LE CHEVALIER D'ÉON

 

CHAPITRE SIXIÈME.

 

 

D'Éon continue à être l'agent secret du roi en Angleterre ; sa correspondance avec le comte de Broglie. — Il offre ses services au nouveau roi de Pologne, Stanislas Poniatowski ; Louis XV s'oppose à son projet. — Popularité de d'Éon à Londres ; les paris sur son sexe. — Il s'enfuit et parcourt l'Angleterre sous un faux nom. — Le chevalier d'Éon se détermine à se faire passer pour femme.

 

En exigeant la restitution du brevet qui donnait mission à d'Éon d'étudier le projet d'une descente en Angleterre, Louis XV n'avait point songé à se priver des services que son agent secret pouvait encore lui rendre comme informateur. Il savait que d'Éon connaissait admirablement le pays où il vivait, qu'il était bien accueilli dans les classes élevées de la société anglaise, en même temps qu'il jouissait dans les plus humbles d'une réelle popularité et par cela même d'une précieuse influence. Le roi avait tenu seulement à rentrer en possession d'une pièce revêtue de sa propre signature et qui, entre les mains d'un aventurier, devenait dangereuse, sinon pour la politique de la France, tout au moins pour la sécurité du secret. Mais, dans sa précipitation à s'assurer le silence du chevalier, il avait négligé d'exiger de lui la remise d'autres pièces qui l'engageaient moins personnellement. C'étaient le plan de cette même mission rédigé par le comte de Broglie et toute la correspondance relative à ce sujet, sans parler de dépêches originales et de copies que le transfuge avait conservées de son passage à l'ambassade. D'Éon s'était bien gardé de se dessaisir de ces précieux dossiers qui pouvaient lui permettre encore de peser sur un gouvernement dont il avait reçu plus de promesses que de salaires. Ses craintes s'étant un peu apaisées, en même temps que son ressentiment s'était trouvé satisfait par la mort du comte de Guerchy, il se remit à la correspondance secrète. D'ailleurs le comte de Broglie, dans ses lettres, ne lui ménageait point les encouragements. Il tâchait aussi de lui faire comprendre toute l'étendue des dernières faveurs royales, et lui conseillait pour l'avenir de se conduire avec modestie et sagesse, d'abandonner le romanesque, pour prendre l'attitude et les propos d'un homme tranquille et sensé. Avec cela et un peu de temps, disait-il, on se ressouviendra de vos talents... Quand on a le cœur droit et l'âme courageuse, mais point féroce ni violente, on peut espérer de l'emporter sur la haine et sur l'envie de tout l'univers[1].

Dans une autre lettre, écrite un peu plus tard et où l'on devine les inquiétudes personnelles que lui inspiraient les armes restées aux mains de son correspondant, le comte de Broglie exhortait d'Éon à mériter la bienveillance du nouvel ambassadeur, M. du Châtelet, en remettant à M. Durand qui rentrait en France les papiers ministériaux et autres de tout genre qu'il possédait encore. Il terminait ainsi : Depuis la lettre que je vous ai écrite en chiffres à la fin du mois dernier, il ne m'est rien venu de votre part ; vous ne nous avez rien appris de ce qui s'est passé dans l'intérieur de l'Angleterre. Je me rappelle bien, et je ne l'ai pas laissé ignorer à Sa Majesté, que vous l'attribuez à l'éloignement de votre ami, M. Cotes, de la capitale, mais votre dextérité devait y suppléer[2].

Le reproche même prouve combien le comte de Broglie prisait les renseignements fournis par son correspondant. Dépouillé de tout titre officiel, d'Éon n'était pas moins demeuré l'agent d'informations sans cesse sollicité et souvent écouté par les conseillers secrets du roi. Esprit cultivé et doué d'une curiosité toujours en éveil, il avait, au cours des négociations diplomatiques, acquis l'expérience des affaires. Excessif dans ses ressentiments personnels, avantageux et inconsidéré pour tout ce qui le concernait, il savait en politique apprécier avec discernement, retenir avec précision et souvent prévoir sans erreur. Son imagination abondante, bien que dépourvue de goût, donnait aux faits un tour pittoresque et original. Les portraits qu'il traçait, avec une légère tendance à la caricature, étaient cependant fidèles. En réalité, dit le duc de Broglie, d'Éon fut le précurseur, sinon le fondateur, de ce métier de reporter politique qui fait si grande figure aujourd'hui à la porte de tous les parlements de l'Europe[3]. Il se complaisait à cette tâche et y excellait.

Si d'Éon évita de suivre les conseils intéressés que lui donnait le comte de Broglie au sujet des papiers ministériaux, il se montra sensible aux reproches que sa négligence lui avait attirés. C'est ainsi que, durant plus de sept ans, nous le voyons rédiger des rapports qu'il intitule lettres politiques et qu'il fait parvenir au ministre secret, à l'aide d'un chiffre sous sa propre signature, ou en clair sous le nom de William Wolf. Il y traite à la fois de guerre et de finances ; fournit des aperçus sur l'administration intérieure, sur les aspirations des colonies ; relate avec soin les débats du parlement, les querelles des partis et ne néglige pas les petits incidents .de cour, les intrigues du corps diplomatique. Dans une de ces lettres, prise entre tant d'autres, où il s'étend longuement sur la question des warrants qui passionnait alors l'opinion anglaise, il raconte la chronique amoureuse des princes. — Le duc d'York, surpris par un mari jaloux, venait de recevoir un coup d'épée à l'épaule ; son frère le duc de Glocester, sur le point de contracter un mariage secret, allait être envoyé à l'étranger. Le duc de Brunswick délaissait sa femme, depuis qu'il avait découvert qu'elle était atteinte du mal royal d'Angleterre et avait un cautère sur la jambe.

Dans cette même lettre, et à la suite de ces nouvelles piquantes — qui toutefois ne sont pas toujours négligeables en politique —, d'Éon effleure un point du plus haut intérêt : ce sont les ouvertures que lord Bute, l'ancien ministre, lui aurait faites en vue d'une restauration éventuelle des Stuarts ; lui-même ajoutait, il est vrai, qu'à son avis les hommes et les choses n'étaient pas encore mûrs[4]. Le comte de Broglie s'empressa de lui répondre qu'il devait donner suite à ces propositions, sans toutefois s'engager ; mais ce projet, si souvent envisagé par la France, fut dans la suite encore une fois abandonné. La même année d'Éon annonça au cabinet de Versailles et à l'ambassadeur d'Espagne, le prince de Masseran, a les desseins que l'Angleterre avait formés d'envahir, à la prochaine guerre, le Mexique et le Pérou, d'après les plans du marquis d'Aubarède, qui recevait une pension de l'Angleterre[5]. Le champ de ses informations ne se bornait pas du reste à l'Angleterre ; les relations qu'il avait conservées en Russie lui permettent, en 1769, d'informer le roi de l'expédition que l'impératrice projetait alors contre les Turcs et qui eut lieu, en effet, huit mois plus tard.

Dans une affaire qui, à la même époque, eut à Londres un grand retentissement, d'Éon dut jouer un rôle plus actif dont il se tira fort adroitement et qui lui valut les félicitations des deux Cours et de toute la société anglaise. A ce moment, en effet, l'opposition libérale, qui sous l'impulsion de Wilkes avait grandi de jour en jour, tenta un dernier effort pour renverser le cabinet. Le Dr Musgrave, un des leaders du parti, venait de faire paraître un virulent libelle intitulé : Address to the gentlemen, clergy and freeholders of the country of Devon. Il y renouvelait les insinuations contre lesquelles d'Éon avait déjà protesté dans les journaux dès 1764 et qui laissaient croire que la princesse de Galles, lord Bute, le duc de Richemond, lord Égremont et lord Halifax avaient reçu de l'argent de la France au moment de la conclusion des traités. Dans cet opuscule le Dr Musgrave se disait à même de fournir sur ces faits de nouvelles preuves et de nouveaux témoignages, qu'il avait recueillis dans un récent séjour à Paris. Il assurait que les offres vénales avaient été faites par l'intermédiaire du chevalier d'Éon qui devait encore se trouver possesseur des documents relatifs à cette affaire. Enfin, s'attaquant directement à lord Halifax, il lui reprochait de s'être refusé dans un intérêt personnel à ouvrir une enquête publique sur les papiers de d'Éon et à mettre en cause le chevalier. Il invitait ce lord à justifier ses actes devant le parlement. Le secrétaire d'État n'hésita pas à relever le défi du Dr Musgrave et, dans un éloquent discours, repoussa victorieusement ses accusations. Le parlement les déclara sans fondement et décerna un blâme à l'orateur qui les avait formulées. D'Éon avait d'ailleurs contribué de tout son pouvoir au succès de lord Halifax, protestant, avant le débat, contre ce libelle par des dépositions et des publications. Il avait dès le principe adressé au Dr Musgrave la lettre suivante qui fut reproduite par les périodiques de l'époque :

Monsieur, vous me permettrez de croire que je ne suis pas plus connu de vous que je n'ai l'honneur de vous connaître, et si dans votre lettre du 12 août vous n'aviez pas fait un mauvais usage de mon nom, je ne me trouverais pas obligé d'entrer en correspondance avec vous. Vous prétendez que pendant l'été de 1764 des ouvertures ont été faites en mon nom à plusieurs membres du parlement. Je me serais dit prêt à convaincre trois personnes, dont deux pairs et membres du Conseil privé, d'avoir vendu la paix aux Français, et vous semblez y trouver la preuve évidente de l'accusation que vous portez vous-même contre lord Halifax. Je déclare donc ici que je n'ai jamais fait ni fait faire de semblables ouvertures, soit dans l'hiver ou dans l'été de 1764, ou à quelque autre époque... Je vous somme donc de dévoiler au public le nom de l'audacieuse personne qui a fait usage du mien pour découvrir ses propres et odieuses propositions... Je vous certifie ici, sur ma parole d'honneur et à la face du public, que je ne puis vous être d'aucune sorte d'utilité, que je ne suis jamais entré en aucune négociation pour la vente de papiers et ni moi-même, ni aucun agent autorisé par moi n'a offert de révéler que la paix avait été vendue à la France. Si lord Halifax m'avait fait citer, il aurait su par mes réponses quelles étaient mes pensées ; que l'Angleterre a plutôt payé la France, que la France l'Angleterre, pour conclure la dernière paix et que le bonheur que j'ai eu de concourir au travail de la paix m'a inspiré les sentiments de la plus juste vénération pour les commissaires anglais qui y ont été employés... Dans le but de vous rendre aussi prudent que patriote, je signe cette lettre et y joins mon adresse afin que, pour le maintien de votre bonne foi, vous puissiez me fournir les moyens de confondre publiquement ces calomniateurs qui ont osé se servir de mon nom d'une manière encore plus contraire aux faits qu'à la dignité de mon caractère[6].

 

Cette réponse fut accueillie avec une égale satisfaction par les deux gouvernements qui, n'ayant pas d'intérêt à voir jeter sur ces faits une lumière trop éclatante, ne manquèrent pas de joindre leurs éloges à ceux que l'opinion avait déjà décernés au chevalier.

Cependant, s'il n'avait point eu de relations avec le docteur Musgrave, d'Éon avait su s'attacher un autre tribun populaire, le célèbre Wilkes. Il avait même, un moment, proposé au cabinet de Versailles d'aider le grand agitateur dans une conjuration contre la maison de Hanovre. Le comte de Broglie s'était presque laissé convaincre ; mais le roi avait refusé de se lancer dans cette folle équipée. On avait dépêché à Londres Drouet, le secrétaire du comte de Broglie, pour arrêter cette entreprise. D'Éon malgré tout n'avait point rompu avec Wilkes ; il songeait même à l'employer d'une autre manière et écrivait au comte de Broglie :

Voulez-vous avoir une sédition à la rentrée du Parlement, aux élections prochaines ? Il faudra tant pour Wilkes, tant pour les autres... Wilkes nous coûte très cher, mais les Anglais ont le Corse Paoli qu'ils ont accueilli chez eux et qu'ils nourrissent aussi à notre intention. C'est une bombe qu'ils gardent toute chargée pour la jeter au milieu de nous au premier incendie. Gardons bombe pour bombe[7].

 

Toutes ces intrigues témoignent de l'ingénieuse activité que d'Éon ne cessait de déployer à propos de tout. Il était toujours à l'affût, toujours prêt à partir sur la première piste que l'occasion lui offrait ou même que son imagination lui fournissait. Si cuisantes qu'aient été les blessures de son amour-propre, si mortifiants que lui aient paru les déboires de son ambition, d'Éon ne se résigna pas à devenir inutile, à être oublié. Grisé par un trop rapide succès, il a contracté une maladie plus rare à cette époque qu'elle ne l'est aujourd'hui, la maladie de la réclame. Il faut qu'on s'occupe de lui, fût-ce pour le blâmer, et à l'obscurité d'un honnête serviteur du roi il préfère la mauvaise réputation de l'aventurier. Il croit d'ailleurs qu'en rendant au roi, fût-ce même sans en avoir reçu mandat, de nouveaux services, il augmentera ses droits au paiement d'une pension qui lui est bien irrégulièrement servie. La cassette royale était souvent vide, comme le révèlent la plupart des lettres secrètes. Le pauvre chevalier se trouvait donc à court d'argent ; il implorait le duc de Choiseul, renouvelait ses plaintes auprès du duc d'Aiguillon, qui venait, avec la protection de Mme du Barry, de remplacer le duc de Praslin au ministère des Affaires étrangères ; il suppliait le comte de Broglie : Je me meurs de faim, écrivait-il à ce dernier, entre les deux pensions que vous m'avez données, comme l'âne de Buridan entre les picotins placés à ses côtés, mais que sa bouche ne peut atteindre[8]. Il se désespérait et bien qu'ayant toujours refusé les offres du cabinet anglais qui lui proposait une situation égale, mais plus exactement rémunérée, s'il voulait solliciter des lettres de naturalisation, il eût quitté volontiers le service de la France, pourvu que ce fût au profit d'une nation amie.

II songeait en effet sérieusement à passer en Pologne, où les seigneurs venaient de se choisir pour roi Stanislas Poniatowski, le favori de Catherine II. D'Éon, pendant son séjour en Russie, avait mis tous ses soins à s'attirer la faveur d'un prince très brillant et particulièrement cher à l'impératrice, et il y avait réussi pleinement. Aussi s'empressa-t-il, lors de l'élection de Stanislas, d'offrir au nouveau roi ses respectueuses félicitations, et de lui exprimer le bonheur qu'il éprouverait à passer à son service. Stanislas lui ayant répondu avec bienveillance et l'ayant même invité à le rejoindre à Varsovie dès qu'il le pourrait[9], d'Éon lui écrivit aussitôt une lettre pleine d'effusion et de reconnaissance, dont il conserva la copie et où lui-même se met complaisamment en valeur, afin sans doute d'obtenir un engagement plus avantageux :

Sire, écrivait-il, quand je n'aurais pas eu le bonheur de vous être attaché par les sentiments dès ma jeunesse, il faudrait que je sois insensible pour n'être pas touché de la réponse dont Votre Majesté a daigné m'honorer le 26 février dernier. Mon cœur en est si pénétré que, s'il suivait ses premières impulsions, je partirais sur-le-champ pour jouir du précieux avantage de vous faire ma cour en Pologne ; mais le devoir m'oblige de vous en demander auparavant la permission.

J'ai eu cent fois l'envie de passer il y a plusieurs années en Pologne pour offrir à Votre Majesté mes services tant dans le militaire que dans la politique ; mes malheurs m'ont toujours retenu dans la crainte que Votre Majesté ne regardât mon offre comme intéressée et provenant uniquement de la nécessité d'une position.

Je prendrais la liberté de Lui exposer naturellement que de ma fortune passée il me reste à Londres quinze mille livres tournois de rente et une bibliothèque de trois mille volumes, composée en grande partie de livres rares et de manuscrits anciens et modernes. Avec cela je vis tranquille, en philosophe exilé au sein de la liberté, et avec un petit nombre de seigneurs anglais qui ont de l'amitié pour moi ; mais votre dernier malheur et bonheur et vos bontés particulières me font souvenir, Sire, que n'ayant que quarante ans et une bonne santé ; que possédant encore mon courage, mon épée et quelque expérience à la guerre et dans la politique, je pourrais, en tant qu'il serait en mon pouvoir, servir et venger la cause d'un roi qui me connaît personnellement et un roi dont la bonté fait la gloire, qui aime la vérité comme Socrate et les hommes comme Titus.

Si mes faibles talents peuvent être agréables à Votre Majesté, au premier ordre qu'Elle daignera me donner, je volerai avec tous les débris de tua petite fortune pour les sacrifier au service de Votre Majesté.

Recevez, Sire, etc...

P. S. — Depuis mon retour de la terre de mylord Ferrers mon premier empressement a été de faire ma cour à Son Altesse le jeune prince Poniatowski, qui a parfaitement réussi à Londres. Il m'a fait l'honneur d'accepter un dîner philosophique chez moi avec M. de Lind, son digne mentor, et de me promettre de faire parvenir sûrement cette lettre à Votre Majesté. Si Elle daigne me faire faire une réponse, je La supplie de ne la point faire passer par la France, mais de me la faire parvenir par le canal de Son Altesse le Prince votre neveu ou de votre envoyé à Londres[10].

 

D'Éon, toujours obsédé du souvenir de sa scandaleuse querelle, n'omettait point de joindre à sa lettre un exemplaire des ouvrages qu'il avait, disait-il[11], été forcé de publier dans sa malheureuse et vieille guerre civile contre le défunt ambassadeur de France, M. de Guerchy.

Les papiers de d'Éon ne permettent pas de croire qu'il reçut une réponse à cette lettre, ou s'il en obtint une, ce fut de vive voix et par l'intermédiaire d'un chambellan du roi de Pologne qui se trouvait à Londres[12]. En tout cas, d'Éon dut certainement hésiter à donner suite à ce séduisant projet, car M. de Broglie, auquel il avait demandé l'autorisation de passer au service de la Pologne, lui répondit que le vœu du roi était qu'il ne quittât point Londres, sans les ordres de Sa Majesté, qu'il n'y avait point de lieu où il se trouvât plus en sûreté contre la malice de ses ennemis et où il pût servir plus utilement le roi. Il lui conseillait d'entretenir une correspondance avec le roi de Pologne, le comblait de compliments et lui marquait, en terminant, que Sa Majesté était sûre de son attachement et de sa fidélité[13]. Si d'Éon, en faisant au ministre secret la confidence de son projet, n'avait eu pour but que de faire monter le prix de son travail et de sonder les dispositions du roi à son égard, il put se rendre compte que les services qu'il s'était employé à rendre dans un exil volontaire n'avaient point suffi à effacer dans l'esprit du souverain le mauvais souvenir de ses incartades. Plus sévère pour lui-même, il ne se fût point étonné d'une rigueur méritée ; mais d'Éon se jugea toute sa vie avec une indulgence particulièrement complaisante. Il se croyait sincèrement une victime de la politique et se trouvait de nombreux points de ressemblance avec les héros antiques, avec cet infortuné Caton, auquel un illustre docteur en théologie d'Oxford n'avait pas craint de le comparer autrefois dans ce pompeux quatrain :

Exul ades, nimium felix ! tu victima veri

Causa boni, patriæ facta, d'Eone, tua est !

Curia quondam habuit Romana Catonem,

Majorem sed habet jam Gallicana suum[14].

La lettre du comte de Broglie dut le confirmer dans son orgueilleuse conviction ; mais il en fut en en même temps fort dépité, étant trop avisé pour prendre le change à ces belles assurances et ne point voir qu'on exigeait de lui qu'il se fît oublier. C'était la peine la plus cruelle que l'on pût lui infliger. Aussi sa destinée fut désormais tracée ; par une pente fatale elle devait le pousser de plus en plus avant sur le chemin des aventures. Il va devenir le prisonnier d'une popularité qu'il a mis jadis tant de soins à rechercher ; l'attention de ses contemporains, si complaisamment provoquée, s'attachera maintenant à lui jusqu'à l'importuner et le mettra en scène dans une situation aussi singulière qu'humiliante. Il ne tardera pas d'ailleurs à prendre allègrement son parti des inconvénients d'une telle célébrité, et en s'abandonnant aux aventures les plus bouffonnes, en multipliant les équivoques, il se fera en marge de l'histoire une place énigmatique et, encore aujourd'hui, bien gardée.

Au cours de ses démêlés avec son ambassadeur, d'Éon n'avait pas eu scrupule à employer invectives sur invectives ; mais il avait dû en retour s'exposer aux plus blessantes ripostes. On était allé jusqu'à lancer contre lui une bizarre insinuation qui n'était point restée inaperçue et qui, habilement exploitée et colportée, avait fini par intriguer un peuple à l'affût d'excentricités. Un des libellistes à la solde du comte de Guerchy avait élevé des doutes sur le sexe du chevalier, dont l'uniforme de dragon, disait-il, devait cacher une femme ou un hermaphrodite. L'extérieur frêle de d'Éon, sa taille petite et élancée, les traits délicats de son visage presque imberbe prêtaient à l'illusion. On ne connaissait dans sa vie aucune de ces intrigues dont on n'avait point coutume alors de faire mystère. D'Éon, qui, dans le feu de la polémique, n'avait probablement attaché aucune importance à cette singulière injure, n'y avait pas répondu. Elle devait du reste lui être moins qu'à tout autre sensible, car il avait l'habitude de parler ouvertement de la froideur singulière de sa nature, prenant en bonne part les railleries que ne lui avaient épargnées ni le marquis de L'Hospital ni le duc de Nivernais[15]. A Londres, son entourage s'était souvent étonné d'une telle contradiction en un si exubérant personnage. On avait remarqué, rapporte un contemporain, que d'Éon auquel, dans les châteaux où il fréquentait, on avait souvent proposé des mariages avec les personnes les mieux apparentées et dotées, s'était toujours refusé à toute entrevue et avait quitté immédiatement la place ; exode rapide que l'on attribuait à la réalité de son sexe féminin[16].

L'ambassadeur de France lui-même, qui était alors M. du Châtelet, s'était persuadé que d'Éon était une fille, et n'avait pas tardé à informer le roi de la rumeur publique qui avait commencé à se répandre lors de l'arrivée à Londres de la princesse Daschkow. Celle-ci, nièce du grand chancelier de Russie Woronzow, qui avait si puissamment aidé l'impératrice Catherine II à se défaire de son royal époux et à monter sur le trône, se trouvait exilée par l'ordre même de sa souveraine. Elle s'était réfugiée en Angleterre et n'avait pas manqué de raconter à la Cour et dans les salons qu'elle connaissait de longue date le chevalier, dont les excentricités défrayaient toutes les conversations. Par elle on apprit que jadis d'Éon se serait introduit au palais impérial de Saint-Pétersbourg sous des habits de femme et que, dupe du déguisement, l'impératrice Élisabeth aurait admis le jeune officier de dragons dans le cercle de ses filles d'honneur. La princesse colporta même les plaisanteries que cette aventure aurait values à d'Éon de la part de son chef, le marquis de L'Hospital, et de tous ceux qui avaient été informés de cette singulière intrigue. Ces récits, qui fixèrent la conviction des plus crédules et piquèrent la curiosité des sceptiques, firent du sexe du chevalier d'Éon l'énigme à la mode. Ils provoquèrent toute une série de ces paris qui faisaient alors fureur à Londres et auxquels le moindre événement servait de matière. Des polices d'assurances furent contractées au Brook's et au White's Clubs. Les cafés affichèrent la cote et des bordereaux qui nous ont été conservés montrent que les enjeux s'élevaient couramment à des milliers de guinées[17].

La nouvelle ainsi exploitée ne tarda pas à franchir le détroit ; elle causa à Paris un étonnement non moins vif et fut mise à l'ordre du jour dans les salons comme dans les milieux officiels. Le chroniqueur littéraire et politique de l'époque, Bachaumont, relate à la date du 25 septembre 1771 : Les bruits accrédités depuis plusieurs mois que le sieur d'Éon, ce fougueux personnage si célèbre par ses écarts, n'est qu'une fille revêtue d'habits d'homme ; la confiance qu'on a prise en Angleterre à cette rumeur, au point que les paris pour et contre se montent aujourd'hui à plus de cent mille livres sterling, ont réveillé à Paris l'attention sur cet homme singulier[18]... Ce témoignage, qu'il est aisé de vérifier par les journaux de l'époque, n'exagère en rien l'intérêt avec lequel le public français continuait à suivre d'Éon dans ses aventures. Il serait difficile d'ajouter foi aujourd'hui à de pareilles extravagances si les portraits du héros et les caricatures les plus variées qui parurent alors ne nous étaient parvenus et si l'on ne retrouvait les traces de cette curiosité dans les périodiques et les recueils des diverses capitales. Journalistes, dessinateurs, chansonniers, petits poètes exerçaient à l'envi leur verve à son profit. C'est ainsi qu'entre tant d'autres pièces fugitives on retrouve dans l'Almanach des Muses de 1771 ces quelques vers d'une crédulité flatteuse et d'une bienveillante ironie :

À MADEMOISELLE***

QUI S'ÉTAIT ÉGUISÉE EN HOMME

Bonjour, fripon de chevalier,

Qui savez si bien l'art de plaire

Que par un bonheur singulier

De nos beautés la plus sévère,

En faveur d'un tel écolier,

Déposant son ton minaudier

Et sa sagesse grimacière,

Pourrait peut-être s'oublier,

Ou plutôt moins se contrefaire.

Mon cher, nous le savons trop bien,

(Le ciel en tout est bon et sage),

Pour un si hardi personnage

Dans le fond vous ne valez rien.

Croyez-moi : reprenez un rôle

Que vous jouez plus sûrement.

Que votre sexe se console,

Du mien vous faites le tourment

Et le vôtre, sur ma parole,

Vous doit son plus bel ornement.

Hélas, malheureux que nous sommes !

Vous avez tout pour nous charmer ;

C'est bien être au-dessus des hommes

Que de savoir s'en faire aimer !

D'ARNAUD.

 

Ce regain d'actualité n'était point pour déplaire au vaniteux chevalier, que la mort de son antagoniste avait réduit à un calme relatif. Il n'hésita pas à braver le ridicule, ayant d'ailleurs donné assez de preuves de virilité, l'épée, le sabre ou la plume à la main. Il se plut à laisser dire. Les femmes se montraient particulièrement intriguées et presque désireuses de compter parmi elles le bouillant chevalier. Aussi la curiosité les poussait-elles à lui demander directement le mot de l'énigme, comme le fit avec une audacieuse ingénuité la fille du tribun Wilkes :

Mlle Wilkes, écrivait-elle[19], présente ses respects à M. le chevalier d'Éon et voudrait bien ardemment savoir s'il est véritablement une femme, comme chacun l'assure, ou bien un homme. M. le chevalier serait bien aimable d'apprendre la vérité à Mlle Wilkes, qui l'en prie de tout son cœur. Il sera plus aimable encore de venir dîner avec elle et son papa aujourd'hui ou demain, enfin le plus tôt qu'il pourra.

 

Si une curiosité aussi naïvement exprimée n'avait rien que de charmant, l'intérêt, beaucoup plus positif que l'équivoque, avait éveillé dans le monde des parieurs, se manifestait avec plus de hardiesse et d'impatience ; il était aussi plus difficile à dérouter et d'Éon ne tarda pas à connaître de nouveau les inconvénients de la célébrité. Non seulement les gazettes relataient journellement les paris, mais on commença à faire paraître sur le chevalier les estampes satiriques les plus burlesques. Le désir de pousser d'Éon à bout augmentait chaque jour l'insolence des parieurs, qui allèrent jusqu'à prétendre que le chevalier profilait des spéculations engagées à son sujet. Cette dernière insinuation décida d'Éon à rompre le silence qu'il avait gardé jusqu'alors et à protester énergiquement. Il se rendit le 20 mars à la Bourse et dans les différents cafés voisins et là, en uniforme, la canne levée, se fit demander pardon par le banquier Bird, qui le premier avait levé une assurance aussi impertinente. Bird, malgré ses excuses, assura que, suivant un acte du Parlement, il avait aussi bien que les autres banquiers le droit de faire les paris les plus extraordinaires, même sur la famille royale, excepté sur la vie du roi, de la reine et de leurs enfants. D'Éon, qui rapporte cet incident dans une lettre au comte de Broglie, ajoute[20] : J'ai défié le plus incrédule et le plus insolent de toute l'assemblée — qui allait à plusieurs milliers de personnes — de combattre contre moi avec telle arme qu'il voudrait ; mais pas un seul de ces adversaires mâles de cette grande ville n'a osé parier contre ma canne, ni combattre contre moi, quoique je sois resté depuis midi jusqu'à deux heures à leur assemblée. Cette sortie pleine de crânerie n'eut pas tout l'effet que d'Éon en attendait ; ses adversaires, intimidés et redoutant une lame aussi renommée, ne relevèrent pas le défi, mais leur curiosité demeura aussi vive et si entreprenante que notre chevalier dut, à quelques jours de là, donner une preuve plus manifeste d'un sexe qu'il imprima d'une façon très mâle sur la face de deux impertinents[21]. Sans cesse en butte à de semblables insolences et prévenu qu'un groupe de gros parieurs était décidé à s'emparer par ruse ou par force de sa personne, d'Éon comprit que, pour éviter une telle humiliation et un si éclatant ridicule, il ne lui suffisait pas de se cacher dans Londres, comme il avait pu le faire autrefois, ou même de s'enfermer pendant quelque temps dans sa maison de Brewer-Street. Il se résolut à suivre les conseils de son puissant ami le comte Ferrers et à accepter l'hospitalité de ce lord dans sa terre de Staunton Harold. De là il comptait se rendre en Irlande, où il passerait plusieurs mois, et n'en reviendrait qu'au moment où l'effervescence se serait calmée. Il partit donc sans prendre congé d'aucun de ses amis et informa seulement le comte de Broglie de sa fuite. Dans cette lettre, il protestait avec énergie contre les bruits qui l'accusaient d'être intéressé à ces assurances et, découragé, terminait par cet aveu, évidemment sincère, et qui explique bien les actes de cette vie aventureuse : Je suis assez mortifié, disait-il[22], d'être encore tel que la nature m'a fait et que le calme de mon tempérament naturel ne m'ayant jamais porté aux plaisirs, cela a donné lieu à l'innocence de mes amis d'imaginer tant en France qu'en Russie et en Angleterre que j'étais du genre féminin et la malice de mes ennemis a fortifié le tout.

D'Éon parcourut, sous un faux nom, le nord de l'Angleterre, séjourna quelques semaines en Écosse et se disposait à gagner l'Irlande lorsqu'il apprit par les gazettes des nouvelles qui le firent renoncer à ses projets. Ses amis, inquiets de sa disparition et redoutant qu'il n'eût été victime d'un attentat de la part des joueurs, le faisaient rechercher à Londres et publiaient son signalement. Ses créanciers, non moins anxieux, venaient de requérir l'apposition des scellés sur la porte de son logement ; enfin on l'accusait ouvertement de participer aux paris. Craignant pour ses papiers le zèle indiscret des uns et des autres, d'Éon se hâta de regagner Londres. Il se rendit dès son arrivée chez le lord-maire et lui remit une déposition sous serment qui affirmait qu'il n'était a pas intéressé pour un shilling, directement ni indirectement, dans les polices d'assurances, que l'on faisait sur son sexe. Le Public Advertiser publia le soir même cet affidavit, et d'Éon, soucieux de se disculper d'une telle allégation aux yeux de son chef, lui envoyait un extrait du journal, non sans l'accompagner de nouvelles protestations. Désespéré de son impuissance, il lui écrivait[23] : Ce n'est pas ma faute si la fureur des paris de toutes sortes d'objets est une maladie nationale parmi les Anglais. Je leur ai prouvé et prouverai tant qu'ils voudront que je suis non seulement un homme, mais un capitaine de dragons, et les armes à la main.

Il est curieux de voir d'Éon revendiquer à cette date, avec une telle énergie — car c'est la dernière fois qu'il le fit sans ambigüité —, son véritable sexe. Dès ce moment d'Éon commence à concevoir l'idée de l'audacieuse comédie qu'il ne se décidera à jouer que beaucoup plus tard et dont ses contemporains eux-mêmes lui auront fourni le thème. Sa résolution de se transformer en femme fut prise entre le mois de juillet 1771 et le mois d'avril 1772. S'il se garda encore pendant plus d'une année de faire à ses protecteurs l'aveu de son sexe supposé, s'il hésita encore à rendre officielle sa métamorphose, il se montra moins réservé vis-à-vis d'un ami qui en prévint le ministre secret, et par celui-ci le roi. D'Éon fit ses premières confidences à Drouet, le secrétaire du comte de Broglie, qui se trouvait alors de passage à Londres. Celui-ci n'ayant pas manqué de le plaisanter au sujet du sexe que déjà on lui attribuait également à Paris, d'Éon se récria et, au grand étonnement de son interlocuteur, affirma qu'il était véritablement une femme. Ses parents, disait-il, trompés à sa naissance par des apparences douteuses, et désirant surtout, comme dans toute famille noble, avoir un héritier mâle, lui avaient imposé un autre sexe que celui qu'il avait reçu de la nature. Ses goûts et son éducation lui avaient permis de jouer son rôle publiquement et ses talents de fournir une belle carrière.

A l'appui de cette thèse, d'Éon déploya toute l'éloquence dont il était capable et, devant l'incrédulité persistante de Drouet, il se livra à une comédie déplacée qu'il devait renouveler plus tard en présence de l'aventurier Morande ; il sut trouver des preuves capables de convaincre entièrement le secrétaire du comte de Broglie. Celui-ci, dès son retour, rapporta cette révélation inattendue à son maître, qui écrivit en mai 1772 au roi[24] :

Je ne dois pas, à ce sujet, oublier d'instruire Votre Majesté que les soupçons qui ont été élevés sur le sexe de ce personnage extraordinaire sont très fondés. Le sieur Drouet, à qui j'avais recommandé de faire de son mieux pour les vérifier, m'a assuré à son retour qu'il y était en effet parvenu et qu'il pouvait me certifier... que le sieur d'Éon était une fille et n'était qu'une fille, qu'il en avait tous les attributs... il a prié le sieur Drouet de lui garder le secret, observant avec raison que, si cela était découvert, son rôle serait entièrement fini... Puis-je supplier Votre Majesté de vouloir bien permettre que sa confiance dans son ami ne soit pas trahie et qu'il n'ait pas à le regretter ?

 

Il est difficile de croire que cette lettre ait pu suffire à persuader un monarque aussi fin et qui avait jugé dès longtemps d'Éon à sa mesure exacte ; comme Voltaire, Louis XV ne dut voir dans tout cela qu'une ridicule mascarade dont la première nouvelle l'avait quelques mois auparavant laissé sceptique, et l'étonnement même qu'il en avait témoigné alors dément l'assertion qui ferait du souverain le complice secret du chevalier. C'est la thèse que Casanova n'a pas craint de soutenir dans ses Mémoires :

Le roi seul savait et avait toujours su que d'Éon était une femme et toute la querelle que ce faux chevalier eut avec le bureau des Affaires étrangères fut une comédie que le roi laissa aller jusqu'à sa fin pour s'en divertir... Personne ne possédait mieux que lui la grande vertu royale qu'on nomme dissimulation. Gardien fidèle d'un secret, il était enchanté quand il se croyait sûr que personne que lui ne le savait[25].

 

 

 



[1] Le comte de Broglie au chevalier d'Éon, 11 juillet 1766. (Archives des Affaires étrangères.)

[2] Le comte de Broglie d'Éon, 30 juin 1767. (Papiers inédits de d'Éon.)

[3] Le duc DE BROGLIE, le Secret du roi, t. II, p. 462.

[4] D'Éon au comte de Broglie, 15 mars 1766. — Cité par GAILLARDET, p. 388.

[5] Papiers inédits de d'Éon.

[6] Gentleman's Magazine, vol. XXXIX, cité par M. TELFER, The strange Career of the chevalier d'Éon de Beaumont, p. 203 et suivantes.

[7] Lettre de d'Éon au comte de Broglie, citée par GAILLARDET, p. 386.

[8] Lettre de d'Éon au comte de Broglie, citée par GAILLARDET, p. 184.

[9] Le roi de Pologne au chevalier d'Éon, 26 février 1772. (Papiers inédits de d'Éon.)

[10] D'Éon au roi de Pologne, 10 avril 1772. (Papiers inédits de d'Éon.)

[11] D'Éon au roi de Pologne, 10 avril 1772. (Papiers inédits de d'Éon.)

[12] Il est fait allusion à ce personnage, aux entretiens que d'Éon eut avec lui et à un projet de correspondance secrète avec la Pologne par l'intermédiaire de d'Éon, dans une lettre de d'Éon au comte de Broglie (Papiers inédits de d'Éon), dans une lettre de Louis XV au comte de Broglie (BOUTARIC, Correspondance secrète, t. I, p. 430) et dans la lettre citée à la note suivante.

[13] Le comte de Broglie à d'Éon, 11 mai 1772. — BOUTARIC, Correspondance secrète, t. I, 430.

[14] Political Register, 1768, cité par M. TELFER, The strange Career of the chevalier d'Éon de Beaumont, p. 344.

[15] Gaillardet n'a omis de citer aucune de ces lettres grivoises ; v. pages 80, 95, 99, etc.

[16] B. TELFER, The strange Career of the chevalier d'Éon de Beaumont, p. 209, où il cite John TAYLOR, Records of my life, p. 338.

[17] Manuscrits du British Museum.

[18] BACHAUMONT, Mémoires secrets, t. V, p. 322.

[19] Lettre de Mlle Wilkes au chevalier d'Éon, citée par GAILLARDET, p. 196.

[20] D'Éon au comte de Broglie, 25 mars 1771, citée par GAILLARDET, p. 190.

[21] D'Éon au comte de Broglie, 16 avril 1771, citée par GAILLARDET, p. 192.

[22] D'Éon au comte de Broglie, 7 mai 1771, citée par GAILLARDET, p. 193.

[23] D'Éon au comte de Broglie, 5 juillet 1771, citée par GAILLARDET, p. 195.

[24] Le comte de Broglie au roi, mai 1772, citée par le duc DE BROGLIE dans le Secret du Roi, t. II, p. 468, en note.

[25] Mémoires de Jacques Casanova, Bruxelles, Royez, 1871, t. II, p. 237.