1814

LIVRE HUITIÈME

IV. — L'ABDICATION.

 

 

C'était contraint par ses maréchaux que Napoléon avait abdiqué en faveur du roi de Rome ; mais le sacrifice accompli, il s'était sincèrement résigné. Aussitôt après le départ des plénipotentiaires, il écrivit une lettre à l'impératrice, l'autorisant à prier son père, l'empereur d'Autriche, d'intervenir dans lei négociations entamées avec le czar[1]. Tout en s'efforçant par cette démarche de faciliter la mission de ses envoyés, l'empereur doutait du succès. Il ne comptait pas pour cela en être réduit à la discrétion de l'ennemi. Peut-être même en signant l'abdication, l'empereur avait-il eu cette arrière-pensée que si ses conditions n'étaient pas admises par les Alliés, les chefs de l'armée reviendraient à lui. Les maréchaux lui avaient imposé son abdication. En les chargeant de la porter, Napoléon les forçait à faire leur cause de la sienne. Il les savait désireux de la régence autant qu'hostiles à la royauté. L'abdication refusée, ils ne pourraient plus que combattre.

Dans l'hypothèse du rejet de ses propositions, l'empereur, vers la fin de la journée du 4 avril, dépêcha aux commandants de corps d'armée et de divisions indépendantes l'ordre de se rendre au palais à dix heures du soir[2], ordre fatal qui, comme on l'a vu, allait précipiter le mouvement du 6e corps. Sûr du dévouement des troupes qui, à Fontainebleau, n'avaient pas cessé de l'acclamer, Napoléon l'était moins de celui des généraux. Il voulait provoquer dans l'armée une adresse, une sorte de plébiscite qui affermît tous les esprits et engageât toutes les consciences. À l'heure indiquée, les officiers généraux, à l'exception de Marmont, furent reçus par l'empereur. Il leur apprit l'état des choses et leur demanda s'ils voulaient abandonner la cocarde tricolore et servir les Bourbons. Sans doute, tous l'assurèrent de leur fidélité. On arrêta qu'une adresse serait signée dans les différents corps d'armée[3].

Une lettre du général Lucotte, portant que, selon les instructions de Marmont, l'abdication venait d'être mise à l'ordre et que la plus grande agitation régnait chez les troupes, puis le rapport verbal de Gourgaud sur le départ du duc de Raguse pour Paris et sur l'absence du général Souham de son quartier général, avaient commencé à inquiéter l'empereur. Mais il ne s'alarma pas cependant de ces étranges nouvelles[4]. Il attribua ce qui se passait au camp d'Essonnes à des malentendus. Comment Napoléon eût-il pu penser qu'un maréchal d'empire et onze mille soldats français allaient déserter leur poste et passer à l'ennemi !

Entre une et deux heures du matin arrivèrent successivement à Fontainebleau le lieutenant Combes, le capitaine Magnien et plusieurs officiers polonais, qui avaient quitté la colonne de Souham. Reçus par l'aide de camp le service, ils furent vite introduits chez l'empereur. Napoléon, les mains derrière le dos, tantôt marchant, tantôt s'arrêtant, les interrogeait avec un calme incroyable. Il ne pouvait croire à la défection du duc de Raguse. Enfin, lorsque devant tant de témoignages il ne lui fut plus possible de douter, il s'assit, muet et le regard fixe. Puis, après un long silence il dit, comme achevant une phrase commencée tout bas : L'ingrat ! Il sera plus malheureux que moi[5].

La ligne de l'Essonne était découverte, on risquait d'être attaqué. Le plus pressé n'était pas de récriminer. L'empereur envoya Belliard aux avant-postes avec ce qu'il put ramasser de cavalerie. Ordre fut dépêché au duc de Trévise de porter son quartier général à Essonnes[6]. Bientôt une lettre du général Krazinski vint témoigner à l'empereur qu'il n'était cependant pas abandonné par toute l'armée. Sire, écrivait ce général, des maréchaux vous trahissent. Les Polonais ne vous trahiront jamais. Tout peut changer, mais non leur attachement. Notre vie est nécessaire à votre sûreté. Je quitte mon cantonnement sans ordre pour me rallier près de vous et vous former des bataillons impénétrables[7].

Le lendemain, 5 avril, ou peut-être dans cette nuit même, Napoléon écrivit le bel ordre du jour à l'armée où perce tant d'amertume et de découragement, et qui semble moins une proclamation faite pour enflammer des troupes qu'un appel à la postérité[8]. À midi, il passa en revue dans la cour du Cheval-Blanc les débris du 7e corps. Les vieux soldats d'Espagne l'acclamèrent, comme la veille et l'avant-veille l'avaient acclamé les bataillons de la garde. Mais la défection du duc de Raguse lui enlevait onze mille hommes. Avec sa petite armée ainsi réduite, il ne pouvait plus combattre sous Paris si ses propositions étaient rejetées. Il se prépara à se retirer derrière la Loire. À trois heures, la vieille garde bivouaquée autour de Tilly, et sous les armes depuis midi, reçut l'ordre de 'rentrer à Fontainebleau et d'aller s'établir sur la route d'Orléans[9]. Ce n'était que le commencement d'un mouvement général. Napoléon avait conçu son plan de retraite ; il attendait pour l'exécuter des nouvelles de Paris. Vers la fin de la journée, soit qu'il eût reçu un courrier de ses plénipotentiaires, soit qu'il ne pût plus lutter contre le pressentiment que la trahison de Marmont entraînerait la rupture des négociations, il donna ses ordres. La garde, formant la tête de colonne avec le corps de Gérard, se mettrait en route pour Malesherbes, le 6 avril, au point du jour. Les autres troupes suivraient le mouvement dans la matinée. Le corps de Mortier, faisant l'arrière-garde, marcherait de Menecy sur Fontainebleau où il cantonnerait pendant la nuit. Le 7 avril, la tête de l'armée serait à Pithiviers et l'arrière-garde entre Fontainebleau et Malesherbes[10].

Dans la soirée, entre neuf et dix heures, les trois commissaires de l'empereur revinrent à Fontainebleau. Ils dirent le résultat de leur mission. La défection du 6e corps avait paralysé la bonne volonté d'Alexandre. Il n'acceptait pas l'abdication en faveur du roi de Rome, et le sénat allait proclamer le comte de Provence sous le nom de Louis XVIII. Le czar garantissait à Napoléon la souveraineté de l'île d'Elbe[11]. — On offrait à César l'empire de Sancho Pança !

Surtout depuis l'événement d'Essonnes, l'empereur est préparé au refus du czar. Il déclare qu'il en appellera aux armes. La guerre, dit-il, n'offre rien désormais de pire que la paix. Puis, avec un grand calme, il expose son plan de retraite derrière la Loire, montrant ses cartes et faisant le dénombrement des forces qui restent pour la résistance. Il y a encore les quarante-cinq mille hommes de l'armée impériale ; il y a l'armée d'Augereau, il y a celles de Soult, de Suchet, de Maison, du prince Eugène ; il y a les dépôts, les forteresses, les populations prêtes à s'insurger. On peut peut-être encore tout sauver[12]. L'empereur espérait que les maréchaux, désabusés sur les intentions des Alliés et hostiles aux Bourbons par sentiment et par intérêt, reprendraient ardemment l'épée. Illusions ! Après avoir tenté de faire substituer la régence à l'empire, les maréchaux avaient pris leur parti de la royauté. Il ne leur avait fallu pour cela qu'une journée passée à Paris et deux entretiens avec le czar. Les plénipotentiaires de Napoléon étaient si convaincus que son pouvoir n'existait plus, qu'à leur retour, en passant à Chevilly, ils avaient de leur propre autorité conclu un armistice avec Schwarzenberg[13]. Ney, peu accoutumé à ménager ses paroles, déclara à l'empereur, avec une netteté brutale, qu'il ne lui restait qu'à abdiquer sans conditions. Macdonald, plus modéré dans les termes, ne paraissait pas moins résolu à exiger l'abdication. Caulaincourt approuvait par un douloureux silence la sommation des maréchaux. Las de donner des raisons à des gens qui étaient déterminés à n'en point écouter, Napoléon se résigna ou parut se résigner. Il congédia les plénipotentiaires en ajournant au lendemain la remise de son acte d'abdication[14].

Cet engagement était-il sincère ? Napoléon qui depuis le matin prévoyait le rejet de ses propositions et qui avait pris des mesures en conséquence, se rendit-il si facilement aux volontés de ses maréchaux ? Renonça-t-il si N ite au mouvement sur Pithiviers, dont à cette heure même le major-général transmettait les ordres ? Perdant soudain tout espoir et toute énergie, révoqua-t-il incontinent ces ordres de marche ? Ou, toujours résolu, les maintint-il et ne furent-ils pas obéis ? Ce qui paraît certain, c'est que les ordres furent transmis, qu'il n'y fut pas donné contre-ordre par écrit et que le mouvement, qui devait s'opérer à la pointe du jour, ne fut point commencé[15].

Le trouble était dans tous les esprits. La défection du 6e corps avait indigné l'armée. On parlait de l'infâme Marmont, on l'appelait traître et déserteur. Mais tout en condamnant son action, les généraux discutaient les mobiles qui l'avaient guidé. La résistance ne paraissait plus possible. Le duc de Raguse ne voulait-il pas sauver l'armée de la destruction et la France de la guerre civile ? L'enthousiasme qu'avait provoqué chez les troupes l'allocution de l'empereur le 3 avril, n'avait point pénétré les états-majors, et, depuis cette revue, les nouvelles de Paris étaient venues augmenter l'abattement. On n'ignorait pas que les maréchaux avaient arraché son abdication à l'empereur. Cet acte de violence n'était point fait pour raffermir la discipline, d'autant que ceux qui l'avaient commis étaient la gloire de l'armée : Ney, le brave des braves, le sévère Macdonald, Oudinot, l'ancien commandant du corps des grenadiers, qui comptait plus de blessures que d'années de service. Puis l'abdication, toute conditionnelle qu'elle était, retirait à l'empereur de son autorité. Il n'était plus empereur que conditionnellement. Jusqu'à quel point pouvait-il encore commander ? Lucotte lui-même, dans l'énergique ordre du jour où il flétrissait la conduite de Marmont, semblait, tout en affirmant sa volonté de rester à son poste, se dégager du serment d'obéissance à l'empereur : Les premiers corps de l'État représentent aujourd'hui la France, écrivait-il... Nous servirons la patrie sous tout gouvernement que la majorité de la nation adoptera[16].

Dans la soirée du 5 avril, les généraux tinrent une assemblée secrète. Plusieurs d'entre eux, nommément le général Pelet considérant la convocation comme illégale, refusèrent de s'y rendre. Quelles résolutions furent arrêtées dans la réunion ? On le peut soupçonner : À deux heures du matin le général Friant— le général Friant commandant la 1re division de la vieille garde ! — avertit Pelet que les commandants de corps d'armée étaient résolus à ne faire aucun mouvement et qu'on n'avait plus à attendre d'ordres de l'empereur. Il semblait, dit Pelet, que Sa Majesté fût déjà enterrée[17].

Le 6 avril, l'empereur réunit une dernière fois ses maréchaux. Il fit un suprême appel à leur cœur, parlant encore de continuer la lutte derrière la Loire. Les maréchaux n'écoutaient plus que leur raison. La scène de la veille, qui elle-même avait été la répétition de celle de l'avant-veille, se renouvela. Ney, Oudinot, Macdonald, Lefebvre mettaient moins de feu dans la discussion — il n'en était plus besoin ! — mais ils n'y apportaient pas moins de résolution. Ils exposèrent froidement à Napoléon qu'il n'avait plus que des débris d'armées, qu'il était cerné et que réussît-il à atteindre la rive droite de la Loire, ses derniers efforts n'aboutiraient qu'à la guerre civile. Les maréchaux étaient bien déterminés à obtenir l'abdication. Les grands officiers de l'empire avaient condamné l'empire.

Depuis cinq jours, Napoléon n'a vu autour de lui que découragement et menaces, abandon et trahison. Ses appels ne sont pas écoutés, ses ordres ne sont pas obéis. Non seulement il a perdu ses conquêtes, non seulement il va perdre son empire, mais ceux qui lui arrachent l'épée ce sont ses compagnons de guerre, ses frères d'armes, jaloux de ne point attendre un jour pour saluer un nouveau maitre. Aux plus terribles retours de la fortune se joignent les plus cruelles blessures de l'amitié violée. L'empereur a souffert toutes les humiliations, toutes les amertumes, toutes les douleurs. Qu'est désormais le dernier sacrifice ! — Vous voulez du repos ? dit Napoléon à ces capitaines. Eh bien ! ayez-en donc ! Et il écrivit l'acte d'abdication : Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à ses serments, déclare qu'il renonce pour lui et ses héritiers aux trônes de France et d'Italie, parce qu'il n'est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la France[18].

La grande nouvelle connue dans les quartiers généraux, la désertion commença. Chacun trouvait un prétexte pour aller à Paris : celui-ci dans l'intérêt de ses troupes, celui-là pour chercher de l'argent, cet autre pour voir sa femme malade. Le pal ais de Fontainebleau, hier encore plein d'officiers, se vide peu à peu. Le duc de Bassano, quelques aides de camp, quelques généraux semblent seuls savoir que Napoléon est encore vivant[19]. Le 6 avril, au moment même où le maréchal Ney rapportait tout triomphant à Paris l'abdication de l'empereur, le sénat proclamait Louis XVIII. Ce fut le signal de la course à l'adhésion. Entre les généraux s'établit une joute de vitesse où chacun s'efforçait de devancer les autres pour donner son approbation publique aux actes du gouvernement provisoire et pour protester de son dévouement au roi. Le Moniteur ne suffit point à insérer les proclamations de Jourdan, d'Augereau, de Maison, les lettres de Lagrange, de Nansouty, d'Oudinot, de Kellermann, de Lefebvre, de Hullin, de Milhaud, de Latour-Maubourg, de Ségur, de Berthier, de combien d'autres encore[20] ! Le ministre de la guerre Dupont avait adressé le 7 avril une circulaire à tous les officiers généraux, les invitant à faire connaître le plus promptement possible leur adhésion personnelle[21]. Belliard, n'ayant point reçu cet avis par suite de quelque erreur, s'inquiéta et s'émut. Pourquoi l'avait-t-on oublié quand on avait pensé à tous ses camarades ? Il ne perdit pas une heure pour écrire au ministre : Votre Excellence a adressé aujourd'hui une lettre à tous les généraux de division de l'armée pour leur demander leur adhésion au nouvel ordre de choses. Je n'ai pas reçu de lettre. Te pense que c'est une erreur. Je m'empresse donc, monsieur le comte, de vous envoyer mon adhésion au nouveau gouvernement[22]. C'est par cette lettre que se termine le registre de correspondance de l'aide-major général Belliard.

Les soldats se montrèrent moins pressés d'oublier leur empereur, moins ardents à abandonner le drapeau de Valmy et d'Austerlitz. La mise à l'ordre de l'abdication provoqua dans l'armée l'étonnement et la colère. Le 7 avril, les troupes sortirent la nuit des quartiers de Fontainebleau, en armes et portant des torches ; ils parcoururent les rues de la ville et les abords du château, aux cris de : Vive l'empereur ! A bas les traîtres ! A Paris ![23] Le jour des adieux, ces mêmes hommes ne criaient plus : Vive l'empereur ! mais leurs yeux où roulaient les larmes, leur sombre silence, rompu par des sanglots quand Napoléon embrassa l'aigle vaincue, disaient leur amour et leur douleur.

Le 8 avril, à Orléans, les soldats envahirent la ville, proférant des menaces, poussant des acclamations et forçant les habitants terrorisés à répéter leurs vivats.

Le 9 avril, à l'entrée de l'impératrice qui arrivait de Blois, le 13 avril encore, les mêmes scènes se renouvelèrent. Le 9 avril, le maire de Clermont-Ferrand ayant proclamé les Bourbons et fait par la ville une marche avec le drapeau blanc, la garnison sortit des casernes, dispersa le cortège et brûla le drapeau sur la grande place. Le surlendemain, on chantait un Te Deum, le drapeau blanc placé sur l'autel. Des chasseurs entrent à cheval pendant l'office, enlèvent le drapeau, le traînent par les rues[24]. A Briare, une division d'infanterie répandit la terreur dans toute la contrée par ses menaces contre les partisans du nouveau régime. Dans la 19e division militaire (Lyon), les troupes méconnaissaient l'autorité des chefs. Chaque jour c'étaient avec les soldats alliés, dont les cantonnements étaient proches, des rixes particulières qui menaçaient de devenir générales[25]. Le corps du maréchal Augereau était disposé à se mutiner ; on craignait que le passage de l'empereur ne déterminât la sédition. Tous les régiments furent cantonnés dans des villes et des villages éloignés de la grande route[26]. À Rennes, à Laval, à Cherbourg, à Orléans, à Tours, à Chartres, à Nevers, les troupes refusèrent de prêter serment au roi et de prendre la cocarde blanche[27]. À Paris, les soldats passaient leur colère sur les étrangers. Ils arrachaient les brindilles vertes dont les Autrichiens ornaient leurs shakos, les médailles de campagne que les Russes portaient sur la poitrine. Chaque jour c'étaient des querelles et des rixes. Le 29 avril, il y eut un vrai combat dans le jardin du Palais-Royal ; quelques personnes furent grièvement blessées. Le 8 mai, des grenadiers assaillirent à coups de briquets des soldats alliés qui dansaient dans un cabaret et en tuèrent plusieurs ; deux femmes furent sabrées[28]. À Rouen, la population, les autorités civiles et militaires étaient effrayées par l'attitude et les menaces des soldats et des officiers subalternes[29].

A Anvers, il y eut un quasi soulèvement ; de même à Metz et à Mayence[30]. À Lille, les troupes furent trois jours en pleine révolte. Durant la nuit du 13 avril ; on commença à crier : Vive l'empereur ! dans les casernes. Le 14, les hommes s'assemblèrent tumultuairement sur la place d'Armes. Les chefs voulurent les calmer. On fit feu sur eux ; un officier reçut un coup de baïonnette. Livrées à elles-mêmes, les troupes forcèrent les portes de la ville, criant qu'elles allaient rejoindre leur empereur. Le 16, seulement, l'ordre se rétablit[31]. Douai et Thionville virent de pareilles séditions. À Landau, les soldats faillirent écharper le général Schramm et les délégués civils qui venaient annoncer la déchéance de Napoléon[32].

Dans les villes comme dans les places fortes, dans les garnisons comme dans les camps, presque tous les soldats montrèrent les mêmes colères, criant : Vive l'empereur ! se mutinant, arrachant aux passants les emblèmes royalistes, disant : Nous ne nous battrons jamais que pour notre empereur, et refusant de prendre la cocarde blanche[33].

Ils la portaient le 3 mai, quand ils faisaient la haie sur le passage de Louis XVIII, mais avec quelles révoltes au cœur ! Je ne crois pas, dit Chateaubriand, que figures humaines aient jamais exprimé quelque chose d'aussi menaçant et d'aussi terrible. Ces grenadiers couverts de blessures, vainqueurs de l'Europe, étaient forcés de saluer un vieux roi, invalide du temps, non de la guerre, surveillés qu'ils étaient par une armée de Russes, d'Autrichiens et de Prussiens, dans la capitale envahie de Napoléon. Les uns, agitant la peau de leur front, faisaient descendre leur large bonnet à poils sur leurs yeux comme pour ne pas voir ; les autres abaissaient les deux coins de leur bouche dans le mépris de la rage ; les autres, à travers leurs moustaches, laissaient voir leurs dents comme des tigres. Quand ils présentaient les armes, c'était avec un mouvement de fureur, et le bruit de ces armes faisait trembler. Jamais, il faut en convenir, hommes n'ont été mis à une pareille épreuve et. n'ont souffert un tel supplice. Si dans ce moment ils eussent été appelés à la vengeance, il aurait fallu les exterminer jusqu'au dernier ou ils auraient mangé la Terre ![34]

La douleur, les colères persistèrent longtemps dans l'armée. Il y eut toute cette année des désertions en masse[35]. Au mois de mai, les soldats brûlèrent le drapeau blanc à Lons-le-Saulnier, à Mayenne, à Poitiers, à Moulins[36]. Le 1er juin, un régiment d'infanterie quitta Orléans en criant : Vive l'empereur ! À bas Louis XVIII ! Les tambours cessèrent de battre quand les cris commencèrent, afin qu'on les entendit mieux[37]. À Nevers le 10 juillet, à Épinal le 25, à Falaise le 26, escadrons et bataillons poussent les mêmes cris dans les rues, en se rendant au champ de manœuvres[38]. Le 16 juillet, le duc d'Angoulême est salué à Rennes par les Vive l'empereur ! de la garnison sous les armes. Dans les revues que passe en octobre le duc de Berry, à Landau et à Strasbourg, des soldats portent au schako la cocarde tricolore[39]. Le 15 août, on fête bruyamment la Saint-Napoléon dans les casernes de Brest, de Metz, de Cherbourg, de Besançon, de Landau, de Clermont, de Calais, de Montpellier ; à Rouen, le quartier du 7e chasseurs (régiment de Berry) est illuminé[40]. À Paris, rue Saint-Martin, le 28 novembre, rue d'Astorg, le 7 décembre, des soldats défilèrent, criant : Vive l'empereur ![41]

Dans la population, le nouveau gouvernement fut accepté sans déplaisir, comme l'avait prédit Alexandre de Laborde à Nesselrode, mais non avec la joie unanime décrite par les écrivains royalistes. Les Bourbons eurent des ennemis, Napoléon conserva de ses partisans. Les fonds publics montèrent, mais cette hausse rapide, énorme[42], était due entièrement à la conclusion de la paix ; seuls les royalistes de la veille pouvaient en faire un titre au roi. D'ailleurs, est-il besoin de le dire, plus des trois quarts des Français, travailleurs de la glèbe et des ateliers, ne se sentaient pas enrichis par la plus-value de la rente, et, chez beaucoup de ceux qui possédaient des valeurs, l'intérêt pécuniaire ne dominait point tous les autres sentiments. À Paris, le peuple des faubourgs resta hésitant, plutôt hostile, encore sous l'influence du régime impérial. Les ouvriers excitaient les soldats contre les Alliés, et les secondaient dans les rixes qu'eux-mêmes avaient provoquées[43]. Ils s'amusaient à attacher des cocardes blanches à l'oreille des chiens errants ; puis à grands coups de fouet, ils les chassaient ainsi décorés par les rues et les quais[44]. Parfois, le soir, des bandes de populaire parcouraient les faubourgs Saint-Antoine, Saint-Marceau, Saint-Martin en chantant des chansons pour l'empereur[45]. Jusque vers la fin d'octobre, on crut assez généralement dans ces quartiers, comme dans bien des villages, au retour prochain de l'exilé[46]. Le 15 août, des ouvriers et des soldats attablés dans les guinguettes des boulevards extérieurs trinquèrent à la santé du grand Napoléon[47]. Les jeunes gens du monde et les étudiants, qui avaient été les plus ardents à souhaiter la chute du tyran, se retournèrent contre Louis XVIII. Ils disaient que la France avait été trahie, vendue, livrée[48]. Au théâtre, le public cherchait des allusions dans toute phrase qui pouvait s'appliquer à la situation du moment. On applaudit trois fois de suite ce vers de l'Hamlet de Ducis :

L'Angleterre en forfaits trop souvent fut féconde.

Des bravos frénétiques interrompirent la tragédienne après ce vers de Tancrède :

Un héros qu'on opprime attendrit tous les cœurs[49].

Les acclamations, les vivats dont furent salués le comte d'Artois et Louis XVIII à leur entrée à Paris, le 12 avril et le 3 mai, les nouveaux gardes nationaux à cheval qui, à la tête des cortèges, agitaient frénétiquement leurs sabres de parade et donnaient l'impulsion aux cris, l'émotion de braves gens qui pleuraient de joie, n'abusèrent pas tout le monde sur la part que prenait la masse des citoyens à ces ovations et à cette allégresse. Cela n'était point assez général, rapporte un officier anglais, témoin non suspect, pour nous rassurer sur les dispositions des Français. Le jour de l'entrée triomphale de Monsieur, un Prussien dit à ce même officier : Je ne crois pas que les Bourbons puissent rester six mois en France après le départ des Alliés. Le lendemain de l'entrée solennelle du roi, on vendait clandestinement deux caricatures. L'une représentant un troupeau d'oies grasses montant gravement les marches des Tuileries, taudis que s'envolait un aigle ; dans l'autre, on voyait près d'un village incendié le vieux roi Louis XVIII en croupe derrière un cosaque, dont le cheval galopait sur des cadavres de soldats français[50].

Dans les provinces, les municipalités multipliaient les adresses, les royalistes illuminaient leurs maisons, mais le peuple plus las qu'enthousiaste montrait moins d'entraînement que de surprise[51]. Il y avait bien des défiances à l'égard du nouveau roi et de l'ancien régime. Comme ces soldats qui conservaient dans le havresac la cocarde tricolore, combien d'ouvriers et de paysans conservaient au fond du cœur le souvenir de Napoléon ! Le 10 avril, un royaliste disait à l'abbé de Montesquiou que de Moulins à Paris, il n'avait vu quelques cocardes blanches qu'à Nevers[52]. En avril et en mai, les préfets de la Manche, du Loiret, du Jura, de l'Isère, de la Corrèze, de la Vendée, des Charentes, de l'Ain, de Saône-et-Loire, signalent l'esprit d'opposition. On arrache les cocardes, on enlève les drapeaux blancs, on lacère les affiches officielles, on placarde des manifestes séditieux[53]. Le 1er mai, le préfet de Strasbourg écrit à Dupont : L'opinion bonapartiste résiste. Le 6, c'est le général Boudin qui lui écrit : Les campagnes et une grande partie des villes de l'Yonne sont en opposition avec les amis du roi[54]. Aux portes du théâtre de Bordeaux, des ouvriers crient : À bas les traîtres ![55] À Chaumont, le 12 juin, il y eut un commencement d'émeute. Un individu dit hautement : Moi, j'aime l'empereur. On a dû ne pas sévir contre le coupable, écrivit le préfet, car si on avait voulu l'arrêter, mille personnes auraient pris son parti[56].

A Nemours, à Montargis, à Nevers, dans toutes les villes et dans tous les villages jusqu'à Moulins, Napoléon en route pour l'île d'Elbe fut acclamé, les commissaires des Alliés furent insultés. On jurait après nous, dit le commissaire prussien Waldburg-Truchsess, on nous adressait mille invectives, tandis qu'au contraire on ne se lassait pas de crier : Vive l'empereur. À Lyon, la population était restée dévouée à Napoléon ; une grande masse de peuple l'attendit toute la journée du 23 avril. Il n'arriva qu'à onze heures du soir. Quelques groupes de fidèles, que cette longue attente n'avait pas découragés, le saluèrent d'un dernier cri[57]. Dans le Comtat et en Provence, l'accueil fut tout différent, mais les insultes et les violences du peuple d'Orgon n'effacent pas l'ovation de la canaille de Nevers. Elles témoignent seulement des ardentes passions qui commençaient à diviser la France.

Dans l'Ouest, il y avait aussi des royalistes exaltés ; mais les ouvriers des villes étaient hostiles aux Bourbons, et dans nombre de villages, nommément à An-douillet (près Laval), où les habitants, le 20 avril, forcèrent des gendarmes à jeter leurs nouvelles cocardes, les Bleus l'emportaient sur les Blancs[58]. On craint la guerre civile, écrit Dupont le 8 mai[59]. En juin, l'irritation des paysans du Jura était telle que les royalistes n'avaient pas encore porté publiquement la cocarde blanche[60]. Le 4 juillet, à Lons-le-Saulnier, le 3 août à Bourg, le 8 à Caen, le 30 à Langon, le 25 octobre à Bar-sur-Ornain, le populaire parcouru les places et les rues en criant : Vive l'empereur ![61] Tandis que le 15 août on célébrait, comme à l'ordinaire, la Saint-Napoléon dans plusieurs villages des Vosges, par des jeux, des danses, des feux de joie, et à Châlon-sur-Saône des maisons étaient illuminées, on promenait à Auxerre, le jour de la Saint-Louis, un mannequin représentant Louis XVIII, doublé d'une jupe de femme, et, à Tournus, on brisait l'écusson fleurdelysé du balcon de l'hôtel de ville[62]. Le 17 novembre, à Passavant (Haute-Saône), des ouvriers enlevèrent le drapeau du clocher et le mirent en lambeaux. Le 24 novembre, à Moissac, ce placard fut affiché : Vive l'empereur ! Il a été et il sera[63].

En parlant des cinq représentations d'Esther à Saint-Cyr, Saint-Simon a écrit : Toute la France y passa. C'était par une hyperbole analogue que l'abbé Pradt avait dit au czar : Toute la France veut les Bourbons. La France entière désirait ardemment la paix, mais sauf mille ou cent mille personnes — il n'importe — les Français ne pensaient pas aux Bourbons, aussi étrangers au pays, disait Wellington, que s'ils n'y eussent jamais régné et aussi inconnus de la génération nouvelle, disait Chateaubriand, que les enfants de l'empereur de la Chine. Ruinée et saignée par tant de guerres, la France accepta sans l'avoir appelé un gouvernement qui lui apportait la paix et lui promettait l'abolition d'impôts détestés L'ancienne dynastie ne pouvait cependant redevenir subitement populaire. Les circonstances de son retour étaient trop odieuses à la fierté française. Sans doute, l'auteur de l'invasion était Napoléon et non Louis XVIII. Mais dans sa dernière campagne, Napoléon avait mené une guerre nationale, et, vaincu après la plus admirable des résistances, il partait pour l'exil. Les Bourbons avaient souhaité le succès de l'ennemi ; ils étaient entrés à sa suite sur le territoire français ; maintenant, ils profitaient de ses victoires. On identifiait l'avènement des Bourbons avec le triomphe de la coalition, et les manifestes d'Hartwell, de Vesoul et de Bordeaux n'avaient point été écrits, il faut l'avouer, pour empêcher cette confusion.

Les Alliés ne se trompèrent pas sur les vrais sentiments de la France. Quand Alexandre combattait le 31 mars les raisons de Talleyrand, c'est qu'il reconnaissait que l'agitation royaliste était toute superficielle. Quand Metternich disait, le 10 avril, qu'avant deux ans la guerre reprendrait, c'est qu'il savait que l'opinion publique était loin d'être encore fixée. Mais les Alliés se laissèrent facilement abuser, trop heureux de paraître écouter les vœux des Français en prêtant la main à une restauration qu'imposait l'intérêt de l'Europe. Alexandre avait écrit qu'après la victoire, on traiterait avec Napoléon, si la nation ne se déclarait pas contre lui, ou que l'on convoquerait une grande assemblée, qui serait appelée à désigner librement le gouvernement de la France. Après la victoire, Alexandre se borna à consulter Talleyrand, Pradt et Louis, et suffisamment renseigné à son gré, il proclama que les souverains ne traiteraient plus avec Napoléon ni avec sa famille, et reconnaîtraient l'intégrité de l'ancienne France telle qu'elle était sous ses rois légitimes. C'était d'avance frapper de nullité tout vote, toute manifestation qui serait contraire à ces rois légitimes. Dans la nuit du 4 avril, le czar ébranlé par les paroles de Macdonald et emporté par le sentiment du droit des nations, fut peut-être au moment de consentir la régence. La nouvelle de la défection du 6e corps vint à point l'arrêter dans ce mouvement généreux qui eût terriblement déçu ses alliés. Napoléon II avait trois ans, Napoléon Ier n'en avait que quarante-cinq. La régence n'aurait été qu'un interrègne. Or, comme les maréchaux de l'empire, l'Europe était lasse de combattre ; comme la France, elle voulait du repos. Les Bourbons étaient une nécessité pour la Coalition. Si la restauration de l'ancienne monarchie n'avait pas été le but de la guerre, la restauration n'en devait pas moins être la conséquence de la victoire, puisque Napoléon vaincu mais non proscrit, cette victoire n'eût rien terminé. Il fallait l'Europe la longue paix qu'elle était assurée d'avoir avec la royauté. L'empire ne lui aurait donné qu'une trêve menaçante, grosse de périls et de revanches.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Lettre du duc de Cadore à Marie-Louise, Joigny, 7 avril. Arch. nat., AF., IV, 1670. Fain, 236. Cf. Méneval, II, 66. — Le duc de Cadore avait été désigné pour cette mission par Napoléon à Marie-Louise comme ancien ambassadeur à Vienne où il avait été fort bien traité par l'empereur François. Il partit le 6 avril. Le 7, Marie-Louise envoya encore le comte Regnault de Saint-Jean-d'Angély et le 8 Saint-Aulaire et Bausset.

Ces démarches auprès de l'empereur d'Autriche, conseillées par Napoléon aussitôt après le départ des plénipotentiaires, répondent nettement, il nous semble, à l'assertion de Thiers (711-715) que Napoléon n avait conçu cette prétendue abdication que pour se débarrasser de Ney et de Macdonald et pour tombez sur les Alliés pendant qu'ils seraient occupés des négociations. Si Napoléon avait pensé ainsi, il n'eût point écrit à l'impératrice. Là il ne s'agissait pas d'amuser François Ier qui était fort tranquille à Dijon ; il s'agissait de l'amener à peser sur l'opinion de ses alliés.

[2] Correspondance de Napoléon, 21 553. Registre de Berthier (ordres à Marmont, Mortier, Oudinot, Moncey, Belliard, Gérard, Sébastiani, etc., etc., Fontainebleau, 4 avril). Arch. de la guerre.

[3] Rien n'a transpiré jusqu'ici de cette réunion de généraux chez l'empereur dans la soirée du 4 avril. Aucun auteur de Mémoires, pas même Fain ni Gourgaud, aucun historien n'en s parlé. Tout ce que l'on sait, et par la Correspondance et par le Registre de Berthier, c'est qu'il y eut convocation. Un document que nous ne prétendons pas avoir découvert (il est cité par Rapetti. 370), mais dont nous révélons du moins l'importance (Rapetti ne voit dans cette lettre à laquelle il n'attache pas d'intérêt qu'une intempérance de zèle privé) permet de connaitre le bat et le résultat de cette réunion. C'est cette lettre de Gérard, commandant le 2e corps d'armée. à l'un de ses divisionnaires, le général Duhesme :

Fontainebleau, 5 avril. — Des malveillants ont profité de la présence de l'ennemi à Paris pour manifester le désir de voir retenir sur le trône la dynastie des Bourbons... L'empereur voulant connaitre le vœu de l'armée à cet égard, je vous prie de réunir les officiera de tout grade de votre division et de leur demander leur sentiment. Si, comme je le pense, ils ne veulent pas sacrifier vingt années de gloire et de travaux, il sera fait une adresse dans le corps d'armée qui sera signée de tous et qui exprimera énergiquement qu'ils n'admettront jamais un Bourbon... Je vous prie de me faire connaître le résultat de cette convocation qui devra avoir lieu au point du jour.

Ainsi la lettre de Gérard à Duhesme s'accorde avec la lettre de la Correspondance (21 553), et l'explique. Gérard est mandé le 4 avril à 10 heures du soir au palais avec les autres commandants de corps d'armée. L'empereur exprime aux généraux son désir de connaître le vœu de l'armée. Aussitôt après l'entretien, entre minuit et une heure (c'est pourquoi Gérard date sa lettre du 5 avril), le commandant du 2e corps écrit à ses divisionnaires, et il ordonne que la convocation ait lieu au point du jour (c'est-à-dire le 5). Cette lettre n'est donc point, comme le croit Rapetti, une manifestation individuelle. C'est au contraire la conséquence d'une décision prise en commun d'après le désir de l'empereur, décision qui dément absolument l'hypothèse de plusieurs historiens d'une attaque pour le lendemain 5 avril.

Cette adresse fut-elle signée ? C'est plus que douteux. D'une part tous les généraux ne furent sans doute pas aussi empressés que Gérard à communiquer le désir de l'empereur à leurs sous-ordres. D'autre part, la défection de Marmont, connue dès le lendemain matin, paralysa les dernières bonnes volontés.

[4] Lucotte à Napoléon, Corbeil, 4 avril. Arch. nat., AF., IV, 1670. Relation de Gourgaud, dans Bourrienne et ses erreurs, II, 334.

[5] Gourgaud, 325 ; Fain, 237 ; Récit de Combes (cité par Rapetti, 349), Récit de Magnien dans les Mémoires de Belliard, I, 182-186.

[6] Mémoires de Belliard, I, 186. Registre de Berthier (à Mortier, 5 avril, 3 heures du matin). Arch. de la guerre.

[7] Krazinski à Napoléon, Chevennes, 5 avril. Arch. nat., AF., IV, 1670. Le brave général arriva en effet à Fontainebleau vers midi.

[8] Fain, 236. Correspondance de Napoléon, 21 557. — En comparant cette proclamation avec l'allocution du 3 avril, il est facile de voir que bien des événements se sont accomplis et que bien des espérances sont tombées. Koch (II, 601-602) assure que cet ordre du jour ne fut lu aux troupes que le 6 avril, c'est-à-dire après l'abdication définitive. La chose parait vraisemblable.

[9] Agenda du général Pelet. Arch. de la guerre.

[10] Correspondance de Napoléon, 21 556. Registre de Berthier (ordres à Drouot, Gérard, Lefol, Oudinot, Molitor, Mortier, Pire, etc., Fontainebleau, 5 avril, 11 heures du soir).

Il y a généralement concordance horaire, à une demi-heure près, entre les ordres de la Correspondance et les mêmes ordres transcrits dans le registre de Berthier. Jamais il n'y a plus de deux heures de différence. Ainsi l'ordre de l'empereur dut être donné au plus tôt à 9 heures du soir. Il fut écrit, en tous cas, avant l'arrivée des maréchaux.

On lit avec étonnement dans une note de la Correspondance : Ce mouvement ne fut pas exécuté par suite de la défection du 6e corps. Or ce fut au contraire par suite de la défection du 6e corps que ce mouvement tut ordonné, et ce fut par suite de l'abdication qu'il ne fut pas exécuté.

[11] L'offre de l'île d'Elbe avait été faite par le czar dans la seconde conférence, le 5 avril vers midi. D'après la lettre de Ney (Moniteur du 7 avril), il serait revenu seul auprès de l'empereur le soir du 5 avril. — D'après le récit de Macdonald, ce serait lui qui serait revenu seul, et d'après les Mémoires du duc de Vicence (confirmés sur ce point par Fain, 243), ce serait au contraire Caulaincourt qui aurait rapporté la réponse du czar. Nous pensons que partis ensemble, les plénipotentiaires revinrent ensemble, ainsi que l'établit le récit, très succinct d'ailleurs, du Journal des Débats, du 9 avril.

[12] Fain, 212-241. Cf. Rovigo. VII, 156 ; Bourrienne, X, 159, et Journal des Débats, du 9 avril.

[13] Cet armistice fut mis à l'ordre de l'armée le 8 avril à 10 heures du matin. Agenda de Pelet. Arch. de la guerre.

[14] Ney à Talleyrand, Fontainebleau, 5 avril, 11 heures et demie du soir (Moniteur du 7 avril) : L'empereur convaincu de la position critique où il a mis la France et de l'impossibilité où il se trouve de la sauver lui-même a paru se résigner et consentir à l'abdication entière et sans aucune restriction. C'est demain matin que j'espère qu'il m'en remettra lui-même l'acte formel et authentique. Cf. le récit du Journal des Débats du 9 avril.

[15] D'après l'agenda de Pelet (Arch. de la guerre), l'ordre parvint à la 1re division de la vieille garde (général Friant). Il est présumable qu'il par-tint aussi a d'autres divisions et corps d'armée. Dans le registre de Berthier, où il n'y a pas de transcription de contre-ordre au mouvement, les ordres susdits sont biffés à l'encre rouge, comme révoqués. Mais le major général a pu, pour couvrir la non-exécution de ces ordres, les marquer comme révoqués quoiqu'ils ne l'aient pas été.

[16] Ordre du jour de Lucotte, Corbeil, 5 avril (Moniteur du 7 avril). Cf. sur l'état des esprits : Agenda de Pelet, Arch. de la guerre. Koch, II, 594-595 ; Fain, 244, 247 et passim. Curély, 405-407.

[17] Agenda du général Pelet, commandant la brigade de chasseurs à pied de la vieille garde. Arch. de la guerre. — Ce fait, inconnu jusqu'ici et rapporté par le général Pelet, ne saurait être mis en doute. N'est-il pas d'ailleurs en quelque sorte confirmé par ces paroles de Fain (244) : On s'unit pour rejeter toute détermination qui aurait pour résultat de prolonger la guerre.

[18] Fain, 242-Z0. Cf. Récit du Journal des Débats, 9 avril. Rovigo, VII, 156 ; Bourrienne, 159. — Dans le texte original de fabrication, il y a deux ratures. L'empereur avait voulu écrire d'abord : ... qu'il ne soit prêt à faire au bien de la nation.

[19] Agenda du général Pelet. Arch. de la guerre. Fain, 245, 259, 261-262.

[20] Moniteur du 7 au 14 avril.

[21] Lettre circulaire de Dupont, 8 avril. Arch. de la guerre.

[22] Registre de Belliard, 10 avril. Arch. de la guerre. — Belliard, d'ailleurs resta à Fontainebleau, le dernier des grands divisionnaires de l'empire. Il était présent aux adieux de Napoléon à sa garde.

[23] Agenda de Pelet. Arch. de la guerre.

[24] Rapports de police, 11, 13, 14 et 17 avril. Arch. nat., F. 7, 3 773.

[25] Rapport de police, 23 avril. Arch. nat., F. 7, 3773. Général Delaroche à Dupont, Lyon, 16 avril. Arch. de la guerre.

[26] Général Marchand à Dupont, Grenoble, 17 avril. Cf. Itinéraire de Doulevent à l'île d'Elbe, par Fabry (écrit royaliste), 28-29.

[27] Rapports de police du 17 au 27 avril. Arch. nat., F. 7, 3773.

[28] Ordre du jour de Dessolles. Moniteur du 20 mai. Journal d'un prisonnier anglais (Revue britannique, VI, 85, 86, 89).

[29] Jourdan à Dupont, 22 avril ; à Marmont, 25 avril. Arch. de la guerre.

[30] Carnot à Dupont, Anvers, 16 avril. Ordre du jour de Carnot, 16 avril. Ordre du jour de Morand, 15 avril. Rapports de police, 23 et 27 avril. Arch. nat., F. 7, 3 773.

[31] Maison à Dupont, 14 et 16 avril. Ordre du jour de Maison, 15 avril. Arch. de la guerre.

[32] Général commandant Douai à Dupont, 15 avril, et Maison à Dupont. 16 avril. Arch. de la guerre. Lettre de Montesquiou à Blacas (Journal de l'Empire du 16 avril 1815). Rapport de police, 23 avril. Arch. nat., F. 7, 3773.

[33] Correspondance générale du 9 au 27 avril Arch. de la guerre. Rapports de police, Arch. nat., F. 7, 3773, passim. Cf. Lettre de Montesquiou (Journal de l'Empire du 16 avril 1815) : La mutinerie de la troupe croit sensiblement. Les soldats tiennent des propos effroyables. La plus grande partie de l'armée est en insurrection, l'autre est incertaine, ce qui veut dire qu'on est sans troupes.

[34] Mémoires d'outre-tombe, VI, 310-311.

[35] Correspondance générale, d'avril à novembre. Arch. de la guerre.

[36] Beugnot à Dupont, La Rochejaquelein à Dupont, Dupont à Montesquiou, 11, 16, 18, 19 mai. Arch. de la guerre.

[37] Général Chassevant à Dupont, 18, juin. Arch. de la guerre.

[38] Général Renaud à Dupont, 26 juin. Arch. de la guerre. Préfets à Montesquiou, aux dates. Arch. nat., F. 7,3738.

[39] Rapports et lettres des préfets, 16 juillet, 12 et 24 octobre. Arch. nat., F. 8, 3738, 3739. Général de Verrières à Dupont, 6 octobre. Arch. de la guerre.

[40] Rapports et lettres des préfets, 18 au 23 août. Arch. nat., F. 7, 3738. Jourdan à Dupont, 16 août. Rapport à Dupont, 23 août. Arch. de la guerre.

[41] Rapport de police, 29 novembre. Arch. nat. F. 7, 3739. Colonel du 1er de ligne à Maison, 7 décembre. Arch. de la guerre.

[42] La rente 5 p. 100, qui avait atteint 87 francs aux beaux jours de l'Empire et qui oscillait entre 57 et 43 francs pendant la campagne de France, monta à 57 francs le 4 avril, à 67 francs le 15 juin.

[43] Rapport général de police, l4 avril. Arch. nat., F. 7. Journal d'un prisonnier anglais, 84, 90.

[44] Bulletin de police, 27 juillet. Arch. nat., F. 7, 3738.

[45] Rapports de police, 19 juillet, 10 août, 30 août, et passim. Arch. nat., F. 7, 3738.

[46] Rapports de police et lettres de préfets, de juin à octobre. Arch. nat. F. 7, 3738 et F. 7, 3773.

[47] Bulletin de police, 15 août et 16 août. Arch. nat., F. 7, 3738.

[48] Rapports de police, 12 et 24 juillet. Arch. nat., F. 7, 3773. Mémoires de Marmont, VI, 201. Journal d'un prisonnier anglais, 90.

[49] Rapports de police, 12 août et passim. Arch. nat. F. 7, 3773. Journal d'un prisonnier anglais, 91.

[50] Journal d'un prisonnier anglais, 81, 82, 89. Cf. Rodriguez, 201-203.

[51] Moniteur, de 15 avril au 30 mai. Rapport de police générale, aux mêmes dates. Arch. nat., F. 7, 3773.

[52] Lettres de Montesquiou. Journal de l'empire, 15 avril (1815).

[53] Lettres des préfets, avril-mai. Arch. nat. F. 7 ; 3738 et F. 7, 3773. Correspondance générale, avril-mai. Arch. de la guerre.

[54] Correspondance générale, aux dates. Arch. de la guerre.

[55] Rapports de police, 21 avril et 6 juillet. Arch. nat. F. 7, 3773 et 3738.

[56] Préfet de la Haute-Marne à Dupont, 13 juin. Arch. de la guerre.

[57] Waldburg-Truchsess, Itinéraire de Napoléon à l'île d'Elbe, 15, 18, 20 Cf. Fabry, Itinéraire de Buonaparte, 22-23, 26-27. Voyage de Napoléon à l'île d'Elbe. (Revue britannique, VII, 53-54.)

[58] Rapports de police, 27 avril. Arch. nat. F. 7, 3773.

[59] Dupont à Ruty, 8 mai. Arch. de la guerre.

[60] Lettre du préfet du Jura, 3 juin. Arch. nat., F. 7, 3773.

[61] Général Meunier à Dupont, 8 août. Arch. de la guerre. Lettres des préfets aux dates. Arch. nat., F., 7, 3773.

[62] Lettres des préfets et rapports de police, 16, 17, 21, 26, 30 août. Arch. nat., F. 7, 3738 et 3773.

[63] Lettres des préfets, 17 et 25 novembre. Arch. nat., F. 7, 3773.