldats de l’Occident[21].

 

II. — DE LA TENUE DU CORPS.

Les Gaulois possédaient une qualité assez rare chez les Barbares, et que les peuples du Midi n’ont point toujours recherchée : ils étaient fort propres, et l’on admirera plus tard le soin méticuleux qu’ils apportaient à leur toilette[22]. Ils avaient le respect de leur peau blanche et de leur chevelure blonde.

Les cheveux et la barbe étaient l’objet d’attentions particulières. On a vu qu’ils se lavaient la tête au savon ou à l’eau de chaux pour assurer à la chevelure la coloration blonde. Ils la conservaient très drue et très longue ; d’ordinaire, ils la ramenaient en arrière, vers le sommet ou la nuque, de façon à dégager largement le front : on eût dit des Pans et des Satyres[23] ; mais à la figure découverte et aux touffes bien peignées. La barbe n’était jamais laissée à elle-même : les uns la gardaient, mais toujours assez courte ; d’autres se rasaient. Les nobles avaient les joues et le menton nus, les moustaches longues et pendantes[24]. Tout cela exigeait des soins périodiques[25].

Cette toilette était une des formes, et la meilleure, de leur coquetterie. Car ils passaient pour coquets comme des femmes. On leur reprochait à satiété d’aimer la parure[26] : mais les colliers et les bracelets aux couleurs rayonnantes, les étoffes brodées d’or ou teintes de pourpre, étaient des cadres faits à souhait pour leurs corps propres et neigeux[27]. L’habitude faisait répéter aux écrivains que les Gaulois étaient terribles à voir : la description qu’ils en donnaient laissait une pensée différente. Quand Virgile nous montre le Celte, la chevelure dorée, vêtu d’une tunique d’or, recouvert d’un manteau aux raies de mille couleurs, un collier d’or entourant son cou d’une blancheur de lait[28], nous ne songeons pas à quelque guerrier sombre et farouche, mais la sensation nous arrive d’une image étincelante et joyeuse.

Par malheur, ces gens-là se tenaient fort mal à table. D’abord, leurs moustaches pendantes retenaient des débris de nourriture et tamisaient la boisson, ce qui dégoûtait les étrangers[29]. Puis, ils mangeaient gloutonnement, à la manière des lions, déchirant les viandes de leurs deux mains, y mordant à pleines dents[30]. Enfin, la vue et l’odeur du vin leur faisaient perdre toute dignité physique[31]. Ils ne s’étaient point corrigés depuis les aventures du Latium : ils demeuraient aussi fieffés ivrognes que les plus rudes des Barbares. Le plus souvent, bien entendu, ils buvaient pur : car mêler l’eau et le vin, disaient-ils, c’était s’empoisonner[32]. Au premier abord, ils paraissaient sobres et modérés : ils n’absorbaient que de petites rasades, la valeur d’un gobelet[33]. Mais ils revenaient sans cesse à la boisson[34], jusqu’à l’ivresse, le sommeil ou la démence. Le commerce avec l’étranger, l’invention de liqueurs de toute sorte[35], développèrent le vice dans des proportions formidables, et l’on devait plus tard signaler de ces hommes du peuple qu’un enivrement continu avait travestis en des espèces de fous aux sens hébétés et à la démarche incertaine. L’alcoolisme et ses maux ont eu, diras la Gaule, leurs précédents. Et c’était un spectacle navrant de voir ces belles et brillantes créatures se transformer peu à peu en brutes répugnantes[36].

 

III. — NATURE DE LA VOLONTÉ.

Les âmes, comme le corps, avaient besoin d’apprendre la discipline. Depuis deux ou trois siècles qu’on le connaissait, le Gaulois s’était trop peu amendé : il n’atteignait pas l’âge de la maturité, quoique, sur certains points, il fût devenu plus sérieux et plus sage.

Il n’avait, dans l’ensemble, rien perdu du courage de sas ancêtres les conquérants : c’étaient les mêmes bravades contre l’ennemi[37], le même mépris de la mort[38], la même folie du suicide[39]. Cependant, à cet égard, les deux grandes régions du monde gaulois ne se ressemblaient pas absolument. Les habitants du Centre et du Midi, maîtres plusieurs fois séculaires de campagnes joyeuses, se sentaient trop heureux de vivre pour s’obstiner, les jours de combat, dans une résistance qu’ils jugeaient inutiles[40] : ils lâchaient pied ou se rendaient. Sauf les Allobroges, montagnards épris de liberté et orgueilleux de se battre[41], tous les autres peuples de ces pays n’opposèrent aux Romains qu’une médiocre résistance ; et même sous la direction de Vercingétorix ou pour sauver leur chef, on sent qu’ils regrettent d’avoir à lutter et qu’ils sont prêts à fuir[42]. — Au contraire, dès que l’on approche des terres plus âpres du Nord et des populations belges, plus tard arrivées, on retrouve des hommes plus franchement et plus complètement courageux. C’est chez les Armoricains et les Aulerques, chez les Nerviens de la Sambre, les Bellovaques de l’Oise, les Éburons des Ardennes, les Morins et les Ménapes des basses terres, les Trévires de la Moselle, que se sont passés les plus admirables faits d’armes de la guerre d’indépendance[43]. Au Centre et au Sud, les longues résistances ont été surtout l’œuvre d’un chef ; dans le Nord[44], ce sont aussi les foules elles-mêmes qui ont voulu lutter et mourir : les soldats de Camulogène devant Lutèce[45], les Nerviens dans la bataille de la Sambre[46], ont fourni les deux plus beaux exemples d’acharnement au combat et de mort collective que présente l’histoire de la liberté. Les Gaulois n’étaient plus tous, en temps de guerre, des énergumènes semblables à ceux de Delphes et de l’Allia. Les uns avouaient franchement leur répugnance à se battre ; les autres, une fois décidés à le faire, ne lâchaient pied que pour mourir. Leur courage était donc devenu à la fois plus ordonné et plus absolu.

Mais dans le courant de la vie, ils ont moins pris l’habitude de se modérer. Ils demeurent fatigants d’exubérance et incapables de résolution longtemps suivie.

Le Gaulois, d’abord, souffre quand il ne parle pas. Dans les réunions publiques, il faut des lois contre les interrupteurs[47]. Sur le champ de bataille, dans les marches, dans les camps, les cris et les chants font autant de bruit que les armes[48]. C’est un peuple de bavards et de braillards. Mettez-en plusieurs ensemble, vous entendrez tout de suite d’abominables clameurs : ce n’est pas qu’ils se soient pris de querelle ; mais, pacifiques ou furieux, peu importe, ils ne s’entretiennent pas sans hurler de concert[49].

Le calme était exclu de leur esprit comme de leur langue. Les Anciens ne virent jamais des hommes aussi excitables[50]. Il ne se passait guère de repas sans qu’on en vînt, pour les motifs les plus futiles, à des disputes, des provocations, des combats[51] : c’est un pays de duellistes aussi bien que de guerres civiles[52]. La voix, la main, la pensée et l’épée y sont également promptes et immodérées. II y gronde sans cesse des colères d’hommes et de peuples[53].

Ainsi qu’il arrive chez ces natures toutes d’élan, le découragement se montrait aussi vite que la colère[54]. Même à jeun, il y avait chez le Gaulois quelque chose de l’ivrogne qui ne s’exalte que pour s’assoupir, à moitié fou et à moitié brute. Qu’une défaite survienne, l’abattement est insurmontable. Il faut que les chefs cachent au soldat une bonne partie de la vérité, pour n’être point lâchés dans les moments difficiles : il est plus avantageux de l’exciter par de folles illusions, que de faire appel au sentiment du devoir[55]. Vercingétorix aura à se méfier, autant que de César, des défaillances des siens.

Aussi, les résolutions poussaient vite sur le sol de la Gaule[56] : déclarations de guerre, accusations capitales, besoins de massacres et signaux d’émeutes sortaient en un clin d’œil des esprits soulevés[57]. Les sénateurs aulerques et lexoviens refusent la prise d’armes : le peuple les tue[58]. Sur une parole entendue, sur une fausse nouvelle crue aussitôt, les Gaulois s’épouvantent, crient à la trahison, égorgent leurs chefs et changent de gouvernement[59]. L’état de guerre n’était que la conséquence de ces volontés subites, de ces fougues sans cesse renaissantes[60]. Décisions rapides, changements continus. Les constitutions ne demeuraient pas plus stables que les hommes. Les Gaulois devinrent célèbres pour leur goût des révolutions[61] ; ils n’aimaient pas les sages lenteurs des améliorations politiques, passaient brusquement d’un régime à l’autre. Nous les verrons, pendant la guerre de César, acclamer et conspuer tour à tour leurs rois et leur sénat, les Germains, les Romains et les patriotes.

Ils ont tous, si je peux dire, la volonté offensive. Les mécontents ne se plaignent jamais longtemps de leurs chefs, ils les renversent le plus tôt possible[62]. Des soldats gaulois sont peu faits pour une guerre défensive. Il faudra à Vercingétorix des efforts inouïs pour les empêcher d’attaquer, et ces efforts, d’ailleurs, finiront par échouer au moment décisif[63]. La seule tactique que comprenne une armée, c’est d’aller d’abord à l’ennemi ou à la place forte, sans attendre l’un et sans étudier l’autre. Quand les Gaulois voudront délivrer Alésia, ils marcheront en masse contre les lignes de César, avant de s’informer au préalable de leurs points faibles et de leur état de défense[64].

Ce sont donc de belles forces naturelles, à demi aveugles, brusques, presque instinctives. Mais il y aurait injustice souveraine et réelle inexactitude à confondre tous les Gaulois dans ce portrait général. Il résulte surtout des textes latins et grecs, et les jugements qu’un peuple porte sur ses voisins sont toujours absolus, et partant à moitié faux. La Gaule a eu des hommes sages et réfléchis, à la décision froide et tenace, à la résolution constante. Son histoire au temps de la lutte pour la libertin offre, autant que celle de toute autre nation, des exemples de courage méthodique et de noble entêtement : Ambiorix, Dumnac, Gutuatr, Comm, Lucter, Drappès, hommes du Nord, du Centre ou du Midi, valent n’importe quels héros militaires[65]. Vercingétorix comprit quels défauts de la volonté troublaient sa nation ; il lui imposa la patience et la maîtrise de soi. Il réussit, non pas certes à la guérir, mais à écarter le mal pendant pris d’un an[66]. Ce qui prouve que ce mal n’était pas sans remède.

 

IV. — DÉFAUTS ET QUALITÉS DE L’ESPRIT.

Cette incohérence de la volonté gâtait l’intelligence des Gaulois, que nous avons vue curieuse, inventive, souple et variée. Elle lui faisait perdre son équilibre, la rendait souvent maladroite ou stérile.

Ils ne savaient pas réfléchir : c’est-à-dire que leur esprit manquait encore de cette sorte de discipline qui ordonne les actions, prépare la conduite, fait prévoir les conséquences d’une décision. C’est pour cela qu’ils sont, à la guerre, de si misérables tacticiens[67], et que, dans les conversations, ils vont de même à tort et à travers, parlant presque en propos interrompus[68]. Ce qui, d’ailleurs, ne les empêcha pas de devenir des maîtres rhéteurs.

Avec cela, qu’on remarque une qualité qui est le correctif de ce travers. Les Gaulois, à défaut du raisonnement, recherchent la précision. Ils ont le goût des choses bien disposées, des calculs méticuleux ; ils sont gens à protocole et à hiérarchie. Même dans certains moments où il eût fallu agir vite, ils ne surent pas négliger les minuties[69]. Il y a chez eux une véritable tendance aux formalités administratives. Ce qui, tout compte fait, n’est pas de mauvais augure pour l’avenir politique de la nation.

Mais ils compromettent cet avenir par leur incapacité absolue à profiter des leçons de l’expérience. Ils ont de la mémoire, mais on dirait qu’ils ne veulent se souvenir que de triomphes et de faits glorieux. Le malheur ne les a instruits que médiocrement. Malgré les défaites subies depuis deux siècles, on a vu qu’ils ont à peine chanté leur manière de combattre. Traqués en Italie, en Grèce, en Asie, ils n’ont rien rabattu en Gaule d’une fierté depuis longtemps célèbre[70]. Divico l’Helvète, qui n’était que le délégué d’une peuplade d’immigrants, interpella César avec le même formidable orgueil que les Celtes déployèrent devant Alexandre étonné : ni Mithridate ni Hannibal n’eussent parlé autrement que ce demi-fugitif, sans feu ni terre, qui s’en vint menacer le plus puissant des Romains d’un désastre sans précédent[71]. Je ne suis par sûr qu’Éduens, Séquanes et autres n’aient pas d’abord regardé le proconsul comme un simple auxiliaire, à leur disposition[72]. Dans la conversation, le Gaulois aimait à se vanter : il avait la pensée et la parole pleines de lui, il était toujours un peu son propre barde[73]. Vercingétorix, déjà touché par la défaite, prédisait des succès prodigieux, et, presque assiégé dans son camp, annonçait la conquête du monde : et ses soldats, oubliant leur lassitude et leurs misères, croyaient et applaudissaient[74]. Les peuples avaient la même outrecuidance que les hommes : les Bellovaques ne voulaient faire la guerre contre Rome qu’en leur nom et à leur guise[75]. Et, vraiment, si irréfléchie et si dangereuse que fût parfois cette superbe, on ne peut la reprocher longtemps aux Gaulois : c’est elle qui fit souvent leur force, et qui leur inspira les plus grandes choses.

Mais aussi cet orgueil et cette irréflexion les mettaient à la merci des habiles et des ambitieux. Avec quelques flatteries, de belles phrases, l’image de grandes espérances, on dirigeait ou on retournait sans peine leurs volontés : et c’est ainsi que Vercingétorix les mania si longtemps à son gré[76]. Ils étaient les plus faciles des gens à se laisser convaincre[77] : une fois, dans l’espace d’une heure, ils crurent et crièrent tour à tour que leur chef était un traître et qu’il était un grand homme[78]. Mensonges, nouvelles inexactes et vantardises avaient toujours prise sur ces imaginations rapides et déréglées. C’étaient les u esclaves des faux bruits[79].

Mais les Gaulois, le cas échéant, savent se rendre aux bonnes raisons[80]. Si mobile que soit leur esprit, il ne manque ni de justesse ni de logique. Qu’on leur explique les choses, ils accepteront la solution la plus prudente. Il y a, dans leur tempérament, des tendances pratiques et positives qui les arrêtent, presque brusquement, au milieu des plus folles entreprises[81]. Leur emportement n’est jamais tel, qu’ils ne puissent se ressaisir au milieu de leur course, et raisonner dans l’élan de leur passion. Un jour, depuis longtemps soumis à Rome, les peuples s’enthousiasmèrent à la pensée de reprendre leur liberté : on chanta, on prophétisa, on s’exalta de toutes parts ; à la première délibération, on applaudit les orateurs de l’indépendance, mais au vote, personne ne les suivit[82]. Il est fort possible de faire écouter au Gaulois le langage de la sagesse. Quand les Romains lui auront montré les bienfaits du travail, il ne demandera qu’à les croire[83]. Que ces intelligences aient de bons maîtres, étrangers ou indigènes, elles feront œuvre utile.

 

V. — BONTÉ ET JUSTICE.

Cette crédulité, cette simplicité[84] d’intelligence ne tenaient pas seulement à ce que leur esprit gardait comme la fraîche naïveté des âges enfants, mais aussi à ce que leur âme possédait un grand fonds de bonté[85].

Si vraiment les Ligures de la Gaule ont été les plus trompeurs des hommes, la race issue d’eux et des Celtes a gardé le moins possible de ce fâcheux tempérament. Ces Gaulois, disait-on, étaient incapables de malice[86]. Ils répugnaient au mensonge et à la ruse ; ils ne soupçonnaient pas le mal. Dans la vie comme à la bataille, ils allaient droit leur chemin, à ciel ouvert, le visage nu et le front haut[87].

On se plaignait de leurs accès de colère ; mais la colère ressemble parfois à une vertueuse folie ; et si les Gaulois étaient toujours prêts à s’indigner, c’est qu’ils avaient un sentiment très vif du droit et du juste. Les étrangers rendaient hommage à leur passion pour l’équité[88]. Une de leurs nations, les Volques Tectosages de la Bavière, s’était fait un singulier renom de justice et de modération[89]. Ils sont scrupuleux observateurs du droit des gens, et si l’hospitalité est chez eux parfois indiscrète, ils en connaissent et en pratiquent toutes les lois[90].

Là-dessus encore, dans le bien comme dans le mal, on ne peut souscrire sans réticence au jugement que les Anciens portaient sur les Gaulois. Ce culte de la justice, cette droiture naturelle, ces nobles indignations, furent attribués par eux à toutes les nations lointaines : rhéteurs et moralistes avant tout, les écrivains de la Grèce et de Rome tendaient volontairement à opposer la nature franche des Barbares aux procédé s retors des peuples civilisés. Le Danube et la Loire fournirent toujours à la littérature des paysans simples et fiers.

Mais chez les Gaulois comme chez tous les hommes, la ruse, la malice, la trahison, ne perdirent jamais leurs droits. Nous verrons combien de fourbes surgirent au temps de la guerre de l’indépendance, Diviciac et Dumnorix, fort intelligents d’ailleurs, sont d’assez tristes caractères. Autour de Vercingétorix foisonneront les traîtres, les transfuges et les indicateurs[91].

Après tout, ce furent peut-être des exceptions, et la Gaule peut s’honorer de ce que, dans ces jugements tout faits que les peuples répétaient autrefois, on ait parlé de sa franchise et de sa simplicité, comme on disait la mauvaise foi carthaginoise, la fourberie ligure, la sincérité athénienne.

 

VI. — DE LA GAIETÉ GAULOISE.

Le mot de gaulois est devenu, de nos jours, presque inséparable de l’idée de gaieté, d’une certaine gaieté à la fois spirituelle et rude, de ton bruyant et d’esprit vulgaire.

Ce rapprochement de mots est l’œuvre des modernes et presque de nos contemporains. Gaulois, dans l’ancienne France, s’entendait des choses et des coutumes archaïques, de ce qui rappelait le bon vieux temps[92] : et nous avons pris peu à peu l’habitude[93] d’appeler de ce mot surtout le large rire et les plaisanteries grivoises, où s’ébattaient la joie de nos grands-pères, riant, comme on disait, à la vieille gauloise.

Mais les Gaulois proprement dits n’ont rien laissé qui justifie cette réputation de gaieté à demi grossière. Aucun texte ne nous les montre plus intempérants dans leurs propos ou plus libres dans leur joie que ne l’étaient les autres peuples.

Ce n’est pas une raison pour les croire sombres ou maussades, et pour supposer que la gaieté fut exclue de leurs entretiens. Rire et plaisanter étaient aussi bien leur propre que celui de tous les hommes. Les Anciens ont prêté à Brennos quelques mots d’esprit[94], d’une jovialité féroce[95]. Quand les ambassadeurs du sénat romain eurent exposé leur message devant l’assemblée des Gaulois de Languedoc, on leur répondit par des éclats de rire que rien ne pouvait éteindre[96]. Les quelques scènes de la vie heureuse qui nous sont parvenues, comme l’épisode de Luern et de son poète, nous montrent que ces hommes se plaisaient aux reparties vives et enjouées. Ils vivaient trop longtemps à table, ils accueillaient trop bien les étrangers, pour ne pas être de plaisants convives et de gais causeurs[97]. Vaniteux, agités, loquaces, hospitaliers et sociables, tous ces défauts et toutes ces qualités ne vont pas sans une tendance à l’allégresse. Plus tard, c’est un Gaulois, le poète Ausone, qui, de tous les écrivains latins peut-être, montrera le plus sa joie de vivre[98] : je doute que la bonne humeur ait été, dans son pays, une faculté d’importation romaine.

 

VII. — INDIVIDUALISME.

Il est enfin un trait distinctif des Gaulois que nul auteur de l’Antiquité n’a mis en lumière[99], et qui ressort cependant de leur état social, de leur vie publique et familiale, de leurs habitudes militaires et intellectuelles. C’est leur individualisme, l’indépendance et l’exubérance des volontés personnelles. L’homme (je parle des riches et des nobles) refuse sans cesse de subordonner son être et son existence à une force collective, famille, clan, tribu ou cité : la Gaule n’offre pas de ces puissances sociales, compactes et despotiques, telles que furent longtemps la gens romaine et l’État spartiate[100]. L’individu est très libre, et il veut l’être. Il n’entend qu’à moitié la notion de solidarité sociale. Les magistrats ont moins de force que les chefs de clientèles, et les lois que l’ambition d’un seul[101]. Ce ne sont pas les cités ou les tribus que chantent les bardes, mais la gloire, d’un patron[102]. Hommes d’orgueil, de colère, d’impulsion et d’indiscipline, les Gaulois ne comptent que sur leur force et n’agissent que par leur volonté[103].

Quel contraste entre les guerres gauloises et les guerres ligures ! Nous l’avons déjà dit, il faut le répéter ici. Dans le récit des conquêtes faites par Rome en Ligurie, il n’est jamais prononcé un nom de général : les historiens latins ne parlent que de tribus ou de peuples, de masses unies d’hommes anonymes. Tout au contraire, depuis Bituit l’Arverne jusqu’à Comm l’Atrébate, les luttes soutenues par les Gaulois ont été l’apothéose d’un chef[104].

Sauf le peuple grec, nulle nation n’a aimé à ce point la gloire, le bruit que fait un nom d’homme. L’importance qu’eut le dogme de l’immortalité montre un vigoureux désir de ne point disparaître. Mais les Gaulois redoutent au même titre la disparition de leur être et celle de leur souvenir. Leur vertu militaire est née en partie du besoin de faire parler de soi, mort ou vivant. S’ils estiment les bardes, ce n’est point pour autre chose. La poésie donne la durée à leur nom, comme le courage la donne à leur âme. Peu d’hommes ont rêvé de la postérité avec une telle constance. Songeons, se disaient-ils entre eux, à ce que nos descendants penseront de nous : faisons des choses dont ils pourront parler[105]. Le Gaulois n’eut vraiment peur que du néant, sous sa double forme, la fin de l’âme et l’oubli du nom.

 

VIII. — DE L’ORIGINALITÉ DES GAULOIS.

Tout compte fait, dans ce bilan de facultés physiques et morales, le bien l’emporte sur le mal : la bonté tempère l’orgueil, la sincérité excuse la colère, l’intelligence compense l’irréflexion. Ces défauts mêmes n’ont rien d’antipathique : ce sont défauts de natures frustes, qu’aucune discipline n’a encore régis.

Qu’on laisse se former cette discipline, et la nation peut s’améliorer rapidement. Curieux, d’esprit vif, aux mains adroites, d’humeur sociable, le Gaulois est un être éminemment perfectible. Il a en lui le stimulant le plus énergique du progrès, le sentiment et l’orgueil de sa personnalité. Les peuples où a dominé l’esprit collectif, où l’action de l’individu a été trop souvent subordonnée aux besoins et aux traditions d’un groupe, ne sont arrivés que lentement à une civilisation aimable et originale. L’amour-propre de la gens a fait de Rome, pendant le siècle qui suivit l’expulsion des Tarquins, la société la plus triste et la plus stagnante de l’Italie. L’absolutisme de la cité a réduit Sparte, dans sa longue histoire, à se répéter sans cesse. A Athènes, au contraire, grands hommes, hauts faits et chefs-d’œuvre, tous infiniment variés dans leur beauté artistique ou morale, naissaient incessamment de l’ardeur que les citoyens mettaient à se faire connaître, du besoin qu’ils eurent de vivre et de créer par eux-mêmes. L’orgueil de la personne et le souci de la gloire demeurent, jusqu’à ce que l’humanité acquière une vertu plus haute, les principaux motifs de progrès qui soient déposés en nous.

Si, parmi toutes les facultés et les institutions des Gaulois, on se demande ce qui est vraiment original, on ne trouvera rien d’autre que celte aptitude au progrès, ce tempérament intellectuel[106], cette force de la personnalité. Ce qui nous a frappés le plus chez les druides, c’est qu’ils instruisaient la jeunesse ; chez les nobles, c’est qu’ils étaient protecteurs de poètes et chantres eux-mêmes ; dans la société, c’est que la valeur propre de chaque homme s’y épanouissait en dépit des familles et des cités. Le reste, à doses plus ou moins fortes, se rencontre dans toutes les populations antiques de l’Europe, pour ne parler que d’elles : les organes de la vie gauloise, ses tribus, ses cités et ses clientèles, ses dieux et ses rites, ses habitudes et ses facultés mêmes, on les constatera chez tous les congénères de ces hommes à un moment déterminé de leur histoire. La Rome des Tarquins, la Germanie d’Arminius, la Grèce homérique, n’ont pas été fort différentes de la Gaule de Bituit.

Mais parmi ces peuples, c’est le peuple grec dont les Gaulois diffèrent le moins : — la langue et les noms propres de la Gaule, ses bardes et ses prophètes, Teutatès, réplique barbare d’Hermès, ce noble Celte qui, comme Achille, mêle les chants à la guerre, ces poèmes didactiques qui font songer aux théogonies de l’Hellade primitive, le culte des vers et des belles phrases, la passion de la gloire, l’aptitude à la vie industrielle, et jusqu’à leur bavardage intempérant : — tout cela nous révèle de secrètes affinités entre ces hommes et ceux dont l’Iliade nous a laissé le portrait[107]. Ceux-ci semblent des frères élevés plus vite, instruits plus rapidement, dont l’imagination a été éclaircie, l’esprit éveillé par les cieux et les mers limpides, les races actives et mobiles des rivages égéens ; les Gaulois, au contraire, des frères attardés, oubliés par leurs aînés dans une nature brumeuse, abandonnés au voisinage continu des marécages et au contact de populations engourdies.

 

IX. — PART DES DIVERSES INFLUENCES.

Diverses influences ont contribué à former ce caractère et ces institutions : et nous avons essayé de les reconnaître à l’occasion.

On a vu ce que la Gaule doit aux circonstances extérieures, j’entends par là les évènements des frontières et les relations avec l’étranger. Les civilisés du Midi, les Étrusques et surtout les Grecs, ont apporté de nouvelles cultures, des modèles industriels, des figures d’art, des alphabets, l’usage et la forme des monnaies, peut-être aussi une certaine manière d’envisager et d’honorer les dieux. Les Barbares du Nord, d’ailleurs leurs consanguins, ont, par leurs relations ou par leurs migrations, maintenu chez les peuples des vallées septentrionales un tempérament plus farouche, des habitudes plus sauvages, une fidélité plus grande aux anciennes pratiques.

Les Gaulois doivent beaucoup au pays même qu’ils habitaient. Par sa fécondité, il leur rendait agréable le travail de la terre ; la variété de ses productions a dirigé en des sens divers leurs aptitudes industrielles ; l’harmonie de sa structure, l’ingénieuse disposition de ses routes et de ses carrefours naturels, ont rapproché les hommes et les peuples, permis l’échange des produits et des pensées, multiplié les foires et les villes, transformé ces bandes de guerriers en tribus sociables et solidaires.

Il est plus difficile de distinguer l’apport respectif de chacun des deux groupes d’hommes, ligures et conquérants, qui, depuis le sixième siècle, se sont réunis sous le nom de Celtes, Belges et Gaulois. Peut-être la foule des indigènes a-t-elle fourni à la nation gauloise ses éléments stables et laborieux ; peut-être l’aristocratie des conquérants lui a-t-elle valu son esprit d’aventure, son besoin d’agir et de connaître, sa fougueuse bonté, ses aptitudes littéraires, la forte personnalité de ses chefs, ses qualités brillantes, en un mot son originalité même. Car le plus souvent, dans les nations issues d’une conquête, c’est le groupe des vainqueurs qui fixe pour quelques siècles la tournure de l’esprit, qui impose les attitudes morales, qui donne à la vie collective son impulsion propre : les Romains façonneront presque à leur guise l’esprit des Gaulois ; que les Barbares arrivent, le désordre ou l’apathie ruineront les intelligences[108]. On peut donc rapporter aux envahisseurs celtes le mérite des changements subis par le sol et les hommes de la Gaule dans le demi-millénaire qui a précédé l’arrivée de César. Cette masse obscure et routinière qui peuplait le pays, ils lui ont donné une vie intense et débordante ; ils ont fait d’elle une nation qui agit et qui pense.

 

 

 



[1] Michelet, l. I, ch. 1, plein de traits forts justes. — Sur la question anthropologique, Hamy, Les premiers Gaulois, L'Anthropologie, 1906 et 1907.

[2] Εύμήκεις, Diodore, V, 28, 1 (tous les Gaulois) ; cf. 32, 2 ; Strabon, IV, 4, 3 ; Ammien, XV, 12, 1. De même César II, 30, 4 (à propos des Aduatiques, qui étaient d'origine transrhénane, mais disant cela de plerumque omnibus Gallis).

[3] Diodore, V, 28, 1 ; Ammien, XV, 12, 1 ; Galien, De sanitate tuenda, I, 5, Kühn, VI, p. 21 ; id., De temperamentis, II, 6, Kühn, I, p. 627. Diodore (V, 32, 2) insiste sur la blancheur des enfants, qui s'atténue avec l'âge. Ammien, XV, 12, 1. La tendance des Gaulois à engraisser est notée chez Éphore (Strabon, IV, 4, 6 : mais on peut aussi penser qu'il s'agit ici des Ibères et non des Celtes, cf. Nicolas de Damas, fr. 102, 2) et Galien (De Simpl. medic. temperamentis, II, 20, Kühn, XI, p. 513). On leur attribuait de supporter mal les lavements actifs ou âcres, lesquels, disait-on, ne convenaient ni aux femmes, ni aux gens faibles, ni aux eunuques (Oribase, VIII, 24, Daremberg, II, p. 213).

[4] Ξανθοί, Diodore ; rutili, Ammien, qui paraît bien avoir sous les yeux la même source que Diodore, Flavus Carnutus, Tibulle, I, 7, 11. Fulvus et flavus reviendront chez Claudien, sans doute comme réminiscence du type consacré ; De cons. Stit., II, 240 ; In Ruf., II, 110.

[5] Liminum torvitate terribiles, Ammien ; τήν πρόσοψιν καταπληκτικοί, Diodore, V, 31, 1.

[6] Diodore, V, 28, 1.

[7] Sapo... rutilandis capillis, Pline, XXVIII, 191.

[8] Strabon, VII, 1, 2 ; Manilius, Astronomiques, IV, 713-4.

[9] Il est à remarquer que Galien ne cite pas les Gaulois, mais cite les Germains parmi les nations rouges, πυρραί (De temperamentis, II, 5, Kühn, I, p. 618), et que Caligula fut obligé de teindre les cheveux des Gaulois qu’il voulut faire passer pour des Germains (rutilare comam, Suétone, Caïus, 47).

[10] De Bello Africano, 40, 5 et 6.

[11] Florus, I, 45, 21 ; Dion Cassius, XL, 41, 1.

[12] Cavarillus, César, VII, 67, 7 ; Cavarinus, V, 54, 2 ; Holder, I, c. 872-5.

[13] César dit d’ailleurs plerumque, et Ammien, pœne omnes (XV, 12, 1).

[14] C’est ce qu’indique la fable imaginée par les Grecs sur l’origine des Galates (Belges) : ils seraient nés de Galatès, fils d’Hercule et d’une Celte (Diodore, V, 24, 1) ; Properce, V, 10, 40.

[15] Strabon, VII, 1, 2.

[16] César, VII, 48, 50 et 51 ; VII, 81, 84 et 86 ; II, 22-27 ; VIII, 10-19 ; VI, 43 ; VIII, 24 ; VIII, 48.

[17] Surtout, sans doute, parce que l’état de guerre était plus fréquent chez eux ; César, I, 1, 3 ; II, 4, 2 et 3 ; Strabon, IV, 4, 2 et 3 ; Diodore, V, 24, 3 (Galatès, éponyme des Galates ou des Belges).

[18] Hirtius, VIII, 40-43.

[19] Cf. César, VII, 73, 1 ; etc.

[20] C’est ce que Vercingétorix a pu faire d’eux ; cf. VII, 20, 5 à VII, 30, 4.

[21] Ammien (XV, 12, 3) décrira le soldat gaulois en termes qui pourraient convenir au légionnaire de César : Gelu duratis artubus et labore adsiduo multa contempturus et formidanda.

[22] Tersi pari diligentia cuncti et mundi, Ammien, IV, 12, 2 (mélange de sources très anciennes et de détails pris de visu).

[23] Diodore, V, 28, 2 ; Strabon, IV, 4, 3. Cette coiffure me paraît se retrouver dans quelques figures de monstres des monnaies, Cab. des Méd., 6720, 6953.

[24] Diodore, V, 28, 3. Crixus le Cisalpin porte la barbe, Silius, IV, 249. Barbiche de la tête des monnaies Andecom., Cab. des Méd., 6342. Moustaches relevées en croc, id., 5993-5. Mais, à part de très rares exceptions, on ne peut faire état des monnaies, où les têtes ne sont presque jamais des portraits. Je crois cependant qu’on peut tenir compte des barbes des Nautes parisiens (Rev. des Ét. anc., 1907, pl. 13), qui doivent être en costume traditionnel.

[25] En temps de deuil, au moins chez les femmes, on laissait les cheveux épars (César, VII, 48, 3).

[26] Diodore, V, 30. 1 ; Strabon, IV, 5, 5 ; Appien, Celtica, 12 ; Properce, V, 10, 40-43 ; cf. Silius, IV, 154-6.

[27] Quiddam simile nivibus, Florus, 1, 20 (II, 4), 2.

[28] Énéide, VIII, 659-661 ; cf. de même Silius, IV, 154-6.

[29] Diodore, V, 28, 3.

[30] Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152 : sauf έάν ή τι δυσαπόσπαστον, auquel cas ils se servent d’un couteau de ceinture.

[31] Ammien, XV, 12, 4 (avec renvoi à Cicéron, Pro Fonteio).

[32] Cicéron apud Ammien, ibidem ; Diodore, V, 21, 3.

[33] Ού πλεΐον κυάθου (Posidonius, qui semble parler de bière à ce propos) 0 litre 0456. Diodore (V, 26, 3) paraît dire le contraire.

[34] Posidonius ap. Athénée, IV, 36, p. 152, c, d.

[35] Ad vini similitudinem mulliplices potus, Ammien, XV, 12, 4.

[36] Ammien, XV, 12, 4 : doit être en grande partie emprunté à une source ancienne ; cf. en effet : Athénée, IV, 36 (Posidonius) ; Diodore, V, 26, 3 ; Pline, XIV, 149. Sur l’ivresse celtique par le vin, cf. encore Arrien, Entretiens d’Épictète, II, 20, 17.

[37] Diodore, V, 29, 3.

[38] Id., V, 28, 5 ; Athénée, IV, 40 (Posidonius).

[39] Id., V, 28, 5 ; Athénée, l. c.

[40] Soumission rapide des Volques et Cavares aux Romains au temps de Bituit : des Éduens et Arvernes, des Rèmes et Suessions, César, VII, 80 ; 11, 3 et 12.

[41] Cicéron, Pro Fonteio, 12, 26 ; De provinciis cons., 13, 32.

[42] César, VII, 77, 2 ; 83, 8-9 ; 89.

[43] III, 7-18 ; VII, 57-62 ; II, 18-28 ; VIII, 8-23 ; V, 28-52 ; VI, 30-31, 43 ; VIII, 24 ; III, 28-29 ; IV, 37-38 ; VI, 5-8 ; VI, 7-8 ; VIII, 45.

[44] Cf. note précédente.

[45] VII, 82, 7.

[46] II, 28, 1 et 2.

[47] Strabon, IV, 4, 3.

[48] Tite-Live, XXI, 28, 1 ; Polybe, III, 43, 8 ; Diodore, V, 29, 2-3 ; César, VII, 21, 1 ; 81, 2.

[49] Ammien Marcellin, XV, 12, 2.

[50] Ammien, XV, 12, 1 ; Strabon, IV, 4, 6.

[51] Diodore, V, 28, 5 ; Athénée (Posidonius), IV, 40.

[52] Athénée (Posidonius), IV, 40 ; Diodore, V, 28, 5 ; Strabon, IV, 4, 2.

[53] Strabon, IV, 4, 2 ; Athénée, IV, 40 ; Arrien, Entretiens d’Épictète, II, 20, 17.

[54] Id., IV, 4, 5.

[55] César, VII, 20, surtout 12 ; 29, surtout 6.

[56] Nullum sibi ad cognoscendum spatium relinquunt, César, VII, 42, 1.

[57] César, III, 8, 3 ; III, 10, 3 ; IV, 5, 3 ; VI, 20, 2 ; VII, 20, 1 ; VII, 42, 2 ; Strabon, IV, 4, 2.

[58] III, 17, 3.

[59] VI, 20, 2.

[60] César, II, 1, 3 ; 111, 8, 3 ; Strabon, IV, 4, 2 (qui a très bien vu cela).

[61] César, III, 8, 3 ; III, 10, 3 ; IV, 5, 3 ; VI, 20, 2 ; VII, 20, 1 ; VII, 42, 2 ; Strabon, IV, 4, 2.

[62] César, III, 17, 3 ; V, 54, 2 ; VII, 20, 1.

[63] VII, 14 et 18 ; VII, 20, 5 ; VII, 84, 2 ; cf. 88-87.

[64] César, VII, 81-82.

[65] Voyez surtout VIII, 21, 4, et VI, 43, 6 ; VIII, 31, 5 ; VIII, 38, 4 ; VIII, 21, 2 ; VIII, 44, 2 et 3.

[66] César, VII, 14 ; 20 ; 29 et 30 ; 36, 3-4 ; 64, 2-3.

[67] Strabon, IV, 4, 2.

[68] Strabon, IV, 4, 5.

[69] César, VII, 78, 3.

[70] Strabon, IV, 4, 5.

[71] César, I, 13, 3-7 ; 14, 7.

[72] Cf. César, I, 31, 14-18.

[73] Diodore, V, 29, 3 ; 31, 1.

[74] César, VII, 29, 6 ; 30, 1.

[75] Id., VII, 75, 5.

[76] Id., VII, 30, 3, cf. 29, 6 ; 21, 1, cf. 20, 12.

[77] Strabon, IV, 4, 2.

[78] César, VII, 20 et 21.

[79] Incertis rumoribus serviant, César, IV, 5, 3 ; VI, 20, 2 ; Strabon, IV, 4, 2.

[80] Tout cela, bien vu par Strabon (IV, 4, 2).

[81] César, VII, 14 ; cf. 15, 1 ; 20, cf. 21, 1.

[82] Tacite, Histoires, IV, 69.

[83] Strabon, IV, 4, 2 ; 1, 5.

[84] Strabon, IV, 4, 2.

[85] Lisez Strabon, IV, 4, 2.

[86] Strabon, IV, 4, 2.

[87] Strabon, IV, 4, 2.

[88] Ce qui précède, d'après Strabon, IV, 4, 2.

[89] César, VI, 24, 3.

[90] Diodore, V, 28, 3 ; César, IV, 5, 2 ; Parthénius de Nicée, 8, Erippe, qui est un conte à l'éloge de l'hospitalité celtique. Il serait fort possible que la tradition de Brennus, venant venger sur Rome le droit des gens (Tite-Live, V, 36, 8 ; etc.), eût été arrangée par les Celtes pour mettre leur passé en harmonie avec leurs aspirations contemporaines.

[91] César, VI, 20 ; VII, 4, 9-10 ; 42, 2 ; 43 ; 63, 9 ; VIII, 44, 3.

[92] Littré, au mot Gaulois. C’est avec cette acception que Victor Hugo écrivait en 1831, dans Notre-Dame de Paris, l. I, ch. 1 : Qu’a fait le temps, qu’ont fait les hommes de ces merveilles [du Palais de Justice] ? Que nous a-t-on donné pour tout cela, pour toute cette histoire gauloise, pour tout cet art gothique ?

[93] Peut-être seulement depuis Paul de Kock (mort en 1871).

[94] Justin, XXIV, 6, 4-5 ; Diodore, XXII, 8, 4.

[95] L’expression est de Michelet, l. I, ch. 1, au début.

[96] Tite-Live, XXI, 20, 3.

[97] César, IV, 5, 2 ; Diodore, V, 28, 5 ; V, 29, 5 ; Parthénius de Nicée, 8.

[98] Cela a été bien vu par Boissier, La Fin du Paganisme, II, p. 82 et suiv.

[99] A moins que l’expression de Strabon (IV, 4, 2), αύθέκαστον, ne soit une allusion à cet individualisme.

[100] Fustel de Coulanges, La Cité antique, l. II, ch. 10, § 1 ; l. III, ch. 18.

[101] César, I, 17, 1.

[102] Athénée, VI, 49 ; Appien, Celtica, 12.

[103] Cf. Strabon, IV, 4, 2.

[104] Cela est bien visible chez César (sauf pour les Helvètes et les Nerviens), et cela explique son acharnement contre les chefs, contre Ambiorix (VIII, 25, 1), Correus (VIII, 19, 8), Comm (VIII, 48, 9), Vercingétorix (VII, 89, 2), Gutuatr (VIII, 38, 5), et qu’il ne considère la guerre finie que par la prise du chef : ces guerres sont bien les guerres d’un homme, auctor belli (VII, 89, 2 ; VIII, 21, 4).

[105] Posteris prodi pulcherrimum, César, VII, 77, 13.

[106] Strabon semble le dire (IV, 4, 2). De même, Diodore, V, 31, 1.

[107] Comparaison déjà souvent faite : Pelloutier, éd. de 1741, II, p. 226 ; d’Arbois de Jubainville, La Civilisation des Celtes et celle de l’époque homérique, 1899 (Cours de litt. celt., VI) ; etc.

[108] En face de ce portrait des Gaulois, tel qu’il nous semble résulter des textes et des monuments, qu’on place celui qu’en ont tracé certains écrivains modernes, tout préoccupés de dater la civilisation occidentale de la conquête romaine, par exemple : Schayes, I, p. 45 : Les Celtes... étaient une nation privée de toute culture intellectuelle, et plongée dans une profonde barbarie, possédant tous les vices, tous les défauts de l’homme brut et inculte, et le peu de vertus dont l’homme est susceptible dans l’état de nature ; Moreau de Jonnès, Statistique des peuples de l’Antiquité, II, p. 634 : Hordes de sauvages. Le portrait tracé par Mommsen, liv. V, ch. 7, est beaucoup plus juste, et renferme bien des traits exacts sur la civilisation gauloise.