LE CHEVALIER D'ÉON

 

CHAPITRE DIXIÈME.

 

 

Captivité de la chevalière d'Éon. — Son élargissement et son exil à Tonnerre. — Nouvelles démarches : l'armement de la Chevalière-d'Éon. — D'Éon séjourne à Paris pendant l'hiver 1780-1781. — Il revient à Tonnerre et y mène une existence tranquille et fêtée. — Il quitte la France à la fin de 1785 pour aller régler ses affaires à Londres.

 

Ce qu'était le séjour dans une prison au dix-huitième siècle, on le sait depuis que les archives de la Bastille ont été ouvertes à la curiosité des historiens. Cette forteresse, considérée comme le symbole du despotisme, semblerait bien plutôt une sorte d'hôtellerie où la meilleure compagnie se retrouvait passagèrement et involontairement réunie. Il était même presque loisible, en dépit du modeste confort qu'offrait le logis, d'y conserver le train que l'on menait à la ville. Les plus favorisés, servis par leurs valets, tenaient salon à jour fixe, donnaient à souper et, sur la seule promesse de revenir avant le coucher du soleil, franchissaient quotidiennement les guichets de la forteresse. Les hôtes de moindre importance étaient passablement traités moyennant une pistole par jour, voisinaient de cellule à cellule et trouvaient une distraction suffisante à jouer au pharaon, à la bouillotte et au biribi. Pour les esprits chagrins qui se lassaient d'un tel régime, il n'était pas impossible de combiner un projet d'évasion, et l'issue en était souvent favorable.

La prison du château de Dijon, avec la même apparence redoutable, n'était pas moins hospitalière, et l'obstinée chevalière s'y trouva d'autant mieux qu'arrivant dans son pays bourguignon avec l'auréole du malheur elle reçut de ses compatriotes le plus chaleureux accueil. Le curé-doyen de Saint-Jean, paroisse actuelle de la prisonnière, fut un des premiers à s'informer de son ancienne camarade et à lui offrir les consolations qui convenaient à sa qualité et à sa situation présentes. Il évoquait auprès d'elle des souvenirs d'enfance, leurs relations à Versailles et terminait ainsi :

Comme il est du devoir d'un pasteur de chercher sa brebis, et surtout lorsqu'elle est comme vous un peu errante, trouvez bon que j'aille vous demander ; mais faites-moi savoir l'heure qui vous sera le plus commode[1].

Le lendemain les visites affluèrent au château en tel nombre que le gouverneur dut donner à la sentinelle la consigne de ne laisser entrer personne auprès de la chevalière. Un ordre aussi nouveau et aussi imprévu étonna MM. Calon, ancien conseiller au parlement, et Buchotte de Vermond, qui se plaignirent aussitôt à la chevalière d'avoir été brutalement congédiés. A défaut de visites, d'Éon recevait de tous côtés des lettres de condoléances ou de compliments et ses anciens camarades aux dragons, qui l'avaient constamment suivi dans toutes ses aventures, lui envoyant un nouveau témoignage de leur affection par le major d'Arras, demandaient à être tranquillisés sur le compte de la prisonnière[2]. D'ailleurs la rigueur de la détention allait chaque jour s'adoucissant et une semaine s'était à peine écoulée que d'Éon put non seulement recevoir dans sa cellule les notabilités dijonnaises et les nombreux curieux qui sollicitaient une audience, mais même offrir la soupe en très petit comité. Tandis qu'il prenait gaîment son parti de sa mésaventure en se délectant de truites, écrevisses, poulardes, bécasses et bécassines arrosées d'un vénérable clos-vougeot que lui présentait le sieur Gaudelet, aubergiste-traiteur du château, son beau-frère s'efforçait à Paris d'abréger sa disgrâce.

O'Gorman avait été d'autant plus surpris et inquiet de la disparition de la chevalière que, venant la prendre à Versailles pour gagner Tonnerre précisément ce jour-là, il avait trouvé les scellés sur la porte et la femme de chambre encore dans la révolution que lui avait causée l'enlèvement. La Grenade, le valet de d'Éon, n'ayant pu lui indiquer l'endroit où l'on avait conduit son maître, O'Gorman se rendit de suite à l'audience de M. Amelot et apprit du premier commis que d'Éon se trouvait prisonnier à Dijon ; mais on lui déclara en même temps qu'il n'était ni dans les intentions du roi, ni dans celles du ministre de rendre malheureuse la chevalière, dont la disposition de rébellion et de résistance aux ordres du roi avait seule motivé ce parti violent. On lui rendrait même le repos dans la maison paternelle aussitôt qu'on lui trouverait l'esprit soumis et disposé à vivre dans sa patrie tranquille et sans éclat[3].

Bientôt d'Éon parut souhaiter lui-même ce qu'on voulait lui imposer. Il ne fit rien pour augmenter le bruit que faisait désormais sa moindre démarche et subit avec simplicité le châtiment qui lui avait été infligé. D'aussi bonnes dispositions ranimèrent l'empressement de ses protecteurs. Le marquis de Vergennes lui conseilla d'écrire à son frère le ministre une lettre de soumission qu'il accompagna de l'appui le plus instant[4]. Mais ce fut l'évêque de Mâcon qui sut plaider le plus habilement la cause de son protégé auprès des ministres, leur représentant la trop grande sensation produite à Dijon par la présence de la chevalière. Enfin, les perquisitions faites au domicile de celle-ci, bien loin de confirmer l'insinuation de ses ennemis, qui tendaient à l'accuser d'espionnage au profit de l'Angleterre, n'ayant au contraire prouvé que des faits à son honneur, les ministres lui accordèrent sa grâce après un mois d'emprisonnement en lui enjoignant de se rendre immédiatement à Tonnerre et de n'en plus sortir sans la permission du roi.

D'Éon se hâta d'obéir ; il était en effet, comme le lui faisait remarquer son beau-frère, sous lettre de cachet ; mais il ne quitta point Dijon sans avoir confié au sculpteur Marlet la commande de quelques petits médaillons qui devaient commémorer son passage dans la capitale bourguignonne.

Calmé par cette longue série d'aventures et redoutant sans doute la colère de ses ennemis, qui ne souhaitaient rien tant que de le voir enfermé dans un couvent pour le reste de ses jours, d'Éon se décida à mener en Bourgogne la vie tranquille d'une vieille demoiselle de qualité, vie qu'il avait si souvent enviée, disait-il avec plus de résignation que de sincérité. La modeste pension du roi lui permit de remettre en état sa maison de Tonnerre ; il y ajouta une aile, orna de terrasses et de parterres son parc, où courait la rivière d'Armançon, et parvint même à faire abattre une chapelle qui gâtait la vue de son hôtel, sans se brouiller avec la Sainte Mère l'Église. Il échangeait avec le prieur de Saint-Martin le buis contre la marjolaine, replantait ses vignes et surveillait ses vendanges, dont le produit gagnait à petites journées la capitale pour figurer sur la table des ministres, de MM. Amelot et de Vergennes. Il réservait ses meilleurs crus à ses anciens protecteurs, qui se montraient aussi touchés du souvenir que friands de ces présents :

J'ai reçu, Mademoiselle, lui écrivait la comtesse de Broglie au premier janvier 1780, les soixante-cinq bouteilles de vin de Tonnerre que votre lettre annonçait ; j'aurais bien désiré que vous ne vous en fussiez point privée ; il ne m'était pas nécessaire d'avoir ce témoignage de votre façon de penser pour être convaincue de votre attachement pour M. de Broglie : les preuves que vous lui en avez toujours données me persuadent qu'elles ne varieront jamais. J'en reçois l'assurance avec la reconnaissance qu'elle m'inspire. J'ai l'honneur d'être, Mademoiselle, votre très humble et très obéissante servante[5].

 

Ce billet parait être le dernier que d'Éon reçut de cette puissante famille dont il avait été le client dès sa jeunesse et plus tard le zélé défenseur. Les Broglie étaient alors dans un oubli pire que la disgrâce, et la mort du comte, que les déceptions et les injustices avaient miné, allait porter à cette maison un coup dont elle se relèverait péniblement. C'était ce moment difficile qu'en courtisan du malheur d'Éon avait su choisir pour marquer au ministre le souvenir qu'il gardait de son appui dans une carrière si prématurément et si fâcheusement brisée. Sa nouvelle vie lui laissait le temps de réfléchir sur ses erreurs passées et, bien qu'il s'efforçât de se montrer satisfait de son séjour dans son pays natal, il ne parvenait pas à cacher ses regrets et à convaincre ses correspondants, car à la même date du 1er janvier 1780 le général de Monet, qui avait connu toutes ses aventures, lui écrivait :

J'envie la tranquillité dont vous devez jouir, Mademoiselle, avec vos dieux Pénates ; je souhaite que vous la regardiez avec cette philosophie que je vous connais, et dont vous avez eu dans le courant de votre vie tant d'occasions de faire un bon usage. Vos moments de loisir seront probablement bien employés pour l'utilité de nos successeurs et les réflexions que des circonstances heureuses ou malheureuses — car il me serait assez difficile d'en faire la discussion — vous donnent le temps de leur laisser par écrit, seront également un grand bien pour leur instruction, et un moyen de donner le dernier lustre à l'histoire intéressante de votre vie ; mais quoi qu'il en soit, à vous dire le vrai, j'aimerais mieux vous savoir à Paris qu'à Tonnerre : vous n'y verriez cependant que bien des gens affectés des réformes que la sagesse de nos ministres a jugées nécessaires et justes pour trouver des fonds pour soutenir la guerre sans nouveaux impôts ; il vaut donc mieux, dans les moments critiques où nous sommes, être loin du fracas.

En attendant des circonstances plus heureuses, je vous félicite de votre position présente, personne n'étant avec un plus inviolable attachement que moi, Mademoiselle, etc.

Comte DE MONET[6].

 

D'Éon songeait bien, comme on le lui conseillait, à laisser à la postérité le récit détaillé de ses hauts faits. La courte ébauche qu'il avait écrite de sa vie lors de son retour en France lui semblait insuffisante, car elle passait sous silence l'événement capital de sa carrière, ses démêlés avec son ambassadeur et aussi sa mission secrète en Angleterre ; mais le moment, eût été mal choisi et eût fourni ù ses ennemis de nouveaux sujet de plainte. Aussi s'occupait-il à des travaux moins périlleux ; il projetait un ouvrage sur l'agriculture, correspondait sans cesse à ce sujet avec M. de Buffon, qui lui envoyait ses œuvres, discutait avec lui le mérite des traités nouveaux et consentait même à lui fournir les documents qui lui manquaient. Le marquis de Poncins lui soumettait son livre qui venait de paraître sur l'agriculture et la guerre et estimait que le comble serait mis à sa gloire si au suffrage du plus grand roi s'ajoutait celui de la femme la plus célèbre qui ait jamais illustré les annales du monde[7]. De Lalande, Cassini l'informaient de leurs découvertes. Mais cette intéressante correspondance ne suffisant pas, au jugement de d'Éon, à dissiper l'air de bêtise que l'on respire en province, il travaillait assidûment avec l'aide de M. de Palmus à dresser la généalogie de sa famille. Il le fit d'ailleurs sans la moindre modestie ou plutôt avec l'abondante imagination dont il avait déjà donné tant de preuves, car, après avoir épuisé la lignée de ses auteurs qui durant les deux derniers siècles avaient fait preuve en Bourgogne d'une noblesse assez mince, il s'était recherché des ancêtres beaucoup plus reculés en Bretagne et s'attribuait même dans cette province les alliances des plus puissantes maisons. Or, parmi ces familles quelques-unes subsistaient encore qui ne se montrèrent pas également flattées de la parenté que leur offrait l'illustre héroïne et la repoussèrent assez bruyamment. D'Éon eut donc à soutenir un long procès contre M. de Kergado, à l'occasion duquel il répandit, suivant sa coutume, quantité de mémoires et de libelles, mais qui, néanmoins, ne se termina pas à l'avantage de ses prétentions[8]. Cette affaire était à peine terminée que d'Éon sentit de nouveau et plus cruellement le poids de son oisiveté qu'il ne parvenait pas à distraire, et la hantise des aventures lointaines s'empara une fois encore de lui. Il chercha à s'évader de la province où il était confiné par ordre du roi, comme en une prison, et supplia de nouveau qu'on lui permit de mettre au service des Américains une épée qui, bien que rouillée, pouvait encore rendre d'utiles services. Tout comme un an auparavant, il essuya un refus catégorique et, bien que sa requête lui valût la liberté de revenir à Paris et à Versailles, lorsqu'il le désirerait, il resta très affecté de cet échec. Mais il n'était pas dans son caractère de se tenir pour battu ; puisqu'on l'empêchait de combattre en personne, il trouverait tout de même le moyen de s'illustrer dans la campagne qui commençait. Il n'irait pas à la guerre, mais il s'y ferait représenter et l'expédient qu'il imagina pour combattre ainsi par procuration fut d'armer une frégate qui porterait le nom de la Chevalière-d'Éon.

Le Journal de Paris, dans ses numéros du 8 septembre 1780 et du 8 janvier 1781, publia les lettres échangées entre MM. Le Sesne, armateurs à Paris, et Mlle la chevalière d'Éon. Ces messieurs sollicitaient, par leur première lettre, qu'il leur fût permis de donner le nom de l'illustre chevalière à l'un des deux bâtiments qu'ils armaient à Granville pour faire la course aux dépens des Anglais ; cette frégate était déterminée pour être armée de 44 canons de 18 et 24 livres de balle en batterie et 14 de 8 livres sur ses gaillards, 18 obusiers et 12 pierriers, avec un équipage de 450 hommes choisis et sous le commandement en chef, ainsi que de toute l'expédition, d'un capitaine distingué par son expérience et sa réputation.

Il suffira certainement, Mademoiselle, ajoutaient MM. Le Sesne et Cie, de présenter un nom aussi recommandable aux amateurs de cette entreprise, pour que chacun s'efforce de participer à la gloire qui l'accompagne et se remplisse de l'esprit qui vous anime pour l'avantage et le bonheur de l'État.

La réponse de d'Éon à cette flatteuse requête était écrite sur le ton d'une dignité fière et protectrice :

Paris, le 2 décembre 1780.

J'ai reçu ce matin, Messieurs, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire hier, pour donner mon nom à la frégate de 44 canons que vous faites construire à Granville et qui est déjà fort avancée dans sa construction.

Je suis trop sensible à l'honneur que vous voulez bien me faire et trop pénétrée des sentiments patriotiques qui animent votre génie, votre zèle et votre courage pour le service du roi, contre les ennemis de la France, pour ne pas, en cette occasion, faire tout ce que vous désirez de moi afin de contribuer promptement et efficacement au but salutaire et glorieux de vos désirs.

Je connais, aussi, Messieurs, tout le soin que vous apportez pour le choix d'un excellent capitaine de vaisseau, celui d'officiers expérimentés et des braves volontaires qu'ils prendront. Avec ces sages précautions, de l'économie dans votre finance, et une grande audace dans le combat, votre entreprise doit être couronnée de succès.

Mon seul regret dans ma position présente est de n'en être ni compagne ni témoin ; mais si mon estime particulière peut accroître votre zèle, les étincelles de mes yeux et le feu de mon cœur doivent naturellement se communiquer à celui de vos canons à la première occasion de gloire.

J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments distingués que vous méritez à si juste titre, etc.[9]

 

MM. Le Sesne firent paraître, en même temps que cette réponse, une nouvelle lettre où, en exprimant à l'héroïque chevalière toute leur reconnaissance pour le précieux patronage qu'elle daignait leur accorder, ils déclaraient qu'ils ne sauraient trouver un meilleur témoignage de leur gratitude que de soumettre à Mlle d'Éon le choix du capitaine, des officiers et des volontaires de la frégate qui devait porter son nom.

A la suite de cette lettre parut une nouvelle réponse de d'Éon, empreinte de cette humilité qui sied aux héros :

Paris, le 15 décembre 1789.

J'ai à répondre, Messieurs, à la nouvelle lettre dont vous m'avez honorée le 4 de ce mois.

Si j'avais prévu les conséquences qui résultent de la réponse que j'ai cru devoir faire à votre demande gracieuse de nommer une de vos frégates, je me serais bien gardée d'accepter cet honneur. Les louanges que cette déférence m'attire de votre part donnent de mes talents et de mon mérite une idée qui ne peut s'accorder avec l'opinion que je dois en avoir.

Quant au choix du capitaine de vaisseau, des officiers et volontaires qui désirent se distinguer sur votre armement, je crois, Messieurs, qu'il suffit d'ouvrir à nos marins et à nos militaires une carrière de gloire et d'utilité au gouvernement pour les voir s'y présenter en foule et acheter aux dépens de leur fortune et même de leur vie le droit de la parcourir, en sorte que je regarde ce choix bien plus difficile à faire par le grand nombre de concurrents que par le mérite et le courage : qualités naturelles à tous les militaires français, que je suis plus dans le cas d'applaudir et d'imiter que de juger.

 

Il ne manqua pas, en effet, de gens en quête d'aventures pour solliciter un poste sur la Chevalière-d'Éon. Les papiers de d'Éon contiennent nombre de lettres de ce genre, et le bruit courut même que la chevalière en personne s'embarquerait sur le vaisseau qui porterait son nom.

Malheureusement, l'argent des actionnaires n'affluait pas rue de Bailleul, chez MM. Le Sesne et Cie, en la même abondance que les demandes d'engagement. Un extrait du Journal de Paris, contenant les lettres échangées entre les armateurs et Mlle la chevalière d'Éon, avait été lancé sous forme de prospectus et adressé à toutes les personnes susceptibles de s'intéresser à l'entreprise. La vignette même représentant la Chevalière-d'Éon entourée de vaisseaux ennemis et faisant feu de ses deux bords ne décida pas les souscripteurs, et l'entreprise dut être abandonnée. Pareille tournure d'un si beau projet ne faisait pas l'affaire de ceux à qui d'Éon avait déjà distribué des emplois sur sa frégate. Un certain mestre de camp de dragons, qui signe seulement de son initiale et qui avait été choisi pour commander le bâtiment, lui écrivait, le 14 juillet 1781, de Granville, où il s'était avisé d'aller surveiller les préparatifs de l'expédition :

L'armement de la Chevalière-d'Éon, ma très ancienne et très loyale amie, ne prend pas cette tournure que j'aurais désirée pour vous, pour M. Le Sesne et pour moi, malgré tous les mouvements que je me suis donnés et que je ne cesse de me donner. Je ne dois point vous cacher, mon ancienne amie, que ce vaisseau qui doit porter votre nom n'existe encore que dans l'imagination de M. Le Sesne, qu'il n'y a pas sur le chantier à Granville un pied de bois sur quille destiné à la construction de ce vaisseau. Il est bien vrai que M. Le Sesne avait fait acheter une portion de bois destiné ad hoc, qui, n'ayant pas été payée, a été saisie, et, pour éviter les suites désagréables, il a été envoyé dernièrement ici un certain M. Agaste pour arrêter les poursuites ; mais tout cela ne fait pas et ne fera pas construire le vaisseau la Chevalière-d'Éon...

 

L'affaire engagée par MM. Le Sesne et Cie échoua donc faute d'argent et d'Éon se vit réduit à licencier le personnel qu'il avait engagé pour combattre sous ses couleurs ; l'idée toutefois ne fut pas perdue et quelques mois plus tard d'autres armateurs, MM. Charet et Ozenne, de Nantes, donnèrent le nom de Chevalière-d'Éon, nom qui leur parut sans doute symboliser l'audace heureuse et fertile en expédients, à l'un des vaisseaux qu'ils armèrent pour convoyer les marchandises échangées, eu dépit de la guerre navale, avec les colonies françaises de l'Amérique et de l'Inde[10].

D'Éon ne semble pas s'être mêlé de cette nouvelle entreprise, découragé sans doute par l'insuccès de la première ; mais il demeura à Paris où cette affaire l'avait appelé ; il ne se présenta plus à la Cour et ne résida dans la capitale que durant l'hiver de 1780-1781. Il habitait alors la maison de Mme de Brie, rue de Grenelle-Saint-Germain, et s'y tenait fort calme auprès de son ami Drouet, l'ancien secrétaire du comte de Broglie ; ses relations d'autrefois venaient l'y réclamer. C'était Mme Tercier qui, le priant à dîner, lui promettait de parler affaires secrètes à s'en époumoner. Le marquis de Courtenvaux, de la famille de Louvois, qui l'appelait sa chère payse, envoyait son carrosse prendre la chevalière au pont tournant des Tuileries et tous deux allaient visiter l'abbaye de Port-Royal des Champs et le château de Bagatelle, propriété du comte d'Artois, ou bien, traversant le Bois de Boulogne, déjà très fréquenté, ils allaient entendre les belles voix des dames de l'abbaye de Longchamp qui, au temps du carême, attiraient la société la plus élégante et, paraît-il, la moins recueillie[11]. D'Éon vivait en touriste, désireux de connaître les embellissements et les curiosités de la ville qu'il avait quittée depuis plus de vingt ans et qu'il n'avait pu visiter lors de son retour d'Angleterre, tout occupé qu'il était de son avantageuse métamorphose. Le petit agenda qu'il tint alors laisse deviner qu'il n'était pas insensible aux charmes nouveaux du boulevard. S'il ne fréquentait pas le Café Turc, les Babillards et le Café Sergent, où se fût trouvée très déplacée une vieille demoiselle de condition, il goûtait fort le Théâtre des Danseuses du roi que Nicollet venait de transformer, et où, en place de pantomimes, on commençait à donner de véritables pièces. Il visitait même la fameuse boutique de Curtius, qui offrait en spectacle les mannequins illuminés, les figures en cire de la famille royale et des principaux personnages d'actualité. L'impresario, informé de sa venue, voulut en profiter pour prendre son portrait. Mais il faut croire que d'Éon se souciait peu de figurer en effigie au milieu de l'illustre compagnie qui se trouvait réunie dans les Salons du boulevard du Temple, car Curtius dut à quelque temps de là supplier la chevalière de lui accorder cette grâce. D'Éon ne put céder à ces nouvelles instances, car il avait déjà quitté Paris. La lettre de Curtius le rejoignit à Tonnerre, où les soins de son petit domaine l'avaient rappelé au retour du printemps.

Depuis lors, et jusqu'en 1785, sa vie s'écoule paisiblement, sans qu'aucun événement digne d'être rapporté vienne la troubler ou même l'animer. Les voyageurs illustres ne manquent pas de le saluer au passage ; ils consacrent les loisirs du relais à s'entretenir avec l'héroïne bourguignonne et à admirer ce singulier personnage qui n'est pas une des moindres curiosités de la route. C'est ainsi que le prince Henri de Prusse, que d'Éon avait connu en Allemagne, voulut revoir l'ancien capitaine de dragons. Il ne dédaigna pas de souper à la table de la chevalière et de sa vieille mère, fort intimidée par la présence d'un aussi illustre convive[12]. Un de ces intrépides pèlerins, qui joignait au don d'observer avec finesse le talent de conter avec charme, le comte d'Anion, griffonnait sur un carré de papier, scellé en toute hâte de l'empreinte d'un écu, ce laconique billet de regrets :

Le comte d'Albon salue, embrasse et aime Mlle d'Éon de tout son cœur ; il passe en poste à Tonnerre et est pressé et désespéré de ne pouvoir aller lui répéter combien sont sincères les sentiments qu'il lui a voués pour la vie.

 

D'Éon est accueilli avec la même cordialité dans les châteaux voisins : à Persey, chez le comte d'Ailly ; aux Croûtes, chez le vicomte de Lespinasse, et particulièrement à Anci-le-Franc. Là se trouve réunie pendant l'été toute la famille de Louvois : le marquis et la marquise de Louvois, le marquis de Courtenvaux, Mine de Souvré. Les fêtes s'y succèdent, bals et saynètes où chacun des hôtes doit remplir son rôle. D'Éon fournit des costumes, des habits bruns de camelot galonné et lui-même, dont la vie s'est déroulée en si bouffonne comédie, fait partie de la troupe et se rend à l'invitation que ses voisins lui adressent le 23 août 1782 :

Mme de Louvois a l'honneur de faire mille compliments à Mlle la chevalière d'Éon et de la faire ressouvenir de la promesse qu'elle a bien voulu lui faire de venir vendredi au plus tard dîner et coucher à Anci-le-Franc. La société compte sur la complaisance de Mlle la chevalière pour se charger d'un petit rôle qui ne consiste qu'à tenir une boutique et à chanter le couplet suivant :

BOUTIQUE DU PERRUQUIER

(Mlle d'Éon)

AIR de la Béquille du père Barnabas.

Ici nous réparons

Le désordre des têtes

Qu'ont causé les tendrons

Dans leurs douces conquêtes.

Mais, hélas ! quoique fille,

Je ne prétendrai pas

Relever la béquille

Du père Barnabas.

 

Le rôle était bien modeste pour un tel virtuose ; mais la chanson grivoise ne dut pas déplaire au chevalier, qui s'ingéniait à égayer la galerie, fût-ce à ses dépens. Toujours recherché dans les châteaux voisins, il était aux yeux des habitants de Tonnerre et de tous les Bourguignons le compatriote célèbre, la gloire provinciale à qui revient de droit la présidence de toutes les réunions. C'est ainsi que le Père Rosman l'invitait à assister à la distribution des prix de l'école royale militaire d'Auxerre : Votre présence, disait-il, ne peut qu'exciter vivement l'émulation et le zèle de nos élèves qui se destinent à l'état militaire, dans lequel vous vous êtes distinguée ; je joins mes prières à celles de tous ceux qui ont entendu parler de vos talents et de votre mérite — et c'est toute la ville...[13]

De Joigny, les officiers de Languedoc-dragons, dont le régiment se trouvait au passage du Weser aux côtés de l'escadron que commandait d'Éon, viennent en corps le visiter à Tonnerre, et quelques mois après l'invitent à venir prendre part à la fête qu'ils offrent à la femme de leur colonel. D'Éon répond alors au comte d'Osseville, chef d'escadron et secrétaire du régiment :

A Tonnerre, le 23 août 1781.

J'ai reçu hier, Monsieur, avec la sensibilité d'un jeune cœur femelle enté sur celui d'un vieux capitaine de dragons, l'invitation pleine d'honnêteté et d'agréments que vous m'avez fait l'honneur de me proposer, tant en votre nom qu'en celui de tous vos messieurs. Il m'eût été bien doux et bien agréable d'aller me ranger sous les guidons de Languedoc le jour de la fête que vous avez préparée à Mme la comtesse d'Arnouville qui, en ne laissant enchaîner son cœur que par son mari, a néanmoins le talent rare de captiver l'hommage de tous les dragons et de tous ceux qui ont le bonheur de la connaître. C'est bien à mon grand regret et chagrin que je suis forcée de rester chez moi à cause d'une espèce de coup de soleil que j'ai p attrapé sur la tête en faisant construire une terrasse sur le bord de la rivière d'Armençon par les grandes chaleurs que nous avons eues il y a huit jours. Je suis entre les mains des médecins et désolée de ce contre-temps. J'ai trop bonne opinion et du régiment de Languedoc et de moi-même, monsieur, pour aller le jour même de votre fête vous présenter un vieux dragon sans tête. J'espère bien qu'après votre fête et la revue de l'inspecteur vous aurez le temps et l'occasion de venir dans quelques châteaux du voisinage de Tonnerre et que cela vous donnera celle, ou à quelques-uns de vos messieurs, de venir passer quelques jours chez Mlle d'Éon, qui se fera toujours honneur de recevoir de son mieux ses anciens compagnons.

Je vous prie instamment d'être auprès de M. et Mme la comtesse d'Arnouville et de tous vos messieurs de Languedoc, tant en général qu'en particulier, le fidèle interprète de mes regrets sensibles en cette occasion.

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments de la plus haute considération et du plus parfait attachement que j'ai voué à tous les dragons et que je vous dois en particulier, Monsieur, votre, etc., etc.

 

La chevalière n'était pas seulement la patronne des dragons, elle avait aussi son grade dans la franc-maçonnerie et était, en dépit du sexe qui aurait dû lui en fermer l'accès, convoquée aux tenues solennelles de la loge des Neuf-Sœurs :

Je m'estime heureux, lui écrivait le F.-. d'être auprès de vous l'interprète des sœurs de la R.-. L.-. qui vous prie de lui faire la faveur d'assister demain à la fête funèbre qu'elle consacre à la mémoire de ses FF.-. décédés. Je joins ici l'invite de cette fête où vous avez une place marquée comme maçon, comme littérateur, comme faisant la gloire de votre sexe après avoir fait tant d'honneur au nôtre.

Il n'appartenait qu'à mademoiselle d'Éon de franchir la barrière qui interdit l'accès de nos travaux à la plus belle moitié du monde. L'exception commence et finit à vous ; ne refusez pas de jouir de votre droit, et si vous nous faites la faveur de vous rendre à mon désir, ajoutez-y celle d'arriver de bonne heure, afin de voir complètement une fête qui ne serait pas complète sans vous[14].

 

La popularité de d'Éon était à ce point établie en Bourgogne que les poètes qui chantaient les beautés de cette contrée fertile eussent cru-en oublier le plus grand attrait et la plus récente gloire en omettant de célébrer les hauts faits de leur étrange compatriote. Aussi n'y manquaient-ils pas, comme en témoigne un petit poème que le prieur de Chablis écrivait en latin sur Tonnerre et où il traçait un portrait flatteur de la chevalière, tout en convenant cependant que son allure martiale s'accommodait mal de son virginal accoutrement[15].

Tant de célébrité, faisait supposer beaucoup d'influence, et ses concitoyens, ses anciens camarades, ne doutant pas qu'il eût un grand crédit à la Cour et auprès des personnes en place, espéraient obtenir par son entremise les faveurs les plus variées. Les dragons sont naturellement très nombreux parmi ces solliciteurs : ils ambitionnent la croix ou une pension, une lettre de passe ou un congé. D'Éon accueille ces requêtes qui le flattent avec une bonne grâce inlassable, met à contribution ses nombreuses relations et s'adresse même à des personnages qu'il ne connaît point, mais dont il ne peut, à son sens, être inconnu. Des réponses, comme celle du marquis d'Espinay Saint-Luc l'assurant que les égards dus à sa célébrité sont un sûr garant de l'effet de sa protection, ne faisaient d'ailleurs que confirmer d'Éon dans cette avantageuse appréciation de soi. Aussi dans cette année de 1783 s'efforce-t-il d'obtenir pour ses protégés des emplois dans la marine, dans la régie des aides, dans la maison du roi même.

Les religieux trouvent en lui un avocat toujours bienveillant : c'est l'abbé de Molly-Billorgues qui, apprenant que l'on va former une maison à Madame Élisabeth, sœur du roi, le prie d'obtenir de M. Amelot le titre d'aumônier de la princesse ; c'est l'abbé de Lacy qui sollicite d'être attaché à un régiment ; une autre fois d'Éon n'hésite pas à s'adresser directement à l'évêque-duc de Langres, Mgr de la Luzerne, au profit d'un prieur qui craint d'être dépossédé d'un bénéfice obtenu par un arrêt subreptice ; plus tard enfin, c'est à l'archevêque de Paris qu'il recommande un vicaire d'Épineul en butte à des vexations de la part de ses ouailles.

C'est aussi à ce moment, où toutes ses incartades semblent effacées dans le souvenir de ses contemporains par la célébrité qu'il a su se créer, que d'Éon songe à sa famille. Celle-ci se trouve alors dans une bien misérable situation. Son beau-frère est sans ressources, ayant contracté de nombreuses dettes à Tonnerre ; d'Éon doit consacrer à les payer plusieurs quartiers de sa petite pension et sollicite pour M. O'Gorman d'abord une place de visiteur de la poste aux chevaux, puis un consulat en Amérique. Il s'intéresse particulièrement à l'aîné de ses neveux ; il compte l'adopter et en attendant lui permet de porter le nom de d'Éon. Le chevalier O'Gorman-d'Éon sort de l'École militaire et veut prendre part à la guerre d'Amérique sur le conseil de son oncle qui, pour les frais de son équipement, lui remet 700 livres ; il s'embarquera sur la Cérès, où le comte de la Bretonnière l'a accepté. M. de Tréville promet de faire tout ce qui dépendra de lui pour contribuer à l'avancement du jeune officier[16] et M. d'Estaing s'intéresse à lui autant qu'à la Jeanne d'Arc moderne, dont l'intrépide marin eût souhaité d'être, le chevalier loyal[17]. Le jeune homme est à peine arrivé en Amérique qu'il s'y conduit vaillamment et que le comte Mac Nemara s'empresse de témoigner à la chevalière combien il est heureux d'avoir avec lui un tel camarade. L'avenir semble sourire au jeune officier que son chef traite aussi familièrement, et d'Éon, qui lui a ouvert les portes de sa carrière, le suit par l'imagination dans ces pays lointains qu'il eût tant désiré parcourir lui-même. L'héroïne tonnerroise, confinée dans sa modeste demeure, voit en son neveu ses espoirs réalisés ; elle ne s'intéresse guère à l'orage qui gronde en France et qui éclatera bientôt. Elle est en relations suivies avec les généraux et les amiraux qui luttent aux colonies, les félicite de leurs succès, et ils s'en montrent flattés :

C'est toujours avec un nouveau plaisir, Mademoiselle, lui écrit le marquis de Bouillé, que je vois les lettres que vous voulez bien m'écrire ; vos parents et protégés sont on ne peut pas mieux recommandés auprès de M0.1 et ils ne peuvent pas avoir de meilleurs titres.

M. Rougeot est actuellement commandant de l'artillerie dans le régiment de la Martinique ; il n'a pas été possible de le placer plus avantageusement. Le jeune O'Gorman a été fort malade ; je lui ai procuré une gratification et il n'est pas en mesure qu'on fasse davantage pour lui ; par la suite peut-être se présentera-t-il des circonstances favorables.

J'ai été jusqu'ici très heureux et la fortune m'a traité comme une maîtresse, mais si vous n'étiez pas la chevalière d'Éon, je vous dirais qu'elle est femme et conséquemment sujette à des caprices. Ce pauvre Grasse en a essuyé un terrible : il est vrai qu'il est vieux, que je suis encore jeune et qu'elle aime les jeunes gens ; je vais donc encore briguer ses faveurs, et si elle me tient rigueur, il faudra la violer. Vous voyez que je pense comme un ancien dragon[18]...

 

Le jeune O'Gorman ne pouvant continuer à seconder le brave marquis dans son corps-à-corps avec la fortune, d'Éon s'inquiète aussitôt de son retour et obtient pour lui un brevet de lieutenant, grâce à M. de Sartine :

J'apprends avec plaisir, Mademoiselle, que monsieur votre neveu a été compris dans la dernière nomination des aspirants-gardes de la marine ; je vous en félicite et je suis charmé d'avoir pu y contribuer par mon intérêt. Je ne doute pas qu'il ne suive les bons exemples que sa famille lui offre, je ne suis pas surpris des succès de son frère aîné : ils se distingueront tous deux s'ils suivent vos conseils.

J'ai l'honneur d'être bien sincèrement, Mademoiselle[19]...

 

Tandis que d'Éon voit ainsi couronnés de succès les efforts qu'il a faits pour engager ses neveux dans une carrière honorable, il songe à quitter non seulement Tonnerre, mais la France. La paix qui vient d'être conclue avec l'Angleterre lui ouvre de nouveau les portes de ce pays où il a pris la soif de la liberté. Des affaires urgentes l'y appellent aussi : sa riche bibliothèque, sa collection d'armes de prix y sont restées aux mains de créanciers qu'il n'a pu désintéresser et qui le menacent sans cesse de faire vendre leur gage. Il supplie le comte de Vergennes de lui accorder de nouveaux secours et, en dépit d'un refus catégorique, n'en persiste pas moins dans son parti.

C'est au milieu de l'été 1785 qu'il revient à Paris où la duchesse de Montmorency lui offre l'hospitalité ; il revoit ses anciens et fidèles amis, les Campan, les Fraguier, les Tanlay, et est même introduit dans une famille promise à une brillante fortune : il est présenté à la comtesse de Beauharnais qui bientôt raffole de lui. La même curiosité qu'il avait éveillée autrefois semble renaître alors ; mais les motifs impérieux qui le rappellent à Londres l'obligent à s'y soustraire et, le 25 novembre 1785, il quitte sa patrie où il ne reviendra plus désormais.

 

 

 



[1] L'abbé Pioret à d'Éon, 23 mars 1779. (Papiers inédits de d'Éon.)

[2] Papiers inédits de d'Éon.

[3] Laure d'O'Gorman à d'Éon. Citée par M. FROMAGEOT dans le Carnet.

[4] Le marquis de Vergennes à d'Éon, 13 avril 1779. (Papiers inédits de d'Éon.)

[5] La comtesse de Broglie à d'Éon, 1er janvier 1780. (Papiers inédits de d'Éon.)

[6] Le général de Monet à d'Éon, 9 février 1780. (Papiers inédits de d'Éon.)

[7] Le marquis de Poncins, ancien officier aux gardes françaises, à d'Éon, 1779. (Papiers inédits de d'Éon.)

[8] Un de ces mémoires était intitulé : Affaire de la demoiselle d'Éon de Beaumont, chevalière de Saint-Louis, ou éloge historique de cette héroïne, tiré du plaidoyer de M. Guillaume prononcé au Châtelet dans la cause qu'elle a eue contre M. de Kergado à l'occasion de sa généalogie.

[9] La chevalière d'Éon à MM. Le Sesne. (Papiers inédits de d'Éon.)

[10] Le prospectus de ces armateurs s'exprimait ainsi : Quels auspices plus flatteurs peut-on espérer ? Mgr le comte d'Artois protège l'expédition et permet que son nom y préside, et la seconde frégate portera le nom de d'Éon.

[11] Mme Terrier à d'Éon, 8 janvier 1781, et le marquis de Courtenvaux, colonel des Cent Suisses, au même, 17 février1781. (Papiers inédits de d'Éon.)

[12] L'Esprit des journaux (15e année, t. II) rapporte le trait suivant qui, sans faire grand honneur à l'esprit de son auteur, prouve tout au moins que la chevalière n'était pas oubliée dans sa paisible retraite :

Le prince Henri, frère du roi de Prusse, étant allé voir Mlle la chevalière d'Éon, on offrit à S. A. R. des rafraîchissements. La mère de notre héroïne lui présenta de magnifiques prunes. Le prince la pria de le dispenser d'accepter ce fruit : Que faites-vous donc là, ma mère, s'écria Mlle d'Éon, Monseigneur n'est pas venu dans ce pays-ci pour des prunes !

[13] Le Père Rosman à d'Éon, 27 septembre 1779. (Papiers inédits de d'Éon.)

[14] Papiers inédits de d'Éon.

[15] Voici en quels termes il exprime son admiration pour d'Éon :

Quæ numerosa velut miris obsonia cingunt,

Hæ sunt oppugnandæ arces, sociasque ministrat

Tornodorum vires, gens tali exercita bello.

Conveniunt convivæ alacres, curruque citato

Advenit huc optata Deon, notissima virgo,

Tornodorensis honor gentis, splendorque suorum,

Heroos referens muliebri in pectore sensus

Quam meritus gestis armorum bellicus ordo

In gremio fulgens decorat ; mihi visa flabellum

His dedignari manibus quibus exerit eusem.

Corpore præstantem non texta calantica vittis

Exornat ; melius cassis cristata deceret ;

Aptior huic lorica foret quam scrica vestis.

[16] Drouet à d'Éon, 19 juillet 1781. (Papiers inédits de d'Éon.)

[17] M. d'Estaing à la marquise de la Vaupalière et à d'Éon (Papiers inédits de d'Éon.)

[18] Le marquis de Bouillé à d'Éon, 16 juillet 1782. (Papiers inédits de d'Éon.)

[19] M. de Sartine à d'Éon, 8 mai 1782. (Papiers inédits de d'Éon.)