SOULÈVEMENT DE L'ARISTOCRATIE FRANQUE RÉPRIMÉE PAR LES GERMAINS. Les mouvements de l’aristocratie n’avaient pas échappé à Bernard ; il crut pouvoir empêcher la révolte d’éclater en occupant tous les leudes dans une grande expédition contre les Bretons (printemps 830)[1]. Ce fut ce qui le perdit. Car, n’ayant pas voulu quitter la personne de Louis, dont la faiblesse lui faisait craindre un retour vers l’aristocratie, il s’embarqua avec lui pour aller par mer au rendez-vous général, fixé à Rennes[2], abandonnant ainsi aux suggestions des leudes mécontents, le hériban franc, déjà en lui-même peu disposé en faveur d’une expédition lointaine et pénible[3]. Les leudes conjurés ne perdirent pas une occasion si précieuse ; mais, entraînant dans leur défection l’année entière, ils la menèrent à Paris avec tant de précision, qu’ils purent prétendre, plus tard, que la main de Dieu elle-même s’était étendue sur eux et les avait réunis par une inspiration d’en-haut[4]. En même temps, Pépin, à la cour duquel s’étaient réfugiés les grands tombés en disgrâce, Hugues, Matfried, Hilduin, Jesse d’Amboise et autres, marchait vers la Neustrie à la tête de ses Aquitains[5]. En chemin, il restitua Matfried dans son comté d’Orléans[6] ; puis, après avoir opéré, près de Paris, sa jonction avec les milices révoltées, il s’avança jusqu’à Verberie, où il voulait prendre position, en attendant Lothaire[7]. Dans le manifeste publié par lui et ses alliés, il était dit qu’ils combattaient pour la fidélité due au roi et à l’empire, pour le salut du peuple et de la patrie, pour l’affermissement du royaume et la succession légitime[8] ; en d’autres mots, ils demandaient la mort ou l’exil de Bernard, l’éloignement de Judith et la restauration de la vieille administration[9]. L’empereur et son ministre avaient reçu les premières nouvelles de la révolte au monastère de Sithiu sur les bords de l’Océan[10]. Louis, qui ne se croyait pas menacé lui-même, ne voulut pas répandre du sang pour conserver le pouvoir au favori de sa femme ; tout ce qu’il fit en sa faveur se réduisit à lui permettre de chercher un abri dans sa ville de Barcelone[11]. Lui-même, ayant mis Judith sous la protection du monastère de Sainte-Marie de Laon, il alla jusqu’à Compiègne à la rencontre des conjurés[12]. Lothaire n’était pas encore arrivé au quartier général de Verberie ; mais le cadet des trois princes, Louis, échappé à ses gardes au milieu du désordre général, y avait rejoint les rebelles. Les détails donnés par lui sur les dernières intrigues enhardirent les chefs de la conjuration à agir avec vigueur à l’égard de Judith et de l’empereur lui-même[13], sans attendre l’arrivée de Lothaire. Après s’être au préalable assurés de la personne de Louis à Compiègne, ils firent chercher à Laon l’impératrice par le marquis de la frontière bretonne, Lambert, et lui arrachèrent, à force de menaces, la promesse non-seulement d’entrer elle-même dans un couvent, mais d’engager son mari à en faire autant. L’entrevue des deux époux à Compiègne fut loin cependant d’avoir les conséquences que s’en étaient promises les conjurés ; Louis permit, il est vrai, à sa femme d’échapper à la mort en se faisant voiler ; mais il déclara en même temps que, pour sa part, il voulait réfléchir avant que de se soumettre à la tonsure[14]. Force fut donc aux chefs de l’aristocratie de se contenter, pour le moment, de la retraite de Judith au monastère de Sainte-Radegonde de Poitiers, de la tonsure de ses deux frères et d’une surveillance sévère exercée à l’égard de la personne fie l’empereur[15]. Les deux fils puînés du premier mariage de Louis avaient par ces actes assumé sur eux tout le pouvoir royal ; mais aussi longtemps que l’empereur associé, Lothaire, 11 ’était pas venu se joindre à eux et convoquer un placite qui légitimât la révolution, ils étaient et restaient des rebelles, malgré leur victoire. Au mois de mai 830 enfin, leur aîné arriva à Verberie, et tous trois se rendirent alors à Compiègne, tenir avec leur père la grande diète de l’empire[16]. Louis se sentait trop dans la main de ses fils et de leurs alliés, pour leur opposer la moindre résistance ; faisant par conséquent violence à ses sentiments intimes, il rendit grâce aux leudes de ce qu'ils l'avaient arraché aux embûches de ses ennemis, approuva la condamnation des parents de Bernard, promit de ne plus rien faire à l'avenir sans l'aveu du placite, et finit son discours par une renonciation complète à ses projets en faveur de Charles. Je veux et j'ordonne, dit-il, que l'empire reste ainsi que je l'ai autrefois ordonné et constitué, d'accord avec vous[17]. Le but de l'aristocratie était atteint; rien ne paraissait plus s'opposer à la restauration de l'empereur, du moment que. Bernard était condamné et le placite rétabli dans ses droits. C'était l'opinion de Wala[18] ; mais ce n'était pas celle de Lothaire, qui voulait retirer des profits personnels d'une révolution faite, en partie du moins, en son nom. N'usant pas, en présence de l’opposition de son frère cadet Louis, prononcer la déchéance complète de leur père[19], il usurpa du moins sur lui tout le pouvoir impérial, et livra sa personne à des moines qui le gardaient à vue, tout en l’engageant à embrasser la vie monastique[20]. Il aurait fallu bien du talent à Lothaire pour mener à bien la tâche difficile dont il se chargeait par son usurpation. Il n’avait pour lui les sympathies déclarées que des leudes ouvertement compromis dans la dernière rébellion ; tout le reste de la nation était ou bien indifférent à la personne du monarque pourvu que le vieux système prévalût, ou bien ouvertement disposé en faveur de l’empereur son père. Mais Lothaire ne se rendait pas compte des difficultés de sa position ; il s’imaginait n’avoir plus qu’à jouir à son gré de l’autorité acquise au prix d’un crime, et, au lieu de s’occuper lui-même de la chose publique, il abandonnait le maniement des affaires à ses principaux leudes, dont les ambitions rivales causaient des tiraillements continuels[21]. Il ne tarda pas ainsi à s’aliéner les esprits du peuple tout entier. Bientôt les gardiens même qu’il avait donnés à Louis se firent les instruments de la réaction, et l’un d’entre eux, aussi rusé qu’ambitieux, conçut le plan de remettre sur son trône l’empereur captif. Sans exiger de lui d’autres promesses que celles de mieux gouverner à l’avenir et de favoriser l’Eglise, Gundbald, c’était son nom, entra secrètement en relations avec Pépin et Louis, qui l’un et l’autre avaient tout lieu déjà d’être mécontents de leur aîné, et de ses prétentions à la direction unique de l’empire[22]. Les deux jeunes princes, qui n’avaient cherché qu’à affranchir complètement leurs royaumes, en prenant part à la révolte de l’aristocratie, reçurent très-favorablement les ouvertures du confesseur de leur père, et après une négociation fort courte, ils s’engagèrent formellement à délivrer l’empereur, pourvu qu’on leur donnât en échange une augmentation de leurs royaumes respectifs : ce que Gundbald promit au nom de l’empereur[23]. L’alliance conclue, il ne s’agissait plus que de l’exécuter et de mettre Lothaire à la raison, soit au moyen d’une révolte à main armée, soit au moyen d’une révolution pacifique, opérée au moyen du placite. La victoire toute récente de l’aristocratie engagea Pépin et Louis à rester sur le terrain de la légalité, et tous leurs efforts, joints à ceux de leur père, ne tendirent plus dès lors qu’à faire convoquer la grande diète d’automne dans une contrée où les partisans de Louis eussent plus de facilité à se rendre que ceux de Lothaire. Les conseillers du jeune empereur ne comprirent pas toute l’importance que devait avoir le choix du lieu ; et, tout en avouant leur préférence pour une ville gauloise[24], ils consentirent à la désignation de la ville de Nimègue. Or, Nimègue était aux portes de la Germanie, en face de la Saxe[25], et tous les Germains, mais les Saxons en particulier, étaient tout dévoués à la personne de Louis[26]. Il avait inauguré son règne en leur rendant leurs lois ; il les avait favorisés au détriment des leudes francs, avec l’aide desquels son père les avait jadis domptés ; il leur avait montré une confiance illimitée : eux, par contre, ils étaient prêts à combattre et à mourir pour lui[27]. Malgré ce premier avantage obtenu par les princes ligués, ils avaient tout à craindre encore si on permettait aux partisans de Lothaire d’arriver à Nimègue avec toutes leurs forces. Le rusé Gundbald, usant de la liberté plus grande que Lothaire s’était vu obligé d’accorder à son père depuis la défection de ses cadets, trouva moyen d’affaiblir à l’avance le parti ennemi. Il fut ordonné que chaque leude ne viendrait qu’en équipage de paix et sans suite inutile ; Lambert, le meilleur général de Lothaire, fut envoyé guerroyer contre les Bretons ; Hélisachar chargé de rendre la justice dans la même contrée ; c’étaient déjà autant d’ennemis de moins[28]. L’empereur et ses conseillers ne se crurent cependant certains de la victoire, que lorsque, arrivés à Nimègue, ils eurent vu affluer autour d’eux la Germanie presque entière[29] ; mais alors aussi ils n’hésitèrent plus à frapper les grands coups et à s’attaquer directement aux chefs de la faction ennemie. Wala, dont on craignait la haute prudence, fut renvoyé à Corbie ; Hilduin, qui malgré l’ordre contraire avait amené toute une armée, exilé à Paderborn[30]. Les chefs de l’aristocratie non encore frappés, comprirent enfin toute l’imminence du péril : pendant une nuit entière, ils supplièrent Lothaire d’ordonner la retraite ou la bataille ; mais Lothaire n’osa pas. Tout le hériban franc était réuni à Nimègue[31], et le jeune prince, peu habitué encore à la guerre civile, hésitait à déchaîner l’un contre l’autre les peuples rivaux qui le composaient : le matin vint qu’il n’avait pas pris de décision encore. Ce fut sa perte ; car bientôt d’indécision en indécision il se laissa persuader par les émissaires de Louis à venir vers lui comme un fils repentant ; il abandonna ceux que la veille encore il appelait ses meilleurs amis, et alla acheter son pardon au prix d’une lâche trahison[32]. Quelques-uns des leudes, indignés, furieux, entraînèrent leurs soldats jusqu’au palais impérial, qu’ils prétendaient assaillir ; déjà un tumulte effroyable s’élevait sur la place, déjà le carnage commençait, quant tout à coup le père et le fils parurent ensemble sur un balcon ; aussitôt les épées rentrèrent dans les fourreaux, et la faction aristocratique se trouva vaincue sans avoir combattu[33]. Les principaux partisans de Lothaire furent arrêtés ; leur punition, ainsi que la justification de l’impératrice renvoyés au prochain placite[34]. L’assemblée réunie à Nimègue avait ainsi, grâce à l’influence prépondérante des Germains, replacé sur son trône Louis le Débonnaire ; mais ce serait une profonde erreur que de croire qu’elle avait du même coup remis les choses dans l’état où elles se trouvaient avant la révolte de l’aristocratie. Sans parler de l’importance qu’avaient acquise Pépin et Louis, en renversant l’un le gouvernement de Bernard, l’autre celui de Lothaire, l’empereur avait laissé sur le champ de bataille tout ce prestige impérial au nom duquel le duc de Septimanie avait régné avec tant de hauteur. Louis n’était plus le maître absolu de son empire, il était redevenu le chef de l’aristocratie, avisant avec son placite aux besoins du royaume. Ce fut en effet devant le placite d’Aix, réuni en février 831, que furent traduits tous ceux qui avaient pris parti contre Louis à Compiègne et à Nimègue[35]. Ce qu’il y eut de plus remarquable dans leur condamnation, prévue à l’avance, ce fut que Lothaire s’avilit jusqu’à prononcer lui-même la peine capitale sur les complices de son usurpation[36]. Cette sentence de mort n’était, il est vrai, qu’une formalité ; il était impossible, quoi qu’en aient dit quelques fougueux partisans de l’empereur[37], d’envoyer au supplice tous ces hommes qui, par leur naissance ou leurs dignités, avaient longtemps occupé le premier rang parmi les Francs ; c'était beaucoup déjà qu’on les exilât tous ensemble, après les avoir privés de leurs dignités et dépouillés de leurs biens[38]. Wala, Hélisachar, Matfried, Hugues et tous les autres conjurés furent de la sorte punis de la lâcheté de Lothaire ; mais lui-même n’échappa pas à la juste punition que méritait sa trahison ; on ne lui permit de retourner en Italie que dépouillé du nom impérial, et sous le serment de ne plus rien tenter dans l’empire contre la volonté de son père[39]. La constitution de 817 se trouvait abolie de fait. Ce même placite d’Aix, qui consomma la ruine du parti aristocratique, rétablit aussi solennellement l’impératrice Judith dans son titre et ses droits d’épouse. On lui imposa le serment pour se purger des accusations élevées contre elle[40] ; mais ce ne fut qu’une simple formalité ; depuis longtemps déjà la tendresse aveugle de Louis l’avait innocentée, et dès le placite de Nimègue, elle avait repris toute son influence sur la cour impériale. L’exil l’avait cependant rendue plus prudente : elle avait eu le temps, dans la solitude de Sainte-Radegonde de Poitiers, de méditer sur les inconvénients de son alliance avec Bernard, et lorsque le duc de Septimanie reparut à son tour à la cour impériale, elle le reçut avec une froideur marquée. On l’admit, il est vrai, à se purifier devant le placite d’automne de Thionville (831) des crimes nombreux qu’on lui imputait[41] ; personne n’osa lui imposer, par les armes, l’adultère et le meurtre par lesquels il était accusé d’avoir profané le palais impérial, et il fut solennellement déclaré innocent après avoir prêté le serment d’usage. Mais on se garda bien de lui rendre le pouvoir qu’il avait exercé naguère, et il put se convaincre promptement que Judith, qui craignait de compromettre sa nouvelle faveur en la partageant avec son ancien amant, ne lui permettrait pas de redevenir le second dans l’empire[42]. Dès lors, il n’avait plus que faire à la cour : aussi la quitta-t-il brusquement, bien décidé à se faire, de sa marche de Septimanie, une domination indépendante, où il pourrait braver à la fois ses anciens ennemis et ses anciens alliés. La retraite de ce candidat au pouvoir ne donna pas beaucoup plus de stabilité au pouvoir central, auquel il y avait toujours encore trop de prétendants. Non que le parti aristocratique, dont les chefs principaux étaient encore clans l’exil, essayât déjà d’y rentrer ; mais le parti victorieux, selon l’habitude, se disputait le prix de la victoire. Pépin, qui voulait rendre indépendante l’Aquitaine ; Louis, qui aspirait à la possession de la Germanie entière ; Gundbald, qui voulait recommencer le rôle de Bernard, demandaient tous, comme récompense de leurs services, la direction suprême des affaires[43], depuis longtemps reprise par Judith[44] ; de là des intrigues et des discussions sans fin, dont le résultat le plus clair fut le mécontentement profond des deux fils puînés de Louis. La mauvaise humeur de Pépin se fit jour d’abord. On avait, il est vrai, ajouté quelques comtés à son royaume, ainsi qu’à celui de Louis[45] ; mais ce n’était pas là ce qu’il avait désiré ; il s’ennuyait de n’être qu’un leude franc convoqué comme les autres aux placites de l’empire ; et il lui semblait qu’il n’avait pas à deux fois renversé le gouvernement d’Aix, pour continuer à en être le vassal. Il était fortifié encore dans cet esprit d’opposition par Bernard, qui, après son retour en Septimanie, n’avait rien eu de plus pressé à faire que de s’allier à lui, afin de constituer plus solidement la résistance de la Gaule méridionale aux prétentions du Nord[46]. Malgré une ambassade formelle de son père, il ne vint à Aix qu’après Noël 831, encore pour quelques jours seulement ; dès les premiers jours de l’année 832, il enfreignait l’ordre de l’empereur de rester auprès de lui, et reprenait secrètement le chemin de l’Aquitaine[47]. Indignés de tant d’audace, Louis et ses conseillers annoncèrent la tenue d’un placite général à Orléans, pour briser d’un coup l’obstination de Pépin ; Lothaire devait s’y rendre depuis l’Italie, l’empereur y venir d’Aix accompagné de Louis le Germanique[48]. Mais un événement fort inattendu vint entraver l’exécution de ce plan : au moment même où les Missi convoquaient les leudes, le Germanique, qui n’agissait que par les avis de Lothaire, envahit tout à coup, avec ses Bavarois et ses Slaves, l’Alémanie qui était redevenue l’apanage du jeune Charles ; son plan hautement avoué était d’enlever à son père autant de territoire que possible[49]. Il avait compté sans les Germains ; car, à peine l’empereur eut-il convoque à Mayence les Saxons et les Austrasiens (avril 832), que tout le hériban de ces contrées vint joyeusement à sa rencontre, bien décidé à l’appuyer énergiquement[50]. Louis, qui avait espéré, sur la foi de son principal conseiller Matfried[51], que les Germains se rallieraient à lui, n’eut pas plus tôt appris leurs dispositions hostiles, qu’il quitta précipitamment sa position en face de Worms, pour se retirer en Bavière ; déjà les quelques leudes francs qui lui avaient prêté serment de fidélité l’avaient abandonné. L’empereur le suivit lentement à travers l’Alémanie, et arrivé à Augsbourg, lui envoya l’ordre de paraître en sa présence ; le jeune homme, qui connaissait la faiblesse paternelle, n’hésita pas à obéir à la citation, embrassa son père, promit de ne plus se révolter, et obtint par contre un pardon complet de ses torts ; il fut même dispensé d’accompagner son père contre Pépin. Car l’expédition d’Aquitaine, retardée par la prise d’armes de Louis, n’avait pas été abandonnée par le conseil impérial, et le premier soin, après le retour à Aix, fut de faire annoncer partout que le grand placite d’Orléans se tiendrait au mois de septembre[52]. Pépin et Bernard, qui voyaient déjà fondre sur leurs provinces le hériban franc entier, crurent pouvoir désarmer Louis en comparaissant en personne à Orléans ; mais mal leur en prit ; à peine entrés dans la ville, ils furent arrêtés et conduits sous bonne garde à Limoges, où l’on instruisit immédiatement un procès en règle contre eux. Bernard, qu’on accusait de haute trahison, ne put être convaincu de son crime, parce que personne n’osa le lui imposer les armes à la main, tant la réputation de valeur du duc de Septimanie était solidement établie ; il fallut que le conseil impérial, qui ne voulait le laisser échapper à aucun prix, violât formellement la loi franque à son égard, pour qu’on pût le condamner, sans recours au jugement de Dieu, à la perte de ses honneurs. Quant à Pépin, qu’on prétendait guérir seulement de ses mauvaises mœurs, il fut envoyé sous escorte en France, où il devait résider jusqu’à ce que, par un repentir sincère, il eût regagné les bonnes grâces de son père. Par ce double acte de rigueur, Louis et ses conseillers crurent avoir assez solidement rétabli l’autorité impériale au midi de la Loire, pour pouvoir se permettre une usurpation flagrante : le jeune Charles, déjà investi de l’Aléman-nie, reçut encore tout le royaume de Pépin[53]. Comme les chefs du parti impérial en Aquitaine prêtèrent sur-le-champ serment d’obéissance à leur nouveau monarque, Louis crut avoir tout arrangé au mieux, et ordonna le retour en France ; mais ses plans ne tardèrent pas à se trouver bien dérangés. Bernard, dont la puissance ne dépendait pas de son titre de duc, mais de son épée de chef de bande[54], avait, immédiatement après sa dégradation, repris le chemin de la Septimanie, et y bravait insolemment à la tête de ses mercenaires les nouveaux officiers institués par l’empereur[55]. L’Aquitaine ne protestait pas moins énergiquement contre le nouveau régime qu’on avait voulu lui imposer : Pépin, dont la soumission n’avait été qu’une feinte, s’était fait enlever en route par les siens, et pendant que l’empereur sortait de l’Aquitaine par une route, il y rentrait par une autre[56]. Louis ne fut pas peu étonné en apprenant tout à coup que son fils, qu’il croyait déjà à Trêves, courait l’Aquitaine et y levait des troupes : il s’arrêta dans sa retraite[57], convoqua un nouveau placite et somma Pépin de venir s’y trouver ; mais cette fois le jeune prince ne crut pas devoir obtempérer à l’ordre de son père, et il harassa si bien par des attaques imprévues l’armée franque déjà démoralisée par le mauvais temps, que l’empereur dut se juger fort heureux de pouvoir mettre la Loire entre son fils et lui, et de se retrouver sain et sauf sur le sol de la Neustrie[58]. |
[1] Ann. Bertin. ad 830.
[2] Ann. Mett. ad 830.
[3] Ann. Bertin. ad 830.
[4] Vita Walæ, p. 500.
[5] Thégan, c. 36. Ann. Bert. ad
830.
[6] Vita Ludovici, c. 44.
[7] Verberie était une villa royale près de Senlis.
[8] Vita Walæ, p. 500.
[9] Ann. Bertin, ad 830. Ann. Fuld. ad 830. Vita Ludovici, c. 44. —
Cllg. Vita Walæ, p. 500.
[10] Ann. Mett. ad 830.
[11] Nithard, I, c. 3. Ann. Bert.
ad 830.
[12] Ann. Bertin. ad 830. Vita Ludovici, c. 44.
[13] Vita Walæ, p. 500.
[14] Vita Ludovici, c. 44.
[15] Thégan, c. 36. Ann. Bertin.
ad 830. Vita Ludovici, c. 44. Nithard, I, c. 3.
[16] Ann. Bertin, ad 830. Vita Ludovici, c. 45. Nithard, I, c. 3.
[17] Vita Walæ, p. 501.
[18] Pascase Radbert dit même, Vita Walæ, p. 502, que Louis fut immédiatement rétabli dans ses droits.
[19] Thégan, c. 36.
[20] Nithard, I, c. 3. — Cllg. Vita
Ludovici, c. 45.
[21] Nithard, I, c. 3.
[22] Nithard, I, c. 3.
[23] Nithard, I, c. 3.
[24] Vita Ludovici, 45.
[25] Ann. Bertin. ad 830.
[26] Vita Ludovici, c. 45. — Ex Miracul. Bened. Abb., nono sæc. conscript. (Bouquet, VI, p. 313).
[27] Vita Ludovici, c. 24. — Bened. Lev. in præfat. Capital. Vers. (Baluze, I, p. 807).
[28] Vita Ludovici, c. 45.
[29] Vita Ludovici, c. 45. Thégan, c. 37.
[30] De translat. S. Viti (Mabillon, IV, 1, p. 531). — Cllg. Vita Ludovici, c. 45.
[31] Ann. Bertin. ad 830. Thégan, c. 37.
[32] Vita Ludovici, c. 45.
[33] Annal. Bertin, ad 830. — Nithard, I, c. 3.
[34] Ann. Bert. ad 830. Vita Ludovici, c. 45. Thégan, c. 37.
[35] Ann. Bertin, ad 831. Vita Ludovici, c. 45.
[36] Nithard, I, c. 3.
[37] Vita Ludovici, c. 45.
[38] Vita Walæ, p. 502. — Cllg. Ann. Bert. ad 831. Ann. Fuld. ad
831. Nithard, I, c. 3, 4.
[39] Nithard, I, c. 3. Vita Walæ,
p. 502.
[40] Ann. Bertin. ad 831. Vita Ludovici, c. 46.
[41] Ann. Bertin, ad 831. Vita Ludovici, c. 46. Thégan, c. 38.
[42] Nithard, I, c. 3.
[43] Nithard, I, c. 3.
[44] Vita Walæ, p. 511.
[45] Nithard, I, c. 3.
[46] Vita Ludovici, c. 47.
[47] Vita Ludovici, c. 46. — Cllg. Ann. Bertin. ad 831.
[48] Ann. Bertin. ad 832.
[49] Ann. Bertin. ad 832. Vita Ludovici, c. 47. Thégan, c. 39.
[50] Ann. Bertin. ad 832.
[51] Ann. Bertin. ad 832.
[52] Ann. Bertin. ad 832. Vita Ludovici, c. 47. Thégan, c. 41.
[53] Nithard, I, c. 4. — Collg. Ann.
Fuld. ad 832.
[54] Vita Walæ, p. 510.
[55] Vita Ludovici, c. 57, 59.
[56] Ann. Bertin, ad 832. Vita Ludovici, c. 47. Thégan, c. 41.
[57] Annal. Xantens. ad 832 (Pertz, II, p. 225).
[58] Vita Ludovici, c. 47.