1815

LIVRE I. — LA PREMIÈRE RESTAURATION

 

CHAPITRE I. — LA FRANCE SOUS LOUIS XVIII.

 

 

I

Le 3 mai 1814. Louis XVIII fit son entrée à Paris, au bruit des cloches et du canon, dans une calèche attelée de huit chevaux blancs ; le 1er juin, le traité de paix signé l'avant-veille, les armées alliées se mirent en marche pour repasser les frontières ; le juin, il fut donné lecture aux deux Chambres, en séance royale, de la Charte octroyée. La période des révolutions et des guerres était close ; la monarchie héréditaire et l'autorité de droit divin étaient rétablies ; le roi légitime, Louis le Désiré, était aux Tuileries, sur le trône de ses ancêtres, dans la dix-neuvième année de son règne.

Il ne s'agissait plus que de gouverner.

Pour y réussir, il eût fallu un autre Henri IV, habile, rusé, un peu gascon, indifférent aux principes comme aux préjugés, parlant dans le Conseil avec la fermeté et le prestige d'un capitaine qui s'est taillé son royaume à coups d'épée, actif d'esprit, agile de corps, chaud de cœur, bon enfant et diable-à-quatre. Encore le Béarnais, une fois maître de Paris, avait-il eu moins d'intérêts à concilier, d'alarmes à calmer, de résistances et de partis-pris à vaincre. — Le plus fort est fait, disait Louis XVIII en recevant Beugnot à Saint-Ouen. Illusions ! Autant la restauration des Bourbons, si inattendue dans la dernière année de l'empire que l'on a pu, avec apparence, l'appeler miraculeuse, s'était accomplie aisément, autant la tâche du nouveau gouvernement allait être compliquée, difficile et pénible. La royauté avait été accueillie avec enthousiasme par un dixième de la population. Trois dixièmes s'y étaient ralliés par raison. Le reste, c'est-à-dire plus de la moitié des Français, demeurait hésitant, défiant, plutôt hostile. Dans les mois d'avril et de mai, malgré les adhésions empressées des grands corps de l'État, des officiers généraux, de la foule des fonctionnaires, malgré les adresses des municipalités et les dithyrambes des journaux, malgré les Te Deum, les pavoisements et les illuminations, il s'en fallait bien que l'opinion fût unanime[1].

L'armée en pleine dissolution — il y eut en deux mois 180.000 déserteurs[2] — menaçait d'entre ; en pleine révolte. Dans vingt villes fortes, la garnison se souleva au cri de : Vive l'empereur ! Partout les soldats méconnaissaient l'autorité des chefs, brûlaient ou traînaient au ruisseau les drapeaux blancs, refusaient de prendre la cocarde royale et disaient qu'ils ne serviraient jamais que leur empereur.

Dans le peuple des villes, et plus encore chez les paysans, l'opposition était très marquée. Le quai de Gesvres, où s'assemblaient les ouvriers saris travail, retentissait de cris et de menaces contre les Bourbons. Le 11 mai, une colonne de populaire se porta jusque sous les fenêtres des Tuileries, vociférant : De l'argent ou la mort ! Vive l'empereur[3] ! Pour le moment, écrit le 23 avril le duc de X... au comte d'Artois, la masse de la nation donne des regrets au gouvernement d'une régence, et l'armée est toute à Napoléon[4]. — Les campagnes et une grande partie des villes sont en opposition avec les amis du roi, écrit à Dupont le général Boudin[5]Au moins la moitié du peuple, surtout dans les campagnes, écrit le 25 mai à Beugnot un président de collège cantonal, est contraire au rétablissement des Bourbons et ne veut pas se détacher de Bonaparte. Il ne veut pas croire à la réalité et encore moins à la stabilité de cette révolution[6]. A Toulon, le 4 mai, on colle des aigles sur les fleurs de lys des affiches administratives ; à Dôle, le 9 juin, on appose ce placard : Vive le roi pour trois jours ! vive Bonaparte pour toujours ! En Alsace, en Champagne, en Lorraine, en Franche-Comté, en Dauphiné, dans la Saône-et-Loire, dans la Côte-d'Or, les Charentes, la Corrèze, le Lot, le Loiret, l'Allier, la Nièvre, on lacère les proclamations officielles, on enlève des clochers les nouveaux drapeaux, on insulte, on maltraite les gens qui portent la cocarde blanche[7].

En revoyant cette cocarde d'un autre âge, dont la réapparition coïncidait avec un changement subit dans les façons d'être des nobles, devenus en un jour hautains et arrogants[8], les paysans pensaient au rétablissement de la dîme et des droits féodaux[9]. Les trois ou quatre millions de possesseurs de biens nationaux pensaient à pis. Déjà, au grand retour des émigrés, en l'an X, ils avaient eu à subir de la part des anciens propriétaires des demandes de restitution ou de transaction, des menaces occultes, jusqu'à des procès[10]. Et l'on était alors sous la République Qu'allaient donc être les prétentions des émigrés maintenant que le roi régnait ? La France était rendue aux Bourbons. Les biens confisqués ne devaient-ils pas être restitués à ceux qui avaient souffert et combattu pour eux[11] ? Cette idée était si bien entrée dans les esprits, qu'après la Déclaration de Saint-Ouen, le régisseur de M. de Villèle fut le trouver pour s'enquérir s'il était bien vrai que le roi eût reconnu la validité des ventes. Il ne croyait pas cela possible Lorsqu'il fut enfin convaincu, il s'écria ingénument : — Ah ! mon Dieu ! et moi qui aurais pu tant en acheter ![12]

A ces inquiétudes s'ajoutait le mécontentement de voir maintenir les droits réunis, dont les manifestes royalistes, répandus pendant la guerre, avaient promis la suppression. Dans plusieurs communes du Doubs, du Jura, du Bas-Rhin, des Charentes, de. la. Gironde, de la Seine-Inférieure, les habitants chassèrent les agents du fisc et brûlèrent leurs registres[13]. Quant aux Bretons et aux Vendéens, ils se tenaient prêts à se servir de leurs vieux fusils plutôt que d'acquitter ces taxes détestées. Ils prétendaient même ne point payer l'impôt direct. Nous avons combattu pour le roi, disaient-ils. Toutes les contributions doivent être abolies pour nous[14].

Au reste, on était encore dans une période de transition. II y avait à s'inquiéter, non à s'effrayer de l'esprit public. Si chez les soldats, compagnons de gloire de Napoléon, et chez quelques bonapartistes, comme Bassano. Lavallette, Caulaincourt, Flahaut, dévoués à l'homme autant qu'au souverain, on pouvait craindre que les regrets et les sentiments hostiles ne persistassent longtemps, on devait espérer que dans le peuple des villes et des campagnes, le mécontentement tomberait quand la défiance aurait disparu. L'opinion était troublée et hésitante ; il n'était pas impossible de l'amener tout entière à soi. Il y avait individuellement des opposants, mais les partis d'opposition n'existaient pas. Il fallait ne point les laisser se former. Dans le monde de la politique, de la finance, des lettres, du barreau, dans la bourgeoisie, dans l'état-major général de l'armée, parmi les dignitaires des loges maçonniques, tout le monde, à quelques exceptions près, était pour le roi. Il en était de même chez la plupart des manufacturiers et des commerçants, encore que les uns et les autres redoutassent avec raison une baisse énorme sur leur stock par suite de l'invasion subite des produits étrangers. L'immense foule des indifférents se réjouissait de la paix. Les bonapartistes, qui ne s'en réjouissaient pas moins, se flattaient de conserver, sous le nouveau régime, grades, fonctions et traitements. Ceux des terroristes qui ne s'étaient pas ralliés à Napoléon, ou qu'il avait dédaignés, attendaient de la royauté plus de liberté que de l'empire. Les libéraux voyaient dans la monarchie, tempérée par la Charte, la réalisation de leurs vœux.

Les plus glorieux représentants de l'empire, comme Ney, les plus grands patriotes, comme Carnot, avaient accepté franchement la royauté[15]. Augereau écrivait dans une proclamation : Soldats ! arborons la couleur vraiment française qui fait disparaître tout emblème de la révolution[16]. Fontanes disait au roi, au nom de l'Université de France : Sire, les vertus royales, apanages de votre Maison, feront bientôt oublier les temps douloureux qui s'écoulèrent loin de vous[17]. Fouché intriguait pour être pair de France et ministre de la police. Il exhortait Napoléon à refuser la souveraineté de l'île d'Elbe, où il serait toujours un sujet d'inquiétude pour l'Europe, et à aller vivre aux Etats-Unis en simple citoyen, envoyait au comte d'Artois copie de sa lettre à l'ex-empereur, et écrivait à Blacas : Il faut que le dix-neuvième siècle porte le nom de Louis XVIII comme le dix-septième a porté celui de Louis XIV[18]. Rouget de l'Isle composait un hymne royaliste[19] un parent de Dubois de Crancé demandait à s'appeler Dubois de Fresnoy[20], et Barère, qui avait interrogé Louis XVI comme président de la Convention, portait la croix du Lys[21].

Parmi ces royalistes du lendemain, plusieurs craignaient bien quelque retour offensif de l'ancien régime, mais tous ne demandaient qu'avoir s'accomplir sous le sceptre d'un Bourbon l'alliance de la monarchie et de la liberté. Les journaux, affranchis de la censure, reconnaissaient sans discussion le principe de l'autorité royale. Entre tous les hommes politiques et parmi tous ceux que l'on appelait les gens de bien, il y avait accord pour acclamer la restauration et pour fonder sur la royauté constitutionnelle les meilleures espérances.

C'est pourquoi la plupart des auteurs de Mémoires et des historiens ont pu dire que le rétablissement des Bourbons fut accueilli sans opposition et même avec enthousiasme. Cela est vrai à ne juger que par l'opinion des salons ; mais cela est faux si l'on écoute les murmures du peuple et les clameurs de l'armée. Dans la masse de la nation, il y avait bien des défiances, il y avait une hostilité sourde et même des révoltes. Mais avec beaucoup de prudence et un peu d'habileté, on fût arrivé à calmer les esprits. La grande difficulté, ce n'était pas de gagner le peuple, qui raisonne peu, se contente aisément et a la longue accoutumance de la résignation ; c'était de se conserver les classes dirigeantes, naturellement irritables et frondeuses.

 

II

La signature de la paix et la promulgation de la charte ne profitèrent pas à l'opinion. Cette paix, tant désirée, existait de fait depuis deux mois. On s'y était habitué : avec raison, on la regardait comme acquise. La publication du traité n'apprit donc rien aux Français, sinon les sacrifices que les vainqueurs leur imposaient. On avait fondé des espérances chimériques sur la Déclaration du czar[22]. On se flattait que la France, tout en perdant la majeure partie de ses conquêtes, ne rentrerait pas dans les frontières de 89. Les uns songeaient à la rive gauche du Rhin ; de plus modérés croyaient à la conservation partielle des départements de la Sarre, des Forêts, de Sambre-et-Meuse, de Jemmapes et de la Lys. Or, le traité du 30 mai nous dépossédait de l'île de France et de quelques autres colonies, et n'ajoutait à l'ancien territoire royal qu'environ 170 lieues carrées[23], au nord et à l'est. Ce n'était pas ce que l'on espérait. En vain, pour préparer et calmer l'opinion, les journaux plaisantaient sur la question des frontières naturelles : Comment, nous allons perdre toutes nos conquêtes ! Oh ! l'heureuse perte ! Désormais, du moins, nous serons entre nous et à nous, nous ne verrons plus dans nos assemblées, dans nos tribunaux, dans nos armées ces hommes du Nord et ces hommes du Midi s'efforçant maladroitement de s'assimiler à nos lois[24]. Ces odieux sophismes ne faisaient qu'irriter. Les frontières naturelles, que deux mois auparavant on eût abandonnées d'un cœur joyeux pour obtenir la paix, maintenant qu'on avait la paix, on s'indignait de les voir céder[25].

Les principes essentiels de la Charte étant contenus dans la Déclaration de Saint-Ouen, il n'y avait point à espérer de frapper une seconde fois les esprits en renouvelant solennellement un contrat vieux déjà de deux mois. Toutes les garanties énoncées dans la Constitution, on les attendait. Ce que l'on attendait moins, c'étaient les articles XXXVIII et XL de la Charte qui réduisaient à douze ou quinze mille le nombre des électeurs directs et à quatre ou cinq mille le nombre des éligibles, en sorte que plusieurs députés en exercice, nommément le président de la Chambre, Félix Faulcon, perdirent leurs droits à l'éligibilité[26]. Ce que l'on attendait moins, c'étaient les mots de concession et d'octroi insérés dans la Charte et la formule singulière qui la terminait : Donné à Paris, l'an de grâce 1814, et de notre règne le dix-neuvième. Les politiques épiloguèrent avec plus ou moins d'amertume sur ces inoffensives prétentions : les bonapartistes, parce qu'ils regardaient la mention de la dix-neuvième année du règne comme un outrage au gouvernement qu'ils avaient servi quatorze ans et dont le chef avait cependant fait assez de bruit et assez de choses pour compter ; les libéraux et les révolutionnaires, parce qu'ils voyaient dans l'octroi de la Charte une atteinte aux droits du peuple[27]. Mais le peuple lui-même ne s'inquiétait pas de ces subtilités.

Il allait s'émouvoir davantage de la malencontreuse ordonnance de Beugnot. D'accord avec la cour, mais sans consulter le cabinet, le nouveau di recteur général de la police, enflammé soudain d'an zèle ardent pour la religion, prescrivit l'observation rigoureuse des dimanches et fêtes. Interdiction de tout travail et de tout commerce ; défense d'ouvrir les ateliers, chantiers et boutiques, de faire déménagement ou charroi ; fermeture obligatoire des cafés, restaurants et cabarets pendant la durée des offices ; le tout à peine de 100 à 500 francs d'amende. Cette ordonnance fut rendue le 7 juin ; le 10, Beugnot  s'avisa qu'elle était incomplète. Par un nouvel arrêté, il rétablit les processions de la Fête-Dieu et de l'Octave. Pendant ces deux jours, la circulation des voitures serait interdite de huit heures du matin à trois heures de l'après-midi, et il était enjoint de tapisser toutes les maisons sur le passage du Saint-Sacrement[28]. Le peuple des boutiques et des ouvriers a été ulcéré, écrivait J. P. Brès le 4 juillet. Il va à la messe, mais volontairement, tandis que les processions lui barrent le chemin et le forcent à saluer ; cela le rend furieux. Il y eut des résistances, de petites émeutes. Des gens qui refusaient de s'incliner devant les processions furent frappés. Rue Saint-Honoré, la police repoussée par les marchands dut appeler à son aide la gendarmerie pour faire fermer les boutiques[29]. Beugnot reçut des lettres d'injures, une pétition fut adressée à la Chambre des députés. On disait : Bientôt on sera forcé d'aller à confesse. Et de fait, dans certaines communes, les indigents eurent à produire des billets de confession pour obtenir des secours. On accusait Louis XVIII de se laisser mener par le clergé. Une caricature représentait le vieux roi, ventru et impotent, dans un fauteuil à roulettes, sur le dossier duquel un prêtre avait les deux mains. La légende portait : Va comme je te pousse[30].

Les cérémonies funèbres à la mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette, célébrées dans les cathédrales du royaume, prirent malheureusement un caractère politique par la faute du clergé. Les prédicateurs condamnèrent en masse, avec les régicides, tous les citoyens qui, depuis 1789, avaient pris part à la Révolution. Ils n'oublièrent pas dans leurs anathèmes les acquéreurs des biens d'église. Les paroles qui avaient retenti clans la chaire furent reproduites et commentées par la presse. Les journaux royalistes n'en étaient pas encore à demander ouvertement que l'on proscrivît les votants, c'est-à-dire les régicides, et que l'on fit rendre gorge aux acquéreurs, mais ils ne cachaient pas leur mépris pour eux. Ces gens là, disaient-ils, ne sauraient se plaindre puisqu'ils ont conservé tout, fors l'honneur. Comme la censure préalable venait d'être rétablie, on pensa que puisque le gouvernement laissait paraître ces articles, c'est qu'il en approuvait l'esprit[31] ; et les exaltés de l'autre parti ripostèrent en distribuant au parterre de la Comédie-Française des annonces manuscrites ainsi conçues : Demain, grand bal au Cirque pour l'anniversaire de la mort de Louis XVI[32].

D'autres cérémonies funèbres furent solennellement célébrées pour Moreau, pour Pichegru, pour Cadoudal. Tous ceux qui avaient conspiré ou combattu contre la République étaient glorifiés. Le roi paya les frais du service de Georges à l'église Saint-Paul. Les journaux ne manquèrent pas de le faire savoir[33]. Les royalistes vantèrent à la fois la générosité de Louis XVIII et sa haute justice. Mais le public ne fut qu'à demi édifié, car aux yeux de beaucoup de Français Georges n'était qu'un assassin et un dévaliseur de voitures publiques[34].

 

III

C'était faire des mécontents pour rien, pour le plaisir. Or, des mécontents, on était contraint d'en faire déjà trop par les inflexibles exigences de la situation. Un des plus grands embarras pour le gouvernement de Louis XVIII, le principal peut-être, car de celui-là dérivaient la plupart des autres, était la question d'argent. Les grands armements et les désastres des années 1812 à 1814 laissaient un arriéré, non de seize cents millions, comme l'abbé de Montesquiou, ministre de l'intérieur, osa le dire le 12 juillet à la Chambre des députés[35], mais de cinq à six cents millions[36]. Le baron Louis proposa de combler ce déficit au moyen de bons temporaires, remboursables en trois ans, portant intérêt à 8/000 et garantis par l'aliénation de 300.000 hectares de forêts et par la vente des biens communaux[37]. Les royalistes purs auraient voulu ne payer qu'à moitié ou même ne pas payer du tout, les créanciers des gouvernements usurpateurs. Certains libéraux accusaient le ministre des finances de faire de l'agiotage. Les uns et les autres combattirent à la tribune le projet du baron Louis[38]. La Chambre ne l'en vota pas moins, et de l'ouverture à la clôture de la discussion, la rente monta de 65 à 78 francs. Mais pour limiter les dépenses des six derniers mois de 1814 à la somme que Louis avait comprise dans l'arriéré de l'empire, il fallait faire de grosses économies. On réduisit le budget des différents ministères. Nombre d'employés furent remerciés ; ils allèrent grossir la masse de mécontents que formait déjà le personnel administratif et judiciaire qui avait dû quitter les départements cédés par le traité du 30 mai[39].

Les principales réductions portèrent naturellement sur les services de la marine[40] et de la guerre. Nous avons plus de soldats qu'il ne nous en faut, disait Louis, puisque nous manquons d'argent pour les payer[41]. Or, au mois d'avril, quand le ministre des finances tenait ce propos, l'armée, par suite des désertions en masse, comptait à peine 90.000 présents sous les armes, et les désertions ne s'arrêtaient point[42]. On pouvait craindre que l'espérance des Alliés, d'un licenciement de l'armée française[43], ne se trouvât bientôt réalisée. Heureusement, les nombreux prisonniers des forteresses d'Allemagne et des pontons d'Angleterre, et les garnisons de Hambourg, de Magdebourg, d'Anvers, de Mayence allaient combler les vides. On aurait encore trop de soldats vu les nécessités budgétaires. Le 12 mai, le roi rendit une ordonnance sur la réorganisation de l'armée. L'infanterie fut réduite de 206 régiments à 107[44] ; la cavalerie de 99 régiments à 61[45] ; l'artillerie d'environ 339 compagnies à 184[46] ; le train d'artillerie de 32 escadrons à 8[47] ; le génie de 60 compagnies à 30[48].

On licencia entièrement la classe de 1815. Les déserteurs des classes antérieures, les absents sans permission — ils étaient désignés par cet euphémisme sur les situations — furent considérés comme en congé limité. Les sous-officiers et soldats qui, à raison de leurs années de service, étaient susceptibles d'obtenir leur libération, et qui en firent la demande, furent renvoyés définitivement dans leurs foyers. Enfin on donna un très grand nombre de congés illimités[49], de façon à atteindre ou plutôt à tomber au complet de paix déterminé par l'ordonnance royale, soit 201.140 hommes, officiers compris[50]. Mais on reconnut bientôt que le pauvre budget de la guerre serait encore insuffisant. Le général Dupont s'efforça de réduire l'armée aux trois quarts du complet de paix, en prescrivant de donner en masse de nouveaux congés[51], même aux hommes qui n'en désiraient pas. Le pis, c'est qu'à cette époque où l'armée avait la vanité, assez naturelle, des beaux uniformes, des plumets et des chamarrures, on renvoyait les soldats en haillons. — Voyez la belle f... récompense après s'être bien battu pour son pays ! disait un vieux hussard sur le seuil du quartier de l'Ave Maria. Jamais avec le Tondu nous n'aurions été traités ainsi. S'il faisait tuer les gens, il savait les récompenser. Mais le J... F... d'à présent n'est bon qu'avec les calotins[52].

La réduction de l'effectif imposait aussi celle des cadres et des états-majors. En exécution de l'ordonnance du 12 mai, les officiers qui, par l'ancienneté des services, les blessures ou les infirmités, avaient droit à la retraite, durent quitter l'armée. Tous les autres officiers qui excédaient le complet réglementaire furent mis en non activité avec un traitement de demi-solde. Les deux tiers des emplois qui deviendraient vacants leur étaient réservés, par rang d'ancienneté[53]. Dix ou douze mille officiers de tout grade, généraux de division, capitaines, sous-lieutenants, furent ainsi écartés de l'armée pour un temps indéterminé[54].

Après les fanfaronnades et les secrets déchirements du départ, ils se trouvèrent comme perdus dans la vie civile. Où étaient le quartier, les camarades, la grande famille du régiment ? où l'existence commune et la vie réglée, si douces au moine et au soldat, malgré Leur monotonie, leurs rigueurs et leurs servitudes ? Ces douloureux regrets venaient s'ajouter aux embarras de la fausse situation de ces officiers. L'armée es repoussait temporairement, et la société civile restait fermée pour eux. Ils ne pouvaient prendre aucune carrière,  les uns parce qu'ils se sentaient incapables l'autre chose que de se battre, les autres pour ne pas renoncer à l'espérance, si lointaine qu'elle fût, de ressaisir leur épée. En attendant, ils vivaient dans le désœuvrement et la misère. Convenable pour les officiers généraux, à peine suffisante pour les officiers supérieurs, la solde de non-activité assurait tout au plus le pain aux officiers subalternes. Défalcation faite de la retenue de 2 ½ pour cent, les capitaines touchaient 73 francs par mois, les lieutenants 44 francs, les sous-lieutenants 41 francs[55]. On recourait à la bourse des camarades qui avaient quelque fortune personnelle, puis, ce moyen épuisé, montres d'argent, épaulettes, vieux uniformes, armes allaient chez le brocanteur. Certains officiers à la demi-solde portaient pour tout vêtement leur longue capote d'ordonnance, dont ils avaient enlevé les boutons de cuivre, leurs grandes bottes et un caleçon ; d'autres plus pauvres encore, qui habitaient à quatre ou cinq une méchante chambre sous les toits, se passaient tour à tour, pour sortir, l'unique chapeau et l'unique redingote de l'association[56].

Les officiers à la demi-solde et les officiers en retraite furent les plus actifs ennemis de la Restauration. Désœuvrés comme ils l'étaient, ils passaient leur vie sur les promenades et dans les lieux publics, aux aguets des on-dit, colportant les mauvaises nouvelles, critiquant les actes du gouvernement, vilipendant les ministres, les princes, le roi, prédisant le retour de l'empereur, déclamant sur la paix honteuse, la perte des frontières, l'humiliation de la France, les dépenses de la Cour, la misère des soldats, la puissance des prêtres, les menaces des royalistes. Sympathiques aux gens du peuple, ils imposaient aux bourgeois et défiaient insolemment les émigrés, les gardes du corps et les beaux cavaliers des compagnies rouges. Des duels s'en suivaient, où le plus souvent la chance servait bien leur colère et leurs rancunes. Dans la plupart des villes de province, les officiers à la demi-solde se trouvaient en assez grand nombre pour former un petit centre d'opposition ardente. A Paris, ils étaient une multitude. Certains soirs, ils venaient chanter sous les fenêtres des Tuileries des refrains insultants[57].

Même avec le faible budget affecté à la Guerre, on aurait pu ou maintenir l'armée sur un pied plus élevé, ce qui aurait permis d'employer un plus grand nombre d'officiers, ou donner la solde entière à tous les officiers sans emploi. Mais il eût fallu pour cela que Louis XVIII renonçât au rétablissement de la Maison militaire. Cette troupe dorée comprenait six compagnies de gardes du corps à 505 hommes, cadres compris ; la compagnie des cent-suisses, de 131 hommes ; la compagnie des gardes de la porte, de 232 hommes ; les quatre compagnies rouges — chevau-légers, mousquetaires noirs, mousquetaires gris, gendarmes chacune de 456 hommes ; la compagnie des grenadiers a cheval, de 200 hommes ; enfin deux compagnies de gardes du corps de Monsieur, à 235 hommes[58]. C'était une petite armée de 6.000 officiers, car tous les non-gradés, sauf dans les cent-suisses et les grenadiers à cheval[59], avaient rang de sous-lieutenant[60]. Plus des trois quarts de ces soldats-officiers portaient la particule. Seize cents ou environ sortaient des gardes d'honneur, des gardes nationales, de la cavalerie ; le reste se composait d'anciens gardes du corps de Louis XVI, de soldats de Condé, de Vendéens, d'émigrés ayant servi à l'étranger et de jeunes gens de quinze ans, comme Alfred de Vigny[61]. La Maison militaire figurait au budget pour 20.390.000 francs[62].

On aurait pu aussi économiser en licenciant les régiments étrangers La Tour d'Auvergne, Isemberg et Irlandais[63], en congédiant les quatre régiments Suisses, dont le recrutement et l'entretien s'élevaient à 3.632.000 francs[64], et en s'abstenant de faire entrer ou rentrer dans l'armée une masse d'officiers qui avaient pour titres l'émigration, la guerre civile et des campagnes contre leur pays sous les drapeaux étrangers. Le 31 mai, une commission fut instituée à l'effet d'examiner les brevets et les états de services de ces revenants. Le vieux comte de Vioménil, qui faisait partie de la commission, avait déjà été réintégré dans son grade de lieutenant-général, avec ancienneté du 1er janvier 1784. Envers la plupart des autres officiers de Louis XVI, on fut plus généreux : on les avança d'un ou de plusieurs grades. Bruslart et d'Autichamp, tous deux capitaines avant la Révolution, furent nommés, le premier maréchal-de-camp et le second lieutenant-général. De lieutenant-colonel, le duc d'Aumont devint lieutenant-général. Le comte de Bruges, le chevalier d'Andigné, le comte de Rochechouart, le fameux Jean Châtelain, dit Tranquille, et tant d'autres qui n'avaient eu aucun grade sous Louis XVI et n'avaient servi que contre la France, dans l'Ouest et sur le Rhin, furent aussi nommés officiers généraux. Depuis le mois de juillet 1814 jusqu'au mois de février de l'année suivante, 61 divisionnaires, 150 brigadiers, et plus de 2.000 officiers supérieurs et capitaines furent ainsi introduits dans l'armée. Et en mars 1815, il restait encore 7.500 dossiers à examiner[65] !

Avec le retour des lys, selon le style du temps, les ambitions et les convoitises s'étaient éveillées. Les émigrés — et il faut entendre par cette dénomination non seulement les trois ou quatre mille nobles revenus en France à la chute de l'empire[66], mais tous ceux qui y étaient rentrés bien des années auparavant, en vertu de l'amnistie de l'an X[67] — s'attendaient à des hécatombes de fonctionnaires. Ils pensaient qu'il y aurait plus de places que de postulants. Il y eut, en effet, un grand nombre de destitutions, mais les emplois vacants furent donnés aux royalistes constitutionnels de préférence aux royalistes ultras. Sauf Dupont et Malouet, son collègue de la Marine, les ministres se défiaient sinon des capacités, du moins de l'esprit rétrograde des émigrés. Ils les recevaient le plus poliment du monde et leur promettaient tout avec la ferme détermination de ne tenir aucune promesse. C'est à peine si deux cents d'entre eux purent se placer dans les différentes administrations. Trente-sept seulement furent nommés préfets ou sous-préfets[68], alors que Montesquiou fit quarante-cinq préfets nouveaux et cent soixante sous-préfets[69].

L'armée et la flotte étaient beaucoup moins inhospitalières. C'était donc chez les ministres de la guerre et de la marine qu'affluaient les demandes. Il en sortait de toutes les berlines d'émigrés et de toutes les gentilhommières. Comme titre à l'épaulette, celui-ci faisait valoir dix années d'émigration ; celui-là treize ans de pénible surveillance passés à Sainte-Menehould sous le brigand Drouet. Un autre rappelait le camp de Jalès ; un autre, la chouannerie de Fougères ; un autre, la légion de Rohan, où il avait toujours témoigné d'un grand zèle pour le roi ; un autre des tentatives de conspiration dont il donnait comme preuve qu'il avait reçu pendant un an un schelling par jour de M. W..., agent anglais. Le chevalier de T...t réputait l'intention pour le fait : J'ai voulu, écrivait-il dans sa supplique, lever des hommes en Bretagne, qui, s'ils avaient été levés, n'auraient pas manqué de rendre de grands services.

D'anciens officiers subalternes de la marine royale, émigrés sous la constituante, condéens ou chouans sous la république, professeurs d'anglais ou receveurs des contributions sous l'empire, furent nommés capitaines de vaisseau et appelés aussitôt à un commandement à la mer. Le comte de Lab... demanda et obtint la croix de Saint-Louis et le grade de major pour avoir abouché le comte Lynch avec MM. de Polignac en décembre 1813 et pour avoir, à la même époque, comploté d'assassiner Napoléon[70].

Tous les gentilshommes ne pensaient malheureusement pas comme le comte de Clermont-Montoison, qui disait au foyer du Vaudeville : — Moi je ne veux pas entrer dans l'armée, car avec mon nom je devrais occuper un grade élevé, et n'ayant été ni en Egypte, ni en Italie, ni en Allemagne, je ne crois pas pouvoir commander à ces braves[71].

Vitrolles, lui-même, voyait le ridicule des prétentions des émigrés. Il les railla plaisamment dans les Lettres de la Cousine publiées à la fin de mai 1814 par le Journal des Débats. Mon beau-frère, disait la cousine, a repris la croix de Saint-Louis, car il ne lui manquait plus que neuf ans pour y avoir droit quand la Révolution a éclaté... M. de B. se contenterait d'une place de receveur général. C'est bien le moins qu'on puisse faire pour un homme enfermé six mois pendant la Terreur. Louis XVIII, fort amusé par cette guerre d'épigrammes, y encourageait Vitrolles et lui rappelait l'histoire de ce Tory qui avait demandé une place à Charles II pour avoir séduit la femme d'un chef du parti populaire[72]. Mais les Lettres de la Cousine ne troublèrent pas les solliciteurs, et les plaisanteries de Louis XVIII ne l'empêchèrent pas de signer des nominations qui firent scandale.

Et cependant, l'émigration, l'armée des Princes, le siège de Thionville, la Vendée, Quiberon, la chouannerie, les conspirations, les trahisons, les crimes de lèse-patrie, c'étaient des services que Louis XVIII n'avait pas le droit de méconnaître. Seul le monarque devait-il profiter de la restauration de la monarchie ? Alors qu'il prenait possession du trône, alors que les princes de sa famille recouvraient leur rang et leur liste civile, pouvait-il ne point donner quelque dédommagement et quelques récompenses ; aux émigrés ruinés par la Révolution, qui avaient souffert et combattu pour lui, aux fils et aux frères des gentilshommes morts pour la cause royale sur les champs de bataille et sur les échafauds ?

 

IV

Les nécessités budgétaires qui avaient fait réduire l'effectif de l'armée contraignirent Louis XVIII à maintenir les droits réunis. Pendant la guerre, les manifestes royalistes en avaient solennellement promis la suppression, et au mois d'avril, quand le comte d'Artois avait arrêté que jusqu'à nouvel ordre on continuerait à les percevoir, des troubles s'étaient produits dans plusieurs départements. La proclamation du roi du 10 mai, confirmant l'ordonnance du comte d'Artois du 20 avril, perturba toute la France. Pendant six mois et plus, il y eut des mouvements séditieux en Gascogne comme en Normandie, en Vendée comme en Provence, en Touraine comme en Alsace. Dans les villages du Lot et du Lot-et-Garonne, où certains maires n'osèrent même pas publier l'ordonnance royale, on sonnait le tocsin à l'arrivée des préposés et la foule s'ameutait contre eux. A Rennes, le peuple pilla la maison du receveur ; à Cahors, l'octroi fut incendié. A Chalon-sur-Saône, la foule fit un feu de joie avec les archives de la régie. A Thiers, à Remiremont, à Challans, à Tarbes, des agents du fisc furent grièvement blessés. Le préfet de l'Aveyron annonça la veille de la grande foire d'Asprières que vingt gendarmes soutiendraient les préposés ; mais ceux-ci étaient tellement effrayés par les menaces qu'ils ne se présentèrent pas. La gendarmerie était impuissante à protéger les employés de la régie. Il fallut de la troupe : cent dragons pour Saint-Dié, pour Angoulême un bataillon, pour Limoges un régiment entier[73].

La loi sur la libre sortie des blés, que le baron Louis avait fait voter dans l'intérêt de la grande culture, devint une autre cause de troubles. Parmi les populations pauvres de tout le littoral de la Manche, le bruit courut que le gouvernement, voulait affamer le peuple, et une légère hausse sur le prix du pain donna malheureusement à ces rumeurs absurdes une apparence de vérité. — Va donc ! disait un paysan à un autre Breton, en lui arrachant sa croix du Lys, avec ton bon roi, nous payons tout plus cher qu'auparavant[74]. Dans tous les ports, depuis Dunkerque jusqu'à Morlaix, la foule ameutée s'opposait à l'embarquement des grains. A Boulogne, la populace profita d'un de ces tumultes pour saccager les maisons du port. A Saint-Malo, de vieux matelots qui avaient fait la course jetaient des sacs de blé dans le bassin en s'écriant : — Il vaut mieux les f.... à la mer que de les porter aux Anglais ! Au Havre, à Dieppe, à Cherbourg, la gendarmerie et la troupe durent dégager les quais, la baïonnette au canon. L'exportation des grains ou plutôt l'enchérissement du pain mécontentait aussi le peuple de Paris. On disait dans les faubourgs que le roi était un accapareur et qu'il envoyait le blé en Angleterre pour le faire revenir pendant la famine et le revendre deux fois plus cher[75].

Depuis la chute de l'empire, la validité des ventes nationales avait été proclamée trois fois : par l'Acte constitutionnel, par la Déclaration de Saint-Ouen, par l'article IX de la Charte. Mais les émigrés ne regardaient pas cette triple sanction comme irrévocable, et leurs propos et leurs menées alarmaient la masse des acquéreurs[76]. A Bordeaux, les royalistes avaient brûlé sur le théâtre l'Acte constitutionnel ; ils avaient tenté d'en faire autant à Nantes, et bien volontiers ils auraient aussi brûlé la Charte[77]. En Vendée et en Bretagne, les prêtres et les nobles annonçaient la restitution des biens confisqués, dénonçaient les acquéreurs et excitaient contre eux les anciens soldats des armées catholiques[78]. Une insurrection royaliste, préparée depuis l'hiver, devait éclater à la mi-avril[79]. Bien que la chute de l'empire eût rendu ce soulèvement sans objet, vingt mille paysans n'en prirent pas moins les armes. Organisés par paroisses, ils se tinrent prêts à se ruer sur les bleus au premier coup de tocsin. Sur la rive gauche de la Loire, nombre d'acquéreurs, parmi lesquels le maire de Montaigu, qui faillit être massacré, quittèrent les villages et se réfugièrent à Nantes. Dans cette ville même, on redoutait une attaque des chouans ; la gendarmerie et les cohortes urbaines restèrent sur pied toute la nuit du 3 au 4 mai[80]. Au mois de juillet, nouvelle alarme. Les blancs parcourent les campagnes, disant qu'il faut un autre roi pour faire ce que celui-ci ne veut pas faire. A Nantes, on craint que la Vendée ne se lève tout entière le jour de la Saint-Louis pour remettre les choses dans l'état où elles étaient avant 89[81].

A Nîmes, les protestants, que les bons catholiques appelaient les impurs, s'attendent à une nouvelle Saint-Barthélemy[82]. En Provence et dans le Comtat, on parle de pendre tous les Nicolas, c'est-à-dire tous les anciens bonapartistes et républicains, et l'on signe des pétitions pour le retour d'Avignon aux Etats du Pape[83]. Dans la partie restée française du département du Mont-Blanc, prêtres et nobles, espérant sans doute la restitution de leurs biens sous le sceptre de la maison de Savoie, fomentent un mouvement séparatiste[84].

Au mois de juillet, les avocats Dard et Falconnet publièrent simultanément deux brochures, rédigées sous forme de consultation, juridique et concluant à l'annulation des ventes nationales. Ces écrits déchaînèrent l'opinion à ce point que le gouvernement se vit contraint de faire arrêter les auteurs. Mais ils furent mis en liberté après quelques jours de prison préventive. Une pétition fut adressée à la Chambre. La signataire, une dame Mathée, exposait qu'après avoir acquis et payé des biens d'émigrés, les publications de Dard et de Falconnet lui avaient inspiré des doutes sur la validité de ses acquisitions. En conséquence, elle demandait une loi qui fit cesser sa perplexité. La Chambre adopta un ordre du jour motivé où rappelant que la vente des biens d'émigrés ayant été sanctionnée par les constitutions de l'an III et de l'an VII, par la Déclaration de Saint-Ouen et enfin par la Charte constitutionnelle, elle concluait que les craintes de la dame Mathée étaient sans fondement. On apprit bientôt que la dame Mathée n'existait pas. C'était un groupe d'acquéreurs alarmés qui avait rédigé cette pétition afin d'obliger la Chambre à consacrer une fois de plus l'inviolabilité des ventes[85].

Les royalistes n'en continuèrent pas moins leur campagne pour la restitution de leurs biens. Chaque jour, des suppliques étaient présentées au roi, au comte d'Artois, à la duchesse d'Angoulême, par des émigrés et des députations de royalistes de province, reçus en audience privée. Pendant cet été de 1814, les abords des Tuileries avaient un aspect de carnaval. Les Parisiens, étonnés et moqueurs, voyaient défiler dans les défroques de jadis une navrante mascarade d'ancien régime et de guerre civile : marquis de l'autre siècle avec la perruque poudrée à ailes de pigeon, l'épée en verrou, le tricorne, le gilet de satin, l'habit de couleur à longues basques, orné de grosses épaulettes qu'ils s'arrogeaient le droit de porter avant la décision de la commission des grades ; capitaines des paroisses vendéennes, ayant le chapeau à la La Rochejaquelein et un sacré-cœur cousu sur le côté gauche de la poitrine ; Bretons à longs cheveux, à veste brodée, à, culottes bouffantes ; chouans du Maine, le torse dans un sarreau de toile rousse, les jambes dans des jambières de peaux de bique ; revenants du camp de Jalès avec l'uniforme des fédérés et la cocarde blanche ; fantômes de l'armée de Condé, en tenue bleu-de-ciel à parements orange et à tresses d'argent ; gentilshommes de Guyenne, portant le brassard blanc, et fanatiques du Comtat, décorés de rubans violets pour se distinguer des modérés à cocarde blanche[86]. C'est pendant une audience donnée aux députations provinciales que le duc de Berry, exprimant les regrets du roi d'être dans l'impossibilité de faire restituer les biens vendus, s'attira cette réponse du comte de S...-M... : — Que Sa Majesté me donne deux compagnies de gardes du corps. Je parcourrai la France, et je me fais fort de contraindre tous les acquéreurs à nous rendre ce qu'ils nous ont pris[87].

 

V

Du jour où Louis XVIII eut donné la Charte, les royalistes déçus et mécontents mirent toutes leurs espérances dans les princes. Tandis que le roi se résignait à devenir constitutionnel, la famille royale conservait l'esprit de l'émigration. Le comte d'Artois qui, au lit de mort de sa maîtresse, madame de Polastron, avait passé du libertinage à la bigoterie, repoussait toute idée libérale. L'abbé Latil était son conseil et son maître. Sa Maison était composée de royalistes intraitables. Son état-major était immaculé : pas un des officiers n'avait servi dans les armées impériales. Au pavillon de Marsan, on eût pu se croire à Coblentz. Dans cette retraite, Monsieur s'apprenait à gouverner au milieu de ses courtisans qui formaient une sorte de ministère, appelé le Cabinet vert, avec bureau de grâces et de promotions et agence de contre-police dirigée par Monciel et La Maisonfort. Quand le comte d'Artois allait chez le roi, c'était pour l'accabler de conseils, d'objurgations et de reproches fort peu respectueux. Il le tourmentait pour les moindres choses. Des aigles et autres attributs impériaux étaient restés à l'intérieur des Tuileries. Monsieur s'en offusquait et pressait le roi avec aigreur de les faire disparaître. Un beau jour, Louis XVIII impatienté lui répondit : — Si vous insistez davantage, je mets son buste sur ma cheminée. Le comte d'Artois avait feint ou exagéré une indisposition pour ne point paraître à la séance royale où fut promulguée la Charte. Cette Charte détestée, abominable pacte entre la monarchie et la Révolution, il affectait dans ses discours de n'en jamais parler. Si encore il ne se fût compromis devant les Français que par cette omission ! Mais il lui échappait sans cesse des paroles imprudentes, promesses grosses d'alarmes et menaces à peine déguisées. Il disait à ses familiers, qui aussi légers que lui ébruitaient ces propos, qu'il y aurait de grands changements si Dieu l'appelait à régner. Il adressa ces paroles à la députation des anciens royalistes du camp de Jalès : — Messieurs, jouissons du présent. Je vous réponds de l'avenir[88].

Les mêmes sentiments animaient la duchesse d'Angoulême, qui, en qualité de femme, les poussait jusqu'à l'exaltation. Elle était née pour être la plus noble et la meilleure des princesses, mais sa bonté naturelle n'avait pas résisté aux épreuves. Elle respirait la haine et la vengeance. Dans ses beaux yeux, qui restaient toujours rougis par les larmes, passaient des éclairs de colère si l'on parlait de quelque événement de la Révolution. Une voix forte, âpre, masculine, donnait à ses paroles un caractère de rudesse. Hallucinée par les fantômes décapités de son père et de sa mère, il lui semblait voir du sang aux mains de tous ceux qui avaient servi la république. Ses premiers mots quand on lui présentait un nouveau venu étaient : — Vous étiez dans l'armée des Princes, dans les armées de l'Ouest ? Combien de temps y êtes-vous resté ? Et personne ne fut aussi bien accueilli par elle que la fameuse Langevin, cette virago vendéenne qui se vantait d'avoir tué de sa main quatre cents patriotes, nommément son oncle, lequel n'avait pas soufflé[89].

Esprit presque inculte et intelligence étroite, le duc d'Angoulême subissait l'ascendant de sa femme et de son père. Par le cœur comme par le bon sens, il valait mieux que le comte d'Artois, mais il n'avait hérité de lui ni les grandes façons, ni la dignité, ni l'élégance. Il était emprunté, gauche, dépourvu de toute grâce, certains tics le rendaient ridicule. Muet au conseil du roi, timide à la cour, il était partout ailleurs colère et brutal. Le Carpentier, chef du bureau du personnel au ministère de la marine, ayant tardé à placer un de ses protégés, le prince, hors de soi, le prit rudement au collet[90].

Le duc de Berry préférait les catholiques aux voltairiens, les émigrés aux libéraux et la monarchie absolue au gouvernement parlementaire. Mais il aimait surtout les femmes, les chevaux, la chasse et le commandement des armées. Or, comme, sous le régime de 1814, il avait quinze cent mille livres d'apanage, autant de femmes et de chevaux qu'il en voulait, dix forêts pour chasser, des régiments à inspecter et des corps d'armée à faire manœuvrer, il supportait gaiement la maladie constitutionnelle, pardonnait de bon cœur à Louis XVIII de ne point chercher à la guérir par quelque remède héroïque, et, repoussant les théories du comte d'Artois, prenait à l'occasion le parti du roi contre les royalistes. Tandis que le duc d'Angoulême n'ouvrait point la bouche au conseil, le duc de Berry parlait sans cesse et toujours avec ardeur. Sa nature franche, primesautière et enthousiaste lui eût gagné l'opinion s'il ne se la fût aliénée par les accès de colère furieuse dont il donnait souvent le scandaleux spectacle. C'était la colère de Jupiter, dit Vitrolles. C'était plutôt la colère d'un portefaix. Un jour, le prince s'emporta au point d'arracher son épaulette à un major d'infanterie. Louis XVIII punit des arrêts son irascible neveu, manda aux Tuileries l'officier outragé et lui remit des épaulettes de colonel. — Si le duc de Berry, dit-il, vous a enlevé votre épaulette, c'était pour vous donner celles-ci. Dans des revues, dans des inspections, Berry s'oublia ainsi plus d'une fois. Et cependant, il avait la passion de l'armée. Il aimait les soldats et s'efforçait de se faire aimer d'eux en les traitant avec une brusquerie familière. Il les interpellait, les tutoyait, les prenait par l'oreille, goûtait leur soupe. Mais les soldats riaient dans leur moustache, disant que le prince faisait tout cela pour singer l'empereur. Même dans la population parisienne, on raillait un peu ces façons de Petit Caporal chez un homme qui n'avait encore remporté de victoires que sur le corps de ballet. A la suite d'un simulacre de combat donné entre Paris et Clichy, on fit une caricature représentant, d'un côté, Napoléon à Austerlitz, de l'autre, le duc de Berry à la barrière de Monceau, avec cette légende : A ton tour, Paillasse ![91]

Autant peut-être pour trouver quelque repos par l'éloignement de sa famille que dans le dessein, comme on l'a dit, de royaliser la France, Louis XVIII encouragea les princes à visiter les diverses provinces du royaume. En sa qualité de Grand Amiral, le duc d'Angoulême parcourut le littoral de la Manche et de l'Océan. Le duc de Berry, l'homme de guerre de la famille, inspecta les places fortes de la frontière du Nord et de l'Est. Le comte d'Artois se réserva les départements du Midi.

Dans l'Ouest, la présence du duc d'Angoulême exalta les esprits au lieu de les calmer. Des Vendéens ayant voulu élever devant Nantes, sur la rive gauche de la Loire, un arc de triomphe avec cette inscription : Ici commence la Vendée, des patriotes de la ville menacèrent d'élever sur la rive droite un autre arc de triomphe portant ces mots : Ici échoua la Vendée. Dans cette même ville de Nantes, le prince entendit des Vive l'empereur ! parmi les acclamations. Quand il passa la Loire en barque, au bruit des salves d'artillerie, un homme dit à haute voix : — Je voudrais que tous ces canons fussent chargés à mitraille. A Rennes, il y eut des clameurs ; à Angers, il y eut des troubles ; à Vannes, la garde nationale refusa de fournir le piquet d'honneur, sous prétexte que le roi n'avait pas aboli les droits réunis. Enfin, mécontents du maintien de ces contributions, exaspérés contre les Anglais qu'ils accusaient de ruiner le commerce de la France, blessés dans leurs sentiments d'égalité par la morgue de la noblesse de Guyenne, les Bordelais firent au duc d'Angoulême un accueil moins chaleureux qu'il ne l'attendait[92].

Dans sa tournée militaire, le duc de Berry se montra comme de coutume dur, brusque, emporté, incapable, dit un rapport de police, de maîtriser ses paroles ni même ses gestes. Les nombreuses croix qu'il donna n'effacèrent pas le souvenir de ses outrages et de ses violences. Malgré de copieuses distributions d'eau-de-vie, ou peut-être à cause de ces distributions, dans mainte garnison, il fut salué par des cris de Vive l'empereur ! Des remparts de Bouchain, un coup à boulet au milieu des coups à blanc fut tiré sur sa voiture. Le projectile alla traverser à peu de distance la charrette d'un charbonnier. On commença une enquête qui n'aboutit pas[93].

Le bon Henri IV disait qu'il faut gagner ses ennemis, quitte à désobliger ses amis. Le comte d'Artois fit le contraire. Dans toutes les villes où il s'arrêta, il combla les royalistes de faveurs, d'encouragements, de promesses, et il alarma les constitutionnels par ses paroles imprudentes et ses défis à l'opinion. Ici, il déplorait au sortir de table les concessions que le roi avait faites à l'esprit révolutionnaire ; là, il demandait à un préfet ou à un maire ce qu'il penserait d'une restitution des biens nationaux ; ailleurs, il refusait de recevoir des évêques jadis assermentés ; nulle part, il ne prononça le mot de Charte[94]. Cette omission préméditée était bien dangereuse dans ces temps où la France se passionnait pour la Charte, comme en 89 elle s'était passionnée pour la Déclaration des droits rie l'homme. De Paris, l'impopularité des princes gagna les départements : ce fut le plus clair résultat de ce voyage de propagande.

Des parents du roi, un seul avait les sympathies de la bourgeoisie parisienne. Ce n'étaient naturellement ni le prince de Condé, ni son fils le duc de Bourbon, ces deux Epiménides à perruque poudrée que leur retour en France n avait qu'à demi réveillés. C'était le duc d'Orléans, l'ancien membre du club des Amis de la Constitution, le soldat de Valmy et de Jemmapes. Mais celui-ci, Louis XVIII n'avait eu garde de l'envoyer dans les provinces comme son représentant. La cour le tenait en suspicion, le roi et les princes, qui sentaient en lui l'héritier présomptif de la Révolution, craignaient sa popularité renaissante. Les francs-maçons du Grand-Orient ne parlaient-ils pas déjà de l'élire grand-maître de la Loge ? Ses paroles, sa correspondance, ses promenades, les visites qu'il recevait étaient épiées, surveillées, dénoncées. La police avait moralement établi une souricière au Palais-Royal. Nul n'y entrait ou n'en sortait sans être signalé. Le prince, cependant, avait l'attitude la plus correcte ; rien dans sa conduite ne pouvait motiver les soupçons des Tuileries. Il vivait familialement, lisant, étudiant, parcourant à pied les rues de ce Paris où il était si heureux de se retrouver. Il recevait, il est vrai, d'anciens officiers de Dumouriez et de Valence, des libéraux du Palais-Bourbon et des constitutionnels du Luxembourg, mais c'était plutôt par communauté d'esprit que pour se faire des créatures. S'il déplorait les maladresses des ministres, l'aveuglement du roi, les imprudences des princes, il prenait grand soin de ne les point censurer publiquement. Il se tenait en dehors de la politique, restait étranger au jeu des conspirateurs, dont il était néanmoins un des atouts, et décourageait par un froid accueil les intrigants qui tentaient de l'amener à eux. Talleyrand disait de lui : — C'est un prince mou et sans caractère. Et son compère Fouché ajoutait : — Nous n'en ferons rien. Comment espérer prendre quelque empire sur un Bourbon qui n'a ni maîtresse ni confesseur ![95]

Le roi jouait de malheur avec sa famille. Le nom, le passé, la popularité du duc d'Orléans lui inspiraient des craintes ; le langage imprudent du comte d'Artois et du duc d'Angoulême et les brutalités du duc de Berry lui suscitaient sans cesse des difficultés et des embarras. Si paternelle que fût son affection pour son frère et ses neveux, ce grand égoïste, qui aimait avant tout son repos, eut sans doute plus d'un mouvement d'humeur contre ces princes et leurs compromettants protégés, les émigrés et les chouans.

Louis XVIII aurait volontiers pris les avantages de La souveraineté sans en assumer les charges. Homme d'esprit, et, dans une certaine mesure, homme de bon sens, mais vieux avant l'âge, perclus par la goutte, craignant tout travail, fuyant toute contention et esquivant toute discussion, il regardait le trône de France autant comme un bon fauteuil que comme un poste d'honneur. Les séances du Conseil et les délibérations avec les ministres à département lui étaient insupportables. Ce roi d'Yvetot humaniste préférait lire du latin ou se faire conter par Blacas ou par Beugnot les petites intrigues, les scandales et les commérages de la cour et de la ville. Toujours hésitant entre les partis à prendre, il aimait qu'on lui présentât des solutions toutes faites : Voyez donc à arranger cela était son mot habituel. Incapable, bien plutôt par paresse d'esprit que faute de ressource, d'aller jusqu'au troisième raisonnement pour défendre son opinion, il n'avait que des velléités de gouverner. Sauf sur les questions où il estimait qu'était en cause sa dignité de Bourbon, il cédait facilement. Et même pour les choses qui lui tenaient à cœur comme roi de France, issu de la plus ancienne maison de l'Europe, il se payait d'arguments de casuiste afin de concilier sa fierté avec les exigences des temps. Ainsi, Louis XVIII avait admis les principes libéraux de la Charte parce que, jouet volontaire d'une illusion, il s'imaginait qu'il n'avait pas accepté cette Charte, et qu'au contraire c'était lui qui l'avait octroyée. Il souffrait que ses armées obéissent à des va-nu-pieds couturés de blessures et devenus maréchaux de France par cent combats, pourvu que ses gentilshommes de la chambre eussent trente-six quartiers. Plus soucieux des formes et des étiquettes que des choses, et plus jaloux de l'apparence du pouvoir que du pouvoir même, il se montrait fort accommodant envers ceux à qui il en déléguait temporairement l'exercice. Le régime constitutionnel de l'Angleterre, dont les avantages l'avaient frappé durant son exil, moins peut-être au point de vue de l'intérêt des peuples qu'à celui de la tranquillité des rois, lui avait appris que les ministres peuvent se perdre sans compromettre la personne du souverain. Moitié de gré, moitié de force, il venait de donner cette constitution aux Français, et il s'en remettait de bonne grâce à son ministère du soin de les gouverner[96].

Le malheur, c'est que ce ministère, composé en majorité d'hommes de mérite, n'avait ni communauté d'opinion, ni unité de pensée, ni solidarité de personnes. Il y a des ministres et pas de ministère, écrivait Wellington à Castlereagh. Le conseil ne s'assemblait pas régulièrement ; c'était en audience privée que le roi donnait sa signature. Chaque ministre, même pour les affaires de son département qui pouvaient engager la politique générale du cabinet, décidait sans consulter ses collègues. L'ordonnance de Beugnot sur le repos du dimanche surprit Montesquiou et Louis autant qu'elle mécontenta la population parisienne. Chacun tirait tout à soi : l'un pour servir plus librement les intérêts de l'Etat, à l'encontre du parti de la cour ; l'autre afin de se concilier les princes et leurs créatures. Talleyrand et Louis tenaient pour la Charte. Dupont et Beugnot en étaient aussi partisans, mais ils cherchaient à plaire, comme dit Vitrolles, et s'ingéniaient à prévenir les désirs et à flatter les idées des familiers du château. Dambray, qui se vantait d'avoir eu le bonheur de ne rien voir ni de ne rien connaître de la Révolution, restée ainsi pour lui comme non avenue ; Ferrand, qui avait écrit : Si la clémence est un plaisir, la justice est un devoir, et que l'on appelait un Marat blanc ; Malouet, lui-même, un des plus ardents défenseurs à la Constituante des droits de la couronne, représentaient l'ancien régime. Ils croyaient la contre-révolution accomplie et regardaient le gouvernement parlementaire comme une transition entre l'empire et la monarchie absolue, qu'ils désignaient cependant, pour ne pas trop se compromettre, par l'euphémisme de pouvoir concentré. Royaliste de tradition, de tempérament et de sentiment, l'abbé de Montesquiou n'en voyait pas moins les choses comme elles étaient : les prétentions s'exaspérant chez les émigrés, l'opposition naissant dans la Chambre, la défiance persistant dans le pays. Il agissait donc avec une certaine modération, cherchant, par une politique d'assoupissement, à calmer les impatiences et à rassurer les inquiétudes. M. de Blacas, que tous les partis ont accusé à l'envi, et qui était en effet le vrai conseil de Louis XVIII après avoir été le plus cher ami du comte de Lille, fut aussi un modéré par raison. Il voulait avant tout le repos du roi, car le repos du roi c'était la conservation de la faveur royale. S'il avait pu, il l'aurait tenu en chartre privée, de façon à lui éviter toute contention et tout ennui. Au moins s'efforçait-il de dissiper les inquiétudes que les discussions du conseil faisaient naître quelquefois — bien rarement ! — dans l'esprit de ce monarque d'une si imperturbable confiance. Il lui persuadait sas peine que toutes les difficultés s'arrangeraient, que tous les périls étaient chimères, et que Bonaparte n'était plus qu'un cadavre enseveli dans une île. S'il endormit ainsi son maître en une fausse sécurité, Blacas eut cependant le bon sens de voir que les royalistes ultra n'étaient pas les moins dangereux ennemis de la royauté et de mettre Louis XVIII en garde contre leurs projets insensés. Il engageait le roi à prodiguer grâces et faveurs aux émigrés, mais il le dissuadait de céder aux remontrances irritées du comte d'Artois et aux larmes de la duchesse d'Angoulême. Blacas estimait que pour contenter tout à fait le parti de Coblentz, il ne fallait pas cependant risquer de perdre la couronne[97].

Les favoris sont jalousés par les courtisans et les ministres, ils sont haïs d'instinct par les peuples. On a donc fait de Blacas le bouc émissaire de la première restauration. Un Mémoire signé de lui et dont plusieurs copies ont circulé en Belgique à la fin de 1815 est consacré à sa justification. A lire ces pages, Blacas, sans faire beaucoup de bien, aurait empêché de grands maux en s'opposant à des desseins monstrueux[98]. Ce qui est certain, c'est qu'il ne siégeait plus dans le conseil au second retour de Louis XVIII, quand des ministres, restés pourtant moins impopulaires que lui, inaugurèrent la politique de réaction. En vérité, peut-on condamner Blacas lorsque l'on compare la terreur de 1815 à l'anarchie paternelle de 1814 ?

 

VI

Cette anarchie paternelle, pour employer une seconde fois ce joli mot du temps, n'augmentait pas le nombre des royalistes. Après six mois de règne, Louis XVIII n'avait ramené à lui ni l'armée ni le peuple.

Pour l'armée, Louis XVIII est toujours le roi imposé par la Coalition, le protégé des Anglais et des Prussiens, l'émigré rentré en croupe derrière un Cosaque. Il rappelle la défaite et personnifie le démembrement. Les soldats le regardent comme étranger à leurs sentiments, à leurs traditions, à leur gloire. Il a renversé leur idole, proscrit leur drapeau et, par Ses ordonnances datées de la dix-neuvième année de son règne, il insulte à leurs victoires[99]. Il les laisse sans solde régulière, en haillons, pieds nus[100]. Il déconsidère la Légion d'honneur en rétablissant les ordres du Saint-Esprit et de Saint-Louis, en la prodiguant par fournées presque quotidiennes[101], et en enlevant aux légionnaires le droit de vote dans les collèges électoraux[102] ; il l'avilit en payant avec ce ruban, teint de leur sang, les plus infimes et les plus honteux services. Pour avoir livré Bordeaux à l'ennemi, Lynch reçoit le grand cordon que seuls soixante Français portai nt sous l'empire ; le grade de chevalier est conféré à un maître de poste de Bordeaux jadis accusé de faux, à un habitant du Calvados forçat libéré[103]. Non content d'atteindre les légionnaires dans leur juste fierté, le roi les frappe dans leurs intérêts en réduisant de moitié leur traitement annuel. Soit mépris, soit défiance, il ne veut pas de soldats français pour veiller à sa sûreté : ce sont des Suisses, des chouans, des émigrés, naguère à la solde de l'étranger, qui gardent les Tuileries.

La formation de la Maison militaire n'était pas le moindre des griefs de l'armée. Non seulement ces six mille soldats d'antichambre, comme on les appelait[104], ayant tous au moins le grade de sous-lieutenant, irritaient les vrais officiers par leurs épaulettes si facilement obtenues ; mais, de plus, ils les menaçaient par leur intrusion prochaine dans les cadres des régiments[105]. L'ordonnance du 12 mai réservait les deux tiers des emplois vacants aux officiers à la demi-solde et le dernier tiers au choix du roi[106], c'est-à-dire aux vieux émigrés et aux jeunes royalistes de la Maison militaire. Pour les officiers en activité, l'avancement devenait donc à peu près nul, car ils pouvaient espérer tout au plus une promotion sur neuf vacances. La plupart risquaient de rester avec le même grade jusqu'à leur retraite. Quant aux sous-officiers, et partant aux soldats, ils se retrouvaient, non par le fait. des lois, mais par la force des choses, dans l'état de servage perpétuel dont les avait affranchis la Révolution. Désormais, il leur était interdit d'aspirer à l'épaulette. Les élèves des écoles militaires et les gardes du corps, chevau-légers, mousquetaires noirs ou gris — ces pseudo-officiers auxquels la garnison de Paris, qui les détestait, refusait de porter les armes[107] — allaient suffire à toutes les sous-lieutenances.

Les désertions en masse s'étaient arrêtées ; les mutineries et les séditions des premiers jours c'e la royauté s'apaisaient peu à peu. Quelques gouverneurs de divisions militaires, jaloux d'affirmer et leur zèle royaliste et leur influence sur leurs subordonnés, vantaient même l'excellent esprit des troupes[108]. C'est qu'ils prenaient le retour à la discipline pour une conversion et la soumission pour de la sympathie. L'armée s'était résignée à accepter les drapeaux blancs, décorés ou non de cravates brodées par la duchesse d'Angoulême. Mais ces étendards inconnus, qu'on lui remettait solennellement dans des cérémonies où tonnait le canon et où prêchaient les missionnaires[109], ne lui faisaient pas oublier les aigles. Plusieurs régiments éludèrent l'ordre de verser à l'artillerie les drapeaux de l'empire. De vieux soldats en brûlèrent la hampe et la soie, et burent les cendres dans du vin. L'aigle fut conservée à la caserne comme un palladium[110].

Le soldat porte la cocarde blanche au shako, mais au fond du havresac il garde, ainsi qu'une relique, sa vieille cocarde tricolore. Il ne craint même pas de l'en sortir quand se présente une belle occasion. Le 27 juillet, à Riom, des soldats du 72e de ligne qui font la haie sur le passage de la duchesse d'Angoulême, ont la cocarde proscrite. Le 5 octobre, à la revue passée à Landau par le duc de Berry, presque toute une compagnie du 38e porte aussi cette cocarde, ce qui attire au capitaine une punition de trente jours de prison[111]. Les troupes sont au service de Louis XVIII, mais elles ont le culte de Napoléon et ne doutent pas de revoir le Tondu avec son petit chapeau et sa redingote grise[112]. Le refrain des étapes et des chambrées, c'est : Il reviendra... On annonce sans cesse dans les casernes que l'empereur a quitté l'île d'Elbe. Tantôt il est débarqué en France, tantôt il révolutionne l'Italie, tantôt il lève des troupes chez les Turcs. On dit encore qu'il arrive comme généralissime de l'armée autrichienne pour faire reconnaître les droits du roi de Rome[113].

Chaque jour dans quelque garnison, on entend : Vive l'empereur ! Il faudrait sévir, écrit le 20 juin le comte de Champagne, commissaire du roi dans la 6e division militaire, contre les soldats qui profèrent des cris séditieux et insultent aux emblèmes royaux. Les exemples se multiplient au lieu de disparaître[114]. En juillet, l'appel de onze heures du 1er chasseurs à cheval (régiment du roi) se termine régulièrement par des Vive l'empereur ! C'est aux mêmes cris que le 22 juillet des dragons défilent rue du Bac, que le 30 août s'assemblent les sapeurs-pompiers de la ville de Paris, que durant des mois, dans les provinces, des régiments prennent les armes, se rendent aux champs de manœuvres ou traversent les villes[115]. Le 8 juillet, les habitants de Hesdin répondent aux vivats des cuirassiers du 7e en criant : Vive le roi ! Les cavaliers furieux les dispersent à, coups de plat de sabre. Le 22 juillet, un détachement d'infanterie, de passage à Orgon, apprend les insultes que l'empereur y a subies en allant à l'île d'Elbe. Les soldats commencent à saccager le bourg. Les habitants s'arment, la poudre parle, le sang coule. Le 6 septembre, à Bordeaux, pendant une revue de départ, un bataillon se forme pour défiler. Au commandement : En avant ! marche ! les hommes font front, posent leurs armes à terre, et d'une seule voix crient : Vive l'empereur ![116]

La vieille garde, fidèle comme elle l'avait toujours été, au devoir militaire, ne se laissait pas entraîner à ces actes d'indiscipline[117]. Mais sa tristesse profonde et continue décelait ses sentiments[118]. Les regrets et les rancunes que ces vieux soldats renfermaient stoïquement en eux-mêmes leur rongeaient le cœur. Dans les revues des différentes garnisons, le duc de Berry avait entendu, mêlés à de rares acclamations, plus d'un vivat séditieux[119]. A Metz et à Nancy, les grenadiers et les chasseurs gardèrent un silence farouche. Quelques-uns de ces vétérans réclamaient leur congé. Le prince interpella un chasseur décoré qui comptait vingt-huit ans de services : — Tu n'as plus que deux ans à faire pour avoir ta retraite. Pourquoi veux-tu quitter l'armée ?Monseigneur, répondit le vieux soldat, c'est parce que notre père n'est plus là[120].

Le 15 août, on fête bruyamment la saint Napoléon dans les casernes de Cherbourg, de Brest, de Besançon, de Sarlat, de Montpellier, d'Arras, de Boulogne, de Landau, de Luxembourg. A Metz, les canonniers veulent tirer une salve ; à Paris, les officiers boivent au Tondu chez Véry et autres restaurateurs ; à Rouen, le quartier de cavalerie est illuminé[121]. Dix jours plus tard, pour la saint Louis, le ministre de la guerre et les municipalités s'efforcent d'exciter l'enthousiasme des troupes en ajoutant à l'ordinaire. A Paris, chaque soldat reçoit 80 centilitres de vin ; à Belfort, une livre de pain, une livre de viande et un litre de vin ; à Strasbourg, on donne de l'eau-de-vie[122]. La troupe mange bien et boit bien, mais ses sentiments n'en sont guère modifiés. Après avoir vidé nombre de futailles et assisté à un feu de joie en l'honneur du roi, la garnison de Périgueux brûle toutes les barriques vides en disant : — Voilà un feu de joie pour l'empereur qui est b.... plus beau que l'autre[123]. A Dôle, un royaliste orne sa demeure d'un grand transparent représentant une aigle abattue sous une fleur de lys, avec cette légende : Aquila rapax sub humile flore cadit. Bien que peu latinistes, les hussards comprennent. Ils brisent à coups de pierres le transparent et toutes les vitres de la maison. Le plus curieux, c'est que le préfet du Jura donne tort au royaliste qui a offensé l'armée dans un symbole qui lui est cher[124]. A Paris, les soldats choisissent tout justement le jour de la saint Louis pour effacer la nouvelle inscription placée à l'entrée de la caserne de la Pépinière : Les lys manquaient à nos lauriers[125].

Louis XVIII, ce gros homme rivé à son fauteuil, ce chef nominal des armées qui ne peut monter à cheval, est la risée des troupes. On le chansonne outrageusement, on insulte ses emblèmes, on soufflète son buste dans des repas de corps. Son nom devient synonyme des termes les plus grossiers[126]. A l'exercice à feu, les canonniers du 6e d'artillerie comptent les coups ainsi : Seize !... dix-sept !... dix-huit ! comme un cochon. En jouant aux cartes, les soldats disent : cochon de trèfle, cochon de pique ; à l'écarté, ils marquent le cochon ; au piquet, ils annoncent : quinte au cochon[127].

Les prisonniers de guerre, qui étaient versés dans les corps à leur rapatriement et qui formèrent bientôt la majorité des présents sous les armes — d'Angleterre seulement, il revint 69.554 hommes[128] — se montraient les plus animés contre les Bourbons. Loin d'être reconnaissants envers le souverain qui les rend à la liberté, écrivait le comte de Ferrière, commissaire extraordinaire dans les départements de l'Ouest, les prisonniers se déclarent ouvertement pour celui qui les a jetés dans les fers. Le général comte de Langeron, émigré resté au service de la Russie, écrivait de son côté : Nous vous renvoyons des prisonniers abominables. C'est une vraie peste ![129] Dans toutes les villes, les préfets, les maires, les commandants de place redoutaient leur passage. Ils arrivaient en guenilles, pieds nus, à demi-morts de fatigue et de misère, mais soutenus par le désir de la vengeance et n'ayant rien perdu de leur culte pour Napoléon. Quelques-uns s'imaginaient même que tout ce qu'on leur avait conté de l'abdication était mensonger ; ils croyaient retrouver leur empereur sur le trône[130]. Aux premières cocardes blanches qu'ils apercevaient, ils devenaient furieux. A Morlaix, le 26 mai, ils assaillirent des volontaires royaux et en tuèrent trente Le ter juin, deux mille cinq cents d'entre eux, passant à Montauban, arrachèrent les cocardes des royalistes. A Strasbourg, le 10 juillet, ils se mutinèrent au nombre de seize cents. A Blaye, le 16 août, ils contraignirent les habitants à crier avec eux : Vive l'empereur. A Saint-Malo, le 30 octobre, une rixe sanglante s'engagea entre des grenadiers du 74e et des marins débarqués des pontons anglais. Les matelots avaient provoqué les fantassins en leur disant : — Vous avez vendu votre drapeau pour un verre d'eau-de-vie[131].

Dans la population, on entend les mêmes murmures et les mêmes clameurs. Sans doute, les soldats rentrés dans leurs foyers et les régiments en garnison ou au gîte d'étape entretiennent et avivent l'opposition anti-bourbonienne. Les soldats mettent dans l'âme de leurs frères du peuple leurs regrets et leurs souvenirs. Une des principales causes de l'état de l'esprit public, écrit le préfet de Saône-et-Loire, est le passage continuel dans le pays des troupes et des soldats isolés, tous bonapartistes et injuriant le roi. Les cris de Vive l'empereur ! sont répétés à chaque instant sur les routes et dans les cabarets, ce qui a la plus mauvaise influence sur les habitants. Dans la Somme et le Pas-de-Calais, des soldats déchirent des caricatures contre l'empereur exposées par les marchands forains et la foule donne raison aux soldats. Le 2e d'artillerie à cheval traverse Tournus ; les trompettes sonnent le refrain : Il reviendra. Les habitants sortent des maisons, et accompagnent la colonne, une lieue hors de la ville, en criant : Vive l'empereur ![132] Mais souvent aussi, ce sont des ouvriers, des paysans, de petits bourgeois qui excitent les soldats à l'indiscipline. Un rapport adressé à Dupont signale des bonapartistes de la basse classe de Bordeaux, qui cherchent à embaucher les militaires. Dans cette même ville, la foule ameutée à la sortie des théâtres crie : Vive l'armée ! A bas les traîtres ! Le colonel du 66e, en garnison à Rouen, se plaint que les hommes soient logés chez l'habitant, où ils reçoivent en général de mauvais conseils, l'esprit de la ville n'étant pas très bon. A Nancy, en plein bal, un bourgeois arrache la croix d'un officier sous prétexte qu'elle ne porte pas l'effigie de Napoléon. A Mézières, le colonel du 22e de ligne reçoit ce billet anonyme : Gare aux mille et mille traîtres français ! A Paris, le 15 août, des ouvriers invitent des soldats à boire avec eux à la santé de l'empereur[133].

Il ne faut donc pas s'exagérer l'influence de l'esprit de l'armée sur celui de la population. Le peuple serait indifférent aux plaintes des soldats et hostile à leurs cris, si ces plaintes et ces cris ne répondaient à son propre mécontentement. L'armée française n'était pas une armée de mercenaires. Elle était sortie des entrailles de la nation, et il y avait communion de sentiments entre elle et la nation. Le peuple et l'armée avaient fait ensemble la Révolution. Leurs cœurs battaient aux mêmes souvenirs, tressaillaient des mêmes craintes, vibraient des mêmes colères.

L'état de l'opinion en province, la circulaire confidentielle du ministre de l'intérieur aux préfets suffirait à en donner l'idée. Je vois par les renseignements qui me parviennent chaque jour, écrit Montesquiou[134], que les grands événements relatifs à la régénération politique de la France occasionnent encore sur plusieurs points des doutes et des incertitudes. En effet, dans les deux tiers des départements, les préfets et les commandants des divisions militaires signalent le mécontentement, l'esprit d'opposition, les cris et les actes séditieux[135], sauf chez la bourgeoisie, qui est au roi, corps et âme[136]. Dans le Jura et dans les Ardennes, en juin et en juillet, les royalistes n'osent pas porter la cocarde blanche de peur des mauvais traitements des paysans qui ont gardé leurs cocardes tricolores[137]. Le tribunal de Ruffec acquitte des individus arrêtés pour avoir crié : Vive l'empereur ! Des maires refusent de prêter serment au roi[138]. En Alsace et en Lorraine, les paysans forcent les blessés russes et allemands qui regagnent les frontières à baragouiner : Vive Napoléon ! à bas les Bourbons ![139] A Rouen le 4 juillet, à Reims le 23, à Caen pendant quinze jours de suite, à Bourg le 3 août, à Langon le 20, à Rethel le 10 septembre, à Saint-Saviol le 30, à Haguenau le 15 octobre, à Bar-sur-Ornain le 31, des bandes de populaires parcourent les rues, le soir, en criant : Vive l'empereur ! A Passavent (Haute-Saône), le 17 novembre, des paysans enlèvent le drapeau blanc du clocher et le mettent en lambeaux[140]. Le préfet de l'Ain rend, le 13 décembre, un arrêté commençant en ces termes : Considérant que des hommes du peuple nous ont entouré en criant : Vive l'empereur ! à bas Louis XVIII ![141]... Le 15 août, à Châlons, des maisons sont illuminées. On siffle, au théâtre de Rennes, le Retour des Lys, une pièce de circonstance que le parterre ne juge pas de circonstance ce jour-là. Dans plusieurs villages des Vosges, les paysans célèbrent la saint Napoléon comme à l'ordinaire, par des danses et des feux de joie[142]. Le 25 août, jour de la saint Louis, la musique de la garde nationale de Périgueux refuse de jouer au Te Deum. A Tournus, on brise l'écusson royal qui décore le balcon de l'Hôtel de Ville. Dans l'Isère, les paysans contraignent des gendarmes, qui d'ailleurs ne résistent que pour la forme, à crier avec eux : Vive l'empereur ! A Saint-Brieuc, une bande de forcenés envahit l'église au milieu de l'office en proférant ce même cri. A Auxerre, la foule promène un mannequin représentant Louis XVIII, affublé d'une jupe de femme[143].

On colporte des chansons bonapartistes. Il circule des médailles, des pièces de monnaie à la double effigie de Napoléon et de Marie-Louise portant au revers : Courage et espérance. D'autres représentent une aigle endormie ayant en exergue : Elle se réveillera ! D'autres, un lion sommeillant, avec cette légende : Le réveil sera terrible. L'architecte, chargé d'élever à Calais la colonne commémorative du débarquement de Louis XVIII, reçoit une lettre anonyme où on lui conseille de faire cette colonne à roulettes, afin qu'elle puisse suivre le roi quand il partira de nouveau pour l'exil. On affiche des placards portant : Amis du grand Napoléon, réjouissez-vous. Nous l'aurons sous peu de temps. Les royalistes tremblent. — Vive l'empereur ! Il a été et il sera. — Français, réveillez-vous ! Napoléon s'éveille'[144]. Les paysans comme les ouvriers des villes croient au retour prochain de l'empereur, qui est encore un Dieu pour bien des gens[145]. Le bruit se répand le 12 juillet que, Napoléon est en route ; on dit qu'à Lyon, on a déjà quitté les cocardes blanches[146]. Un policier reproche à un marchand de tabac de n'avoir fait mettre qu'une légère couche de peinture sur les armes impériales qui décoraient sa boutique. — Eh ! répond l'homme en riant, comme ça, j'aurai moins de peine à les rétablir[147].

A côté des bonapartistes qui manifestent ouvertement leur opinion, qui parlent tout haut de Napoléon, qui annoncent sans cesse son retour, qui affichent des placards, qui chantent la Marseillaise, qui insultent les emblèmes royaux, qui crient : Vive l'empereur ! au défilé des troupes et à la barbe des policiers, à côté des bonapartistes militants, il y a les bonapartistes timides, les bonapartistes secrets, les bonapartistes mystiques. Il y a ceux qui pensent toujours à Napoléon, mais qui, soit crainte, soit jeu — car sous ce gouvernement que personne ne respecte, il y a peu de péril à exprimer ses opinions — ne prononcent jamais son nom. Quand ils s'attablent dans un café, ils boivent à sa santé ; quand ils s'abordent dans la rue, le premier dit : — Croyez-vous en Jésus-Christ ? Et le second répond : — Oui, et en sa résurrection[148]. Sur la pomme de leurs cannes, sur le couvercle de leur tabatière, sur le fourreau de leurs pipes, sous le chaton mobile de leurs bagues, il y a le profil de Napoléon. Ils ont des bonbonnières à ressort secret sur le double fond desquelles est peinte une aigle ; ils ont des statuettes de bronze représentant Louis XVIII avec cette inscription : le Désiré ; mais ces statuettes, d'un grossier travail, forment boîtes, et en les ouvrant on trouve un petit bronze de l'empereur finement ciselé. De même, on vend des tableaux à coulisses, intitulés les Dynasties, dont la planchette cachée porte les effigies impériales[149]. C'est en 1511 que grandit et s'exalte le culte domestique de l'empereur, ce culte qui ira croissant jusqu'en 1830 et que nous révèlent aujourd'hui des assiettes, des tasses, des pichets, des pots à tabac, des pelles, des pincettes, des bêches, des gaufriers, des fers à repasser, des marteaux, des tenailles, des chandeliers et une infinité d'objets usuels où peinte sur la faïence, sculptée dans le bois, découpée dans la tôle, frappée sur le cuivre, gravée sur le fer, apparaît l'image de Napoléon[150]. Napoléon devient symbole, fétiche, dieu pénate.

L'opinion et les sentiments du peuple de Paris diffèrent, peu de ceux qui règnent dans la population des campagnes et chez les ouvriers des grandes villes. Je n'ai rien de bon à te dire, écrit le 4 juillet J. P. Brès à son oncle. L'amour des Parisiens pour le roi s'est tellement ralenti qu'à peine en reste-t-il une étincelle. — L'indisposition du peuple est si prononcée, dit Barras au duc d'Havré, que les bonapartistes peuvent rallier un grand nombre d'hommes et toute l'armée[151]. La foule se presse aux devantures des marchands d'estampes où sont exposés les portraits de Napoléon, de Marie-Louise, de Napoléon II. On va voir au boulevard du Temple le cosmorama de l'île d'Elbe. La fonderie de Launay, place de la Fidélité, où a été transportée la statue de la colonne Vendôme, devient un lieu de pèlerinage. Rue Tiquetonne, un ex-maréchal des logis de hussards montre dans la lanterne magique Arcole, Austerlitz et Tilsitt. A la Comédie-Française, le parterre applaudit par trois fois cette phrase d'Edouard en Ecosse : Il n'y a qu'un malhonnête homme qui puisse parler ainsi d'un héros. Au Palais-Royal, un individu écrit avec un diamant : Vive l'empereur ! sur la glace d'une boutique ; des passants s'amusent à graver sous l'inscription : Approuvé, approuvé, approuvé[152]. Le 19 juillet, faubourg Saint-Martin, le 18 août, rue des Vieilles-Haudriettes, des ouvriers chantent des refrains révolutionnaires et des couplets bonapartistes. Le 17 septembre, Louis XVIII est salué boulevard du Mont-Parnasse par quelques acclamations auxquelles la foule riposte en criant : Vive l'empereur[153] !

A Paris, d'ailleurs, le mécontentement se manifeste bien plus par les épigrammes et les sarcasmes que par les cris et les violences. On ne prend pas les choses au tragique. L'opposition est frondeuse et goguenarde. On attache des cocardes blanches à la queue des chiens. On plaisante le Conseil d'en haut, que l'on appelle le Conseil du ciel ou le Conseil du Très-Haut. On surnomme les chevaliers du Lys les compagnons d'Ulysse, et les gardes du corps les gardes-dindons. On dit que Louis XVIII est un roi fainéant, qui ne s'inquiète que de sa messe, de son latin et de sa table. Les princes sont détestés : ils s'entourent de vieilles ganaches, de calotins, de chouans et d'émigrés mendiants, regardent la Charte comme nulle et rêvent de sanglantes représailles. Les ministres sont méprisés : Blacas un plat valet, Talleyrand une girouette, Louis un agioteur, Dupont un concussionnaire. Berthier, qui a abandonné l'empereur, et Marmont, qui l'a livré, commandent l'un et l'autre une compagnie de gardes du corps. On appelle la compagnie Wagram la compagnie de Saint-Pierre, et la compagnie Raguse la compagnie de Judas[154]. Les émigrés, pauvres, quémandeurs et arrogants, sont un objet de risée. On les chansonne, on les caricature, on raille leur mise antique, on insulte à leur âge et à leur misère. Les colonels Jacqueminot et Duchamp et trois autres officiers donnent un jour cette comédie. Costumés et grimés en gentilshommes d'ancien régime, ils entrent chez Tortoni, et demandent pour eux cinq une seule côtelette de mouton qu'ils se partagent gravement. Un dimanche d'août, un individu traverse l'église de Saint-Eustache, pendant l'office, avec un habit de marquis et un tablier de savetier[155].

 

VII

Le peuple et l'armée restaient donc hostiles à la royauté. Et non seulement Louis XVIII n'avait pu gagner leur respect et leur confiance, mais il n'avait pas réalisé les espérances que la noblesse, la bourgeoisie et le monde de la politique avaient fondées "Sur son gouvernement. Il avait ainsi perdu beaucoup des sympathies que ces classes presque tout entières s'étaient senties pour sa personne aux premiers jours de la Restauration.

Pour les royalistes de la veille, la royauté avec une charte constitutionnelle, deux chambres et un ministère formé en partie de bonapartistes ralliés et de libéraux impénitents, la royauté avec l'administration et la justice aux mains des fonctionnaires et des magistrats de l'empire, avec les grands commandements laissés aux lieutenants de Napoléon, avec des révolutionnaires nommés pairs de France et des régicides maintenus à la Cour de cassation, n'était pas la royauté. Louis était-il remonté sur le trône des Bourbons pour adopter les institutions de la République et de l'usurpateur, pour couvrir de son manteau fleurdelysé les crimes et les iniquités de vingt-cinq années ? La modération du roi confondait toutes les idées des émigrés et décevait toutes leurs espérances. Ils avaient un gouvernement qu'ils qualifiaient d'anarchie révolutionnaire, tandis qu'ils attendaient un gouvernement réparateur, c'est-à-dire : une épuration générale, la destitution en masse des fonctionnaires, le licenciement de l'armée et sa reconstitution en régiments provinciaux commandés par les anciens condéens et les héros de la Vendée, l'abolition des divisions départementales, le rétablissement des provinces et de leurs anciennes franchises, la suppression des chambres, de la liberté de la presse, de la Légion d'honneur, la restauration des parlements, la dénonciation du Concordat, la restitution des biens vendus pendant la Révolution — avec ou sans indemnité aux acquéreurs, suffisamment indemnisés par vingt années d'usufruit — la simple tolérance des cultes dissidents sans salaire à leurs ministres, la réintégration des nobles dans la plupart de leurs privilèges, la réorganisation complète du clergé afin qu'il reprît son rang et son influence dans l'État[156]. En résumé, ce que voulaient les émigrés, c'était la royauté absolue, la contre-révolution, le rétablissement des trois ordres, le retour au régime de 1788. Villèle, dans une brochure adressée aux députés de son département, concluait ainsi : Revenons à la constitution de nos pères, à celle qui rendit la France heureuse et florissante. Les parties de notre ancienne organisation qui ont souffert nous coûteront moins à réparer que les nouvelles institutions ne coûteraient à établir[157]. Et le marquis de Chabannes disait au roi : — Quelques années d'un despotisme absolu, voilà quel sera le baume salutaire[158]. De plus exaltés encore demandaient que le retour à l'ancien régime fût inauguré par le bannissement d'un bon nombre de révolutionnaires et par le supplice ou tout au moins par la déportation des régicides[159].

Or, non seulement le gouvernement de Louis XVIII allait à l'encontre des théories politiques des royalistes et de leurs vœux de représailles, mais il ne faisait rien ou presque rien pour eux-mêmes. L'admission dans la Maison militaire, où la solde était fort peu élevée, quelques pensions sur la cassette royale, quelques emplois dans l'armée, des centaines de croix de Saint-Louis et des milliers de décorations du Lys ne compensaient pas aux yeux des émigrés les places qu'on ne s'empressait pas de leur donner et les biens que la Charte défendait de leur restituer. Les plaintes et les récriminations s'élevaient autour du trône. Des régicides, des factieux, de misérables bonapartistes, écrivait à Blacas le chevalier de Saint-Aignan, obtiennent des places, des dignités, des pensions, et je suis réduit à mendier aux portes du palais de mon souverain une récompense qui m'est due et que je ne devais attendre qu'autant de temps qu'il en aurait fallu pour s'enquérir et s'acquitter[160]. Jusque dans la chapelle des Tuileries, on condamnait la faiblesse et l'égoïsme de Louis XVIII. On l'appelait, comme la petite cour de Coblentz avait appelé le malheureux Louis XVI le roi des Jacobins. C'est à Hartwell, disaient les mécontents, qu'il a pris ces idées libérales. Il n'avait pas le droit de donner cette constitution abominable. Il s'est fait le complice des révolutionnaires en consacrant dans la Charte la spoliation de nos biens. Et quel droit peut avoir un roi de disposer du bien d'autrui ? Mais que lui importe, pourvu qu'il mange, qu'il devine des charades et qu'il écrive de petits billets ![161]

Ainsi parlaient ceux que l'on accusait d'être plus royalistes que le roi. Ils l'étaient, en effet, et non sans motif. La Charte n'empêchait pas Louis XVIII de vivre en roi, avec une liste civile de vingt-quatre millions, mais elle empêchait les émigrés de recouvrer leurs biens et leurs privilèges. On disait au faubourg Saint-Antoine : Quand le roi a dîné, il croit son peuple heureux[162]. On aurait dit non moins justement au faubourg Saint-Germain : Le roi est rentré aux Tuileries, il croit que nous sommes rentrés dans nos châteaux. Or, en fait de châteaux, beaucoup d'émigrés, qui avaient épuisé leurs dernières ressources pour venir à Paris, habitaient des mansardes. Au mois de décembre, plusieurs d'entre eux, dénués de tout et las d'espérer, retournèrent en Angleterre reprendre leurs modestes places de professeurs[163].

La bourgeoisie, devenue déjà quelque peu mécontente de ce qui se passait, était surtout inquiète de ce qui pouvait survenir. Le langage des journaux l'irritait, les propos des royalistes l'exaspéraient, leurs prétentions l'alarmaient. On va maintenant jusqu'à faire un crime de ce qui a fait le plus d'honneur, écrivait Bondy à Suchet : aimer son pays, être bon Français, gémir sur les maux qui l'ont accablé[164]. Qu'un noble devienne ministre ou officier, écrivait Barante à Montlosier, on trouve cela tout naturel ; mais ce qui révolte, c'est qu'un gentilhomme de campagne, qui a deux ou trois mille francs de rente, ne sait pas l'orthographe et n'est capable de rien, traite du haut en bas un propriétaire, un avocat, un médecin, est offensé qu'on lui demande des impôts et bientôt croira déroger en les payant[165]. On aimait le roi, on croyait qu'il voulait sincèrement le maintien de la Charte, mais on doutait de sa fermeté ; on craignait qu'il ne se laissât à la fin dominer par sa famille et son entourage. Déjà diverses mesures, comme l'ordonnance sur l'observation des dimanches, le rétablissement des processions, la suspension de la liberté de la presse, semblaient des concessions bien promptes à l'esprit réactionnaire. On trouvait aussi que la dix-neuvième année du règne, la reconstitution de la Maison militaire, et le banquet de l'Hôtel de Ville, où le préfet de la Seine et les membres du conseil municipal avaient eu l'honneur de servir à table, serviette sous le bras, le roi et les princes, rappelaient un peu trop l'ancien régime[166]. On disait couramment dans la conversation : Si les Bourbons maintiennent la Charte ?[167] La garde nationale parisienne ressentait une profonde irritation d'avoir été relevée des postes intérieurs des Tuileries, et dans des conditions particulièrement offensantes. Un ordre du jour de Dessoles, annonçant en ternies flatteurs pour la garde nationale les modifications apportées à son service, aurait paré à tout. On ne s'en avisa point. Un beau matin, les nouveaux gardes du corps vinrent purement et simplement occuper les postes, et, sans laisser même le temps aux miliciens de s'assembler pour prendre les armes, ils ôtèrent les fusils du râtelier et les jetèrent sous les banquettes[168].

Les politiques de profession, libéraux, bonapartistes et anciens révolutionnaires, s'évertuaient naturellement à agiter l'opinion. Comme ils se croyaient les plus menacés, les uns dans leurs principes, les autres dans leur personne[169] — cinquante-cinq de ces derniers avaient déjà été exclus de la Chambre des pairs — ils attaquaient pour se défendre. Ils censuraient tous les actes du gouvernement, commentaient les articles imprudents des journaux royalistes, dénonçaient les projets du parti de l'émigration, signalaient l'influence croissante du clergé, montraient la réaction près de triompher, argumentaient avec une subtilité de casuistes sur les infractions à la Charte. Durbach, Raynouard, Lambrechts, Bedoch, Dumolard, Flaugergues, Souques, Benjamin Constant, Comte, La Fayette déclaraient la liberté en péril[170]. Madame de Staël dogmatisait et faisait rage constitutionnelle au château de Clichy, où elle recevait à souper trois fois par semaine tout le personnel libéral[171]. Chez la duchesse de Saint-Leu, chez madame Hamelin, chez madame de Souza, les bonapartistes criblaient d'épigrammes la famille royale, les ministres, les émigrés, et ne cachaient pas leurs espérances renaissantes[172]. Mais les plus empressés à prédire la chute de Louis XVIII, les plus ardents à exalter les esprits, à provoquer l'agitation, à attiser les haines par leurs paroles et leurs écrits, c'étaient les anciens terroristes, Carnot, Fouché, Thibaudeau, Réal, Thuriot, Méhée, Pons de Verdun, Merlin, Villetard, Grégoire, Garat, Prieur de la Marne[173].

L'opposition était montée du fond à la surface. On n'en était plus à ces premiers temps de la restauration où les classes supérieures et moyennes se félicitaient unanimement du retour des Bourbons, où tous les journaux célébraient la bonté et la raison de Louis XVIII et escomptaient les bienfaits de son gouvernement réparateur, où l'on ne voyait aux devantures des marchands d'estampes que portraits du roi et caricatures de l'empereur, où il ne paraissait d'autres brochures que les Sépulcres de la Grande Armée, Buonaparte aux prises avec sa conscience, la Vie de Nicolas, le Mea culpa de Buonaparte, le Corse dévoilé, Robespierre et Buonaparte, la Résurrection de Henri IV. Maintenant les salons devenaient inquiets et frondeurs. On parlait de coups d'État, d'une loi suspendant la liberté individuelle, d'émeutes, de conspirations militaires. Les étudiants, opposés à l'empereur sous l'empire, se rangeaient parmi les ennemis des Bourbons. L'Ecole polytechnique signa par ordre une adresse au roi, mais les élèves dirent : Le cœur n'y est pour rien[174]. Les passions, les espérances, les animosités des partis se reflétaient dans la presse. La Quotidienne — surnommée la Nonne sanglante — la Gazette de France, le Journal des Mécontents, le Journal royal soutenaient la politique violente et provocatrice des ultras. Le Journal de Paris, le Journal général, parfois le Journal des Débats[175] défendaient les idées libérales. Le Censeur, dont chaque livraison faisait événement, dénonçait avec autant d'élévation que d'âpreté les actes arbitraires et les tendances rétrogrades du gouvernement[176]. Le Nain jaune, d'une méchanceté diabolique, menait la guerre de personnalités. Il attaquait les ministres, les émigrés, les cléricaux, les écrivains royalistes, les transfuges, les flagorneurs, les ventre-à-terre des antichambres ; il appelait les uns les chevaliers de l'Eteignoir, les autres les chevaliers de la Girouette[177]. On lisait partout le Mémoire au roi, où, sous couleur de respectueuses représentations à Louis XVIII, Carnot traçait un tableau alarmant de l'état des esprits. Il se vendit, assure-t-on, six cent mille exemplaires de ce Mémoire, qui circulait clandestinement sous toutes les formes, manuscrit, imprimé et lithographié ; on en paya quelques-uns jusqu'à 250 francs[178]. Ce qu'on lisait encore, c'étaient la Lettre à l'abbé de Montesquiou et la Dénonciation au roi des actes par lesquels les ministres de S. M. ont violé la Constitution, les deux mordants pamphlets du septembriseur Méhée ; c'était une brochure qui, au moyen d'extraits du Moniteur de 89 et de 97, remémorait le rôle équivoque du comte de Provence dans le procès de Favras et traitait le roi de tartufe et d'intrigant[179]. Les marchands d'estampes n'exposaient plus de caricatures de Napoléon, et s'ils mettaient toujours en montre les portraits des Bourbons, ils y joignaient des portraits de l'empereur, de Marie-Louise et du roi de Rome[180]. On vendait secrètement des caricatures contre Louis XVIII. Le roi était représenté en croupe derrière un cosaque, ou à côté de saint Antoine, sous la figure de son traditionnel compagnon[181].

A l'unanimité de l'opinion avait succédé la confusion des opinions. Les uns pensaient au comte d'Artois, d'autres au duc d'Orléans, d'autres à la république, d'autres à la régence, à Napoléon, au prince Eugène[182]. Mais royalistes, libéraux, jacobins, bonapartistes, tout le monde s'accordait à dire : Cela ne peut pas durer[183].

 

VII

Dès la première quinzaine d'août, l'opposition s'était comptée à la Chambre des députés sur la question de la liberté de la presse. Après cinq séances fort animées. où les Parisiens passionnés pour cette discussion envahirent en foule les tribunes et l'hémicycle même[184], le projet du gouvernement portant rétablissement de la censure préalable ne fut voté que par 137 voix contre 80. Et les libéraux, paraît-il, espéraient une minorité plus nombreuse[185]. A la Chambre des pairs, le scrutin donna 42 voix pour le rejet et 80 voix pour l'adoption. Les débats furent plus vifs encore qu'au Palais-Bourbon. Lanjuinais, Boissy d'Anglas, Cornudet, le maréchal Macdonald, le général de Valence, les ducs de Brancas et de Praslin combattirent ardemment te projet que défendirent avec non moins d'ardeur les ducs de Brissac, de La Rochefoucauld, de La Force, le comte de Ségur et Clarke, duc de Feltre. Ce dernier, à l'indignation de plusieurs de ses collègues, termina sa péroraison en citant le vieil adage monarchique : qui veut le roi, si veut la loi[186].

Une discussion, sinon plus acerbe dans la forme, du moins plus grave et plus brûlante dans le fond, s'engagea peu de temps après sur le projet de loi relatif à la restitution des biens d'émigrés restés à l'Etat. En vertu de l'amnistie de l'an X, l'immense majorité des émigrés avait recouvré dès le consulat les biens non vendus, à l'exception toutefois des immeubles affectés aux services publics et des bois et forêts déclarés inaliénables par la loi du 2 nivôse an IV. C'étaient ces immeubles et ces forêts, d'une superficie totale d'environ 350.000 hectares, que Louis XVIII avait à cœur de faire restituer aux anciens propriétaires. Déjà même, par de simples ordonnances, le comte d'Artois et lui avaient rendu, en violation de la loi, plusieurs forêts à quelques personnes particulièrement privilégiées[187]. Nul parmi les députés ne songeait, d'ailleurs, à faire opposition sur ce point à la volonté royale. Malheureusement, le ministre d'Etat Ferrand, chargé de présenter à la Chambre le projet de loi, commença par lire un exposé des motifs où il avait accumulé les pires maladresses. Dans la pensée du gouvernement, la loi était un acte de réparation et de pacification. Ferrand y donna le caractère de la revendication et de la rancune. Non content d'alarmer les acquéreurs par des équivoques et des réticences[188], il parut insulter tous les Français en disant que les émigrés avaient suivi la ligne droite[189]. Ce discours provoqua l'indignation dans les Chambres et dans le pays[190]. Le général Girard dit le lendemain à l'un des questeurs : — Quoi ! vous avez souffert qu'un méchant boiteux vînt insulter la nation et l'armée en disant que les émigrés ont suivi la ligne droite ! Ne deviez-vous pas le jeter à bas de la tribune ![191] Pour comble, huit jours après, la séance, le roi commit l'insigne maladresse de donner à Ferrand le titre de comte[192]. Bedoch, rapporteur de la commission nommée pour l'examen du projet de loi, protesta sévèrement contre les paroles de Ferrand et demanda la censure du ministre[193]. La discussion tint neuf séances. Malgré les discours, véritablement provocateurs, de quelques royalistes[194], les libéraux gardèrent dans ces débats une extrême modération ; mais la colère grondait au fond des cœurs. Le 4 novembre enfin, la loi amendée sur certains points de détail fut votée par cent soixante-huit voix contre vingt-trois[195]. Le projet passa à la Chambre des pairs à la presque unanimité. Macdonald demanda qu'il fut donné aussi une indemnité annuelle aux propriétaires dont les biens avaient été vendus et aux militaires qui avaient perdu leurs dotations à l'étranger. On commencerait par indemniser les plus nécessiteux. C'eût été un acte de justice en même temps qu'un moyen de tranquilliser les acquéreurs. Mais la proposition fut ajournée. Les grands seigneurs dépossédés y étaient hostiles. Ils voulaient davantage. Tout ou rien, dit le duc de Fitz-James à Macdonald. — Eh ! bien, monsieur le duc, répondit le maréchal, cela veut dire : rien[196].

Les pétitions qui affluaient au Palais-Bourbon, pétitions contre l'observation des dimanches, contre les processions, contre le maintien des droits réunis, contre les écrits attaquant la validité des ventes nationales, contre la réduction du traitement de la Légion d'honneur, contre les abus de pouvoir des fonctionnaires et contre les prétentions des hobereaux[197], donnaient sans cesse aux députés du parti libéral l'occasion de censurer les actes et les tendances du gouvernement. Leurs paroles, qui trouvaient toujours un écho dans l'opinion, imposèrent parfois aux ministres de Louis XVIII. C'est ainsi que demeura lettre morte l'antique préambule de l'ordonnance royale du 26 juillet sur la réorganisation de l'Ecole militaire : Désirant faire jouir la noblesse du Royaume des avantages qui lui ont été accordés par l'Édit de notre aïeul du mois de janvier 1751... C'est ainsi que resta comme non avenue l'ordonnance du 12 septembre sur la suppression des succursales de l'Hôtel des Invalides. C'est ainsi, enfin, que l'on renonça à l'exécution des articles XVII et XVIII de l'ordonnance du 19 juillet, supprimant les maisons d'éducation de la Légion d'honneur situées à Ecouen, à Paris, aux Barbeaux et aux Loges. Le roi, il est vrai, avait accordé dans sa munificence une pension de 250 francs aux jeunes filles chassées de leur asile. Mais un grand nombre d'entre elles étaient orphelines. Que pouvaient devenir ces malheureuses jetées tout à coup sur le pavé de Paris ? — Voulez-vous donc, dit crûment Dumolard, que pour ne pas mourir de faim les filles des braves entrent dans des maisons de débauche ?[198] Cette apostrophe provoqua les murmures pudibonds de la droite mais elle intimida les ministres. A l'exception du château d'Ecouen, que l'on restitua au vieux prince de Condé, les maisons de la Légion d'honneur furent conservées[199].

Louis XVIII prenait sans cesse de telles mesures qu'il s'empressait de retirer à la moindre opposition. Il se déconsidérait par ce jeu de menaces et de reculades, montrant tour à tour sur une même question sa légèreté et sa faiblesse. — Pour mener la France, avait dit Bernadotte au comte d'Artois, il faut une main de fer dans un gant de velours[200]. Le roi avait une main de velours dans un gant de fer, qui blessait sans maîtriser.

L'opposition de la Chambre était d'ailleurs toute constitutionnelle. Comme l'écrivait La Fayette, les libéraux sentaient qu'ils ne pourraient combattre la monarchie sans l'appui des bonapartistes, et ils repoussaient cette alliance[201]. On défendait la Charte contre les empiétements du pouvoir royal, on dénonçait à la tribune les actes arbitraires et les tendances rétrogrades du ministère, mais le roi n'était pas mis en cause. Quand ils parlaient de Louis XVIII, les orateurs les plus ardents de la gauche, Durbach, Bedoch, Dumolard, ne manquaient jamais de le nommer : Louis le Désiré, le meilleur des rois, le petit-fils de Henri IV, le père de ses sujets et même le père des braves[202]. La loi qui fixait à vingt-cinq millions la liste civile du roi et à huit millions la dotation des princes de la famille royale fut adoptée à l'unanimité moins quatre voix[203]. Dans Paris, on trou va même que la Chambre s'était montrée fort généreuse, avec l'argent des contribuables, en votant ces trente-trois millions. Napoléon, disait-on, se contentait de vingt-cinq millions, lui qui avait pourtant aussi une nombreuse famille et qui régnait sur un empire quatre fois plus étendu[204] (sic). C'est également à l'unanimité moins une voix que les députés votèrent une somme de trente millions destinés au paiement des dettes contractées par les Bourbons pendant l'exil[205]. Sans doute, la France ne pouvait avoir un roi insolvable ; mais comme l'a remarqué Villèle, il aurait été plus habile de comprendre ces trente millions dans le très élastique arriéré de l'empire[206]. De cette façon, on eût évité d'apprendre au pays qu'une partie des centimes additionnels et des droits réunis allait être employée au paiement d'espions, de conspirateurs et d'agents de guerres civiles[207].

La Chambre des députés n'était donc ni hostile ni dangereuse, mais elle était défiante et ferme. En toute circonstance, elle avait affirmé son respect pour la Charte, sa haine de l'arbitraire, son esprit libéral. Elle avait appelé l'attention publique sur nombre de pétitions que les ministres eussent préféré voir oublier dans les bureaux ; elle avait réussi à faire rapporter certaines ordonnances ; elle avait résolument manifesté son opposition dans la discussion de la loi sur la censure des journaux et de la loi sur la réorganisation de la Cour de cassation. Aux yeux des bons royalistes, les représentants étaient donc des factieux, toujours prêts à faire des censures et des remontrances. Le 30 décembre, les Chambres furent prorogées pour quatre mois. Ce gouvernement qui avait supprimé la liberté de la presse n'était pas fâché de n'avoir plus à compter, pendant quelque temps, avec la liberté de la tribune.

 

 

 



[1] A l'entrée du roi à Paris, les sentiments les plus opposes se lisaient sur les visages. Ils éclataient dans le cri de : Vive le roi ! et ne se révélaient pas moins dans le morne silence des ennemis de la royauté. Metternich, Mémoires, I, 197. — L'enthousiasme public n'était pas assez général pour nous rassurer sur les dispositions des Français, et M. L... me dit qu'il ne croyait pas que les Bourbons pussent rester six mois en France après le départ des Alliés. Journal d'un Officier anglais (Revue Britannique, VIII, 82). — Il ne faut pas croire que l'opinion pour les Bourbons ait été générale. Mme de Wimpfen (royaliste) au baron de Stengel, 28 octobre 1814. (Arch. Aff. étrangères, 675). — Depuis que le roi a mis le pied en France, jamais son gouvernement n'a été affermi. Rapport général sur l'esprit public, 2 mars 1815. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Cf. Duc de Broglie. Souvenirs, I, 256. Rapport général de police, 14 avril. Rapports des préfets, du 21 avril au 22 juin. Minutes de rapports de police générale avril-mai. (Arch. nat., F1a 582, F. 7, 3204.)

Le mot de Carnot, répété de confiance ou rappelé dans un intérêt politique par tant d'historiens et de publicistes : • Le retour des Bourbons produisit un enthousiasme universel • (Mémoires au roi, 20), en a imposé à l'histoire. Or, d'une part, Carnot qui resta jusqu'aux premiers jours de mai 1814 à Anvers, où la garnison tenta de se révolter aux cris de : Vive l'empereur ! ne pouvait être témoin de l'enthousiasme universel des Français. D'autre part, si Carnot s'exprimait ainsi, c'était par un artifice de discussion. Afin de mieux démontrer l'action néfaste sur l'opinion publique des fautes et des maladresses du gouvernement royal, il commençait par dire qu'à l'origine tout le monde était pour le roi. — Dans une brochure publiée peu après le Mémoire de Carnot (Réflexions sur quelques écrits du jour, 42-49), Chateaubriand a réfuté cette assertion, que démentent d'ailleurs tous les témoignages. • Nous avons été témoin, dit Chateaubriand, des premiers moments de la Restauration, et nous avons précisément observé le contraire de ce que l'on avance ici... La vérité est que la confiance ne fut pas entière au retour du roi. Beaucoup de gens étaient alarmés, les provinces mêmes agitées, incertaines, divisées. On craignait les fers, on redoutait les vengeances. •

[2] Rapport de Davout à Napoléon, s. d. (du 25 au 29 mars 1815. Arch. nat. AF. IV, 1936). — Un état de situation du 1er janv. 1815 (Arch. Guerre) ne porte les déserteurs qu'au chiffre de 101,503, mais à cette, date, un nombre considérable de déserteurs avaient, les uns, rejoint leurs corps, les autres, obtenu des congés absolus. Enfin, les 45.000 ou 48.000 conscrits de 1815, presque tous déserteurs en avril, avaient été régulièrement licenciés par l'ordonnance royale du 15 mai 1814.

[3] Vitrolles à Anglès, 12 mai (Registre de correspondance de Vitrolles. Arch. nat., AF * V3). Rapports de police, 14 et 20 avril. Rapport de Huss, 11 mai. Rapport général de police, 15 mai. (Arch. nat., F. 7, 32004 et F. 7, 3738.)

[4] Duc de X... à comte d'Artois, 23 avril. (Arch. nat. F. 7, 32004.)

[5] Boudin à Dupont, s d. (1re quinzaine de mai. Arch. guerre).

[6] Lettre à Beugnot, 25 mai. (Arch. nat. 26.) — Ce témoin, qui est royaliste et conseille la restriction des droits politiques, n'est donc point suspect.

[7] Rapport général de police, 4 avril. Bulletin de police, 20 et 21 avril, 2 mai, 7 mai, ti 5 mai, 6 juin. Correspondance des préfets, avril-juin. (Arch. nat., F. 7, 3779, F. 7, 3204, F1a 582, F. 7, 3738.) Lettre à Dupont. Strasbourg, 1er mai. Dupont à Beugnot, s. d. (1re quinzaine de mai). Dupont à Beugnot, 25 mai. (Arch. Guerre.)

[8] Il serait à désirer que les nobles conservassent la même aménité qu'ils avaient avant le retour du roi. Un très grand nombre sont devenus arrogants. Vicomte de Ricé, préfet de l'Orne, à Montesquiou, 22 mai. (Arch. nat., F1a 582.) — Il y eut chez quelques royalistes de Toulouse des prétentions ambitieuses et des allures hautaines impardonnables. Villèle, Mémoires, I, 217.

[9] Correspondance des préfets, avril, juin. Bulletins de police, avril juin. (Arch. nat., F1a 512, F. 7, 3773.)

[10] Boulay de la Meurthe, Souvenirs, 168. Thibaudeau, II, 263-266.

[11] Correspondance des préfets, avril-juin. Bulletins de police, avril-juin Arch. nat. F. 7, 3773, F1a 582 (Rapport de Dupont au roi, s. d. (première quinzaine juin). Arch. Guerre).

[12] Villèle, Mémoires, I, 246-248.

[13] Maire de Lons-le-Saulnier à ct la 6e Don Mre, 3 mai. Préfet du Loiret à Dupont, 5 mai. Despeaux au même, 6 et 8 mai. Dupont à Beugnot, s. d. (2e quinzaine de mai) (Arch. Guerre). Correspondance des préfets, avril-juin. (Arch. nat., F1a, 582.)

[14] Dufy à Dupont, Angers, 29 mai. (Arch. Guerre.) Rapport de police 1er juin. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[15] Ordre au jour de Carnot, Anvers, 14 avril (Arch. Guerre). Mémoires sur Carnot, II, 358. Cf. Rovigo, Mém., VII, 309.

[16] Proclamation d'Augereau, Valence, 16 avril (Arch. Guerre).

[17] Journal des Débats, 5 mai.

[18] Lettres de Fouché à Napoléon, 23 avril, au comte d'Artois, 23 avril (citées dans le supplément de la Correspondance de Wellington, IX, 144-145). Lettre de Fouché à Blacas, juin 1814 (citée dans les pseudo-Mémoires de Fouché, II, 294). Cf. Pozzo di Borgo, Correspondance, I, 21, 25. Rovigo, Mém., VII, 313-315. Vitrolles, Mémoires, II, 9-11. Rapport de police, 18 juillet, et 22 août. (Arch. nat., F. 7, 3738.)

Bien que les Mémoires de Fouché soient notoirement apocryphes (ils ont été rédigés par Alphonse de Beauchamp), nous les tenons cependant pour véridiques sur plus d'un point. Beauchamp a eu des notes de Jullian, agent de Fouché, et nous avons pu vérifier l'absolue concordance de bien des pages de ce livre avec des documents d'archives et les Mémoires et correspondances des contemporains. On ne sera donc pas surpris si, dans 1815, nous citons parfois les Mémoires de Fouché.

[19] Rouget de l'Isle, Cinquante Chants français, n° 57.

[20] Bulletin des Lois, 1814, n° 61.

[21] Rapport de police, 20 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3738.)

[22] Les souverains alliés proclament qu'ils respectent l'intégrité de l'ancienne France telle qu'elle a existé sous ses rois légitimes ; qu'ils peuvent même faire plus, car pour le bonheur de l'Europe, il faut que la France soit grande et forte. Déclaration du czar. (Moniteur, 1er avril.)

[23] Note sur les traités de 1814 et 1815. (Arch. Aff. étr., 673.) — Selon les plénipotentiaires alliés, le territoire français allait se trouver augmenté de 295 lieues carrées, mais ils comptaient dans ce calcul le comtat Venaissin, la principauté de Montbéliard et autres enclaves.

[24] Journal des Débats, 26 mai et 2 juin.

[25] Le mécontentement de la paix est grand. On voudrait les frontières du Rhin. On se sent humilié. Winzingerode au roi de Wurtemberg, Paris, 23 mai (Arch. Aff. étr., 675). Rapports de Huss, fin mai. Rapport de police, s. d. La Ferronays à Beugnot, 9 juillet. (Arch. nat., F. 7, 32004 ; F1c 126.) Beugnot, Mém., II, 114. — Ce sentiment se manifestait surtout à Paris. Dans la plupart des départements le traité de paix fut mieux accueilli (Correspondance des préfets, Arch. nat., F1a, 581). La raison est que l'occupation étrangère ne pesait pas sur Paris, où les troupes observaient une discipline exacte, tandis que les réquisitions arbitraires continuaient en province. Là, la signature de la paix annonçait la délivrance.

[26] D'après la constitution de l'an VIII et le sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X, les Assemblées cantonales ou Assemblées primaires, composées de tous les citoyens actifs (c'est-à-dire de tous les Français figes de 25 ans et payant une contribution directe égale au moins à trois journées de travail), nommaient sur une liste, formée dans chaque département des 600 contribuables les plus imposés, les membres des collèges électoraux des départements, et nommaient, parmi tous les citoyens inscrits sur le registre civique, les membres des collèges électoraux des arrondissements. — Les deux collèges électoraux, ceux des départements et ceux des arrondissements, nommaient ou plutôt présentaient au choix du Sénat les députés, pour lesquels n'était requise aucune condition de cens.

D'après la Charte de 1814, il fallait, pour être nommé membre des collèges électoraux, être âgé de 30 ans et payer une contribution directe de 300 fr. et, pour être député, il fallait payer une contribution de 1.000 fr.

Sur les restrictions apportées par la Charte aux droits d'électorat et voir principalement Beugnot, Mém., II, 197-201, et Sismondi, Examen de la Constitution, 44-48.

[27] Rapport général de police, s. d. (Juin ou juillet 1814) (Arch. nat., F1e, 136). Hobhouse, Lettres, I, 67-68. Chateaubriand, Mémoires, VI, 315-316. Méhée, Dénonciation au roi, 9. Benjamin Constant, Mém., I, 16-18. Lamarque, Mém., I, 8. Barante, Souvenirs, II, 38.

[28] Moniteur, 10 et 11 juin.

[29] J. P. Brès à son oncle, Paris 4 juillet. (Arch. Aff. étr., 675.) Rapport de Kellermann, Strasbourg, 20 juillet. (Arch. Guerre.) Journal de Paris, 18 juillet. Rapport de police 26 juin, 19 juillet. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3053.)

[30] Lettres à Beugnot, juin. (Arch. nat. F. 7, 3204, et F. 7, 3053. Le Censeur, n° I, 38. Moniteur, 1er juillet. Quelques vérités inédites, 10. Bulletins et rapports de police, 17, 18, 20, 21, 22 juillet, 3 novembre. (Arch. nat., F. 7, 3204, F. 7, 3738, F. 7, 3739.)

[31] Correspondance des préfets, mai, juin, juillet. (Arch. nat., F1a, 581. Carnot de Feulins au roi, 24 nov. (Arch. Aff. étr., 646.) Cf. Lafayette, Mémoires, V, 327. Benjamin Constant, Mémoires, I, 32-33 et notes.

[32] Rapport de police, 7 juin. (Arch. nat., F. 7, 3053.)

[33] Journal des Débats, Gazette de France, 24, 25, 26, 27 juin.

[34] Rapport de police, 28 juin. Cf. Rapport de police 17 oct. (Arch. nat., F. 7, 3204, et F. 7, 3739.)

[35] 1.645.569.000 francs. Moniteur, 13 juillet, supplément.

[36] Dans cette menace d'un déficit de plus de 1.600.000.000 de francs, il y avait une exagération de treize quatorzièmes au moins. Mollien, Mémoires, IV, 150. — La dette antérieure au 1er avril 1814 fut définitivement réduite en 1817, par le résultat des liquidations, à 503.980.190 francs. Gaudin, Mémoires, II, 26. — Les quinze années, sauf les rectifications qu'il ne dépend de personne de faire, ont perçu 13.851.382.246 fr. et ont dépensé 14.293.666.878 fr. Si ces deux sommes étaient d'une exactitude rigoureuse, le déficit de la gestion consulaire et impériale serait de 442.284.632 fr. Le déficit de l'empire a été probablement de la moitié de 1.300.000.000 fr. Paul Boiteau, article Budget général de l'Etat. (Dictionnaire des Finances, I, 558-559.)

Cf. sur cette question et sur les chiffres erronés qu'avait fournis à Montesquiou un ancien chef de bureau du Trésor public, nommé Bricogne : Mollien, Mémoires, IV, 149-150, 167-174, et annexes I à VI. Gaudin, Mémoires, II, 1-25. Villèle, Mémoires, I, 271, 271, 278-180. Bouillon, le Furet ou l'Observateur 1814, n° IV.

Les matériaux et brouillons pour l'Exposé de la situation financière du royaume existent aux Archives nationales (cartons F1c 14 à F1c 23). Dans ces pièces, plusieurs chiffres sont surchargés et majorés. Ainsi l'arrière pour la Guerre (non compris l'Administration de la Guerre) est porté à 104 millions au lieu de 71.473.453 fr.

[37] Moniteur, 23 juillet. — Une ordonnance royale du 6 juin avait déjà consacré les aliénations nationales. La vente des biens des communes, tant reprochée à Napoléon, continua sous la Restauration.

[38] Moniteur du 24 août au 3 sept. Cf. Villèle, Mém., I, 278-280.

[39] Rapport de Huss, 27 et 31 mai. (Arch. nat., F. 7, 32004.) — Une lettre du comte de La Ferronnays du 9 juillet 1814 porte à 15.000 les employés renvoyés. (Arch. nat., F. 7, 3204.) Ce chiffre parait fort exagéré, du moins à cette date, car dans les derniers mois de 1814 et les deux premiers de 1815, il y eut encore des hécatombes de fonctionnaires subalternes (Rapport de police, 7 déc. 1814, 7 janvier, 9 févr., 1er et 2 mars 1815). (Arch. nat. F. 7, 3739.) Sur la foule des mécontents créée par la réforme des employés, Cf. Wellington à Castlereagh, Paris, 4 oct. (Dispatchs, Supplément, IX.)

[40] La marine fut pour ainsi dire abandonnée. Après avoir cédé sans discussion aux Alliés, par le traité du 30 mai, 31 vaisseaux de ligne et nombre de frégates, corvettes, etc., on mit en vente une partie des bâtiments dont ce traité stipulait le retour à la France. (Decrès à Caulaincourt, 20 mai 1815. (Arch. Aff. étrangères, I, 802.) Cf. Rapport de police, 20 août 1814. (Arch. nat., F. 7, 3783.) Des bâtiments qui étaient dans nos ports, la plupart furent désarmés. Les deux tiers des équipages furent envoyés en congé et l'on consomma tout l'approvisionnement sans rien remplacer. Au 20 mars 1815, il n'y avait à flot qu'un seul vaisseau, 11 frégates et corvettes, flûtes, gabares et transports.. Avec un tel budget, écrivait Decrès, la marine se serait affaiblie chaque année de la valeur de sept vaisseaux de 71. (Decrès à Napoléon, 21 mars et 15 avril 1815, et état de la flotte au 20 mars 1815. (Arch. nat. A F., IV., 1941.)

[41] Marmont, Mémoires, VII, 6.

[42] Vitrolles, Mém., II, 181. — D'avril à mai, il y eut 180.000 déserteurs. Rapport de Davout à Napoléon, s. d. (du 25 au 29 mars 1815. Arch. nat., AF. IV, 1936).

[43] Metternich à l'empereur d'Autriche, 11 avril. (Metternich, Mém., II, 471-472). Beugnot à Louis XVIII, 13 mai. (Arch. Aff. étr., 646.)

[44] Mars 1814 ; 130 rég. d'infanterie de bataille (nominalement il y avait sous l'empire 156 rég. d'infanterie, mais 26 n'avaient pas été formes en l'an XII ou avaient été détruits complètement depuis et non reformés). 32 rég. d'infanterie légère (nominalement il y avait 37 rég., mais, pour les causes énoncées ci-dessus, cinq n'existaient que sur le papier). — 4 rég. de vieille garde ; — 40 rég. de moyenne garde et de jeune garde.

Septembre 1814 : 90 rég. de ligne ; — 15 rég. d'infanterie légère : —2 rég. de l'ex-vieille garde sous le nom de Corps royaux de Grenadiers de France et de Chasseurs de France. (Les hommes de la moyenne et de la jeune garde maintenus au service furent incorporés dans la ligne et l'infanterie légère.)

[45] Mars 1814. 91 rég. de cavalerie de la ligne ; — 4 très forts régiments de la garde (sans parler des Polonais) ; — 4 rég. de gardes d'honneur.

Septembre 1814 : 57 rég. de cavalerie de la ligne ; — 4 rég. de l'ex-garde sous le nom de Chasseurs, Dragons, Chevau-légers et Cuirassiers de France (ce dernier régiment formé avec les ex-grenadiers à cheval).

[46] Mars 1814 : 9 rég. à pied ayant chacun de 26 à compagnies ; — 6 rég. a cheval à 8 compagnies ; — 1 rég. à pied de la vieille garde à 6 compagnies ; — 1 rég. a cheval à 6 compagnies ; — 1 rég. à pied de la jeune garde à 14 compagnies.

Septembre 1814 : 8 rég. d'artillerie à pied à 21 compagnies ; — 4 rég. cheval à 4 compagnies.

[47] Mars 1814 : 27 escadrons de la ligne ; — 6 escadrons de la garde. Septembre 1814 : 8 escadrons.

[48] Mars 1814 : 2 bataillons de mineurs à 6 compagnies ; — 5 bataillons de sapeurs à 9 compagnies ; — 3 compagnies de la garde.

Septembre 1814 : 3 régiments à 10 compagnies.

[49] Ordonnances du roi, des 12 mai, 15 mai et 8 août. Journal militaire, 1814. Rapport de Davout à Napoléon, s. d. (du 25 au 29 mars 1815. Arch. nat., AF., IV, 1936).

[50] Officiers et soldats : infanterie : 144.795. — Cavalerie : 36.037. — Artillerie : 15.993. — Génie : 4.315. (Ordonnances du 11 mai. Journal militaire.) — L'ex-garde impériale, la maison du roi, les vétérans, gendarmes, etc., n'étaient pas compris dans ces totaux.

[51] Circulaire de Dupont, 26 juillet 1814. (Arch. Guerre.) — A cause des prisonniers qui venaient sans cesse combler les vides à mesure qu'on les faisait, il ne semble pas que l'on pût réduire l'armée aux trois quarts du complet de paix. Voir la situation générale du 15 septembre (Arch. Guerre), époque où d'ailleurs ces différentes mesures n'avaient pas encore produit tout leur effet.

[52] Rapport de police, 20 juillet 1814. (Arch. nat. F. 7, 3738.)

[53] Ordonnance royale du 12 mai (Journal militaire, 1814). — Aux termes de cette ordonnance, les officiers devaient être mis à la demi-solde à mesure que la nouvelle organisation de chaque régiment serait achevée. D'après une circulaire de Lebarbier de Tinan du 9 août (Arch. Guerre) et les dossiers des archives administratives de la Guerre, beaucoup d'officiers entrèrent en demi-solde dès juillet et août. Mais pour la plupart, ce ne fut qu'à partir du 1er septembre. (Circulaire de Dupont, 27 août, Journal militaire.) Il y en eut même en assez grand nombre qui, quoique sans emploi, restèrent dans les états-majors et les corps de troupe, avec la solde entière, jusqu'au 1er janvier 1815. (Circulaire de Dupont, 16 octobre, Arch. Guerre). Ordonnance royale du 16 décembre 1814, rendue sur le rapport de Soult (Journal militaire.)

[54] On a porté à 14.000, à 20.000 et même à 30.000 le nombre des officiers mis à la demi-solde. D'après le procès-verbal de la séance du conseil des ministres du 15 juin 1814 (Arch. nat., AF * V2), il y en eut 11.000. Davout, dans un rapport à l'empereur de la fin de mars 1815 (Arch. nat., AF. IV, 1936), les évalue d'une façon générale à 12.000. Mais il y avait en outre beaucoup d'officiers mis d'office à la retraite.

[55] Circulaire ministérielle du 27 septembre 1814. (Journal militaire.) Cf. Coignet, Cahiers, 381, 384.

[56] Souvenirs manuscrits du chef d'escadrons Bourgeois, aide de camp de Hullin, en mars 1814 et pendant les Cent Jours, grand'père maternel de auteur. Rapport de Fougue, 23 novembre 1814. (Arch. nat., F. 7, 32004.)

[57] Beugnot à Dupont, 23 juillet ; au préfet d'Ille-et-Vilaine, 10 sept. ; à Maison, 19 nov. Rapport à Dupont, 23 nov., 15 et 26 oct. Soult à Dandré, 12 déc. (Arch. Guerre). Rapport de Fouque, 23 nov. Rapport de police, 5 juin, 23 sept., 15, 26, 30, 11 oct., 4, 8, 9, 27 nov., 2, 16, 20 déc., 13 janv. (Arch. nat., F, 7. 3204, F. 7, 3738, F. 7, 3739, F. 7, 3773, F. 7, 32004.)

[58] Ordonnances du roi des 26 mai, 15 juin et 15 juillet. (Journal militaire.)

[59] Les Cent-Suisses, qui avaient un recrutement spécial, et les grenadiers à cheval, pris dans les corps de cavalerie parmi les sous-officiers et soldats ayant cinq ans de service, avaient rang de sous-officiers.

[60] De ces six mille hommes, deux mille étaient surnuméraires, avec grade de sous-lieutenant, niais sans solde. La solde, qui variait selon les compagnies entre 600 et 800 fr. par an, n'était pas d'ailleurs la grosse dépense. C'étaient les chevaux, l'équipement et les brillants uniformes.

[61] Registres matricules de la Maison militaire du roi. (Arch. Guerre.)

Il y avait des compagnies plus ou moins aristocratiques. Dans les quatre compagnies rouges, tous les hommes étaient nobles h quelques exceptions près. Dans la 3e compagnie (Gramont) des gardes du corps du roi, dans la compagnie des gardes de la Porte, dans les compagnies de Monsieur, les trois quarts des gardes étaient nobles. Dans les 17e, 2e et 4e compagnies des gardes du corps du roi, la moitie seulement des gardes avait la particule.

[62] Rapport de Davout à Napoléon, 28 mars 1815 (Arch. nat., AF, IV, 1941).

[63] Ces trois régiments crées par l'empereur en 1805, 1806 et 1807 avaient été dissous en 1813, et les hommes formes en bataillons de pionniers. Le gouvernement de Louis XVIII n'avait qu'à les licencier et à les rapatrier. Mais bien loin de là, on forma un 4e régiment sous le nom de régiment colonial étranger. (Ordonnance du 16 décembre 1814.)

[64] Rapport de Davout à Napoléon, 28 mars 1815. (Arch. nat., AF. IV, 1941.)

Sous la première restauration, les quatre régiments suisses formaient lui effectif total de 3.500 hommes. Situation du 1er septembre 1814. (Arch. Guerre.)

[65] Rapport de Carion-Nisas à Davout, 20 avril 1815. Etat général dressé en avril 1815. (Arch. nat., AF., IV, 1939, et AF., IV, 1936.)

De ces 2.200 officiers, un certain nombre entrèrent dans la Maison militaire du toi, comme brigadiers, maréchaux-des-logis, sous-lieutenants et lieutenants. D'autres furent pourvus de commandements dans la ligne ou mis à la suite des régiments.

[66] Au milieu de mai 1814, le comte d'Artois évaluait à 1.200 les émigrés restés encore en Angleterre. Procès-verbaux des conseils des ministres, 15 mai (Arch. nat., AF * V2), mais un certain nombre avaient déjà regagne la France en avril, et il y avait en outre des émigrés venus ou à venir de Hambourg, d'Altona, de Russie. Toutefois, on ne doit pas estimer à plus de 3.000 ou 4.000 les émigrés rentrés pendant la première restauration.

[67] Le nombre immense des nobles rentrés sous l'empire accoururent en foule pour réclamer ce qu'ils avaient perdu et même ce qu'ils n'avaient pas perdu. Malte-Brun, Apologie de Louis XVIII, 7-8.

[68] Rapport à l'empereur, 12 avril 1815. (Arch. nat., Fta, I, 26.)

[69] Comparez la liste des préfets et sous-préfets, dans l'Almanach de la Cour (almanach impérial) pour 1814 et dans l'Almanach royal pour 1814-1815. — Il n'y a pas d'Almanach impérial pour 1814. Mais le petit Almanach de la Cour en tient lieu pour beaucoup de renseignements.

[70] Rapport de Carion-Nisas à Davout, 20 avril 1815, et extrait de dossiers joints à ce rapport. (Arch. nat. AF. IV. 1039.) Lettre de Decrès à Caulaincourt, 1er juin 1815, et note annexée à la lettre. (Arch. étr., 1802.)

Dans la marine surtout, il y eut des nominations déplorables, tandis qu'on mettait en réforme ou à la demi-solde 500 officiers éprouvés. Decrès, dans la lettre précitée, parle du capitaine de vaisseau de V..., qui, en décembre 1814, ayant fait rencontre d'une frégate anglaise, compromit la dignité nationale par sa conduite misérable. — Ce n'est pas étonnant, conclu Decrès, car cet officier ayant quitté la mer depuis 25 ans n'a plus l'habitude du commandement. On sait qu'en 1816, un autre émigré, Duroys de Chaumareys, perdit par son impéritie la frégate la Méduse, et, fait unique dans l'histoire de la marine française, abandonna un des premiers le bâtiment qu'il avait l'honneur de commander.

[71] Rapport de police 25 oct. (Arch. nat., F. 7, 3730.)

[72] Journal des Débats, 29 mai et 2 juin 1814. Vitrolles, Mémoires, II, 222-226.

[73] Lettres des préfets aux ministres de l'intérieur et des finances, juin-décembre 1814. (Arch. nat., Fta, 588-589.) (Cette volumineuse correspondance, qui ne comprend guère moins de 800 lettres, est entièrement relative aux désordres provoqués en France par le maintien des droits réunis.) Rapports de police, 4 juillet, 5, 17 août, 6, 16, 24 oct. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3773.) Dupont à Louis, 14 juin, Vialannes à Dupont, Moulins, 10 juin. Rapports de Kellermann, Strasbourg, 20 juillet et 10 août. Dupont à Beugnot, 7 août. Dupont à Souham, 29 oct., etc. (Arch. Guerre.)

[74] Rapport de police, 26 octobre. (Arch. nat., F. 7, 3773.)

[75] Procès-verbaux des conseils des ministres, 2 sept. (Arch. nat. AF * V2.) Mortier à Dupont, Boulogne, 13 août. Augereau à Dupont, Caen, 14 août. Jourdan à Dupont, Rouen, 21 août. Procès-verbal du maire de Morlaix, er sept. Loyson à Dupont, Dieppe, 6 septembre, Caffarelli à Dupont, Rennes, sept. (Arch. Guerre.) Correspondance des préfets et rapports de police, 9, 17, 21 août, 8 sept., 15 oct., etc. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3773.)

[76] En juin 1815, Talleyrand écrivait encore au roi : Il serait bon qu'il y eût une déclaration sur les biens nationaux et qu'elle s'exprimât d'une façon plus positive, plus absolue, plus rassurante encore que la Charte dont les dispositions n'ont pas suffi pour faire cesser les inquiétudes des acquéreurs. (Correspondance avec Louis XVIII, 481-482.)

[77] Rapport général de police, 21 avril. (Arch. nat., F. 7, 3773.) Barante, Souvenirs, II, 57-58.

[78] Moncey à Beugnot, 16 août. Rapport de police, 14 août. (Arch. nat., F. 7, 3773.) Dupont au roi, s. d. (première quinzaine de juin). Hamelinaye à Dupont, Laval, 17 juillet. (Arch. Guerre.)

[79] Mme de la Rochejaquelein, Mém., 463, 479. Cf. Préfet des Deux-Sèvres à Dupont, 4 juin. (Arch. Guerre.)

[80] Gal Ct la Loire-Inférieure à Dupont, 5 mai. Préfet de Vendée à Gouverneur de la 12e Don Mre, 7 mai. Ruty à Dupont, Angers. 11 mai. Dupont au roi, 10 mai. Préfet des Deux-Sèvres à Dupont, 4 juin. (Arch. Guerre.) Rapport général de police, 10 mai. Préfet du Morbihan à Beugnot, 25 mai. (Arch. nat., F. 7, 32004, et Fta, 582.)

[81] Préfet des Deux-Sèvres à Dupont 14 juin. Sous-préfet de Fougères à Dupont, 4 juillet. Dupont à Soult, 20 juillet. Lettre à Dupont d'un vieux soldat, Nantes, 14 août. (Arch. Guerre.) Préfet de la Loire-Inférieure à Montesquiou, 2 juillet. Préfet d'Ille-et-Vilaine à Montesquiou, 8 juillet. Rapport de police, Nantes, 10 août. (Arch. nat., F. 7, 3773.) Procès-verbaux du conseil des ministres, 14 oct. (Arch. nat. AF * V2.)

[82] Rapport de police, Nîmes, 4 novembre. (Arch. nat., F. 7, 3730.) Cf. Préfet du Gard à Montesquiou, 28 févr. (Arch. nat., F. 7, 3147). Durand, Marseille et Nîmes en 1815.

[83] Rapport à Dupont, Avignon, 2 juillet. (Arch. Guerre.)

[84] Marchand à Dupont, 31 août. (Arch. Guerre.)

[85] Moniteur, 28 juillet. Journal des Débats, 23 août. Rapport de police, 12 août. (Arch. nat. F. 7, 3738.)

[86] Rapports de police, 16 juin, 6 juillet, 3 et 10 août, 30 janvier. (Arch. nat., F. 7, 32004, et F. 7, 3733.) Rapport à Dupont, 2 juillet. (Arch. Guerre.) Journal des Débats, 25 mai, 21, 26 juin. Chateaubriand, Mém., VI, 320-321. Apol. de Louis XVIII, 12. Voir aussi les estampes et caricatures du temps.

En une seule journée, le 14 juin, la duchesse d'Angoulême reçut des députations de 85 communes du Finistère.

[87] Rapport de police, 3 août. (Arch. nat. F. 7, 3738.)

[88] Procès-verbaux des conseils des ministres. 15 mai, 2 sept., 26 déc., etc. (Arch. nat., AF * V2) Rapport sur l'esprit public, 10 mai. Lettres de Mon-ciel à Beugnot, 2 et 4 juillet. Rapports de police, 12 déc., 6 et 10 janv., 3 février, 3, 4 et 6 mars. (Arch. nat., F. 7, 32004, et F. 7. 3739.) Mémoires de Blacas. (Arch. des Aff. étr., 615.) Monciel à Dupont, 5 mai. (Arch. Guerre.) La Fayette à Jefferson, 14 août. (La Fayette, Mémoires, V, 439.) Beugnot, Mém., II, 126, 144-146. Hobhouse, Lettres, I, 60. Pasquier, Mém., III, 41.

[89] Rapport sur l'esprit public, 10 mai. Rapport de police, 10 déc., 19 janv. Arch. nat., F. 7, 32004, et F. 7, 3739.) Mémoire de Blacas. (Arch. Aff. étr., 615.) Marmont, Mém., VII, 20. La Fayette, Mém., V, 317-316.

[90] Mémoire de Blacas. (Arch. Aff. étr., 615.) Rapport de police, 2 sept., 13 janv., 6 mars. (Arch. nat., F. 2738, et F. 7, 3739.) Hobhouse, Lettres, I, 82.

[91] Mémoire de Blacas. (Arch. Aff. étrang., 615.) Procès-verbaux des conseils des ministres. (Arch. nat. Ar V2). Rapports de police, 29 sept., 8, 10, 11, 25 oct., 15 nov., 13, 28 juin, 6 mars. Note secrète sur la danseuse. Virginie, s. d. (1814). Rapport de Foudras, 31 déc. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3739, et F. 7, 32004.) Beugnot à Talleyrand, 23 oct. (Correspondance de Talleyrand avec Louis XVIII, 464.) Hobhouse, Lettres, I, 82. Vitrolles, Mém., II, 135.

[92] Correspondance des préfets et rapport de police, 2, 9, 16, 25, 28 juillet, 3 et 9 août. (Arch. nat. F. 7, 3738, et F. 7, 3773.) Rapport à Dupont, Mayenne, 31 juillet. Dupont à Decaen, 23 août. (Arch. Guerre.) Pozzo di Borgo, Correspondance, I, 26.

[93] Correspondance des préfets et rapports de police, 15 juillet, 6 août, 10, 18, 25 oct., 4 nov. (Arch. nat., F. 7, 3773, F. 7, 3738, et F. 7, 3739.) Général de Verdières à Dupont, 6 oct. (Arch. Guerre.)

[94] Correspondance des préfets et rapports de police, 23 août, 17, 18, 23 sept., 2 et 20 oct., 12 déc. (Arch. nat., F. 7, 3739, F. 7, 3743, F. 7, 32004.) Inspecteur général de gendarmerie à Dupont, Grenoble, 22 août. Ney à Dupont, Besançon, 30 oct. (Arch. Guerre.) Stribosch au baron de Luxheim, Lyon, 25 oct. (Arch. Aff. étr., 675.) La Fayette, Mém., V, 323.

[95] Mémoires manuscrits de Barras (communiques par M. Georges Duruy). Rapport de police, 18, 26, 29 juillet, 6, 9 août, 16, 23 sept., 2 oct., 28 déc., 7 janv., 4 et 6 mars. (Arch. nat., F7, 3-38, F. 6, 3739.) Cf. La Fayette, Mém., V, 353. Duc d'Orléans, Extrait de mon Journal (préface de l'édition de Twickenham, 1816, non reproduite dans l'édition de 1849).

[96] Cf. Mémoire manuscrit de Blacas. Walterstoff au roi de Danemark, 1er déc. (Arch. Aff. étr., 615 et 675 ) Hobhouse, Lettres, I, 59, 60, 75. La Fayette, Mémoires, V, 348, 352. Marmont, Mémoires, VII, 47-54, 68. Guizot, Mémoires, I, 41. Vitrolles, Mémoires, II, 227-229. Villèle, Mémoires, I, 251-252.

[97] Cf. Blacas à Talleyrand, 4 décembre. Jaucourt au même, 20 sept., 1er et 4 octobre, 10 décembre. D'Hauterive au même, 14 novembre. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 161-166.) Mémoire de Blacas. Alexandre à comte de Grimoard, Paris, 29 nov. (Arch. Aff. étr., 615, 675.) Wellington à Castlereagh, 3 et 4 oct., 4 nov. (Dispatchs, Supplément, IX.) Villèle, Mém., I, 265-272. La Fayette, Mém., V, 330, 340-343. Vitrolles, Mém., II, 45, 197-199, 232. Marmont, Mém., VII, 24,47. Guizot, Mém., I, 38-40. Mémoires manuscrits de Barras.

[98] Ce curieux Mémoire est-il ou non apocryphe ? En tout cas, que l'auteur en fût Blacas lui-même ou quelqu'un de ses amis, il était bien renseigné. Dans ses Souvenirs (II, 41), le général Lamarque cite ce Mémoire comme authentique, et la copie qui en existe aux Archives des affaires étrangères (France, 615) est accompagnée de cette lettre de Minjaud au duc de Richelieu (16 déc. 1815) : Le Mémoire de M. de Blacas qui circule en Belgique a fait très grand tort au roi et à la famille royale dans l'esprit des souverains... Ce maudit Mémoire fait tant de bruit à Bruxelles qu'il faudrait, ce me semble, faire insérer dans les journaux belges un article qui fit connaître au public la fausseté de celui qui l'a écrit. — Remarquons la nuance : Minjaud conseille de dire, non pas que ce Mémoire est apocryphe, mais qu'il est mensonger.

[99] Rapport général sur les griefs de l'armée pendant la première restauration. (Arch. nat. Ftc I, 26.) Cf. la correspondance des préfets et les rapports de police de mai 1814 à février 1815 (F. 7, 3738, 3739 et 3773) et la correspondance générale (Arch. Guerre) pendant cette même période.

[100] On ne paye pas la troupe. Paroles de Dessoles au conseil des ministres, le 9 juin 1814 (Procès-verbaux, Arch. nat. AF. * V2). — Les chasseurs de France se plaignent de leur solde arriérée et de coucher sur la paille. Grundler à Maison, 15 janv. (Arch. Guerre.) — Beaucoup de chasseurs royaux sont nu-pieds et sans chemises. Il y a de quoi mécontenter le soldat. Sous-préfet de Saint-Quentin à Clarke, 14 mars 1815, (Arch. Guerre) : La solde est en retard de 15 jours. Préfet de Metz, 16 mars 1815. (Arch. nat., F. 7, 3773.) — Des militaires sont dénués de tout depuis juillet 1814. Briche à Davout, Metz, 26 mars. Cf. Davout à Briche, 28 mars (Arch. Guerre.) — Le 14e léger est bien discipliné, mais les hommes sont affreusement tristes. Apres le défilé, quelques soldats m'ont présenté leurs livrets et d'une voix basse m'ont demandé leur décompte. Depuis un temps infini, il n'a pas été fait de décompte à ces malheureux pour la masse de linge et chaussures. Cette masse s'élève pour chacun entre 65 et 150 fr. Une grande partie n'a pas reçu de pantalons depuis deux ans, et les mauvais pantalons de toile qu'ils ont, ont été pris sur leur masse. Il y a un arriéré de solde depuis plus d'un an. Ces braves soldats disent : Qu'on nous laisse notre solde arriérée, mais qu'on nous donne notre masse et des pantalons. Brune à Davout, Marseille, 16 mai 1815. (Arch. Guerre.)

[101] En feuilletant le Moniteur de 1814, on trouve tous les deux ou trois numéros une liste de 20, de 100, de 300 nouveaux légionnaires. Parfois le Moniteur se borne à cette mention : Le roi, par ordonnance de tel jour, a confirme les 50 ou les 200 ou les 380 décorations données dans tel département par le comte d'Artois ou le duc d'Angoulême ou le duc de Berry. — On a même prétendu que certains ministres trafiquaient des décorations. La croix de chevalier était tarifée 300 francs. (La Lanterne magique de la restauration, 40-41. Cf. Thibaudeau, Consulat et Empire, X, 140.)

[102] D'après les sénatus-consultes des 28 floréal an XII et 22 février 1806, 30 légionnaires étaient adjoints à chaque collège électoral d'arrondissement. L'article XXXVIII de la Charte, en vertu duquel il fallait payer 300 fr. de contributions pour faire partie des collèges électoraux, avait par cela même enlevé aux légionnaires leurs droits d'électorat.

[103] Decaen à Dupont, Bordeaux, 5 sept. (Arch. Guerre.) Rapport de police, 13 août. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[104] Rapport de police, 11 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3738.)

[105] Marmont, Mémoires, VII, 40-41, 44-46.

[106] Journal militaire, 1814.

[107] Rapport de police, 11 juillet. (Arch. nat. F. 7, 3738.) Fleury de Chaboulon, Mém., I, 38-39.

[108] Oudinot à Dupont, Fontainebleau, 28 juillet. Augereau au même, Lyon, 8 août. Soult au même, Rennes, 16 août. Jourdan au même, Rouen, 26 août. (Arch. Guerre.)

[109] Correspondance générale, août-décembre. (Arch. Guerre.)

[110] Interrogatoire de La Bédoyère (Dossier de La Bédoyère, Arch. Guerre.) D'Hauterive à Talleyrand, Paris, 14 nov. (Arch. Aff. étr., 680.)

L'ordre de fondre les aigles est du 14 oct. (Procès-verbaux de conseils des ministres. Arch. nat. AF. * V2.)

[111] Dupont à général Simmer, 26 août. Général de Verrières a Dupont, Landau, 6 oct. (Arch. Guerre).

[112] Rapports de police et lettres des préfets, juillet-décembre. (Arch. nat. F. 7, 3733, 3739.) J. P. Brès à son oncle, Paris, 4 juillet. Duchesse d'Orléans au roi des Deux-Siciles, 17 nov. (Arch. Aff. étrang., 675.)

[113] Correspondance des préfets et Rapports de police, 3, 9,11, 16 juillet, 16 et 19 août, 25 oct. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3773.) Kellermann à Dupont. Strasbourg, 21 oct. Rapport au même, Paris, 23 nov. (Arch. Guerre.)

[114] Rapport à Dupont, 20 juin. (Arch. Guerre.)

[115] Lettres de préfets et rapports de police, 2, 3, 10, 11, 16, 23, 26 juillet, 10, 14, 15, 24, 30 août, 4 septembre, 4, 11, 24 octobre. (Arch. nat. F. 7, 3733 et 3773.) Beugnot à Dupont, 23 juillet. Rapports à Dupont, 26 juin, 16 et 23 juillet, 16 et 23 août, 29 sept., 8 oct., 8 nov. (Arch. Guerre.)

[116] Lettres à Beugnot du Préfet du Nord, 8 juillet ; du sous-préfet d'Arles, 24 juillet ; du Préfet de la Gironde, 7 sept. (Arch. nat. F. 7, 3773 ; F. 7, 3738.)

[117] Général Dumonceau à Dupont, Metz, 26 août. (Arch. Guerre.) — En avril, en mai, et en juin, la vieille garde avait bien crié comme les autres corps : Vive l'empereur ! A bas Louis XVIII ! (Agenda du général Pelet.) Maison à Dupont, 28 juin. (Arch. Guerre.) Sous-préfet de Fontainebleau a Beugnot, 23 juin. (Arch. nat. F. 7, 3773). Mais elle était rentrée vite dans le devoir.

[118] Procureur du roi à Beugnot, Fontainebleau, 5 juillet. (Arch. nat. F. 7, 3773.) Rapport général sur l'esprit des troupes de la 16e division militaire. (Arch. Guerre, à la date du 24 mars 1815.)

[119] Rapport général précité. Général de Verrières à Dupont, 6 octobre. (Arch. Guerre.) Rapports de police et lettres des préfets, 20, 21, 22 oct., 4 novembre. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[120] Rapport général de police, 4 novembre. (Arch. nat., F. 7, 3739).

[121] Jourdan à Dupont, 15 août. Rapport des bureaux au même, 23 août. (Arch. Guerre.) Correspondance des Préfets, 15, 16, 17 août. Rapport général de police, 23 août. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3773, F. 7, 3203.)

[122] Etat sommaire des distributions accordées par la ville de Paris (daté du 31 août). Rapport de Kellermann, 1er sept. Jourdan à Dupont, 26 août. (Arch. Guerre.) Rapport de police, 26 août. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[123] Préfet de la Dordogne à Beugnot, 26 août. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[124] Préfet du Jura à Beugnot, 26 août. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[125] Rapport général de police, 18 septembre. (Arch. nat., F. 7, 3733.)

[126] Comte de Champagne à Dupont, Lons-le-Saulnier, 18 juin. Rapport au même, Rouen, 25 juin. Rapport au même, Toulon, 16 juillet. Chevalier Durand au même, Besançon, 29 sept. Sous-préfet de Brest au commandant de place, 8 oct. (Arch. Guerre.) Rapport de police, et correspondance des Préfets, 1er, 8 et 27 juillet, 25 août, 7 sept., 22 déc. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3773.)

[127] Correspondance des préfets et rapports de police, 27 juillet, 29 août, 17 et 30 oct., 19 février. (Arch. nat., F. 7, 3738, F. 7, 3739, F. 7, 3773.)

[128] Dupont au roi, 15 juillet. (Arch. Guerre.)

[129] Ferrière à Dupont, 26 mai. (Arch. Guerre.) Langeron à Tocqueville, Dubno, 11 oct. (Arch. Aff. étrang., 675.)

[130] Lettres des préfets de Seine-Inférieure, Pas-de-Calais, Lot-et-Garonne, Bas-Rhin, Meurthe, Manche, etc., juin-juillet. (Arch. nat. F. 7, 3773.) Kellermann à Dupont, Strasbourg, 20 juillet. D'Epreménil à Dupont, 8 nov. Préfet de l'Orne à général Merlin, 8 déc. (Arch. Guerre.) Lefebvre au général de Lauberdière, 4 février. (Arch. Aff. étrang., 675.)

[131] Ferrière à Dupont, 26 mai. Maire de Montauban (Ille-et-Vilaine) à Caffarelli, 1er juin. Kellermann à Dupont, Strasbourg, 10 juillet. Dupont à Donzelo, 16 août. (Arch. Guerre.) Rapport de police, 30 oct. (Arch. nat. F. 7, 3771).

[132] Préfet de Saône-et-Loire à Beugnot, 27 juillet. Préfet de la Somme au même, 25 juin. Rapport de police, 25 octobre. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[133] Rapport à Dupont, Bordeaux, 5 septembre. Colonel du 66e au général commandant la place de Rouen, 4 janvier 1815. Colonel du 22e à Soult, fév. (Arch. Guerre.) Bulletin de police générale, 6 juillet, 15 août, 30 janvier. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3739.)

[134] Circulaire confidentielle, septembre 1814. (Arch. nat., Fte I, 14-23.)

[135] Nommément dans ces départements : Ain, Aisne, Allier. Ardennes, Aube, Calvados, Cantal, Charente, Charente-Inferieure, Cher, Corrèze, Côte-d'Or, Côtes-du-Nord, Creuse, Dordogne, Doubs, Drôme, Eure-et-Loir, Gironde, Ille-et-Vilaine, Indre, Isère, Jura, Landes, Haute-Loire, Loire-Inferieure, Loiret, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Marne, Haute-Marne, Meurthe, Meuse, Morbihan, Moselle, Nièvre, Oise, Puy-de-Dôme, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Tarn-et-Garonne, Vienne, Haute-Vienne, Vosges, Yonne. — Extraits de la correspondance des préfets, 25 juin au 1er décembre. (Arch. nat. F. 7, 1738, F. 7, 3773.) Correspondance générale, juin-novembre. (Arch. Guerre.)

Un rapport général du 25 juillet sur l'esprit public (Arch. nat F. 7, 3738) résume ainsi l'état de l'opinion : Bon esprit dans le Midi, mauvais dans le Nord. Cf. Pasquier, Mém., III, 45, 46.

[136] Préfet de l'Ain à Beugnot, 12 juillet. (Arch. nat. F. 7, 3779). — Nombre de préfets signalaient le même fait cri d'autres termes, mais il faut remarquer que la lettre précitée est du 12 juillet. Deux mois après, la bourgeoisie était devenue plus frondeuse.

[137] Préfet du Jura à Beugnot, 3 juin. Préfet des Ardennes au même, 7 juil. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[138] Préfet de la Charente à Beugnot, 26 octobre. Bulletin général de police, octobre. (Arch. nat., F. 7, 3773.) Rapport au roi sur la situation politique et militaire du royaume, 24 décembre. (Arch. Guerre.)

[139] Streckeisen à Goltz, Bâle, 6 août. (Arch. Aff. étr., 675.) — Streckeisen ajoute : En France, tous les hommes de quinze à quarante ans sont des misérables bons à être envoyés à Cayenne ou à Botany-Bay.

[140] Extraits des lettres des préfets et rapports de police, aux dates. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3739, F. 7, 3773.) Général Meunier à Dupont, Caen, 8 août. (Arch. Guerre.)

[141] Arrêté du préfet de l'Ain, 13 nov. (Arch. Guerre.)

[142] Bulletins généraux de police, 17 et 23 août. (Arch. nat. F. 7, 3773.)

[143] Souham à Dupont, Périgueux, 4 sept. (Arch. Guerre.) Bulletins généraux de police, 28 août, 3, 16 sept. (Arch. nat. F. 7, 3773, F. 7, 3738.)

[144] Lettres de préfets et de maires et rapports de police, 29 juin, 14 et 17 août, 6 octobre, 17 novembre, 16, 17, 20 et 31 décembre. (Arch. nat. F. 7, 3773.) Sous-préfet de Brest au général commandant la place, 8 octobre. Rapport au roi sur la situation politique et militaire, 24 décembre. Soult à Caffarelli, 27 décembre. (Arch. Guerre.)

Parmi ces placards, il est curieux de citer celui-ci qui fut affiché à Bourges. (Rapport au roi sur la situation politique, 28 décembre. Arch. Guerre.)

PIÈCE NOUVELLE AU BÉNÉFICE DE L'ANGLETERRE

DIRECTEUR : LE RÉGENT.

LES TRAITRES : MARMONT, MONCEY ET Cie.

PREMIER RÔLE : NAPOLÉON.

LE NIAIS : L'EMPEREUR D'AUTRICHE.

JEUNE PREMIER : LE PRINCE EUGÈNE.

PREMIER FIGURANT : LE ROI DE PRUSSE.

PREMIÈRE DOUBLURE : LE DUC DE BERRY.

CŒURS : SUIVANT L'AIGLE A L'ÎLE D'ELBE.

RÔLE À MANTEAU : LOUIS XVIII.

LE SOUFFLEUR : CHATEAUBRIAND.

SON CONFIDENT. (LE CONFESSEUR DU ROI NE L'A PAS ENCORE TROUVÉ.)

LE GRAND MACHINISTE : TALLEYRAND.

LES TYRANS : FERDINAND IV ET FERDINAND VII.

CHANGEMENTS À VUE : LES MARÉCHAUX DE FRANCE.

 

[145] Lettres de préfets et rapports de police, 10, 12, 23, 23, 30 juillet, 7, 11, 14, 20, 22, 25 août, 23 septembre, 15 et 30 novembre, 3 décembre, 5, 15, 25 fév. (Arch. nat. F. 7, 3733, F. 7, 3739, F. 7, 3773, F. 7, 3203.) Kellermann à Dupont, 21 Octobre. Rapport du commandant de gendarmerie de Vitre, 28 février. (Arch. Guerre.) Alfieri à Vallaise, Paris, 12 janv. Alexandre au comte de Grimoard, Paris, 19 janv. (Arch. Aff. étr., 675.)

[146] Préfet de l'Ain à Beugnot, 12 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3773.)

[147] Rapport de police, 2 mars. (Arch. nat., F. 7, 32004.)

[148] Rapport de police, 16 juillet et 6 septembre. (Arch. nat., F. 7, 3738.)

[149] Lettres de préfets et rapports de police, 16 sept., 7 nov., 3 déc. 1814, 10, 25 févr., 11 mars 1815. (Arch. nat. F. 7, 32004, F. 7, 3147, F. 7, 3053, F.7, 3773.)

[150] MM. Frédéric Masson, Germain Bapst, Paul Leroux, Antoine Guillois ont réuni plusieurs milliers de ces objets dans leurs musées napoléoniens. Les spécimens de ce fétichisme qui paraissent les plus anciens son des cure-pipes, portant l'effigie de l'empereur très grossièrement gravée, dont se servaient les soldats au camp de Boulogne. On en retrouve encore parfois sur l'emplacement du camp.

[151] J. P. Brès à son oncle, Paris, 4 juillet. (Arch. Affaires étr., 675.) Mémoires manuscrits de Barras. Rapport général de police 27 sept. (Arch. nat., F. 7, 3738) : Les mécontents royalistes attribuent à la mollesse de la police les progrès effrayants de l'opinion contre le gouvernement.

[152] Rapports de police, 6 août, 16, 24 oct. 10, 13 déc., 15, 24 janvier, 21, 29 février, 1er mars. (Arch. nat., F. 7, 3739 ; F. 7, 32002 ; F. 7, 32004.)

[153] Rapports de police, 19 juillet, 16 août, 30 août, 17 septembre. Cf. Rapport du 20 janvier 1815. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3739.)

[154] Rapports de police, 7 juillet, 15 et 31 août, 19, 28 sept., 30, 31 oct., 4 nov., 12 déc., 6, 13 janv. (Arch. nat., F. 7, 3738 ; F. 7, 3739.)

[155] Mme de Wimpfen au baron de Stengel, Paris, 2 octobre. (Arch. étrang., 675.) Duchesse d'Abrantès, Mémoires XVIII, 333. Rapport de police, 10 et 31 août. (Arch. nat., F., 7, 3738.)

[156] Lettres de Bombelles et du comte de Nolzières au roi, Vienne, mai 1814. Saint-Aignan à Blacas, Paris, 10 juin. Mémoire de Blacas. Lambert à Becquet, ancien chef de la congrégation des Pères de la foi, Châlons, 22 juillet. Alfieri à Vallaise, Paris, 8 déc. (Arch. Aff. étr., 646, 615, 675.) Correspondance des préfets et rapports de police, 18 mai, 22 mai, 29 juillet, 27 sept., 9 nov., 12 déc. (Arch. nat. Fia, 582, F. 7, 3773, F. 7, 3738, F. 7, 3739.) Villèle, Observations sur le projet de Constitution. Chabannes, Lettres à Blacas, 18, 28 36, 42, 55, 62, 69-70, 73. Mémoire de Carnot au roi, 22, 26, 27, 32. Troisième rapport de Fouché au roi. Hobhouse, Lettres I, 90. Villèle, Mém., I, 242-245, 248, 263.265. Vitrolles, Mém., II, 230-237. Fiévée, Correspondance, I, 79-84.

[157] Observations sur le projet de Constitution (réimprimées dans les Mémoires de Villèle, I, 509).

[158] Marquis de Chabannes, Lettres au comte de Blasas, 55.

[159] Mémoire de Blacas (Arch. Aff. étrangères, 615). Cf. Carnot, Mémoire au roi, 27 et 98-101 (édition d'avril 1815). Comte de Barruel-Beauvert, Lettres III, 121.

[160] Saint-Aignan à Blacas, 10 juin. (Arch. Aff. étr., 646.)

[161] Rapports de police, 29 juillet, 2, 27 sept., 9 nov. (Arch. nat. F. 7, 3738, 17. 7, 3773.) Chabannes, Lettres 36, 91, 73. J. P. Brès à son oncle, Paris. 4 juillet. (Arch. Aff. étr., 675.) Wellington à Castlereagh, 4 oct. : Les émigrés sont aussi irrités contre le roi que les jacobins et les bonapartistes (Dispatchs, Supplément IX.).

[162] Rapport de police, 19 septembre. (Arch. nat. F. 7, 3738.)

[163] Rapport de police, 2 janv. (Arch. nat. F. 7, 3739.)

[164] Bondy à Suchet, Lyon 16 juillet. (Arch. Aff. étr., 675.)

[165] Barante à Montlosier, Nantes, 15 décembre. (Arch. Aff. étr., 675.)

[166] Mennechet, Lettres I, 163. Bulletin du Censeur, 23-31 août.

[167] La Fayette, Mém., V, 316. Rapport de Talleyrand au roi, juin 1815. (Correspondance avec Louis XVIII, 465.)

[168] J. P. Brès à son oncle, Paris, 4 juillet. (Arch. Aff. étr., 675.) Lettre du général Berge, Paris, 19 juillet. (Arch. Guerre.) Comte, Hist. de la Garde nationale de Paris, 421-422. Rapports de police, 21 juillet, 31 août. (Arch. nat., F. 7, 3738.)

Cette grave maladresse est d'autant plus inexplicable que jusqu'à ce jour (25 juin) le gouvernement avait tout fait pour gagner la garde nationale. Le comte d'Artois avait pris l'uniforme de ce corps le jour de son entrée Paris ; le roi avait confié à la milice, de préférence à la troupe, le service des Tuileries ; enfin les gardes nationaux avaient été décorés en masse de l'ordre du Lys avec un ruban spécial, liseré de bleu, et par surcroît nombre d'entre eux avaient reçu la Légion d'honneur.

[169] Rapport de Talleyrand au roi, juin 1815. (Correspondance avec Louis XVIII, 462-463.)

[170] La Fayette, Mém., V, 316, 331. Hobhouse, Lettres, II, 77, 85-87. Le Censeur, I, 58, 89, 91-93, 179, 304, et Bulletins du Censeur, juillet-septembre. Cf. Pozzo, Correspondance, I, 24, 46, 58. Mme de Staël, Considérations sur la Révolution, III, 71, 89. B. Constant, Mémoires sur les Cent Jours, I, 19, 39.

[171] Jaucourt à Talleyrand, 20 sept. et 3 décembre (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 162-163, notes) ; N... à la comtesse d'Albany, 12 nov. (Arch. Aff. étr., 675.)

[172] Rapports de police, 16 juillet, 12 août, 4 mars. (Arch. nat. F. 7, 32004, F. 7, 3739.) La Fayette, Mémoires, V, 489. Thibaudeau, X, 209. Pozzo, Correspondance, I, 33. Lettres de la reine Catherine, 7 août, 18 sept. (Mém. du roi Jérôme, VI, 452-463.)

[173] Rapports de police, 29 juillet, 13 et 31 août, 23 sept., 16, 26 octobre, 10 février. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3739, F. 7, 3200.) Fouché à Talleyrand, 25 sept. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 138, note.) Pozzo, Correspondance, I, 32, 62, 79.

[174] Rapport de police, 24 juillet, 24, 29 sept., 6, 11, 31 oct. (Arch. nat., F. 7, 3738, F. 7, 3739.)

[175] Notamment dans la question de liberté de la presse. Mais s'il se rangeait parfois du côté des libéraux, le Journal des Débats n'en continuait pas moins d'attaquer avec la dernière violence les hommes, les actes, les souvenirs de la Révolution. L'article signe A., du 29 septembre 1814, donne le ton du journal à cette époque.

[176] Le Censeur, rédigé par Comte et Dunoyer et principal organe du parti libéral, paraissait par livraisons de 20 feuilles in-8°, afin d'échapper à la censure préalable.

[177] Le Nain Jaune, qui paraissait depuis cinq ans avec ce sous-titre : Journal des arts, des sciences et de la littérature, se transforma en journal semi-politique à la fin de 1814, sous l'inspiration, dit-on, des habitues du salon de l'ex-reine Hortense. Les rédacteurs du Nain Jaune, Cauchois-Lemaire, Bory-Saint-Vincent, Etienne, Jouy, Harel, Merle, étaient en effet bonapartistes, mais ils eurent soin de cacher leur drapeau, n'attaquèrent jamais le roi et prirent pour épigraphe : Le Roi et la Charte. Sous la protection de cette devise constitutionnelle, ils jetèrent impunément le ridicule sur les hommes et les tendances du ministère et du parti de l'émigration. On a dit qu'il ne déplaisait pas à Louis XVIII de voir ainsi maltraiter la faction des ultras, et qu'il envoyait même des nouvelles à la main à ce journal. D'après une note des Archives nationales (6 févr. F. 7, 3739), le roi répondit à des courtisans qui réclamaient la suppression du Nain Jaune : — Non, c'est par ce journal que j'ai appris des choses qu'un roi ne doit point ignorer.

[178] Rapports de police, 17 septembre. (Arch. nat- F. 7, 3738.) Carnot, Mémoires du roi, Avis de l'éditeur, édition de 1815.

Les incidents relatifs à ce célèbre Mémoire, d'abord destiné à la publicité, ensuite modifié pour être remis à Louis XVIII, puis publié à l'insu de l'auteur et désavoué par lui dans le Journal des Débats du 8 octobre, sont relatés exacte vent dans les Mémoires de Carnot publiés par son fils (II, 366-372). Ces pages sont absolument confirmées par la lettre de Carnot à Beugnot (15 juillet) et par le mémorandum au roi de Carnot de Feulins (29 novembre) qui se trouvent aux Archives des Aff. étrangères, 646.

[179] Cette brochure qui parut dans le courant de septembre fut saisie. L'auteur, l'imprimeur et le libraire furent condamnés à cinq ans de prison (Quotidienne 15 nov.).

[180] Rapport de police, 24 oct., 13 déc., 27 janv., 25 févr. (Arch. nat., F. 7, 3739, V, 7 3168). Pozzo, Correspondance, I, 19-20. — De temps à autre, la police saisissait ces portraits, mais ils reparaissaient quelques jours après.

[181] Rapport de police, 18 juil., 21 août, 4 nov. (Arch. nat. F. 7, 3204, F. 7. 3738 et 3739.) Journal d'un officier anglais. (Revue Britannique, V, 82.) M. Frédéric Masson a dans ses collections un grand nombre de ces caricatures.

[182] Rapports de police, 16, 18, 26 juillet, 6, 31 août, 9, 23 sept., 2, 16, 21 oct. (Arch. nat., F. 7, 3738, F. 7, 3739.) Cf. Mémoire de Blacas. (Arch. AIL étrangères, 615.) La Fayette, Mém., V, 353-354. Mém. de Fouché, II, 300, 301, 330. Rovigo, Mémoires, VII, 321-323.

[183] Tous les partis semblent s'accorder dans ce refrain : Cela ne peut pas durer. D'Hauterive à Talleyrand, 25 sept. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 139, note.) — Tout le monde est mécontent et prêt à saisir l'occasion de faire n'importe quel changement. Wellington à Castlereagh, Paris, 4 oct. (Dispatchs, Supplément, IX.) — L'opinion n'a jamais été si mauvaise qu'en ce moment. On entend partout répéter : Les Bourbons ne tiendront pas deux mois. Rapport de police, 9 nov. (Arch. nat., F. 7, 3739.) — Tout le monde disait : Cela ne peut pas durer. Mme de Staël, Considérations sur la Révolution, III, 80. Cf. Pasquier, Mémoires, III, 60.

[184] Moniteur, 6 août. Cf. Bulletin de police, 13 août. (Arch. nat., F. 7, 3738.)

[185] La Fayette, Mém., V, 488.

[186] Le Censeur, n° 10.

[187] Ordonnances des 20 avril, 12, 18 et 29 mai, rendues en faveur des ducs de Noailles et d'Havré, du comte de Langeron, émigré au service de la Russie, des princes de Condé et de Poix, de la duchesse de Montbarey, du duc d'Orléans, etc., etc. (Arch. nat., Fta, 585.) — Les Bourbons pouvaient d'ailleurs s'autoriser de précédents créés par Napoléon, qui avait restitué à plusieurs émigrés des biens déclarés inaliénables.

[188] Dans les premiers moments, il faut être réservé alors qu'on voudrait s'abandonner à une extrême prodigalité... La loi reconnaît un droit de propriété qui existe toujours... Le roi regrette de ne pouvoir donner à cet acte de justice toute l'extension qui est au fond de son cœur... Vous trouverez toujours le roi prêt à saisir toutes les occasions, tous les moyens de restaurer la France entière... Moniteur, 14 sept.

[189] Moniteur, 14 septembre. — Les paroles de Ferrand allaient plus loin que sa pensée. En parlant des émigrés qui avaient suivi la ligne droite il opposait leur conduite non pas à la conduite de tous les Français, mais seulement à celle des partisans du roi demeurés en France pendant la Révolution.

[190] Le discours de Ferrand a produit partout le plus détestable effet. Analyse de la correspondance des Préfets, 20 oct. Cf. Rapport général, 3 févr. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Wellington à Castlereagh, 4 nov. (Dispatchs, Supplément, IX.)

[191] Rapport de police, 24 septembre. (Arch. nat., F. 7, 3738.) — C'est ce général Girard qui l'année suivante fut tué à la bataille de Ligny.

[192] Bulletin des Lois, 27 sept.

[193] Moniteur, 18 et 23 octobre.

[194] Celui de M. de la Rigauderie, entre autres. (Moniteur du 26 octobre.) On assure d'ailleurs que sur l'ordre de Beugnot, qui craignait d'émouvoir l'opinion, les journaux ne reproduisirent ce discours qu'en en atténuant beaucoup les termes et les idées.

[195] Moniteur du 25 octobre au 5 novembre.

[196] Macdonald, Souvenirs, 227-229. Cf. Journal des Débats, 7 et 8 déc. — La motion de Macdonald était, comme on voit, la première idée du milliard des émigrés voté par les Chambres quelques années plus tard. L'empereur, du reste, avait eu aussi le projet de former une masse de tous les biens non vendus et de les distribuer proportionnellement aux émigrés rentrés. (Las Cases, III, 258-260.)

[197] Moniteur, juillet-décembre.

[198] Moniteur, 17 août.

[199] Ordonnance royale du 27 septembre.

[200] Marmont, Mémoires, VII, 26.

[201] La Fayette à Jefferson, 14 août 1814. (La Fayette, Mém., V, 487, 489.)

[202] Moniteur 17 août, 18, 25, 26 octobre, 9 novembre, etc.

[203] Moniteur, 26 octobre.

[204] Rapport de police, 27 et 29 juillet (Arch. nat., F. 7, 3738.) — La liste civile qui, conformément à la Charte, fut votée en octobre pour toute la durée du règne avait déjà été votée en juillet, lors de la discussion du budget, pour les années 1814 et 1815.

[205] Moniteur, 17 décembre.

[206] Villèle, Mém., I, 281.

[207] Sur l'impression produite par le vote de ces 30 millions, voir le rapport de Fouché à l'empereur, du 12 avril 1815. (Arch. nat. AF., IV, 1934.)