HISTOIRE DE LA GAULE

TOME II. — LA GAULE INDÉPENDANTE.

CHAPITRE VII. — ROUTES ET VILLES[1].

 

 

I. — IMPORTANCE DES QUESTIONS ÉCONOMIQUES DANS LA VIE GAULOISE.

A chaque instant, en essayant de reconstituer le monde gaulois, nous devons prendre garde de n’exagérer aucun caractère, de n’attribuer à aucune des formes de la vie humaine une prépondérance absolue. Ces peuples étaient tellement pleins de contrastes, qu’après avoir noté une de leurs tendances, nous remarquons aussitôt une tendance opposée. A voir leur amour pour la guerre, la sainteté de leurs combats, ces têtes coupées qui troublaient le pacifique Posidonius[2], on croit n’avoir affaire qu’à des hommes de bruit et de sang. Mais bientôt on se rappelle que leurs plus grands dieux nationaux préféraient les métiers de la paix à l’œuvre des batailles, les assemblées de marchands dans les foires aux levées de citoyens en armes[3] ; et on se demande alors si l’état de lutte était assez continu pour empêcher les Gaulois de trafiquer, et si vraiment les temps de trêves n’étaient pas assez longs pour que de fructueuses relations s’établissent entre les peuples.

Des causes qui produisent ces rapports pacifiques, la principale est la grande route : elle invite, elle force les nations à se connaître et à s’entendre. Par le fait même que la Gaule jouissait d’un ingénieux réseau de larges et longues voies naturelles, appels de curiosités et de concordes, tous ses peuples avaient des raisons et des occasions constantes de se rapprocher. Dans un édifice aussi harmonieux, aux compartiments si intelligemment ouverts les uns sur les autres, un revêche isolement lie pouvait être de longue durée[4]. La peuplade qui possédait le cours moyen d’un fleuve, comme les Sénons celui de l’Yonne et de la Seine, avait intérêt à maintenir la paix en aval et en amont afin d’écouler ses marchandises, et pour que le fleuve ne fût pas un chemin à la marche inutile : et les Sénons s’allièrent avec les Parisiens du bas pays et avec les Éduens des hautes terres[5]. Les rivages de l’Armorique et de la Normandie forment une même route maritime, longue et sinueuse, qui se continue sans lacune, d’île en île et de port à port, depuis les sables de la Vendée jusqu’aux falaises du pays de Caux : et le long de cette route se sont confédérées toutes les cités qui en étaient riveraines[6]. Fleuves, rivages et grands chemins, après avoir déterminé les tribus à se grouper en peuplades, enchaînèrent les peuplades à de communes destinées.

Il était impossible qu’elles ne comprissent pas l’avantage matériel qu’apportaient de bonnes relations internationales. Ces puissances foncières et pécuniaires qu’étaient les familles de nobles, risquaient de se voir fort compromises en cas de lutte malheureuse. Une aristocratie à moitié fondée sur la fortune ne demeure pas éternellement belliqueuse. La jouissance de ses richesses faisait contrepoids aux leçons de bravoure militaire que lui inculquaient ses maîtres. Il est visible, au temps des guerres de César, que les plus grosses aventures n’ont pas été voulues par les nobles, et qu’ils ont préféré aux incertitudes des combats la tranquille exploitation de leurs biens : la cause de l’indépendance recrutera ses premières armées dans la plèbe des meurt-de-faim et des endettés, qui n’ont rien à perdre dans une crise publique[7].

La cité elle-même possède des institutions fiscales qui ne peuvent se développer que dans la paix et par des accords avec ses voisinages. Si elle établissait des droits sur sa rivière ou sur son rivage, c’est qu’elle entendait en tirer des revenus et ne pas écarter des bords les marchands de l’étranger : ce ne fut point pour fermer la Saône à tous que les Éduens ont voulu garder les deux rives et leurs droits de passage[8]. Parmi les luttes à mains armées, quelques-unes, et peut-être plus que nous ne croyons, ont eu précisément pour cause la possession des péages et des bords d’un fleuve[9], c’est-à-dire les profits d’une route de grande communication : mais il fallait que, la lutte terminée, la circulation sur cette route redevint nombreuse et assurée.

Les questions économiques avaient donc une sérieuse importance dans la vie des hommes et des cités de la Gaule, importance qui n’était d’ailleurs ni plus grande ni moindre que chez les autres Etats de l’Europe de ce temps. La guerre n’y fut pas seulement un plaisir de noble ou un devoir d’amour-propre. Elle se fit souvent en vue d’accroître les moyens de s’enrichir en temps de paix.

 

II. — CIRCULATION SUR LES ROUTES FLUVIALES ET MARITIMES.

La navigation sur les voies fluviales était fort développée ; et elle commençait et s’activait aux mêmes points que de nos jours[10]. On a déjà vu le rôle de la batellerie durant les campagnes d’Hannibal et de César. Le hasard des textes nous fait connaître deux points du réseau de la Gaule où les barques étaient groupées en flottilles nombreuses : les abords de Paris depuis Meaux et Melun[11], le bas Rhône depuis le passage de Tarascon[12] ; et ce sont aujourd’hui deux régions d’intense cabotage. L’importance des péages de la Saône laisse également deviner que cette rivière était utilisée pour un trafic incessant[13].

Ce qui, dans ce va-et-vient sur les fleuves, représentait en quelque façon le long cours, c’étaient les navires expédiés de Marseille ou de l’île de Bretagne. A l’extrême sud de la Gaule, une colonie de Grecs entreprenants ; à l’extrême nord, les gîtes inépuisables d’un métal précieux ; entre les deux, de longues routes faciles tracées par des fleuves et des seuils de portage : ces trois faits expliquent et résument la marche et la nature du grand commerce intérieur.

De toutes ces routes de vallée, les plus populaires, je crois, étaient celles du Rhône et de la Loire, qui se rejoignent, par-dessus les Cévennes, au col du Pal ou à la montagne de Tarare[14] à l’entrée ou à la sortie des passages difficiles, veillaient et commandaient les deux peuples les plus puissants, les plus riches et les plus hospitaliers de la Gaule, les Arvernes à la descente du col du Pal, les Éduens à celle de Tarare. — On fréquentait moins, sans doute, la voie de l’Aude et de la Garonne par le col de Naurouze[15]. — Celle de la Saône et de la Seine, par les seuils de la Bourgogne et du plateau de Langres, passait pour plus longue que les deux autres[16].

La vie maritime n’était pas moins active. Sur la Méditerranée, les vaisseaux grecs ne disparaissaient, aux abords de Monaco, que pour faire place aux barques ligures, plus petites mais plus remuantes. De Marseille à Arles et à Tarascon, navires grecs ou indigènes allaient et venaient sans cesse[17]. Le port ibérique de Port-Vendres, héritier de l’antique Pyréné, était ouvert à la navigation au temps d’Hannibal, et les Romains en profitèrent[18]. Il fallait à peine plus de deux jours[19] pour s’y rendre de Marseille, en doublant le mont boisé de Cette et l’îlot de Brescou, sentinelle avancée du cap d’Agde la Marseillaise[20].

Entre la Gaule et la Bretagne, le commerce de l’étain déterminait des relations continues, des services à peu prés réguliers. Des ports se développaient aux points d’embarquement : le principal, au second siècle, était Corbilo (Nantes), au débouché de ce chemin de la Loire[21] dont nous venons de rappeler l’importance ; un autre se formait déjà à Boulogne, sur la partie la plus’ étroite de la mer qui séparait les deux pays, à quelques heures seulement de la rive opposée : c’était là que s’embarquaient les voyageurs arrivés par la route du Rhin[22]. Nulle part, du reste, la route n’était très longue : deux jours d’Ouessant à l’Irlande[23], un seul d’Ouessant à la Cornouailles, moins d’une journée de la Seine à l’île de Wight, un des centres des affaires d’étain[24]. Belges, Armoricains et Bretons échangeaient sans cesse leurs produits, leurs idées, leurs hôtes et leurs tribus mêmes[25]. Comm l’Atrébate, contemporain de César, avait dans l’île une très grande influence[26] ; les Suessions imposèrent à la Bretagne un de leurs rois[27] ; les druides lui envoyaient leurs disciples[28] ; et en revanche, elle fournit des secours aux peuples d’en face, menacés par César, et elle demandait aux Gaulois les denrées et les produits qui lui manquaient[29]. L’importance du’ trafic entre les deux rives fut une des causes de la prospérité des Vénètes, les vrais maîtres de la Manche et des mers armoricaines.

 

III. — ROUTES DE TERRE[30].

Le commerce de Carthage et de Marseille, les expéditions d’Hannibal et d’Hasdrubal, nous ont déjà fait connaître les principales routes de terre et de mer, celles qui franchissaient les cols du Centre cévenol pour continuer les lignes fluviales, et celles qui gravissaient les cols des Alpes et des Pyrénées pour prolonger vers les régions du dehors les voies naturelles de la Gaule. On a vu à ce propos que les indigènes et les étrangers connaissaient dès lors les avantages et les inconvénients propres à chacune de ces routes, les difficultés de certaines montées, les longueurs de certains portages : ils avaient calculé le nombre des étapes ou la durée des jours de voyage ; des comparaisons s’étaient faites entre les vitesses commerciales des différents chemins’. Il était su, par exemple, que pour arriver de Marseille aux côtes cantabriques, la route de terre, par Port-Vendres et le pied des Pyrénées, gagnait quelques journées sur la circumnavigation par le détroit de Gibraltar[31]. Malgré leur préférence pour les voies fluviales et maritimes, les hommes de ce temps n’hésitaient pas à y renoncer en vue d’un plus grand profit ou d’une diminution des risques. Les dangers des courants du Rhône le leur faisaient abandonner à Pont-Saint-Esprit pour y commencer la marche vers la Loire, et ils n’ignoraient pas cependant que la montée par ce point était plus longue que par la montagne de Tarare, simple écran entre les deux fleuves.

Cela prouve qu’on pouvait aller vite sur ces routes de terre, et qu’on désirait, parfois, y aller fort vite. Les campagnes de César (58-51) nous montreront que les grandes villes de la Gaule étaient réunies par des chemins directs, courant sans interruption à travers les frontières des cités. Parts et Sens, Orléans et Bourges, Gergovie, Nevers et Bibracte, tous les oppida du Centre étaient en communication rapide et constante les uns avec les autres[32]. César nous raconte que, lorsque les Carnutes prirent les armes à Orléans, l’évènement, annoncé et transmis de proche en proche par des cris d’hommes, fut connu à Gergovie[33] douze à quatorze heures après : il y avait entre les deux points environ 160 milles, soixante lieues ; pour que des messages vocaux aient pu circuler si vite, près de 20 kilomètres à l’heure, il fallait que des crieurs eussent été disposés le long d’une route connue, tracée, mesurée[34] et presque rectiligne[35]. Les marches des légionnaires, promptes et décidées, l’absence d’incertitude touchant les routes qu’ils ont à prendre, ne s’expliqueraient pas si celles-ci n’avaient été suffisamment larges et nettoyées, et d’un sol résistant. L’armée romaine fit, entre Reims et Soissons, le long de l’Aisne, 45 kilomètres en un jour[36] : cela eût été impossible si les hommes n’avaient eu devant eux et sous leurs pieds que des sentiers ruraux, encombrés d’herbes et défoncés par les ornières. César ne mit que quatre à cinq jours, avec ses troupes, pour se rendre de Moulins au pied de Gergovie, par le chemin qui suivait la base des Puys[37] ; en vingt-quatre heures, un peu plus tard, lui et ses soldats parcoururent deux fois neuf lieues, aller et retour, sur l’autre route de la Limagne, celle qui longeait les coteaux du bord de l’Allier[38]. A peine si de nos jours les Romains eussent pu mieux faire, sur ces belles chaussées de l’Auvergne, droites et planes, superbes de largeur et de solidité, sans cesse chargées et surveillées par les plus habiles connaisseurs de routes qui existent dans le monde entier. — Ces chaussées, d’ailleurs, ont succédé aux chemins des Celtes, à peu près à la même place. Car presque partout, les Gaulois ont reconnu et marqué les directions naturelles qui s’imposèrent aux voies nationales de tous les temps.

Les principaux ennemis des grandes routes et des voyages rapides, ce sont les rivières et les marécages[39]. La Gaule avait, sur la plupart des points, su les combattre et les dompter. Ce n’était plus, à cet égard, un pays neuf, mais un pays dans lequel on avait déjà beaucoup travaillé. Des ponts avaient été bâtis à tous les croisements importants de chemins et de fleuves, même par-dessus des rivières d’une largeur et d’un débit considérables ; et ces ponts, en bois et sur pilotis[40], furent toujours assez larges pour laisser passer des armées et des foules. Paris et Melun, dans leurs îles, communiquaient ainsi avec les deux rives de la Seine[41] ; Orléans avait son pont, qui le joignait aux terres basses de la rive gauche[42] : ce dernier, si on fait attention aux marécages et aux bas-fonds de cette rive, devait être d’une longueur considérable[43]. Plus en aval encore, un autre avait été jeté sur la Loire à Saumur (?), et c’était un travail grandiose, vu la largeur du fleuve sur ce point[44]. En amont, un troisième existait à Nevers[45]. Une traversée rapide du fleuve était donc assurée aux lieux où il coupait les trois plus grandes routes de la Celtique, celle du Maine à Poitiers et à la Charente, celle de Paris à Bourges et à l’Auvergne, celle de la Bourgogne au Berry : pendant tout le Moyen Age, le passage de la Loire se fera toujours aux mêmes endroits, qu’empruntent aujourd’hui encore les trois voies ferrées essentielles du réseau central. Sur l’Allier se trouvait le pont de Moulins[46], construit malgré les caprices de la rivière, qui n’est nulle part plus fantasque qu’à cet endroit, le désespoir des bâtisseurs de ponts des temps modernes[47]. On parlait, à l’époque de César, du pont du Rhône à Genève[48] : même au sud du confluent lyonnais, à Viviers ou plutôt à Pont-Saint-Esprit[49], les Gaulois avaient osé subjuguer les gouffres du monstre impétueux[50]. Nous ne savons rien de ceux qui pouvaient exister sur la Garonne. Amiens, autrement dit Samarobrive, devait son nom et son existence à un pont (briva) sur la Somme (Samara)[51].

Là où les ponts manquaient, on utilisait les gués pour les moindres rivières[52], les bacs ou les barques pour les larges eaux[53]. Quelques points de passage étaient célèbres, et d’ailleurs bien choisis. Le gué de la Vienne à Limoges[54] était exactement à mi-chemin et sur les lignes directes de Bourges à Bordeaux et d’Orléans à Toulouse. On trouvait à Tarascon et Beaucaire, en temps ordinaire, toutes les embarcations nécessaires pour franchir le Rhône, à l’endroit où débouchait la grande route du Pertus au mont Genèvre[55]. Les trafiquants grecs connaissaient bien le passage de la Durance à Cavaillon[56], sur la route directe de Marseille à Pont-Saint-Esprit.

C’est de Pont-Saint-Esprit, je crois, que partait également la voie de terre la plus fréquentée du Centre, par l’Ardèche, le col du Pal et le pays des Arvernes. Et, voyant l’extraordinaire rectitude de la ligne suivie par les marchands, — Marseille, Cavaillon, Pont-Saint-Esprit[57], le Pal, et ensuite les voies de l’Allier ou de la Loire, — je suis étonné de la précision avec laquelle cette ligne a été déterminée, du peu de souci qu’y provoquaient les traversées des fleuves et des montagnes, de la concurrence qu’elle faisait à la voie maritime et fluviale : et cela prouve de nouveau que ces hommes, Grecs et Gaulois, avaient au plus haut point la pratique et le soin de leurs routes, sachant réduire au minimum les pertes de temps et les lenteurs .des transbordements.

Ces routes de terre étaient donc devenues, autant et peut-être plus que les voies fluviales, les organes des rapports internationaux. Elles avaient, au même titre que les villes, leurs fonctions permanentes, leurs édifices propres, leur existence religieuse. Aux points où elles arrivaient d’un territoire dans un autre, des bornes ou autres signes visibles marquaient la frontière, des autels ou des marchés s’étaient installés[58], places de rencontre des hommes des deux cités voisines. D’autres lieux sacrés bordaient ces routes ; elles croisaient des champs de foire, rendez-vous de leurs voyageurs ; elles passaient sous les portes de bourgs fortifiés, bâtis pour surveiller ou protéger le chemin[59]. Elles surexcitaient sur leurs bords toutes les formes de la vie sociale.

 

IV. — VOYAGES, VOYAGEURS ET MARCHANDS.

De ces grandes routes, par malheur, nous ne connaissons, si je peux dire, que l’extérieur : leur vie, c’est-à-dire la manière dont se faisaient les voyages, les transports et les trafics, nous échappe à peu près complètement.

J’ai déjà dit qu’on savait aller très vite. On peut présumer que la vitesse commerciale y variait entre 40 et 70 kilomètres par journée entière. De Port-Vendres aux ports du fond du golfe de Gascogne, on comptait sept jours de marche[60] pour 500 kilomètres au moins, soit 70 par vingt-quatre heures. Le transport par terre de l’étain, depuis les bords de la Manche jusqu’à l’embouchure du Rhône, nécessitait environ trente jours[61] : il faut compter entre Boulogne et la ville grecque 1000 à 1100 kilomètres ; cela faisait huit à neuf lieues seulement par jour ; mais les traversées des grands fleuves ou les passages des montagnes entraînaient bien des lenteurs et des précautions nombreuses. De toutes manières, c’étaient de jolies vitesses, et qui supposent un assez bon service de relais et de gîtes d’étapes. — La rapidité était beaucoup plus grande sur mer. Les vaisseaux grecs calculaient leur course à raison de vingt-quatre heures pour 1000 stades (de 157 à 185 kilomètres) : les navires indigènes, si bons marcheurs qu’ils fussent, ne devaient pas atteindre à ce chiffre.

Comme moyens de transport, il paraît certain que l’on ignorait en Gaule le portage à dos d’hommes, cette grande misère des peuples à demi barbares. On se servait peut-être de mulets ou de bêtes de somme dans les pays de montagnes, mais partout, en tout cas, de ces chariots indigènes[62] dont il est si souvent question dans le récit des migrations et des campagnes gauloises : car les Gaulois, même à la guerre, se faisaient suivre de leurs véhicules[63]. C’étaient des charrettes assez semblables à celles de nos jours : un train de deux ou quatre roues, un plancher compact et assez peu élevé, et, dans l’ensemble, un fardier très solide, pouvant recevoir, pour peu qu’elles fussent bien disposées et bien attachées, des charges lourdes et nombreuses[64]. A côté de ces véhicules de résistance, les Gaulois avaient ceux de vitesse, destinés aux seuls voyageurs : tels que ces chars à bancs, redæ, sur lesquels les compagnons d’Ambiorix purent échapper à la poursuite des Romains[65] Car ils étaient experts en carrosserie plus que tout autre peuple de l’Europe, puisque les Romains leur emprunteront les principaux termes du métier. Avec leurs convois de charrettes et leurs passages rapides de voitures, les routes de la Gaule, costumes à part, ne devaient pas présenter un spectacle très différent de celui qu’elles offraient il y a trois quarts de siècle.

L’aspect des voies fluviales n’était pas moins varié, et plus original encore qu’au temps des coches d’eau : on voyait des barques grandes et petites, plus ou moins légères[66], de gros bateaux massifs destinés aux messageries[67] ; mais on y voyait aussi des pirogues taillées dans un seul tronc d’arbre[68], des radeaux[69], et même des outres gonflées dont on s’aidait pour les traversées à la nage[70]. Le fleuve conservait, plus que la route, les choses du vieux temps.

Sur les unes et les autres la circulation était certainement très intense. Le mouvement plaisait aux Gaulois : ces hommes qui ont erré par toute l’Europe devaient aimer, chez eux, à courir les grandes routes[71]. Si peu que nous sachions de la vie des seigneurs celtes ou belges, tels que les Éduens Diviciac ou Dumnorix, Orgétorix l’Helvète, Comm l’Atrébate, nous sommes surpris de voir l’étendue de leurs relations dans le monde gaulois[72]. Il y avait beau temps que les hommes de notre pays ne limitaient plus leur horizon aux frontières de la tribu. Tous ces chefs se préoccupaient sans cesse de ce qui se passait dans des cités différentes des leurs[73]. Ils avaient des intérêts et des attaches fort loin du territoire de leur nation[74] : ce qui suppose des va-et-vient continus sur les grandes routes. Que d’hommes, de bêtes et de charrois elles ont à porter ! Ce sont tantôt les chefs des Suessions qui partent pour conquérir ou gouverner la Bretagne[75] ; tantôt le peuple helvète qui émigre de Suisse pour s’établir en Saintonge[76] ; ce sont, en temps ordinaire, des ambassadeurs ou des messagers qui s’échangent[77], des cortèges de filles nobles qui quittent la cité paternelle pour le foyer lointain d’un chef puissant[78], plaideurs et prêtres qui se rendent à l’assemblée du pays carnute[79], exilés chassés par des révolutions, ouvriers et chemineaux cherchant leur pain, maraudeurs et ribauds guettant une proie[80], et ce sont surtout, hôtes habituels de ces routes, les marchands[81].

Sur les conditions économiques et les usages légaux de la matière commerciale, nous sommes assez mal informés.

Nous savons qu’il y avait d’assez nombreux droits à acquitter, sur les routes de terre, de fleuve et de mer également[82]. Il est probable que ces droits consistaient en taxes de frontières et en taxes de ports : par suite, le commerce préférait les routes qui coupaient les territoires des peuples les plus considérables, c’est-à-dire celles oit il y avait le moins de frontières à traverser. La faveur dont jouissaient les chemins des Cévennes résultait en partie de ce qu’on y rencontrait seulement l’une ou l’autre des deux grandes nations, Arvernes ou Éduens : la formation des cités gauloises a simplifié singulièrement les relations commerciales d’un bout à l’autre du pays.

Des lois ou des conventions particulières avaient été faites pour les marchands ; le droit des gens les protégeait contre les agressions. On nous dit que sur les routes alpestres, ils allaient sans danger de tribu à tribu, peut-être conduits et remis de l’une à l’autre par des convoyeurs indigènes[83]. Leur sécurité était au moins aussi grande dans le centre du monde gaulois[84]. — Je ne parle que des temps de paix.

Nous avons raconté ailleurs ce qu’ont pu faire, sur les routes de la Gaule, les marchands de Marseille. Les Gaulois avaient certainement, eux aussi, leurs négociants, patrons ou commis, sédentaires ou voyageurs, individus ou corporations[85]. Scipion, le premier Africain, a conversé à Marseille, à Port-Vendres ou à Tarragone, avec des indigènes de Narbonne et de Corbilo : c’étaient alors, dit Polybe, les deux meilleures villes de la Gaule[86], c’est-à-dire les plus marchandes ; Narbonne tenait sa prospérité, j’imagine, des arrivages de métaux espagnols et cévenois ; Corbilo sur la Loire tenait la sienne des départs pour l’île de Bretagne. Les gens de l’une et l’autre places répondirent du reste au général romain en hommes qui ne veulent rien dire de leurs affaires[87]. Pareille mésaventure arriva à César lorsqu’il interrogea les marchands gaulois d’Armorique ou de Normandie sur les ressources de la grande île voisine et sur les moyens de l’aborder : ils ne savaient rien, absolument rien, et, leur réponse faite, ils se hâtèrent de passer ou d’envoyer en Bretagne, et d’y prévenir leurs amis des projets de Rome[88]. Les Gaulois étaient beaucoup moins bavards sur les matières du commerce que sur celles de la politique. Dans le Midi, ils servaient d’hôtes, autrement dit de correspondants et de représentants, aux trafiquants de Marseille[89]. Les chefs vénètes paraissent avoir été de gros armateurs[90]. Ce Dumnorix, noble éduen et patron de bandes armées, qui afferme tous les impôts de sa cité[91], ressemble assez à quelque riche chevalier de Rome ou à un bourgeois opulent de cité médiévale : j’entends par là que les ambitions politiques et les goûts militaires ne l’empêchaient pas de s’entendre au fait de la marchandise.

 

V. — DES MARCHÉS.

Ces négociants se rencontrent sur des points de rendez-vous connus d’eux tous, places de marché continu ou champs de foire périodique. L’abondance de ces lieux de trafic (forum en latin, magus en gaulois[92]) est une nouvelle preuve de l’intensité de la vie commerciale et de la circulation sur les routes. Il y en avait de particuliers à une tribu, simples marchés de campagne ; d’autres qui se tenaient à la frontière même de deux cités, destinés aux échanges de leurs produits[93] ; d’autres qui étaient installés au centre même d’une nation, d’ordinaire dans, sa capitale ou son oppidum principal, et c’étaient de véritables places de commerce et de transit, d’où l’on devait venir de tous les points de la Gaule.

. Semblable en cela à la France du Moyen Age, la Gaule fut peut-être le pays de l’Antiquité qui a le plus créé de ces rendez-vous de foires : elle aimait les larges aires découvertes, propres aux entassements familiers de tentes, de bestiaux, de denrées, d’êtres humains, ces solennelles assises sociales, bruyantes et gaies, où se mêlent les complots, les dispute3, les chants, les prières et les nouvelles[94], et où du contact de tant d’hommes naît l’agitation de toutes les facultés, et cette ivresse de la vie que recherchait la race gauloise. — Car il faut se représenter ces champs de marchés comme ceux de l’ancienne France ou les lieux des pardons de la Bretagne actuelle : d’un côté, les endroits sacrés, autel ou temple, source ou fontaine, arbres ou bosquet ; de l’autre, l’esplanade où l’on se rassemble ; plus loin, celle où l’on campe ; les réunions d’affaires se tenant à la veille ou au lendemain des jours de fêtes ; les prêtres coudoyant les marchands, la foire alternant avec le pèlerinage, les dieux se taillant leurs parts dans les profits des hommes[95].

 

VI. — DIFFÉRENTES ORIGINES DES VILLES.

L’étude des routes sur lesquelles circulent les hommes est inséparable de l’étude des villes, bourgades et villages, dans lesquels ils s’arrêtent et se groupent. Ces routes, d’une part, servent à unir ces lieux d’habitation constante : elles sont, pour ainsi dire, créées par eux. Et inversement, elles en créent d’autres, et il se forme de nouvelles demeures humaines aux points importants de leurs parcours.

Nous avons déjà parlé, et plus d’une fois, des villes et des bourgades. Car chacun des modes particuliers de la vie humaine, social ou politique, militaire ou religieux, agricole, industriel ou commercial, s’exprime par des groupements de demeures et de foyers . et chacun de ces groupements, au moins à ses débuts, représente, par son aspect ou par son importance, le sentiment et les habitudes qui l’ont fait naître. Les lieux bâtis de la Gaule avaient donc des origines fort diverses.

1° Le régime de la tribu avait produit ces petites capitales d’un pays qui étaient les forteresses de refuge et les greniers permanents de la population du district : Alésia, au beau milieu de la tribu des Mandubiens, les maîtres de l’Auxois, n’a pas été d’abord autre chose que la bourgade principale de cette tribu[96]. — Le plus souvent, je crois, ces bourgades de pays remontent aux temps les plus lointains de notre histoire, tout au moins à l’époque qui a précédé l’invasion celtique.

2° Puis, le régime de la cité a formé ou développé des villes plus importantes, centres de tribus confédérées. — Beaucoup de ces villes, ainsi qu’Athènes avant Thésée, furent d’abord d’antiques oppida de pays, appelés à un rôle prépondérant par le choix des alliés ou la suprématie de leur tribu : et c’est le cas de la Narbonne des Volques, de la Vienne des Allobroges, de l’Arles des Salyens[97], sans doute de Bibracte chez les Éduens, de Gergovie chez les Arvernes, de Besançon chez les Séquanes, et d’Avaricum (Bourges) chez les Bituriges[98]. — Mais il semble aussi que certains peuples gaulois se soient créé des bourgades neuves pour devenir l’ombilic du nouveau corps politique qui venait de naître : telles furent sans doute Noviodunum, la ville-neuve, chez les Suessions[99], Mediolanum, le milieu, Saintes chez les Santons[100].

3° D’autres groupes de demeures étaient la conséquence et l’image de l’état social. Un grand nombre de bourgades, ouvertes ou non, ne comprenaient sans doute que la ferme ou la villa d’un noble, et l’ensemble des cabanes, de serviteurs ou de clients, qui s’étaient serrées autour d’elle : humbles seuils regardant vers la porte du maître[101]. Tantôt, comme dans le Nord celle d’Ambiorix, la maison des chefs gaulois se dressait à l’orée des grands bois, à la lisière des terrains de culture, non loin des bords de rivières, abritée contre les chaleurs de l’été par la fraîcheur des eaux et des feuillages[102]. Tantôt, comme Uxellodunum, la ville-haute, vassale de Lucter le Cadurque, la bourgade du noble se dressait, isolée par ses remparts et ses rochers, imprenable et fière, à peine dissemblable d’une ville capitale de cité[103].

4° Les nécessités militaires des cités ont amené la fondation de nouvelles places fortes aux points stratégiques : qu’on se rappelle les villes neuves bâties par les Gaulois aux frontières de certains États.

5° Quelques villes gauloises se sont formées peu à peu autour de sanctuaires fréquentés, devenus lieux d’un séjour continu et d’affaires importantes, Lorette ou Rocamadour du monde gaulois. Celles-là, c’est la vie religieuse qui les a créées[104].

6° La plupart des gros ou petits villages ouverts dont parle César, urbes[105], vici[106], doivent leur existence à l’exploitation des terrains, agricole ou industrielle[107]. Des maisons rapprochées, autant que possible groupées sur une hauteur[108], une source tout près de là, les champs cultivés et les pâturages venant finir au seuil même des demeures, au fond de l’horizon les bois offrant leur, abri contre les chaleurs de l’été ou les surprises d’un ennemi[109] : — tel devait être le type constant des bourgades rustiques au Nord comme au Midi. Mais avec ces éléments toujours les mêmes, la nature variée de notre pays créait mille aspects et mille contrastes, depuis les hameaux brumeux des Ménapes ou des Éburons, bombant à peine du milieu des marécages et des broussailles, jusqu’aux villages de l’Auvergne et des Alpes, tapis dans le creux d’un vallon ou juchés sur l’escarpement d’une roche.

7° Quelques-unes des villes gauloises, appelées sous la domination romaine à une grande importance, ont débuté par n’être que des places de marché, Fréjus, Lodève, Feurs, Senlis, Beauvais, Angers, peut-être même Rouen, n’étaient encore, dans les temps dont nous parlons ici, que de simples champs de foire, à demi perdus au milieu des prés ou des fougères[110].

8° Enfin, un bon nombre de villages destinés à devenir de grandes villes, doivent leur plus lointaine origine à la route même qui les traversait, et aux conditions qu’elle imposait aux voyageurs : auberge ou relais, péage ou contrôle, pont, gué ou passage, port sur une rivière ou une mer. Autour de ces points du grand chemin, où la circulation est plus intense et l’arrêt nécessaire, la vie humaine s’est concentrée pour un domicile plus prolongé. Un gué a fondé Limoges[111] ; un bac ou un passage, Cavaillon, Chalon[112], Beaucaire[113] et Tarascon[114] ; un pont, Amiens ; un port, Boulogne, Genève et Orléans[115].

Tous ces lieux d’habitation commune n’étaient pas également peuplés et prospères. Ils n’ont grandi que lorsque des éléments nouveaux sont venus s’ajouter à ceux dont ils sont sortis. Gergovie, Bibracte, Avaricum, Besançon, les plus peuplées et les plus riches des villes de la Celtique en ce temps-là, doivent leur prépondérance tout à la fois à leur rôle politique, à la force de leur position militaire, au voisinage des meilleurs champs de leur nation, à la circulation des grandes routes auxquelles elles servaient de carrefours. Simple oppidum de tribu, Alésia était devenue, grâce à ses sanctuaires et à ses légendes, une sorte de cité sainte[116]. Paris, Orléans, Melun, Chalon, Mâcon, avaient l’avantage d’être à la fois des ponts et des ports, des villes fortes et des centres d’exploitation agricole[117]. Une fois choisi comme milieu de sa cité, ce simple pont de Somme qu’était d’abord Amiens formera le noyau d’une vraie ville[118].

 

VII. — RÉPARTITION DES PRINCIPAUX CENTRES HABITÉS.

Places fortes ou hameaux, cités principales ou bourgades de pays, la Gaule possédait un grand nombre d’agglomérations humaines déjà considérables. Les Helvètes avaient constitué daces leurs domaines de Suisse douze villes murées et environ quatre cents villages, chacun de ces villages comprenant en moyenne plus d’un demi-millier de têtes, une centaine de feux[119] : et ce dernier chiffre, cent feux par groupe, devait se rencontrer souvent dans la Gaule. Si tous les peuples étaient pourvus de villages dans la même proportion que les Helvètes, on pourrait arriver, pour la contrée toute entière, à plus de vingt mille : et il ne semble pas que même aujourd’hui, le total des centres habités de quelque importance, entre le Rhin et les Pyrénées, dépasse de beaucoup ce nombre[120]. La Gaule a été peut-être, des contrées de l’Europe, celle qui montrait le plus de routes, de carrefours et de villages, le plus d’endroits où les hommes se rencontrent et se groupent avec d’autres hommes[121]. Il y avait chez les êtres de ce monde un ardent désir de vivre rapprochés sur le sol.

Dès ce temps, les destinées du sol français, dans ses rapports avec les marches et les stations humaines, étaient fixées à peu près partout. Lyon mis à part[122], toutes les croisées de routes, tous les endroits utiles auxquels leur situation assure quelque prééminence, avaient déjà commencé à jouer leur rôle. Certes, les voies qui y mènent seront plus tard fort améliorées : mais les Romains ne changeront point la direction de ces voies, et ne feront le plue souvent qu’élargir, durcir et ravaler les longs sentiers gaulois[123]. Les villes ne croîtront pas toutes de la même manière, leur rang respectif changera ; les circonstances politiques de l’intérieur, les relations avec le dehors, les révolutions économiques, modifieront leur importance ou la nature de leur vie. Mais il n’y a pas de colonie latine ou romaine, de bonne ville française qui ne soit l’exploitation d’une situation intelligente trouvée avant Rome[124]. Les seules bourgades qui disparaîtront scat celles qui, par la hauteur de leur aire et l’escarpement de leurs voies d’accès, accusent trop nettement un état de guerre périodique et endémique : par exemple Gergovie et Bibracte[125]. Encore, à vrai dire, seront-elles déplacées plutôt que supprimées, et rebâties simplement sur des assises posées plus loin : Clermont et Autun, leurs héritières, utiliseront sur les coteaux les avantages qui ont fait prospérer leurs villes-mères sur les sommets[126].

Des avantages qui donnent alors la prépondérance à certaines villes, quelques-uns sont locaux ou momentanés, par exemple la richesse agricole des terres voisines, la puissance militaire des nations qui les occupent. Mais il en est un qui est, si je peux dire, universel et permanent, le contact avec une route maîtresse. C’est ainsi que Gergovie, à la descente de l’Allier et de la voie directe du Midi, que Bibracte, près de l’Arroux ; à mi-chemin sur la percée la plus commode entre la Loire et la Saône, sont des villes de passage continu et nécessaire : elles forment l’une et l’autre le principal jalon de deux des axes vitaux de la France. Leur aspect extérieur révèle encore la vie militaire ; mais leur prééminence vient en partie de la circulation pacifique des hommes.

Aussi, dès ce temps-là, les populations ne réservent plus aux hautes terres le privilège de porter leurs villes utiles. Elles se rassemblent sans crainte le long des voies de coteaux ou de plaines ; et les plus basses mais les plus faciles de ces voies, les fleuves et les rivières, baignent de leurs eaux de très grosses bourgades. La descente des demeures vers les pays d’en bas, signe d’un désir de paix, a commencé depuis longtemps.

Les fleuves et les rivières du Nord-Est, seuls, ne connaissent pas encore les villes qui concentreront la fortune matérielle et politique de leurs vallées. Au nord*des Ardennes, César ne nomme par son nom aucun site municipal[127]. La seule bourgade dont il parle longuement au delà de la grande forêt, l’oppidum anonyme des Aduatiques, n’est que le lieu de refuge d’une peuplade transrhénane établie en Gaule depuis un demi-siècle[128]. Passé les cours d’eau du réseau central, il n’y a plus que des villages, des redoutes, de grandes fermes, aucun groupement à nom connu et à passé historique[129]. Le long de l’Océan, nul port ne s’ouvre sur la côte à l’est de Boulogne, et c’est ce dernier qui sert aux voyageurs qui descendent le Rhin[130]. Ni le Rhin, ni la Moselle, ni la Meuse ne possèdent des éléments citadins de quelque consistance. Au nord de la ligne qui va de Boulogne à la trouée de Belfort, et qui correspond à peu près à la frontière actuelle, la vie municipale n’apparaît encore que très faiblement. Trop de forêts et de marécages, trop d’invasions et d’incertitudes politiques, ces mauvaises conditions physiques et sociales ont empêché que les peuples aient fixé leurs foyers nationaux ou qu’ils aient pris goût à se grouper autour d’eux.

Mais dans les vallées de la Gaule centrale, les carrefours ou les têtes de lignes des voies commerciales sont dès maintenant occupés, et quelques-uns de ces points obtiennent déjà la renommée principale qu’ils conserveront jusqu’à nos jours. Chacune des grandes rivières a également son port d’embouchure, tourné vers les routes de la haute mer, et ses ports intérieurs, débouchés des plus longs chemins descendus par les vallées moyenne et supérieure.

Du côté de l’Océan la Garonne montre Bordeaux[131], et elle offre Toulouse à la fin des portages du col de Naurouze[132]. — La Loire aligne Corbilo vers l’ouest maritime, Orléans au centre, et Nevers[133] au départ de toutes les routes du sud et de l’est. — Dans une symétrie parfaite avec sa voisine du sud, la voie de la Seine possède peut-être Rouen[134], en tout cas Paris[135] et Sens[136] sur l’Yonne, et ces deux ports desservent chacun son bassin et ses confluents propres. — Cette symétrie, enfin, se rencontre sur le Rhône lui-même : Arles[137], complété par le passage de Tarascon, lui sert de port maritime, Genève[138] de port de montagne, et Vienne[139] profite des débouchés de toutes les vallées du centre. Mais la situation de Vienne, à ce point de vue, ne vaut pas celle du confluent lyonnais : sur le Rhône, l’avenir semble moins dessiné que sur les fleuves de l’Océan : il lui manque que Lyon soit sorti de l’enfance.

C’est également sur leurs bords, au centre ou à l’embouchure de leurs eaux, que les moindres rivières voient grandir les capitales de leurs vallées ; l’Aude ressortit à Narbonne[140], le Gers à Auch[141], la Charente à Saintes[142], la Somme à Amiens[143], et la Scarpe à Arras[144] ; le cours de la Durance n’a pas de point plus important que Cavaillon[145] ; le Doubs n’a d’autre cité que Besançon[146] ; la Saône, en revanche, se partage entre Chalon[147] et Mâcon[148], comme elle fera toujours. Le faisceau de la Vienne semble dépendre surtout de Poitiers[149] ; Bourges concentre l’activité des rivières tributaires du Cher[150] ; et Reims, de sa ceinture de collines, domine ou menace à la fois la vallée de la Marne et celle de l’Aisne[151].

Deux surtout, parmi les villes de bas-fonds et de fleuves, attirent notre attention, comme ayant déjà une importance plus que régionale.

Orléans, la clé de voûte de la vallée médiane, à l’issue des isthmes les plus étroits qui séparent la Loire de la Seine et du Rhône, Orléans, malgré la faible valeur de son assiette, était devenu le principal entrepôt de la Gaule celtique, et le voisinage de la Beauce achevait de faire de cette ville une manière de capitale économique[152]. — Paris ne valait sans doute pas autant qu’elle : mais il est digne de remarque qu’on regardait déjà l’île et la ville de la Cité comme le centre stratégique de la Gaule du Nord[153].

Sur les rivages enfin, une vie plus intense a également commencé aux points destinés à la maîtrise économique. On les a nommés tout à l’heure à propos des fleuves : Bordeaux, Corbilo, le plus populaire des trois ports de l’Océan parce que la Loire est le plus important des fleuves de la Gaule, Rouen, le plus médiocre de tous, Narbonne et Arles sur la Méditerranée, voilà pour les ports de rivières. Puis, en dehors des routes fluviales, et précisément aux frontières de la Gaule, complétant ainsi à l’extérieur des grandes vallées l’œuvre de leurs estuaires ou de leurs deltas, Portus Itius, la future Boulogne, et Marseille la ville grecque, l’un et l’autre ports à l’une des extrémités de la voie diagonale de la Gaule, celle que Gergovie ou Bibracte jalonnent sur le passage des monts, et Orléans ou Paris à la traversée des rivières. Vraiment, dès ce temps-là, l’homme a su disposer ses domaines et ses chemins suivant les lignes que lui indiquait la nature ; du tableau d’humanité que la France doit présenter un jour, on aperçoit un croquis déjà plus qu’à demi terminé.

 

VIII. — DESTINÉES DE LYON A L’ÉPOQUE GAULOISE[154].

Lyon est le seul trait important qui manque à ce tableau.

De tous les lieux souverains de la France future, c’est donc le mieux doué vers lequel les hommes ne convergent pas encore. Les Éduens trafiquent à Mâcon et à Chalon, les Allobroges à Genève et à Vienne ; ni les uns ni les autres ne paraissent songer à Lyon : c’est avoir Byzance sous les yeux et s’établir à Chalcédoine. Comment se fait-il que ces deux peuples, puissants et intelligents, chercheurs de bonnes terres, de routes passagères et de places productives[155], aient vu Lyon à leurs frontières, et l’aient dédaigné ?

La seule réponse possible doit être tirée des conditions d’existence de ces deux cités. Elles étaient limitrophes et partout rivales : en amont du confluent, les Allobroges possédaient les deux rives du Rhône et les Éduens les deux rives de la Saône. Le carrefour demeura incertain ou inutile, il n’était qu’un point d’une frontière disputée, il ne pouvait devenir un centre de vie et de travail. Tel fut, avant la fondation de Rome, le sort de ses collines et des bords de son Tibre, disputés entre Étrusques et Latins.

Les Allobroges réussirent sans doute les premiers à occuper la colline de Fourvières, qui dominait la rencontre des fleuves, et à y bâtir une forteresse avancée, protégeant leurs terres et surveillant les routes les plus lointaines. — Une tradition, née tardivement parmi eux[156], racontait que, sur l’ordre d’un oracle, deux chefs du pays, Momoros et Atépomaros, chassés par un troisième, Séséroneus, vinrent à Fourvières pour établir une colonie

au moment où l’on creusait les fondations, apparurent soudain des corbeaux, qui volèrent tout autour et remplirent les arbres des environs. Et Momoros, expert en aruspicine, décida qu’il fallait appeler la nouvelle ville Lugdunum, ce qui signifiait en celtique la hauteur du corbeau[157]. — Il n’y a, je crois, aucun des récits anciens de fondations qui doive être totalement rejeté comme inutile. Tous ont leur part de vérité et leur part de fable, au reste si étroitement enchevêtrées que les démêler est à peu près impossible. Voici, mais encore sous les plus expresses réserves, ce que je retiendrai de cette histoire des origines lyonnaises.

Le nom de Lugudunum[158], Lugdunum, n’a pas signifié à l’origine le mont des corbeaux, mais la ville-claire ou la montagne-claire, lug ou lugu correspondant au latin lucidus[159], et dunum ayant à la fois le sens de montagne et de ville forte[160] : Clairmont ou Clairville, nom de gaîté et de bon augure, donné par ses fondateurs à la nouvelle cité, lorsqu’ils ont vu la colline se détacher, nette et lumineuse, dans le rayonnement du soleil levant[161]. — Mais ce mot de lugu, lug, ressemblait de très près à un autre mot d’une langue indigène qui désignait le a corbeau[162] ; et puis, qui sait si la colline de Fourvières n’avait pas ses corbeaux familiers, Esprits du lieu auxquels on rendait quelque vieux culte rustique[163] ? Il n’en fallut pas davantage pour faire du corbeau le Génie éponyme de la cité : étymologie née d’une assonance, comme le populaire et les demi-savants en ont fabriqué pour toutes les villes de France et d’ailleurs[164].

Voilà pour le nom. — Quant au récit de la fondation, il nous présente Lyon comme né dans les mêmes conditions que Rome. Une colonie couvrant un angle de la frontière d’une vaste peuplade, Latins ou Allobroges ; une colline isolée dominant le point essentiel du cours d"un grand fleuve, Palatin ou Fourvières, Tibre ou Rhône ; des oiseaux messagers divins, vautours ou corbeaux, venant sanctionner le choix des hommes ; un chef, Numitor ou Séséreneus, abandonnant à deux autres la conduite des colons ; deux héros fondateurs, l’un, presque un simple figurant, Remus ou Atépomaros, l’autre, expert en art augural, Romulus ou Momoros : — les mêmes détails se rencontrent autour des origines des deux capitales, et l’on doit se demander si le récit gaulois n’est pas un décalque des aventures des fils de la Vestale, imaginé pour donner à Lyon des motifs de plus à se dire la Rome des Gaules[165]. — Mais il n’en demeure pas moins très vraisemblable que les Allobroges, à un moment de leurs longues querelles avec les Éduens, ont bâti à Lyon un poste d’avant-garde contre leurs éternels ennemis du Nord (entre 150 et 121 ?)[166].

Ils ne l’ont pas gardé longtemps. Après avoir appartenu aux hommes du Midi, Lyon passa à ceux du Nord (vers 120 ?)[167]. Au temps de César, il relevait des Ségusiaves, peuple client de celui des Éduens[168]. Ce coin de terre, où finissent tant de voies, où se menaçaient tant de peuples, n’accomplira ses destinées que lorsque la paix sera imposée à tous, et qu’il ne viendra que des marchands par ces routes.

 

IX. — DES NOMS DES LIEUX HABITÉS.

Les noms que portaient ces réunions d’hommes révèlent aujourd’hui encore le premier motif qui les a créés, et presque le temps de leur création.

Celles de ces villes qui paraissent les plus anciennes et qui sont en tout cas les plus importantes, portent, semble-t-il, des noms de sources, héritage ordinaire des vieux idiomes ligures : Alésia, Nemausus (Nîmes), Avaricum (Bourges), Arausio (Orange), Vienna, Bibracte (le mont Beuvray), je crois aussi Gergovia, Vesontio (Besançon), Limonum (Poitiers)[169]. — A peine moins anciens, et sans doute tirés des mêmes dialectes, sont les noms qui s’appliquent aux villes de passage, Genabum (Orléans) et Genava (Genève), Cabellio (Cavaillon) et Cabillonum (Chalon), mots qui doivent signifier quelque chose comme port ou traversée. — A cette dernière catégorie de villes, la langue gauloise a fourni tes noms en briva, pont (Samarobriva, Amiens), et sans doute aussi en ritum, gué (Anderitum, Javols)[170]. — Puis, viennent les vocables tirés de la condition religieuse, économique, sociale et politique de l’endroit : Nemetocenna (Arras), le bois-sacré ou quelque chose de semblable, Mediolanum (Saintes), le milieu de la cité, Noviodunum et Iliberris, la ville-neuve, Noviomagus, le marché-neuf[171], Metlosedum[172] (Melun), la demeure de Metlos, Octodurus[173] (Martigny), la porte d’Octos, c’est-à-dire, pour ces deux derniers termes, les villages qui se sont formés autour du château d’un grand seigneur. Souvent ces noms rappellent l’impression que les lieux ont faite sur les fondateurs : Uxellodunum[174], la ville-haute, Lugdunum, la ville ou la montagne-claire. Tous ceux-là, d’ailleurs, paraissent empruntés à la langue des deux peuples conquérants, Ibères et Gaulois.

De ces qualificatifs, le plus répandu était peut-être, au temps de César, celui de dunum[175] : or, il ne s’applique, chez l’auteur des Commentaires, qu’à des localités importantes, fortifiées et pourvues d’une population nombreuse. La fréquence de ce mot sur le sol français nous rappelle, une fois de plus, que les Gaulois furent des fondateurs de villes, et qu’ils prenaient peu à peu des habitudes municipales : de même que, de nos jours, l’abondance des Bastide, des Villefranche ou des Villeneuve nous fait souvenir des progrès de la bourgeoisie et de la vie citadine dans la France du treizième siècle.

 

X. — ASPECT DE CES VILLES[176].

Mais, de ce que la Gaule était un pays de villes et de villages, ne nous hâtons pas de songer aussitôt à l’Italie ou à la Grèce de cette époque. Qu’on ne se figure pas, même dans les villes-neuves, des rues tracées au cordeau, des places régulières, des édifices aux façades de pierre, des choses bâties avec art et amour et faites pour durer. Tout en acceptant la vie municipale, les Celtes ne pouvaient encore lui donner l’aimable et solide enveloppe dont la Grèce a su la parer. La pierre ne devait entrer que dans les constructions de l’enceinte militaire : aussi, à part quelques pans du mur extérieur, ne nous reste-t-il aucun vestige authentique d’une ville gauloise[177].

Les plus grandes cf. lès plus fameuses de ces villes, Gergovie et Bibracte, étaient, sans aucun doute, les plus dépourvues d’agrément et de beauté. Elles s’élevaient à plusieurs centaines de mètres au-dessus de la plaine[178] ; on n’y montait que par des chemins escarpés, raidillons serpentant sur les flancs de la montagne[179] : des bords du plateau qui portait la ville, on apercevait à ses pieds précipices et ravins, et de noires forêts pleines de bêtes dangereuses[180] ; au loin, les campagnes, les ruisseaux et les villages de la plaine et des vallées apparaissaient comme un monde différent, vivant dans le calme et le bien-être sous un ciel plus doux. Car, sur ces hauteurs de Gergovie et du mont Beuvray, le climat était fort rude, et, l’hiver, l’Apre bise ne s’arrêtait que pour faire place aux tombées désolantes de neige et de pluie. Ces vastes plateaux avaient bien d’autres désavantages : les sources ne paraissant pas sur le sommet de la montagne, il fallait les chercher d’ordinaire sur les flancs, en dehors et au pied de la cité, et quelquefois tout en bas, au niveau même de la plaine[181]. L’immensité de leur étendue empêchait les hommes et les maisons de se rapprocher, de se grouper avec l’ordre et la symétrie qu’appellent les espaces resserrés. Gergovie mesurait environ 4 kilomètres de tour et 75 hectares de superficie ; Alésia, 4 à 5 kilomètres et 97 hectares ; Bibracte, 5 kilomètres et 135 hectares[182] : car l’enceinte, pour être vraiment utile, courait le long du rebord du plateau, embrassait la plate-forme entière du sommet[183]. Ces lieux avaient été choisis pour abriter toute une tribu, ou l’armée de toute une nation. Quatre-vingt mille soldats purent se tenir dans Gergovie[184], davantage dans Alésia[185], et il y avait encore avec eux une population de non-combattants[186]. En temps ordinaire, les habitants de ces énormes enclos n’en occupaient, sans aucun doute, qu’une petite partie. Ces villes devaient alors ressembler aux grandes cités de l’Afrique centrale, où, derrière les levées ou les palissades de l’enceinte, solitudes et terrains vagues alternent avec des entassements de cabanes, où l’on trouve tour à tour les aires blanches des lieux de foires, les cimetières[187], des venelles que bordent les ateliers d’ouvriers, les espaces consacrés que recouvrent les restes des butins militaires, des étangs fétiches, des dépôts d’armes, des granges et des greniers, et les toits souverains des chefs[188]. Les Grecs qui regardaient ce chaos ne pouvaient y voir ce qu’ils appelaient une ville, c’est-à-dire une suite continue de lignes harmonieuses ; et on trouvait, dans le monde méditerranéen, que rien n’était plus vilain qu’une bourgade gauloise[189].

Mais déjà il y avait en Gaule des villes beaucoup moins laides que ces capitales juchées sur leurs sommets. A Bibracte et à Gergovie, la force de la position militaire nuisait aux soins de l’esthétique et aux douceurs de la vie. Dans les villes de coteaux et de plaines, on avait pu sacrifier davantage aux uns et aux autres. D’abord, dans ces villes, comme Bourges, Orléans, Paris et toutes celles du Midi, le climat était moins rude, on vivait de plain-pied avec les fleuves, les routes et les campagnes, on n’avait pas cette impression d’isolement farouche que donnent les terrasses du Beuvray et de Gergovie. Puis, comme on n’avait pas été contraint de murer un trop grand espace, elles occupaient une superficie plus restreinte : l’île de la Cité n’a qu’une vingtaine d’hectares[190] ; Bourges, aux temps gaulois, s’étendait sur moins de 40 hectares[191] ; Orléans n’était certainement pas plus grand, ni Arles, ni Narbonne. La population y vivait plus ramassée, la ville était faite toute pour ses habitants, elle leur appartenait davantage. Aussi pouvait-on bâtir et orner avec plus d’attention ces bourgades d’en bas. Ce n’étaient pas seulement les murailles qui en étaient construites avec un souci artistique : Bourges avait un forum ; elle passait, dit César, pour la ville la plus belle presque de toute la Gaule[192], ce qui ne l’empêchait pas, avec sa ceinture de marécages et ses remparts hauts de 30 à 40 pieds, d’en être une des plus fortes[193]. Et les Bituriges étaient fiers de leur capitale d’Avaricum comme de la splendeur et de la sécurité de leur vie nationale[194].

Le patriotisme municipal grandissait donc avec la force et la richesse de ces villes. Même sur les rudes sommets du Morvan et de l’Auvergne, on aimait et on fréquentait ces enclos protecteurs qui entouraient d’autres abris, garde militaire de foyers domestiques, asiles sacrés et familiers dans lesquels les hommes vivaient plus nombreux, se connaissaient davantage, mettaient plus souvent en commun leur travail, leur religion, leurs loisirs, leurs passions politiques[195]. Malgré les remparts de guerre qui les entouraient, les villes gauloises devenaient de plus en plus des forces pacifiques.

 

 

 



[1] Dulaure, Des Cités, des Lieux d’habitation... des Gaulois, Mém. de la Soc. des Ant. de Fr., II, 1820, p. 82 et s. ; de Golbérv, Les villes de la Gaule rasées par Dulaure et rebâties, Paris, 1821 ; de Fréville, De la Civilisation et du Commerce de la Gaule septentrionale avant la conquête romaine, Mém. de la Soc. des Antiqu., XXII, 1855, p. 87 et s. ; d’Arbois de Jubainville, Recherches, p. 77 et s.

[2] Strabon, IV, 5, 5.

[3] César, VI, 17, 1 et 2.

[4] D’après Strabon, IV, 1, 14, et Diodore, V, 25, 3.

[5] César, VI, 3, 5 ; 4, 2.

[6] II, 34 ; V, 53, 6 ; VII, 75, 4 ; VIII, 31, 4 ; cf. III, 9, 10 ; VII, 4, 6. Cf. ch. XIV, § 9.

[7] César, III, 17, 3-4 ; VII, 4, 2-3 ; VIII, 22, 2.

[8] Strabon, IV, 3, 2.

[9] Strabon, IV, 3, 2.

[10] Par exemple à Brioude sur l’Allier. Il semble que l’Aude ne fut navigable qu’à sa sortie du défilé d’Argens ou plus bas (Strabon, IV, 1, 14). D’une manière générale : Strabon, IV, 1, 11 et 14 ; IV, 3, 3 ; Tacite, Annales, XIII, 53. — L’étude des noms de lieux peut fournir des preuves de cette activité de la navigation fluviale (cf. Meyer-Lübke, Confluentes, 1907, dans les Mélanges Chabaneau, p. 591 et s.).

[11] César, V, 5, 2 ; VII, 58, 4.

[12] Tite-Live, XXI, 26, 8 ; Polybe, III, 42, 2-3 ; cf. César, De bello civili, I, 36, 4-5.

[13] Strabon, IV, 3, 2 ; cf. César, I, 12, 1. La batellerie paraît avoir aussi été importante aux abords de Genève (César, I, 8, 4), vers Viviers et Pont-Saint-Esprit sur le Rhône (Orose, V, 14, 2), sur la Loire maritime (César, III, 9, 1), autour de Nevers (VII, 55, 8), sur le bas Rhin entre Wesel et Nimègue (IV, 4, 7), sur le Rhin aux environs de Cologne (IV, 16, 8) et en Alsace (I, 53, 3).

[14] Ce sont les seules dont Strabon parle avec quelque détail, si du moins j’interprète bien son passage (IV, 1, 14).

[15] Strabon, IV, 1, 14, qui indique un portage de 800 stades environ depuis Toulouse jusqu’à l’Aude, qu’on remontait sur un faible parcours au delà de Narbonne.

[16] Strabon, IV, 3, 3.

[17] Strabon, IV, 1, 14 ; Polybe, III, 42, 2-3.

[18] Portus Pyrenæi, Tite-Live, XXXIV, 8, 5.

[19] Avienus, 699, qui compte quarante-huit heures depuis les bouches du Rhône jusqu’à Pyréné (à ce que je crois).

[20] Cette et sa colline de bois de pins : Avienus, 608-610, Setius mons ; Ptolémée, II, 10, 2 ; Silius Italicus, XV, 174-5. Le cap d’Agde et l’Ilot Brescou, Blasco, Avienus, 601-4 ; Strabon, IV, 1, 6 (qui appelle le cap Σίγιον, peut-être par erreur).

[21] Strabon, IV, 2, 1 (Polybe).

[22] Strabon, IV, 5, 2 (τό Ίτιον, portus Itius) ; César, V, 2, 3 ; 5, 1.

[23] Avienus, 108-109.

[24] Diodore, V, 22, 2 et 4 ; Strabon, IV, 1, 14 ; cf. IV, 3, 3 ; 5, 2.

[25] César, V, 12, 2 ; VI, 13, 11 ; II, 4, 7 ; 14, 4 ; III, 8, 1 ; 9, 10 ; IV, 21, 7 ; Strabon, IV, 5, 2 et 3.

[26] IV, 21, 7.

[27] II, 4, 7.

[28] VI, 13, 11.

[29] César, III, 9, 10 ; 8, 1 ; Strabon, IV, 5, 2 et 3.

[30] Nous essaierons, ch. XIV, de retrouver les principales routes de la Gaule et leurs plus importants carrefours.

[31] De même, les Gaulois indiquent à César qu’une des deux routes de Besançon à l’Alsace allonge de 50 milles (I, 41, 4).

[32] Lire César, VII, § 57 et 62, § 10, 11 et 12, § 42, 43 et 55.

[33] César dit (VII, 3, 3) in finibus Arvernorum, mais il parait bien s’agir du signal reçu par Vercingétorix à Gergovie et parti d’Orléans.

[34] Le chiffre donné par César, 100 milles, est exact. Les distances devaient se calculer par journées ou temps de marche, mais aussi par lieues.

[35] A propos de ce texte : Baudoin, Mém. de l’Ac. celt., III, 180 :), p. 327 et s. (sur la portée de la voix dans les champs) ; Loiseleur, Bull. de la Soc. arch. de l’Orléanais, IV, a. 1862-7 (1870), p. 167 et s. (sur les buttes ayant pu recevoir des signaux).

[36] De Berry-au-Bac aux environs de Soissons, II, 12, 1.

[37] César, VII, 35, 2, cf. 36, 1 : soit de 90 à 100 kilomètres.

[38] VII, 39, 3 ; 40, 4 ; 41, 5. Du pied de Gergovie à Randan ? En tout cas César indique la longueur de la route, 25 milles, et le temps pour aller et venir depuis media fere nocte jusqu’à ante ortum solis.

[39] César, VII, 57, 4 : la grande route de Melun à Paris devait suivre la rive droite (58, 5) ; III, 9, 4.

[40] On connaissait aussi l’usage, en temps de guerre, des ponts de bateaux (Orose, V, 14, 2).

[41] César, VII, 58, 5 et 6.

[42] VII, 11, 6-8.

[43] Cela peut résulter aussi de ce que dit César, VII, 11, 8.

[44] VIII, 27, 2 : l’emplacement de ce pont n’est pas certain ; peut-être aux Ponts-de-Cé.

[45] Cela semble résulter de VII, 56, 1, rapproché de 55, 7.

[46] C’est le pont mentionné VII, 35, 2 et 4 ; il y en avait d’autres (VII, 34, 3 ; 35, 2), peut-être aux mêmes endroits qu’aujourd’hui (Saint-Pierre-le-Moutier, Varennes, Vichy, Maringues).

[47] Voyez Faure, Hist. de Moulins, Moulins, II, 1900, p. 671-6.

[48] César, I, 6, 3 ; 7, 2 ; Dion Cassius, XXXVIII, 31, 3.

[49] Orose, V, 14, 2.

[50] Gargite Rhodani, Silius, XV, 500.

[51] César, V, 24, 1 ; 47, 2 ; 53, 3. Pont sur l’Aisne à Berry-au-Bac (II, 5, 6), lieu traditionnel du passage sur la route de Reims à Amiens ou en Flandre.

[52] I, 8, 4 (Rhône) ; II, 9, 4 (Aisne) ; VII, 35, 1 (Allier) ; 56, 4 (Loire).

[53] I, 12, 1 (Saône) ; 8, 4 (Rhône) ; IV, 16, 8 (Rhin) ; cf. Diodore. V, 25, 5.

[54] D’après l’ancien nom de Limoges, Augustoritum ; ritum = gué ou passage.

[55] Tite-Live, XXI, 26, 8 : Ad vicinalem usum paratarum ; Polybe, III, 42, 2.

[56] Strabon, IV, 1, 11.

[57] La présence d’un pont à Pont-Saint-Esprit explique sans aucun doute l’importance de cette route.

[58] Peut-être Parthénius, 8, Erippe ; on retrouvera, à l’époque romaine, marchés et sanctuaires de frontières.

[59] César, VII, 12, 2.

[60] Avienus, 148-151.

[61] Diodore, V, 22, 4. Je crois qu’il s’agit de la route par terre de Boulogne aux Cévennes, vu que Diodore dit έπί τών ΐππων.

[62] Diodore, V, 22, 4.

[63] César, note suivante.

[64] Le nom latin de ces charrettes, carrus, est, dit-on, celtique : César, I, 3, 1 ; 6, 1 ; 24, 4 ; 26, 1 et 3 ; 51, 2 ; IV, 14, 4 ; VII, 18, 3 ; VIII, 14, 2 ; De b. c., I, 51, 1 ; autres textes chez Holder, I, c. 810-813 ; la description archéologique dans le Dict. des Ant., s. v. (Saglio). Elles pouvaient être couvertes. — Le petorritum, certainement un mot gaulois, désignait sans doute, chez les Celtes, un genre de carrus, une grande charrette à quatre roues qui servait surtout à des transports d’hommes, de femmes ou d’objets précieux (Aulu-Gelle, XV, 30, 6 ; Pline, XXXIV, 163 ; Acron à Horace, Épîtres, II, 1, 192, p. 520-1, Hauthal ; cf. Holder, II, c. 973-975) ; cf. note suivante.

[65] César, I, 26, 3 ; 51, 2 ; VI, 30, 2 ; la reda devait être attelée à deux chevaux et était, semble-t-il, à quatre roues (scholies de Perse, V, 70). C’est la συνωρίς de Diodore, V, 29, 1. Voir les textes chez Holder, II, c. 1096-1108. Le mot est celtique. — Plus léger encore était le cabriolet ou la voiture à deux roues dite cisium, d’origine peut-être également celtique (scholiaste à Cicéron, Pro Roscio Am., 7, 10, p. 428, Orelli) ; cf. Holder, l. c. 1031. — Le nom du char de guerre, essedum, passe également pour être d’origine gauloise (Holder, l. c. 1470-1). — Je fais des réserves sur l’origine gauloise du carpentum, mot et chose : les carpenta Gallica (Tite-Live, X, 30, 5 ; XXXI, 21, 17 ; XXXIII, 23, 4 ; Florus, I, 13. 27) désignent soit les carri ou les petorrita, soit aussi les esseda ou chars de guerre (Florus, I, 37, 5 ; I, 45, 17). — On ignore ce que sont les colisata (Pline, XXXIV, 163). — Voyez là-dessus, outre les articles correspondants du Dict. des Ant., Scheffer, De re vehicularia veterum, 1671, et Marquardt, Das Privatleben der Ræmer, p. 710-5, qui fait justement remarquer l’incertitude des résultats dans cet ordre de recherches. L’utilisation des bas-reliefs gallo-romains en amènera seule de nouveaux.

[66] Lintres, César, I, 12, 1 ; I, 53, 2 ; VII, 60, 4 ; Tite-Live, XXI, 26, 8 ; naves, César, I, 8, 4 ; VII, 58, 4 ; 60, 1 et 4 ; λέμβους, Polybe, Ill, 42, 2 ; Tite-Live, XXI, 26, 8 ; navicula, César, I, 53, 3. Les naves paraissent désigner des barques plus lourdes.

[67] Strabon, IV, 1, 14.

[68] Tite-Live, XXI, 26, 8 ; Polybe, III, 42, 2.

[69] Rates, I, 12, 1 ; I, 8, 4.

[70] Tite-Live, XXI, 27, 5.

[71] Leur dieu principal est dux viarum atque itinerum, César, VI, 17, 1.

[72] César, I, 3 ; I, 18 ; I, 20, 2 ; IV, 21, 7.

[73] I, 20, 2 ; IV, 21, 7 ; II, 1, 4.

[74] Ibidem ; I, 20,4 ; I, 18, 6 ; II, 14, 2.

[75] II, 4, 7.

[76] I, 10, 1.

[77] I, 3, 3-5 ; I, 9, 2.

[78] I, 3, 5 ; I, 18, 6 et 7.

[79] VI, 13, 10.

[80] III, 17, 4 ; VII, 4, 3 ; VIII, 30, 1.

[81] I, 1, 3 ; 39, 3 (Italiens ?) ; II, 15, 4 ; III, 1, 2 (marchands italiens) ; IV, 2, 1 ; 3, 3 ; 5, 2 ; 20, 3 et 4 ; 21, 5 ; VI, 37, 2 (Italiens ?). Sauf les exceptions indiquées, tous les mercarores mentionnés dans ces textes paraissent être des Gaulois plutôt que des Italiens ou des Marseillais.

[82] César, I, 18, 3 ; III, 1, 2 ; III, 8, 1 ; Strabon, IV, 3, 2.

[83] De mirabilibus auscultationibus (Timée), 85 ; Diodore, IV, 19, 4.

[84] Une exception doit être faite pour les Nerviens, chez lesquels nullum aditum mercatoribus, dit César (II, 15, 4), ce qui les différencie des autres Gaulois : cette route du seuil de Bavai ou de Vermandois ou de Sambre-et-Meuse se trouvait donc fermée au commerce.

[85] Je suis convaincu que les nautæ Parisiaci de l’autel à Tibère (C. I. L., XIII, 3026), qui portent un costume gaulois archaïque, et dont l’inscription est en partie celtique, sont une corporation antérieure à la conquête et d’origine indigène.

[86] Strabon, IV, 2, 1.

[87] Strabon, l. c.

[88] César, IV, 20, 4 et 21, 5.

[89] Tite-Live, XXVII, 38, 3.

[90] César, III, 8, 1 ; Strabon, IV, 4, 1.

[91] César, I, 18, 3.

[92] L’identité de sens de ces deux mots résulte de la comparaison entre les noms composés formés en Gaule de l’un et de l’autre, par exemple, Juliomagus (Angers), Forum Julii (Fréjus). Cf. Florus, I, 45, 21 : Conciliabulis. La liste des noms en -magus chez Holder, Il, c. 384-5 ; un certain nombre, sans aucun doute, date seulement de l’époque romaine. — Il ne serait pas impossible que -bona eût un sens analogue.

[93] D’après la situation de certaines localités au nom en -magus : Noviomagus (Table de Peutinger, Desjardins, IV, p. 134), Nijon près Bourmont, sur la route de Langres à Toul, entre Lingons et Leuques ; Tornomagus (Grég. de Tours, Hist. Fr., X, 31, 3), Tournon à la frontière commune des Turons, Bituriges et Pictons, auj. encore limite des trois départements d’Indre, Cher et Indre-et-Loire ; Mosomagus (Holder, II, c. 844-5), le marché de la Meuse, Mouzon, à la frontière des Rèmes et des Trévires, sur la route de Reims à Trèves, cf. Longnon, pl. 2, etc.

[94] Cf. César, IV, 5, 2 ; Florus, I, 45, 21.

[95] Cf. Florus (I, 45, 21) à propos de la conjuration de Vercingétorix : Ille festis diebus et conciliabulis, cum frequentissimos in lucis haberet.

[96] César, VII, 68, 1 ; 78, 3.

[97] Arles et Narbonne déjà chez Avienus (689 et 587), mais, plus tard, ports principaux plutôt que chefs-lieux politiques ; Vienne, Strabon, IV, 1, 11.

[98] L’ancienneté de ces oppida me paraît résulter, d’une part, de leur nom, qui est préceltique, et, de l’autre, de l’excellence militaire de leur situation.

[99] César, II, 12, 1-4 : c’est bien leur principal oppidum.

[100] Strabon, IV, 2, 1.

[101] C’est dans ce sens qu’on peut interpréter les ædificia mentionnés par César, I, 3, 2 ; II, 7, 3 ; III, 29, 3 ; IV, 4, 2 ; IV, 19, 1 ; 38, 3 ; VI, 6, 1 ; 30, 3 ; 43, 2 ; VII, 14, 5 ; VIII, 3, 2 ; 7, 2.

[102] César, VI, 30, 3. Les choses, à ce point de vue, ont peu changé : voyez les fermes flamandes (hofstede), Vidal de La Blache, Tableau, p. 76 ; Blanchard, La Flandre, 1906, Lille, p. 414 et s.

[103] Hirtius, VIII, 32, 2.

[104] Peut-être Arras, Nemetocenna, VIII, 46, 6 ; 52, 1 : nemeto- = lucus ou bois sacré. A l’époque romaine, Fanum Martis en Armorique (C. I. L., XIII, p. 490), Dea Augusta, Die, Lucus Augusti, Luc, chez les Voconces (XII, p. 161), Νεμωσσός (Strabon, IV, 2, 3) ou Augustonemelum, Clermont (XIII, p. 194).

[105] César, VII, 15, 1.

[106] Cicéron, Pro Fonteio, 5, 9 ; César, I, 5, 2 et 4 ; I, 11, 5 ; I, 28, 3 ; II, 7, 3 ; III, 1, 4-6 ; 2, 1 ; III, 29, 3 ; IV, 4, 2 et 6 ; VI, 43, 2 ; VII, 14, 5 ; VII, 17, 3 ; VIII, 5, 1. En grec, κώμαι (Strabon, IV, 1, 11 et 12 ; Dion Cassius, XXXVIII, 31, 2) désigne parfois des bourgades plus importantes.

[107] Par exemple, Marosaltum, Marsal et le sel du Saulnois ; autres, note suivante.

[108] D’après la situation des vici gaulois ou gallo-romains connus, par exemple Octodurus ou Martigny en Valais (César, III, 1, 4), Le Buis chez les Voconces (C. I. L., XII, 1783), réserves faites sur la question de leurs remparts.

[109] Cf. César, III, 29, 2, rapproché de 28, 2.

[110] Fréjus, Forum Julii ; Lodève, Foronerionenses (C. I. L., XII, p. 513) ; Feurs, Forum Segusiavorum (C. I. L., XIII, p. 221) ; Rouen, Ratumagus (id., p. 512) ; Senlis, Augustomagus (id., p. 543) ; Beauvais, Cæsaromagus (id., p. 547) ; Angers, Juliomagus (id., p. 479).

[111] Augustoritum sous l’Empire romain (Holder, I, c. 291), et ritum = vadus (Holder, II, c. 1195).

[112] Cavaillon, Cabellio ; Chalon, Cabillonum. Ce sont deux formes différentes d’un même mot, qui devait signifier bac, port ou passage.

[113] Οΰγερνον, Strabon, IV, 1, 3.

[114] Strabon, IV, 1, 3 et 12 : Ταρούσκων. Je crois que le nom a un sens semblable à celui du nom de Cabellio, il se retrouve dans celui de Tarascon de l’Ariège, également lieu de traversée.

[115] Genève, Genava, I, 6, 3 ; I, 7, 1-2 ; Orléans, Genabum, VII, 3, 1 ; 11, 6, etc. (la var. orthographique Cenabum, VIII, 5, 2 ; 6, 1, n’a aucune importance et ne justifie en rien l’hypothèse de deux villes distinctes) ; Strabon, IV, 2, 3. Remarquez la similitude de nom et de situation de ces deux villes, ports et ponts sur rivières. A ces ports et passages sur rivières se rattachent le groupe des villes insulaires, dont Paris offre le type le plus parfait ; César en cite deux autres : Melun, également sur la Seine (VII, 58, 3) ; Decize, Decetia, sur la Loire (VII, 33, 2).

[116] César, VII, 68, 1, comparé à Diodore, IV, 19, 1 et 2.

[117] César, VI, 3, 4 ; VII, 57, 1 ; 58, 3, 5, 6 ; — VII, 3, 1 ; 11, 4, 6-9 ; 14, 1 ; 17, 7 ; 28, 4 ; VIII, 5, 2. — VII, 58, 2, 6 ; 60, 1 ; 61, 5 ; — VII, 42, 5-6 ; 90, 7 ; Strabon, IV, 3, 2 ; — César, VII, 90, 7 (il n’est pas certain que Mâcon, Matisco, fût un oppidum).

[118] César, V, 24, 1 ; 47, 2 ; 53, 3.

[119] César, I, 5, 2, comparé à I, 29, 2.

[120] En 1872, sur 35.989 communes, on en comptait 16.583 à moins de 500 habitants, 16.838 entre 500 et 2000, 2.568 à plus de 2000 (Reclus, p. 892).

[121] Remarquez le nombre de localités brûlées aux abords de Bourges sur le chemin de César, VII, 15, 1 et 2.

[122] Voyez le paragraphe suivant.

[123] La voie romaine du Pertus au Rhône unit les vieux centres indigènes, Elne, Narbonne, Béziers, Nîmes, et elle n’est autre que le chemin d’Hannibal ; ce chemin se continue ensuite sur la ligne que suivra la future grande voie de la rive gauche du Rhône. Toutes les vieilles localités furent unies par des routes romaines, héritières d’anciens chemins. Les trouvailles de monnaies gauloises justifient cette assertion : trésor enfoui à Moirans, sur le tracé de la future voie romaine de Vienne, Grenoble, l’Autaret, Briançon (Blanchet, p. 570) ; trésor trouvé près d’Apt, sur le tracé de la future voie Domitienne, ou d’un de ses raccourcis de l’époque romaine (p. 591).

[124] Exceptions surtout en Flandre.

[125] Sans doute aussi Bratuspantium des Bellovaques, Noviodunum des Suessions je ne parle que des oppida généraux à la nation.

[126] Hirschfeld, C. I. L., XIII, p. 104 et 402 ; le même, Sitzungsberichte der k. pr. Ak. der Wissenschaften de Berlin, 1897, LI, p. 1102-4.

[127] Aduatuca (Tongres) des Éburons est un castellum, VI, 32, 3-4 ; 35, 8-10.

[128] II, 29, 2-4 (c’est probablement Namur).

[129] Les Morins et Ménapes, Dion Cassius, XXXIX, 44, 1. César ne parle d’oppida ni chez eux ni chez les Trévires : je ne nomme que les peuples qu’il eut à combattre. Il mentionne les oppida des Nerviens, mais ils n’essayèrent pas de les défendre (II, 28, 3).

[130] Portus Itius, V, 2, 3 ; 5, 1.

[131] Strabon, IV, 2, 2, qui l’appelle έμπόριον.

[132] Bien antérieure, évidemment, à l’arrivée des Romains ; cf. Cicéron, Pro Fonteio, 5, 9, et surtout Dion Cassius, XXVII, 90.

[133] Noviodanum..., ad ripas Ligeris opportuno loco positum, VII, 53, 1.

[134] On peut douter de l’importance et même de l’existence de Rouen avant la domination romaine : cependant le nom (Ratumagus, Ratomagus, puis Rotomagus, Holder, s. v. ; C. I. L., XIII, p. 512), où n’apparaît pas un qualificatif latin, semble antérieur ; et il y avait dans la Seine-Inférieure, sans aucun doute, un lieu d’embarquement pour la Bretagne (Strabon, IV, 1, 14 ; 5, 2).

[135] Lutetia, var. Lutecia, Lucetia, Lucecia, César, VI, 3, 4 ; VII, 57, 1 ; 38, 3, 5 et 6 ; Λουκοτοκίαν, peut-être par erreur, Strabon, IV, 3, 5.

[136] Agedincum, var. Acedicum, César, VI, 44, 9 ; VII, 10, 4 ; 57, 1 ; 59, 4 ; 62, 16.

[137] Arelatus, Avienus, 889 ; Arelate, César, De bello civili, I, 36, 4 ; II, 3, 1.

[138] Genava (les mss. ont Genua), César, De bello Gallico, I, 6, 3 ; 7, 2.

[139] Vienna, César, VII, 9, 3.

[140] Nar[b]o, Avienus, 587 ; Narba ? (ethn. Ναρβαίους), Hécatée, fr. 19.

[141] Eliumberrum, Eliberre pour Iliberris, ville-neuve (Mela, III, 2, 20 ; etc., cf. C. I. L., XIII, p. 57), ce qui ne peut être qu’un nom antérieur à l’empire de Rome.

[142] Mediolanum, Strabon, IV, 2, 1.

[143] Samarobriva (var. Samarubriva, Samarobrium à l’acc.), César, V, 24, 1 ; 47, 2 ; 53, 3.

[144] Nemetocenna, César, VIII, 46, 6 ; 52, 1.

[145] Cabellio, Caballio : Artémidore apud Étienne de Byzance (Καβελλιών) ; Strabon, IV, 1, 3 et 11.

[146] Vesontio, César, I, 38, 1 ; 39, 1.

[147] Covillonum, Cavillonum, Cabillonum, César, VII, 42, 5 ; 90, 7.

[148] Matisco, César, VII, 90, 7.

[149] Lemonum, Limonum, César, VIII, 26, 1 et 7.

[150] Avaricum, César, VII, 13, 3 ; 15, 3-4 ; etc.

[151] Duracortorum (var. Durocortorum), César, VI, 44, 1.

[152] César, VII, 3, 1 ; i1, 4 ; 17, 7 ; 28, 4 ; VIII, 5, 2 ; 6, 1.

[153] César, VI, 3, 4 ; VII, 37, 1 ; 58, 38.

[154] Menestrier, Éloge historique de la ville de Lyon, 1669, p. 3 et s., etc. ; de Colonia, Hist. litt. de la ville de Lyon, I, 1728, p. 1-32, etc. ; Monfalcon, Hist. de la ville de Lyon, I, 1851, p. 3-50 ; Allmer et Dissard, Musée de Lyon, II, 1889, p. 136-156 ; Jullien, Le Fondateur de Lyon, 1892, p. 93-125 ; Hirschfeld, Corpus Inscr. Latin., XIII, 1899, p. 248-9 ; Steyert, Nouvelle Histoire de Lyon, I, 1895 ; Devaux, Étymologies lyonnaises, Lyon, 1900.

[155] Cf. t. I, ch. I, § XI, ci-dessus § I, et ch. XIV, § XIII et XVII.

[156] Rapportée dans le traité De fluviis, 6, 4, attribué à Plutarque, et empruntée au livre 13 des Fondations de villes (Κτίσεων) de Clitophon (Geogr. Gr. min., II, p. 644). Que cette tradition renferme des éléments indigènes, cela résulte des noms propres, Μώμορος, Άτεπόμαρος, qui sont celtiques ; qu’elle ait été formée par les Allobroges, cela me paraît résulter du De fluviis, 6, 1, qui précède ce passage, et où il est dit que la Saône rejoint le Rhône κατά τήν χώραν τών Άλλοβρόγων.

[157] Il n’est peut-être pas inutile de remarquer que, si l’on s’en tient à la leçon du manuscrit, le lieu se serait appelé Λούσδουλος avant de recevoir le nom de Λούγδουλον.

[158] Forme primitive : Dion Cassius, XLVI, 50, 5 ; C. I. L., X, 6087.

[159] Heiricus, Vita Germani, IV, 297-8 (éd. Traube, Mon. Germ. hist.)

Lugduno celebrant Gallorum famine nomen

Impositum quondam, quod sit mons lucidus idem.

[160] Le premier sens n’est pas douteux : outre les textes cités quatre notes plus haut, et ka note précédente : Acta sanctorum, 1er nov., I, p. 166 ; Sigebert, Vita Deoderici, Scriptores, IV, p. 477, Pertz ; Glossaire d’Endlicher, Chronica minora, I, p. 613 (Mon. Germ. hist.) ; Holder, l. c. 1373. L’autre sens, qui en dérive peut-être, résulte de ce que ce mot n’est employé que pour des villes, dont quelques-unes en plaine ; Zeuss, Grammatica, p. 52.

[161] Vidi duobus inminens fluviis jugum, quod Phœbus ortu semper obverso videt, dit de Lyon Sénèque, De morte Claudii, 7, 2.

[162] Cf. le grec λύκος, nom d’oiseau qu’on croit être le choucas ou la chouette. Mais je ne trouve ce nom que chez Aristote (Hist. anim., IX, 24), dans un passage qui n’est pas clair (cf. édit. Schneider, p. 167-8).

[163] Remarquez : 1° le médaillon représentant le Génie de Lyon et la colline surmontée du corbeau (Déchelette, Vases céramiques, II, p. 270-4) ; 2° plombs et monnaies de Lyon avec le corbeau (Dissard, Collection Récamier, Cat. des plombs antiques, 1903, n° 659 et 1679 ; Cabinet des Méd., 4660-4) ; 3° l’association fréquente du corbeau à la corne d’abondance, et Lyon appelé Copia (Allmer et Dissard, Musée de Lyon, II, p. 147-154 ; de La Tour, Ac. des Inscr., C. r., 1901, p. 82 et s.). — Sur le corbeau, t. I, ch. V, § IX. — Peut-être y a-t-il quelque rapport entre ce corbeau de Lyon et la peuplade des Brannovices, les Fils du Corbeau, qui n’habitaient pas loin.

[164] Allmer (Musée, II, p. 154) accepte l’étymologie donnée par le De fluviis ; Devaux (p. 43), d’accord avec d’Arbois de Jubainville (Cycle mythologique, 1984, p. 489), songe à la ville du dieu Lug.

[165] De même (De fluviis, 6, 1), la fable de la Saône appelée d’abord Brigoulos, puis, à la suite de la mort d’Arar, de ce dernier nom, rappelle celle du Tibre, appelé Albula, puis recevant son nom de Tiberinus, qui s’y noie (Tite-Live, I, 3, 8).

[166] Cela résulte aussi de De fluviis, 8, 1. Je suppose que le fait s’est passé au temps de la domination des Arvernes, qui étaient associés aux Allobroges (Tite-Live, Épitomé, 61). Sur les forteresses frontières, cf. ch. II, § VII.

[167] Je suppose, après les victoires des Romains sur Arvernes et Allobroges : les Romains laissèrent Lyon en dehors de leur province. Sur la limite du territoire des Allobroges au sud de Lyon, cf. ch. II, § VII.

[168] Cf. César, I, 10, 3 ; VII, 63, 3 ; 73, 2.

[169] Voyez, pour tous ces noms, Holder, et cherchez les mots similaires qu’il énumère.

[170] Le grand gué ?, Javols, au passage du Triboulin ; Holder, I, c. 146. Cf. Limoges.

[171] Holder, t. II, r. 790-2. On a attribué à -rate le sens de fabrique ou d’exploitation : Argentorate = l’argentière (Strasbourg) : contra, Holder, I, c. 211 ; Carpentorate (Carpentras) = la fabrique de carpenta ?

[172] Nous donnons le nom primitif ; les mss. de César hésitent entre Metiosedum, Metlosedum et Meclodunum, Mellodunum (la forme récente). César, VII, 58, 3 et 6 ; 60, 1 ; 61, 5 (édit. Meusel, 1894) ; C. I. L., XIII, 3012 ; cf. Vendryès, Le nom de Melun, 1904 (Mém. de la Soc. de Linguistique, XIII). Sedum = sedes ?

[173] César, III, 1, 4 ; 2, 1 ; 6, 4. Durus ou durum désigne un village ouvert, et c’est l’équivalent de vicus. Le sens du premier terme n’est pas certain ; on a proposé étroit, Holder, II, c. 831.

[174] César, VIII, 32, 2 (egregie natura loci munitum).

[175] 5 sur 28 noms de localités nommées par César dans la Gaule indépendante. Les deux mots qui entrent le plus dans la composition de villes gauloises sont ceux de –dunum = oppidum et de –magus = forum ; et après, je crois, de -durus = vicus.

[176] Bulliot, Fouilles du mont Beuvray, 2 v., 1899 ; Déchelette, L’oppidum de Bibracte, [1903].

[177] Il me semble bien qu’au mont Beuvray la presque totalité des constructions en pierre autres que le rempart, sont postérieures à l’arrivée de César (cf. Déchelette, p. 42). Cf. ch. VIII, § 16.

[178] Le point culminant de Gergovie est à 744 m. (carte de l’État-Major), de Bibracte ou du mont Beuvray a 822 m. (Déchelette, p. 23).

[179] Cf. César, VII, 36, 1.

[180] Cf. Bulliot, Fouilles, I, p. 25 et suiv.

[181] Cf. Hirtius, VIII, 40 et 41, notamment 41, 6 et 43, 5.

[182] Bulliot, Fouilles, I, p. III ; Déchelette, Bibracte, p. 30.

[183] Cf. de La Noë, p. 49 et suiv.

[184] Les 80.000 fantassins enfermés dans Alésia (VII, 71, 3 ; 77, 8) étaient ceux qui avaient combattu dans Gergovie (VII, 64, 2).

[185] VII, 71, 3 ; 77, 8 ; 71, 1.

[186] VII, 47, 5 ; 48, 3 ; 78, 3.

[187] On enterrait certainement dans l’enceinte de Bibracte. — Il est possible qu’en principe, le cimetière fût chez les Gaulois distinct et voisin du centre habité, et qu’à côté de chaque agglomération humaine s’étendit une agglomération funéraire correspondante et de même nature : ville, village et villa des vivants, ville, village et villa des morts. Remarquons toutefois que les plus nombreuses sépultures qu’on ait rencontrées ou fouillées, celles de la Marne et de la Haute-Saône, paraissent indépendantes de centres habités. Et d’autre part (remarque verbale de Clerc), nous ne trouerons pas, à côté des principaux oppida du Midi provençal, les vastes lieux de sépulture qu’on attendrait. Aurait-on conservé en Gaule, pendant un temps, l’usage de champs sacrés ou de cimetières collectifs, comme je crois qu’il y en eut à l’époque ligure ? — Cette question est à examiner de très prés : je ne connais aucune étude d’ensemble sur ce sujet.

[188] Cf. César, I, 23, t ; I, 38, t, 3 ; 39, 1 ; II, 32, 4 ; VI, 7, 4 ; VII, 55, 2 et 5 ; 55, 4 et 6 ; Strabon, IV, 1, 13 ; Bulliot, Les Fouilles du mont Beuvray, surtout I ; Déchelette, L’Oppidum de Bibracte, [1903]. Ne pas oublier que César a pu hiverner à Bibracte, VII, 90, 7 ; VIII, 2, 1 ; 4, 1.

[189] Cicéron, De provinciis consularibus, 12, 20 : Quid incultius oppidis ?

[190] De La Noë, p. 104.

[191] Saint-Hypolite, Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, a. 1841 (1842), p. 103 et suiv.

[192] Pulcherrimam prope totius Galliæ urbem, quæ præsidio et ornamento sit civitati, VII, 13, 4.

[193] D’après la hauteur de la terrasse de César, 80 pieds, dont moitié pour la partie qui couvrait la dépression entre la ville et le camp, VII, 24, 1 (cf. Jullian, Vercingétorix, p. 363) ; César, VII, 15, 5 et 17, 1.

[194] César, VII, 13, 4.

[195] Cf. César, I, 23, 1 ; VII, 55, 4 et 6 ; VII, 4, 2 ; VII, 15, 4.