1815

LIVRE I. — LA PREMIÈRE RESTAURATION

 

CHAPITRE IV. — L'ILE D'ELBE.

 

 

I

En France, on parlait sans cesse du prochain retour de l'empereur. A l'île d'Elbe, nul ne semblait y songer. Napoléon causait, écrivait, agissait comme s'il eût accepté en philosophe sa nouvelle destinée. — Mariez-vous ici, disait-il à Drouot, car désirant vous conserver auprès de moi, je tiens à vous voir contracter des liens qui vous attachent pour toujours à l'île d'Elbe[1]. Rien dans ses conversations, rapportées par Peyrusse, par Foresi, par Campbell, par Koller, par Vincent, par Litta, par lord Ebrington[2], rien dans sa conduite ne trahit une arrière pensée ; et à lire sa nombreuse correspondance de Porto-Ferrajo, où il n'est question que de l'administration, des finances, des routes, des bâtiments et des fortifications de l'île[3], il semble que Napoléon comptait user le reste de sa vie dans cet empire de huit mille hectares.

Débarqué le 4 mai, aux acclamations des habitants[4], dès le 7, Napoléon avait parcouru à cheval l'île tout entière, visité les mines et les salines, inspecté les ouvrages de défense, et il s'occupait d'organiser ses nouveaux Etats[5]. Son indicible activité, si péniblement contenue pendant le séjour à Fontainebleau, trouva son emploi à cette œuvre dont au temps de sa puissance il eût chargé un garde champêtre.

Sous la domination française, l'île d'Elbe formait une sous-préfecture du département de la Méditerranée (chef-lieu : Livourne). Napoléon transforma le sous-préfet Balbi en intendant de l'île, fit Drouot gouverneur et institua son trésorier des voyages, Peyrusse, trésorier général et payeur général. Ainsi, Balbi avait l'intérieur, Drouot, la guerre, Peyrusse les finances. Avec le grand-maréchal du palais, Bertrand, qui était comme le ministre d'Etat, ils formaient le conseil de ce royaume lilliputien. Napoléon créa une cour d'appel, car depuis 1808 le tribunal ressortissait à la cour de Florence. Il nomma un inspecteur des ponts-et-chaussées, un directeur des domaines, un inspecteur aux revues, un fournisseur des vivres. Pons de l'Hérault, directeur des mines de l'île, en conserva l'administration. Cambronne eut le commandement de Porto-Ferrajo[6].

Trois bataillons du 35e de ligne et un du régiment colonial italien tenaient garnison dans l'île avant l'arrivée de Napoléon. Il fit savoir qu'il accepterait les sous-officiers et soldats qui voudraient rester à son service et constitua ainsi le noyau d'un bataillon désigné sous le nom de 1er bataillon ou Bataillon de chasseurs ou Bataillon Corse ; il fut complété à 400 fusils, au moyen d'hommes recrutés en Toscane et surtout en Corse[7]. Un deuxième bataillon, dit Bataillon franc ou Bataillon de l'île, d'un effectif de 400 hommes, fut organisé avec les miliciens elbois[8]. Napoléon attendait en outre un escadron de chevau-légers polonais licenciés du service de France et le détachement de la vieille garde que le traité de Fontainebleau l'autorisait à avoir à l'île d'Elbe. Ces troupes débarquèrent le 28 mai. Les grenadiers et chasseurs formèrent un bataillon de 607 hommes (officiers compris), appelé le Bataillon Napoléon. Les Polonais, qui comptaient parmi eux quelques mamelucks et chasseurs à cheval de la garde, furent répartis en deux compagnies, l'une à cheval, de 22 hommes, l'autre à pied, de 96 hommes, celle-ci destinée au service des pièces. Le chef de bataillon Manet, promu colonel, eut le commandement des grenadiers et chasseurs ; le major Jermanowski, celui des deux compagnies polonaises. 43 canonniers de la garde, 21 marins de la garde, un peloton de vétérans, trois brigades de gendarmerie complétaient cette petite armée, forte d'environ 1600 hommes[9]. Les soldats conservèrent l'uniforme français mais ils prirent la cocarde elboise, blanche et rouge, semée d'abeilles d'or, — des abeilles qui piqueront un jour, écrivait un grenadier[10]. Napoléon avait adopté pour ses nouvelles armes un ancien écusson de l'île, datant de Cosme Ier : d'argent à la bande de gueules chargée de trois abeilles d'or[11].

Le brick l'Inconstant, de 16 canons, cédé par la France en vertu du traité de Fontainebleau, l'espéronade la Caroline, armée d'un canon de fonte, les deux felouques l'Abeille et la Mouche, appartenant aux mines de Rio, le demi-chebec l'Étoile, acheté par l'empereur 8.822 francs, et un grand canot constituèrent la marine de guerre. L'enseigne de vaisseau Taillade, qui s'était marié à Porto-Longone et qui fut promu lieutenant, eut le commandement de cette flottille montée par 129 hommes d'équipage[12].

Ce sera l'île du Repos, avait dit Napoléon en débarquant[13]. Or, au moins pendant les six premiers mois, il déploya une activité presque fébrile. Obéissant à son génie organisateur qui le poussait à mettre sa marque partout où il passait, il voulut transformer l'île d'Elbe. Il réorganisa la douane, l'octroi, l'enregistrement, leva les droits d'entrée sur les blés, sauf sur ceux à consommer dans Porto-Ferrajo, afferma à nouveau les salines et les madragues. Il établit un lazaret, réunit l'hospice à l'hôpital militaire, construisit un théâtre, augmenta les fortifications, répara les casernes, planta de la vigne, s'occupa de l'acclimatation des vers à soie, encouragea les défrichements en distribuant des terres, assainit et embellit la ville, qui fut pavée, pourvue d'eau et entourée d'allées de mûriers. A deux lieues marines au sud-est de l'île se trouve l'îlot de Pianosa. L'empereur en prit possession, le fortifia et y mit une garnison de trente hommes avec cinq bouches à feu. C'était un poste militaire, mais l'empereur projetait aussi de peupler cet îlot et de le fertiliser par de grands travaux d'irrigation. Le plan d'un village fut même dressé, et Napoléon nomma le curé de la future paroisse. — L'Europe, dit-il en riant, va m'accuser d'avoir déjà fait une conquête. Dans l'île, les routes étaient rares et mauvaises. Il les fit réparer, élargir et en fit ouvrir cinq nouvelles. Il établit une rampe carrossable à la place de l'escalier accédant au sommet de Porto-Ferrajo. Les gens du pays et les soldats de la garde étaient employés à ces divers travaux[14]. Le grand plaisir de Bonaparte, lit-on dans les rapports adressés de l'île d'Elbe à Paris, est d'ouvrir les chemins, Il aime les hommes utiles et a admirablement traité un maître jardinier et un maître maçon vêtus sordidement. Il ne les lâchait plus et les accablait de questions. Il emploie ses soldats à démolir des murs. Ils ne sont pas contents et disent qu'ils ne veulent pas faire le métier de maçon. Il les appelle grognards et malgré tout les fait travailler[15].

En effet, les grognards grognaient un peu, car ces Français s'ennuyaient sur ce rocher italien dont ils disaient : C'est un fameux refuge pour un renard. Mais ils prenaient leur mal en patience grâce à leur idolâtrie pour le Petit Caporal. L'empereur passait parfois six heures de suite au quartier, touchant les literies, goûtant la soupe, le pain, le vin, causant familièrement avec les hommes, et se montrant toujours, selon sa coutume, sévère pour les officiers et bienveillant pour les hommes[16]. Il avait acquis des vignes dans l'île. En voyant les raisins mûrir, il dit à Peyrusse : — Mes grognards les vendangeront avant moi. Les soldats n'y manquèrent pas. Quand ils savaient qu'une vigne était à l'empereur, ils la regardaient comme à eux et y maraudaient sans scrupule. Un jour, l'empereur rencontra cinq ou six grenadiers qui regagnaient la caserne Saint-François avec une provision de raisin : — D'où venez-vous ainsi ? dit-il en affectant un air sévère. — Sire, nous revenons de Saint-Cloud. Le mot courut la garnison, et les soldats n'appelèrent plus que Saint-Cloud le petit domaine de San-Martino[17].

Chaque jour, l'empereur faisait de longues courses à cheval, des promenades en mer, de rudes ascensions. On dirait, écrit Campbell, que Napoléon veut réaliser le mouvement perpétuel. Il prend plaisir à fatiguer tous ceux qui l'accompagnent dans ses excursions. Je ne crois pas qu'il lui soit possible de s'asseoir pour écrire, tant que sa santé lui permettra les exercices du corps. Hier, après une promenade à pied par un soleil ardent, qui a duré de cinq heures du matin à trois heures de l'après-midi, et après avoir visité les frégates et les transports, il est monté à cheval pendant trois heures encorepour se défatiguer, m'a-t-il dit ensuite[18]. Ainsi, Napoléon ne pense pas à tenir sa promesse de Fontainebleau aux soldats de la vieille garde d'écrire les grandes choses qu'ils ont faites ensemble. Cela sera l'œuvre du prisonnier de Sainte-Hélène. Le souverain de l'île d'Elbe est encore trop homme d'action pour écrire autre chose que des ordres. Il commande, il organise, il construit, il inspecte, il marche, il monte à cheval, cherchant à s'étourdir et à oublier dans cette agitation incessante qui lui donne l'illusion de l'action.

Ce besoin de mouvement, cette difficulté de tenir en place expliquent la multitude des habitations de l'empereur à l'île d'Elbe. Descendu à l'Hôtel de Ville, il avait aussitôt choisi comme résidence la Palazzina des Mulini, située dans la ville haute, entre le fort Stella et le fort Falcone. Cette maisonnette fut réparée, surélevée d'un étage et augmentée au rez-de-chaussée d'une grande pièce pouvant servir à la fois de salle de spectacle et de galerie de fêtes. En même temps, l'empereur fit aménager à son usage le château de Porto-Longone. Pourvu à la ville, il s'occupa de sa résidence d'été. Il acheta dans une jolie vallée une grange appelée San-Martino, qui fut tant bien que mal transformée en maison de campagne. Le salon fut décoré de peintures à fresques, représentant des vues d'Egypte dans la manière de Hubert Robert. L'empereur voulut aussi un pied-à-terre près des mines de Rio. Puis au cours d'une excursion au mont Capanna, le point le plus élevé de l'île (800 mètres d'altitude), il s'arrêta sous une châtaigneraie séculaire, non loin de la petite église de la Madone de Marciana. Séduit par le site, il ordonna d'y construire un bâtiment fort simple mais assez vaste, composé de cinq pièces d'enfilade et d'une cuisine en retour. Il y habita du 23 août au 4 septembre. Le 18 septembre, il acquit l'isthme du cap Stella, au sud de l'île, pour en faire un parc de chasse qui devait être fermé à sa base par un mur de trois cents toises sur cinq pieds de hauteur[19].

Les nominations et décrets faits par Napoléon portaient : Napoléon empereur et souverain de l'île d'Elbe, avons décrété et décrétons...[20] Il avait une armée, une flotte, des domaines. Il se crut obligé d'avoir aussi une cour. Il adjoignit au grand-maréchal, deux fourriers du Palais, quatre chambellans et six officiers d'ordonnance elbois. Chaque soir, aux Mulini, on jouait au reversi. Parfois il y avait cercle, et le colonel Campbell était choqué dans sa fierté aristocratique de reconnaître parmi les cinquante ou soixante femmes présentes une couturière de Porto-Ferrajo qui avait raccommodé ses uniformes. La troupe du nouveau théâtre se composait de comédiens amateurs, dames de l'île ou de passage et officiers de la garde ; la musique des grenadiers faisait l'orchestre. En janvier et en février, il y eut six grands bals, dont trois masqués, au palais et au théâtre. L'empereur avait réglé lui-même l'ordonnance de ces réceptions dans les plus petits détails. Les invitations, écrivait-il, doivent s'étendre sur toute l'île sans cependant qu'il y ait plus de deux cents personnes, maximum de ce que peut contenir la salle. En supposant qu'il y ait plus de deux cents personnes à inviter dans l'île, il faudrait faire deux séries... Les invitations seront faites pour neuf heures. Il y aura des rafraîchissements sans glaces, vu la difficulté de s'en procurer. Il y aura un buffet qui sera servi à minuit. Il ne faudrait pas que tout cela coûtât plus de mille francs[21].

Madame mère, puis la princesse Pauline avaient rejoint l'empereur, la première le 2 août, la seconde le 30 octobre[22]. Ces deux princesses, le grand-maréchal et madame Bertrand, Drouot, Cambronne, le colonel Mallet, le major Jermanowski, le directeur des domaines Lapi et sir Neil Campbell, le commissaire anglais, formaient la société habituelle de Napoléon. De nombreux visiteurs venaient sans cesse rompre la monotonie d'un commerce continu avec les mêmes personnes. C'étaient des officiers de l'escadre anglaise de la Méditerranée, des gentilshommes italiens comme le comte Litta, des pairs d'Angleterre comme lord Douglas, lord Ebrington, lord Bentinck, des touristes de tous les pays comme le Norvégien Knudtzon et le conseiller d'Etat prussien Klamproth. C'était aussi une foule d'aventuriers des deux sexes, inventeurs de villages en bois pour la colonisation de la Pianosa, conspirateurs de Gênes, de Milan, de Bologne, offrant de faire insurger l'Italie, intrigants porteurs de nouvelles pour l'empereur et prêts à l'espionner au profit de qui les voudrait payer, comtesses jersiaises, grandes dames romaines, belles phanariotes, aussi jalouses d'obtenir les faveurs de Napoléon que s'il fût encore aux Tuileries[23]. Afin de rendre son île hospitalière, Napoléon donna l'ordre d'établir à Porto-Ferrajo une bonne auberge avec une vingtaine de lits de maître[24]. Ce n'était pas trop, car dans un de ses rapports, l'espion que Mariotti, consul général de France à Livourne, entretenait à l'île d'Elbe signalait pour un seul jour l'arrivée de cent passagers[25].

Dans cette multitude de visiteurs, les Français, généralement d'humeur peu voyageuse et retenus en outre par la difficulté d'obtenir et même de faire viser des passeports pour l'île d'Elbe, étaient les moins nombreux. Il venait surtout des Italiens et des Anglais, les premiers par intérêt, les seconds pour satisfaire tin sentiment de curiosité admirative. Les Anglais, écrivait Mariotti, ont une vive admiration pour Napoléon. Ils ont acheté à Florence tous ses bustes en albâtre. Tous les capitaines anglais ont son portrait dans leur cabine[26]. L'empereur tenait l'Angleterre pour la plus redoutable des ennemies de la France. De là était née sa haine ardente contre cette puissance. Mais ce sentiment, par sa violence même, impliquait qu'il reconnaissait la grandeur, la force et l'énergie terrible et superbe du peuple anglais. Napoléon était le moins vindicatif des hommes. Empereur, il avait combattu les Anglais par tous les moyens et, avec un sauvage acharnement. A l'île d'Elbe, il ne songeait pas à leur garder rancune d'avoir précipité sa chute, et la curiosité ; l'admiration, les hommages des citoyens de la nation qu'il regardait comme la première du monde, après la France, flattaient son juste orgueil. Les Anglais étaient donc les bienvenus. Il les invitait à sa table et leur rendait encens pour encens. Il vantait leur marine, leur armée, leur parlement, leurs orateurs et leurs hommes d'Etat ; il exaltait leur aristocratie respectable et puissante, la fermeté et la conscience de leurs politiques qui ne changent jamais d'opinion, se proclamait sujet anglais puisqu'il habitait une île et que l'Angleterre possédait toutes les îles. Il demandait à Campbell une grammaire anglaise, s'inquiétait s'il ne serait pas lapidé par le mob de White-Chapel au cas où il viendrait à Londres, et se montrait disposé à accepter comme pis-aller de finir ses jours en Angleterre. Il appelait son canot de plaisance : Usher, du nom de son bon ami le capitaine de l'Undaunted, et, le 4 juin, il assista à bord d'un bâtiment anglais à une fête donnée pour l'anniversaire de la naissance de Georges III[27].

Le colonel Campbell était admis dans l'intimité de l'empereur. Cet officier, l'un des quatre commissaires chargés de conduire Napoléon de Fontainebleau à Fréjus, avait été spécialement désigné, avec le général autrichien Koller, pour le suivre jusqu'à l'île d'Elbe afin de lui faciliter les moyens d'installation[28]. Koller quitta l'île d'Elbe le 14 mai. Une dizaine de jours après, Campbell fit savoir au grand-maréchal qu'il était prêt à partir si Napoléon ou tout autre attribuait son séjour dans l'île à quelque motif inavoué. Aux termes du traité de Fontainebleau, l'empereur devait être libre et maître dans son île, et Campbell n'avait point pour mission — du moins pour mission officielle — de le surveiller. Bertrand ayant répondu à Campbell que l'empereur croyait sa présence encore utile, indispensable même et toujours agréable, le commissaire anglais ne se contenta pas de ces paroles. Il exigea un écrit. En conséquence, Bertrand lui adressa le 27 mai une Note se terminant par ces mots : Je ne puis que réitérer au colonel Campbell combien sa personne et sa puissance sont agréables à l'empereur Napoléon. C'est ainsi que Campbell resta à File d'Elbe où, désormais assuré de n'être plus suspect à Napoléon, il ne manqua pas d'informer le Foreign Office, avec la plus grande conscience, de toutes ses actions et de toutes ses paroles[29].

L'insistance de l'empereur à retenir Campbell s'explique par plusieurs raisons. Il se sentait abandonné dans son île, privé de toute relation diplomatique avec l'Europe. Or, telle ou telle circonstance pouvait survenir où il eût besoin d'un intermédiaire auprès des puissances. Campbell était dans sa pensée désigné pour remplir ce rôle. En outre, l'empereur appréhendait quelque entreprise contre l'île et contre lui-même, soit des corsaires barbaresques, soit de l'Espagne. qui n'avait pas été appelée à ratifier le traité de Fontainebleau, soit du gouvernement français qui, encore qu'il l'eût ratifié, était bien capable de ne point l'exécuter. La présence d'un commissaire anglais lui paraissait une sauvegarde. Sans doute, pour s'assurer cette intervention éventuelle, il s'astreignait à une surveillance de tous les instants ; mais ne savait-il pas qu'à défaut d'un soldat comme Campbell, il y aurait dix agents secrets pour l'espionner. En acceptant de bonne grâce un surveillant plus ou moins officiel, en le priant même de rester auprès de lui, il prenait le meilleur moyen pour calmer les défiances des Alliés.

 

II

Pendant les premiers mois, Napoléon crut à la venue de l'impératrice et de son fils. Il comptait que Marie-Louise habiterait tour à tour Parme et l'île d'Elbe[30]. L'hypothèse d'une séparation n'ayant même pas été énoncée au cours des négociations de Fontainebleau, il semblait implicitement convenu que l'abdication ne pouvait, sous aucun prétexte, priver l'empereur de ses droits d'époux et de père. Des appartements furent préparés pour Marie-Louise au palais des Mulini, et l'empereur indiqua ce sujet au peintre chargé de décorer l'un des plafonds de San-Martino : deux pigeons attachés à un même lien dont le nœud se resserre à mesure qu'ils s'éloignent[31]. Il donna l'ordre de ne point tirer les feux d'artifice du 15 août, et de les conserver pour l'arrivée de l'impératrice qu'il attendait dans les premiers jours de septembre[32]. Cette croyance était partagée par l'entourage de l'empereur et par tous les Elbois[33], si bien qu'une jeune femme accompagnée d'un enfant de quatre ou cinq ans ayant débarqué mystérieusement le 1er septembre dans la baie de Marciana et étant restée deux jours enfermée à la Madone avec l'empereur, personne ne douta que ce ne fût Marie-Louise. Les habitants préparèrent des illuminations, les canonniers attendaient l'ordre de tirer une salve. Ce fut un rêve, dit Peyrusse. L'empereur revint seul de Porto-Ferrajo. II avait reçu la visite de la comtesse Walewska[34].

A Fontainebleau, l'empereur, se plaignant aux commissaires alliés de n'avoir pas déjà Marie-Louise auprès de lui, disait qu'il était sûr qu'elle aussi désirait le rejoindre[35]. C'était vrai. A ce moment Marie-Louise comptait suivre la destinée de Napoléon. — Ma place est auprès de l'empereur, disait-elle. Je veux le rejoindre. Je me trouverai bien partout où je serai avec lui[36]. Mais déjà les puissances avaient disposé d'elle et de son fils. Napoléon était encore trop populaire en France pour qu'on ne voulût pas supprimer sa dynastie. A file d'Elbe, le fils de Marie-Louise serait le prince impérial ; à Vienne, on ferait de lui, s'il vivait, un duc autrichien ou un évêque[37]. Dès le 8 avril, le comte Schouvalotf, commissaire des Alliés, fut envoyé à Blois bien moins pour protéger l'impératrice que pour s'assurer de sa personne[38].

Par un reste de respect humain, l'empereur d'Autriche, c'est-à-dire Metternich, son tout-puissant conseiller, recula devant le scandale d'une séparation ou d'un divorce imposés. Il préférait amener Marie-Louise à abandonner Napoléon d'elle-même. Afin d'éviter une première révolte de sa paré, qui eût traversé ce beau projet, on prit garde de ne point lui signifier tout de suite qu'elle ne reverrait pas son mari. On temporisa, on mit en avant divers prétextes, on usa graduellement le peu de volonté qui pouvait être en elle. Corvisart lui avait conseillé les eaux d'Aix. Quand il vint la voir à Rambouillet, l'empereur d'Autriche lui persuada qu'au lieu d'aller directement à Parme ou à l'île d'Elbe, elle ferait bien de se rendre d'abord à Vienne, près de sa famille, et d'y attendre la saison des eaux[39]. Après avoir beaucoup pleuré, Marie-Louise partit pour l'Autriche. Mais pendant ce voyage et pendant son premier séjour à Schönbrunn, elle écrivit plusieurs fois à Napoléon[40], et dès la fin de mai elle réclama l'exécution de la promesse qui lui avait été faite d'aller aux eaux d'Aix, et, de là à Parme et à l'île d'Elbe[41]. On l'invita à différer son départ jusqu'au retour de l'empereur d'Autriche. La reine Caroline des Deux-Siciles, la grand'mère de Marie-Louise, se trouvait alors à Vienne. Bien qu'elle eût voué une haine ardente à Napoléon, elle était indignée de ces manœuvres : — Quand on est mariée, c'est pour la vie, disait-elle. Si j'étais à la place de Marie-Louise, j'attacherais les draps de mon lit à une fenêtre et je m'échapperais[42]. Mais Marie-Louise ne savait que pleurer.

Au mois de juin, l'empereur d'Autriche ne crut pas pouvoir refuser plus longtemps le voyage à Aix. Toutefois, comme on se défiait encore des sentiments de Marie-Louise, il fut décidé qu'elle laisserait son fils à Schönbrunn et qu'elle aurait auprès d'elle un chambellan autrichien pour lui servir de conseil. François Pr, qui ne pensait pas à mal, avait désigné le vieux prince Esterhazzy ; mais Metternich, mieux avisé, choisit le général comte Neipperg[43].

Neipperg, dit Méneval, avait pour mission de faire oublier à l'Impératrice la France, et par conséquent l'Empereur[44]. Il y réussit bien, prenant à la lettre, sans nul scrupule, ses instructions secrètes de pousser les choses jusqu'où elles pourraient aller[45].

— Et que m'ordonnez-vous, seigneur, présentement ?

— De plaire à cette femme et d'être son amant.

Ce n'était pas cependant que Neipperg parût destiné à ce rôle par ses avantages physiques. Agé de quarante-deux ans, d'une taille moyenne, les cheveux blonds et rares, le visage sillonné de rides, le teint rouge et hâlé, il avait eu l'œil crevé par un coup de feu et portait sur le front un bandeau noir pour cacher cette cicatrice. Mais ce soldat qui ne s'était pas épargné à la guerre — cette blessure et trois ou quatre autres l'attestaient — était en même temps un diplomate et un homme de cour. Ministre à Naples en 1813, c'était lui qui avait entraîné Murat à s'allier avec l'Autriche. Dans le monde, qu'il aimait et dont il avait l'usage, il comptait de nombreuses bonnes fortunes. Soigné de sa personne, fort élégant dans son uniforme de hussard hongrois, il possédait au suprême degré la distinction et le charme des manières. Il composait son attitude de gravité et de bienveillance, parlait avec grâce, d'une voix mâle, chaude, caressante, et se montrait empressé à plaire. Il était cavalier remarquable et excellent musicien[46].

Quand Neipperg se présenta à Marie-Louise, à deux postes d'Aix, il lui fit une impression déplaisante qu'elle ne dissimula pas. Pendant les premiers temps elle ne le vit qu'en audience officielle, réservant son intimité pour Méneval, Bausset, mesdames de Brignoles et Hurault de Sorbée, qui faisaient partie de sa suite, et pour les Français qui venaient en assez grand nombre lui rendre visite dans cette ville restée française. Elle reçut la duchesse de Montebello, Corvisart, Isabey, Talma, le comte de Cussy, d'autres encore, et très vraisemblablement on lui fit des ouvertures pour une restauration de Napoléon II avec elle comme régente[47]. Ces propositions ne pouvaient qu'effrayer Marie-Louise, qui, sans aucun doute, répondit aux émissaires de Paris de façon à leur ôter tout espoir. Elle n'envisageait plus qu'avec effroi les grandeurs, les émotions et les dangers du trône impérial. Tous ses désirs tendaient maintenant à la modeste souveraineté de Parme où elle vivrait bourgeoisement, selon ses goûts, élevant son fils et allant chaque année passer plusieurs mois avec son mari. Le 15 août, elle écrivit à Méneval : Comment puis-je être gaie, quand je suis obligée de passer cette fête, si solennelle pour moi, loin des deux personnes qui me sont les plus chères ?[48] Pendant le séjour à Aix, plusieurs lettres furent échangées entre Marie-Louise et l'empereur, et elle reçut même un envoyé de lui, Hurault de Sorbée, capitaine au Bataillon Napoléon et mari d'une de ses darnes d'annonce[49]. Elle espérait bien ne pas retourner dans son exil de Schönbrunn, selon son expression, et sa saison d'eaux s'avançant, elle écrivit à l'empereur d'Autriche de l'autoriser à se rendre à Parme. Metternich, puis François Ier répondirent que les circonstances politiques ne permettant pas encore qu'elle prît possession du duché, elle devait revenir à Schönbrunn pour y attendre la clôture du congrès. Marie-Louise se résigna[50].

D'ailleurs, en l'absence de Méneval, Neipperg était parvenu à faire revenir l'impératrice de ses préventions et avait peu à peu gagné sa confiance et son amitié. Les nouveaux sentiments de Marie-Louise prirent plus de force encore pendant son voyage d'Aix à Vienne, que Neipperg sut faire durer tout le mois de septembre et dont il profita pour se trouer sans cesse auprès de la jeune femme. Si en arrivant à Schönbrunn, Neipperg n'était pas encore l'amant de Marie-Louise, il avait porté le trouble dans son cœur et étais maître de sa pensée. L'intrigant Autrichien devait achever deux mois plus tard cette très agréable et très profitable conquête en s'employant ardemment à faire obtenir à l'ex-impératrice, par l'intervention du czar, la souveraineté des états de Parme[51].

C'est d'Aix que Marie-Louise envoya ses dernières lettres à Napoléon[52]. Pendant son voyage à travers la Suisse et le Tyrol, elle n'eut point l'occasion de lui écrire — grâce à Neipperg, elle n'en eut peut-être pas le désir — et quand elle fut de retour à Schönbrunn, Metternich lui arracha la promesse de cesser personnellement toute correspondance avec l'île d'Elbe et même de remettre, sans les lire, à son père l'empereur d'Autriche, les lettres qu'elle pourrait recevoir de Napoléon[53]. Marie-Louise s'était transformée sous l'influence de l'homme à qui l'avait livrée la politique autrichienne. Bientôt, elle allait consentir à vendre son fils pour un duché. Elle allait avoir l'impudence de dire à Metternich, afin qu'il le répétât au congrès, qu'elle n'accepterait pas la souveraineté de Lucques parce que, à Lucques, elle serait trop près de Napoléon[54].

Informé par Méneval de la contrainte imposée à Marie-Louise, l'empereur ne put plus douter des intentions de la cour de Vienne que déjà les obstacles mis à sa correspondance avec sa femme lui avaient fait soupçonner[55]. A plusieurs reprises, il se plaignit avec amertume à Campbell de la conduite inhumaine de l'empereur d'Autriche : — Ma femme ne m'écrit plus, dit-il d'une voix tremblante d'émotion qui impressionna le commissaire anglais. Mon fils m'est enlevé comme jadis les enfants des vaincus pour orner le triomphe des vainqueurs. On ne peut citer dans les temps modernes l'exemple d'une pareille barbarie[56]. Telle était cependant chez l'empereur la ténacité des illusions qu'il ne désespérait pas. Il demanda à Campbell d'écrire à Castlereagh afin de savoir si les puissances et surtout l'Angleterre si juste et si libérale étaient d'accord avec l'Autriche pour le séparer de son fils et de sa femme. Il voulut faire parvenir une lettre à Marie-Louise par l'intermédiaire de lord Burghers. Des journaux ayant annoncé, au commencement de décembre, un prétendu voyage du général autrichien Koller à l'île d'Elbe, il crut que cet officier avait pour mission de lui parler de Marie-Louise. Le 28 décembre, dans une lettre à Bertrand sur des détails d'aménagement, Napoléon se laissait aller à écrire encore : Si l'impératrice et le roi de Rome venaient ici[57].

Aux chagrins de l'empereur s'ajoutaient des soucis d'un autre ordre. L'article III du traité de Fontainebleau portait qu'il serait donné à Napoléon un revenu annuel de deux millions de francs en rentes sur le grand-livre de France. Or, le cabinet des Tuileries ne paraissait nullement disposé à tenir cet engagement. Dans le courant de février, le czar et lord Castlereagh firent même à ce sujet de sérieuses représentations au prince de Talleyrand. Celui-ci répondit avec son imperturbable sérénité, qu'absent de Paris depuis cinq mois, il ignorait ce qu'il s'y passait et que d'ailleurs, vu l'agitation de l'Italie, il pourrait y avoir danger à fournir des moyens d'intrigue aux personnes disposées à en former[58]. Cependant, les revenus de Pile d'Elbe étant insuffisants[59], Napoléon ne pouvait se passer de la rente qui lui était assurée par le traité du 11 avril. Jusqu'ici, il avait pourvu aux dépenses avec l'argent sauvé des griffes du gouvernement provisoire. Mais ce petit trésor — reste du fameux trésor des Tuileries économisé sur la liste civile et dont les huit dixièmes avaient été employés à des dépenses de guerre — n'était pas inépuisable. Des 3.800.000 francs qu'avait l'empereur à son arrivée dans l'île[60], la moitié était dépensée quand il s'embarqua pour la France[61], et bien avant le mois de février, il avait prévu que dans un temps donné son trésor serait vide[62].

De l'ensemble des rapports secrets, envoyés de Porto-Ferrajo à Paris et à Vienne, il ressortait que Napoléon resterait dans son île tant qu'il aurait de l'argent pour y vivre[63]. L'inexécution par Louis XVIII des engagements pris envers l'empereur n'était donc pas seulement un manque de foi[64] ; c'était une imprudence. A la vérité, le gouvernement français avait toute raison de croire qu'avant que Bonaparte eût épuisé ses dernières ressources, il serait pourvu à son sort d'une façon définitive.

A Vienne, Talleyrand et Castlereagh s'entendaient pour la déportation de Napoléon dans une île de l'Océan. Ce projet n'était un secret pour personne. On en parlait dans les salons, dans les journaux, dans les lettres particulières. Louis XVIII devait abandonner sans trop de déplaisir son Horace ou son Virgile pour lire ces extraits de correspondance de Londres que le Cabinet noir lui communiquait : Le sort de Buonaparte est décidé. On va l'envoyer à Sainte-Lucie. Il est dommage qu'on ne l'envoie pas à Botany Bay. — Ce n'est pas à la Trinité, comme le disent les journaux, que l'on transportera l'Ogre corse, parce que l'île est salubre et assez jolie, tandis que le climat de Sainte-Lucie purgera bientôt le monde de notre ami Buonaparte[65]. Sans doute, l'exécution de cette mesure de salut public était ajournée à la clôture du congrès, et, de plus, le czar n'y avait pas donné encore son assentiment. Mais au cas où il le refuserait, et où l'Angleterre, la France et l'Autriche ne passeraient pas outre à ses représentations, plus d'un moyen resterait pour mettre l'empereur en lieu sûr. Il était question de l'envoi à l'île d'Elbe d'une escadre espagnole, l'Espagne prétextant qu'elle était encore en état de guerre avec Napoléon puisqu'elle n'avait pas ratifié le traité de Fontainebleau[66]. Au défaut de l'Espagne, les corsaires algériens pouvaient se charger, pour un bon prix à forfait, d'opérer une descente dans l'île. Déjà même le dey d'Alger avait signifié au consul d'Angleterre qu'ordre était donné à tous ses croiseurs de saisir les bâtiments naviguant sous le pavillon de l'île d'Elbe, ainsi que la personne du souverain de cette île, si l'occasion se présentait de s'emparer de lui[67].

D'autres projets étaient à l'étude. Mariotti, nommé par Talleyrand consul de France à Livourne, s'efforçait de bien mériter de son puissant protecteur. Il cherchait à gagner le lieutenant Taillade, commandant le brick l'Inconstant. Napoléon, écrivait, le 28 septembre, Mariotti à Talleyrand, va souvent à la Pianosa. On m'a assuré que n'ayant pas de logement dans cette île, il couche à bord. Il sera facile à Taillade de l'enlever et de le mener à l'île Sainte-Marguerite[68].

La prison aurait été bien, la tombe eût été mieux. Plus d'un pensait, en France et ailleurs, que c'était une très grande faute d'avoir laissé vivre Bonaparte, et on ne pourrait être tranquille tant que cet homme n'aurait pas six pieds de terre sur la tête[69]. Au mois d'avril, l'assassinat de l'empereur concerté à l'hôtel Talleyrand avait manqué par la faute de Maubreuil[70], mais il était loisible de réitérer l'entreprise. A Rome, des moines fanatiques se tenaient prêts à aller poignarder Napoléon[71]. Le 12 juin, le colonel de C. de B. écrivait de Toulon au comte d'Artois pour lui proposer de faire assassiner Buonaparte par des gendarmes de l'île d'Elbe avec lesquels il avait noué des intelligences[72]. Enfin, il y a des soupçons que Bruslart, l'ancien chouan nommé maréchal de camp par Dupont, s'était donné cette mission libératrice en venant prendre le commandement de la Corse[73].

Napoléon, qui pressentait ces trames, en avait l'esprit anxieux et le cœur ulcéré. Il ne se lassait pas de questionner Campbell : Avez-vous des nouvelles du congrès ?... Croyez-vous qu'on pense à me déporter ?... On ne trouvera rien qui puisse me compromettre chez les conspirateurs italiens.... On veut me faire assassiner ! Pendant une promenade avec Bertrand, Drouot et Campbell, il s'arrêta soudain et s'écria, comme se parlant à lui-même : — Je suis un soldat. Qu'on m'assassine, j'ouvrirai ma poitrine, mais je ne veux pas être déporté. Un autre jour, il dit au commissaire anglais. — Qu'on sache bien que jamais je ne consentirai à me laisser enlever. Il faudra faire brèche à mes fortifications[74]. Toutes les précautions étaient prises, en effet, contre une tentative d'assassinat ou un coup de main sur l'île. Les nouveaux débarqués devaient présenter leurs passeports à la Santé, puis à la Place, subir un interrogatoire, indiquer un répondant dans l'île ; ceux qui paraissaient le moins du monde suspects étaient rembarqués ou restaient sous la surveillance de la petite police elboise. Au mois de décembre, époque où l'empereur reçut un mystérieux visiteur qui lui apportait des nouvelles du congrès et où trois frégates françaises, la Néréide, la Fleur de Lys et la Melpomène, vinrent croiser dans les eaux de l'île, Porto-Ferrajo fut mis pour ainsi dire en état de siège. Les forts furent armés et approvisionnés, les garnisons augmentées, les canonniers exercés au tir à boulets rouges ; il y eut pour consigne de commencer le feu sur les navires de guerre s'ils entraient dans la rade en nombre supérieur à trois[75]. Les paisibles habitants de l'île d'Elbe redoutaient un bombardement. Ils désiraient d'ailleurs que Napoléon restât leur souverain, par ses façons simples et accueillantes pour les humbles, la vie nouvelle qu'il avait donnée à l'île, les travaux qu'il y avait faits, les nombreux visiteurs qu'il y attirait, enfin tout l'argent qu'il y dépensait le rendaient populaire. Le pays, dit Foresi, non sans quelque hyperbole, avait pris l'aspect d'une île fortunée[76].

A l'île d'Elbe, Napoléon ne cesse de répéter : Je veux désormais vivre comme un juge de paix... L'empereur est mort, je ne suis plus rien... Je ne pense à rien en dehors de ma petite île. Je n'existe plus pour le monde. Rien ne m'intéresse maintenant que ma famille, ma maisonnette, mes vaches et mes mulets[77]. A supposer que sa résignation soit sincère, son ambition morte, son âme rassérénée, et qu'il prenne au sérieux sa nouvelle devise inscrite dans la salle à manger de San-Martino : Napoleo ubicumque felix, il faut reconnaître que l'on fait tout pour réveiller en lui le lion endormi. Louis XVIII le laisse sans argent, l'empereur d'Autriche séquestre son fils, Metternich livre sa femme à un rufien de cour, Castlereagh veut le déporter, Talleyrand complote de le jeter dans une oubliette, d'autres songent à l'assassiner.

Est-ce à dire que si l'on avait servi à Napoléon la rente stipulée, qu'on lui eût rendu sa femme et son fils et qu'on eût assuré sa sécurité, il n'aurait pas tenté l'héroïque et fatale aventure qui aboutit à Waterloo ? Il est possible, après tout, que dans ces conditions l'empereur fût resté dans sa retraite, mais combien l'hypothèse est invraisemblable ! Les diverses violations du traité de Fontainebleau dont il eut à souffrir et celles, plus graves encore, que tout l'engageait à redouter lui servirent de prétexte pour son expédition. Mais elles n'en furent que les causes secondaires. La cause déterminante fut l'état de la France sous la restauration[78]. La cause première, ce fut que le petit souverain de l'île d'Elbe s'appelait Napoléon, et qu'il avait quarante-cinq ans.

 

III

Les visiteurs français et les lettres de France étaient rares à l'île d'Elbe, les polices du littoral s'opposant au passage de ceux-là et la poste interceptant celles-ci[79]. Mais l'empereur lisait les journaux de Paris et de Londres, le Nain jaune, le Censeur, le Morning Chronicle, si hostile aux Bourbons ; il faisait causer, dans les nombreuses audiences qu'il leur accordait, les Italiens et surtout les Anglais, dont il prisait davantage le jugement. Il se trouvait ainsi assez bien renseigné sur les fautes du gouvernement et l'état des esprits. Par Colonna d'Istria, agent de Murat qui avait un ministre à Vienne, par un certain Cipriani, maître Jacques employé à l'office et à la police, qui allait sans cesse aux nouvelles à Florence, par Campbell lui-même, il connaissait les intrigues et les divisions des puissances[80]. Louis XVIII discrédité, la France mécontente, l'Europe désunie et prête à s'entre-combattre, l'occasion était propice pour tenter une dernière fois la fortune. Il semble, en effet, que vers le mois de décembre, Napoléon commença à avoir la hantise d'un prochain départ. Campbell, jusque-là reçu avec empressement aux Mulini, crut s'apercevoir que l'empereur se dérobait à ses visites sous divers prétextes, comme s'il eût voulu échapper à sa surveillance. Le commissaire anglais en instruisit Castlereagh et ajouta que Napoléon ne lui avait pas dissimulé qu'il pourrait être rappelé en France par les circonstances. Mais, concluait Campbell, je n'en persiste pas moins dans mon opinion que si Napoléon reçoit la rente stipulée dans les traités, il restera ici parfaitement tranquille à moins d'un événement extraordinaire en Italie ou en France[81]. C'est dans ce même mois de décembre que Napoléon eut avec un sapeur de grenadiers cette courte conversation qui fit impression chez ses familiers : — Eh bien, grognard, tu t'ennuies ?Non, sire, mais je ne m'amuse pas trop, toujours. — Tu as tort, il faut prendre le temps comme il vient. Et lui mettant une pièce d'or dans la main, il s'éloigna en chantonnant : Ça ne durera pas toujours. Au mois de janvier, on put remarquer aussi que Napoléon ne tenait plus le même langage à ses soldats. En octobre, il avait dit tristement à ceux d'entre eux qui demandaient leur congé : — Vous voulez m'abandonner parce que je suis malheureux.... Que ceux qui veulent partir partent. Je ne retiens personne. Maintenant, il répondait aux mêmes demandes : — Patientez. Nous passerons ce peu de jours d'hiver le moins mal que nous pourrons. Puis nous songerons à passer le printemps d'une autre façon[82].

Mais ces paroles, bien qu'il ne lui en eût pas encore échappé de pareilles, sont de bien vagues présomptions des desseins de l'empereur. Si, dès la fin de 1814, il songea vraisemblablement à ce grand projet, jusqu'à la mi-février 1815 il ne s'en ouvrit à personne et ne prit aucune mesure préparatoire. Ni les officiers et les serviteurs de Napoléon, ni le colonel Campbell et les espions aux aguets à l'île d'Elbe ne soupçonnèrent rien[83]. La réconciliation, d'ailleurs peu cordiale de part et d'autre, de Napoléon et de Murat, la correspondance entretenue assez régulièrement avec Naples, les allées et venues constantes d'Italiens plus ou moins suspects entre le continent et l'île, des rapports sur les ventes de Bologne, de Reggio, de Gênes, de Milan, où l'on préparait, disait-on, un soulèvement général de l'Italie aux cris : Liberté et Napoléon ! inspiraient bien quelques craintes pour le printemps, d'un débarquement de l'empereur sur les côtes de la Toscane ou des États romains[84]. Mais la faiblesse de ses ressources en hommes et en argent, l'impossibilité presque absolue où il se trouvait de communiquer avec Paris ou Toulon rendaient invraisemblable qu'il méditât sérieusement une entreprise contre Louis XVIII[85]. Le 14 février, Mariotti écrivait en toute quiétude : Napoléon reste enfermé dans ses appartements sans voir personne ; cela tient à ce qu'il craint les assassins envoyés de France et d'Italie. Dehouel, aide de camp de Bruslart, constatait aussi que Buonaparte paraissait fort tranquille depuis longtemps et semblait seulement s'inquiéter des projets des frégates anglaises et françaises en croisière autour de l'île. Quand, le 16 février, le colonel Campbell s'embarqua afin d'aller passer huit jours à Florence, il était bien loin de se douter qu'il eût vu Napoléon pour la dernière fois[86].

Le commissaire anglais, il est vrai, ignorait le 16 février que le 12 ou le 13, un Français déguisé en matelot eût abordé dans l'île sur une petite felouque de Lerici. C'était Fleury de Chaboulon[87].

Auditeur au Conseil d'Etat, sous-préfet de Château-Salins jusqu'en janvier 1814, puis nommé sous-préfet de Reims quand cette ville fut reprise aux Pusses, Fleury de Chaboulon avait donné sa démission au retour des Bourbons. Resté fervent admirateur de Napoléon, il résolut, au commencement de 1815, d'aller à l'île d'Elbe, sans peut-être avoir d'abord d'autre pensée que de revoir son ancien souverain ou d'être employé auprès de lui. Mais les défections étaient alors si générales que le plus entier dévouement passé ne répondait pas de la fidélité présente. Malgré sa belle conduite pendant la campagne de 1814, où il avait gagné la croix et mérité d'être appelé par Ney l'intrépide sous-préfet, Fleury pouvait craindre que l'empereur ne le reçût point ou ne le reçût qu'avec défiance. Il s'adressa au duc de Bassano qu'il connaissait personnellement. C'était vers le milieu de janvier, au moment où les craintes d'une guerre d'intérêt dynastique, l'arbitraire de Soult, l'annonce des cérémonies expiatoires pour l'anniversaire de la mort de Louis XVI, l'équipée du curé de saint Roch, les prétendus projets de représailles des royalistes avaient porté l'irritation au plus haut degré, et où le complot ébauché par Fouché, Thibaudeau, Davoust, les régicides et les généraux mécontents commençait à prendre corps. Il est facile de comprendre qu'au cours des deux entretiens que Fleury eut avec Bassano, le jeune sous-préfet et le vieux ministre parlant tour à tour de Napoléon et de Louis XVIII s'exaltèrent mutuellement. Les paroles de feu de Fleury ravivent la flamme au cœur de Bassano, le plus dévoué comme aussi le plus aveugle des serviteurs de Napoléon. Le duc se laisse arracher, pour servir de mot de passe, un secret que lui seul et l'empereur connaissent, et il autorise Fleury à répéter de sa part à Napoléon toute leur conversation. — Mais, conclut Fleury, si l'empereur me demande : Est-ce le moment pour moi de revenir en France ? Bassano hésite un instant, puis il dit : — Je ne puis prendre sur moi de donner un si grave conseil. Exposez la situation à l'empereur. II décidera dans sa sagesse ce qui lui reste à faire. — Ce n'était là qu'une réticence qui ne suffit pas à dégager la responsabilité du duc de Bassano. — Fleury de Chaboulon se mit aussitôt en route. Après avoir surmonté des difficultés sans nombre, il arriva à l'île d'Elbe le 12 ou le 13 février dans la soirée. Reçu le lendemain par l'empereur, il se fit reconnaître comme envoyé de Bassano, puis il dit tout ce qu'il savait, tout ce qu'il supposait, tout ce qu'il espérait[88].

Jusqu'alors, les seuls Français qui eussent débarqué à Porto-Ferrajo étaient, à quelques exceptions près[89], des officiers en réforme ou en demi-solde venus pour solliciter du service dans la garde[90]. Ils n'avaient aucune mission politique, et les renseignements qu'ils donnaient sur l'esprit de tel ou tel régiment ou de telle ou telle province étaient suspects d'exagération. Les lettres de France ne contenaient que des demandes d'engagement dans l'armée elboise, des compliments de nouvelle année et des avis anonymes, dont à tort ou à raison l'empereur faisait peu de cas[91]. Sans doute, Napoléon savait ce qui se passait et ce qui se disait en France, mais il le savait imparfaitement. Qu'étaient-ce que les articles des journaux, les racontages des officiers réformés, les conversations des touristes anglais auprès du rapport complet, précis et authentique de Fleury de Chaboulon ! Fleury révéla, en outre, à l'empereur l'existence d'un complot et les projets des conjurés d'établir la régence. — Une régence ! dit-il avec humeur. Pourquoi faire ? Suis-je donc mort ![92]

Napoléon, cela est certain, projetait de rentrer en France. S'il n'avait pas vécu avec  cette pensée depuis plus ou moins de temps, les récits de Fleury de Chaboulon, et même les paroles de Bassano qui lui furent redites par le jeune homme n'auraient pas suffi à l'entraîner dans une pareille aventure. Mais si l'empereur méditait ces desseins, l'exécution n'en était pas arrêtée dans son esprit. Peut-être hésitait-il encore. Les renseignements de Fleury de Chaboulon le déterminèrent à brusquer son départ.

Le lendemain, l'empereur eut un second entretien avec Fleury. Il ne lui cacha pas qu'il avait fixé ses résolutions, mais il s'abstint de révéler son plan de campagne et la date très prochaine de son embarquement. Fleury quitta l'île le soir même. Une felouque affrétée par ordre de l'empereur le conduisit à Naples où il devait se faire donner un passeport pour la France[93].

Dès le 16 février, lendemain ou surlendemain du départ de Fleury, Napoléon s'occupa de préparer son expédition. Il envoya coup sur coup à Drouot l'ordre de noliser deux bâtiments de Rio et l'ordre de faire radouber le brick, de le faire peindre comme un navire anglais, de le réarmer, de l'approvisionner, de le munir d'autant de chaloupes qu'il en pourrait porter et de le tenir prêt à prendre la mer le 24 ou le 25 février[94]. Toutefois, afin de ne pas éveiller de soupçons, même dans l'esprit du fidèle Drouot, l'empereur rédigea ces ordres de façon à dérouter toutes les conjectures. Les bâtiments de Rio, écrivit-il, seront employés, l'un à embarquer du bois pour Porto-Ferrajo, l'autre à évacuer de Porto-Longone tout ce qu'il y a pour ici. Quoi de plus naturel ! On avait besoin de bois pour les constructions et l'on avait commencé depuis un mois d'évacuer sur Porto-Ferrajo une partie des munitions de Porto-Longone. Le brick, écrivit-il encore, sera approvisionné pour cent vingt hommes pendant trois mois. Que pouvait-on penser ? S'agissait-il donc d'une évasion en Amérique ? car pour aller seulement de l'île d'Elbe en Italie ou en France, il ne fallait pas trois mois de vivres. C'est également afin de donner le change sur ses projets que l'empereur écrit à Bertrand, le 19 février, qu'il ira passer les mois de juin et de juillet à la Marciana[95]. Le 22 février, quand il demande à Foresi de lui procurer des bateaux de transport, le 23 quand il ordonne à Peyrusse d'emballer l'or dans des caisses et de ne plus faire de paiement pour l'île qu'en monnaie d'argent, Napoléon s'efforce encore de ne point livrer son secret[96].

Ce secret, seul le général Drouot[97] le possédait depuis quelques jours. Après ses ordres du 16 février, évidemment rédigés avec la préoccupation de cacher son dessein à Drouot, l'empereur s'était ravisé. Soit qu'il eût scrupule de manquer de confiance envers un homme de cette trempe, soit qu'à la veille d'une si aventureuse entreprise, il sentit le besoin d'y être encouragé, le 18 ou le 19 il s'ouvrit au général. — Drouot, lui dit-il, je suis regretté et demandé par toute la France. Dans peu de jours, je quitterai l'île pour obéir au vœu de la nation. A cette confidence, l'empereur vit s'assombrir le visage de Drouot. Celui qu'il appelait le Sage avait eu la soudaine. vision de la guerre civile et de l'occupation étrangère. Si pénible qu'il fût de discuter avec l'empereur, Drouot n'hésita pas à lui représenter les périls de cette tentative ; peut-être même osa-t-il lui exposer les considérations d'ordre moral qui devaient l'en détourner. Mais quels appels à sa raison et à son cœur pouvaient faire fléchir la volonté de Napoléon ! Depuis le jour où Drouot connut ce fatal secret jusqu'à l'heure de l'embarquement, il demeura soucieux et profondément triste. Il exécuta en fidèle et obéissant subordonné tous les ordres de l'empereur relatifs à l'expédition, mais sans cesser de le conjurer d'abandonner son projet. Drouot dit plus tard, et plusieurs témoignages ont confirmé ses paroles : J'ai fait ce qui était humainement possible pour empêcher cette entreprise[98].

Le hâtif radoub du brick, l'embarquement sur ce navire de vivres et de munitions, le retour de la Pianosa des chevaux appartenant aux lanciers polonais, la distribution à chaque fantassin de deux paires de souliers commencent, cependant, vers le 20[99] ou le 21 février, à faire jaser les soldats et les habitants. On dit qu'une division napolitaine est entrée en Toscane et que l'empereur se prépare à l'aller rejoindre. On commente les paroles d'un certain Charles Albert, négociant de Marseille ou prétendu tel, qui, débarqué le 19 février, court les cercles d'officiers et les cafés de Porto-Ferrajo, répétant à qui veut l'entendre, même à l'agent de Mariotti, que sauf les riches et les émigrés, tout le monde en France désire l'empereur, que le roi est devenu odieux et qu'il suffira du chapeau de Napoléon planté sur la côte de Provence pour attirer tous les Français[100]. Ce Charles Albert, d'ailleurs, bien qu'il eût été reçut par Napoléon et qu'il fût fort bavard, n'en disait pas davantage. C'est apparemment qu'il ne savait rien de plus. Ce n'était pas un Fleury de Chaboulon, et l'empereur s'était borné à écouter ses dithyrambes bonapartistes sans lui faire aucune confidence[101].

 

IV

Pour s'embarquer, l'empereur comptait profiter de l'éloignement du commissaire anglais Campbell. Celui-ci était parti le 16 février, et son absence devait se prolonger dix ou douze jours[102]. Le départ était donc fixé dans l'esprit de l'empereur au 26 février au plus tard et tout se préparait en conséquence lorsque, durant la nuit du 23 au 24, la frégate anglaise la Perdrix vint mouiller à Porto-Ferrajo. C'est le plus fatal des contretemps. A la vérité, le capitaine Adye est sans défiance. Avec les marins de la garde et deux ou trois compagnies de grenadiers, on peut aborder la frégate à l'ancre dans la rade et désarmer l'équipage avant qu'il ait le temps de se mettre en défense. Ce coup de main donnera même un bon bâtiment pour la traversée. Mais l'empereur a trop d'illusions sur les sentiments de la nation anglaise pour commencer son entreprise par un casus belli avec l'Angleterre. Il est déconcerté, inquiet, hésitant, ne pouvant se résoudre à un guet-apens qui cependant sera peut-être nécessaire. Enfin, Bertrand lui apprend vers midi que le capitaine Adye, dont il vient de recevoir la visite aux Mulini, est au moment de prendre la mer[103]. A peine la Perdrix a-t-elle levé l'ancre que l'embargo est mis sur tous les bâtiments ; des courriers sont expédiés sur les différents points de l'île pour défendre de laisser embarquer personne, même les pêcheurs ; la police refuse de délivrer tout passeport et la Santé tout billet d'expédition. Le soir, les autorités civiles se rendent au palais. Le président du tribunal exprime à l'empereur ses félicitations et ses regrets : ses félicitations de lui voir reprendre le chemin de la gloire, ses regrets de le voir quitter l'île où il laissera de si grands souvenirs. Napoléon est songeur, préoccupé. On l'entend murmurer, à mieux dire on l'entend penser tout haut : Ah ! la France ! la France ![104]

Le lendemain, 25 février, les préparatifs de départ continuent. On embarque les quatre pièces de campagne à bord de l'Inconstant. L'embargo est rigoureusement maintenu, la police oblige même les insulaires et étrangers munis de passeports à les déposer temporairement au bureau central. Les soldats du bataillon corse, où l'on craint des désertions, sont consignés ; les grenadiers font des patrouilles dans les rues et des rondes sur la côte. On parle sans mystère du prochain départ. Sur le port, on dit que l'empereur va en France ; dans les cafés on dit qu'il va en Italie. Pour les habitants, c'est une désolation. Chacun regrette la garnison et la petite cour. Les femmes pensent à ces réceptions des Mulini où elles étaient extrêmement flattées d'être admises et qui ne reprendront plus ; quelques-unes pleurent un amant ou un fiancé. Les marchands de Porto-Ferrajo, qui ont si largement profité de la présence des Français, sont d'autant plus affligés que les officiers et les soldats laissent de nombreuses dettes. Naturellement, la troupe est joyeuse. Les militaires, dit l'agent de Mariotti, font la roue sous leur uniforme et appellent les combats dans l'espérance d'en sortir au moins maréchaux[105].

On remarqua ce jour-là que, contre son habitude, l'empereur resta enfermé au palais[106]. Il s'occupait de rédiger trois proclamations, les deux premières adressées par lui au Peuple français et à l'Armée, la troisième prétendument adressée par la garde impériale aux généraux, officiers et soldats de l'armée. Les trois pièces furent imprimées secrètement dans la soirée ou dans la nuit[107]. Ecrites avec l'emphase que Napoléon, si simple et si précis dans ses lettres et ses admirables commentaires, semblait, pour ses harangues, avoir hérité des orateurs de la Convention, ces proclamations enflammées étaient grossièrement mais superbement éloquentes. Rien de mieux conçu pour frapper les esprits, pour attiser les colères contre les Bourbons, pour réveiller dans l'âme de la France les souvenirs de l'égalité républicaine et de la gloire impériale. L'empereur commençait par attribuer ses revers à la trahison. Sans Augereau et sans Marmont, les Alliés auraient trouvé leur tombeau sur le sol français. Il donnait ensuite pour raison à son abdication l'intérêt de la Patrie. Mais les Bourbons imposés par l'étranger n'avaient rien appris ni rien oublié. Ils voulaient substituer le droit féodal au droit populaire. Les biens et la gloire des Français n'avaient point de pires ennemis que ces hommes qui regardaient comme rebelles les vieux soldats de la révolution et de l'empire. Bientôt, il faudrait avoir porté les armes contre sa patrie pour prétendre aux récompenses, il faudrait une naissance conforme aux préjugés pour devenir officier. Les patriotes auraient les charges ; les émigrés, la fortune et les honneurs. Français, disait-il au peuple, j'ai entendu dans mon exil vos plaintes et vos vœux : vous réclamiez le gouvernement de votre choix qui est seul légitime. J'ai traversé les mers. J'arrive reprendre mes droits qui sont les vôtres. — Soldats, disait-il à l'armée, venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef. Son existence ne se compose que de la vôtre ; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres... La victoire marchera au pas de charge. L'aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame.

Le 26 février, tout le monde était dans l'attente du départ, mais sans qu'on sût encore s'il aurait lieu ce jour-là C'était un dimanche. A neuf heures, l'empereur entendit la messe. L'office terminé, il passa une revue, fit manœuvrer le bataillon corse, puis remonta aux Mulini. Vers onze heures, Cambronne avertit les adjudants-majors que les troupes mangeraient la soupe à quatre heures et s'embarqueraient à cinq. A midi, le bataillon franc et la garde nationale relevèrent les postes occupés par la vieille garde[108].

L'empereur ne pouvant disposer que d'un petit nombre de bâtiments s'était résigné à embarquer seulement des chevaux pour l'artillerie et l'état-major et à laisser à File d'Elbe ceux de sa cavalerie, dont les hommes seraient remontés en France[109]. Mais malgré ce sacrifice, Napoléon n'avait pas une flottille suffisante pour embarquer tout son monde. Par bonheur, l'état de la mer avait contraint une polacre d'Agde, le Saint-Esprit, jaugeant 494 tonneaux, à relâcher le 48 février à Porto-Ferrajo Ce bâtiment n'ayant pu appareiller le 24, à cause de l'embargo, se trouvait encore dans la rade. A deux heures, Jermanowski, sur l'ordre de l'empereur, aborde le Saint-Esprit avec vingt hommes. Le capitaine ne fait aucune résistance, seulement il commence à crier comme un brûlé quand il voit les Polonais jeter toutes ses marchandises à la mer. Le trésorier Peyrusse arrive pour le calmer. Il était chargé par l'empereur de solder incontinent la cargaison en beaux rouleaux d'or. Mais d'interminables débats s'engagent entre le capitaine et le trésorier, celui-là demandant le plus cher possible de ses marchandises, celui-ci cherchant à les payer au meilleur compte, chicanant sur tout et exigeant chaque facture. La longue absence de Peyrusse impatiente l'empereur ; il saute dans un canot et monte à bord du Saint-Esprit. D'un revers de main, comme il en avait l'habitude aux Tuileries, il fait voler tous les papiers étendus sur la table. — Peyrousse, dit-il (il prononçait les noms propres à l'italienne), vous n'êtes qu'un paperassier. Payez au capitaine tout ce qu'il demandera. Peyrusse s'incline et donne aussitôt vingt-cinq mille francs pour la cargaison détruite[110].

A peine l'empereur a-t-il regagné le palais des Mulini, que la générale bat. Les troupes s'élancent des casernes, la foule s'amasse sur le port, chaloupes et canots sillonnent la rade[111]. Pendant l'embarquement, Napoléon reçoit, aux Mulini, les membres de la junte, qu'il vient de nommer, et le directeur des domaines Lapi, promu gouverneur et général. Une compagnie du bataillon franc et un détache- ment de garde nationale forment le cercle. Napoléon prononce une courte harangue : — Je vous confie, dit-il, la défense de la place... Je ne puis vous donner une plus grande preuve de confiance que de laisser ma mère et ma sœur à votre garde[112]. Sa physionomie est calme, son regard assuré, mais la tristesse et l'inquiétude règnent autour de lui. Drouot et Bertrand sont soucieux, Madame mère et la princesse Borghèse versent des larmes, madame Bertrand étouffe ses sanglots. Sept heures sonnent. L'empereur embrasse une dernière fois sa mère et sa sœur et descend vers le port dans une petite voiture dont les chevaux vont au pas et que suivent à pied Drouot, Bertrand, Peyrusse, Pons, le docteur Fourreau-Beauregard, Rathery, Marchand, les fourriers du palais et les magistrats de l'île. La ville a été spontanément illuminée. A la lueur des lampions et des lanternes de couleur, la population entière, massée sur la marine, sur les remparts, sur les toits en terrasse, peut encore voir l'empereur. Il porte sa tenue de campagne, la redingote grise déjà légendaire. Viva l'imperatore ! Evviva Napoleone ! mille cris éclatent lorsqu'il s'embarque sur l'espéronade la Caroline, qui va le conduire à bord de l'Inconstant. On suit des yeux le fanal du petit bâtiment. Bientôt un coup de canon tiré du brick pour donner au convoi le signal d'appareiller annonce l'arrivée de Napoléon'.

Il ne fait pas une haleine de vent. La flottille, composée du brick l'Inconstant, de l'espéronade la Caroline, de la polacre le Saint-Esprit, des chebecs l'Etoile et le Saint-Joseph et de deux grosses felouques, reste plusieurs heures au mouillage. La lune qui s'est levée éclaire la rade. C'est une de ces radieuses nuits méditerranéennes, sans brume et sans nuages, où les montagnes, les arbres, les maisons se modèlent avec leurs plans distincts, leur relief et leurs couleurs, où la mer brasille et s'argente sous le bleu profond du ciel étoilé. De Porto-Ferrajo on aperçoit le brick impérial toujours immobile. Enfin, un peu après minuit, une légère brise commençant à souffler, on voit les bâtiments se couvrir de toiles et voguer lentement vers la haute mer[113].

 

V

Le colonel Campbell avait quitté l'île d'Elbe le 16 février, sans la moindre défiance ; mais dans les derniers jours de son excursion à Florence, où, dit-on, il était attiré par les faveurs d'une belle dame, des lettres de Porto-Ferrajo troublèrent sa, félicité et sa quiétude. Il revint en hâte à Livourne pour prendre passage sur la Perdrix. Ce bâtiment étant arrivé le 26 dans l'après-midi, Campbell s'embarqua à huit heures du soir, à l'heure même où Napoléon montait à bord de l'Inconstant. Campbell comptait partir sur-le-champ. Mais le manque de vent, qui retint à l'ancre plusieurs heures la flottille impériale en rade de Porto-Ferrajo, retint également la frégate anglaise dans le port de Livourne. Au reste, le capitaine Adye était très rassurant. Il n'avait, disait-il, rien remarqué d'insolite à Porto-Ferrajo qu'il avait quitté l'avant-veille : les soldats de la garde s'occupaient à planter des arbres, et la veille encore, il avait vu des eaux de Palmayola les mâts de l'Inconstant dans le port. La frégate appareilla dans la nuit. Mais le peu de vent qu'il y avait étant contraire à la marche du navire, on devait sans cesse courir des bordées. Le soir du 27, on était seulement au nord de Capraja. Le 28, à 8 heures du matin, la frégate s'approcha à quelques milles du port, mais un calme plat qui survint alors la mit dans l'impossibilité d'avancer. Campbell, impatient, descendit dans un canot pour gagner Porto-Ferrajo à la rame. Il avait, dit-il, le pressentiment non pas qu'il ne trouverait plus Napoléon, mais qu'il le surprendrait au milieu de ses préparatifs de départ. Il craignait même d'être arrêté, et dans cette prévision, il convint avec Adye que s'il n'était pas de retour à bord au bout de deux heures, le capitaine se rendrait aussitôt à Piombino d'où il enverrait un officier à lord Burghesh à Florence[114].

D'abord mal impressionné de ne point voir le brick dans le port, Campbell en débarquant remarqua avec stupeur que des miliciens gardaient les postes ordinairement occupés par les grenadiers. Comme il se rendait chez le général Bertrand, il rencontra un touriste anglais qui, tout en marchant, le mit au fait des événements. Campbell annonça à madame Bertrand, espérant par ce stratagème obtenir d'elle quelque révélation, que Napoléon et ses compagnons étaient prisonniers. Bien que très troublée par cette nouvelle, la générale eut la présence d'esprit de ne point dévoiler le but de l'expédition. De Madame mère et de la princesse Borghèse, qu'il interrogea ensuite, Campbell n'apprit rien non plus. Son dépit engendrant sa colère, il menaça Pauline qui dut lui rappeler qu'il parlait à une femme. L'ex-intendant des domaines Lapi, devenu un foudre de guerre depuis sa nomination de général et de gouverneur, le reçut en souriant et lui déclara qu'il ne rendrait l'île aux Anglais ou à la Toscane qu'après en avoir reçu l'ordre de celui qui l'avait confiée à sa garde[115]. La frégate la Perdrix étant enfin parvenue à entrer dans la rade, Campbell se rembarqua au milieu de l'après-midi. Des renseignements vagues et contradictoires donnés par les habitants de l'île — selon les uns Napoléon allait débarquer à Fréjus où Masséna l'attendait avec 140.000 hommes ; selon d'autres, Naples était le but de son expédition[116] — un seul avait quelque valeur, c'était que l'Inconstant avait été perdu de vue, la veille, au nord de Capraja. Campbell en conclut que l'empereur se dirigeait vers les côtes de France ou du Piémont. Il envoya incontinent ces graves nouvelles au gouverneur de Livourne, puis il fit appareiller pour donner la chasse à la flottille impériale[117].

Le matin du 1er mars, Campbell eut un moment d'espoir en apercevant une voile entre le cap Corse et Capraja. C'était la frégate française la Fleur de Lys, et loin que le capitaine Garat qui la commandait pût renseigner les Anglais, il ignorait l'évasion de l'empereur. Campbell l'en instruisit et lui conseilla de mettre le cap sur Antibes. Avant de cingler lui-même vers les côtes de France, le colonel voulut faire le tour de Capraja. Il pensait que Napoléon avait peut-être arrêté sa flottille dans quelque anse de cette île pour fondre de là sur Livourne[118].

Campbell était d'autant plus mortifié de l'évasion de l'empereur qu'il avait la presque certitude qu'on l'accuserait de l'avoir favorisée. Depuis longtemps, les nombreuses visites que les touristes anglais et, les officiers de la marine britannique faisaient à Napoléon, les sympathies qu'il leur témoignait et l'intimité où il admettait Campbell avaient inspiré d'absurdes soupçons sur les desseins de l'Angleterre. On disait que le cabinet de Londres se réservait de replacer Napoléon sur le trône le jour où Louis XVIII manifesterait quelque velléité d'indépendance à l'égard du gouvernement anglais. Une caricature, publiée à Augsbourg au mois d'octobre, montrait Castlereagh tenant Napoléon par le cou et disant aux membres du congrès : Si vous ne faites pas ce que je veux, je le lâche. A Porto-Ferrajo, l'agent de Mariotti se laissait conter, trois jours avant l'embarquement, par un adjudant-major que les Anglais étaient parfaitement d'accord avec Napoléon pour qu'il allât faire la guerre aux Bourbons[119]. L'évasion de l'île d'Elbe, qui parut extraordinaire bien qu'en réalité on n'eût pu l'empêcher qu'en gardant à vue Napoléon comme on le fit plus tard à Sainte-Hélène, vint donner à ces soupçons une apparence de vérité. En Provence, en Piémont, en Toscane, on crut très sérieusement que le commissaire anglais avait reçu des ordres du Foreign office pour laisser Napoléon s'évader[120].

C'était bien l'idée la plus chimérique qui pût hanter des imaginations troublées. L'Angleterre, à force d'argent et de sang, avait enfin abattu Napoléon : elle avait la paix, et cette paix était telle qu'elle la voulait ; elle voyait aux Tuileries un prince dont depuis quinze ans, seule entre les puissances, elle s'était rappelé les droits ; ce roi déclarait publiquement qu'il devait sa couronne au prince régent ; le ministre des affaires étrangères de France était, comme son souverain, inféodé à la politique anglaise ; pour sauvegarder le nouvel ordre de choses, Castlereagh conspirait avec Talleyrand la déportation de Napoléon. Et c'est alors que l'Angleterre aurait remis l'épée dans la main du perturbateur de l'Europe ! Quant à croire comme Ciampi[121] que le cabinet anglais agit ainsi précisément pour tendre un piège à l'empereur et avoir l'occasion d'en finir avec lui, ce serait prêter à Castlereagh le machiavélisme de Gribouille. On ne joue pas un pareil jeu avec un Napoléon, et d'ailleurs les pourparlers engagés à Vienne afin de déporter l'empereur prouvent qu'il n'était pas besoin d'une nouvelle guerre pour l'envoyer à Sainte-Hélène. En vérité, il ne serait pas plus absurde de prétendre que Louis XVIII, qui avait trois frégates dans les eaux de l'île d'Elbe, favorisa, lui aussi, l'évasion de Napoléon afin d'y trouver le prétexte de ne pas lui payer la rente de deux millions stipulée par les traités.

A Londres, on avait trop de bon sens pour suspecter le ministère, mais on l'accusa de négligence. Castlereagh prit la parole à la Chambre des communes : Le colonel Campbell, dit-il, et les commandants des navires anglais étaient chargés de surveiller Napoléon et non de le garder. Les puissances alliées n'ont jamais eu l'intention d'établir un blocus pour empêcher Napoléon de courir une nouvelle aventure. L'auraient-elles voulu, elles ne l'auraient pu, car les meilleures autorités estiment que vu les variations des vents, il était matériellement impossible de tirer une ligne de circonvallation autour de l'île d'Elbe[122]. Lord Castlereagh se contenta de donner ces explications. A juste titre, il jugeait inutile de défendre l'Angleterre contre les ridicules soupçons de connivence avec l'empereur dont on s'entretenait au bord de la Méditerranée. Les faits parlaient assez haut pour démentir ce paradoxe absurde. La déclaration officielle de Somerset à Jaucourt que le gouvernement britannique provoquerait la formation d'une nouvelle coalition au profit de Louis XVIII[123], l'empressement de Wellington à signer le manifeste du 13 mars[124], le départ de Paris du personnel de l'ambassade anglaise, le refus du Foreign office de recevoir aucune communication du duc de Vicence, le message du prince régent du 5 avril, l'activité déployée dans l'armement de la flotte et l'envoi de toutes les troupes disponibles sur le continent témoignaient que bien loin d'avoir favorisé l'évasion de Napoléon, le cabinet tory regardait cet événement comme une calamité.

 

 

 



[1] Interrogatoire de Drouot (Procès de Drouot, 14).

[2] Peyrusse, trésorier général à l'île d'Elbe ; — Vincent Foresi, Elbois, fournisseur des vivres ; — le colonel Campbell, commissaire anglais ; — le général Koller, commissaire autrichien ; — le colonel Vincent (plus tard général), inspecteur du génie, à l'île d'Elbe, au service de la France ; il quitta l'île vers le 10 juin 1814. — Le Milanais Litta et lord Ebrington vinrent voir l'empereur à Porto-Ferrajo en décembre 1814.

[3] Napoléon, Correspondance, 21.566 à 21.680. — Sur ces 114 lettres, il n'en est que 15 qui n'aient point rapport à l'administration de l'île d'Elbe, et parmi celles-ci, 4 seulement, datées d'ailleurs des 16, 22 et 26 février, sont relatives aux préparatifs de l'expédition. Dans les 11 autres, il est question de Marie-Louise, de Madame mère, de la princesse Borghèse, de Murat ; on n'y trouve pas un mot qui puisse faire soupçonner un projet de départ.

Il faut remarquer aussi que tous les rapports adressés de l'île d'Elbe, ou de Livourne, à Paris par les agents secrets représentent Napoléon, au moins jusqu'en décembre 1814, comme résigné à rester dans l'île.

[4] A la nouvelle de la chute de l'empire, les Elbois auraient voulu se donner aux Anglais. Le pavillon britannique fut arboré sur quelques points de l'île ; la garnison française se retira à Porto-Ferrajo et à Porto-Longone. Dans plusieurs villages, on brûla Napoléon en effigie. Mais l'annonce de sa prochaine arrivée pacifia tout. Quand il débarqua, la foule des Elbois se pressait sur son passage. Les maisons étaient pavoisées, les rues jonchées de verdure. (Cf. Papi, Commentarii della Revoluzione, VI, 163. Campbell, Napoleon at Elba, 62. Relation du commissaire autrichien Koller, 51-53. Peyrusse, Mémorial, 234-235. E. Foresi, Napoleone all'isola dell'Elba, 20-13.) Rapports de l'amiral Lhermitte et du capitaine de vaisseau Moncabrié, Toulon, 24 mai et 13 juin (Arch. de la Marine, Bb, 415).

[5] Campbell, 216-217. Peyrusse, 234-236. Foresi, 27-28. Napoléon, Correspondance, 21.566. Extrait de la correspondance du général Duval, 27 mai. (Arch. Aff. étr., 675.)

[6] Napoléon, Correspondance, 21.566, 21.567, 21.563, 21.676, etc. Peyrusse, 236-237. Foresi, 28, 31.

[7] Napoléon, Correspondance, 21.566, 21.533. Koller, 53-54. Campbell, 199. Situation des troupes stationnées à l'île d'Elbe au 1er février 1814. (Arch. Guerre.)

[8] Napoléon, Correspondance, 21.568.

[9] Napoléon, Correspondance, 21.568, 21.569, 21.619, 21.649. Contrôles nominatifs du Bataillon Napoléon et de l'Escadron Napoléon (cités par Fieffé, Napoléon et la garde, 119-126). États des services des officiers du bataillon Napoléon. (Arch. nat., IV, 1706.) Rapports du capitaine de vaisseau de Moncabrié, 13 juin, et de l'amiral Lhermitte, Toulon, 3 sept. (Arch. de la Marine, Bb 415). — Les effectifs cités dans L'île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance de Napoléon, XXX, 16), ainsi que beaucoup d'autres détails sur le séjour à l'île d'Elbe, sont erronés.

Aux termes de l'article XVII du traité de Fontainebleau. Napoléon était autorise à emmener dans sa nouvelle résidence 400 hommes de bonne volonté. Mais les grenadiers et chasseurs s'étant présentés en plus grand nombre, les généraux Petit et Cambronne avaient cédé à leurs prières et les avaient designer pour partir. A Savone, où ils s'embarquèrent, le commandant de la flottille anglaise chargée de les transporter n'avait fait nulle observation. Le fait, connu peu après, donna lieu à un échange de lettres entre Talleyrand, Durant et Malouet. (Arch. Guerre, 2, 21 et 22 juin.) Quant aux Polonais, Napoléon s'était entendu a Fontainebleau avec Jermanowski, pour en recruter un escadron de 80 hommes destiné à l'île d'Elbe, et un autre de 40, qui devait former la garde de Marie-Louise à Parme. Les premiers s'embarquèrent à Savone avec les grenadiers, les autres allèrent d'abord à Parme, mais comme ils n'y trouvèrent pas l'impératrice et que l'on refusa de leur donner leur solde, Napoléon les fit venir aussi à l'île d'Elbe. (Rapp. de Bertrand à Caulaincourt, Paris, 1er juin 1815. Arch. Aff. étr., 1802.) L'empereur se trouva avoir ainsi plus de soldats qu'il ne croyait. D'après sa note du 10 mai (Correspondance, 21.568) il est clair qu'il attendait seulement 400 grenadiers et chasseurs et 80 Polonais.

[10] Vraincourt, grenadier à la 5e compagnie du Bataillon Napoléon, à Mme Chervin à Verdun, Porto-Ferrajo, 1er déc. (Arch. Aff. étr., 675.)

[11] Correspondance du général Duval, 27 mai. (Arch. Aff. étr., 675.) — Le nouveau Pavillon fut arboré le 9 mai dans toutes les communes de l'île. (Napoléon, Correspondance, 21.566.)

[12] État des dépenses pour les bâtiments de S. M., Porto-Ferrajo, 26 sept. Rapport de l'amiral Lhermitte, 2 juin et 3 sept. (Arch. de la Marine, Bb 415). Napoléon, Correspondance, 21.570, 21.571, 21.598, 21.601, 21.605, 21.631. Rapport de Mariotti, Livourne, 28 sept. 1814 (Arch. Aff. étr., 1800).

[13] Extrait de la correspondance du général Duval, 27 mai. (Arch. Aff. étr., 675.)

[14] Napoléon, Correspondance, 21.566, 21.567, 21.577, 21.582, 21.583, 21.586, 21.594, 21.596, 21.604, 21.618, 21.636, 21.373 Cf. Peyrusse, Campbell, Foresi, etc., et le Mémorial de l'île d'Elbe du général Vincent, dans les Mémoires de Tous, III.

[15] Rapport de Moncabrié, Toulon, 13 juin (Arch. de la Marine, Bb, 415), Rapport anonyme, 17 sept. (Arch. Guerre.)

[16] Rapport précité, 17 sept. (Arch. Guerre.) Rapport de Ducourneau, timonier de l'Antilope, transmis par le maire de Bordeaux, novembre (Arch. nat., F. 7, 3.773). Campbell, 247, 249. Général Vincent, Mém. de Tous, III, 199.

[17] Peyrusse, 363. Monier, lt de grenadiers, Une année de Napoléon, 73-74.

[18] Campbell, Napoleon at Elba, 243.

[19] Napoléon, Correspondance, 21.578, 21.584, 21.596, 21.615, 21.625, 21.640, 21.648. Cf. Foresi, Napoleone all'isola dell'Elba, 22, 31, 40, 6e, Peyrusse, Mémorial, 250. Campbell, Napoleon at Elba, 305. Marcelin Pellet, Napoléon à l'île d'Elbe, 104.

[20] Peyrusse (Appendice, 21-2)) cite nombre de décrets ainsi rédigés. — En décembre seulement Napoléon écrivit à Drouot : Vous effacerez cette formule de souverain de l'île d'Elbe qui est ridicule. (Correspondance, 21.658.)

[21] Napoléon, Correspondance, 21.665. Peyrusse, 263. Général Vincent, 183-187. Campbell, 216,231. Rapports de l'agent de Mariotti, 3, 25, nec. 6 janv., 19 févr., cités par Pellet, d'après les archives du consulat de Livourne.

[22] Napoléon, Correspondance, 21.611. Rapp. de Mariotti, Livourne, 6 août. (Arch. Aff. étr., 1800.) — Dès le 17 mai, l'empereur avait envoyé la frégate the Undaunted chercher Pauline à Fréjus, mais la princesse était déjà partie pour Naples depuis quelques jours. (Campbell, 83, 89.) Pauline vint de Naples à l'île d'Elbe, le 1er juin, et en repartit le surlendemain. (Général Vincent, 203.) — Elle y revint en octobre, sur le brick l'Inconstant. Peyrusse, 261. Cf. Napoléon, Correspondance, 21.633, et lettre du grenadier Vraincourt, Porto-Ferrajo, 1er décembre : La princesse Borghèse nous aime comme ses yeux. C'est nous qui l'avons été chercher à Naples. Murat nous a très bien reçus et fait des cadeaux. (Arch. Aff. étr., 675.)

[23] Peyrusse, 253, 263. Rapport de Mariotti, Livourne, 9 août. (Arch. Aff. étr., 1800). Conversations de lord Ebrington (Revue britannique, 1827). Rapports de l'agent de Mariotti, 1er, 2, 3, 4, 5, 7, 26, 27 déc., 16 et 18 févr. (cités par Pellet). Campbell à Mariotti, 26 déc. (citée ibid.). Adye à sa femme, Porto-Ferrajo, 22 janv. (Arch. Aff. étr., 675.) Rapp. de l'amiral Lhermitte, 3 sept. (Arch. de la Marine, Bb 415),

[24] Napoléon, Correspondance, 21.644.

[25] Rapport à Mariotti, Porto-Ferrajo, 5 déc. (Cité par Marcellin Pellet.)

[26] Rapport de Mariotti, Livourne, 9 août (Arch. Aff. étr., 1800). Cf. X... duc et pair, à Mme d'Arbouville, Aix, 17 août : ... Les Anglais qui abondent dans l'île ont, pour lui la curiosité la plus stupide. Aussi il fait tous les frais pour les Anglais... Cet imbécile de Campbell est tout à fait captivé. (Arch. Aff. étr., 675.)

[27] Campbell, 173, 180, 225, 241, 247, 329. Sketch of a conversation with Napoleon at Elba, 13, 24, 45. Conversations de lord Ebrington (Revue britannique, 1817). Général Vincent, 203. X.., duc et pair, à Mme d'Arbouville, Aix, 17 août. (Arch. Aff. étr., 675.) Rapport de l'agent de Mariotti, 2, 6 déc., 16 févr. (cités par Pellet). Extraits de rapports, 25 juillet, 3 nov. (Arch. nat., F. 7, 3.738).

[28] Ce sont les propres paroles de Campbell au préfet du Var. (Rapport de Bouthillier, s. d., classé par erreur à la date du 28 février. Arch. nat., 3.0442.)

[29] Campbell, 241-242, 273. — A l'appui de son récit, Campbell donne le texte de la lettre de Bertrand et cite une dépêche de Castlereagh, du 15 juin, l'invitant à se considérer comme résident anglais à l'île d'Elbe sans prendre d'autre titre officiel que celui qui lui a déjà été reconnu (c'est-à-dire de commissaire anglais) et à communiquer comme par le passé avec le département des Affaires étrangères. Castlereagh avait d'ailleurs écrit à Campbell le 16 avril qu'il résiderait dans l'île jusqu'à nouvel ordre si Napoléon jugeait que la présence d'un officier anglais pût lui être de quelque utilité pour défendre l'île et sa personne contre toute attaque ou insulte.

[30] Napoléon, Correspondance, 21.560, 21.562, 21.569, 21.604. Bertrand à Méneval, 29 avril, 9 août (lettres citées par Méneval, Souvenirs, II, 156, 161). Général Vincent, Mém. de l'île d'Elbe, 168.

[31] Napoléon, Correspondance, 21.597. Marcellin Pelet, Napoléon à l'île d'Elbe, 105. — Ce madrigal peint existe encore dans la villa de San-Martino.

[32] Napoléon, Correspondance, 21.599, 21.604.

[33] Bertrand à Méneval, 27 mai, 25 juin, 9 août (Méneval, II, Souvenirs. 158, 159, 161). Peyrusse, Mémorial, 258. Campbell, Napoleon at Elba, 272, 302. Marchand à sa sœur, Porto-Ferrajo, 3 juillet. (Arch. Aff. étr., 675.)

[34] Peyrusse, 259. Campbell, 302-303. Rapport de Mariotti, Livourne, 13 sept. (Arch. Aff. étr., 1800.) — Le 29 septembre, l'amiral Lhermitte annonçait gravement au ministre de la marine que l'archiduchesse Marie-Louise, accompagnée de son fils, avait débarqué incognito à l'île d'Elbe. (Arch. de la Marine, Bb 415.)

[35] Campbell, Napoleon at Elba, 178.

[36] Relation du colonel Galbois (citée par Bausset, Mém., II, 276-277.) Cf. Méneval, Souvenirs, II, 93-94.

[37] C'était l'idée de l'impératrice d'Autriche en 1814. (Méneval, II, 209.)

[38] Rapport de Méneval (Arch. Afr. étr., 1802). Cf. Bausset, Mémoires, II, 284-285.

[39] Rapport de Méneval à Napoléon (Arch. Aff. étr., 1802). Méneval II, 118-119. Cf. 72. Voir aussi les Mémoires de la générale Durand, 211-212, et la lettre de Dausset à Mounier, Rambouillet, 14 avril 1814 (citée par d'Hérisson, Le Cabinet noir, 297-300), où il est question de la niaiserie sentimentale de l'impératrice.

[40] Méneval, II, 120, 153. Lettres de Bertrand à Méneval, Porto-Ferrajo, 25 juin et 3 juillet (citées par Méneval, II, 158-160).

[41] Rapport de Méneval à Napoléon. (Arch. Aff. étr., 1802.) Cf. Bailli de Ferrette au grand-duc de Bade, Paris, 23 juin : La duchesse de Montebello de retour à Paris a laissé à Vienne Marie-Louise plus entichée et plus amoureuse que jamais de Bonaparte, qu'elle prétend aller rejoindre cet été, après avoir été aux eaux d'Aix. (Arch. Aff. étr., 675.)

[42] Rapport de Méneval, à Napoléon. (Arch. Aff. étr., 1802.)

[43] Méneval, Souvenirs, II, 151, 433. Cf. Comtesse Edling, Mémoires, 189, 190.

[44] Méneval, II, 216.

[45] Méneval, II, 442. Méneval dit encore (365) : L'empereur d'Autriche qui, dans des circonstances ordinaires, aurait recommandé à Marie-Louise de garder la fidélité à son époux, lui conseilla l'oubli de ses liens. Selon l'auteur de Maria Luise und der Herzog von Reichstadt (144, 154-155, 189), Metternich aurait pensé dès le lendemain de l'abdication à faire de Neipperg l'amant de Marie-Louise.

[46] Méneval, Souvenirs, II, 166-167, 420, 432-435. Maria-Luise und der Herzog von Reichstadt, 149 155, 156.

[47] Rapport de Méneval à Napoléon (Arch. Aff. étr., 1802). Méneval, II, 167168, 192. Bausset, II, 46-47. Lettres au duc de Maillé et autres personnages, Aix et Chambéry, 20, 25 juillet, 17 août, 8 sept. (Arch. Aff. étr., 675.) Cf. les paroles du duc de Berry au conseil des ministres du 5 août : Marie-Louise se conduit à Aix de la manière la plus ridicule. Elle ne prend pas les eaux et est entourée d'officiers français. Il faut écrire à l'empereur d'Autriche pour la rappeler. (Arch. nat., AF * V2.).

[48] Lettre de Marie-Louise, Aix, 15 août 1814 (citée par Méneval, IX, 182).

[49] Napoléon, Correspondance, 21.611. Méneval, II, 192, 199-200. — D'après Méneval, le capitaine Hurault était chargé par Napoléon d'amener Marie-Louise à l'île d'Elbe. Celle-ci refusa de partir de peur de mécontenter l'empereur d'Autriche.

[50] Rapport de Méneval à Napoléon. (Arch. Aff. étr., 1802.) Lettres de Marie-Louise et de Metternich, 4, 7, 15, 20 août, citées par Méneval, II, 178-188. Mme H. à l'abbé de Gordin, Chambéry, 8 sept. (Arch. Aff. étr , 675.)

[51] Méneval, II, 168, 192, 192, 197, 203, 205. Maria-Luise und Herzog von Reichstadt, 155-157, 162-166. Cf. Correspondance de Marie-Louise avec la comtesse de Creneville, 11 avril, 10 mai, 18 déc. 1315. — Sur le zèle de Neipperg pour faire obtenir à Marie-Louise le duché de Parme, voir chapitre précédent.

Comment l'auteur des Mémoires de Mounier (cités par d'Herisson, le Cabinet noir, 267), ose-t-il dire : Quand l'impératrice partit de Rambouillet, sous la garde de Neipperg, dès la première nuit, elle coucha avec lui.

1° Marie-Louise, de Rambouillet à Schönbrunn, fut sous la garde, non de Neipperg, mais du général major Kinski ; 2° quand Neipperg se présenta à Marie-Louise, le 17 juillet, à Carrouge, c'était la seconde fois qu'elle le voyait. Elle l'avait vu une première fois à Prague en 1812, où il faisait le service de chambellan. (Méneval, II, 166. Bausset, III, 46.)

[52] La dernière lettre que Marie-Louise ait écrite à Napoléon est du 31 juillet ; elle la confia à Bausset qui la fit passer à l'île d'Elbe par un prétendu colporteur italien. L'empereur la reçut le 10 août. (Napoléon, Correspondance, 21.624, 21.651. Bausset, II, 48. Méneval, II, 220.)

[53] Rapport de Méneval à Napoléon. (Arch. Aff. étr., 602.) — C'est ainsi que la lettre de Napoléon du 10 octobre (Méneval dit à tort du 20 novembre, voir Correspondance de Napoléon, 21.651), envoyée par l'entremise du grand-duc de Toscane, fut décachetée par l'empereur d'Autriche et communiquée aux membres du congrès.

[54] Talleyrand à Louis XVIII, 15 fév. 1815 (Correspondance de Talleyrand pendant le congrès de Vienne). Méneval, II, 233, 236, 238. Cf. la lettre de Vienne analysée dans les Mémoires de Lavallette (II, 178) : ... L'impératrice, livrée à X..., ne prend plus même le soin de cacher son goût bizarre pour cet homme qui est autant maitre de son esprit que de sa personne.

[55] Napoléon, Correspondance, 21.604, 21.651. Rapport de Méneval à Napoléon, 18 mai 1815. Rapport de Bertrand à Caulaincourt, 1er juin 1815. (Arch. Aff. étr., 1802.)

[56] Campbell, Napoleon at Elba, 297-298, 327-328, 331.

[57] Napoléon, Correspondance, 21.661. Campbell, 298, 321, 328, 330.

[58] Wellington à Castlereagh, Paris, 15 sept. (Dispatchs, XII.) Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 15 fév. Cf. Louis XVIII à Talleyrand, 3 mars et 7 mars. (Correspondance avec Louis XVIII). — Le rappel à l'exécution d’une clause secondaire du traité étonne de la part de Castlereagh qui se préparait à en violer odieusement la clause principale en se prêtant à la déportation de Napoléon. C'est toujours la question de forme. Castlereagh s'autorisait de la raison d'Etat pour enlever Napoléon, mais jusque-là il ne jugeait pas que la France eût aucun motif de ne point exécuter le traité.

[59] Les budgets de l'île d'Elbe pour 1814 et 1815 existent dans la Correspondance de Napoléon (21.581, 21.582, 21.662) et dans le Mémorial de Peyrusse (240-241, 263 et Annexes). Mais comme tous les budgets de prévision, ces budgets étaient sujets à des variations encours d'exercice. Pour établir le bilan de Napoléon à l'île d'Elbe, nous avons donc pris, non les budgets, mais le livre de caisse de Peyrusse, reproduit dans les Annexes (122 à 155) de son Mémorial. — On sait que Peyrusse, trésorier de l'empereur, fut chargé d'encaisser toutes les recettes et de payer toutes les dépenses depuis le 11 avril 1814 jusqu'au 20 mars 1815. — Nous avons naturellement retranché du compte de Peyrusse toutes les dépenses antérieures au 4 mai et postérieures au 26 février. Nous avons pu ainsi établir exactement l'état des recettes et des dépenses de l'empereur à l'île d'Elbe depuis le 4 mai 1814, jour de son arrivée, jusqu'au 26 février 1815, jour de son départ. Nous donnons ces chiffres :

RECETTES ORDINAIRES : Solde en caisse   13.596 fr. Arriéré des contributions : 2.282. Timbre, enregistrement, douanes : 38.164. Contributions foncières : 18.984.

DOMAINE : Mines, salines, madragues, etc. : 528.734. Vente de farine et divers : 4.549. Vente d'approvisionnements de guerre (pour mémoire). Total : 606.309 fr.

DÉPENSES :

ADMINISTRATION DE L'ÎLE. Traitements, frais de bureaux, clergé, postes, assistance publique, travaux publics, etc. : 145.732 fr.

ARMÉE ET MARINE : 1.446.309 fr.

MAISON DE L'EMPEREUR. Traitement des officiers, gages des employés, cuisine, écurie, toilette, cassette gratifications, bibliothèque, bals et réceptions, Palais impériaux (construction, aménagement, mobilier, jardin, 250.000 fr.) : 840.845. Total : 2.432.886 fr.

[60] Le 11 avril 1814, quand Peyrusse fut nommé trésorier, il y avait en caisse à Fontainebleau : 489.913 fr.

Le 12 avril, Peyrusse reçut à Orléans des mains de La Bouillerie 6.000.000 dont il fit charger, dans les fourgons de l'impératrice, 3.419.998. Il apporta donc à Fontainebleau : 2.580.002 fr.

Les 18 et 19 avril, il reçut de Rambouillet sur l'argent remis à l'impératrice : 911.000 fr. Total : 3.980 915 fr.

Du 11 avril au 4 mai, date de l'arrivée à l'île d'Elbe, il fut dépensé en gratifications, frais de chancellerie, frais de voyage, etc. : 149.817 fr.

Le trésor ne montait donc plus au 4 mai qu'à 3.831.078 fr.

Cf. Livre de caisse de Peyrusse (Mém., Annexes). Méneval, Souvenirs, II, 95-101. États du Trésor. (Arch. nat., AF. IV, 1933.)

[61] L'avant veille de son embarquement, il restait à l'empereur environ 2.004.000 fr. — Nous donnerons au chapitre V du livre II le décompte des dépenses de la traversée de l'île d'Elbe au golfe Jouan et du voyage de Cannes à Paris.

[62] Campbell écrit dans son Journal, à la date du 13 octobre : Napoléon parait très agité par le besoin d'argent. — On voit néanmoins par les comptes précités que l'empereur n'était pas encore à court d'argent et qu'il n'en était pas réduit, comme il l'a prétendu (Rapport du conseil d'Etat du 3 avril inséré dans le Moniteur du 13 avril) à recourir aux banquiers de Gênes et de Rome. Peyrusse, trésorier de l'empereur, était bien, en effet, en rapport avec ces banquiers, mais c'était afin de négocier des traites qu'il recevait en paiement pour le minerai de Rio.

[63] Rapport sur la situation de l'Italie et de l'île d'Elbe, 19 sept. (Arch. Guerre). Extrait de lettres, 31 janv. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Campbell, 344. Cf. Rapport de Jordan, Rome, 4 août. (Arch. Aff. étr., 1800.)

[64] Aux termes du traité du 11 avril (Art. VI et IX), la France devait servir en outre une rente annuelle de 2.500.000 fr. aux membres de la famille impériale et acquitter, jusqu'à concurrence de 2.000.000 de fr., les donations et gratifications de l'empereur à des officiers de la garde et à des personnes de sa Maison et de celle de l'impératrice. Le gouvernement des Bourbons regarda ces clauses comme également nulles, et non seulement il ne paya rien, mais le conseil des ministres adopta la proposition du général Beurnonville, ministre d'Etat, de mettre sous séquestre tous les biens appartenant aux Bonapartes. (Procès-verbaux des séances du conseil des ministres, 5 septembre. Arch. nat. AF * V2. Cf. la Décision du 18 décembre 1814, publiée dans le Moniteur du 11 avril 1815. A en croire La Fayette (Mém., V, 364), si la mesure ne fut pas appliquée, c'est que les bureaux de la Chambre des pairs la repoussèrent à une assez grande majorité.

Or il faut remarquer :

1° Que ces sommes étaient représentées en tout ou en partie par les fonds appartenant à Napoléon et placés sur le Grand-Livre, à la Banque de France, en actions des canaux, dont, par l'article IX du traité, il avait ratifié le retour au domaine de la couronne ;

2° Que dix millions du trésor privé de l'empereur (économies sur la liste civile que l'empereur s'était expressément réservées par l'article XI du traité) avaient été indûment saisis — pour ne pas dire davantage — par les ordres du gouvernement provisoire, le 13 avril, à Orléans, et que ces dix millions, après avoir été quelque peu écornés par les familiers du comte d'Artois, avaient défrayé les premières dépenses de l'administration royale ;

3° Que le traité de Fontainebleau avait rendu à Louis XVIII le trône de F rance, avec 25 millions de liste civile pour lui et 6 millions pour sa famille, sans compter les 30 millions qui lui furent donnés pour payer ses dettes contractées en exil ;

4° Que les clauses de ce traité dont l'exécution concernait la France avaient été garanties, le 11 avril, par une déclaration officielle des membres du gouvernement provisoire, et le 30 mai par une déclaration officielle de Talleyrand au nom de Louis XVIII.

[65] Extraits de lettres d'Angleterre, 26 et 27 oct., 4 nov., 6 mars. (Arch. nat. F. 7, 3739.) Cf. N. à comte Dumoustiers, Londres, 8 déc. (Arch. Aff. étr., 675).

[66] Mariotti, consul de Livourne, au département, Livourne, 23 août, 24 janvier. (Arch. Aff. étr., 1800.) Lettre du préfet de Corse, 3 février. (Arch. nat., F. 7, 3147.)

[67] Déclaration du dey d'Alger à Mac-Donnel, transmise à l'amiral Hallowel et par celui-ci à Campbell, le 31 août. (Campbell, Napol. at Elba, 292). Cf. Campbell à Castlereagh, 17 sept. (Supplément aux Dispatchs of Wellington, IX.) Une phrase assez ambiguë de Campbell pourrait faire croire que le gouvernement français n'était pas étranger à la déclaration du dey. — Dès Fontainebleau et pendant tout son séjour à l'île d'Elbe, l'empereur redouta les insultes des Barbaresques. C'était surtout pour se protéger contre ces corsaires qu'il avait tout de suite porté son armée à seize cents hommes et augmenté les fortifications de l'île. Au mois d'août, le bruit se répandit en France que les Algériens avaient tenté une descente dans l'île d'Elbe. Cf. Napoléon, Correspondance, 21.634, Campbell, 179, 292, 299. Mariotti au département, Livourne, 23 août. Lettres à Mme d'Arbouville, Aix. 17 août (Arch. Aff. étr., 1800, 675.)

[68] Mariotti à N. (Talleyrand), Livourne, 28 sept. 1814. (Arch. Aff. étr., 1800.)

Cette lettre ne porte pas de suscription, mais les expressions qu'emploie Mariotti : Monseigneur, Votre Altesse, ne permettent pas de douter qu'elle ne fût adressée à Talleyrand. On ne peut douter non plus, d'après le texte de cette lettre, que Mariotti en cherchant à attenter à la liberté de l'empereur ne fût d'accord avec Talleyrand : ... Tous les renseignements que j'ai reçus de Porto-Ferrajo et que j'ai eu l'honneur de porter à la connaissance de votre Altesse ne présentent pas beaucoup de facilités à faire enlever Napoléon. Les précautions qu'il a prises sont des obstacles qui me mettent dans l'impossibilité de rien tenter contre lui, à présent, avec quelques probabilités de succès. Je ne perds pas courage, et en attendant je proposerai à V. A. un plan qui réussira peut-être plus facilement que les autres.... Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour prouver à S. M. mon zèle et ma fidélité et pour mériter la confiance dont vous m'honorez.

[69] Géraud, Journal intime, 121. N..., duc et pair, à madame d'Arbouville, Aix, 17 août. (Arch. Aff. étr., 675.)

[70] Les 2 et 3 avril 1814, l'assassinat de Napoléon à Fontainebleau fut concerté à l'hôtel Talleyrand entre Roux-Laborie, secrétaire du gouvernement provisoire, et Maubreuil. La défection probable de Marmont, annoncée à Paris dès le soir du 3 avril, fit abandonner ce projet qui paraissait désormais inutile. Mais on se ravisa les 16 et 17 avril, la mort de Napoléon étant préférable à son exil. Maubreuil quitta donc Paris dans la nuit du 17 au 18 avril, muni de sauf-conduits et d'ordres de réquisition signés : Dupont, Anglès, Bourrienne, Sacken et Brokenhausen, mettant toutes les autorités civiles et militaires, françaises et étrangères, à sa disposition pour une mission secrète de la plus haute importance. Plus tard, les royalistes prétendirent que le but de cette mission était la reprise des diamants de la couronne et de fonds appartenant à l'Etat. Or, les diamants de la couronne, que d'ailleurs Napoléon ne songeait pas à emporter, et les fonds du trésor privé avaient été repris à Orléans dès le 13 avril. Le but réel de cette mission était donc bel et bien l'assassinat de l'empereur sur la route du Midi. Mais Maubreuil, soit qu'il fût pris de scrupules, soit qu'il reculât devant les difficultés et les périls de l'entreprise, soit encore préférât le vol au meurtre, ne suivit pas Napoléon et se contenta d'arrêter près de Montereau les voitures de la princesse Catherine de Wurtemberg, femme de Jérôme, et de lui voler son or et ses diamants. Sur la plainte du czar, Maubreuil fut arrêté aux Tuileries le 25 avril et laissé au secret jusqu'au mois de mars 1815. Le 10 octobre, lors de son transfèrement de la Conciergerie à la prison de l'Abbaye, des amis, ou des protecteurs restés inconnus bousculèrent les gendarmes et mirent Maubreuil à même de s'évader. Mais il refusa, disant qu'il voulait être jugé. (Il prétendit toujours qu'il avait rapporté intacte aux Tuileries la cassette de la princesse Catherine et qu'il n'était persécuté que pour avoir manqué le coup contre Napoléon.) Le 19 mars, Louis XVIII, avant de quitter les Tuileries, donna l'ordre de mettre en liberté le comte de Maubreuil.

Cf. Interrogatoires de Maubreuil, lettres, dépositions, etc. (Arch. Guerre, dossier de Maubreuil, et Correspondance générale à la date du 3 décembre 1811 et du 1er mars 1815.) Vitrolles, Mém, II, 69-96. Talleyrand, Mém., III, 30-322. H. Houssaye, les Mémoires de Talleyrand (article du Journal des Débats du 16 août 1891).

[71] Rapports de Mariotti, Livourne, 23 sept., 14 févr. (Arch. Aff. étr., 1800).

[72] Le colonel comte de C. de B., adjoint au commissaire extraordinaire dans la 23e division militaire, au comte d'Artois, Toulon, 12 juin 1814. (Arch. nat., AF. IV, 1934.) — Nous donnons seulement les initiales du signataire parce que nous trouvons au moins inutile de déshonorer un nom bien porté aujourd'hui.

[73] Exaspère par l'exécution de Frotté. Bruslart aurait écrit jadis au premier consul qu'il périrait de sa main (W. Scott, Vie de Napoléon, XVI, 90). Quoi qu'il en soit, quand Napoléon apprit à l'île d'Elbe que Bruslart était nommé commandant de la Corse, il ne douta pas que cet homme n'y vint avec des desseins homicides (Campbell, 328. Rapport de Mariotti, 24 janv. Arch. Aff. étr., 1800). — D'après une note confidentielle annexée à la lettre précitée du colonel C. de B. (Arch. nat. AF. IV, 1934), ce serait en effet pour assassiner l'empereur que Bruslart aurait été nommé en Corse, nomination qui a étonné tout le monde, même les émigrés. Une lettre d'une dame Cervoni, patriote corse activement mêlée au mouvement bonapartiste de mars 1815, rapporte aussi que vers le milieu de janvier elle empêcha avec des hommes à elle et un nommé Sandreschi, ex-chef de bataillon, l'embarquement à Alissio des émissaires de Bruslart. (Lettre de Corse, 9 mai 1815. Arch. nat., F. 7, 3774.) On lit enfin dans la relation du lieutenant colonel Laborde, qui était à l'île d'Elbe adjudant-major au Bataillon Napoléon, qu'un assassin envoyé par Bruslart arriva à Porto-Ferrajo. Il fut soupçonne, reconnu, maltraité par la foule qui voulut l'écharper ; des grenadiers le dégagèrent et Napoléon lui fit grâce. (Napoléon et la garde, relation du voyage de Fontainebleau à l'île d'Elbe et de l'île d'Elbe à Paris, p. 43.) A signaler encore la lettre de Giraud, chancelier du consulat de Civita-Vecchia, 13 février 1815 (Arch. Aff. étr., Rome, 946) ; la lettre du roi Joseph au général Lamarque, 9 septembre 1830 (Mém., X, 340) ; la proclamation de Napoléon à l'armée de Corse 26 février (Arch. Guerre) ; sa lettre à Davout du 22 mai 1815 et la note de Davout annexée (Arch. Guerre) ; ses ordres d'arrêter Bruslart (Correspondance, 21.701, 21.890) ; enfin les termes méprisants dans lesquels Massena ordonna de mettre en liberté Bruslart qui, échappé de Corse après le 20 mars, venait d'être arrêté à Talon. Rapport du lieutenant de police de Toulon, 21 mai. Arch. nat. F. 7, 3774.)

Il faut citer cependant, à la décharge de Bruslart, la lettre de son aide de camp Dehouel au comte de Marans, aide de camp du duc de Bourbon, Bastia, 10 mars 1815 (Arch. nat. AF. IV, 1938) : Buonaparte avait pense que M. de Bruslart voulait le faire assassiner ou empoisonner. Ce soupçon avait fort affligé M. de Bruslart. Dehouel ajoute d'ailleurs : Si l'on eût écouté les avis du général aux ministres, on aurait évité ce qui arrive. Mais on l'a abreuvé de refus de toute sorte dans ce qu'il demandait pour le bien de sa mission. — La mission de Bruslart était-elle donc, non pas de faire assassiner Napoléon, mais, comme le prétend M. de Martel (Les historiens fantaisistes, II, 194), de le faire enlever de l'île d'Elbe ?

[74] Note à lord Liverpool, Rome 9 février. (Supplément aux Dispatchs of Wellington, IX.) Campbell, 318, 328, 330, 352. Rapports de Mariotti, Livourne, 23 août, 28 sept., 1er novembre, 16 déc., 24 janv., 14 et 24 févr. (Arch. Aff. etr., 1800.) — La même crainte existait dans l'entourage de l'empereur. (John Aye à sa femme, Porto-Ferrajo, 22 janv. Arch. Aff. étr., 675.)

[75] Napoléon, Correspondance, 21 656, 21 660. Peyrusse, 263. Rapports à Mariotti, Porto-Pecrajo, 23 nov., 4, 5, 30, 31 déc., 1er, 6 et 9 janv., 18 févr. (cités par Pellet, Appendice). Rapports de Mariotti, Livourne. 28 déc., 26 janv. (Arch. Aff. étr., 1800.) Cf. Rapports et ordres de l'amiral Lhermitte, Toulon, 7, 20 et 21 déc. (Arch. de la Marine, Bb 415.)

[76] Foresi, Napoleone all isola dell'Elba, 26 ; Cf. 23, 24. Rapports précités de l'agent de Mariotti, 5, 27 déc., 2 janv., 26 et 27 févr. Peyrusse, 234, 235, 255. Lieutenant-colonel Laborde, Napoléon et la garde à l'île d'Elbe, 40-43.

[77] Campbell à Castlereagh, Porto-Ferrajo, 17 sept. (Dispatchs of Wellington, Supplément, IX.) Sketch of a conversation with Napol. at Elba, 27. Campbell, Napol. at Elba, 179, 239, 299, 317, cf. 305. Rapport sur l'île d'Elbe du 17 sept. (Arch. Guerre). Rapport de Jordan, Rome, 14 août. (Arch. Aff. étr., 1800.)

[78] Napoléon s'est contredit en donnant, après l'événement, les motifs de son départ de l'île d'Elbe. Dans ses Notes sur les Mémoires de Fleury de Chaboulon (Napoléon, Mémoires, II, 298) et dans le Mémorial (III, 411, VI, 485) il prétend qu'il y fut déterminé par la crainte d'être déporté, l'inexécution du traité de Fontainebleau et les dispositions des esprits en France. Mais dans ses notes sur le Manuscrit venu de Sainte-Hélène (Napoléon, Correspondance, XXXI, 225) il assure que les infractions au traité et les menaces de déportation n'eurent aucune influence sur ses résolutions.

[79] Cf. Correspondance ministérielle, juillet 1814 à février 1815 (Arch. de la marine, Bb 415). Rapport de Mariotti, Livourne, 11 février. Rapport de Bertrand à Caulaincourt sur le séjour de Napoléon à l'île d'Elbe, Paris, 1er juin 1815 (Arch. Aff. étr., 1800-1802.). F. de Chaboulon, Mém. I, 95-98, 105-112. — Le consul de Livourne a bien fait de refuser des passeports pour l'île d'Elbe. Talleyrand à Jaucourt, 12 oct. (Arch. Aff. étr., 680.) — On a refusé deux fois à un certain Charpentier, ex-jardinier de la princesse Borghèse, un passeport pour l'île d'Elbe. Il en a demandé un pour Naples qu'on lui a refusé aussi, puis un pour Marseille également refusé. Un autre individu, nommé Hazebruck, en a sollicité un pour Marseille. On le lui a accordé, mais pour le faire arrêter en route. Rapport de police générale, Paris, 1er nov. (Arch. nat., F. 7, 368824).

On mettait tant d'entraves à la correspondance non seulement entre la France et l'île d'Elbe, mais entre la France et la Toscane, voisine de l'île d'Elbe, que des lettres envoyées par le ministre des affaires étrangères au consul français de Livourne mirent vingt jours à lui parvenir. La police sarde les avait retenues. Mariotti au département, Livourne, 11 févr. (Arch. Aff. étr., 1880.)

[80] Campbell, 259, 283, 329, 343, 345-346. Lettre de Campbell à Mariotti, 26 déc., et rapports de Mariotti, 2 et 7 déc. (cités par Pellet). Campbell à Bailler, 24 oct. (Arch. Aff. étr., 675.) Rapport de l'amiral Lhermitte, Toulon, 25 sept. (Arch. de la Marine, Bb 415.) Montholon, Récits, II, 261, 252.) C'est à l'un de ces visiteurs anglais que Napoléon dit un jour : Le roi de France est bien mal entouré. Il n'a autour de lui que des traitres qui m'ont trahi. Pourquoi ne le trahiraient-ils pas aussi ? Rapport du 25 juillet (Arch. nat., F. 7, 3738.) Campbell, 259, 283, 329, 343, 345-346. Lettre de Campbell à Mariotti, 26 déc., et rapports de Mariotti, 2 et 7 déc. (cités par Pellet). Campbell à Bailler, 24 oct. (Arch. Aff. étr., 675.) Rapport de l'amiral Lhermitte, Toulon, 25 sept. (Arch. de la Marine, Bb 415. Montholon, Récits, II, 261, 252.) C'est à l'un de ces visiteurs anglais que Napoléon dit un jour : Le roi de France est bien mal entouré. Il n'a autour de lui que des traitres qui m'ont trahi. Pourquoi ne le trahiraient-ils pas aussi ? Rapport du 25 juillet (Arch. nat., F. 7, 3738.)

[81] Campbell, Napoleon at Elba, 343, 345.

[82] Peyrusse, 254. Rapports de Mariotti, 1er nov. 1814 et 24 janv. 1815 (Arch. Aff. étr., 1800). — Il y a encore la phrase amphibologique de Napoléon dans sa conversation avec Litta (2 déc.) : Avant de partir, j'aurai le plaisir de vous revoir. Selon un rapport du 1er déc. de l'agent de Mariotti, Napoléon aurait dit aussi à Drouot en plein cercle. — Eh ! bien, général qu'en pensez-vous ? Serait-il trop tôt de sortir de File pendant le carnaval ? Mais ce racontage nous paraît implicitement contredit par la lettre de Drouot, que nous citons dans la note suivante.

[83] Peyrusse, ni Foresi, ni Campbell ne signalent aucune conférence, aucun préparatif. Drouot et Cambronne ont témoigné ne s'être douté de rien, le premier jusqu'au 16 ou 17 février, le second jusqu'au 22. (Procès de Drouot, 15. Procès de Cambronne, 7.) — Le 4 février 1815, Drouot écrivait à un ami intime : ... Il ne m'est pas arrivé une seule fois de regretter le parti que j'ai pris. Si c'était à recommencer, j'agirais comme j'ai fait. Je ne prévois plus pour moi des plaisirs bien vifs, mais je vivrai dans le calme et la tranquillité de l'âme. L'étude est pour moi d'une grande ressource. (Lettre au capitaine Planat, citée par Girod de l'Ain, Le général Drouot, 78.) Pour qui connaît le caractère de Drouot, il est certain que le général n'aurait pas écrit ces lignes s'il avait cru s'embarquer trois semaines plus tard.

[84] Campbell, 226, 234, 258, 268, 275, 289, 303, 343. Rapports de Mariotti, 12 déc., 24 janv. (Arch. Aff. étr., 1800). Rapports à Mariotti, 1er, 2, 5, 7, 27, 28, 31 déc., 6 janv., 20, 22 févr. (cités par Pellet, Appendice). Cf. Bagnano, La vérité sur les Cent Jours principalement par rapport à la renaissance projetée de l'Empire romain, 4-20, 22-52, 55-75, etc. — Il s'agissait de la reconstitution de l'empire romain avec Napoléon empereur à Rome, quatre vice-empereurs dans les principales villes de l'Italie et un parlement libéral. Napoléon était certainement au courant de ces projets. Peut-être même les encourageait-il pour entretenir dans la péninsule une agitation qui pouvait seconder ses desseins sur la France. Mais il est bien peu probable qu'il ait jamais songé à prendre part de sa personne à cette révolution.

[85] Dans les instructions secrètes de l'amiral Lhermitte aux commandants des frégates en croisière autour de l'île d'Elbe, il n'est question que d'empêcher le débarquement de l'empereur sur les côtes d'Italie. (Arch. de la Marine, Bb 415, à la date du 20 décembre.)

[86] Rapport de Mariotti, Livourne, 14 févr. (Arch. Aff. étr., 1806). Dehouel, aide de camp de Bruslart à comte de Marens, Bastia, 10 mars. (Arch. nat., AF. IV, 1038). Campbell, Napoleon at Elba, 362.

[87] Fleury de Chaboulon, 106-107, 113-114. Cf. Rapport de l'agent de Mariotti. Porto-Ferrajo, 18 février (cité par Pellet, Appendice) : Il est arrivé il y a quelques jours un personnage distingué, déguisé en marin, transporté par une felouque de Lerici. Il est reparti après avoir eu plusieurs conférences secrètes avec l'empereur. Cette visite a très visiblement réjoui Napoléon.

On a cru jusqu'ici que Fleury n'avait débarqué que le 22 février. Nous ignorons absolument sur quel témoignage s'est formée cette opinion. Napoléon (L'île d'Elbe et les Cents Jours, Correspondance XXXI, 32) dit que la visite de Fleury eut lieu en février, niais il ne précise pas le jour. Fleury n'indique pas non plus la date de son arrivée et dit seulement qu'il entra au port dans la soirée. Mais le rapport de l'espion italien, qui confirme sur tous les points le récit de Fleury, le complète sur ce point particulier. Ces mots datés du 18 février : .... a débarqué il y a quelques jours marquent bien que Fleury a débarqué le 12 ou le 13, c'est-à-dire cinq ou six jours auparavant. Si son arrivée avait eu lieu le 16, l'espion aurait évidemment écrit : il y a deux jours ou avant-hier. (D'ailleurs la supposition du 16 est inadmissible, car dans ce cas Fleury, qui arriva à l'île d'Elbe passé 6 heures du soir et qui y resta 48 heures, n'aurait pu en être reparti le 18 à l'heure où l'espion écrivait son rapport.) Si, au contraire. la venue de Fleury avait eu lieu antérieurement au 10 février, l'espion aurait mis : il y a huit jours ou il y a quinze jours. Mais l'agent de Mariotti a écrit il y a quelques jours. Nous le répétons : Quelques jours, cela veut dire quatre, cinq ou six jours. D'autre part, c'est du 16 février, c'est-à-dire du lendemain ou du surlendemain des audiences de Fleury que sont datés les premiers ordres de Napoléon touchant des préparatifs de départ (Correspondance, 21 674, 21 675) ; et Drouot témoigne aussi (Interrogatoire, Procès de Drouot, 15, 53) que ce fut seulement dans la seconde quinzaine de février que l'empereur lui confia ses nouveaux desseins.

Ainsi Fleury débarque le 12 ou le 13 dans la soirée. Le lendemain 13 ou 14, et le surlendemain 14 ou 15, il voit successive ment l'empereur. Le soir du 14 ou du 15, il quitte l'île, et le 16, Napoléon donne ses premiers ordres pour le départ. Il est difficile de croire à une coïncidence fortuite entre les audiences de Fleury des 14 et 15 février et l'ordre de Napoléon du 16 de radouber le brick et de noliser des bâtiments. Bien plutôt, il faut admettre que les nouvelles apportées par Fleury de Chaboulon déterminèrent Napoléon à quitter l'île ou du moins hâtèrent son départ.

Fleury de Chaboulon avait bien affirmé que ses paroles avaient eu cette action décisive sur Napoléon, mais sa prétention paraissait mal fondée puisqu'on le croyait débarqué à Porto-Ferrajo seulement le 22 février, et que les premiers ordres relatifs au départ sont du 16 février. Maintenant que grâce au rapport de l'agent de Mariotti nous avons pu fixer l'arrivée de Fleury au 12 ou au 13 février, la chose ne parait plus douteuse.

Disons à ce propos que M. Marcellin Pellet, qui ne parait pas soupçonner l'importance du document découvert par lui et qui est désireux sans doute de mettre le témoignage de l'espion italien d'accord avec la tradition, sans fondement, de l'arrivée de Fleury le 2 février, assure dans une note que le paragraphe en question du rapport du 18 février a dû être transposé par erreur et doit être placé dans un rapport subséquent. Cette assertion est inadmissible puisque les rapports de l'agent de Mariotti existent aux archives du consulat de Livourne en originaux et non en copies.

[88] Fleury de Chaboulon, I, 91-127. Cf. Rapport précité de l'agent de Mariotti, Porto-Ferrajo, 18 février. Ernouf, Maret, duc de Bassano, 644. Lavallette, Mémoires, II, 140-141. Montholon, Récits, II, 262, 368.

On sait que Fleury de Chaboulon se dissimule dans son récit du voyage à l'île d'Elbe sous nom d'un prétendu colonel Z..., censé tué à Waterloo et qui n'a jamais existé.

[89] L'agent de Mariotti (Rapports précités des 27 déc. et 17 févr.) cite encore, parmi les Français débarqués, un avocat nommé Lamilit, bonapartiste expansif, trop bavard pour avoir été choisi comme émissaire secret, et le capitaine de frégate Chautard, qui fut nommé en janvier au commandement du brick l'Inconstant. D'après la préface du livre de Chautard fils (Napoléon et la Démocratie, ouvrage déclamatoire sans intérêt historique), le capitaine Chautard se rendit à l'île d'Elbe à la suite de l'avortement d'une conspiration à Toulon. C'est une légende que détruit l'examen du dossier de Chautard. (Arch. de la Marine.) Mis à la retraite au mois d'août 1814, cet officier n'était sous le coup d'aucune poursuite quand il vint à l'île d'Elbe pour y chercher un emploi.

Un gantier de Grenoble, nommé Dumoulin, vint aussi à l'île d'Elbe en septembre, et renseigna l'empereur sur l'esprit du Dauphine. (Cf. Laborde, Napoléon et la garde, 65) ; Montholon, II, 40 ; et une lettre de Dumoulin à Napoléon III, laquelle d'ailleurs contient beaucoup de détails faux. Quant aux prétendues missions du médecin Renoult, le procès de Rovigo a démontré qu'elles sont absolument imaginaires. Rovigo, Mémoires, VIII, 303 et 307-308.

[90] Napoléon, le Correspondance, 21 607. Cf. Œuvres de Sainte-Hélène (Correspondance, XXXI, 16) et Monier, lieutenant de grenadiers, Une année de la vie de Napoléon, 72-73.

[91] Procès de Lavalette, 13. Rapport à Mariotti, Porto-Ferrajo, 26 déc., Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 21).

[92] Fleury de Chaboulon, I, 126. Cf. 141.

[93] Fleury de Chaboulon, I, 127-150, 152-157. Cf. Napoléon, L'île d'Elbe et les Cents Jours. (Correspondance, XXXI, 32-34.) Montholon, Récits, II, 262.

D'après Napoléon, il renvoya Fleury en France afin de prévenir de son prochain débarquement les personnages connus pour leur attachement à sa personne et les engager à se cacher de façon à ne point servir d'otages aux Bourbons. D'après Fleury, il aurait été chargé d'une tout autre mission. Il devait engager les bonapartistes et les patriotes à agir dès qu'ils apprendraient le débarquement de Napoléon afin d'assaillir les royalistes de deux côtés à la fois. Il devait, en outre, envoyer à l'île d'Elbe des renseignements sur l'esprit des officiers des régiments en garnison dans le Sud-Est de la France.

Il est difficile d'admettre que Fleury pût avoir le temps de rentrer à Paris par Naples, de conférer avec les bonapartistes, de prendre des informations sur l'esprit des garnisons du Midi et de les transmettre à Pile d'Elbe, tout cela avant le départ de Napoléon qui devait avoir lieu, dit Fleury, le 1er avril ou plus tôt. A son retour en France, le 8 mars, Fleury fut un peu dépité d'apprendre que l'Empereur y avait débarqué le 1er mars. Il l'accusa, à part lui, de l'avoir trompé. Napoléon lui donna, dit-il, cette explication : — A peine fûtes-vous parti que je regrettai mon imprudence de vous avoir renvoyé sur le continent, car les renseignements que vous deviez prendre, les lettres que vous deviez m'écrire, les conférences que vous deviez avoir pouvaient éveiller les soupçons. C'est pourquoi je me suis décidé à partir tout de suite. Fleury put se payer de ces paroles, mais il est plus présumable que l'empereur avait fait ces réflexions avant le départ de son jeune confident et que ne voulant pas, pour un motif ou pour un autre, qu'il restât à file d'Elbe, il lui avait donné le change en le chargeant de prétendues missions qu'il ne lui laisserait pas le temps de remplir. Napoléon voulait être en France avant que Fleury ne pût y être lui-même.

Quant â croire que Napoléon comptait rester à l'île d'Elbe jusque vers le 1er avril, mais que le lendemain du départ de Fleury, l'arrivée de Colonna d'Istria qui apporta la nouvelle de la prétendue clôture dot congrès de Vienne le décida à partir tout de suite, cela n'est guère possible. Montholon dit bien : L'arrivée de Fleury coïncida avec celle de Colonna. La décision fut instantanée. Mais nous savons par le Livre de caisse de Peyrusse (Mémorial, Annexes, 134) que Colonna était de retour à l'île d'Elbe le 11 février, c'est-à-dire avant l'arrivée de Fleury qui n'y débarqua que le 12 ou le 13.

[94] Napoléon à Drouot (16 février). Correspondance, 21 674, 21 675.

[95] Napoléon, Correspondance, 21 677. — Deux autres lettres à Bertrand des 10 et 22 février (Correspondance, 21 676 et 21 678) relatives à l'adjudication de routes ont-elles aussi été écrites pour donner le change ? C'est plus douteux. L'homme qui à Moscou s'occupait du règlement de la Comédie-Française pouvait bien, trois jours avant son départ de l'île d'Elbe, prescrire l'achèvement d'un tronçon de route.

[96] Foresi, Napoleone all'isola dell'Elba, 71-72. Peyrusse, Mémoires, 269-270. Cf. Las Cases, VI, 186. Napoléon garda le secret jusqu'au dernier moment.

[97] D'après les Souvenirs manuscrits de Madame mère (cités par le baron Larrey, Madame mère, II, 529) l'empereur ne lui confia son projet que quelques heures avant l'embarquement.

[98] Interrogatoire de Drouot. Dépositions de Lacour, ex-commissaire des guerres à l'île d'Elbe, de Mme Deschamps, femme d'un fourrier du Palais, et de Peyrusse. (Procès de Drouot, 3-6, 14, 15, 16, 53.)

[99] D'après l'éditeur du Manuscrit de l'île d'Elbe, Napoléon aurait passé la journée du 20 février et la matinée du 22 à dicter cet opuscule, qui est le résumé politique de l'histoire des vingt dernières années el, qui conclut à la légitimité de la IVe dynastie. Ce manifeste (un peu sérieux et un peu long pour un manifeste !) devait, parait-il, être publié comme le développement des proclamations de l'empereur au peuple français. Las Cases (Mém., VI, 129-166) cite à peu près la moitié de cet écrit qu'il déclare authentique Quoi qu'il en soit, il ne fut pas imprimé en 1815. En 1818, après le succès du livre de Lullin de Chateauvieux : le Manuscrit de Sainte-Hélène, O'Meara l'édita sous le titre de Manuscrit de l'île d'Elbe.

[100] Rapports à Mariotti précités, Porto-Ferrajo, 19, 20, 21, 22, 23 fév. Cf. Peyrusse, Mém., 270, et Rapport du secrétaire de la princesse Borghèse cité par Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, 171.

[101] Dans un rapport non daté (du 24 ou du 25 février, l'agent de Mariotti écrit : Je crois que le Français Charles Albert a hâté le départ qui aura lieu au premier jour. Cette supposition, mal fondée, était cependant fort naturelle de la part de l'espion. Charles Albert arrive le 19 ; c'est le 20 ou le 21 que les préparatifs de départ commencent à être visibles. Donc, Charles Albert a décidé Napoléon. Mais si l'agent de Mariotti avait connu les ordres de l'Empereur du 16 février, antérieurs de trois jours à l'arrivée de Charles Albert et postérieurs d'un jour au départ de Fleury de Chaboulon, il aurait compris que Napoléon avait arrêté ses résolutions avant de voir Charles Albert.

[102] Campbell, 358. Foresi, 72. Cf. Peyrusse, 271.

[103] Rapport du capitaine Adye (cité par Campbell, 363-364, note). Rapport à Mariotti, Porto-Ferrajo, 24 février (cité par Pellet, Appendice). Peyrusse, 271-272.

[104] Rapports précités à Mariotti, Porto-Ferrajo, 24 et 25 fév. Cf. Monier lieutenant de grenadiers, Une année de Napoléon, 98.

[105] Rapports à Mariotti, Porto-Ferrojo, 25 février. Cf. Rapport au même, Porto-Ferrajo, s. d. (24 ou 25 févr.) (cités par Pellet, Appendice, 112, 161-163). — D'après Monier, lieutenant de grenadiers (Une année de Napoléon) et le colonel Laborde (Napoléon et la garde à l'île d'Elbe), les officiers ne furent avertis du départ que le 26. — Avertis officiellement, oui. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ne s'en doutaient pas la veille et l'avant-veille. L'agent de Mariotti en témoigne, et des rapports rédigés au jour le jour sont plus exacts sur les points de détail que des souvenirs écrits plus ou moins longtemps après les événements.

[106] Rapport précité à Mariotti, Porto-Ferrajo, 25 févr.

[107] Napoléon, Correspondance, 21 581, 21 682, 21 683.

Dans la Correspondance, ces proclamations prétendues improvisées pendant la traversée et prétendues imprimées pour la première fois à Gap, le 6 mars, portent : Golfe Jouan, Pr mars. Or, nous avons découvert aux Archives des Affaires étrangères (Papiers des Bonaparte, 1801), les premiers exemplaires imprimés de ces trois proclamations. Ils ne portent pas la mention de golfe Jouan ni de fer mars, et on lit au bas : A Porto-Ferrajo, chez Broglia, imprimeur du gouvernement. — Nous reviendrons sur ce point de détail.

Le même jour, ou dans la matinée du lendemain, Napoléon rédigea aussi quatre décrets relatifs à la Corse : — destitution de l'infâme Bruslart, nominations d'officiers généraux, etc. — et deux proclamations : l'une à 'armée de Corse, l'autre au peuple de Corse. (Copies certifiées par le général Bruny, nommé commandant militaire de Bastia, Archives de la guerre, carton de la correspondance de Napoléon.) Ces divers écrits furent emportés par les émissaires qui, trois jours après l'embarquement de l'empereur, partirent pour révolutionner la Corse. (Rapport à Mariotti, le 1er mars.) La proclamation à l'armée de Corse finissait ainsi : Arrachez ces couleurs que pendant vingt ans nous avons combattues. Arborez le pavillon tricolore, c'est celui de la nation, c'est celui de la victoire.

[108] Rapport précité à Mariotti, Porto-Ferrajo, 26 févr. (cité par Pellet, Appendice, 165). Lieutenant-colonel Laborde, Napoléon et la garde de l'île d'Elbe, 47-48. Las Cases, Mémoires, II, 301.

[109] Napoléon (L'île d'Elbe et les Cent Jours, Correspondance, XXXI, 90), dit qu'on emmena 34 chevaux dont 8 de selle. Mais d'après Peyrusse (Mémorial, 279) et le rapport du secrétaire de la princesse Borghèse (cité par Helfert, Joachim Murat und letzten Kämpfe), il semble qu'on embarqua seulement un cheval pour l'empereur et un très petit nombre de chevaux d'artillerie. Selon Hobhouse même (Lettres, I, 113-114), qui prétend tenir ses renseignements de Jermanowski, il n'y aurait eu en tout que quatre chevaux embarqués, et les chevaux pour l'artillerie auraient été achetés à Cannes.

[110] Peyrusse, Mémorial, 272-273. 1er interrogatoire du capitaine de la polacre le Saint-Esprit, Antibes, 2 mars. (Arch. Guerre.)

[111] Rapport à Mariotti, précité, Porto-Ferrajo, 26 févr. Peyrusse, 2-4. Lieutenant-colonel Laborde, Napoléon et la garde à l'île d'Elbe, 48. 2e interrogatoire du capitaine du Saint-Esprit, Antibes, 3 mars. (Arch. Guerre.)

[112] Proclamation de Lapi, Porto-Ferrajo, s. d. (27 févr.) (Arch. Aff. étr., 1801.) Rapport de Mariotti, Porto-Ferrajo, 26 févr. (cité par Pellet, Napoléon à l'île d'Elbe, Appendice). Rapport du secrétaire de la princesse Borghèse (cité par Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, 172-174).

[113] Rapport à Mariotti, Porto-Ferrajo, 26 févr. (cité par Pellet, Appendice). 1er et 2e interrogatoires du capitaine du Saint-Esprit, Antibes, 2 et 3 mars. (Arch. Guerre.) Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 95-96.) Etat des dépenses du voyage de l'île d'Elbe, dans Peyrusse, Annexes, 305-308.

D'après l'agent de Mariotti et le capitaine du Saint-Esprit, la flottille n'aurait compté que six bâtiments, mais d'après le livre de caisse de Peyrusse, les Œuvres de Sainte-Hélène, et le rapport du secrétaire de la princesse Borghèse (cité par Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, 172-174), il y en avait sept.

[114] Campbell, Napoleon at Elba, 372-377. Rapport du capitaine Adye, cité ibid., 363-364, note.

[115] Campbell, 373-377. Rapport à Mariotti, Porto-Ferrajo, 28 févr. (cité par Pellet, Appendice). Rapport du secrétaire de la princesse Borghèse (cité par Helfert, Murat und seine letzten Kämpfe, 173-175). Récit de Campbell, rapporté par le préfet du Var, mars, s. d. (Arch. nat. F. 7, 30442.)

[116] Rapport précité à Mariotti, Porto-Ferrajo, 28 févr.

[117] Campbell à gouverneur de Livourne, à bord de la frégate the Partridge, 28 févr. (Arch. nat., AF. IV, 1589.) Cf. Consul anglais de Livourne à Burghesh, à Castlereagh, etc. Livourne, 1er mars. (Arch. Aff. étr., 676.)

[118] Campbell, Napol. at Elba, 383-387. Rapport justificatif de Garat, commandant la Fleur de Lys, cité, ibid.

[119] Campbell, 253, 360, 379. Rapport précité à Mariotti, Porto-Ferrajo, 23 févr. N. à la baronne de Flachs-Lünden, Neubourg, 14 oct. 1814. (Arch. Aff. étr., 675.) Dans ce volume, formé de copies de lettres ouvertes par le Cabinet noir, nombre de pièces relatent cette même croyance.

[120] Campbell, 360, 279. Hyde de Neuville, Mém., II, 36. — Hyde de Neuville ne mentionne cette opinion que pour la combattre et rendre témoignage à Campbell.

[121] Extrait des Mémoires manuscrits de Sébastien Ciampi, cité par Pellet, Annexes, 289-290. — Cette opinion saugrenue a encore des défenseurs.

[122] Séance du 7 avril. (Parliamentary Debales, XXX, 426, sq.)

[123] Somerset à Jaucourt, Paris, 17 mars (Arch. Aff. étr., 646) Il m'a été dit d'assurer S. M. T. C. que le prince régent ne perdra pas de temps pour inviter les autres puissances à combattre Bonaparte.

[124] Wellington à Wellesley, Vienne, 12 mars (copie aux Arch. Aff. étr., 1501) : Si nous apprenons que le roi de France n'est pas assez fort pour venir à bout tout seul de Bonaparte, nous mettrons en mouvement toutes les forces de l'Europe, et si même il (Napoléon) réussit à s'établir en France, nous parviendrons certainement à le renverser.

(Note de la 23° édition). Les Lettres inédites de Napoléon à l'île d'Elbe, publiées en 1897 par M. Léon Pélissier, confirment tout ce que j'ai dit sur le séjour de l'empereur à l'île d'Elbe et notamment ce point capital, que jusqu'à la mi-février Napoléon ne s'ouvrit à personne de son grand projet et ne prit aucune mesure préparatoire.