ROME, LA GRÈCE ET LES MONARCHIES HELLÉNISTIQUES AU IIIe SIÈCLE AVANT J.-C. (273-205)

 

CHAPITRE QUATRIÈME. — LA SECONDE GUERRE D'ILLYRIE (219). LES ROMAINS ET LA GUERRE-DES-ALLIÉS (219-217). LA PAIX DE NAUPAKTE (217).

  

 

§ IV. — LA PAIX DE NAUPAKTE.

Mais pas une quinquérème ne parait en vue des côtes grecques. Chose étrange : cette mer du Sud-Est, italienne autant qu'hellénique, qu'ils ont naguère eu soin de fermer aux Illyriens, les Romains, à présent, permettent à Philippe de la parcourir, d'y manœuvrer et d'y séjourner tout à l'aise. Il peut, sans qu'ils en prennent ombrage, atterrir  à Képhallénia et mettre le siège devant Palé, remonter jusqu'à Leukas et mouiller ses vaisseaux dans le golfe d'Ambrakia ; tout à l'heure, ils le laisseront s'emparer de Zakynthos[1]. Ce que sont Zakynthos, Képhallénia, Leukas, ce qu'est la ville d'Oiniadai, enlevée par le roi aux Aitoliens[2] — des escales naturelles, des relâches toutes marquées sur la route de l'Illyrie et de l'Italie[3] des points d'appui, des όρμητήρια, d'où il est possible de menacer Kerkyra et de forcer le détroit — ils semblent l'ignorer ou ne s'en plus souvenir. Et surtout, négligeant de lui disputer la mer, ils donnent a Philippe licence de prendre sur les Aitoliens un avantage décisif ; si bien que, déçus et meurtris, les Confédérés se fatiguent d'une aventure dont ils s'étaient promis conquêtes et butin[4], et qui ne leur apporte que déboires et dommages.

Jugeant décidément trop fort l'adversaire follement méprise ; n'osant plus risquer l'offensive[5] et désespérant, après épreuve faite, de pouvoir soutenir la défensive[6] ; voyant quatre de leurs villes aux mains de l'ennemi et cinq autres incendiées ou rasées[7] ; voyant l'Aitolie démantelée sur sa frontière de l'Ouest[8] et ses rivages offerts aux insultes de l'ennemi[9] ; voyant Thermos, jusque là inviolée, l'acropole[10] et le sanctuaire de leur nation, devenue un amas de ruines, ils se laissent glisser à la paix[11]. Dès l'automne de 218, endoctrinés par les représentants des États neutres, Rhodes et Khios[12], prêchés aussi sans doute par les modérés, hostiles au parti belliqueux, les adversaires de Skopas, comme Agélaos de Naupakte[13], qui reprennent autorité sur eux, ils sont près de s'y résigner. A la vérité, espérant encore un retour de fortune, ils ne s'y résignent qu'à regret. Avertis de la révolte des peltastes à Corinthe, des troubles qui se sont émus dans l'entourage de Philippe et des complots qu'on prête à certains de ses ministres, ils ajournent les pourparlers déjà consentis et se remettent en campagne[14]. Et, par là, on peut imaginer quelle ardeur eût rallumée en eux et de quel élan les eût soulevés la perspective d'un secours envoyé d'Italie. Mais, au printemps suivant, la chute de Thèbes-de-Phthiotide, réduite par Philippe au bout de quinze jours[15], les exhortations des Alexandrins[16], autrefois leurs constants alliés contre la Macédoine et qui maintenant les pressent de céder au destin, le mauvais succès des entreprises tentées en Messénie en Achaïe[17], l'arrivée de Philippe dans le Péloponnèse[18] d'où il menace l'Élide par terre et l'Aitolie par mer, ont raison de leur courage lassé. Ils consentent à traiter moment que choisit Philippe, au moment où la nouvelle, qui lui est secrètement apportée, de la journée du Trasimène[19], éveillant en lui d'immenses espérances, le décide tout d'un coup à poser les armes[20]. A l'automne de 217[21], vers le temps ,où, revenue de son inutile croisière le long des rivages africains, la grande flotte romaine de 120 vaisseaux rentre à Lilybée[22] pour s'y tenir au repos, les deux Grèces se réconcilient par la volonté du roi de Macédoine. Convoqués en hâte à Naupakte, les Aitoliens et les synèdres des Alliés en rapportent, chacun dans leur patrie, pour parler comme Polybe, la paix a la place de la guerre[23].

Combien cette paix est préjudiciable aux intérêts romains, à peine est-il besoin de le dire. Ces intérêts exigeaient que le Macédonien fût affaibli et fût paralysé. Or, les accords conclus à Naupakte ont pour premier effet de consacrer sa puissance[24]. De la guerre qui prend fin parce qu'il lui a plu d'y mettre un terme, Philippe sort, non seulement avec une armée intacte — car, sans cesse victorieux, il a eu l'art de l'être sans jamais livrer de bataille rangée —, non seulement enrichi de villes et de territoires[25], mais fortifié de ce renom d'invincible que lui valent ses éclatants débuts et sa gloire imprévue : craint des barbares[26] qui grouillent aux entours de la Macédoine et qui en sont les pires ennemis ; redouté et respecté des Aitoliens que, très sagement, en ne leur infligeant point de conditions humiliantes, il a pris soin de ne pas exaspérer[27] ; adoré de ses faibles alliés, qui, d'abord, n'osaient mettre en lui que de tremblants espoirs, mais qui, si bien protégés par ses armes, ayant reçu leur part des dépouilles de l'ennemi[28], l'aiment à présent comme l'amant son aimé[29] ; s'étant acquis, enfin, par tout le monde grec, un si fier prestige que la vieille ennemie de sa maison, l'Égypte, médite de se rapprocher de lui et de s'en faire un allié contre le Séleucide ; et que la Crète, unanime pour une fois, se range sous son patronage et tient à honneur de l'avoir pour προστάτης[30]. — Mais surtout, par la paix qu'il rend à la Grèce, Philippe se rend a lui-même sa liberté d'action : le voilà maitre, désormais, de porter son effort où il voudra, maître de l'appliquer à vider la querelle depuis douze ans pendante entre la Macédoine et Rome. Conclue, ou plutôt bâclée précipitamment, sur le bruit des victoires puniques, cette paix, c'est contre Rome qu'elle est faite. — Et, pourtant, on peut dire sans paradoxe qu'elle est l'ouvrage du gouvernement romain. Elle est son ouvrage en ce sens qu'il n'eût tenu qu'à lui d'y mettre obstacle. Il n'eût tenu qu'à lui de faire peser longtemps, lourdement, sur Philippe, de lui rendre peut-être accablant, ce fardeau de la guerre aitolique, que le roi secoue et rejette[31], sur l'avis de Démétrios, à l'heure qu'il juge utile. Les Romains n'ont pas voulu se mêler des choses de la Grèce, et c'est pourquoi Philippe, les prévenant, va pouvoir se mêler de celles de l'Italie[32].

A la vérité, comme la paix va se faire, le Sénat ouvre à demi les yeux. Pour la première fois et très tardivement, il paraît s'inquiéter des succès du Macédonien. Il songe à en troubler le cours, s'avise qu'il serait expédient de lui susciter un ennemi. Mais, point à retenir, ce n'est pas en Grèce où, peut-être, il serait possible encore de remettre debout les Aitoliens, c'est en Illyrie qu'il le va chercher. Peu enclin à varier ses méthodes, celle qu'il emploie contre Philippe est la même à peu près dont il a usé contre Teuta ; et, comme il s'est jadis servi de Démétrios, il se sert à présent de Skerdilaïdas[33].

A la fin du printemps de 217, prétextant que Philippe lésine sur sa solde et paie mal son concours[34], l'Illyrien rompt brutalement avec le roi, dont il était depuis deux ans l'allié, capture par trahison quatre de ses vaisseaux, exerce la piraterie à son détriment[35] ; et peut-être faut-il déjà voir là l'effet d'excitations et de promesses venues de Rome. Plus tard, dans le courant de l'été[36], il s'enhardit à de plus grandes entreprises, et l'on ne peut douter, cette fois, que la partie ne soit liée entre les Romains et lui[37]. A Naupakte, tandis qu'il s'occupe de presser la paix, Philippe apprend que ses frontières ont été forcées en deux points au Nord-ouest, Skerdilaïdas a pénétré jusqu'en Pélagonie ; à l'Ouest, perçant à travers les montagnes des Dassarètes et remontant la vallée de l'Apsos, il a, par menaces et promesses, décidé à la défection nombre de villes situées sur le cours moyen du fleuve, dont la grande place d'Antipatreia[38]. Si ces dernières conquêtes lui demeurent, il est visible que les Romains eux-mêmes y trouveront avantage car la distance s'élargira entre la Macédoine et les territoires qui leur sont soumis, Philippe sera refoulé vers l'Est écarté de la Basse-Illyrie, et, perdant Antipateia, verra se fermer devant lui la route facile que lui ouvrait l'Apsos vers la plaine d'Apollonia[39]. Mais les succès de Skerdilaïdas ne sauraient être durables, et les Patres se sont grandement leurrés s'ils ont compté qu'il suffirait de ce mince adversaire pour tenir le Macédonien en échec. A la fin de l'été, revenu du Péloponnèse dans son royaume avec toutes ses troupes[40], Philippe a tôt fait de mettre à la raison son trop remuant voisin. Dans une seule campagne, menée à grande allure, aisée du reste, car l'ennemi ne peut lui opposer de ferme résistance, il commence par reprendre à l'Illyrien tout ce qu'il a dérobé ; puis il fait sur lui des prises importantes[41], lui enlève plusieurs places au sud-ouest de la Dassarétide, se saisit de quelques autres proches du lac Lykhnidia, s'assure par là la possession des gorges précieuses de la Kandavia, celle aussi de la haute vallée du Genousos, qui débouche dans la plaine entre Épidamnos et Apollonia ; et, de la sorte, ayant porté vers l'Ouest, aussi loin qu'il a pu, ses postes avancés, il serre au plus près l'Illyrie romaine[42], la domine, et tient fortement deux des trois routes fluviales qui y descendent[43]. Tel est le résultat, exactement contraire au calcul des Romains, de l'inopportune agression de Skerdilaïdas. En le lançant contre Philippe au moment où la paix rendait au roi ses coudées franches, ils ont fait la plus fausse des manœuvres ; ayant seul affaire a si forte partie, l'Illyrien était vaincu d'avance. C'était plus tôt, alors qu'en Grèce la guerre battait son plein, qu'il l'eût fallu retourner et mettre en branle, afin d'ajouter ce nouvel ennemi a ceux que le Macédonien devait déjà combattre ; et surtout, il eût fallu prendre soin que son action se concertât avec celle des Aitoliens, de façon que, les aidant, il fût aidé par eux. Mais, à Rome, des Aitoliens et de la guerre hellénique, on n'a rien voulu savoir.

 

 

 



[1] Dans l'été de 217 : Polybe, V. 102. 10. Après avoir convoqué les synèdres des Alliés pour délibérer de la paix (102. 8), Philippe, qui a posé son camp à Panormos, en face de Naupakte (102. 9), fait voile jusqu'à Zakynthos, occupe l'île et revient à Panormos (102. 10).

[2] En 212, comme on le voit par Polybe (IX, 39. 2 ; Liv., 26. 24. 15), la ville d'Oiniadai appartenait aux Akarnaniens, et très certainement depuis nombre d'années. On admet d'ordinaire (E. Oberhummer, Akarnanien, 163 ; Salvetti, dans les Studi di stor. ant., II, 19 ; W. Judeich, P.-W., I, 1154, s. v. Akarnania) que Philippe la leur céda aussitôt après l'avoir prise aux Aitoliens. Cependant, lorsqu'il raconte la prise de la ville (IV, 65. 5-6), Polybe ne dit rien de cette cession, et ce qu'il rapporte des travaux de fortification exécutés par le roi à Oiniadai (65. 8 ; 65. 11) donnerait plutôt à croire que Philippe avait dessein de la garder. Il est probable qu'il ne s'en dessaisit en faveur des Akarnaniens qu'au bout de quelque temps.

[3] Si Philippe, en 218, essaie de s'emparer de Képhallénia, et s'il s'empare de Zakynthos en 217, au moment de faire la paix avec l'Aitolie, la raison principale en est probablement qu'il médite déjà d'attaquer par mer — comme il le fera dès 216 (Polybe, V. 109. 6—110. 1-2) — les échelles de la Basse-Illyrie, Apollonia et Épidamnos. — On peut remarquer que, lorsqu'il se propose de brusquer Apollonia (print. 216), c'est d'abord à Képhallénia et à Leukas qu'il fait relâche (109. 5) ; un peu plus tard, après sa fuite de Sason, c'est Képhallénia qu'il s'arrête (110. 5).

[4] Cf. Polybe, IV, 62. 4 (après l'invasion de la Piérie par Skopas).

[5] Leur dernière grande entreprise offensive est celle de Dorimachos, au printemps de 218 ; mettant à profit l'absence dry Philippe, qui assiège alors Palé dans l'île de Képhallénia, il tente, avec la moitié de l'armée fédérale, d'envahir la Thessalie (Polybe, V. 5. 1 ; 17). 4 ; 17. 5-6) ; il échoue d'ailleurs complètement (17. 6-7). — Les succès partiel, remportés, en 218, par les Aitoliens et les Éléens en Achaïe (17. 3-4 ; 30. 2-4) sont tout épisodiques et ne peuvent avoir aucune influence sur l'issue de la guerre. Ils sont d'ailleurs suivis, en 217, d'opérations malheureuses.

[6] On peut remarquer qu'en 219, les Aitoliens sont impuissants à couvrir la bordure occidentale de leur pays : Polybe, IV. 63. 7-8 : prise de Phoitiai par Philippe ; 63. 11 : invasion de la Stratiké ; 64. 4 : prise de Métropolis, moins l'άκρα ; 64. 5-7 : passage de l'Achéloos vainement défendu par la cavalerie aitolienne ; 65. 1 : traversée des στενά (ligne de colines, du sud de Konopé jusqu'au sud d'Ithoria : cf. W. J. Woodhouse, Aetolia, 154) ; 64. 9-10 : prise d'Ithoria ; 64. 11 : prise des forts construits sur la rive gauche de l'Achéloos (Woodhouse, 159-161) ; 65. 3-4 : prise de Paianion ; 65. 5-6 : prise d'Oiniadai. Ils ne réussissent pas mieux à protéger la Kalydonia ; 65. 6-7 : prise de la forteresse d'Élaos ; 65. 7 : Invasion et ravage de la Kalydonia. — En 218, bien que la moitié de l'armée fédérale ait été laissée à la garde de l'Aitolie (V, 6. 4), Philippe pousse librement jusqu'à Thermos, puis en revient sain et sauf après avoir battu l'ennemi (13. 5-7) ; les Aitoliens concentrés à Stratos sont impuissants à lui couper la retraite (14. 1-7).

[7] Les villes aitoliennes prises par Philippe sont : Ambrakos (Polybe, IV, 63. 2-3), Phoitiai (63. 8), Oiniadai (65. 6) ; y joindre Phigalie dans le Péloponnèse (79. 8). — Les villes incendiées ou rasées sont Métropolis (64. 4), Ithoria (64. 10), Paianion (65. 4), Pamphia (V, 13. 7), Métapa (13. 8).

[8] C'est l'effet des invasions de 219 et 218. A la vérité, la ville forte de Stratos demeure aux Aitoliens (Polybe, V, 96. 3), mais elle ne suffit pas à protéger la frontière. En 217, les Akarnaniens envahissent la Stratiké (96. 3).

[9] Ravage de la côte sud de l'Aitolie (Lokride) par Philippe en 218 : Polybe, V, 17. 8 ; cf. 18. 9 : plus tard (en 217), descentes des Achéens sur la même côte : 94. 7-8 ; 95. 11.

[10] Polybe, V, 8. 6.

[11] Sur les dispositions des Aitoliens à la fin de l'été de 218 : Polybe, V, 29. 1 ; cf. 101. 9.

[12] Cf. Polybe, V, 24. 11 ; 28. 1-2 (démarches des ambassadeurs de Rhodes et de Khios auprès e Philippe et des Aitoliens ; noter l'accueil favorable qu'ils ont reçu de ces derniers : 28. 2).

[13] Sur la politique pacifique d'Agélaos de Naupakte : Polybe, V, 107. 3 ; cf. 104. 1 sqq. — Il sera lu stratège aux élections de septembre 217 : 107. 5.

[14] Polybe, V, 29. 3 ; cf. 28. 4 (prétendus encouragements donnés par Mégaléas aux Aitoliens).

[15] Polybe, V, 99. 6—100. 6.

[16] C'est après la prise de Thèbes que les ambassadeurs de Ptolémée IV, se joignant ceux des Rhodiens et des Khiens, s'interposent pour la première fois comme médiateurs entre Philippe et les Aitoliens : Polybe, V, 100. 9.

[17] Polybe, V, 92. 5-6 (insuccès de Pyrrhias et de Lykurgue en Messénie) ; 94. 5-6 (victoire des Achéens sur Euripidas) ; 95. 6 sqq. (nouvel échec d'Euripidas ; succès remporté par les Achéens en Élide). — L'incursion faite en Akarnanie et en Épire par l'armée aitolienne, que commande le stratège Agétas (96. 1-2), est un événement sans conséquence.

[18] Polybe, V, 102. 5 (Philippe arrive à Aigion avec toute son armée et ses vaisseaux légers ; les grands bâtiments de la flotte l'y ont déjà précédé : 101. 4) ; 102. 6 (le roi fait mine d'envahir l'Élide).

[19] Polybe, V, 101. 6 — 102. 2.

[20] Il ressort de la lecture de Polybe que la paix de Naupakte est l'œuvre propre de Philippe et qu'il met à la conclure une hâte extrême. — Polybe, V. 102. 2-4 : Philippe engage avec les Aitoliens des pourparlers directs, sans même attendre le retour des médiateurs qui, après l'occupation de Thèbes, se sont rendus de son camp en Aitolie, (cf. 100. 9-10) ; ayant pris le conseil de ses amis et tout d'abord de Démétrios le Pharien, il envoie, de son autorité privée et sans en avertir officiellement les Symmachoi, Kléonikos faire à l'ennemi les premières ouvertures. Les dispositions des Aitoliens étant favorables, il décide aussitôt d'entrer avec eux en négociations : 102. 7. C'est alors seulement qu'il informe les États alliés, et mande auprès de lui leurs synèdres (102. 8) : ceux-ci sont convoqués expressément pour traiter de la paix ; ils n'ont pris aucune part aux pourparlers préliminaires. On notera, d'ailleurs, que les conditions offertes, sur l'ordre de Philippe, aux Aitoliens, (103. 7) n'ont rien du tout de commun avec les exigences formulées par les Symmachoi lors du congrès de Corinthe (IV, 25. 6-8). Le roi, pressé d'aboutir à un accord, a voulu qu'on traitât sur le pied de l'uti possidelis.

[21] Pour la date de la paix de Naupakte — fin d'août ou commencement de septembre —, cf. Nissen, Rhein, Mus., 1871, 246. Le terminus ante quem (équinoxe d'automne) est donné par les élections aitoliennes (Polybe, V, 107. 5), qui ont suivi la paix de fort près. Il n'est pas besoin de réfuter l'étrange erreur de Matzat (Röm. Zeitrechn., 123), qui place la paix peu après la fin de mai.

[22] Polybe, III, 96. 13-14 (retour de la flotte de Gn. Servilius à Lilybée). Malgré l'indication de Polybe (10G. 7) et le renseignement, de valeur contestable, donné par un Annaliste (Liv. 22. 31. 6), il y a lieu de croire que le Sénat laissa la flotte à Lilybée pendant tout l'hiver de 217/216, car on l'y retrouve dès le printemps de 216 : Polybe, V. 109. 5-6 ; 110. 9 ; cf. Kahrstedt, 454, 2. — Selon De Sanctis (III, 2, 121 ; 681), c'est vers octobre-novembre que Gn. Servilius a pris, avec M. Atilius, le commandement de l'armée d'Apulie après l'abdication de Q. Fabius et de M. Minucius. La flotte avait dû rentrer à Lilybée à l'automne, probablement avant l'équinoxe. Les opérations qu'elle accomplit se réduisent à peu de chose : débarquement dans l'île Kericina, dont les habitants se rachètent à prix d'argent pour éviter ]e pillage (Polybe, III, 96. 12) ; prise de Vile de Kosyra (96. 13). Les descentes dans l'île de Méninx et sur la côte d'Afrique, dont parla T. Live (22. 31. 2-5), sont douteuses ; au reste, d'après son témoignage même, le débarquement en Afrique aurait complètement échoué.

[23] Polybe, V, 103. 2.

[24] Cf. Polybe, V, 101. 9.

[25] Thèbes-de-Phthiotide ; — la Triphylie, Alipheira, Phigalie ; — Zakynthos.

[26] Cf. Polybe, VII, 11. 5. Il y a toutefois dans ce passage un peu d'exagération ; Polybe oublie les préparatifs menaçants des Dardaniens en 219 (IV, 66. 1 ; 66. 6) et la précaution que doit prendre contre eux le roi en 217 (V, 97. 1-2) ; cf., d'autre part : IV, 29. 1 (hiv. 220/219).

[27] Remarquer le ton bienveillant d'Agélaos de Naupakte à l'égard de Philippe dans on célèbre discours : Polybe, V, 104. 4-9. (Il faut prendre garde toutefois qu'Agélaos représente en Aitolie le parti pacifique.)

[28] Ceci est vrai du moins des Épirotes, des Akarnaniens et des Achéens. — Ambrakos est donné aux Épirotes ; les Akarnaniens reçoivent Oiniadai, Phoitiai et probablement ce qui reste de Métropolis (cf. Salvetti, dans les Studi di stor. ant., II, 119 ; 133). — Psophis, Lasion et Stratos sont remises aux Achéens ; la forteresse de Teichos est rendue aux habitants de Dymai. — On ne sait quels sont ces bienfaits dont les Béotiens furent redevables à Philippe, et que Polybe rappelle par allusion dans un passage mutilé de son texte (VII, 11. 7).

[29] Polybe, VII, 11. 8. Il est bien clair que οί Έλληνες désigne ici les peuples de la Symmachie.

[30] Polybe, VII, 11. 9. Il semble d'ailleurs que Polybe s'exprime avec quelque exagéra-ion ; plusieurs villes crétoises demeurèrent soumises à l'influence de l'Égypte et ne reconnurent donc pas la προστασία de Philippe ; cf. mes remarques dans Klio, 1913, 145, 2. — Pour les relations antérieures de Philippe avec quelques cités de Crète, Polybe, IV. 55 ; dès 219, tout l'ouest de l'île est dans son alliance.

[31] Cf. Polybe, V, 101. 8.

[32] Cf. Polybe, V, 105. 4.

[33] Dans l'hiver de 217/216, Skerdilaïdas est ouvertement l'allié des Romains contre Philippe et sert leurs intérêts en Illyrie (Polybe, V, 110. 8-9). Ses premières relations avec eux remontent naturellement à une date antérieure, c'est-à-dire au courant de l'année 217. C'est à cette époque qu'ils l'ont gagné à leur cause, en lui promettant sans doute de l'aider à se faire roi d'Illyrie. Nous constatons, en effet, qu'il l'est en 212 avec son fils Pleuratos Liv. (P.) 26. 24. 9. Cf. Niese, II, 458, et, avec plus de réserves, De Sanctis, III, 2, 398.

[34] Polybe, V, 95. 1 ; cf. 108. 1.

[35] Polybe, V, 95. 1-4 ; cf. 101. 1 ; 108. 1. — La date approximative de ces faits se tire de Polybe, V. 95. 5. La moisson a lieu, en Argolide, à la fin de mai (A. Philippson, Peloponn. 63).

[36] Selon Niese (II, 458), les pirateries ordonnées par Skerdilaïdas dans la Mer Ionienne et les attaques qu'il dirigea par terre contre la Macédoine seraient des faits contemporains, en sorte que celles-ci comme celles-là dateraient du commencement de l'été de 217. Cette chronologie ne parait point exacte. Les entreprises de Skerdilaïdas en Pélagonie et en Dassarétide sont plus récentes que ses actes de piraterie; elles paraissent n'avoir commencé qu'après la venue de Philippe dans le Péloponnèse (Polybe, V, 101. 2 sqq.) et s'être poursuivies tandis que le roi s'y trouvait retenu par les négociations qui précédèrent la paix de Naupakte. Après la prise de Thèbes-de-Phthiotide, lorsque Philippe s'apprête à opérer avec sa flotte contre les corsaires aux ordres de Skerdilaïdas qui se tiennent dans les Parages du cap Malée (101. 1-2 ; cf. 101. 4), l'illyrien n'a point encore envahi la Macédoine. Cela résulte des textes ici visés de Polybe, comme aussi de 108. 1. Les mots καί τότε indiquent que l'invasion de Skerdilaïdas en pays macédonien n'a précédé que d'un temps assez court le retour de Philippe dans ses États.

[37] Il parait évident que Skerdilaïdas n'aurait point exécuté d'opérations militaires dans le voisinage immédiat des territoires soumis aux Romains sans que ceux-ci l'y eussent autorisé. Son entrée en campagne est l'effet de son entente avec Rome.

[38] Polybe, V. 108. 2 ; cf. 108. 8. — Antipatreia paraît être, comme on sait, la moderne Berat : cf. Zippel, Röm. Herrsch. in Illyrien, 61 ; Kromayer, Ant. Schlachtfeld., II, 10, 4. Pour la situation des autres villes de Dassarétide conquises par Skerdilaïdas, Zippel, 63.

[39] Sur cette route, voir Kromayer, II, 12 ; c'est celle que remonte L. Apustius, légat de P. Sulpicius, à l'automne de 200 : Liv. (P.) 31. 27. 1. sqq.

[40] Polybe, V. 1.08. 1-3 ; cf. 108. 9 : l'armée n'est disloquée qu'après l'achèvement de la campagne contre Skerdilaïdas.

[41] Polybe, V, 108. 8. Le texte de Polybe distingue les villes reprises et conquises par le roi. Parmi ces dernières, Γεροΰς et Όργυσσός, très certainement identiques à Gerrunium et à Orgessus nommées par T. Live (P. ; 31. 27. 2), semblent avoir été situées sur le cours moyen de l'Apsos, dans le voisinage d'Antipatreia (Zippel, 61, 63 ; H. Kiepert, Formae, tab. XVI ; Kromayer, II, 10, 4) ; elles se trouvaient dans la partie la plus occidentale de la Dassarétide (Zippel, 63). — Pour l'importance des conquêtes faites par Philippe autour du lac Lykhnidia : De Sanctis, II, 2, 405-406. Il n'est pas sûr qu'il se soit emparé des défilés de la Kandavia, mais il es devait menacer de fort près.

[42] Cf. Zippel, 63 : Philipp halte also im J. 21.7 das südliche Illyrien bis zur Grenze, des römischen Gebiets an sich gebracht.

[43] La seconde vers le Sud est la vallée de l'Apsos ; la troisième, celle de l'Aoos, dont es Romains sont maîtres depuis qu'ils ont établi leur protectorat sur l'Atintania.