1814

LIVRE SEPTIÈME

III. — LA BATAILLE DE PARIS.

 

 

Le 30 mars, à quatre heures du matin, Paris fut réveillé par les roulements du tambour ; sur tous les points, on battait la générale. En peu d'instants, une partie de la population se trouva sur pied, dans la rue, en quête de nouvelles. On annonçait l'attaque de l'ennemi. Le jour qui allait se lever verrait-il la destruction de Paris ? Des groupes nombreux d'ouvriers, auxquels se mêlaient des miliciens qui n'avaient pu encore obtenir des fusils, se portèrent devant l'hôtel du général Hullin, aux cris : Des armes ! des armes ! Pendant que la foule grossissait place Vendôme, les gardes nationaux, des pains et de grosses brioches fichés au bout des baïonnettes, se rendaient dans les lieux de rassemblement qui leur avaient été assignés pour les alertes. Ils allaient ensuite ; par fractions constituées, doubler les postes des différentes barrières. La garde du mur d'octroi était le seul service que l'on eût cru devoir ou pouvoir exiger des miliciens. Ceux qui sortirent hors des barrières pour seconder l'armée étaient des volontaires. Il y en eut plusieurs milliers, et parmi eux un certain nombre de jeunes élégants qui, le matin, avaient tenu conseil chez Tortoni pour décider s'il ne serait pas ridicule de se battre. On vit aussi des gens dû peuple s'avancer sans armes sur le champ de bataille, ramasser les fusils des morts et faire le coup de feu[1].

Toutes les troupes étaient en avant de Paris ; les unes déjà établies sur les positions, les autres en marche pour les venir occuper. À la gauche, la cavalerie du général Ornano et celle du général Vincent, déployées entre Saint-Ouen et la Chapelle, couvraient la butte Montmartre, où des chevaux de fiacre réquisitionnés hissaient des canons et qui avait seulement pour défenseurs un détachement de sapeurs pompiers et quelques compagnies de garde nationale. Au centre, les deux divisions Michel et Boyer de Rebeval, formées la veille avec les dépôts de la garde, tenaient le terrain depuis la Villette jusqu'aux pentes nord de Belleville, ayant de forts avant-postes devant Aubervilliers et devant Pantin, dont les batteries de position du Rouvroy et de la butte Chaumont commandaient le débouché. La division Compans et la division Ledru Desessarts étaient massées sur la butte Beauregard. À la droite, la cavalerie de Bordessoulle et de Merlin protégeait les abords de Charonne et des buttes du cimetière Mont-Louis et de Fontarabie, dont vingt-quatre pièces de canon garnissaient les crêtes. Le château de Vincennes avait une garnison peu nombreuse mais suffisante. Des détachements mixtes de gardes nationaux, de vétérans, d'élèves d'Alfort et de cadres de la ligne occupaient Saint-Maur et Charenton. Six compagnies de grenadiers de la garde nationale et les élèves de l'école polytechnique, avec vingt-huit canons, défendaient la barrière du Trône. Le corps de Marmont marchait rapidement de Saint-Mandé sur Romainville, afin de remplir au plus vite, en s'établissant sur la plateau, le vide qui existait dans la ligne de bataille, et le corps de Mortier levait ses cantonnements de Picpus pour venir prendre position, en seconde ligne, de Montmartre au canal de l'Ourcq[2]. — En comprenant dans ce total les gardes nationaux, les vétérans, les canonniers invalides, les élèves des écoles polytechnique et d'Alfort, Paris avait quarante-deux mille hommes[3] environ pour sa défense extérieure et intérieure. Les Alliés étaient cent dix mille[4].

Bien que le roi Joseph eût lui-même reconnu le terrain et qu'il eût cru devoir conserver, comme lieutenant de l'empereur, un commandement en chef qui sans doute l'embarrassait fort, il avait laissé toute initiative aux ducs de Raguse et de Trévise quant au choix des positions. Ses ordres, transmis par Clarke, indiquaient d'une façon générale le front à défendre, de la Marne à la Seine. Mais des principaux points à occuper, il n'était pas question. Le roi et le ministre s'en remettaient à l'expérience des deux maréchaux[5]. Marmont connaissant l'importance stratégique de Romainville y envoya pendant la nuit une reconnaissance, et sur le rapport de l'officier que les Russes ne s'y étaient pas établis, il mit incontinent ses troupes en marche dans la direction du plateau. On prit par Charonne et Bagnolet. Au petit jour, comme la tête de colonne arrivait à la hauteur du château de Romainville, une vive fusillade partit soudain des bois environnants. Barclay de Tolly, — le czar, dit-on, — avait eu la même idée que Marmont : devancer l'ennemi à Romainville. À cinq heures du matin, la 1re brigade de la division Helfreich s'était postée dans ce village, tandis que la 2e brigade s'établissait à Pantin[6].

Marinent n'abandonna pas son dessein d'occuper Romainville, qui était une des clés du plateau. Sans hésiter, il ordonna l'attaque, passant de la défensive qu'il avait cru d'abord devoir garder à une vigoureuse offensive. Au centre, la division Lagrange, déployée des deux côtés de la route et ayant pour réserve, dans le pare de Brière, la division Ricard, s'avança contre Romainville. À la droite, Arrighi établit ses troupes au Moulin de Malassise et jeta deux bataillons dans Montreuil. À la gauche. Compans et Ledru Desessarts gagnèrent par les crêtes nord du plateau le bois de Romainville, tandis que la division Boyer de Rebeval marchait sur Pantin[7]. Il était entre six heures et demie et sept heures du matin, quand le combat s'engagea à la fois sur le plateau et dans le vallon. Les Russes surpris, et encore en petit nombre, cédèrent partout le terrain, abandonnant les premières maisons de Pantin, le bois de Romainville et les abords du village. On se croit maître des positions. Mais les premiers renforts arrivent à l'ennemi. La division Menzenzow, qui débouche de Romainville, contient Lagrange. Le prince Eugène de Wurtemberg avec deux divisions pénètre dans Pantin, et en débusque les tirailleurs de Boyer de Rebeval qui se replient les uns vers Pré-Saint-Gervais, où s'est massé le gros de la division, les autres vers Maisonnettes qu'occupe une des brigades du général Michel. Les succès des Russes s'arrêtent là. Sur les hauteurs, les fantassins de Compans et de Ledru, fortement établis dans le bois, menacent la gauche de Romainville, que les soldats de Marmont s'apprêtent de nouveau à attaquer de front. Dans le vallon, le prince Eugène n'ose avancer ses colonnes hors de Pantin, sous le feu croisé des batteries du Rouvroy, de Pré-Saint-Gervais et de la butte Beauregard. Dans la pensée que toute tentative de ce côté restera inutile tant que le premier mamelon n'appartiendra pas aux Russes, il laisse pour tenir Pantin la seule brigade Helfreich et la division de cuirassiers de Kretow et porte ses deux divisions à l'appui des défenseurs de Romainville. L'une entre dans le village par le chemin de Noisy-le-Sec ; l'autre, ayant le prince à sa tête, escalade le versant nord du plateau afin de prendre de flanc les Français qui occupent le bois. Ceux-ci résistent vigoureusement et par trois fois rejettent les assaillants sur les pentes et jusque sous les murs du parc de Romainville[8].

Pendant cette première phase du combat, le maréchal Mortier, qui avait dû laisser défiler les colonnes de Marmont pour se mettre lui-même en marche, prenait ses positions. D'après les ordres du roi Joseph, le duc de Trévise devait occuper le secteur compris entre la Villette et Montmartre, mais jugeant à l'intensité du feu que l'ennemi portait tout son effort sur Romainville, il résolut de soutenir la gauche de Marmont. La division Curial vint renforcer aux Maisonnettes la brigade Secrétant, et la division Charpentier se massa en réserve au pied de la butte Chaumont. Ainsi, il ne restait à Mortier pour défendre le nord de Paris que la seule division Christiani, qui s'établit à la Villette et à la Chapelle, appuyant la brigade Robert postée à Aubervilliers, et la cavalerie de Belliard qui se déploya dans la plaine de Saint-Denis, prolongeant la droite des escadrons d'Ornano[9].

Il était déjà dix heures[10], et loin que la situation fut désespérée ou même compromise, le succès, selon l'expression d'un combattant, paraissait incertain[11]. Marmont et Compans se maintenaient avec un avantage marqué aux abords de Romainville. Dans la vallée de l'Ourcq, les jeunes soldats de Boyer, soutenus par la brigade Secrétant, occupaient-de nouveau Pantin. En vain quatre régiments de cuirassiers russes avaient débouché du village, croyant faire miracle. Embarrassés par les fossés et les clôtures et mitraillés par les batteries du Rouvroy, les côtes-de-fer de Kretow n'avaient pu fournir la charge et étaient rentrés au galop dans Pantin, les Maries-Louises à leurs trousses[12]. Au nord de Paris, l'affaire ne se dessinait pas mieux pour les Coalisés. Soucieux et impatient d'en finir avec la capitale, dernier boulevard de la France et de l'Empire, l'état-major allié avait donné des ordres pour une attaque générale, sans s'inquiéter de savoir si la concentration des différents corps s'était opérée. En outre, des retards vraiment extraordinaires s'étaient produits dans la transmission des ordres. L'ordre de marcher sur Montmartre à cinq heures du matin, expédié la veille de Bondy dès onze heures du soir, ne parvint au maréchal Blücher que passé sept heures[13]. Affaibli par la fièvre, Blücher avait perdu toute initiative. D'ailleurs, sauf le corps de Langeron qui occupait le Bourget, ses troupes se trouvaient encore assez loin de Paris : York et Kleist cantonnaient à Aulnay-lès-Bondy, Woronzoff à Villepinte. Langeron entendant le canon à sa gauche prit sur lui de s'avancer vers Pantin sans attendre des instructions. Durant cette marche, il fut rejoint par un aide de camp de Blücher qui lui communiqua l'ordre de se porter sur Aubervilliers (le feld-maréchal avait enfin reçu la dépêche du czar). Langeron fit aussitôt faire demi-tour à la colonne ; mais grâce à tous ces retards, son avant-garde n'arriva que vers dix heures devant Aubervilliers, où elle fut accueillie par un feu meurtrier[14]. Pour la colonne de gauche, elle était encore, à cette heure-là, entre Chelles et Neuilly-sur-Marne[15]. Jamais grande attaque ne fut ordonnée avec tant de précipitation, exécutée avec si peu d'ensemble.

Le roi Joseph, Clarke, Hullin et leurs états-majors étaient depuis six heures du matin au Pavillon rouge, sur la butte des Cinq-Moulins à Montmartre. Ils entendaient à leur droite le canon et les feux de pelotons et voyaient s'élever des nuages de fumée au-dessus du canal de l'Ourcq. Devant eux, tout était tranquille. Ma chère amie, écrivait à huit heures Joseph à la reine, on se tiraille depuis le matin ; il n'y a encore rien de sérieux, mais nous sommes au commencement de la journée. D'ailleurs, quoiqu'il n'y eût encore rien de sérieux, le commandant en chef des armées de Paris conseillait vivement à sa femme de partir sans délai pour rejoindre l'impératrice[16]. Peu après l'envoi de ce billet. Joseph commença à distinguer une colonne russe débouchant du Bourget. De dix à onze heures, en vit cette colonne, qui était celle de Langeron, aborder Aubervilliers, et d'autres masses ennemies s'avancer de Blancmesnil et d'Aulnay-lès-Bondy. C'est alors qu'arriva à Montmartre le sieur Peyre, architecte, ingénieur de la Ville, capitaine de sapeurs-pompiers et futur chevalier de Saint-Vladimir. — Un brave homme, au demeurant, mais bien malheureusement mêlé à ces grands événements.

Dans la soirée de la veille, Peyre avait rencontré à la barrière de Pantin le général Hullin en tournée d'inspection. Celui-ci venait d'apprendre, avec un mécontentement qu'il ne dissimulait pas, que le commandant de la grand'garde avait par deux fois refusé de recevoir un parlementaire russe. Il chargea Peyre d'interroger cet officier sur les motifs de son refus et, s'il était possible, de rejoindre le parlementaire et de le ramener aux avant-postes. Hullin, il semble, aurait pu choisir pour cette mission, déjà singulière en elle-même, — on n'a pas coutume de courir la nuit après un parlementaire, — un officier de son état-major ou du moins un officier de l'armée. Peyre partit avec un seul gendarme, et n'ayant pu obtenir de renseignements à la grand'garde qu'on venait précisément de relever — il paraît qu'en 1814 les grand'gardes étaient relevées au milieu de la nuit ! — l'aventureux architecte n'hésita pas à sortir des lignes françaises et à se diriger vers les avant-postes de l'ennemi[17]. Il advint ce qui était présumable. Peyre tomba au milieu d'une patrouille de Cosaques dont le chef le voyant sans trompette et sans ordre écrit refusa de le reconnaître comme parlementaire et le fit purement et simplement prisonnier. On le conduisit d'abord à Noisy, puis sur ses protestations, il fut mené vers six heures du matin à Bondy, où Danilewsky, après avoir causé quelques instants avec lui, l'informa qu'il allait prendre les ordres du czar. Alexandre qui ne désirait rien tant qu'entrer en communication avec Paris reçut lui-même le capitaine Peyre dans la grande galerie du château. Aux questions du souverain, Peyre répondit que l'impératrice avait en effet quitté Paris et quo l'on y était disposé à se défendre. Interrogé sur les forces de la garnison, il garda le silence. Le czar, alors, le chargea de dire au commandant en chef que c'étaient non point trente mille hommes mais les deux grandes armées alliées qui étaient en ligne. — Nous serons toujours prêts à traiter, ajouta-t-il, même si l'on se bat dans les faubourgs ; mais si l'on nous oblige à forcer l'enceinte, nous ne serons plus maîtres d'arrêter nos troupes et d'empêcher le pillage. En manière de conclusion, le czar remit à l'envoyé de Hullin une vingtaine de copies de la proclamation royaliste de Schwarzenberg. Peyre ne voulant les accepter que sous pli cacheté, on en fit un paquet[18].

Alexandre appela le comte Orlow et lui donna l'ordre d'accompagner l'officier français et de pénétrer avec lui comme parlementaire jusqu'au roi Joseph pour hâter la reddition de Paris. — Partez, monsieur, dit-il à Peyre, le sort de votre ville est dans vos mains. Puis se tournant vers Orlow et prenant soudain un air inspiré, il prononça avec solennité ces émouvantes paroles : — Allez, je vous autorise à faire cesser le feu quand vous le jugerez convenable et sans aucune responsabilité. Vous pourrez arrêter les attaques les plus décisives, même la victoire, pour sauver Paris. Quand Dieu m'a donné la puissance et a fait le succès de mes armes, il a voulu que j'assure la paix du monde. Si nous pouvons arriver à ce but sans répandre plus de sang, nous nous en féliciterons ; autrement,  nous poursuivrons la lutte jusqu'au bout... Dans les palais ou sur les ruines, l'Europe couchera ce soir à Paris[19].

Peyre, suivi de son gendarme d'ordonnance, et Orlow, avec un autre officier et deux trompettes, arrivèrent à Pantin entre neuf et dix heures du matin, en plein combat. À la vue des parlementaires, le feu cessa un instant ; mais comme les cavaliers se trouvaient encore entre les deux lignes, il reprit du côté des Français. Peyre et son gendarme piquèrent vers Paris, tandis que les Russes, un moment hésitants et tout aussitôt chargés par un peloton de chasseurs à cheval, regagnèrent Pantin au triple galop[20]. Peyre se rendit d'abord place Vendôme, et ne trouvant pas Hullin à l'état-major, il le rejoignit sur la butte Montmartre. Conduit par le général en présence du roi Joseph, qui il remit les proclamations de Schwarzenberg, il rapporta ce qu'il avait vu et entendu, dénombrant les forces des Alliés et répétant les paroles à la fois si conciliantes et si terriblement menaçantes de l'empereur de Russie. Comme pour confirmer le dire de Peyre, la plaine, au loin, devenait noire de Prussiens[21].

Alors Joseph sentit passer en lui le frisson de la peur. Il ne craignait sans doute ni les balles ni la mort du soldat qu'il avait plusieurs fois résolument affrontées ; mais son âme débile défaillait devant le mâle et terrible devoir de la responsabilité. Il n'eut point cette héroïque vision : Paris résistant quand même ; les soldats se repliant des hauteurs sur les faubourgs des faubourgs derrière les barrières, des barrières dansc.les rues ; les gardes nationaux les plus rebelles entrainés à combattre par l'exemple et la nécessité le peuple exaspéré, faisant arme de tout, élevant des barricades, transformant chaque maison en forteresse opposant la masse au nombre et la flamme à la flamme puis la nuit suspendant la lutte, et Napoléon arrivant avec la vieille garde, exaltant les courages, imposant à l'ennemi, le chassant peut-être, au moins traitant de la paix sur les ruines encore menaçante : de la grande cité. Il vit les barrières forcées après une vaine résistance, faite seulement pour irriter l'ennemi ; il vit les troupes en déroute, la milice jetant ses armes, la population terrorisée et éperdue, fuyant en troupeaux, les Alliés ivres de fureur se ruant au pillage, au massacre et à l'incendie ; et lui, Joseph, maudit dans l'histoire pour avoir, par intérêt dynastique, voué d'un cœur léger Paris à la destruction !

Le roi assembla aussitôt le conseil de défense, moins sans doute pour y chercher des avis énergiques que des encouragements à la reddition. Il y avait là Clarke, Hullin, les ministres de la marine et de l'administration de la guerre, le premier inspecteur du génie, Maurice Mathieu, Allent, d'autres encore. Depuis un mois, tous ou presque tous désespéraient, et l'extrême péril ne ranima pas leur courage. D'un avis unanime, dit-on, le Conseil reconnut la nécessité de la capitulation[22]. Joseph chargea deux de ses aides de camp — l'un était le général Strolz — de porter ce billet, écrit en double original, aux maréchaux Marmont et Mortier[23] : Si M. le duc de Raguse et M. le duc de Trévise ne peuvent plus tenir leurs positions, ils sont autorisés à entrer en pourparlers avec le prince de Schwarzenberg et l'empereur de Russie qui sont devant eux. Ils se retireront sur la Loire[24]. Quelques instants plus tard, le lieutenant général de l'empereur, abandonnant Montmartre, prenait le premier le chemin de la Loire[25].

Tant de raisons qu'eût Joseph pour se persuader que la résistance était impossible, il se résigna cependant bien vite à ne la point prolonger. Avant d'envoyer à Marmont cet ordre démoralisant, au moins devait-il attendre que l'investissement du nord de Paris, qui commençait à peine, fût achevé, et que le plateau de Romainville, où les défenseurs se maintenaient encore avec avantage, fût au pouvoir de l'ennemi[26]. Surtout quand la bataille est la fin du duel, la suprême et dernière rencontre où se décident irrévocablement les destins de la patrie, ce n'est pas au deuxième moment de l'action, pour employer le mot technique, et quand pas un pouce de terrain n'a encore été cédé, que l'on donne l'ordre de parlementer au cas où les positions ne seraient plus tenables. Puisque la veille on s'était résolu à défendre Paris, il fallait que la défense ne se réduisît pas à un glorieux et meurtrier simulacre ; il fallait qu'elle fût sérieuse et pût devenir efficace. Il suffisait pour cela de résister vingt-quatre heures[27], c'est-à-dire sept heures, car il était midi, et, vraisemblablement, la nuit interromprait la lutte. Joseph eut peut-être raison de croire que l'on ne pourrait pas tenir ces sept heures en dehors de l'enceinte, mais il eut tort de se laisser intimider par les menaces du czar que Peyre lui rapporta : Si l'on nous oblige à forcer l'enceinte, avait dit Alexandre, nous ne serons plus maîtres d'arrêter les troupes. Soit calcul, soit emportement, les paroles du czar avaient dépassé sa pensée. Tes ordres les plus précis et les plus formels étaient donnés aux commandants de corps d'armée de ne point chercher à forcer les barrières. L'empereur de Russie les rendait responsables si un seul de leurs soldats pénétrait dans Paris[28].

Pendant que Joseph sonnait à Montmartre le glas de l'empire, les vaillants dont il décidait le sort continuaient intrépidement la lutte. À midi — à midi seulement—les premières réserves russes et prussiennes de Barclay de Tolly entrèrent en ligne[29]. Jusque-là, Marmont n'avait eu devant lui que les 43.000 hommes du corps de Rajewsky[30]. Barclay porta à Romainville et à Montreuil les 9.000 grenadiers russes des généraux Tzokolow et Paskéwitsch et dirigea sur Pantin la garde royale prussienne. Cette magnifique troupe, présentant un effectif de 4.000 fusils et n'ayant pas été engagée depuis le passage du Rhin, brûlait de combattre ; elle entra dans Pantin au pas de charge et en débusqua vivement les soldats de Boyer et de Secrétant. Le village nettoyé, le général Aloherstern voulut mener plus loin son succès. En vain le prince Eugène lui représenta les dangers qu'il y avait à s'aventurer dans le vallon, il forma ses troupes en trois colonnes qui débouchèrent simultanément de Pantin. Aucune n'alla loin. Fusillés de front par les feux de bataillons de Secrétant et mitraillés d'écharpe par les batteries du Rouvroy et de Pré-Saint-Gervais, les Prussiens s'arrêtèrent net sous cette nappe de fer et de plomb, qui abattit sept cents hommes. Les projectiles passaient si drus que tous les arbres de la route furent coupés et qu'il n'en resta pas un tronc où l'on ne put compter huit ou dix traces de balles. Rentrés dans le village, les Prussiens tentèrent une seconde attaque ; mais salués de la même façon, ils se replièrent de nouveau, après avoir perdu plusieurs centaines d'hommes[31].

Sur le plateau, entre midi et une heure, les attaques de l'ennemi avaient plus de succès. Renforcées par les 4500 grenadiers de Tzokolow, les deux divisions que Rajewsky avait sous son commandement immédiat reprirent l'offensive et refoulèrent les soldats de Lagrange au sommet du plateau[32], tandis que le prince Eugène, atterrissant enfin sur les premières crêtes avec les deux autres divisions, délogeait du bois de Romainville les fantassins de Compans et de Ledru Desessarts. En même temps, la colonne de Paskéwitsch (4.500 grenadiers) filait par le chemin de Montreuil, chassait de ce village les deux bataillons de grand'garde et venait menacer, à Malassise, puis à Bagnolet, où elle s'était retirée, la division du duc de Padoue. Au sud de Charonne, la cavalerie du comte Pahlen débordait la ligne des escadrons de Bordessoulle et du général Vincent, rappelé sur ce point dès huit heures du matin par ordre de Marmont, et allait les charger de flanc lorsque le feu de la batterie, établie à la butte de Fontarabie, l'arrêta dans sa manœuvre. Vivement pressé sur son front et fortement menacé sur sa droite, Marmont craignait de voir sa retraite compromise. Il replia ses troupes pour leur faire prendre une position en arrière. Le duc de Padoue se porta au parc Saint-Fargeau et à la tête de Ménilmontant ; Lagrange et Ledru, dépassant dans leur marche rétrograde la réserve de Ricard, toujours postée dans le parc de Brière, reformèrent leurs troupes sur la butte Beauregard ; la division Compans s'établit au sommet de Pré-Saint-Gervais, dont les deux brigades de Boyer occupaient toujours les rampes[33].

Le mouvement de retraite des Français qui, la plupart déployés en tirailleurs, se replient par petits groupes, enhardit l'ennemi à une poursuite vigoureuse. La division Pischnisky et les cuirassiers de Kretow, rappelés de Pantin, où ils ont fait si piteuse besogne, s'élancent en même temps à la charge. Pour permettre à ses troupes désunies de se rallier, Marmont se porte en avant à la tête d'une des brigades de Ricard. Une batterie établie près du bois de Romainville ouvre le feu à petite portée. La mitraille brise la faible colonne. Tous les Français se retirent en désordre — en pleine déroute, disent les rapports russes — mêlés aux cuirassiers qui sabrent et aux fantassins de Pischnisky qui jouent de la baïonnette. Arrighi, duc de Padoue, est blessé, le général Clavier est fait prisonnier. Marmont lui-même court risque d'être cerné, lorsque le colonel Ghensener, ralliant deux cents hommes, débouche du parc de Brière, que fuyards et vainqueurs ont dépassé, et tombe à l'arme blanche sur les Russes. Pris à dos, ceux-ci se troublent et battent en retraite à leur tour. Ainsi dégagés par la résolution d'un seul homme et la vaillance de deux cents, les cinq divisions françaises s'établissent, sacs être inquiétées, dans les nouvelles positions[34].

C'est à cet instant, vers une heure un quart, que Marmont reçut le billet de Joseph, l'autorisant à entrer en pourparlers. Bien qu'ayant déjà perdu beaucoup de terrain depuis que le roi avait écrit, Marmont enivré par le combat ne désespérait point. Il croyait, dit-il, pouvoir prolonger la résistance jusqu'à la nuit. Il dépêcha au roi un aide de camp qui n'arriva à Montmartre qu'après le départ de celui-ci, et il se prépara à repousser d'autres attaques[35].

Barclay de Tolly lui donna un peu de répit. Le commandant en chef, jugeant que la nouvelle position de Marmont, à la fois dominante et resserrée, ne pourrait être enlevée de front qu'avec de grandes pertes, décida d'en remettre l'attaque au moment où d'autres troupes seraient disponibles pour l'aborder sur les deux flancs. Il s'ensuivit une sorte de trêve. De une heure jusque près de deux heures, le combat se borna de ce côté à un duel d'artillerie[36], auquel prirent part inopinément, mais sans effet, les batteries de l'école polytechnique.

Ces vingt-huit pièces, qui étaient au parc sur la place du Trône, formaient une réserve destinée à se porter au premier ordre sur les points les plus menacés[37]. Depuis le matin, le commandant Evain entendait la canonnade à sa gauche, et le bruit qui se rapprochait graduellement témoignait que l'ennemi gagnait du terrain. La journée s'avançait. Evain ne recevait pas d'ordres. Dans la confusion régnante, personne ne pensait à lui en donner, ni Marmont, par la bonne raison qu'il ignorait l'existence de cette réserve d'artillerie, ni Joseph qui se préparait à quitter Montmartre, ni Hullin ni Moncey qui se trouvaient à l'autre extrémité de Paris. Evain, estimant à juste titre que ces vingt-huit pièces laissées sans emploi pourraient servir efficacement à la défense, les porta en avant. Comme la tête de colonne arrivait à la croisée de la route de Vincennes et du chemin de Charonne, l'artillerie parisienne fut aperçue par le comte Pahlen qui, après son infructueuse tentative sur la droite de Bordessoulle, avait replié ses escadrons entre le village de Vincennes et les rampes de Montreuil. Cette énorme batterie avait pour tout soutien un peloton de gendarmes à cheval ; Pahlen la jugea de prise facile. Evain crut de son côté imposer à l'ennemi par le feu. Il commença à canonner avec une dizaine de pièces. Une batterie légère de Pahlen, aussitôt démasquée, renvoya boulet pour boulet, tandis qu'un régiment de uhlans prit le grand trot afin de venir aborder de flanc les polytechniciens, par un quart de conversion. Le major Evain avait déjà plusieurs pièces démontées ; il vit le mouvement menaçant des uhlans, il ordonna la retraite. Mais si les canonniers étaient valeureux, les conducteurs, tous charretiers ou cochers de voitures publiques, étaient absolument malhabiles aux manœuvres. Des attelages versèrent, le désordre entraîna des retards ; les uhlans tombèrent lance en arrêt sur le convoi. Ils allaient emmener canons et prisonniers lorsque les chevau-légers de Vincent et les dragons de colonel Ordener débouchèrent au galop de charge du pied de Mont-Louis, sautant les fossés et franchissant les clôtures des jardins. Les Russes sabrés diluent lâcher prise. Ils gardèrent cependant neuf canons, six caissons et quelques prisonniers. L'un des polytechniciens, conduit à l'état-major du czar, demanda à Lowenstern des lettres de recommandation pour la Sibérie afin d'y donner des leçons de mathématiques. Après cette échauffourée, les batteries du major Evain regagnèrent la place du Trône[38].

A peu près au même moment, la colonne de gauche des Alliés (IIe et IVe corps de la grande armée) arriva enfin sous Paris, avec plus de six heures de retard. Les exploits du prince de Wurtemberg se bornèrent, dans cette journée, à débusquer de Nogent, de Saint-Maur et de Charenton, quelques faibles détachements qui occupaient ces villages, et à cerner — à distance respectueuse — la citadelle de Vincennes. Les Austro-Wurtembergeois se déployèrent entre Bercy et Montreuil, couvrant la gauche des Russes[39].

Si le prince de Wurtemberg avait mis fort peu de célérité dans sa marche, les manœuvres de Blücher, dont Barclay de Tolly attendait le développement avec tant d'impatience pour donner l'assaut décisif, n'avaient guère été plus rapides. Aux retards causés par le manque total d'instructions dans la matinée, aux lenteurs inhérentes à un déploiement de trente mille hommes débouchant par une seule route, s'était jointe la confusion des contre-ordres et des contremarches. Selon un officier russe, on piétinait sur place, on marchait à pas de tortue[40]. Vers onze heures du matin, comme Langeron était aux prises devant Aubervilliers avec la brigade Robert, il reçut directement l'ordre du czar de marcher sans délai sur Saint-Denis et Montmartre. Langeron répondit qu'il était engagé et qu'il attendait, pour quitter la position qu'un autre corps de l'armée de Silésie vînt l'y relever. York n'arriva guère que passé midi et demie, au moment où Langeron s'emparait d'Aubervilliers, après trois heures de combat. Langeron, cédant aussitôt aux Prussiens le terrain conquis, se dirigea sur Montmartre. York, qui voyait les forces alliées croître autour de lui, car Kleist se déployait à sa droite et Woronzoff se formait en seconde ligne, prit ses dispositions pour attaquer la Villette et la Chapelle. Mais ce mouvement subit encore un retard, par suite d'un nouvel ordre de Blücher qui enjoignit à York de faire passer ses troupes sur l'autre rive du canal de l'Ourcq, afin de prolonger la droite de la grande armée. Les deux divisions de Katzler et du prince Guillaume firent par le flanc et franchissant le canal près de Pantin, marchèrent sur la ferme du Rouvroy, dont elles réussirent à déloger la grand'garde. Les Prussiens ne purent toutefois s'avancer au delà, contenus parla batterie en position près de cette ferme[41].

Deux heures approchaient. Les différents corps d'armée, désormais à hauteur, avaient pris leur formation de combat. Barclay de Tolly ordonne l'assaut général. Sur tous les points l'attaque d'ensemble commence ardente et furieuse. Les deux divisions du prince Eugène, soutenues par huit bataillons de grenadiers russes, s'élancent du plateau de Romainville et abordent de front Pré-Saint-Gervais, le parc de Brière et le parc Saint-Fargeau. Le terrain assez découvert et en pente vers les assaillants — formant glacis — favorise le tir de la défense. Tous les coups portent. Les Russes tombent sous la mitraille comme les blés sous la faux. Il y en a toujours. lls avancent baïonnettes croisées. Six fois ils entrent dans les parcs, six fois ils en sont chassés. Pour rallier nos soldats, dit Fabvier, il nous suffit de leur montrer Paris d'une main et de l'autre l'ennemi[42].

Cette terrible attaque de front, qui menace d'échouer, est malheureusement trop bien secondée par les attaques de flanc. À gauche, la colonne des deux divisions russes Menzenzow et Paskéwitsch descend de Bagnolet, se glisse dans la gorge de Charonne, subit sans se rompre ni s'arrêter les charges de la cavalerie de Bordessoulle et les meurtriers feux d'enfilade de la batterie du Père-Lachaise, gravit les pentes de Ménilmontant, repousse les artilleurs et les tirailleurs de la garde nationale, prend les canons et s'établit solidement sur la hutte. À droite, tandis que s'avancent le long du canal les divisions de Katzler et du prince Guillaume, débouchent de Pantin sur les Maisonnettes la garde royale prussienne et les deux divisions de la garde impériale russe de Jermolow — neuf mille hommes qui sont l'élite et la suprême réserve de l'armée du czar : les régiments Empereur Paul, Semenow, Ismaïlow, Grenadier, Preobrajensky. Les deux batteries de position du Rouvroy et de Pré-Saint-Gervais, qui depuis le matin n'ont pas cessé de tirer, se trouvent sans munitions, ou à mieux dire les boulets dont on les a ravitaillées ne sont point de calibre. Le tir devient incertain. Les masses ennemies s'emparent de la batterie du Rouvroy et défilant sous le feu, désormais peu efficace, de celle de Pré-Saint-Gervais, assaillent les Maisonnettes. Le général Michel, sorti la veille de son lit où le retenait une blessure reçue à Montmirail, est blessé de nouveau. D'une brigade, ses troupes sont réduites par le feu à un bataillon. Par surcroît, Mortier vivement pressé à la Villette vient d'y rappeler les divisions Curial et Charpentier jusque-là restées en réserve au pied de la Butte Chaumont. Après une courte mais valeureuse défense, les conscrits de la garde abandonnent les Maisonnettes et se replient sur la barrière de Pantin. Maîtres du terrain, les Prussiens descendent le canal pour aller prendre Mortier de flanc à la Villette, les Russes s'engagent entre la butte Chaumont et la butte Beauregard, où ils se divisent en deux colonnes. L'une escalade la Butte Chaumont, surgit à l'improviste sur la droite de la batterie du colonel Paixhans et s'empare des pièces. L'autre gravit les pentes de Beauregard et vient attaquer à revers dans Pré-Saint-Gervais les divisions Compans et Boyer de Rebeval. Ces troupes se trouvent entre deux feux. Elles se frayent passage à la baïonnette et regagnent Belleville, abandonnant dix-sept canons qu'elles ne peuvent emmener à travers les murs et les clôtures des jardins[43].

Marmont se voit ainsi débordé sur sa droite par Ménilmontant, sur sa gauche par Beauregard et Chaumont. Déjà les canons russes, et les canons français, tombés au pouvoir de l'ennemi, sont braqués sur sa position, des colonnes s'avancent pour l'y forcer. La résistance, outre qu'elle ne pourrait être que de courte durée, contreviendrait désormais aux instructions de Joseph en exposant Paris aux horreurs d'un sac. Il est quatre heures. Le duc de Raguse se décide à user de l'autorisation qu'il a reçue depuis plus de deux heures, et dont il n'a parlé à personne pour ne point abattre les courages. Trois parlementaires sont envoyés sur la ligne des tirailleurs[44]. En même temps, le maréchal marque aux troupes la retraite dans Belleville. La position actuelle n'est plus tenable. En s'obstinant à la vouloir conserver, on risquerait d'y être cerné et forcé et l'on n'aurait plus qu'à se rendre à discrétion. Marmont veille à la rentrée de ses bataillons décimés, quand on vient l'avertir que les Russes arrivant de la butte Beauregard débouchent dans la grande rue de Belleville qui mène à Ménilmontant. La moindre hésitation, le moindre retard, et la retraite est coupée. Marmont rallie une soixantaine d'hommes — la faiblesse de cette troupe, dit-il, ne pouvait être aperçue de l'ennemi dans un pareil défilé — et il charge à leur tête les grenadiers de Jermolow. Le maréchal a son cheval blessé, son uniforme déchiré par les balles. À ses côtés le général Ricard est gravement contusionné, le général Pelle-port reçoit un coup de feu à bout portant, vingt hommes tombent sous les balles et les baïonnettes ; mais les Russes font demi-tour, laissant les soldats de Marmont s'établir en arrière de Belleville, leur première ligne è la hauteur de l'église. Là, les Français peuvent encore soutenir la lutte jusqu'au retour des parlementaires[45].

Sur les autres points du champ de bataille, les succès des alliés n'étaient pas moins décisifs. À la Villette et à la Chapelle, Mortier avait été attaqué vers deux heures par les corps de Kleist, d'York et de Woronzoff. D'abord l'artillerie de la garde, en position à la tête des villages et sur les restes des anciennes redoutes de 92, arrêta l'ennemi. Mais à la suite d'une charge malheureuse des dragons français qui, ramenés sur les batteries par les hussards de Brandebourg, y jetèrent la confusion et la panique, les Prussiens prirent les pièces. À leur tour, ils firent jouer trois batteries de 42, dont le feu intense prépara l'assaut. Les boulets, enfilant les rues où se trouvaient massés les fantassins et ricochant contre les murailles, faisaient des trouées sanglantes dans les rangs. La canonnade cessa : les colonnes s'élancèrent. Kleist dirigeait l'attaque de la Chapelle ; York, ayant Woronzoff en deuxième ligne, celle de la Villette. Mortier qui commandait en personne dans ce faubourg s'y défendit avec acharnement. Il semblait qu'il y fût inforçable, lorsque, malgré leur héroïque résistance, les cent cinquante chasseurs vétérans, qui gardaient le premier point du canal de l'Ourcq, furent culbutés par la garde royale prussienne, débouchant des Maisonnettes. Mortier allait être pris de flanc et même à revers. Il donna l'ordre de battre en retraite sur la barrière de la Villette. Le maréchal se retira comme un lion, lentement et toujours menaçant. Les Prussiens ayant voulu le serrer de trop près, un bataillon de Christiani les chargea à la baïonnette et leur prit quatre canons. Pendant ce combat, York eut un mot superbe, digne de Ney ou de Bonaparte. Un de ses soldats tomba frappé par une balle presque contre son cheval : — Pourquoi, dit York, s'approchait-il si près de moi ? À la Chapelle, Charpentier et Robert résistèrent avec la même ténacité, jonchant de leurs morts et de ceux de l'ennemi toutes les rues du village. Ils n'évacuèrent leur position que sur l'ordre de Mortier, déjà en retraite lui-même. Charpentier forma ses troupes en avant de la barrière de Saint-Denis[46].

A la même heure, l'infanterie du comte de Langeron attaquait Montmartre. Après avoir pris Aubervilliers, Langeron s'était dirigé sur Saint-Ouen et Clichy-la-Garenne, de façon à aborder Montmartre par le seul point où il jugeait cette position accessible[47], c'est-à-dire par les pentes ouest. Chemin faisant, il réfléchit qu'il devrait aussi s'emparer de Saint-Denis. Kapzewitsch fut chargé de celte opération, qui semblait facile mais qui allait donner des mécomptes au commandant du VIIIe corps. Seule entre toutes les communes suburbaines, la ville de Saint-Denis avait, de son propre mouvement, pourvu à sa défense dès la mi-février. On avait élevé quelques retranchements ; la garde nationale formée de volontaires comptait cinq cents hommes ; enfin, le matin même du 30 mars, sur les instances réitérées d'un député de la municipalité, le général Hullin s'était décidé à envoyer une demi-compagnie d'artillerie avec quatre pièces de 4 et douze mille cartouches, et quatre cents voltigeurs de la jeune garde sous les ordres du commandant Savarin. Kapzéwitsch avait six mille hommes et trente-six canons. Son parlementaire n'ayant pas été reçu, ses canons firent brèche à la muraille du parc de la Légion d'honneur, et il donna l'assaut. Deux fois les colonnes russes furent repoussées. Le général envoya un second parlementaire, qui, pas plus que le premier, ne réussit à être introduit dans la place. Savarin, bien qu'ayant épuisé presque toutes ses munitions, n'était point d'humeur à capituler. Comme un membre de la municipalité lui conseillait d'entrer en pourparlers puisqu'il n'avait plus de cartouches : — Et nos baïonnettes ! dit Savarin. Je ne me rendrai qu'après qu'elles seront toutes émoussées. Kapzéwitsch voyant qu'il n'aurait pas raison de cet entêté laissa un régiment en observation devant Saint-Denis et se hâta de se porter sur Montmartre pour seconder l'attaque de Langeron[48].

Un pareil déploiement de forces n'était point nécessaire. Cette position qui, bien armée et occupée en nombre, eût défié tant d'attaques, n'était qu'un épouvantail. Le départ du roi Joseph avait entraîné la retraite des quelques compagnies de garde nationale qui se tenaient sur les buttes. Il n'y restait pins qu'une soixantaine de canonniers, fort insuffisants pour le service de 30 bouches à feu, et environ 250 sapeurs-pompiers de la garde impériale. Langeron, ayant refoulé par ses masses la cavalerie des généraux Belliard et Dautencourt, en bataille devant les buttes, et éteint par le feu de ses 80 canons celui de leur batterie légère, lance ses colonnes à l'assaut entre Clignancourt et la Hutte au garde. Les Russes reçoivent deux salves, dont les coups portent trop haut, atteignent les crêtes, presque sans pertes, et tuent les canonniers sur leurs pièces. — Ils sont trop ! dit l'un d'eux en mourant. Pendant ce temps, la cavalerie d'Emmanuel et l'infanterie de Rudzewitsch rejettent sur les barrières de Batignolles, de Monceaux et de Neuilly, les tirailleurs de la garde nationale dispersés dans la plaine[49].

Moncey voit l'ennemi menacer l'enceinte de Paris. Lui vivant, il n'y entrera, pas sans combat. Le maréchal organise la défense, il fait rassembler les hommes, avancer les canons, il distribue les postes, harangue les officiers et les gardes dont te départ du roi Joseph, déjà connu, et les progrès trop visibles de l'armée alliée ont ébranlé les courages. — Il faut nous défendre, dit le vieux soldat. Même si nous sommes réduits à céder, à la fin, aux forces énormes de l'ennemi, du moins devons-nous lui imposer par une énergique résistance pour obtenir une capitulation honorable. Les chaleureuses paroles de Moncey, leur accent de sincérité, raniment les miliciens. Les volontaires se présentent en foule pour aller prendre position à la tête de Batignolles. Telle est leur exaltation qu'ils refusent de s'embusquer dans les maisons, selon les ordres de Moncey. Nous n'avons pas peur, disent-ils, nous ne voulons pas nous cacher. Paroles d'hommes qui n'ont jamais fait la guerre, mais qui sont capables de la bien faire. — Croyez-vous, s'écrie Allent, que le doyen des maréchaux puisse vous conseiller une lâcheté ! Alors ils se mettent à l'abri des balles[50].

La barrière de Clichy semblait le point le plus menacé. Moncey s'y établit. Aux autres barrières, ses aides de camp coururent par son ordre exhorter les miliciens à combattre. Partout les officiers du maréchal trouvèrent les hommes bien disposés. Aux Ternes, à Batignolles, au Roule, à l'Étoile, des volontaires tiraillaient à cinq cents mètres au delà de l'enceinte avec les fourrageurs ennemis. Un détachement de la 4e légion qui occupait la barrière de Monceaux était moins déterminé. L'aide de camp de Moncey, voyant dans la plaine deux escadrons français serré de près par les Russes, invita les gardes nationaux à se porter au secours de cette cavalerie. La moindre démonstration eût suffi pour la dégager. Les gardes hésitèrent. Enfin, émus par les reproches indignés et les ardents appels de l'officier, ils se mettaient en marche, lorsque le duc de Fitz-James sortit des rangs. — Le service demandé, dit-il, en se tournant vers le front de la compagnie, est contraire à l'institution de la garde nationale[51]. L'argument du duc de Fitz-James leur paraissant sans réplique, les miliciens formèrent les faisceaux. — Un autre Fitz-James qui n'était pas duc (il était ventriloque, de son état) se fit tuer ce jour-là, en enfant perdu, du côté de Saint-Ouen.

Cependant les premiers bataillons de Langeron délogent du faubourg de Batignolles les chasseurs et grenadiers de la garde nationale, qui se replient en deçà de la barrière de Clichy. Là, tout le monde prend son poste, sous l'œil vigilant du maréchal Moncey. Les invalides avancent les canons dans les embrasures du tambour ; les meilleurs tireurs se placent aux créneaux, d'autres s'embusquent aux fenêtres et sur la plate-forme du grand bâtiment du rond-point ; la masse des gardes se range des deux côtés de la rue de Clichy. Moncey craignant qu'avec quelques boulets les Russes n'aient facilement raison du tambour en charpente ordonne de construire un second retranchement en arrière du premier. Charrettes, madriers, pavés s'amoncellent ; des hommes venus en curieux, des femmes mêmes et des enfants aident ardemment au travail sous les balles qui commencent à siffler. —Un peu plus bas, des ouvriers et quelques sapeurs-pompiers de garde à la caserne du Mont-Blanc ébauchent sans ordres une autre barricade. — Un feu nourri et sûr accueille la tête de colonne ennemie. La défense s'annonce de façon à contenter le vieux soldat de Marengo et de Saragosse qui n'attend pas tant des gardes nationaux. Mais les généraux russes n'ont pas l'ordre de donner l'assaut ; ils ont au contraire l'ordre formel du czar de ne point aborder les barrières. Radzewitsch et Langeron lui-même s'élancent sous la nappe de plomb au-devant de leurs hommes ; ils les arrêtent. Les Russes se postent dans les maisons du faubourg et sur les premières pentes d'où ils continuent à tirailler avec les miliciens[52].

L'insulte de la barrière de Clichy termina cette bataille qui ne fut qu'une suite de combats engagés sans ensemble par les assaillants et soutenus sans direction par les défenseurs. La bataille de Paris, dont les conséquences politiques ont été si grandes, a donc marqué à peine dans l'histoire  militaire. Il faut rappeler cependant que par le nombre des troupes en ligne et les pertes subies des deux côtés — neuf mille hommes tués ou blessés chez les Alliés, neuf mille chez les Français[53] — la bataille de Paris fut la plus importante et la plus meurtrière de toutes celles de la campagne de France. Malheureusement, Napoléon n'y commandait pas.

L'appréhension du danger cause plus de trouble et d'effroi que le danger même. La population parisienne qui s'épouvantait dès les premiers jours de février au seul nom des Cosaques, et qui tremblait les 27, 28 et 29 mars à l'idée du pillage et de l'incendie, recouvra son sang-froid quand elle entendit le canon. Pendant la bataille, les grands boulevards avaient leur aspect accoutumé, à cette différence que la plupart des bout-igues étaient fermées et qu'il passait peu de voitures. Mais la foule était plus nombreuse, plus animée, plus remuante nue d'ordinaire. C'était le boulevard aux jours de fête et de changement de gouvernement : un flux et un reflux de promeneurs, de groupe ; stationnant et discutant, toutes les chaises occupées, tous les cafés remplis. Le temps était couvert et dols. À Tortoni, les élégants dégustaient des glaces et buvaient du punch en regardant trottiner les grisettes et défiler, sur la chaussée, quelques prisonniers qu'escortaient des gendarmes, et d'innombrables blessés, transportés sur des civières et des prolonges et dans des fiacres mis en réquisition. La feule ne paraissait nullement consternée. Chez quelques-uns il y avait de l'inquiétude, chez d'autres de la curiosité ; chez la plupart la tranquillité et même l'indifférence dominaient. L'amour-propre national aidant, — à mieux dire peut-être la vanité parisienne, — on regardait le combat livré à Romainville comme une affaire sans importance et dont l'issue d'ailleurs n'était point douteuse. Si l'ou faisait remarquer que le bruit du canon se rapprochait, ce qui semblait indiquer les progrès de l'ennemi, il ne manquait pas de gens pour répliquer d'un air entendu : C'est une manœuvre ; les Russes jouissent de leur reste. La quiétude générale fut cependant troublée entre deux et trois heures. Un lancier ivre descendit au grand galop le faubourg Saint-Martin en criant : Sauve-qui-peut ! Une panique se produisit. Chacun s'enfuit en courant. Les ondulations de la foule s'étendirent jusqu'au Pont-Neuf et aux Champs-Élysées. Mais cette fausse terreur fut passagère, les boulevards se remplirent de nouveau[54].

Dans les quartiers du Nord et de l'Est, on croyait aussi à la défaite de l'ennemi, mais l'agitation et le trouble étaient extrêmes. Les rues des faubourgs Montmartre, Poissonnière, Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Antoine fourmillaient de monde, bien que les gardes nationaux eussent l'ordre de laisser circuler seulement les citoyens en uniforme. Pas plus que la consigne, les boulets qui commencèrent à siffler de ce côté de Paris à partir de quatre heures de l'après-midi n'arrêtaient les curieux. Il se produisait un remous dans la foule quand tombait un projectile, puis on continuait sa marche ou l'on reprenait sa place ; les enfants jouaient avec les boulets qu'ils poussaient du pied. Aux abords des barrières, toutes les boutiques étaient fermées ; de pauvres meubles que les habitants pris de peur avaient précipitamment descendus, sans savoir où et comment ils les transporteraient, s'amoncelaient sur les trottoirs. Des femmes étourdies par les détonations incessantes, épouvantées à l'idée des violences qui les menaçaient, couraient sans but dans tous les sens, éperdues, presque folles, s'appelant les unes les autres et poussant de grands gémissements. Leur sensibilité exacerbée s'épanchait en soins aux blessés qui arrivaient du champ de bataille. Chaque entrée de porte devenait ambulance. Les femmes déchiraient à l'envi mouchoirs, fichus, tabliers pour faire des bandes et des compresses[55]. Avec une ferme confiance dans la résistance de Paris, le sentiment qui dominait chez la masse de la population ouvrière était une sombre colère de n'y pouvoir prendre part. Le peuple avait attendu des fusils sur la place Vendôme, devant l'hôtel du général Dullin, depuis six heures jusqu'à onze heures du matin ; il était rentré furieux dans les faubourgs, proférant le cri de : Trahison ! L'irritation se lisait sur les visages, la foule était agitée et menaçante. Le faubourg Saint-Antoine, dit Rovigo, était prêt à tout, sauf à se rendre[56].

Bien qu'on fût aux barrières à proximité des combattants, on n'était pas là mieux renseigné que sur les boulevards. Nul ne savait rien et tout le monde donnait des nouvelles. On disait tantôt si e le roi Joseph était en fuite, tantôt, au contraire, qu'il avait refusé de recevoir les parlementaires de l'ennemi. À entendre les uns, toute l'armée alliée, deux cent mille hommes, prenait fart à la bataille ; à écouter les autres, les Français n'avaient devant eux qu'une faible colonne, qui déjà rétrogradait mais qui avait sa retraite coupée par l'empereur. Si l'on voyait revenir des Français blessés, on voyait aussi entrer des prisonniers et sortir de nouvelles troupes qui montraient beaucoup d'ardeur. Un escadron de carabiniers croisa dans le faubourg Poissonnière une petite colonne de prisonniers ; les cavaliers dirent tout haut à la foule : — Attendez, nous allons vous en envoyer bien d'autres ! Deux fois dans la journée, à onze heures et à trois heures, le bruit courut que le roi de Prusse était prisonnier et qu'on allait le faire passer sur les boulevards pour le montrer aux Parisiens. Deux fois aussi, on dit que l'empereur venait d'entrer dans Paris. La population l'attendait depuis le matin et ne doutait pas de son arrivée. Apercevait-on dans la plaine quelque général monté sur un cheval blanc et suivi d'un groupe d'officiers, chacun criait : Le voilà ! le voilà ! Il n'était pas besoin de prononcer de nom, tout le monde savait de qui l'on parlait. Le cri volait de bouche en bouche, et on se préparait au spectacle d'une victoire[57].

Cette nouvelle du soudain retour de Napoléon n'était pas sans quelque fondement. Vers une heure, le général Dejean arriva de Troyes, à franc étrier, avec mission d'avertir les chefs de la défense que l'empereur le suivait à moins d'une demi-marche. Dejean descendit d'abord au Luxembourg, puis il alla à Montmartre[58]. Mais déjà la capitulation était résolue, et Joseph avait gagné le Bois de Boulogne. Les grands dignitaires, les ministres, les sénateurs, toutes les autorités avaient reçu l'ordre de quitter Paris incontinent. Cet ordre, donné par Joseph vers midi, fut transmis aux intéressés entre une et deux heures par le grand juge et l'architrésorier[59]. Les ministres, quelques conseillers d'État et quelques sénateurs, prirent le chemin de Chartres. Mais d'autres personnages, qui croyaient avoir avantage à rester dans Paris, éludèrent ces ordres qu'il eût fallu donner dès l'avant-veille.

Moins disposé à partir que quiconque, Talleyrand n'osait cependant ne point obéir. Il était le plus en vue des membres du gouvernement, il se savait très soupçonné. Un manque d'obéissance, qui chez tout autre paraîtrait indolence, serait chez lui regardé comme une trahison. Sans doute il risquait peu, puisque l'empereur et l'empire semblaient condamnés. Toutefois Napoléon n'était pas désarmé, et les souverains n'avaient pas prononcé en dernier ressort. Si par miracle l'empereur restait sur le trône, le prince de Bénévent se trouverait plus que compromis. Il était dans sa nature de se prémunir contre toutes les éventualités, même les plus improbables. Il voulait toujours être en règle. Pour sortir d'embarras, Talleyrand alla trouver sa dupe ordinaire, le duc ne Rovigo. Après lui avoir représenté que les véritables intérêts de l'empereur, de la dynastie, du pays ; exigeaient qu'il restât à Paris, il termina en demandant au ministre de la police l'autorisation de ne point rejoindre l'impératrice. Savary, cette fois, fit montre d'énergie. Il répondit à Talleyrand que, loin de l'autoriser à rester, il lui intimait l'ordre de partir sur-le-champ, et que, de plus, il allait surveiller son départ[60]. C'était bien parler, mieux eût valu agir. Le prince feignit de se rendre à l'invitation sans réplique de Rovigo. Il rentra rue Saint-Florentin, prit quelques mesures pressées ; puis, à cinq heures, il se mit en route pour Chartres. Dans Paris, le carrosse du vice-grand électeur, que précédait un écuyer, alla fort lentement Il importait d'assurer à ce départ la notoriété publique, et il importait plus encore de donner à certains émissaires le temps d'arriver au poste de la barrière d'Enfer. Ils avaient fait diligence. Quand la voiture de Talleyrand approcha de la grille, le chef de poste s'avança à la portière et eut l'audace de demander ses passeports au prince de Bénévent. Sur la réponse de celui-ci qu'il n'en avait point — Talleyrand n'eut garde d'exhiber l'ordre du grand juge qui valait tous les passeports du monde — l'officier déclara, en s'excusant, que la consigne lui défendait de le laisser passer. En vain quelques gardes nationaux, qui n'étaient pas dans le secret, se récrièrent et dirent que la consigne n'était pas faite pour le prince vice-électeur, Talleyrand ne voulut point profiter de ces bonnes dispositions. Il revint au plus vite rue Saint-Florentin, bien heureux de la réussite du stratagème[61]. Encore une fois, il avait atteint son but sans se compromettre. Il s'était mis en route, et s'il avait dû arrêter son voyage, c'était forcé et contraint. La faute retombait sur un chef de poste malavisé.

Il y avait des coupables plus haut placés : le roi Joseph qui, au mépris des instructions de son frère, avait différé jusqu'à la dernière heure d'ordonner le départ des membres du gouvernement ; le duc de Rovigo qui, au lieu de sommer Talleyrand d'obéir, aurait dû le faire mettre en voiture et conduire à Chartres sous bonne escorte. C'est grâce à l'imprévoyance de Joseph et à la faiblesse de. Savary que l'homme qui était devenu le plus dangereux ennemi de l'empereur put rester dans Paris abandonné. Comme l'a dit énergiquement Pons de l'Hérault, la régence ne sut rien organiser, pas même la fuite.

 

 

 



[1] Journal d'un officier anglais prisonnier sur parole (Revue Britannique, V, 65, 87). Relation anonyme dans la Suite au Mémorial, II, 283-286. Rodriguez, 48-54 ; Giraud, 83, 85 ; Béranger, Ma Biographie, 141 ; La Valette, II, 89 ; Rovigo, VII, 10-11 ; dispositif en cas d'alerte. Cf. Ordonnance de Louis XVIII relative à la garde nationale, 5 août 1814. Arch. nat., F. 9, 754. F. 9, 761.

[2] Ordres de Clarke, 29 mars ; Journal de la division Boyer de Rebeval ; Journal de Vincent ; Arch. de la guerre. Mémoires de Marmont, VI, 240-213 ; Journal d'un officier anglais, 93-94, 99.

[3] 1° Garnison de Paris proprement dite : Ornano (disponibles des dépôts de la garde), division Michel : 3600 hommes (dont 3.000 envoyés le 28 mars à Claye rentrèrent le 29 dans la soirée sous le commandement d'Ornano) ; division Boyer de Rebeval : 1.800 hommes. Cavalerie de Dautencourt : 800 hommes (y compris les escadrons polonais envoyés le 27 à Claye). — Hullin : disponibles des dépôts de la ligne (qui d'après les ordres de Clarke durent renforcer les troupes de Compans et de Ledru Desessarts) : 3.000 ; garde nationale parisienne : 12.000 (presque tous enfin complètement armés, car on avait distribué le matin même deux ou trois mille fusils) ; artillerie de la garde parisienne (volontaires, polytechniciens et invalides) : 800. Canonniers de la marine, de la garde, de la ligne, canonniers hollandais : 1.000. Gendarmerie d'élite : 800. Vétérans : 500. Total : 23.200 hommes.

2° Garnisons de Saint-Denis. Vincennes, postes des ponts de Charenton, Saint-Maur, Neuilly, etc. (vétérans, cadres de la ligne, détachements de jeune garde, élèves d'Alfort et de Saint-Cyr, gardes nationales de la banlieue) : 2.500 hommes environ dont moitié sont déjà comptes ci-dessus dans la garnison de Paris : soit 1 200 hommes.

3° Corps de Compans arrivé de Meaux : division Compans, 1.500 ; division Ledru Desessarts, 3.400. Cavalerie de Vincent, Cosaques polonais et 12e de marche de grosse cavalerie : 1.400. Total : 6.000 hommes, dont il y a à réduire an moins 15 pour 100 pour les pertes des 27, 28 et 29 mars. Reste : 5.100 hommes.

4° Corps de Marmont : divisions Lagrange, Ricard et Arrighi : 3.300. Cavalerie de Merlin et de Bordessoulle : 1.400 hommes. Total : 4.700.

5e Corps de Mortier : divisions Christiani, Curial et Charpentier : 4.600. Cavalerie de Belliard (division Roussel et 7e et 9e de marche) : 1.900. Total : 6.500 hommes. — Total général : 41.800 hommes.

Situations da 29 mars. Correspondance de Clarke, 27, 28 et 29 mars. Ledru Desessarts à Clarke, 28 mars. Ornano à Clarke, 24 mars. Journal de Vincent. Journal de Boyer de Rebeval, etc. Arch. de la guerre. Cf. le tableau annexé au toms VII des Mémoires de Marmont, lequel tableau est du reste ru une infinité de points contredit par les documents des archives. — Si l'on se rapporte à la page 456 de 1814, on verra que le total des forces françaises le 28 mars s'élevait à 43.200 hommes. Cette différence en moins s'explique par le départ des troupes formant l'escorte de l'impératrice et par les pertes subies par Compans à Meaux, Ville-Parisis et Vert-Galant. Les dépôts de la garde donnèrent d'ailleurs plus de disponibles qu'Ornano n'en promettait. On comptait sur 5.500 pour le 23 mars, et il y en eut 6.200 le 30 mars.

[4] Grande armée : gardes et réserves : 26.000 hommes ; Rajewsky, 12.800 ; Wurtemberg : 15.000 ; Gyulai : 10.500. Total : 64.300 hommes. Le corps de Wrède (20.000) était resté à Meaux et environ 6.000 Cosaques battaient l'estrade entre la Marne et la Seine.

Armée de Silésie : York : 10.000 ; Kleist : 8000 ; Langeront 17.000 ; Woronzoff : 12.000. Total : 47.000 hommes. La cavalerie de Winzingerode (10.000 hommes) avait été détachée à la suite de Napoléon, le corps de Sacken réduit à 8.000 hommes était à Meaux avec les Bavarois ; le corps de Bülow — porté à une vingtaine de mille hommes — occupait Laon, La Fère et était employé aux sièges de Soissons et de Compiègne.

Les forces des Alliés devant Paris s'élevaient donc à 111.300 fusils et sabres. Cf. Bogdanowitsch, II, 159-160 ; Schels, II, 169-171 ; Plotho, III. (Annexes). Schütz, XIII, 180-183 ; Danilewsky, II, 150, etc. — Ce chiffre de 111.000 combattants est un chiffre maximum. Plusieurs des historiens précités ne portent qu'à 100.000 hommes les deux armées alliées en ligne devant Paris. On voit par là quelles pertes avaient subies les Alliés pendant ces deux mois de campagne. Sauf les gardes et réserves, tous les corps d'armée étaient réduits de près de moisie.

[5] Clarke à Marmont et à Mortier, 29 mars, 4 heures du soir et 11 heures du soir. Arch. de la guerre.

[6] Fabvier, Journal du 6e corps ; Mémoires de Marmont, VI, 241-242 ; Schels, II, 186, 188 ; Danilewsky, II, 143. — Marmont, qui accuse tout le monde, dit dans ses Mémoires qu'il fut trompé par l'officier chargé de la reconnaissance, lequel ne se rendit pas à Romainville et fit son rapport comme y ayant été. C'est un véritable crime, ajoute Marmont. Voici qui est bien dit, mais la vérité c'est que l'officier alla parfaitement à Romainville et fit un rapport exact. Il ne pouvait cependant prévoir que cette position non occupes à minuit le serait à 5 heures du matin.

[7] Journal de Boyer de Rebeval, Arch. de la guerre. Mémoires de Marmont, VI, 152. Journal de Fabvier, 66-67.

[8] Journal de Barclay de Tolly, Arch. topogr. de Saint-Pétersbourg, 29 185. Journal de Boyer de Rebeval, Arch. de la guerre. Mémoires du prince Eugène de Wurtemberg, III, 281. Cf. Mémoires de Marmont, VI, 242-213, et Journal de Fabvier, 67.

[9] Journal de Boyer de Rebeval. Arch. de la guerre. Mémoires de Marmont, VI, 248. Schels, II, 189.

[10] Pour le récit de cette bataille, les indications horaires ont une grande importance. Celles que nous donnons et que nous n'avons adoptées qu'après une très attentive confrontation des relations et des rapports authentiques, tant étrangers que français, et en tenant compte du temps nécessaire aux mouvements des troupes, sont, croyons-nous, exactes, à un quart d'heure près. Dans la plupart des ouvrages français, les opérations préparatoires et, par suite, les diverses phases de l'action sont avancées d'une heure, quelquefois de deux. Les ouvrages allemands et russes sont sur ce point, comme sur d'autres, beaucoup plus véridiques.

[11] Journal de Boyer de Rebeval.

[12] Journal de Barclay de Tolly. Journal de Boyer de Rebeval. Bogdanowitsch, II, 169.

[13] Mémoires de Langeron, Arch. des Aff. étrang. Cf. l'ordre de Blücher, Villepinte, 30 mars, 8 heures du matin, cité par Schels, II, 203.

[14] Mémoires de Langeron, Arch. des Aff. étrang. Journal du Langeron, Arch. top. de Saint-Pétersbourg.

[15] Schels, II, 207-208.

[16] Correspondance du roi Joseph, X. 215. Cf. Mémoires de Miot de Mélito, III, 252-253. La reine, dit Miot, s'obstinait à ne point partir. — Les femmes ont parfois de ces résolutions. — Il fallut, pour l'y décider, un ordre formel apporte vers 10 heures par le général Expert. À midi, le Luxembourg était désert.

[17] Tout ce récit est pris presque textuellement dans la lettre (justificative) de Peyre, Paris, 2 avril 1814 et dans le certificat (également justificatif) délivré à Peyre par Hullin, Paris, 31 mars, 2 heures du matin (pièces citées par Pons, 492 sq.). — Le soin que prit Peyre d'aller relancer Hullin dans la nuit même du 30 au 31 pour obtenir ce certificat, témoigne, de reste, qu'il jugeait lui-même sa conduite comme pouvant prêter aux plus fâcheuses interprétations. Il fut décoré par le czar le 1er avril.

[18] Lettre de Peyre précitée ; Danilewsky, II, 151-152.

[19] Fragment des Mémoires de Michel Orlow, Arch. top. de Saint-Pétersbourg, 47346. Lettre de Peyre précitée.

[20] Fragment des Mémoires d'Orlow. Lettre de Peyre.

[21] Lettres de Peyre et de Hullin.

[22] D'après le récit de Peyre et de Hullin, le roi n'aurait pas assemblé le conseil et se serait décidé de lui seul. L'auteur des Mémoires du roi Joseph (X, 23) affirme qu'il y eut conseil, et la chose parait vraisemblable.

[23] Ni Peyre ni Dullin ne parlent du billet adressé à Mortier. Peyre parle seulement de billet pour Marmont auprès duquel il accompagna l'aide de camp du roi sur l'invitation de celui-ci. Joseph désirait que Peyre répétât au duc de Raguse ce qu'il lui avait dit à lui-même. Il parait certain d'ailleurs qu'un billet fut également envoyé à Mortier ; mais tandis que le duc de Raguse reçut cet ordre vers 1 heure de l'après-midi, le duc de Trévise, cependant beaucoup plus rapproché de Montmartre, ne le reçut qu'après 5 heures du soir.

[24] Dans les Mémoires de Marmont et dans les Mémoires d'un homme d'État (t. XII) ce trop fameux billet porte : Montmartre, 10 heures du matin. De même Fabvier dit dans sou Journal que Marmont reçut le billet à 11 heures et demie. Dans les Événements de 1811 par un aide de camp du roi Joseph et dans les Méritoires du roi Joseph, ce billet est daté : Montmartre, midi un quart. Cette heure de midi un quart a prévalu dans l'opinion de presque tous les historiens (Thiers cependant évite de prononcer). Nous pensons en effet que la date de midi un quart doit être adoptée de préférence à celle de 10 heures, et cela pour cette raison que Peyre qui avait quitté le czar à 8 heures et demie (Peyre dit 9 heures et demie, mais il est contredit sur ce point par Orlow et Danilewsky) ne pot aller de Bondy à Pantin, de Pantin à la place Vendôme et de la place Vendôme au sommet de Montmartre, en moins d'une heure et demie. Il faut aussi compter le temps que prirent nécessairement le rapport verbal de Peyre, les hésitations de Joseph, la séance du conseil. ai courte qu'elle pût être. Ainsi, de l'instant on Peyre quitta le csar à Bondy à celui ou Joseph le chargea d'accompagner le général Strolz, il dut s'enculer au moins trois heures. Conséquemment, ce ne put être avant 11 heures trois quarts ou midi que le roi écrivit.

Au reste la question horaire, sur laquelle on a longuement discuté pour condamner ou excuser Joseph, importe beaucoup moins qu'il ne le semble. Entre Il heures et midi, Marmont n'était pas plus compromis qu'à 10 heures. Le duc de Raguse occupait encore sa première position, sa droite à Malassise, sa gauche au bois de Romainville et il n'avait encore en présence, lui dont les troupes s'élevaient (y compris les divisions Boyer, Michel, Ledru, Compans et Vincent) à 13.000 hommes, que les 12.500 hommes de Rajewsky et les 1.500 cuirassiers de Kretow.

[25] Marmont (lettre à Napoléon, 31 mars, 4 heures et demie du matin. Arch. nat., AF., IV, 1670) dit que Joseph quitta Montmartre à midi. Peyre dit implicitement à midi et demi. Il semble que le roi ne se mit en route qu'entre 1 heure et 1 heure et demie. À deux heures, en tout cas, il n'y avait plus personne sur la butte des Cinq-Moulins. Joseph se retira par les boulevards extérieurs, la barrière du Roule et le bois de Boulogne d'où il se dirigea sur Versailles et Rambouillet. Cf. Miot de Mélito, III, 356 et Rovigo, VII, 20-22.

[26] D'après de nombreux témoignages (Événements de 1814 par un aide de camp du roi Joseph, 167 ; Biographie de Joseph-Bonaparte, 69 ; Rovigo, VII, 12 ; Bourrienne, X, 15, etc., Journal d'un officier anglais, 96), témoignages qui ont imposé à trop d'historiens français, plusieurs officiers de l'état-major de Joseph auraient rapporté au roi les nouvelles les plus alarmantes du duc de Raguse ; Allent, qui suivait avec la longue-vue les opérations du plateau de Romainville, aurait déclaré que la situation était désespérée ; enfin Marmont lui-même aurait envoyé un billet, tracé au crayon, portant qu'il était impossible de prolonger la résistance et demandant l'autorisation d'entrer en pourparlers.

Sans doute, le roi dut dépêcher des officiers afin de savoir ce qui se passait à l'est de Paris. Mais ces officiers ne purent rapporter à midi que ce qu'ils avaient vu vers 11 heures, c'est-à-dire Marmont n'ayant pas perdu un pouce de terrain, contenant et attaquant même l'ennemi qui se trouvait encore en forces égales aux siennes. Quant à la légende du commandant Allent, suivant de Montmartre, avec une longue vue, les mouvements des troupes sur le plateau de Romainville, il suffit pour en faire justice de comparer les deux altitudes. De même, qui pouvait voir vers 11 heures, de la barrière du Trône, les têtes de colonnes du prince de Wurtemberg, lesquelles à cette heure-là débouchaient à peine de Neuilly-sur-Marne ?

Enfin Marmont ne reconnaît nullement avoir fait dire an roi que la situation était critique, Loin de là, il prétend (Mémoires, VI, 247), et Fabvier (Journal du 6e corps) en témoigne, qu'au reçu du billet de Joseph, bien qu'il eût perdu la position qu'il occupait à l'heure où écrivait le roi, il envoya Fabvier à Montmartre pour dire ceci : Si le reste de la ligne n'est pas en plus mauvais état que notre côté, rien ne presse encore de prendre ce fatal parti. Nous avons l'espoir d'atteindre la nuit qui pourra apporter quelque changement important à nos affaires. Mais, ajoute Fabvier, le roi n'était plus à Montmartre. Le témoignage de Fabvier nous parait difficile â récuser, d'autant que ces paroles sont confirmées par les faits : 1° à 1 heure, la situation, bien que plus compromise qu'à 11 heures, n'était point désespérée ; 2° Marmont qui reçut le billet de Joseph vers 1 heure ne se décida à parlementer qu'à1 heures. S'il eût sollicité dès 10 heures l'autorisation de capituler, il n'eût pas attendu si longtemps pour s'en servir.

[27] Si l'on eût été fermement décidé à défendre la ville à toute extrémité, on eût pu arrêter les armées alliées un ou peut-être deux jours, et permettre à Napoléon d'arriver. Plotho, Der Grieg in Frankreich, III, 402. — Si nous eussions perdu un seul jour et que Napoléon n'en eût pas perdu deux, il aurait eu le temps d'entrer dans Paris. Sa présence et la terreur qu'il inspirait encore eussent sans doute doublé les forces de la défense. La bataille eût été plus balancée, plus meurtrière, Paris eût pu éprouver un sort funeste. Peut-être aussi aurions-nous été repoussés ou tout au moins retardés assez pour que l'armée de Fontainebleau fût arrivée à Paris. Alors notre position eût été fort incertaine. Mémoires de Langeron. Arch. des affaires étrangères, Russie, 25. — Si Paris eût tenu, les armées ennemies prises en queue par l'armée impériale, auraient été obligées de se retirer avec perte. Lettre du maréchal Soult, citée dans le Moniteur du 23 janvier 1811. — Cf. Danilewsky, II, 142, 143.

[28] Mémoires de Langeron, Arch. des affaires étrangères, Russie, 25. Cf. Danilewsky, II, 142 ; Bogdanowitsch, II, 190.

[29] Journal de Barclay de Tolly. Cf. Schels, II, 193.

[30] Divisions Helfreich et Menzenzow, moins une brigade à Pantin (sous le prince Gortchakow), 4.000 hommes ; divisions Schachowskoï et Pischnisky (sous le prince Eugène de Wurtemberg), 7.200 hommes. La cavalerie de Pahlen, 1.400 hommes, observait la gauche. Les cuirassiers de Kretow, 1.500 hommes, étaient à Pantin avec une brigade de la division Helfreich.

[31] Mémoires du prince Eugene de Wurtemberg, III, 293-281 ; Journal d'un prisonnier anglais, 93. Cf. Schels, II, 196-197. — Dans cette journée, la garde royale prussienne perdit 1.353 hommes, dont plus de 50 officiers.

[32] D'après les rapports, il semble que la division Lagrange se trouvait alors refoulée au point coté 117 sur la carte de l'État-Major.

[33] Journal de Barclay de Tolly. Arch. de Saint-Pétersbourg. Journal de Boyer de Rebeval. Journal de Vincent. Arch. de la guerre. Cf. Mémoires de Marmont, VI, 243 ; Journal de Fabvier, 68. Comme nous l'avons déjà dit, Marmont et Fabvier antidatent d'une heure le mouvement offensif des Russes.

[34] Journal de Barclay de Tolly. Mémoires de Marmont, VI, 243-241. Journal de Fabvier, 68-71. Cf. Schels, II, 195-196.

[35] Mémoires de Marmont, VI, 241-245. Journal de Fabvier, 69.

Selon Marmont, d'accord avec Fabvier, le billet daté de 10 heures fut reçu entre 11 heures et demie et midi. Mais, d'une part, tout semble indiquer que ce billet fut écrit à midi, et, d'autre part, d'après le tableau des positions des troupes, tracé par Marmont et Fabvier, à l'instant où, disent-ils, arriva l'aide de camp du roi, il est manifeste qu'on en était à la fin du troisième moment de l'action, c'est-à-dire entre une heure et une heure et demie.

Le Journal de Barclay de Tolly et les historiens allemands, particulièrement Wagner, permettent de bien préciser les divers moments de la bataille de Romainville-Belleville-Pantin.

1er moment (de 6 heures et demie à 8 heures). Arrivée des Français sur le plateau, manœuvres préparatoires. Les Français avancent vers Romainville et se logent dans Pantin.

2e moment (de S heures à 11 heures et demie). Entrée en ligne de tout le corps Rajewsky. Pantin repris par les Russes, puis repris par les Français, Sur le plateau et dans le bois de Romainville, combat acharné et indécis où les Français se maintiennent dans leurs positions avancées. C'est pendant cette période de l'action que Joseph se décide, sans aucun motif sérieux, car l'ennemi n'a pas encore l'avantage, à autoriser la capitulation.

3e moment (de midi à 1 heure an quart). Arrivée des gardes et réserves. Les Prussiens réoccupent Pantin. Débandade sur le plateau. Marmont prend une nouvelle position aux parcs de Brière et Saint-Fargeau et à Pré-Saint-Gervais. — C'est alors qu'il reçoit le billet de Joseph.

4e moment (de 2 heures à 4 heures). Après une sorte de trêve tacite de trois quarta d'heure, l'ennemi fait une attaque générale et s'empare de tontes les positions sur les flancs de Marmont. Le maréchal, débordé, se replie dans Belleville, sa première ligne à la hauteur de la rue qui mène è Ménilmontant. — Il se décide à envoyer des parlementaires.

[36] Journal de Barclay de Tolly. Cf. Bogdanowitsch, II, 173, 175 ; Schels, II, 199-201.

[37] Clarke à Hullin, 27 mars ; à Daru, 29 mars. Arch. de la guerre.

[38] Journal de Barclay de Tolly. Journal de Vincent. Arch. de la guerre. Mémoires de Lowenstern, cités par Bogdanowitsch, II, 180 ; Journal d'un prisonnier anglais, 93-100. — Une trentaine de polytechniciens furent atteints de coups de lance, pas un ne succomba.

[39] Schels, II, 208-213 ; Bogdanowitsch, II, 173-178.

[40] Journal de Chrapowitsky, cité par Bogdanowitsch, II, 172.

[41] Mémoires de Langeron, Arch. des affaires étrangères, et Journal de Langeron, Arch. de Saint-Pétersbourg. Ordre de Blücher, midi, cité par Schels II, 244 ; Plotho, III, 412-413.

[42] Journal de Barclay de Tolly, Arch. de Saint-Pétersbourg. 29188. Journal de Fabvier, 68.

[43] Journal de Barclay de Tolly, Arch. de Saint-Pétersbourg. Journal de Boyer de Rebeval, Arch. de la guerre ; Schels, II, 213-221. — La division Boyer, qui comptait 1.800 hommes le matin du 30 mars, n'avait plus que 1.122 fusils le 2 avril. La brigade Secrétant (plus tard Pinguern), qui défendait Maisonnettes, sous les ordres de Michel, était réduite, de plus de 1.200 hommes, à 331. Situations, Arch. de la guerre et Arch. nat., AF., IV, 1670.

[44] Marmont à Napoléon, Paris, 31 mars, 4 heures et demie du matin. Arch. nat., AF., IV, 1670. Cf. Mémoires de Marmont, VI, 245-246, Journal de Fabvier, 71-72. Les rapports russes disent : 4 heures. — Dans sa lettre à l'empereur, Marmont dit qu'il ne se décida à capituler qu'après s'être concerté avec s'orner. Le fait parait peu probable, vu l'éloignement des deux maréchaux et l'extrême difficulté des communications. Marmont, vraisemblablement, se contenta de dépêcher na aide de camp au duc de Trévise pour le prévenir qu'il jugeait le moment venu d'user de l'autorisation de Joseph, et il envoya les parlementaires sans attendre la réponse de son collègue.

[45] Marmont à Napoléon, 31 mars, 4 heures et demie du matin. Arch. nat., AF., IV, 1670. Journal de Fabvier, 70-71. Mémoires de Marmont, VI, 246-217. Mémoires de Pelleport, II, 115-116. Cf. Journal de Barclay de Tolly. Arch. de Saint-Pétersbourg.

[46] Plotho, III, 412-414 ; Droysen, York's Leben, III, 386.

[47] Mémoires de Langeron. Arch. des affaires étrangères, Russie, 25 ; et Journal de Langeron. Arch. de Saint-Pétersbourg, 29 103.

[48] Défense de Saint-Denis en 1814, par G. Dezobry, ex-commandant de la garde nationale, pp. 8-26 ; Mémoires et Journal de Langeron. — Le commandant Savarin ne se rendit que le lendemain, 31 mars, quand il apprit officiellement la capitulation de Paris. Je le reçus, dit Langeron, avec la considération que méritaient sa bravoure et sa fermeté.

[49] Journal et Mémoires de Langeron. Relation anonyme dans la Suite au Mémorial, II, 285-287. Schels, II, 228-229.

[50] Koch, II, 499 ; Beauchamp, II, 223-224 ; Journal d'un prisonnier anglais, 90-91 ; Relation anonyme dans la Suite au Mémorial, II, 285.

[51] Journal d'un prisonnier anglais, 100-102 ; Beauchamp, II, 221 ; Relation anonyme précitée, 285 ; Koch, II, 502-503. — C'est Beauchamp qui cite les paroles du duc de Fitz-James, tout en l'en glorifiant. Celui-ci n'ayant point réclamé contre les louanges, bien compromettantes à notre sens, de l'historien royaliste, on est en droit de regarder la chose comme véridique.

[52] Mémoires de Langeron. Arch. des affaires étrangères. Journal d'un prisonnier anglais, 90, 92, 101, 103. Relation d'Allent (Suite au Mémorial, II, 162).

[53] Les documents étrangers portent les pertes des Russes à 7000 hommes et celles des Prussiens à 2000,  dont 80 officiers, Journal de Barclay de Tolly. Mémoires du prince Eugene de Wurtemberg, III, 291 ; Plotho, III, 411-416 ; Bogdanowitsch, II, 192 : Schels, II, 237-238.

Par la comparaison entre les situations du 29 et 30 mars et celles du 1er et 2 avril, on arrive au total de 8.800 hommes tués, blessés ou disparus, chez les Français, sans compter les pertes de la garde nationale qu'on évalue à 300 ou 500 hommes (Situations. Arch. de la guerre, et Arch. nat., AF., IV, 1667 et 1670). Il est juste de remarquer que parmi ces manquants il y avait un assez grand nombre de trainards qui rejoignirent les corps los d et 4 avril, ainsi que l'indiquent les situations au 5 avril.

[54] Journal d'un prisonnier anglais (Revue britannique, V, 86, 89, 91, 105). Rodriguez, 49, 53, 54, 66. Relation anonyme (Suite au Mémorial, II, 285-286).

[55] Rodriguez, 54-56. Journal d'un prisonnier anglais, 86, 92. Mémoires du général Pelleport, II, 116-117.

[56] Mémoires de Rovigo, VII, 19, 20 ; Mémoires de La Valette, II, 89 ; Giraud, 84-85 ; Béranger, Ma Biographie, 141. Cf. les discours à la Chambre des députés sur les fortifications de Paris, Moniteur du 22 au 30 janvier 1811.

[57] Béranger, Ma Biographie, 141 ; Rodriguez, 49-51 ; Journal d'un prisonnier anglais, 92, 102, 105.

[58] Miot de Mélito. III, 354-355 ; Rovigo, VII, 20-22.

[59] Correspondance du roi Joseph, X, 210 ; Miot de Mélito, III, 353-354.

[60] Mémoires de Rovigo, VII, 21-23, 55-57.

[61] Méneval, 58-59 ; 22-23, 66-67 ; Vitrolles, I, 311, Rovigo, VII. Cf. Lettres inédites de Talleyrand (Revue d'histoire diplomatique, 248).