LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VII — LES ÉVANGILES DE SATAN (PREMIÈRE PARTIE)

I. — LES PAROLES DU RABBI.

 

 

I. — LES TROIS SCRIBES ORIGINAUX.

 

En dehors de la Loi et des Prophètes, les Écritures de la secte jehouddique transmises par Philippe, Jehoudda Toâmin et Mathias bar-Toâmin ne comportent qu'un seul livre, les Paroles du Rabbi, composées en araméen, et comprenant l'Évangile du Royaume ou Apocalypse : le titre grec donne Logia Kuriou. Le grand homme de la secte, le Rabbi, ce n'est point Bar-Jehoudda, c'est le père des Sept, c'est celui que l'histoire juive appelle en son nom de circoncision Jehoudda, et les Évangiles de divers noms empruntés à sa doctrine et aptes à masquer son identité.

On a grossi le personnage du Joannès, parce qu'étant Nazir, il s'élève au-dessus de ses frères et que dans la fable il est à lui seul tout le Baptême. Mais pour les contemporains, Shehimon, Jacob senior et Ménahem balançaient son prestige. A preuve les perpétuelles discussions qui s'engagent dans les Évangiles, entre les disciples du Rabbi, sur la question de savoir qui est le plus grand. Cependant Jésus la tranchait dans les Évangiles dont Valentin s'est servi pour écrire la Foi assagie : les plus grands d'entre les disciples sont Joannès, pseudonyme de Bar-Jehoudda, et Maria Magdaléenne, pseudonyme de sa mère Salomé. C'est à l'auteur de l'Apocalypse que pense Valentin lorsqu'il parle ainsi, au Joannès-christ dont son frère Philippe écrivait chaque jour les paroles et les actes[1].

Shehimon avait laissé au moins un fils, nommé Jehoudda, lequel était, comme son nom l'indique, filleul de Bar-Jehoudda. Ce Jehoudda est dit Marcos dans les Écritures actuelles. Marcos est une corruption de Malchos ; Malchos vient de Malik qui veut dire roi, et, en effet, Shehimon mort, la couronne passait à son fils aîné Jehoudda. Comment et quand celui-ci est-il mort ? Est-ce avant, après ou avec Ménahem ? Avant, après ou avec Éléazar, le héros de Massada ?[2] On ne sait. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à un moment donné, Jehoudda bar-Shehimon s'est trouvé l'héritier présomptif, le Malik de la famille, au cas où la monarchie davidique eût été rétablie. On a fait Marcos de Malchos, comme on fait Paulos de Saülas ; on a latinisé les deux noms par la substitution d'une lettre, au commencement dans celui de Paulos, au milieu dans celui de Malchos. Lorsque les marchands de christ eurent décidé que Shehimon serait venu à Rome sous le nom de Petrus, son fils Jehoudda l'y suivit sous le nom de Marcus, et ce nom que tant de grands hommes avaient porté sonnait aux oreilles comme ayant droit de cité romaine.

 

Ni Mathias, fils de Toâmin, ni Jehoudda, surnommé Marcos et fils de Shehimon, n'avaient composé d'Évangile : Mathias a écrit en hébreu les Paroles du Rabbi et chacun les a traduites (en grec) comme il a pu. Voilà es deux lignes que l'imposteur Eusèbe donne comme étant de Papias, évêque millénariste d'Hiérapolis dans la seconde moitié du second siècle. En dehors de cela, rien sur Mathias[3], sinon dans Valentin où il vient à la suite de son père parmi les trois scribes jehouddiques. Marcos, qui avait suivi Pierre (Shehimon dit la Pierre), a transmis quelques faits, peu nombreux et sans ordre. Voilà les deux lignes que, d'après Eusèbe, Papias aurait laissées sur Marcos. En dehors de cela, rien sur Marcos[4], même dans Valentin. Il va sans dire que le mot Rabbi, ayant été traduit en grec par Kurios, et étant passé du père au fils dans la suite des temps, l'Église traduit par Seigneur, comme si en son vivant la famille de Bar-Jehoudda l'avait regardé comme un dieu définitif.

Il va sans dire aussi que Loucas, Loukios ou Lucius, frère de Simon de Cyrène, et sous le nom de qui on a mis un Évangile, est mort inconnu de Papias et de Valentin comme auteur d'un écrit de ce genre, et que ses neveux, Alexandre et Rufus, fils de Simon, sont exactement dans le même cas.

 

II. — LE TARGUM DE MÉNAHEM.

 

Des sept fils de Jehoudda, celui qui avait laissé en Judée les souvenirs les plus vivaces, en raison même de ses excès, c'était Ménahem. Les Juifs du Talmud ne repoussent Bar-Jehoudda qu'à cause des calomnies dont ils commençaient à souffrir de la part de son revenant Jésus. Mais le nom de Ménahem conserve comme une vertu secrète. Témoin ce targum araméen[5] : Un jour un Israélite qui labourait son champ entendit sa vache se plaindre[6]. Mauvais présage. Un Arabe passait : Fils de Juda, dit-il, fils de Juda, laisse là ta vache et ta charrue, car le moment approche où tu seras ruiné. Et l'Israélite abandonna son travail. La vache ayant mugi une seconde fois : Fils de Juda, dit l'Arabe, fils de Juda, reprends ta vache et ta charrue, car le roi-messie vient de naître. — Comment s'appelle-t-il ?Ménahem. — Et son père ?Ezéchias[7]. — Et d'où est-il ?De la ville royale de Betléhem en Judée[8]. Alors l'Israélite alla acheter un taureau et une charrue pour reprendre le travail. En même temps il acheta des vêtements d'enfant pour les donner au nouveau-né, puis partit pour Betléhem. Arrivé près de la ville, où des rabbis entraient et d'où d'autres sortaient, il vit que toutes les femmes, dans la même pensée que lui, achetaient des effets, toutes, sauf une, et c'était la mère de Ménahem ! « Mère de Ménahem, disaient les femmes étonnées, viens donc acheter quelque chose pour ton enfant. » Mais elle : Oh ! que je voudrais voir étranglés tous les ennemis d'Israël ! car au jour de la naissance du Messie j'apprends la ruine prochaine du Temple de Jérusalem. — Nous sommes certains, fit observer le pèlerin, que si, à cause de lui, le Temple doit être ruiné, il sera aussi rebâti par lui[9]. Console-toi donc, puisque tel est le sens de son nom (Ménahem veut dire Consolateur), et achète. — Mais je n'ai pas une obole, dit-elle. — Que t'importe ? dit le pèlerin, va, achète ce qu'il te faut aujourd'hui ; si tu n'as pas devant toi l'argent nécessaire, demain je viendrai payer pour toi. Et en effet, deux jours après-il revint dans la ville, mais il ne vit plus l'enfant. Qu'en as-tu fait, demanda-t-il à la mère ?Je ne sais, répondit-elle, depuis que tu m'as vue, des vents d'orage et des tempêtes sont survenus et me l'ont enlevé des mains[10].

A cet endroit du Talmud, le rabbi Boun fait observer qu'il n'y a pas besoin de ce targum pour être sûr que le Messie sera de la tribu de Juda et de la maison de David : Le Liban tombera avec majesté, dit Isaïe ; et immédiatement après : Une branche sortira de la souche d'Ischaï[11]. Ce n'est donc que partie remise, si la souche d'Ischaï n'est point éteinte.

Voilà le targum d'un franc christien et qui connaît son histoire. Il ne pense pas que la résurrection de Bar-Jehoudda au bout de trois jours puisse être tenue pour une revanche suffisante, et que le corps de ce baptiseur puisse équivaloir au Temple lui-même. Le Temple, perdu par Ménahem, sera reconstruit par quelque Bar-Kocheba[12].

 

III. — LES VRAIS DISCIPLES DU RABBI.

 

Après la mort de Ménahem, dernier frère du christ, sauf ceux qui s'ensevelirent avec Eléazar, son neveu, sous les ruines de Massada, les disciples se retirèrent au-delà du Jourdain, mornes, sans voix, mais toujours obstinés dans la chimère du Royaume de ce monde. Le nom qui leur est resté vaut tout un signalement : Jesséens ou mieux Ischaïtes[13], tenant Jehoudda pour législateur, Bar-Jehoudda pour vrai prophète et toute leur famille pour une pépinière de Messies. On les appelle également Naziréens, en raison de leur attachement aux passions xénophobes comme aux promesses dorées de Jehoudda. Car les Naziréens sont antérieurs à l'invention de Jésus[14], et tous refusèrent énergiquement de s'incliner devant cette ombre de Messie, ce trompe-l'œil, lorsqu'on le leur présenta dans la fable.

Quelles Écritures avaient-ils à la fin du premier siècle, par exemple ? Point d'autres que les Paroles du Rabbi, l'Évangile du Royaume. Qu'a fait l'imposteur qui, au quatrième siècle, s'est servi du nom de Clément pour inventer Pierre pape, et quelles Ecritures a-t-il citées pour prouver qu'ayant vu, connu Shehimon à Rome sous Néron, il était son successeur authentique ? Les Paroles du Rabbi.

Le Temple ruiné, les Naziréens adoraient en quelque sorte son emplacement, celui du Sanctuaire, la maison dont le zèle avait dévoré leur Rabbi. Nazireth, c'était pour eux Jérusalem elle-même ; malgré tout, c'était l'axe du char d'Ézéchiel, c'était toujours là que le Fils de l'homme devait descendre : l'Apocalypse l'avait dit, et l'Apocalypse, c'était la prophétie des prophéties. Peu estimés des autres Juifs, malgré leurs prétentions, ils avaient à l'écart. Ils avaient apporté plus d'embarras que de secours à la défense de Jérusalem, et s'étaient enfuis du Temple avec Ménahem. Le grand et dernier choc fut soutenu par les Iduméens de Simon-bar-Cathlas, les Danites de Simon-bar-Gioras et les Galiléens de Jochanan de Gischala. Piller, persécuter, assassiner, brûler, tout sacrifier à la vengeance, voilà quel avait été le programme des Sicaires. Le fanatisme leur avait inspiré moins de courage patriotique, moins d'ardeur efficace qu'à ces Iduméens maudits dont les Hérodes étaient issus. Ils n'avaient en eux que le génie destructeur et iconoclaste ; et c'est, guidé par le souvenir de cette spécialité, qu'un ennemi de leur superstition, païen, arien ou chrestien, leur a imputé faussement l'incendie de Rome sous Néron. Après tous ceux qu'ils avaient allumés en Egypte, en Asie, en Cyrénaïque et à Chypre, cette explication rétrospective — elle date tout au plus de la fin du quatrième siècle — parut normale à l'interpolateur de Tacite.

 

Si Jésus avait existé, parlé, prêché, fait ses miracles, c'est lui qui aurait laissé son nom aux disciples, et non le Nazir. De simples fondateurs d'écoles arrivent sans effort à ce résultat que leurs partisans s'appellent comme eux. Simon fait les Simoniens, Elkaï (El-Koch, l'Étoile) les Elkésaïtes, Cérinthe les Cérinthiens, Valentin les Valentiniens, Marcion les Marcionites, Carpocrate les Carpocratiens, Montan les Montanistes. Mais qui a entendu parler des Ieoschouates ? C'est pourtant le nom qu'auraient pris les apôtres, s'ils avaient eu Ieoschoua pour maître ; c'est le nom qu'on leur aurait donné, malgré eux, le nom de celui qui dans la fable ressuscite et monte au ciel en leur présence. Infailliblement nous aurions eu les Ieoschouates, dont les Grecs auraient fait Iésoutes, et les romains d'Espagne Jésuites, sans attendre Ignace de Loyola !

Et quel plus beau nom que celui de Sauveur ! Si le Jésus des miracles avait existé, son souvenir aurait complètement effacé celui du christ baptiseur. Il se trouve, au contraire, que toutes les sectes se sont formées autour du Joannès, et qu'aucune n'a voulu accepter Jésus en qui elles ne virent jamais, selon leur propre expression, qu'un faux et vain Messie. Tout ce qu'on sait des Naziréens, des Ischaïtes et des Ebionites montre qu'ils pensèrent de Jésus ce qu'en pensaient les Valentiniens à l'autre bout de la gnose juive : une simple logophanie, imaginée par les scribes et développée jusqu'au scandale par les marchands de christ.

L'opinion de beaucoup la plus décisive est celle des Naziréens, ainsi nommés de ce qu'ils adhéraient étroitement au dogme du Nazir, ou Ebionites de ce qu'ils étaient pauvres, non d'argent mais d'esprit : la Loi toute nue, comme disait Jehoudda Panthora, voilà leur devise. Commenter, c'est affaiblir ; interpréter, c'est appauvrir. Sur Jésus, point d'hésitation chez eux. Aucune non plus sur le Rabbi leur maître. Ils ne confondent Pas, ils tiennent Jésus pour une vaine apparence, et le Christ pour un homme que son respect de la Loi a élevé au-dessus des autres, ayant eu pour père celui qui s'appelle Joseph et pour mère celle qui s'appelle Maria dans la fable. Enfin ils tiennent Saül pour un apostat, un traître et un ennemi. Ils rejetèrent toutes les Lettres qu'on donna comme étant de lui, et ces impudents Actes des Apôtres où l'on voit Shehimon fraternisant avec le persécuteur de toute sa famille. C'était pour eux des Ecritures fabriquées de la même mauvaise encre que Jésus. Au mépris de la vérité, l'Église a fini par dire , sinon par croire, que les Ebionites sont ceux des Juifs qui ont reconnu Jésus comme ayant eu chair, et à ceux-là elle rattache Pierre lui-même[15]. C'est précisément le contraire. Ce sont ces mêmes Ébionites qui, voyant l'Évangile de Luc où Jésus est présenté comme ayant vécu, disaient : Ombre de Messie... Faux Messie. Or ils n'ont pas pu parler ainsi avant la fin du troisième siècle, puisque pendant les deux premiers et la moitié du troisième, comme on l'a vu dans les Marchands de Christ[16], Jésus n'avait de Nativité propre dans aucun écrit.

Gardiens de la vieille tradition et par conséquent opposés à l'imposture évangélique, ils conservaient eux-mêmes des Actes apostoliques dans lesquels Jacob Oblias venait après son grand-frère et balançait l'importance de Shehimon[17].

Les Sévériens partageaient cette manière de voir, et les Actes qu'ils possédaient — ceux de Philippe, de Toâmin et de Mathias, — leur avaient légué l'horreur de Saül. C'est à ces Actes, histoire authentique de Jehoudda et de sa famille, que l'Église de Rome a substitué les Actes des Apôtres contenus aujourd'hui dans le Canon des Ecritures et qui sont le défi le plus insolent qu'on ait jamais lancé au Dieu de vérité.

Les vrais disciples furent étonnés lorsqu'on leur montra un Évangile dans lequel le christ cessait d'être franchement et catégoriquement le fils du Joseph et de la Maria Magdaléenne de la fable primitive[18]. S'il est fils de Dieu, disaient-ils, c'est comme nous-mêmes. S'il a été justifié, c'est par l'observation de la Loi, comme nous le serons à notre tour par ce même moyen. S'il été appelé le christ de Dieu et le Jésus, c'est parce qu'il a pratiqué la Loi sans défaillance en un temps où tout le monde l'avait abandonnée. Et en l'imitant (dans l'observation de la circoncision, du sabbat, des jeûnes, de l'excommunication des étrangers, — il n'est plus question des sacrifices, puisque le Temple est détruit), nous devenons comme lui oints de Dieu (christs) : pour le reste, c'est un homme comme les autres[19]. Voilà un langage honnête, dépouillé d'artifice et revêtu d'autorité, puisqu'il émane de gens qui montent la garde autour des ruines de Jérusalem. Personne parmi les apôtres n'avait vu Jésus, cette ombre vaine, ce pâle fantôme de Messie qui pousse l'oubli de la vraisemblance jusqu'à faire le procès de la Loi au milieu de ceux qui étaient morts pour elle ! Car dans les Évangiles Jésus trahit, ne vous y trompez pas ! Pour un Naziréen, pour un christien orthodoxe, le vrai traître de l'Évangile, ce n'est pas Judas, c'est ce Jésus qui renonce au Royaume de la terre et qui appelle Shehimon Satan, parce que Shehimon, tout comme le Rabbi son frère, comptait vivre mille ans dans l'Eden rétabli. Retire-toi de moi, Satan, tu es un scandale pour moi, parce que tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce. qui est des hommes ![20]

Aucun de ces Juifs n'a été dupe de la fable, et parmi eux Jésus était un personnage de dialogue des morts, un deus ex machina, comme il y en a des milliers dans la littérature païenne où l'Olympe passe la plus grande partie de son temps parmi les hommes.

 

IV. — LES PRÉTENDUS DISCIPLES DE JÉSUS À ROME SOUS DOMITIEN.

 

Au silence de l'histoire sur Jésus on a remédié par le faux introduit dans Josèphe. Mais l'ignorance des Ischaïtes, Naziréens et autres sur ce miraculeux personnage jusqu'à l'apparition des Évangiles, cette ignorance attestée par leurs opinions mêmes à défaut d'autres témoignages, comment l'expliquer ? Par d'autres faux : la mine de l'Église est inépuisable. Oyez cette fable d'Hégésippe, un des faussaires les plus sémillants que l'Église ait attelés à son char. A la lia du premier siècle, Domitien a voulu faire périr tous les descendants de David ; mais, se ravisant dans l'intérêt de l'humanité, il a donné l'ordre de les amener à Rome Pour fixer avec eux quelques points d'histoire religieuse demeurés en suspens. Interrogés par l'Empereur qui pourtant en savait plus long qu'eux, s'il avait sous la main les Mémoires de l'impérissable Clément, successeur de Pierre[21], ils conviennent qu'à la vérité ils sont de sang royal et qu'ils descendent de Jehoudda dit Toâmin, frère du jésus[22]. Par conséquent Mathias Bar-Toâmin faisait partie de cette délégation.

Interrogés sur le christ et sur son Royaume, sur le caractère de ce Royaume, quand et où ce Royaume apparaîtrait, ils répondent — et ceci, étant donné la façon dont Domitien pose la question, est du meilleur Hégésippe, voire du meilleur Eusèbe, — qu'il n'était pas terrestre (comme dans l'Apocalypse), mais céleste et divin, qu'il existerait à la fin des Cycles (à une époque rassurante pour Domitien), quand le christ reviendrait dans sa gloire et jugerait les vivants et les morts. Ils négligent de répondre à la question de lieu, ils ne savent pas où se produira l'événement, mais ce n'est plus dans la plaine de Mégiddo, ce n'est plus en Judée ni pour les Juifs seuls : Domitien respire. Ils oublient aussi de dire que leur oncle, le Nazir, comptait régner mille ans sur la terre au moment où Is-Kérioth avait interrompu ce beau rêve.

Mais je pense à l'entrevue que Mathias Bar-Toâmin n'a pu manquer d'avoir avec Josèphe, qui habitait Rome depuis la chute de Jérusalem. Quoique domestiqué par l'Empereur, Josèphe tenait ferme pour son Dieu et librement, comme tous les Juifs, comme tous les hommes dans toute l'étendue de l'Empire, car jamais la liberté religieuse ne sera ce qu'elle était alors[23]. En ce moment même, il se retrempait dans l'étude de la loi judaïque, dans le culte intérieur de Iahvé, un, indivisible, indécomposable, indestructible, et il eût fait beau voir qu'il rencontrât sur la Via Appia le spectre de Bar-Jehoudda, — Rabbi, quo vadis ? — que, sous le nom de Pierre, Shehimon rencontre aujourd'hui dans le roman papal.

Ce qui eut été particulièrement beau, d'une beauté noble et piquante à la fois, c'eût été une conversation entre Josèphe, Mathias, Marc et Anaclet, alors pape, sur le meilleur emplacement à obtenir de Domitien pour y transférer les restes de Pierre. Que de choses Josèphe eût apprises en un instant ! l'existence d'un Fils de Dieu dans cette Galilée qu'il avait, lui, Josèphe, si mal défendue contre Vespasien, les miracles dans Capharnaüm, la multiplication des pains, les noces de Cana, puis, là-haut, sur la montagne sainte, après tant de choses divines, la sentence, la sentence inique où son Père avait trempé avec tant d'autres sacrificateurs et docteurs de la Loi ! puis, trois jours après, la Résurrection, la glorieuse Résurrection, l'Ascension enfin, l'Ascension triomphante devant les Apôtres ! Et en ce qui touche Pierre, quels regrets pour Josèphe de n'avoir pas connu un homme qui faisait tant d'honneur à sa race par l'aménité de son caractère et qui dans l'Urbs avait été l'Empereur spirituel de l'univers ébloui ! Oh ! ces vingt-cinq années trois mois et huit jours d'un pontificat sans nuages ! ces foules transportées par la parole enflammée du Prince des Apôtres ! Sénèque lui-même conquis avec toute la philosophie par l'Apôtre des nations ! tant de souvenirs dans Rome répandus, traces éternelles dans une Ville éternelle ! le palais du sénateur Pudens où Pierre demeura sept ans, baptisant, catéchisant, présidant les synnaxes ! cette cuve où il ondoyait Priscilla, Novatus, Pudentienne et Prisca ! cette chaire d'où sa voix, tour à tour onctueuse et tonnante remplissait les âmes d'un salutaire émoi ! Et cette prison Mamertine, ce sombre Tullianum, ce mur où sa main s'appuya, cette fontaine que sa piété fit jaillir, cette colonne où les chaînes furent à ses pieds rivées, ce tertre où sa croix fut plantée par des païens égarés ! ce sépulcre où son corps, oint de myrrhe et de nard — coût : quinze cents mines — fut déposé dans les fraîches catacombes de la colline Vaticane, non loin du Cirque où Néron, altéré de sang, faisait voler son char autour de la Spina ! Et Paul ? quels regrets pour Josèphe de n'avoir connu que Saül ! Comme l'esprit, fatigué par les spéculations métaphysiques, se repose largement dans ces grandes vérités de l'histoire ! Et comme on aimerait à s'y engager, presque à s'y perdre, si les bassesses de la vie quotidienne ne réclamaient brutalement leur part !

 

Eh bien ! le mensonge absurde d'Hégésippe n'en prouve pas moins plusieurs vérités. Personne à Rome, ni les descendants du sénateur Pudens, hôte de Pierre[24], ni les grands passés à la jehouddolâtrie comme les Domitilla, les Glabrion et la famille de Clémens[25], personne enfin ne connaît Jésus de Nazareth, et pour savoir en quoi consiste le Royaume des Juifs Domitien est obligé de faire venir de Bathanée les descendants de Jehoudda Toâmin ! Nous sommes en 95 de l'Ère chrétienne, il y a un évêque à Rome, que dis-je ? un pape, Anaclet, troisième successeur du Prince des Apôtres, il lit tous les jours aux nombreux fidèles l'Évangile de Marc, qui a été écrit dans Rome sous la dictée de Pierre avant l'an 65[26], et pour se faire une idée du Royaume selon le christ Domitien en est réduit à prendre ses informations au-delà du Jourdain ! Anaclet, a quoi sers-tu ? Et toi, Lin ? Et toi, divin Clément, quel est ton office ?[27] Au lieu d'ériger des monuments à Pierre, au lieu d'écrire aux Corinthiens, ne feriez-vous Pas œuvre plus pie en lisant à Domitien la vie de Jésus qui est déjà dans Marc, dans Mathieu et dans Luc, — ou les Histoires ecclésiastiques ne sont que d'odieuses mystifications, — et l'Apocalypse de Pathmos dont l'auteur vous a certainement donné connaissance avant d'échapper à l'huile bouillante par la Porte Latine[28] ? Votre indifférence pour ces textes sacrés expose la famille du christ aux derniers périls, puisque Domitien ne l'envoie chercher que pour la détruire ! Heureusement pour elle Domitien la relâche en échange des bonnes paroles qu'il en tire.

Avec un mépris superbe pour les ordonnances de leur oncle Bar-Jehoudda[29], avec un oubli complet de la punition infligée par leur autre oncle Shehimon à Ananias et à Zaphira[30] et du généreux exemple donné par Barnabas, fils d'Hallévi[31], les descendants de Toâmin, rentrent en Bathanée où, ad vomitum redeuntes, ils continuent l'usage de la propriété privée sur une étendue de trente-sept plèthres. Et, loin de vendre leur champ pour en distribuer le prix à la communauté, ils le cultivent jusqu'à la callosité manuelle, sans rien céder à personne du revenu de ces trente-sept plèthres — sept plèthres de plus que Judas n'avait reçu de deniers pour livrer leur oncle ! Tel est le tableau qu'Hégésippe nous fait de cette cincinnatique famille à la fin du premier siècle. Mais admirons, admirons l'incohérence de Domitien qui renvoie libres, en Judée, avec une indemnité de retour peut-être, les petits-neveux de l'Homme-dieu pour qui les Glabrion, les Flavius Clémens et les Domitilla vont mourir tout à l'heure[32]. Oui, ces petits-neveux du christ dénoncés par des hérétiques (ainsi parle Eusèbe raffinant sur Hégésippe), recherchés déjà par Vespasien (ceci encore de l'inlassable Eusèbe), arrêtés, et conduits à Rome par les gens de l'Empereur, ces descendants authentiques de David, ces prétendants légitimes au royaume de Judée, sont renvoyés indemnes dans leurs terres, tandis que Domitilla, Flavius Clémens et Glabrion paient de leur tête le penchant qu'ils marquent pour la jehouddolâtrie ! Petits-neveux de Bar-Jehoudda, dieux par népotisme, êtes-vous seulement allés prier sur les tombeaux de Pierre et de Paul ?[33] Avez-vous versé de pieuses larmes sur la Spina du Cirque de Néron où Pierre est tombé sous les coups des bourreaux ? Frissonnâtes-vous en pensant à ce pauvre oncle lorsque vous traversâtes les jardins du Vatican pour aller causer du Royaume céleste avec Domitien ?

 

V. — LES APOCALYPSES DE LA DÉCADENCE.

 

Les œuvres du Rabbi ou pour mieux dire des Rabbis se composaient de deux parties : l'une où ils dévoilaient aux Juifs le commencement des choses ou Genèse, l'autre où ils en annonçaient le Renouvellement millénaire et la Fin. La seconde seule nous est parvenue, mutilée, défigurée, interpolée par les adaptateurs grecs et latins sous le nom d'Apocalypse de Pathmos.

Saül, dont on a fait l'apôtre Paul, et Jehoudda-Is-Kérioth, dont on a fait Judas l'Iscariote, tous deux ennemis de la famille de Jehoudda, Apollos, le contre-christ d'Alexandrie, Simon de Chypre alias Simon le Magicien, auteur lui aussi d'une Grande Apocalypse dont il reste quelques fragments, Ménander et Saturnin ses disciples à Antioche, Sénèque et Lucain, Josèphe, Juste de Tibériade, Philon, Quintilien, Suétone, Tacite, pour nous en tenir au premier siècle, ont parfaitement connu l'Apocalypse, les uns comme une spéculation qui rentrait dans leurs études, les autres, je parle ici des Romains, comme une révélation de l'état de l'esprit juif à l'égard du monde occidental.

Les Évangiles eux-mêmes nous disent que de son vivant la réputation du christ et l'attente du Grand Jour s'étaient propagées non point seulement en Judée en Galilée et en Idumée, mais dans toutes les villes de la Décapole et de la Syrie, dans tout le territoire de Tyr et de Sidon[34].

Entre les Juifs du Temple et ceux de la secte on faisait parfaitement la distinction, même au dehors. Quand Dion Cassius parle des Juifs et de leur religion à propos de l'expédition de Pompée[35] quand Lucain met dans la bouche du même Pompée une vague destruction de la divinité juive[36], l'historien et le poète s'entendent comme s'ils appartenaient au même siècle. Mais dès qu'un auteur, — Dion Cassius précisément, après Tacite, Suétone, Quintilien et autres, — veut parler des Juifs qui incarnent ici-bas dans un fils de David toutes les ambitions et toutes les espérances de leur race, il parle de cette superstition comme d'une impiété qui leur est particulière et qui s'est glissée dans leur religion[37]. Des écrivains ultra-catholiques reconnaissent que dans les renseignements laissés par Tacite sur les Juifs il y a des traits qui s'adressent aux christiens[38]. Mais ne le reconnaîtraient-ils pas qu'il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, en dépit de tout ce qui a été enlevé de direct dans cette effroyable page. Plutarque, Arrien, distinguent fort bien entre la superstition des christiens, exécrable chez les mauvais, hypocrite chez les meilleurs, et la religion officielle des Juifs. Les sabbatismes et les prosternations de certains Juifs qu'il ne désigne pas autrement sont odieuses à Plutarque[39]. De Maistre croit y discerner les rites christiens, et il ne savait guère jusqu'à quel point il voyait juste[40].

Notons-le bien : jusqu'à la fin des temps improprement appelés premier et second siècles d'une ère qui n a jamais commencé, on ne s'écarte pas de l'idée d'un Messie plus ou moins macrobite, mais triomphant. Aucune des petites Apocalypses nées de la grande au pied du Vésuve ou du Palatin ne laisse supposer l'existence d'un certain Jésus déjà prêché comme un dieu en Judée, en Asie, en Grèce et en Italie. Au contraire, il y a une Renaissance d'Apocalypses, Apocalypses de la décadence, très inférieures à celle du christ que les Évangélistes considèrent à bon droit comme fermant le cycle des grandes prophéties de l'Ancien Testament : Les prophètes jusqu'à Joannès, dit Jésus. Mais les christiens hérétiques, ceux qui, pareils à Apollos[41], pensaient que le Messie pouvait naître hors de la maison de David, ceux-là, de leur côté s'agitaient, inondant le monde de leurs prédictions. S'ils différaient sur les origines et les moyens, tous s'accordaient avec le christ sur le résultat souhaité : la ruine de la civilisation occidentale. Les Barbares leur ont donné raison. La première éruption du Vésuve, sous Néron, était annoncée par les prophéties, dit Sénèque. Sur la seconde, celle ou périt Pline l'ancien, on se persuadait, dit Pline le jeune, qu'il n'y avait plus de Dieux et que cette nuit était la dernière, l'éternelle nuit qui devait ensevelir le monde. Et on pensait aux terribles prédictions qui annonçaient la catastrophe finale.

C'est beaucoup plus tard, et par raison d'Église, qu'on s'avisa de présenter Néron comme Antéchrist. Ce n'est pas Néron qui a consommé la ruine de Jérusalem, c'est Vespasien par Titus. .Néron lut une des hôtes de l'Apocalypse, il n'a rien de la Bête par excellence. L'Antimessie triomphant, c'est Vespasien. Mais depuis l'attribution du manifeste de Bar-Jehoudda à certain apôtre-évangéliste nommé Jochanan chez les Juifs et Joannès chez les Grecs, lequel Joannès aurait composé l'Apocalypse de Pathmos sous Domitien après avoir été ébouillanté à Rome sous Néron, il fut convenu que celui-ci serait l'Antéchrist à l'exclusion de tous les autres empereurs. C'est de là qu'est née l'Apocalypse sibylline, cette idée que Dieu, pour venger les Juifs des Flaviens, avait laissé vivre Néron secrètement ; que ce prince, acceptant l'offre refusée par le Pompée de la Pharsale, avait trouvé asile chez les Parthes et qu'il reviendrait saccager tout, Rome après Jérusalem. Dans l'Apocalypse donnée comme sibylline et qu'on trouve en effet dans les Livres sibyllins, un Juif comme il y en avait en Campanie, à Pouzzoles, ou mieux un moine comme il y en eut dans les couvents au cinquième siècle, menace les Flaviens du retour de Néron et Néron de la venue de Dieu, mais de Dieu seul. Si elle est authentique, le Juif qui l'a composée ignore totalement que son Dieu ait eu un fils à Betléhem, que ce fils soit le Créateur du monde, qu'il ait donné sa vie pour sauver les hommes, et qu'il doive revenir au jour du jugement pour intercéder en faveur des bons. Dieu ici fait sa besogne lui-même, et le baptême de rémission au quel il est fait une allusion peu transparente[42] suffît pour se présenter devant le juge.

On donne toutes sortes de dates, excepté la vraie, à l'Apocalypse sibylline[43]. Il n'importe. Le curieux est qu elle ruine d'avance l'interpolation de Tacite sur les supplices des disciples de Bar-Jehoudda dans les jardins du Vatican, car on n'y accuse Néron que d'avoir tue sa mère, nullement d'avoir incendié Rome et supplicie des Juifs patriotes comme Shehimon frère du christ. Les seules victimes qu'elle pleure, ce sont les pieux adorateurs de Dieu injustement tués, ce qui ne peut s entendre que des pseudo-martyrs célébrés dans les Actes des Apôtres et dans les Passions de Pierre et de Paul.

Mais cette Apocalypse est-elle authentique ? Voilà un Juif de langue grecque qui habite l'Italie et assez instruit pour faire des vers, il écrit non loin de la grotte de Cumes, il narre l'éruption du Vésuve avec une vérité qui décèle le témoin oculaire, il ne sait rien ni de Pierre ni de Paul à Rome[44], il n'en veut à Néron que d'avoir tué sa mère et Jérusalem. Paul a prêché Bar-Jehoudda pendant sept jours dans Pouzzoles[45], le Juif de cette Apocalypse n'a rien vu, rien entendu ; il ne sait pas qu'il est sauvé, et avec lui tous les autres hommes, pour peu qu'il croie à Jésus. Mais Paul n'est resté que sept jours parmi les frères de Pouzzoles, ce Juif était enfant ou il n'était pas là ? Sans doute, mais Pierre avait régné dans Rome pendant vingt-cinq ans deux mois et quatre jours, il avait dicté son Évangile à Marc, baptisé des familles sénatoriales, annoncé le salut par son frère aux soixante mille Juifs de Rome, fondé une église que Néron avait persécutée vainement, laissé des héritiers : Clément, Linus, Anaclet[46]. Quoique sibyllin, ce Juif ne se doute pas des vertigineux progrès de sa race dans le monde romain !

 

L'Apocalypse d'Esdras voit dans Néron un nouveau Nabuchodonosor, dans Rome une Babylone nouvelle, — ce dernier trait pris à l'Apocalypse du christ. Voilà encore un Juif qui ne sait rien de Jésus ! — c'est une manie chez eux, dira Photius, patriarche de Constantinople au neuvième siècle : (manie curable par interpolation, l'Église a introduit Jésus dans Josèphe.) Au temps où écrit le nouvel Esdras, sous Domitien, croit-on, le Fils de l'homme n'était pas encore venu, mais son Père se préparait à l'envoyer. Il se préparait ainsi depuis le Jubilé de 789, mais il n'était pas pressé de montrer qu'il y avait une seconde personne en lui, tin Fils chargé de fonder le Royaume des Juifs. D'ailleurs les conditions de ce règne, de sa longévité, -variaient trop pour qu'il se décidât à tenter l'épreuve. Mon fils le Messie va être révélé avec ceux qui sont avec lui, et pendant quatre cents ans il fera le bonheur de ceux qui sont restés sur la terre. Au bout de ce temps, mon fils le Messie[47] mourra ainsi que tous les hommes, et le monde retombera dans le silence d'avant la création. Au bout de sept jours, un monde nouveau surgira, la terre rendra ses morts et Dieu les jugera, sans l'assistance de son fils.

Le nouvel Esdras erre misérablement, comme on voit. Quatre cents ans de vie terrestre pour le Messie, puis la mort comme le commun des hommes, ce n'est pas la peine de commencer ! Mille ans, comme entrée de jeu, disaient le christ et ses frères, puis l'éternité. Voilà qui avait un air de confort. Le nouvel Esdras, s'il connaît la grande Apocalypse, est un hérétique ou bien il manque de foi. Et puis où prend-t-il ses chiffres ? Pourquoi quatre cents ans ? Ce n'est pas raisonné. Toutefois l'homme-messie devait se lever sous Nerva, qui est clairement désigné et le nouvel Esdras écrit à Rome, puisqu'il prétend avoir ses visions dans Babylone. Mais alors, Dieu me damne, ce Juif, devenu romain par habitation, ignore Jésus ? Il ignore Pierre pape pendant vingt-cinq ans deux mois et quatre jours, Pierre martyrisé soit au sommet du Janicule soit dans le Cirque du Vatican ? En ce cas quelle créance mérite ce faquin ? Aussi comme il patauge !

Son Messie prend d'abord la forme d'un lion (le lion de Judas) qui condamne à mort l'aigle de Rome. C'est ensuite un vent assez orthodoxe qui s'élève sur la mer (au commencement l'Esprit était sur les eaux), se convertit en homme, monte sur la montagne (Sion), consume par le feu de sa bouche les nations venues des quatre vents des cieux pour lui donner l'assaut, et en redescend pour appeler à lui la multitude pacifique. L'homme qui sort de la mer, dit Esdras, est celui que le Seigneur conserve depuis longtemps.... C'est mon Fils, ajoute le Seigneur. Mais à ce ton embarrassé on voit que le Dieu des armées juives n'a pas confiance dans l'avenir de ce Neptune qui, semble-t-il, n'a pas été circoncis.

 

Point de mouvement en Judée qui ne fut précédé ou accompagné de l'Apocalypse. Sous Trajan elle reparaît, signée Elxaios[48], ou Jexeos[49], avec les mêmes formules astrologiques, et le même Fils de l'homme dont l'être femelle est l'Esprit-Saint en personne. Semblables aux Naziréens et aux Ebionites, les Juifs attachés à cet Évangile refusèrent énergiquement de reconnaître Jésus en chair. Ce revenant de Bar-Jehoudda ne leur disait rien qui valût.

Sous la trajectoire de l'Apocalypse, nous trouvons Hermas, la tète farcie des visions les plus folles, moins méchantes toutefois que celles du christ et qui pour cette raison n'eurent qu'un médiocre succès. Nous laissons Hermas de côté, quoi qu'on l'ait placé parmi les Pères apostoliques. Hermas est un gnostique d'avant les Évangiles : plus simple que Valentin, il entoure Dieu de six Anges supérieurs dont le Fils de Dieu, identique à l'Archange Michel[50], est le chef. Chacun voit Dieu et construit le paradis comme il lui plaît.

 

L'Apocalypse d'Hénoch dérive de l'Apocalypse jehouddique. L'auteur de la Lettre de Jude l'a connue. Le faux Jude (Jehoudda Toâmin) date du troisième siècle, comme tous les écrits canoniques qu'on rapporte au premier, mais il atteste Hénoch qui est du second. Très ferré sur les anges, maniant aussi la parabole, s'il n'est point interpolé à cet endroit, Hénoch fait brouter les étoiles, et de leur union avec les taureaux il tire des éléphants, des chameaux et des ânes. Les Évangélistes ne lui empruntent point ces hardiesses, quoique Hénoch, jadis en levé au ciel, eût été à même de voir et par conséquent de garantir bien des choses.

Son Apocalypse, qui est en même temps une Sagesse, a disparu pendant quinze siècles[51], enfouie en Éthiopie : Apocalypse et Sagesse d'un gnosticisme assez simplet, en tout cas absolument exclusif de Jésus. On devine d'ailleurs ce qu'il en peut rester après quinze siècles de séjour parmi les moines. C'est la composition de Juifs christiens du second siècle. Le Fils de l'homme y est toujours puissant ; mais, assagi par la lecture des Psaumes de David, il est devenu prudent et habile, quoiqu'il sache encore manier l'épée. C'est un type de l'évolution judaïque vers Valentin. Il s'incarne jusqu'à un certain point dans certaines paraboles des Évangiles. Son royaume est terrestre, et on ne peut douter que dans le texte primitif il n'ait été franchement millénariste. L'auteur n'a pas été sans influence sur la rédaction des Synoptisés et sur la lettre de Jude : il n'ignore pas que le christ baptiseur soit venu en Judée, mais il ne lui plairait pas qu'un prophète quelconque, même celui-là, prétendit être le Fils de l'homme. Car ceux qui se croient dieux sont considérés comme des signes du Diable. Le Père est dit le Seigneur des Esprits et plane trop haut pour qu'on en puisse discerner la Corme : seul le Fils apparaît nettement, créateur de la créature.

Transporté au ciel comme Bar-Jehoudda et l'auteur des Lettres de Paul, — toutefois il ne dit pas que ce soit au troisième, — l'auteur a vu Hénoch. Hénoch connaît parfaitement le Fils Verbe qui est près de l'Ancien des jours, le Père. Celui-là est bien le Seigneur des Seigneurs, et il chassera tous les rois de leurs terres parce qu'ils refusent de l'honorer. Il occupera le trône à leur place, et le monde entier l'adorera, car il était avant la création du soleil et des astres. Le copiste ferait tout aussi bien de citer son auteur, qui est le christ lui-même. Hénoch toutefois révèle une modification importante : le Grand jour qui, selon l'Évangile du Royaume, devait avoir lieu dans cette génération, est remis à une génération plus éloignée pour le bien des élus, et cette Sagesse doit servir à les y préparer. Ils auront d'ailleurs toute satisfaction, quand viendra la fin des temps[52], c'est-à-dire quand les secrètes pensées des justes seront révélées[53]. Les maîtres de la terre cesseront d'être puissants, mais ils ne seront point anéantis[54] ; ils seront livrés aux mains des Juifs christiens qui se chargeront de les faire souffrir congrûment. Après quoi le Fils avec son glaive de justice — l'épée de l'Apocalypse — les exterminera. Les pécheurs seront livrés à différents supplices selon le degré de leur corruption, ceux qui les auront séduits seront enchaînés : leurs œuvres s'évanouiront de la face de la terre régénérée, car s'il y a fin des temps il y a pas fin de la matière. Le Royaume est encore de monde, mais purgé de la richesse salomonique qu'il revêt dans Bar-Jehoudda. En vain les rois, les princes, les puissants se prosterneront-ils aux pieds du Fils et l'adoreront-ils : seuls les élus habiteront, mangeront, se lèveront et se coucheront avec lui dans les Cycles des Cycles.

C'est à peu près tout ce qui reste de l'écrit primitif, le reste a été accommodé aux Évangiles d'une part et à Valentin, de l'autre. Les hommes ayant été créés pour mourir, Dieu leur a donné des femmes pour perpétuer la race, mais les anges, par exemple, étant des esprits purs et immortels, n'ont point besoin de femmes et n'en ont point. Les élus seront des anges dans le ciel[55]. Au milieu d'eux habitera la Sagesse qui, n'ayant point trouvé sur la terre où reposer sa tête[56], — en quoi elle est semblable à Jésus dont l'auteur n'a jamais entendu parler, — est retournée au ciel[57]. Plus de sacrifices : le Seigneur veut être adoré spirituellement[58]. Dieu et son Fils habiteront avec les justes rassemblés par la Sagesse.

Toute la substance de la morale valentinienne a été rapportée dans ce livre, et le Sermon de Jésus sur la Montagne est une paraphrase du sermon d'Hénoch. Un scribe qui semble différent du premier entreprend toutes les Ecritures et leur oppose les maximes védiques sur la vanité de la science, notamment celle où il est dit que les hommes n'ont point été créés pour consigner leur croyance sur du papier au moyen de l'encre, ce qui pourrait bien être le dernier mot de la théologie. Çà et là, néanmoins, passent quelques traits du kanaïsme original, peu nombreux, car on a petit à petit désenjuivé cet écrit. Malheur à ceux qui méprisent la masure et l'héritage de leur père et qui rendent un culte impie aux idoles ! Malheur à celui qui aura rejeté le Seigneur[59] ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il n'eût jamais existé[60] !

 

VI. — LES PAROLES DU RABBI SOUS HADRIEN.

 

Dans Alexandrie les têtes tournent à tous les vents des Apocalypses lorsque Hadrien débarque en Egypte.

Cette ville, si vantée pour ses bibliothèques et ses écoles, déraisonne publiquement, ostensiblement, livrée aux kabbalistes, aux mathématiciens astrologues et aux charlatans[61] : il y a des paroles d'en haut dans l'air. Le renouvellement du monde est proche : deux jubilés se sont écoulés depuis la crucifixion du Rabbi ; un nouveau Messie et de la même famille[62], Bar-Kocheba, fils de l'Etoile, se manifeste en Judée. Hadrien, lui de tous les Antonins et probablement de tous les empereurs romains est celui qui s'intéresse le plus aux sciences occultes, aux mathématiques astrologiques et à la kabbale, Hadrien a-t-il ignoré les Paroles du Rabbi ? Nullement. Phlégon, son affranchi, avait écrit une Chronique en seize livres embrassant deux cent vingt-neuf olympiades, la dernière finissant en la quatrième année d'Antonin (142 de l'Erreur christienne). Phlégon avait réuni les témoignages relatifs aux prodiges advenus dans chaque olympiade, et arrivé à la chute de Jérusalem sous Hadrien, il produisait l'Apocalypse[63] comme étant une des révélations que cet évènement avait réalisées. Car les prophéties sur la chute de Jérusalem qui sont aujourd'hui dans la bouche de Jésus viennent en droite ligne de l'Apocalypse augmentée de détails pris à l'histoire. Tel celui-ci : quand vous verrez Jérusalem entourée d'une armée, vous saurez que sa désolation approche. L'Anticelse, œuvre ecclésiastique du cinquième siècle, fait valoir la perspicacité de ce Gribouille : Lorsqu'il parlait ainsi, dit-il, nulle armée n'assiégeait ni n'entourait Jérusalem. Après cela, comment Celse a-t-il osé nier la puissance divinatrice du christ[64], alors que tant d'augures, tant d'oracles, tant d'astrologues ont annoncé l'avenir ? Il est vrai que Phlégon, tout en accordant aux prophéties christiennes la prescience de l'avenir, met ces prophéties sous le nom de Pierre au lieu de les attribuer au jésus ; mais il n'en rend pas moins, malgré lui, hommage à ce qu'il y a de divin dans les paroles que nous avons reçues des auteurs de notre doctrine. Oui, mais, en attendant, Phlégon, qui ne peut avoir connu l'Apocalypse de Pierre sans avoir connu en même temps celle du christ, puisque c'est la même, Phlégon n'avait jamais entendu parler de Jésus et il n'en parlait pas.

D'ailleurs Phlégon nommait-il Pierre, alors que ce frère cadet du christ s'appelait Shehimon dans Josèphe ? Evidemment non. Et pourquoi nommait-il Shehimon au lieu de son aîné ? C'est qu'après la mort de celui-ci, Shehimon, son successeur au trône davidique, avait repris l'Évangile du Royaume et l'avait fait sien[65].

Phlégon, qui encore une fois n'a pu connaître l'un sans l'autre, savait que le véritable auteur de cet Évangile était Bar-Jehoudda, crucifié par Pilate avant que son frère Shehimon ne le fût à son tour par Tibère Alexandre. Et une des preuves qu'il le disait, c'est que sa Chronique a disparu.

Une preuve également que l'Église l'a falsifié avant de s'en servir, c'est que Shehimon y est cité sous son pseudonyme de Pierre. Or il vécut et a été crucifié sous son nom de circoncision qui est Shehimon, et il n'a été surnommé Replias, la Pierre, que par l'évangéliste Papias, environ le temps où Phlégon a composé ses Chroniques.

 

VII. — DES FORMES DE LA PÂQUE CHRISTIENNE AVANT L'INVENTION DE JÉSUS.

 

Avant d'aller plus loin, fixons en traits aussi précis que la matière le permet les premières formes de la pâque et des agapes parmi les disciples du Rabbi. Nous avons déjà établi les conditions requises par lui pour le retour à l'Éden et la rentrée dans le Royaume de Dieu. Ces conditions ne ressemblent en rien à celles que Jésus préconise dans les Évangiles actuels, et cela se comprend, puisqu'il s'est écoulé plus de deux siècles entre la confection de ces fables et les statuts primitifs de la secte.

Tous les fils de Jehoudda étaient morts, comme avait vécu leur père, dans la stricte observance de tous les commandements de la Loi.

Le rétablissement du Temple sans admission des goym, voilà le premier article de leur programme. Bar-Jehoudda et Ménahem, pendant leur règne éphémère, s étaient proclamés Grands-prêtres. Philippe de Side, banquier christien, raconte qu'on gardait dans la synagogue de Tibériade un livre de Theudas, où on lisait que le christ avait été élu Grand-prêtre par les Juifs[66]. Le seul mot qu'il y ait de trop là-dedans, c'est élection Bar-Jehoudda ne l'admettait pas, étant Grand-prêtre de droit divin, comme il était Roi. Le même Philippe ou plutôt l'écrivain anonyme qui le citait confirme le dire de Theudas par un passage interpolé dans Josèphe et qui a disparu, car il déclare avoir trouvé au livre de la Guerre des Juifs (dont Eusèbe Pamphilius fait souvent mention dans l'Histoire ecclésiastique) la preuve que le christ avait célébré le sacrifice dans le Temple avec les prêtres. Philippe ment avec une effronterie tout ecclésiastique, car c'est de la pâque de 789 qu'il veut parler, et vous savez assez que Bar-Jehoudda était aux mains de Pilatus quand ses partisans ont immolé l'agneau dans le Temple ; mais le mensonge de Philippe est un hommage, d'autant plus significatif qu'il est involontaire, à l'orthodoxie du Juif dont Pilatus a purgé la Samarie. Loin d'avoir changé ou simplement voulu changer la pâque légale, le christ n'a jamais eu d'autre ambition que de la célébrer lui-même. C'est ce que dit son revenant dans la mystification eucharistique : J'ai désiré d'un grand désir manger cette pâque avec vous avant de souffrir[67].

 

Le Temple ayant disparu et l'agneau ne pouvant être mangé ailleurs qu'à Jérusalem, les christiens se trouvèrent sans pâque. C'est dans les Paroles du Rabbi qu'ils cherchèrent leurs inspirations pour y suppléer-Entre autres choses divines ils avisèrent la fameuse révélation que nous avons déjà citée, que Clément de Rome, le second pape, déclare avoir lue dans ces Écritures, et que nous ne retrouvons dans aucun des Évangiles actuels : Quelqu'un interrogea le Rabbi pour lui demander quand son royaume viendrait ; il répondit : Lorsque deux ne feront qu'un ; lorsque ce qui sera dehors ressemblera à ce qui sera dedans ; lorsqu'il n'y aura ni mâle ni femelle[68]. Clément d'Alexandrie nous apprend que ces paroles étaient dans l'Évangile des Égyptiens[69] : c'est à Salomé, par conséquent à sa mère, que le Rabbi faisait cette solennelle déclaration, tout à fait conforme à son Apocalypse, et Clément d'Alexandrie citait la demande et la réponse à après Julius Cassianus, auteur du second siècle. L'auteur des deux Épîtres mises sous le nom de Flavius Clémens[70] savait donc, de son côté, que l'interlocutrice au Rabbi s'appelait Salomé et était sa mère. C'est pourquoi elle est devenue un quidam sans détermination de sexe.

Si les deux moitiés de l'androgyne séparé par Dieu[71], n'avaient pas mésusé l'une de l'autre, chacune d'elles prise isolément, eût été immortelle. Mais pour avoir voulu créer à leur tour, elles avaient été punies de mort, Adam pour vol fait à Dieu, Eve pour complicité par recel. D'ailleurs cet accouplement d'une chair jumelle avait été plus qu'irrégulier : c'était quelque chose de monstrueux et qui n'avait pas de nom ; c'était de l'auto-inceste. Car l'Eternel avait séparé Adam, non pour qu'il se rejoignît par malicieuse copulation, mais pour que ses deux moitiés vécussent côte à côte, comme un frère et sa sœur, innocemment, donc éternellement. La mort est entrée dans le monde avec Eve, par le péché d'Adam. Donc, la première chose à faire pour rentrer dans l'Eden c'est de vivre à côté d'Eve sans y toucher. Ainsi avait fait Bar-Jehoudda, le Nazir, pour trouver grâce devant le Créateur, car il s'avouait fils d'Adam et coupable dès le ventre de sa mère. Ce n'est ni par goût ni par tempérament qu'il était resté vierge, c'est par intérêt. Tout était calculé en vue de la Grande pâque, et pour que le fils racheta le péché de la mère. Salomé pouvait être choquée de s'entendre dire de telles choses, mais c'était l'opinion de son mari lui-même, et le seul moyen qu'elle eût d'être réaccouplée avec lui dans le Royaume, entre l'Agneau et les Ânes de 789.

La peur de manquer l'Eden en ajoutant leur propre faute à celle de leur mère avait empêché beaucoup d'élus de se marier ; car se marier, c'était exactement ce qui avait perdu Adam et Eve. Restés vierges à l'instar du Rabbi, ils priaient Dieu de pardonner à leur père et à leur mère qui, en les procréant, avaient renouvelé la faute dont Adam et Eve étaient morts.

 

Ces doctrines absurdes, cette conspiration affichées contre la fin naturelle de l'homme, firent tomber l'ordinaire de la secte au-dessous des pires mœurs païennes. En cela comme en tout, il n'y a rien de plus dangereux que la bêtise. La femme ayant été signalée par les plus modères comme une cause certaine de la perdition première et une cause possible de la perdition seconde, par a autres comme impure rien qu'à raison de son sexe il était avantageux d'être eunuque ou de le devenir. Des diverses sortes d'eunuques qui se partagent son admiration Jésus semble donner la préférence à ceux qui se sont mutilés de leur propre main. Toute une secte se fonda sur ce beau passage, et les disciples de Valésius croyaient forcer les portes du paradis, — pas celui de Mahomet — en se castrant eux-mêmes. Mieux que cela, ils en vinrent à mutiler ceux qui leur demandaient asile, afin de les avoir pour compagnons de fortune[72].

D'autres, beaucoup plus nombreux se rejetèrent sur les débouchés qui répondent le moins aux vues du Créateur. Le baptême avait rassemblé autour du christ tout ce qu'il y avait de pire en Judée, tout ce qu'il y avait de prostitués des deux sexes, de publicains voleurs et d'intendants prévaricateurs. Tous ceux qui, fuyant la justice de hommes, avaient leurs raisons de redouter celle de Dieu, étaient allés lui demander la rémission par l'eau. Lorsque, dans une page célèbre dont on se sert injustement contre les Juifs orthodoxes, Tacite accuse leur religion d'attirer à elle tous les criminels, c'est aux christiens qu'il en a. Point d'impie, de scélérat qui ne se trouve dans l'eau du baptême, avec une assurance contre la mort, une garantie contre le remords. Que les juges condamnent, on n'en est pas moins absous dans le  Royaume ! Et si Dieu ordonne des représailles, on frappera ceux qui se sont faits juges ! Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, dira Pierre.

Mais la théorie absconse de l'un en deux et du deux en un fut encore plus nuisible à la morale que le baptême. On quitta la Ghé-Nazireth pour la Ghé-Sodome. Puisque engendrer était un crime contre Dieu, c'est bien, on n'engendrerait pas ! Mais puisque, d'autre part, l'homme n'avait été perdu que par la femme, c'est aveu lui qu'on s'accouplerait ! Ainsi resterait-on frères. Vous avez vu les Galiléens du siège et les caricatures à tergo du christ. C'est la constatation de cet état d'âme. Il y eut aussi des femmes sœurs qui ne semblent point avoir été vierges in utroque parte. Je ne reproduis pas en français ce que Cyprien dit des Agapétaï ou Bien-aimées qu'on recevait aux Agapes[73].

 

VIII. — LA PÂQUE DES ÉGLISES CHRISTOPHAGES.

 

A ces vices anciens la doctrine christienne en apporta de nouveaux, d'un esprit vraiment démoniaque, dont elle garde le monopole et dont le point de départ est l'opinion que le Rabbi avait de sa race : Vous êtes fils de Dieu, vous êtes dieux, dit Jésus aux Juifs dans Cérinthe ; Vous êtes la semence de Dieu, avait dit Bar-Jehoudda en son beau langage ; les goym, de la semence de bétail. Comment certains disciples faisaient-ils valoir ce privilège attaché à l'Arbre édénique sous lequel devaient revenir les élus ? Voici. J'ai vu, disait Bar-Jehoudda dans leur Évangile, l'Arbre qui produit douze fruits par an[74]. C'est le bois de la vie. Et comme toutes les interprétations étaient permises, ces disciples entendaient qu'en marquant les douze mois de l'année, le flux menstruel était l'image de ces douze fruits[75]. Ils ajoutaient que ta première femme ayant été appelée Vie, l'Arbre — de couche — était ce que vous savez. Le Verbe a fleuri, disaient ces malheureux[76], et il a porté ses fruits dans l'Eden et il est devenu chair (et Verbum caro factura est), et il a vivifié ceux qui avaient goûté à sa douceur (Adam et Eve) et c'est par le bois qu'il vient à notre connaissance. Conclusion : l'homme est né sous l'arbre qui par son fruit rappelle le plus les organes testiculaires, les petits témoins de ce grand arbre : la fève, disait Pythagore ; la pomme, disaient les Égyptiens ; la figue, dit Jésus[77], d'après l'Évangile du Royaume.

Ces disciples sont des jehouddolâtres, Juifs purs et nullement Gnostiques comme le dit Épiphane. Ces Gnostiques, dit-il, et d'autres écoles primitives ont de mystères dans lesquels un de leurs chefs — c'était le cas de le nommer — a introduit des actes étranges. Pour accomplir ces actes leur chef a établi des réunions révoltantes, disant que les mystères de la vie étaient de la gnose la plus parfaite. En quoi consistent donc ces mystères ? Si vous sortez de table ou si vous allez vous y mettre, je vous prie de surseoir à la lecture de ce qui suit, car il nous faut descendre au dernier échelon de la folie religieuse, dans la soute aux turpitudes humaines. Après l'acte qui a immortalisé le biblique Onan[78], et qui rentre dans la science par la porte secrète de la médecine, voici comment célébraient la pâque les christiens qui connaissaient la vertu de la continence et les pièges de la chair. Ils disaient au Père : Nous t'offrons ceci qui est certainement le corps du christ ; puis — je continue en latin, car, si la vérité n'avait pas le pouvoir de tout dire sans honte, ce serait à vomir ! — ita tum eo vescuntur, et impurissimas suas sordes degustant, atque dicunt : Hoc est corpus christi, et Hoc est Pascha. Eodem modo quoties mulier menstruos fluxus patitur absorbent, atque : Hic est, inquiunt, sanguis christi. Baptisés, ils sont en règle avec leur conscience ; mais la Grande pâque n'étant point venue, ils n'ont point communié avec le Fils de l'homme. Ils font descendre le roi-vierge dans cette hostie, l'offrent comme l'expression la plus parfaite de sa substance (Jehoudda d'un côté, Salomé, de l'autre), et se l'incorporent.

Voilà donc ce que ces déments avaient trouvé pour remplacer l'agneau du 15 nisan, et pour se concilier Bar-Jehoudda lorsqu'il reviendrait pour les juger ! Car on commençait à dire qu'il reviendrait ! Or de quel œil verrait-il les disciples qui, en violation de ses dogmes, auraient consommé le péché d'Adam ?

 

Ces turpitudes ont leur origine dans la Loi même. Le sang menstruel est un flux avec lequel le Juif ne doit pas prendre contact. L'homme qui a commerce avec la femme pendant le temps menstruel est puni de mort avec sa complice[79]. Les expectants du Royaume attribuent à leur semence la même impureté qu'aux menstrues : mais le mariage de ces deux choses obtenu sans copulation charnelle, c'est, en pilule, le Fils de l'homme bi-sexuel à l'image de qui Adam a été fait. Adam, avant sa division en deux moitiés, avait en lui et cette semence et ces menstrues : sang Un : deux en un, un en deux.

Après une pâque de ce genre, les christiens ont en eux le sang hermaphrodite du Créateur : semence pure, prise isolément, menstrues pures, prises de même. Ils ont en eux le commencement de conjonction que le christ sanctionnera, car déjà dans l'esprit de cette église, Bar-Jehoudda, transporté au ciel, a supplanté le Fils auprès du Père. C'est lui qui fait à chacun sa part d'héritage.

Épiphane met toutes ces ignominies sur le compte des Gnostiques : procédé très commode, mais encore plus mensonger, si l'on songe que les Gnostiques résistèrent à la conversion de Bar-Jehoudda en Fils de Dieu. Gnostiques, non, mais jehouddolâtres Juifs, car cette pâque immonde n'est possible que par mixtion de substance juive. Rien de mieux acquis. Agapius, dont on a supprimé le livre, parce qu'en y dénonçant l'inexistence de Jésus il découvrait le christ et sa véritable identité, Agapius montrait, par l'exemple de ces sectes infâmes, à quelles abjections avait conduit le système de leur auteur : Voilà, disait Agapius, ce que ces malheureux entendent par le sang du christ ! ; et pour bien comprendre la portée documentaire de son témoignage, il faut savoir qu'Agapius avait pour but de fournir, ne fût-ce que par ces honteux précédents, la preuve que le christ avait été crucifié pour crimes publics et sans avoir eu ni le temps ni la volonté d'instituer la moindre eucharistie in extremis[80].

 

Qui croirait qu'une question de droit se cache au fond de ces abominations ? Rien de plus vrai pourtant.

Ecoutons Toâmin dans les Sagesses de Valentin, Toâmin qui, s'il y avait ombre de réalité dans la pâque évangélique, aurait participé à l'Eucharistie et mis ses doigts dans le flanc de son frère ressuscité ! Nous avons entendu dire qu'il y a des hommes sur terre qui prennent le sperme des mâles et les menstruel des femmes afin de les mettre en des lentilles et de les manger en disant : Nous croyons en Esaü et en Jacob. Est-ce une chose convenable ou non ?[81] A cette question Jésus s'emporte contre le monde. C'est en effet le dernier terme de l'abjection religieuse. Est-ce à dire que ces malheureux adorent Esaü et Jacob sous de pareilles espèces ? Ou qu'ils soient poussés par la perversité ? Nullement. Mais en croyant que le salut est attaché à ces pratiques immondes, ils poussent la logique à ses dernières conséquences. Le christ a dit que pour fouler le pavé d'or de la Jérusalem céleste et contempler l'Arbre de vie, il fallait revenir à l'androgynisme originel. L'héritage d'Adam est à Abraham, dont le premier-né n'est point Jacob, mais Ésaü. Ésaü, il est vrai, a vendu ses droits d'aînesse à Jacob pour quelques lentilles, mais c'est un contrat purement civil que Dieu n a jamais ratifié. Bar-Jehoudda a pu remettre les péchés parmi les fils de Jacob, puisqu'il l'était lui-même, mais il n'a pu les remettre parmi les fils d'Ésaü. C est mus par un vif sentiment de la justice que ses disciples font rentrer dans leurs lentilles les droits qu'Ésaü a jadis aliénés en faveur de son frère cadet.

D'autres font avorter une femme, pilent le fœtus, l'assaisonnent fortement et le mangent. Ils appellent cette horrible cérémonie : la Pâque accomplie et parfaite. Epiphane, qui le dit, ne l'a pas vue certainement, et nous aimons à croire que cette église était en décroissance au quatrième siècle, mais elle avait fleuri sur l'arbre juif du second, parmi celles que Valentin dénonce à la vindicte de Jésus.

 

IX. — LA PÂQUE DES ÉGLISES INFANTICIDES AVEC OU SANS VAMPIRISME.

 

Tourmentés par leur sinistre génie, affolés par la peur d'être exclus du Royaume, attribuant à Bar-Jehoudda glorifié les sentiments vindicatifs dont il était agité en son vivant, d'autres cherchent au sein de leur famille la victime qu'ils sacrifieront à la pâque pour fléchir ce scélérat. Que son sang retombe sur ceux qui l'ont livré ! avaient dit ses frères, en vertu de la loi de gheoullah, et ce n'était pas assez pour expier le crime des prêtres que du Temple il ne restât plus pierre sur pierre. Mais le crime des disciples qui avaient abandonné le christ, qui pouvait le leur remettre, sinon le remetteur de péchés lui-même, aujourd'hui assis dans la lumière céleste à la droite de son Père ? Hier encore Iahvé se contentait de l'agneau, mais Bar-Jehoudda ? Evidemment on n'obtiendra rien de lui que par l'effusion d'un sang humain, mais pur, capable d'apaiser ses mânes, légitimement, davidiquement irritées.

Nous voilà tout à coup ramenés à Moloch. Comme on connaît les saints on les adore, dit notre proverbe. Voici comment on adore le Juif dont les Synoptisés disent qu'il était le Saint de Dieu.

Les témoignages que nous allons citer émanent de Fronton, consul[82], proconsul et précepteur de Marc-Aurèle au milieu du second siècle, et de Minucius Félix, orateur romain qui florissait à la fin du second. Ils sont irrecevables, venant d'hommes qui n'étaient pas Juifs et qui n'ont pas été canonisés. Toutefois nous invoquons en leur faveur cette circonstance que leur moralité, leur hauteur de conscience, leur esprit de vérité n'ont jamais été contestés par personne. Et telle est l'autorité de Minucius Félix, en matière théologique notamment, que l'Église a cru devoir s'annexer par de scandaleuses interpolations son traité De la vraie religion[83], afin de faire croire qu'il avait donné des gages au christianisme. Mais nous avons déjà cité son opinion sur la personne du scélérat justement crucifié pour ses crimes[84] il nous suffit maintenant de reproduire celle qu'il a de ses églises et qu'il s'est faite à après les condamnations prononcées contre les jehouddolâtres pour crimes rituels :

Celui qui les accuse d'adorer un homme qui a été pendu pour ses crimes et de fonder leurs cérémonies sur le bois d'une croix, celui-là leur attribue des autels dignes de leurs méchancetés ! il leur fait adorer ce qu'ils mentent ! D'ailleurs la cérémonie qu'ils observent, quand ils admettent quelqu'un à leurs mystères, n'est pas moins horrible que publique. Ils mettent devant ce nouveau venu un enfant couvert de pâte, afin de lui cacher le meurtre qu'ils veulent lui faire commettre. Dans cette enveloppe il donne par leur commandement plusieurs coups de couteau : le sang coule de toutes parts, ils le sucent avidement, et le crime qui les lie est le gage commun du silence et du secret. Mystères pires que tous les sacrilèges !

Ce vampirisme n'est nullement, comme on pourrait le croire, l'abominable assouvissement d'une haine de race sur des païens. Jamais ces églises n'eusse consenti à sacrifier l'enfant d'un incirconcis, à boire du sang impur, à s'assimiler une chair malade de naissance. C'est un trait de naziréat molochiste. On peut être certain que l'enfant sacrifié était un premier-né. Jamais non plus elles n'eussent immolé une fille à cause du péché que son sexe a introduit dans le monde. Vous connaissez là-dessus les idées de Bar-Jehoudda, ensuite défendues par Shehimon. Vous vous rappelez ce qu'à ce point de vue Shehimon pense de sa propre mère dans les Sagesses valentiniennes[85], vous l'avez entendu l'appeler du nom presque maudit de Femme au Guol-golta[86], droit qui n'appartient qu'au Créateur et qui choque presque autant dans l'allégorie qu'il eût choqué dans la vie, puisque le mot passe par les lèvres d'un fils !

 

Pourquoi les églises ne veulent-elles plus de l'agneau ? Est-ce, comme le disent les jehouddolâtres modernes, dont l'aveuglement semble incurable, parce que la vue du sang répugne à leur délicatesse ? Nullement, c'est parce que l'agneau n'est qu'une bête. Est-ce une bête qui peut plaider la cause des Juifs auprès du Verbe ? Est-ce qu'au temps des rois d'Israël et de Juda, David, Salomon, Manassé, tant d'autres rois du Serpent et de L'Âne, on immolait des agneaux à leur Dieu ? On donnait son premier-né ! Et l'on voudrait que leur descendant, celui que Dieu avait engendré de Salomé par le moyen de Jehoudda, fit attention à un sacrifice animal ? Non, non, jamais il n'y aurait trop de sang humain dans Israël pour expier le forfait des Juifs qui ont livré celui en qui était la promesse ! Amenez ceux qui m'ont empêché de régner, dit le doux Jésus dans les Évangiles, et tuez-les devant moi ![87]

Le sacrifice de ce premier-né résout un cas de conscience extrêmement curieux. Bar-Jehoudda a beau être assis à la droite du Père, son corps est maudit pour avoir été attaché à une croix. La Loi est formelle, et nous l'avons citée. Criminelles à leur tour, au moins ces églises le sont-elles logiquement. Pas un instant l idée ne leur vient d'offrir en sacrifice sous des espèces quelconques le corps même de Bar-Jehoudda. Ce serait un sacrilège, puisque ce corps est maudit. C'est celui d'un jeune enfant qui est l'hostie consacrée. Ces monstruosités sont de christiens ferrés sur leurs Écritures. En conséquence l'église de Bar-Jehoudda s'assemble dans la nuit du 15 nisan, lendemain de la crucifixion, et en guise d'agneau, les presbytres lui offrent un nazir pour le décider à amener le Royaume qu'il leur a promis. Ils le font descendre dans l'enfant, puis ils s'incorporent son sang devenu innocent par cette substitution. Voila qui est puissamment raisonné. Raisonné, dis-je, car il faut pénétrer la pensée qu'il y a dans cette pâque de cannibales. Nazir, voué d'avance par ses parents et remplacer l'agneau, très certainement on le choisissait avant circoncision, de manière qu'il soit offert intact comme l'agneau. On y met le couteau comme dans l'agneau, on le divise comme l'agneau, mais on ne le rôtit pas, il reste cru. Et ce qui est caractéristique de ce qu'on demande à Bar-Jehoudda, on l'a enveloppé de pâte ; cette pâte est azyme, et par un moyen il est devenu pain. Quel pain ? Vous le connaissez par la séméiologie dite Multiplication des pains, c'est le pain du Zib, le douzième pain, le pain de la grâce juive, le pain de mille ans qui répond aux deux Poissons et ce que ces vampires ont aspiré à travers la pâte, c'est le sang de la promesse, le sang de la vie millénaire. Bar-Jehoudda ne dira point qu'on oublie son Évangile !

C'est dans toute son horreur l'ancien sacrifice à Moloch, avec cette différence qu'il n'y a pas holocauste. Le feu, c'est l'élément monopolisé par Bar-Jehoudda depuis son accession au rôle de Fils de Dieu ; Bar-Jehoudda est Moloch, le Roi. C'est à lui qu'est dédié la victime. Il la veut vierge, et première-née dans la famille. Le père la lui consacre, terrorisé par l'image de l'enfer, et surtout alléché par celle du pavé d'or qui luit déjà devant ses yeux élargis. La mère donnera-t-elle la chair de sa chair ? Sans remords, si elle veut s'éviter le ver qui ne meurt point ! Son enfant plaidera pour elle auprès du Rabbi, crucifié sur la terre, mais devenu Roi dans les cieux. Est-il sain et de belle forme ? Tant mieux, il est selon la loi qu'observaient les rois davidiques, ces pieux ancêtres du nouveau Moloch !

D'autres églises le choisissaient d'un an[88], parce qu'enfermant en lui les douze mois de l'Arbre, il représentait l'année écoulée, l'année mauvaise puisqu'elle avait passé sans que Bar-Jehoudda eût établi le Royaume. C'est l'année qu'on tuait et qu'on enterrait en lui. Une de moins ! De dégoût on en jetait les morceaux ! La chose était si connue, et avec la signification que lui donnaient ces églises, qu'il fut fait un oracle grec dont l'auteur appelait la vengeance des dieux sur les sacrificateurs[89]. Il annonçait que le nom du christ disparaîtrait de la terre à la fin de la trois cent soixante-cinquième année[90].

L'imposteur qui a mis la Cité de Dieu sous le nom à Augustin savait l'histoire de ces églises aussi bien que Fronton, Lollius Avitus, proconsul d'Afrique sous Antonin, Claudius Maximus, son successeur, Apulée dont nous parlerons bientôt et Minucius Félix. Personne n'était pénétré davantage de l'inexistence de Jésus, de la scélératesse des apôtres et de leurs disciples. Il avait par devers lui le texte original de toutes les enquêtes faites sur les jehouddolâtres et tous les jugements rendus contre les primitives églises. Si l'on veut savoir ce qu'espéraient obtenir de Bar-Jehoudda ses premiers prêtres, c'est dans la Cité de Dieu qu'il faut le rechercher, puisqu'on a détruit tout le reste ! C'est pour hâter le retour du Roi-christ qu'ils sacrifiaient l'enfant en bas âge, c'est pour savoir la date de son avènement qu'ils le sacrifiaient adulte. Les idolâtres, dit Augustin, ont imaginé certains vers grecs d'un oracle des dieux païens qui, à la vérité, absolvent le christ de ce prétendu crime de sacrilège, mais imputent à Pierre d'avoir usé de maléfices pour faire adorer le nom du christ... Ce n'est pas le christ qui a enseigné la magie à son disciple Pierre[91], il est innocent de ces maléfices ! Et puis qu'est-ce que ces dieux qui peuvent prédit mais qui ne peuvent empêcher ? Par le seul crime d'un scélérat, par la seule magie d'un sacrifice où, disent-ils, un enfant d'un an est égorgé, coupé en morceaux et enseveli avec d'abominables rites, ils sont à ce point vaincus qu'ils laissent, et depuis si longtemps ! cette secte, leur ennemie, grandir, triompher, non par la force mais par la patience, de tant de persécutions cruelles parvenir même à la destruction de leurs statues, de leurs temples, de leur culte et de leurs oracles ! Qui est le dieu, le leur à coup sûr (non le nôtre), qui s'est laissé surprendre ou convaincre par un tel crime ? Car d'après les vers en question, ce n'est pas à un démon, c'est à un dieu que Pierre et sa magie offrent ces sacrifices[92]. Ils ont un tel dieu ceux qui n'ont pas christ ![93]

 

Dans une autre église encore plus christienne celle-là, on attend que l'enfant ait grandi, qu'il soit conscient du sacrifice auquel il se prête, qu'il ait l'Esprit-Saint, le don de la prophétie. On l'endort ou on l'enchante au milieu des hymnes, on lui pose des questions, ou plutôt la question qui les contient toutes : Dis-nous quand viendra le Royaume des Juifs ? Et quand il a répondu en donnant l'espoir aux assistants, on se rue sur lui, on l'égorge dans son sommeil avant qu'il ne puisse se rétracter, et pendant le sacrifice on compte par grains d'encens brûlés les années qui sépare l'église de l'avènement du Royaume[94]. Pourquoi cette église ne veut-elle plus de l'enfant en bas âge ? Parce que, ne parlant pas, il n'a pu se faire exaucer. Bar-Jehoudda demeure insensible à ce sacrifice. Deux jubilés se sont écoulés depuis son départ pour le ciel et il n'en vient pas. Une foi plus éclairée commande qu'on lui expédie des truchements plus diserts, à lui qui interprétait si éloquemment les dispositions du Verbe !

 

X. — L'ÉGLISE NICOLAÏTE.

 

La plus sage au milieu de ces églises livrées à toutes les aberrations du fanatisme, c'est encore celle des Nicolaïtes. Ils abusent de la nature, mais ils y restent.

Avec une logique beaucoup plus forte et confirmée par ce verbe divin : Croissez et multipliez, Nicolas d'Antioche, qui lui aussi tenait pour l'Évangile, fait observer que, la stérilité allant contre ce commandement, on en serait puni lorsque viendrait le Royaume. Il chercha donc le moyen d'éviter la continence qu'il jugeait criminelle et, l'ayant trouvé, il n'eut pas de peine à démontrer que Bar-Jehoudda n'entendait rien aux conditions requises pour être admis dans l'Éden. Sur les Nicolaïtes nous ne savons rien en dehors de ce qu'il a plu à l'Église de nous transmettre en des temps où elle avait à défendre le christianisme contre leur souvenir. Dans les Actes des Apôtres nous lisons que leur chef était prosélyte, c'est-à-dire que, né païen, il se serait fait circoncire par les apôtres pour être admis à leur suite dans le Royaume. Il aurait été mis par Shehimon au nombre des sept diacres de Jérusalem qui pour être inventés par substitution aux sept fils de Jehoudda, n'en tiennent pas moins le second rang de l'Église après les douze apôtres et les soixante-douze demi-décans. On lit également dans Irénée :

Les Nicolaïtes ont pour maître Nicolas, un des sept diacres choisis par les Apôtres[95]. Affirmation terrible, affligeante, et telle en vérité qu'on n'y peut croire sans penser au jugement de Paul et de Barnabé sur ces messieurs[96]. Mais nous savons que le diaconat est une invention de l'Église romaine, et nous ne sommes pas d'humeur à profiter d'un faux pour enrichir notre argumentation. Ce qui est hors de doute, et la preuve en est dans la part de fondateur qu'on a été obligé à lui donner, c'est que Nicolas, Juif complet dès le huitième jour, était disciple du Rabbi quant au dogme millénariste. Mais leurs turpitudes, les Nicolaïtes tiennent que le Dieu des Juifs est le Vrai Dieu et que le Verbe est son Fils incarné. En cela ils sont orthodoxes. On leur reproche non leur croyance, mais leur conduite. Ce sont de mauvais garnements, mais ils sont de la famille. S'ils se rangeaient, on ne les reniaient pas, on tuerait le veau d'or gras à leur retour. De francs coquins, en revanche, avec lesquels il n'y a point de transaction possible, ce sont les Cérinthiens, gens sans vice, mais scandaleux par leurs doctrines, car ils enseignent dans leurs Évangiles que Jésus n'a jamais existé ! Les Nicolaïtes ont sur les vampires cet avantage qu'ils ne sont point sanguinaires et sur les christophanes qu'ils ne sont pas fous. Ce sont les cyniques de la bande, forniquant à tous huis, sans autre règle en cela que leur bon plaisir, et à ce point émancipés par le Révélation, qu'un jour, dit-on, ils se referont par les viandes consacrées aux idoles !

 

Je ne pense pas que Nicolas ait prêché avant le jubilé de 839 sous Domitien. En effet, son genre d'année sabbatique est en opposition complète avec la thèse de Bar-Jehoudda. Celui-ci avait commandé la suspension de l'acte génésique pour toute l'année 788, espérant par là se concilier la grâce de Dieu. Selon lui le sabbat devait être jour de chômage à ce point de vue : le chiffre sept n'étant pas produit, car deux fois trois ne font que six, le septième jour de la semaine était un jour où l'on ne devait pas produire, un jour sans enfant, dit Clément d'Alexandrie. Tel est l'avis de Nicolas, et l'échec de l'Évangile en 789 lui donnait à penser que le système du christ, excellent dans tout le reste, reposait en ce point sur une mauvaise interprétation du Verbe.

Sur l'église nicolaïte nous n'avons qu'un seul témoignage précis, celui de Fronton, dans un livre, peut-être un rapport administratif, que le culte du Juif consubstantiel et coéternel au Père n'a pas permis de conserver. Ami d'Antonin, précepteur de Marc-Aurèle, instruit, modéré, honnête et de l'honnêteté la plus pure, incapable surtout de calomnie, Fronton a laissé des christiens un tableau qui ne convient qu'à une troupe de Nicolaïtes, chauffée à blanc par le soleil d'Afrique. Parce qu'on sait du peintre on peut être certain que les couleurs ne sont ni chargées ni inspirées par le préjugé aristocratique : Grâce à Fronton, j'ai senti, dit Marc-Aurèle, tout ce qu'il y a dans un tyran, d'envie, de duplicité, d'hypocrisie, et combien il y a peu de sentiments affectueux chez ces hommes que nous appelons patriciens. Dois-je citer le témoignage de ce malheureux qui, faute d'être circoncis, fut condamné à l'enfer[97], et faute d'avoir menti, n'a pas été canonisé ?

Sous le signe de l'Âne dont la tête préside à leurs assemblées les Nicolaïtes se réunissent la nuit, s'appellent entre eux frères et sœurs selon le précepte de Jehoudda, boivent et mangent à la mesure de leur capacité, puis après quelques heures d'excitation, lorsqu'ils semblent prêts à tous les genres de débauche que l'orgie suggère et que les ténèbres favorisent, l'un d'eux, le pontife, fait renverser par un chien le chandelier qui les éclaire, et tous se prodiguant ces noms de frères et de sœurs, s'enlacent, et confondent les sexes au hasard de la rencontre, dans un accouplement incestueux.

Vous êtes préparés à ce tableau. Vous connaissez l'Âne pour l'avoir vu dans l'horoscope de Bar-Jehoudda dans la caricature, mais le chien ? A quoi bon ce chien ? Pourquoi s'en remettre à un chien du soin de faire l'obscurité ? Pourquoi charger un chien de renverser le chandelier, alors qu'il suffit d'éteindre la lumière ? On n'a pas besoin d'un chien pour cela, il y a des moyens beaucoup plus simples et beaucoup plus sûrs, il y en a un notamment qui était à la portée de l'organisateur de ces agapes asinocultuelles, c'est de souffler sur le chandelier. Et puis pourquoi cet unique flambeau, quand il en aurait fallu plusieurs pour éclairer suffisamment l'église ? Dès le moment que le chien supplée l'hiérophante, c'est qu'il est appelé à donner le signal par sa situation astronomique. Si nous eussions interrogé les disciples de l'Agneau, comme dit l'Apocalypse, ils nous eussent répondu que, ne voyant dans la prophétie du Joannès autre chose qu'un tableau de correspondance entre le canon astrologique et la réalisation de la promesse, ils avaient tout naturellement confié au Chien, constellation annonciatrice de l'Âne, la mission de s'éteindre lui-même pour faire place au signe du Royaume. Et par là nous aurions su que ces partisans du deux en un tenaient ce qu'il est difficile d'appeler leurs assises, le quatre-vingt-dixième jour après la Pâque, à l'entrée du soleil dans les Ânes.

C'était une fort vieille connaissance que ce Chien d'Orion, très brillant, dit Homère, mais signe fâcheux, car il apporte aux mortels une chaleur brûlante : très bon signe au contraire pour les Juifs, car il marque leur retour au fleuve qui arrose l'Eden[98]. L'évêque nicolaïte éteint le Chien[99], prend aussitôt les habitudes de l'âne dans la fable d'Apulée, et montre à tous le chemin de la Jérusalem d'or. La doctrine de Nicolas était qu'on s'y marierait et qu'on y ferait des enfants millénaires[100]. Le calcul de multiplication qui était la base de tout le système jehouddique lui permettait sans douter d'espérer que chacun pourrait avoir mille femmes, chiffre réduit à cent par Jésus dans les Évangiles. Au signal de ce chien, toute l'église va au-devant du Créateur. Par ce chien, le Verbe — voilez-vous la face, ô vous qui n'avez point d'autre époux ! — le Verbe donne licence à tous de reproduire l'acte du deux en un, un en deux, dans les ténèbres d'un chaos temporaire et dans l'aveugle mêlée des sexes. Ce spectacle n'a guère pu être observé sur une échelle un peu vaste qu'en une année jubilaire qui offre elle-même le caractère du deux en un, un en deux[101]. Or c'est en 889, trois ans avant la mort d'Hadrien, qu'est tombé le jubilé qui nous a valu le sévère tableau de Fronton. Nous avons dit que rien n'appartenait à Bar-Jehoudda dans son système, ni la théorie de la Régénération ou Palingénésie, ni le baptême de feu, ni le baptême d'eau qu'il opposait à celui-ci. Le baptême de feu, c'est l'ecpurôsis des stoïciens : encore n'était-il point d'eux non plus. Varron a parfaitement connu la thèse de la reconjonction du corps. Les Nicolaïtes l'appliquent ici selon les données de l'Évangile du Royaume, et toutes les écoles de magie s'accordaient à dire que la reconjonction se ferait au solstice d'été, Âne pour les christiens, Cancer pour les païens, sous l'influence caniculaire.

 

XI. — HIDEUSE RÉACTION CONTRE LE NICOLAÏSME.

 

La tolérance, blâmable à ce degré, dont jouissaient tous les cultes, voire ceux de gens en vie comme Alexandre d'Abonotichos[102], l'étendue de l'Empire, l'impossibilité de surveiller un si grand corps, l'ombre, presque pénétrable dont s'enveloppait la secte naissante, peuvent seules expliquer tant de forfaits, et si incroyables de leur nature qu'après en avoir fait disparaître la preuve, l'Église eut moins de peine à les nier que la vérité n'en avait eu à se faire croire. Mais, dit Minucius Félix[103], toutes ces choses ne sont qu'en trop grand nombre, et pour la plupart dénoncées par l'obscurité même de cette religion impie. Pourquoi prennent-ils tant de soin à cacher l'objet, quel qu'il soit, de leur vénération, puisque l'honnêteté recherche toujours la lumière, et les crimes seuls le secret ? Pourquoi n'ont-ils point d'autels, de temples, ni d'images connues ? Pourquoi n'osent-ils ni se parler devant le monde, ni s'assembler librement, si ce qu'ils adorent clandestinement n'est ni punissable ni honteux ?... N'est-il pas déplorable que des hommes d'une faction adonnée à tous les crimes, formée contre toutes les lois, enragée contre elle-même, persécutent impudemment les Dieux ? qu'après avoir ramassé les plus ignorants parmi le peuple le plus vil et les plus crédules parmi les femmes déjà si exposées à la perversion par la faiblesse de leur sexe[104], ils fassent une petite ligue en vue d'une conjuration profane ? que par des assemblées nocturnes, par des jeûnes solennels, par une chair interdite à l'homme, ils fondent leur confédération sur des sacrifices qui sont des sacrilèges ? Peuple noir qui se cache et qui fuit le jour, muet en public et déblatérant dans le particulier, ils traitent les temples comme des bûchers, vomissent leurs ordures contre les Dieux et se moquent de tout ce qui est sacré... Ils se mêlent confusément, comme dans une religion d'immondices, et s'appellent frères et sœurs comme pour donner un air d'inceste aux impudicités qui se commettent ordinairement chez eux, tant il est vrai que cette superstition insolente et déréglée se glorifie de ses crimes ! Certes, s'il ne s'agissait pas d'une vérité constante, la renommée qui a su les démasquer ne publierait pas d'eux des choses si abominables qu'on n'ose en parler qu'en les couvrant de circonlocutions...

A cet ordre d'idées nauséabond appartient le grief que leur font les païens, notamment Cécilius[105], d'adorer chez leur évêque ou presbytre les parties honteuses qu'ils respectent en leur père. A cette seule évocation, les chrestiens, ennemis d'autant plus déclarés des christiens qu'on commence à leur faire un crime de cette similitude onomastique, s'élèvent avec emportement contre ces monstruosités : Celui qui nous accuse d'adorer la personne de nos prêtres de manière à en rougir nous impute ses propres vices[106], car cette cérémonie est plus propre à la luxure de ceux chez qui tous les sexes s'abandonnent à des prostitutions immondes, chez qui les dernières impudicités sont appelées hommage et qui, enviant la licence des filles publiques, portent leur bouche infâme où l'on n'ose porter son imagination qu'avec dégoût... Étrange abomination ! Entre les crimes les plus noirs ils commettent d'eux-mêmes celui dont l'âge le plus innocent se détourne et auquel la servitude la plus rude ne peut être contrainte. Pour nous il nous est interdit d'écouter seulement ces ordures, et même à la plupart il semble honteux de les défendre. Vous imputez ainsi à des âmes très chastes et très pudiques des choses que nous ne croirions pas seulement possibles si vous n'en fournissiez des exemples ! Quant à ce qui est d'adorer un criminel avec sa croix, vous vous éloignez singulièrement de la vérité si vous croyez ou que nous puissions prendre un homme pour un dieu, ou qu'un tel coupable ait mérité de l'être. Malheureux ceux qui mettent leur espérance en un mortel, tout leur soutien meurt avec eux !

Nous n'aurions rien dit de ces scandales s'ils ne nous éclairaient sur certains mots de l'histoire, comme celui de Tacite où l'on voit que les disciples du christ avaient rapidement conquis la double célébrité du crime et de l'infamie[107], et sur certains faits inexpliqués, comme le dessein que Lampride[108] attribue à Héliogabale d'avoir voulu introduire les sacrifices christiens dans le temple du dieu composite qu'il avait édifié sur le Palatin : ce temple était comme un conservatoire de tous les cultes solaires. Circoncis et s'abstenant de chair de porc selon la coutume phénicienne, Héliogabale faisait à Elah-Gabaal (un Moloch !) des sacrifices secrets, lui immolait des enfants, recourait à la magie, jetait des membres virils dans le temple à l'imitation des Galles, chantait des hymnes barbares au dieu avec son aïeule et sa mère. Ce syro-phénicien, qui selon quelques-uns se fit galle entièrement, cumulait tout ce qu'il y avait d'obscène dans le vieux Moloch juif et dans la Mère des dieux, tous les vices dont les cultes orientaux étaient infestés, toutes les erreurs génésiques dans lesquelles l'homme se donnait en sacrifice à lui-même et aux autres. Dans les plus répugnantes pratiques d'Héliogabale il y a de l'orgie sacrée. L'ignominie de ce grand-prêtre du Soleil et la crapule de ses mœurs donnent à craindre que ses emprunts au christianisme soient de la plus honteuse espèce. Lampride parle de ces sacrifices à Constantin comme d'une chose connue et qui le dispense d'explications plus amples. Dioclétien, qui poursuivit le nom christien, est qualifié de père de l'âge d'or pour avoir essayé d'enrayer cette peste.

 

XII. — LA FAMILLE DE SATAN.

 

Est-ce tout ? Non, et nous pourrions nous étendre davantage sur ces églises, s'il s'agissait de dresser le bilan des hontes que le principe christien avait déchaînées. Mais notre but, plus précis, est de corroborer par ces exemples d'anarchie morale la preuve que l'Eucharistie n'est pas entrée dans les Écritures avant la fin du second siècle. Il n'y avait d'autre enseignement que les Paroles du Rabbi.

Qui osera soutenir que toutes ces églises, vampires, infanticides, christophages et nicolaïtes étaient des filiales dégénérées d'une église fondée par Jésus de Nazareth, et que, si elles agissaient ainsi, c'est parce qu'elles avaient mal retenu ses leçons ou mal compris ces Évangiles ? Qui ne sent que, par le seul fait d'être, ces christiens-là empêchent Jésus d'avoir été ? Qui aura le front de prétendre que les évêques, Nicolaïtes et autres, ont induit leurs propres disciples dans de telles pratiques, parce qu'ils avaient mal retenu les leçons de Pierre, disciple de Jésus ? Qui aura l'impiété de plaide que ces christiens sont des fils de Jésus qui ont mal tourné ? Que celui-là se montre ! Le monde eût fait la culbute en pleine folie si le paganisme n'avait pas été là. Les églises avaient rebuté Dieu en voulant l'amener à descendre chez elles ; et en le cherchant si bas, elles n'avaient trouvé que le Diable. On avait consolidé Satan, c'est lui qui inspire ces malheureux, leur souffle le délire mystique et le débordement animal, plus voisins l'un de l'autre que l'âme ne l'est du corps.

Déjà, aux temps apostoliques, n'avait-il pas donné au christ, à son père, à sa mère, à ses frères cet état de fureur habituelle qui faisait dire aux Juifs du Temple : Maison de Baal-Zib-Baal ! (Belzébuth lui-même, si l'on en croyait l'Église !) Nous avons cité quelques passages des Sagesses valentiniennes où toute la Sainte Famille se roule aux pieds de Jésus pour obtenir de lui qu'il ne les abandonne pas aux supplices infernaux dont elle est digne[109]. Complétons-les, et n'oublions pas que c'est Valentin qui parle.

Quoique foncièrement attaché au souvenir de la famille jehouddique en qui il vénérait le sang de ses rois légitimes, Valentin ne fait aucune difficulté d'avouer que ses membres ont mérité les peines annoncées par l'Apocalypse, tous sans exception, à commencer par Salomé, celle qu'on appelle aujourd'hui la Très Sainte Vierge, mère de Dieu, sans cesser d'ailleurs de l'accabler d'injures sous le nom de Maria Magdaléenne. Elle ne le nie point elle-même, et, s'approchant de Jésus, adorant ses pieds, lui baisant les mains, pleurant : Seigneur, dit-elle, nous t'avons entendu dire que les voies du milieu (situées entre le premier et le troisième ciel auquel son fils disait avoir été enlevé dans ses visions), commandaient de grands châtiments[110]. Quelle est la manière dont nous en sortirons, dont nous leur échapperons ? Sois miséricordieux pour nous, afin qu'on ne nous condamne pas !... Secours-nous, afin que nous soyons sauvés de ces châtiments mauvais préparés aux pécheurs ! Malheur à eux, malheur aux enfants des hommes ! Car ils sont comme des aveugles qui tâtent dans les ténèbres et qui ne voient pas. Sois miséricordieux pour nous en ce grand aveuglement où nous sommes !... Notre Seigneur, notre Sauveur, aie pitié de nous, sauve-nous de cette grande stupeur !...

À leur tour, tous les disciples : Jusqu'à présent tu n'as pas fait que soient pardonnés nos péchés que nous avons commis, et nos iniquités. Et Jésus, après avoir institué le baptême de fumée qui les emporte[111] : Je vous invoque, dit-il aux puissances de son Père, vous qui pardonnez les péchés, qui purifiez les iniquités... Pardonnez les péchés de ces âmes, effacez les iniquités qu'elles on faites consciemment et celles qu'elles ont faites inconsciemment celles qu'elles ont commises dans la fornication et l'adultère jusqu'à ce jour des jours[112].

 

On a enlevé toute la scène dans laquelle la mère du christ, le christ, ses frères, ses sœurs, les Jehoudda, Cléopas et les Jaïr, faisaient leur confession à Jésus : scène copieuse, liste abondante qui comprenait huit feuillets ! Tous poussaient des cris de douleur, versaient des larmes comme si les puissances de la voir du milieu — terribles ! — allaient entrer en ligne malgré l'intercession de Jésus. Car qui avait plus maudit, qui avait distillé plus de fiel que le christ ? Où est l'homme qui eût risqué la comparaison ? C'est sa mère qui parlait, demandant grâce pour lui. Qu'on le purifie, dit Jésus, et qu'on jette son âme dans un corps qui passera son temps à être constamment dans la douleur ! Voilà le châtiment de l'homme qui maudit ![113] Maria continuant : Et l'homme qui calomnie constamment, quel sera son châtiment ?Qu'on jette son âme dans un autre corps qui passera tout son temps à être affligé !Un meurtrier, un homme qui n'a jamais fait d'autre péché que de tuer, quel sera son châtiment ?Toutes sortes de supplices dans les ténèbres extérieures (dont les Évangiles nous parlent si souvent.) Sur interrogation de Pierre : Un voleur, un homme qui prend en secret, et dont c'est le péché constant, quel est son châtiment ?Qu'on jette son âme dans un corps boiteux, manchot et aveugle ! Sur interrogation d'André : Un homme orgueilleux, contempteur, que lui fera-t-on ?Qu'on jette son âme dans un corps mutilé et méprisable, afin que chacun le méprise constamment, répond Jésus. Sur interrogation de Bar-Toâmin : Un homme qui couche avec un mâle, quel est son châtiment ?Livré aux démons à face de cochons et rejeté dans les ténèbres extérieures. Sur l'interrogation de Toâmin relative aux lentilles composées de sperme et de sang menstruel, Jésus déclare : En vérité, je vous le dis, ce péché est supérieur à tous les péchés et à toutes les iniquités[114]. Aucun salut pour les coupables, dissolution complète de tous leurs éléments.

La question du Joannès : Un homme qui est sans péché, qui a fait constamment le bien, mais sans connaître les mystères par où on accède à la lumière, que lui fera-t-on ? permet à Jésus de revenir sur le dispositif de l'Apocalypse à l'endroit de ce barbare. A notre grande surprise nous apprenons qu'il n'est pas condamné d'avance ! Toutefois on jettera son âme dans un corps qui ne pourra ni dormir ni oublier, jusqu'à ce qu'enfin la Vierge[115] lui donne la connaissance des mystères et la reçoive dans la lumière éternelle. Certes Joannès est un peu ennuyé de savoir qu'un goy peut être admis à faire un stage qui le prépare au salut. Mais enfin, s'il en doit être ainsi, quel sera le sort de ceux qui auront commis tous les péchés et toutes les iniquités sans avoir été initiés même au premier mystère, le baptême d'eau ? Il espère bien qu'ils recevront en une seule fois tous les châtiments ! Jésus lui donne satisfaction : pour trois péchés, trois châtiments et ainsi de suite. Mais voici qui l'intéresse plus directement comme inventeur du sacrement baptismal. Un homme qui a commis tous les péchés, toutes les iniquités, peut-il être sauvé, si en dernier lieu il s'est fait initier à ce mystère ? Joannès apprend avec plaisir qu'il en sera ainsi, à la condition, qui fut levée plus tard, de ne pas recommencer. Mais en ce qui touche ce christ de potence et les siens, Jésus prononce de telles paroles[116] que de nouveau ils crient et pleurent : Aie pitié de nous, aie pitié de nous, disent-ils !... Sois miséricordieux pour nous afin que nous soyons sauvés de ces châtiments et de ces jugements qui sont préparés pour les pécheurs, car nous aussi nous avons péché, ô notre Seigneur et notre lumière !

Nul doute donc qu'ils ne soient tous dans l'étang de soufre, et qui sait ? plus bas encore, dans les ténèbres extérieures, là où sont le pleur, le grincement de dents, et cet animal plus terrible que la louve romaine, le ver, le ver qui ne meurt point !

 

 

 



[1] Valentin, Pistis Sophia, éd. Amélineau, p. 37.

[2] Cf. Le Gogotha, t. V du Mensonge chrétien.

[3] Sauf toutefois dans les impostures ecclésiastiques : les Évangiles où Mathias est représenté comme ayant été publicain, apôtre et témoin de Jésus à Kapharnahum, et les Actes des Apôtres où un certain Mathias est donné comme un personnage distinct du premier et comme ayant remplacé Jehoudda Is-Kérioth.

[4] Sauf dans les Actes où sous le nom de Joannès-Marcos le fils Shehimon est donné comme ayant accompagné l'apôtre Paul dans quelques-unes de ses tournées !

[5] On appelle targum toute affabulation qui confine à la parabole.

[6] Sous le Taureau, soyez-en sûrs. L'Agneau est passé sans que la Grande Année soit venue. De là le désespoir de la vache.

[7] Ezéchias avait laissé un grand nom dans la descendance de David pour avoir secoué le joug des Assyriens et étonné les Babyloniens par ses trésors. Aussi figure-t-il avec honneur dans la Généalogie du Juif consubstantiel et coéternel au Père. Cf. Le Charpentier.

[8] C'est cette exigence topographique qui a poussé les évangélistes à faire naître Bar-Jehoudda dans Betléhem même.

[9] Détruisez ce Temple, dit Jésus, et je le rebâtirai en trois jours. Cf. L'Évangile de Nessus.

[10] Talmud, traité Bérakhoth, ch. II.

[11] Isaïe, X, 31. C'est l'origine du fameux arbre de Jessé dont il existe encore des spécimens dans notre ornementation gothique.

[12] Fils de l'Étoile, l'Etoile Âne.

[13] Nom tiré de Jessé ou Ischaï, père de David. (V. Généalogies de Jehoudda et de Salomé dans Matthieu et dans Luc, cf. Le Charpentier.)

[14] Epiphane, Contra hæreses, l'avoue à plusieurs reprises, sous des formes qui ont été atténuées, mais qui suffisent à notre édification, étant donné ce que nous savons de la confection de Jésus. Il y eut, dit Epiphane, des Naziréens avant le christ (Is-Kérioth était un de ceux-là), et qui ne le reconnurent pas : mais, je le répète, les christiens étaient désignés par tout le monde sous le nom de Naziréens, comme leur prophète sous le nom de Joannès ou de Nazir.

[15] Dans l'Anticelse, liv. II, 1.

[16] Au ch. Le forceps de l'Église.

[17] Ces Actes sont les écritures de Philippe, de Toâmin et de Mathias.

[18] Quand un homme s'est servi des Évangiles pour dénoncer la mystification qui y gît, l'Église dans Irénée et dans Epiphane dit qu'il les admet sous certaines réserves. Mais comme on a négligé d'accorder le texte d'Epiphane avec celui d'Irénée, on trouvera chez Irénée que les Ebionites n'admettaient pas les deux premiers chapitres de Mathieu, ce qui tendrait à faire croire qu'ils admettaient Jésus dans le reste, et chez Épiphane que Cérinthe et Carpocrate admettaient Mathieu tout entier, ce qui prouverait, si c'était vrai, que ces deux hommes admettaient Jésus en chair. Or, à l'instar des Ébionites, des Mandéens, des Naziréens et des Ischaïtes, les Cérinthiens et les Carpocratiens niaient catégoriquement, — comme tout le monde pendant trois siècles, — l'existence en chair de Jésus. Et ce qu'ils connaissaient, ce n est pas le fantoche nommé Matthieu, c'est Mathias Bar-Toâmin. Il parait que, persécutés par l'Église, les Ébionites en vinrent à se partager, les uns restant avec les anciens de la secte, c'est-à-dire faisant le Rabbi fils du Joseph et de Maria, les autres admettant que Maria était vierge. Mais qui dit cela ? Hélas ! Théodoret, liv. II, ch. 1, et Eusèbe, Histoire ecclésiastique, liv. III, ch. XXVII.

[19] Philosophumena, liv. VI, 34. On n'a retrouvé les Philosophumena qu'au siècle dernier, et on peut s'étonner qu'après quinze ou seize cent ans on y ait laissé de pareilles choses. La Patrologie grecque les accueille parmi les Œuvres d'Origène, comme elle a fait de l'Anticelse et de beaucoup d'autres écrits qui ne furent jamais de lui.

[20] Matthieu, XVI, 23.

[21] On ignore quel est le prodigieux fumiste qui a composé avec effet rétroactif de trois ou quatre siècles, les ouvrages de Clément, second pape après Pierre qui, on le sait, n'a jamais mis les pieds à Rome. C'est dommage, car au milieu des innombrables faux que l'Église romaine a semés sur le chemin des fidèles, il en est peu d'aussi désopilants !

[22] Hégésippe, vous êtes un impertinent ! Sachez que les frères de Bar-Jehoudda ne sont plus que ses cousins dans les Évangiles du Saint-Siège !

[23] Josèphe était exécré des jehouddistes. Pensionné par Vespasien et logé dans son palais, favori de Titus, pourvu de biens en Judée dont il tirait bon revenu, non moins favorisé par Domitien et par l'impératrice Domitia, Josèphe avait presque la mine d'un patricien romain. Mais son caractère de sacrificateur dont il lui était resté quelque chose, sa parfaite connaissance des Ecritures, sa domestication impériale surtout, faisaient de lui le personnage le plus considérable de la communauté juive. Vivant depuis 823 à Rome où il avait déjà passé un an sous Néron, il était au courant de tout, intervenait dans tout. Il vit certainement Quintilien, peut-être Suétone et Tacite. Type du juif loyaliste, il parait avoir fait de rudes besognes contre les christiens d'Alexandrie et de Cyrène. Sous Vespasien il n'avait pas été étranger au supplice de Jonathan, un Simon de Cyrène seconde manière ; sous Domitien, il obtint qu'on tranchât la tète à des Juifs qui l'avaient calomnié, et fit punir un esclave eunuque, précepteur de son fils, qui se trouva parmi eux. Les Galiléens de Rome, il en était resté du triomphe de Vespasien, devaient l'accuser d'avoir trahi. Cela se voyait bien maintenant ! Ministre des affaires juives sous Domitien, il favorisa l'établissement du fiscus judaïcus, les didrachmes payés à l'Empire au lieu de l'être au Temple.

[24] Pour faire croire que Shehimon est venu à Rome, l'Église cite le sénateur qui l'hébergeait.

[25] Personnages plus ou moins influencés par les prophéties et Apocalypses juives et que l'Église donne aujourd'hui comme ayant en quelque sorte annoncé Jésus dans l'aristocratie romaine.

[26] Mensonges de l'Église préparés par les deux Lettres de Pierre.

[27] Personnages présentés comme ayant dédié des chapelles à Pierre dont ils sont les successeurs sur la fausse lite des premiers papes, et comme ayant écrit pastoralement aux Grecs.

[28] Fable inventée par l'Église romaine.

[29] Il prêchait l'Année sabbatique pendant laquelle les fruits de la terre étaient relativement communs aux termes de la Loi, et le Grand Jour après lequel il n'y aurait plus ni temps ni biens particuliers. (Apocalypse et dans l'Évangile, discours au jeune homme riche qui veut être du Royaume.)

[30] Assassinés par Shehimon et ses plus jeunes frères pour avoir essayé de ne pas leur remettre entièrement le prix d'une terre. (Actes des Apôtres, V, 1-11.)

[31] Le seul que dans les Actes des Apôtres puissent citer comme ayant donné le prix de son champ à la pseudo-Église de Jérusalem. (Actes, IV, 36 et 37.)

[32] L'ère des faux martyrs et des faux persécutés, infiniment plus nombreux que les vrais (v. la dissertation de Dodwell), commence avec ces personnages princiers ou sénatoriaux.

[33] L'invention des martyres de Shehimon et de Saül à Rome semble dater de la fin du IVe siècle.

[34] Marc, III, 8, et Matthieu, IV, 23-25.

[35] Histoire romaine, XXXVII, 11.

[36] Pharsale, II, vers 592.

[37] Dion Cassius, Hist. rom., LXVII, 14.

[38] Citons M. Amédée Fleury, Saint-Paul et Sénèque, Paris, 1853, t. II, p. 18.

[39] De superstition, 8 et 9.

[40] Soirées de Saint-Péterstourg, II.

[41] Sur Apollos, cf. Le Saint-Esprit.

[42] C'est même ce peu de transparence qui dénonce le travail monastique. N'a-t-on pas supprimé dans l'Apocalypse de Pathmos tout ce qui avait trait au baptême, principal objet de la Révélation primitive ?

[43] Voyez l'Histoire des idées messianiques de M. Vernes, qui analyse les Apocalypses avec un zèle digne d'un meilleur sort.

[44] Imposture de l'Église dans le Passio Petri et Paulii. Cf. Le Gogotha.

[45] Imposture de l'Église dans les Actes des Apôtres. Cf. Le Gogotha.

[46] Impostures de l'Église entrées dans l'Histoire des papes à partir de Gélase.

[47] Personne sur la terre ne peut voir mon Fils ni ceux qui sont avec lui, dit le Quatrième Évangile. Mais là Cérinthe parle du Verbe, des Douze Apôtres, des Trente-six Décans et des Cent quarante-quatre mille Anges des douze tribus célestes.

[48] El-Kosch, l'Étoile de Dieu, l'Étoile de l'Âne qui annonce le lever du Grand jour. C'est ce que Bar-Jehoudda disait être sous Tibère, et Bar-Kocheba sous Hadrien.

[49] Iesséos, Ischaios, le fils de Jessé, père de David. C'est ce qu'était Bar-Jehoudda.

[50] On voit par là dans quel abîme d'ignorance Hermas était plongé.

[51] Elle n'a été retrouvé qu'en 1772.

[52] La première échéance, manquée en 789 et après laquelle il n'y avait plus de temps. Cf. Le Roi des Juifs.

[53] Quand l'Occident sera ruiné, telle est en effet la secrète pensée du christianisme authentique.

[54] Ils seront avec Gog et Magog pour tenter un dernier mais inutile effort contre la Jérusalem d'or. Cf. Le Roi des Juifs.

[55] Pris textuellement à Luc, XX, 36.

[56] Pris textuellement aux Synoptisés (Mathieu, VIII, 20 ; Luc, IX, 58 ; item, Quatrième Évangile).

[57] Pris à Valentin. Cf. L'Évangile de Nessus.

[58] Pris textuellement au Quatrième Évangile. Cf. L'Évangile de Nessus.

[59] Le scribe veut parler du Rabbi devenu le Seigneur par l'intervention de Jésus dans les Écritures.

[60] Pris dans l'Évangile où le propos est appliqué à Judas. (Marc, XIV, 21. Mathieu, XXVI, 24.)

[61] Lettre d'Hadrien à son beau-frère Servianus, datée de 131 de l'Ère christienne par les historiens. Nous en démontrerons la fausseté, mais elle énonce un principe juste.

[62] Le Talmud dit formellement que tous les Messies passés étaient du sang de David. Valentin rattache la révolte de Bar-Kocheba à celles de Jehoudda et de ses fils.

[63] Au treizième ou quatorzième livre de ses Chroniques, dit l'Anticelse, II, 13 et 14, dans les Œuvres d'Origène.

[64] Naturellement il y a Jésus dans le texte.

[65] C'est pourquoi son fils Jehoudda est dit, lui aussi, Joannès dans les Actes des Apôtres. Il est le troisième Joannès de la famille.

[66] Suidas, au mot Jésus rapporte le fait d'après un écrivain anonyme qui le tenait de Philippe. Theudas y est nommé Théodose. Comme il ne saurait être question du livre de Juste de Tibériade dont la personnalité est bien définie, ce Théodose ne peut être que Theudas, disciple de Bar-Jehoudda et christ en 798. Cf. Le Saint-Esprit. Notons que le passage de Philippe le banquier est entièrement d'accord avec la définition d'homme à tout faire que donne Lucien de l'imposteur crucifié par Pilatus et qu'on trouvera plus loin au ch. le Père des Évangiles.

[67] Luc, XXII, 15. Naturellement il n'ajoute pas que l'individu dont il est le revenant n'a pas réussi dans cette entreprise.

[68] Clément, Deuxième aux Corinthiens, 12.

[69] Clément, Stromata, liv. III. Par Égyptiens entendez Juifs d'Égypte.

[70] On a fabriqué Clément pape avec Flavius Clémens, cousin de Domitien, comme on a fabriqué Paul apôtre avec Saül, neveu d'Hérode.

[71] Quelle forme le Rabbi attribuait-il à l'androgyne ? Était-il sphérique et ses deux figures se regardaient-elles comme dans Platon ?

[72] Augustin, De hœresibus, 37.

[73] Voici le latin : Nec aliqua putet de hac excusatione defendi, quod inspici et probari possit an virgo sit... etsi incorrupta invent fuerit virgo ed parte sui qua mulier potest esse, potuerit tamen ex alia corporis parte peccasse, qua violari potest et tamen inspici non podest. (V. aussi Jérôme, Epistola XXII, ad Eustochium.)

[74] L'Évangile de ces gens provenait des Paroles du Rabbi, comme celui des Égyptiens et tous les autres.

[75] Irénée, Contra hœreses.

[76] Dans Clément d'Alexandrie, Stromates.

[77] Apocalypse, cf. Le Roi des Juifs. Scène avec Nathanaël, Ménahem, dans l'Évangile de Cérinthe. Vingt autres exemples dans les Évangiles synoptisés. A l'instar du Paradis terrestre, il y a deux arbres dans la mythographie christienne : l'Arbre de la vie éternelle qui est la Vigne, et l'Arbre de la science du bien et du mal (génération) qui est le Figuier.

[78] Injustement, il faut le dire.

[79] Lévitique, XVIII, 19 et 29, et XX, 28.

[80] Photius a vu le livre. Cf. sa Bibliothèque à l'article Agapius. Il s'en indigne. Que ne nous a-t-il transmis le livre ? Nous saurions à quel point son indignation est justifiée.

[81] Psitis Sophia, p. 201 de l'éd. Amélineau. Autres détails en d'autres termes dans la notice sur Le papyrus gnostique Bruce par M. Amélineau. (Notice et Extraits des Manuscrits, Académie des Inscriptions et Belles-lettres, t. XXXIV, 1re partie.)

[82] Avec Hérode Atticus, sous Antonin, en 113 de l'Erreur christienne.

[83] Octavius, ou De vera religione.

[84] Cf. le Roi des Juifs.

[85] Cf. L'Évangile de Nessus.

[86] On ne sait ce qu'il y a de vrai dans l'histoire de cette reine de Perse a qui (Rufin, Histoire ecclésiastique, liv. II, ch. XXIV), pour le traitement d'une maladie mortelle, les médecins juifs prescrivent de couper en deux des vierges christiennes (juives, on peut en être sûr, autrement il n'y aurait pas de guérison possible), et de passer entre les deux moitiés formant haie : mais c'est un vieux sacrifice emprunté à Abraham qui le remplace par des corps d'animaux dans les Écritures actuelles.

[87] Luc, XIX, 27.

[88] Augustin, La Cité de Dieu, liv. XVIII, ch. LIII.

[89] Augustin, La Cité de Dieu, même livre, même chapitre.

[90] A partir de 739, date de la naissance du scélérat à qui les victimes étaient offertes. Par conséquent, la composition de cet oracle que les dieux n'ont malheureusement pas réalisé ne peut dépasser le règne de Constance.

[91] Son frère, mon ami, son frère, tu le sais bien ! On invoque Shehimon parce qu'ayant soutenu, le premier après sa mère, que son frère aîné n'était pas mort, il se trouve aujourd'hui être le premier témoin de la résurrection.

[92] C'est en effet à Bar-Jehoudda divinisé par eux que les Juifs dédiaient ces sacrifices, mais, comme nous le verrons tout à l'heure, les païens révoltés de telles horreurs ne pouvaient le traiter qu'en démon lui et les siens.

[93] Disons, nous : Ils ont le christ authentique ceux qui adorent un tel dieu !

[94] Nous verrons cela dans le présent volume, au chapitre : La Poissonnade d'Apulée.

[95] Cette rédaction date d'un siège où l'Apocalypse est donnée au pseudo-Jochanan Évangéliste, ainsi que les lettres qui précèdent aujourd'hui l'adaptation dite de Pathmos. Elle ne peut donc être d'un juif dont on a fait Saint Irénée.

[96] Qu'ils étaient perdus de tous les péchés.

[97] C'est la pure doctrine christienne.

[98] C'est pourquoi les Nicolaïtes sont dits les chiens dans l'Apocalypse de Pathmos.

[99] Pour les Egyptiens le lever héliaque de Sothis ou Chien était le régulateur du calendrier, lis commençaient leur année sous le signe qui, marquant le retour de l'inondation annuelle du Nil, était par conséquent bon présage, présage de fécondation, en opposition avec le Chien des Grecs et des Chaldéens, qui est un mauvais présage, un présage de sécheresse. Le Nil sert de pluie à l'Egypte, et c'est le Chien qui l'annonce.

[100] Commodien, ch. XLIV.

[101] La première de la double année est dite sabbat un de deux (premier du second) dans Luc. Cf. Le Roi des Juifs.

[102] Voyez Lucien, Alexandre.

[103] Octavius ou de la Vraie religion.

[104] Allusion, claire comme une définition, à la compagnie de Bar-Jehoudda pendant l'année sabbatique où il se proclama roi. Cf. Le Roi des Juifs.

[105] Dans l'Octavius de Minucius Félix, Cécilius est le porte-parole de la thèse païenne (pluralité des Dieux et culte traditionnel des images), contre Octavius, orateur de la thèse christienne (unité de Dieu et élimination de l'idolâtrie matérielle).

[106] Sophistication certaine et qui date du temps où l'on a jehouddolâtrisé Minucius Félix, jusqu'à le faire parler de l'empereur Julien né deux cents ans après lui ! Les hommes qui ont convaincu de ces abominations certaines églises étaient au-dessus de tout soupçon, et la religion que préconisait Minucius Félix avait ceci de particulier qu'elle ne comportait pas de culte public, donc pas de prêtres.

[107] Tacite, Annales, XV, ch. XLIV.

[108] Histoire Auguste.

[109] Cf. L'Évangile de Nessus.

[110] Exécutoires dans la région infernale correspondante. C'est le système.

[111] Cf. L'Évangile de Nessus.

[112] Il stipule pour David et Bethsabée, pour Jacob et Thamar, pour combien d'autres !

[113] Aimable solution pour ceux qui s'incorporent eucharistiquement la chair du Juif consubstantiel et coéternel au Père !

[114] Très mal jugé ! Les églises infanticides sont pires incontestablement.

[115] Il s'agit de la Vierge céleste, celle qu'Hermès Trismégiste appelle la Vierge du monde, Isis pour Apulée, et dont l'Apocalypse nous donne le signalement.

[116] Enlevées, bien entendu. Elles faisaient partie des huit feuillets.