HISTOIRE D'ANNIBAL

 

APPENDICES.

APPENDICE F. — DE L'ART DE L'ATTAQUE ET DE LA DÉFENSE DES PLACES DANS L'ANTIQUITÉ.

 

 

Un exposé sommaire des méthodes poliorcétiques en usage dans l'antiquité devait nécessairement trouver place à la suite des premières pages d'une Histoire d'Annibal, attendu que cette histoire militaire s'ouvre, en Espagne, par plusieurs sièges importants : ceux de Cartéja, d'Arbocala, de Salamanque, de Sagonte ; et que, plus tard, durant leur longue occupation de la péninsule italique, les Carthaginois seront sans cesse contrariés dans leur marche par la fermeté des places fortes et des postes.

Le lecteur qui se proposerait de faire de la question une étude approfondie aurait à consulter, parmi les Grecs : Polybe[1], Josèphe[2], Athénée, Biton, Héron, Philon et Apollodore. M. C. Wescher, attaché au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale, vient de publier[3] une Poliorcétique des Grecs, comprenant : la Mécanique militaire d'Athénée, la Construction des machines de guerre et des catapultes de Biton, la Bélopée et la Chirobaliste de Héron, la Poliorcétique d'Apollodore. Ces divers traités sont suivis des écrits de l'anonyme inédit de Bologne, qui nous a laissé un grand nombre d'extraits et d'analyses méthodiques des ouvrages d'Athénée, de Biton, de Philon, d'Apollodore. C'est ce dernier auteur que l'anonyme semble avoir étudié de préférence.

Polybe, nous le savons, est né vers la fin de la deuxième guerre punique ; Athénée, Biton, Héron et Philon appartiennent à la grande période alexandrine[4] ; par conséquent, les ouvrages de ces cinq savants, illustres à des titres divers, renferment tous les principes de l'art de l'attaque et de la défense des places au temps d'Annibal. Quant à Josèphe, il est du siècle de Vespasien, et Apollodore, de celui d'Adrien.

Les auteurs latins nous ont aussi laissé des documents précieux touchant l'art poliorcétique. On ne lira pas sans intérêt Tite-Live[5], Quinte-Curce[6] et Jules César[7] ; et l'on trouvera dans Végèce et dans Vitruve[8] d'excellents passages, confirmant de tous points les théories des Grecs.

Citons enfin, chez les modernes, Joly de Maizeroy, le père Daniel[9] et l'empereur Napoléon III[10].

L'art de l'attaque des places dans l'antiquité procédait d'après six méthodes distinctes : les surprises à l'aide d'intelligence ou de trahison ; l'escalade environnante par surprise ; l'attaque de vive force avec escalade, ou attaque en couronne, qui ne pouvait réussir que contre les mauvaises places ; l'attaque de vive force par escalade, au moment de l'assaut par les brèches ; le blocus ; l'attaque régulière pied à pied, ou le siège proprement dit. Les anciens commençaient leurs opérations par un investissement complet de la place assiégée. Ensuite, pour se garantir des sorties des défenseurs et des insultes de l'armée de secours, ils construisaient des lignes, à cinq ou six cents mètres des saillants. Ces lignes continues étaient en terre ou en maçonnerie, le plus souvent en bois, et c'est la nature même des matériaux généralement employés qui leur a valu le nom de circonvallation et contrevallation (vallum).

Le vallum (χάραξ) était une palissade faite de troncs d'arbres, qu'on plantait jointifs avec leurs branches accourcies et apointissées. Chaque élément formait hérisson, et était assez semblable à un petit cheval de frise vertical. Cette palissade était d'ailleurs flanquée de castella lignea assez rapprochés : c'étaient des tours de bois, ou blockhaus, qui, lorsqu'elles comptaient trois étages, portaient le nom de tristega. Leurs faces étaient percées de créneaux (fenestræ), et l'étage supérieur, formant terrasse, était couronné d'un parapet (παρα-pectus) découpé d'embrasures (pinnæ). C'est surtout sur le front d'attaque que ces castella étaient multipliés. Tous les points du pied des courtines étaient vus par des traits croisés, et cette série de tours de bois (que nous nommerons ceinture tourellée) donnait aux assiégeants la base d'appui qu'ils trouvent aujourd'hui dans la première parallèle.

Les approches de l'antiquité, que Végèce désigne sous le nom générique de latibula, peuvent se classer sous deux chefs : les galeries et les abris mobiles. Les galeries d'approches remplissaient l'office de nos boyaux de tranchées modernes, et fournissaient aux assaillants un abri voûté continu. Les Grecs leur donnaient le nom de σίοά ; les Latins, celui de porticus. Elles étaient encore en usage au moyen âge, et connues alors sous la dénomination de passavants ou galleries.

L'élément de la galerie couverte était la vigne (vinea)[11]. C'était une sorte de baraque ou cabane ayant la forme d'une treille[12], avec un toit incliné, en planches ou en claies, supporté par des montants verticaux. Cette charpente de 4m,73 de longueur hors œuvre, 2m,07 de largeur et 2m,30 de hauteur, était recouverte de cuir cru, ou d'un cilicium (étoffe de crin), qui la protégeait contre l'incendie. La vigne, dit le père Daniel[13], qui emprunte sa description à Végèce, était longue de 16 pieds, haute de 8 et large de 7. Les bois qui la soutenaient n'étaient pas extrêmement gros, pour l'ordinaire, afin qu'on pût plus aisément les transporter. On les couvrait aussi de cuirs par les côtés, contre les flèches des assiégés. On en préparait dans le camp plusieurs, que l'on approchait ensuite les unes des autres, pour en former toute la longueur. Les vignes se disposaient, comme on le voit, bout à bout, et formaient une communication couverte, analogue à la galerie blindée moderne, par laquelle on pouvait conduire le bélier jusqu'au pied des murs de la place. Les galeries permettaient aussi d'attacher le mineur, et donnaient passage aux colonnes d'assaut[14].

Quel que fût le but à atteindre, l'assiégeant débouchait de la ceinture tourellée, et cheminait sous des galeries de vignes, dont le tracé décrivait sans doute moins de lacets que nos boyaux modernes. Dès qu'il était à bonne distance, il se développait normalement à la direction générale de sa galerie et formait un ouvrage de vignes, analogue à une parallèle et destiné à soutenir les machines et les travailleurs contre les sorties de la place. C'est dans ces ouvrages parallèles, ou places d'armes (stationes), qu'on élevait les premières batteries de balistes et de catapultes, pour éloigner les défenseurs du rempart et ébranler quelques pans des murailles. Nous avons assimilé la ceinture tourellée à une première parallèle ; la première des stationes était analogue à la deuxième parallèle, où, de nos jours, se construisent les batteries destinées à éteindre le feu de la place assiégée. Sous la protection de l'artillerie névrobalistique, qui lançait des traits, des poutres et des quartiers de roche, l'assiégeant continuait ses cheminements jusqu'au pied de l'enceinte. Mais les effets de cette artillerie étaient parfois impuissants à déloger les défenseurs qui gênaient les travaux d'approches. En ce cas, l'assaillant s'efforçait de les dominer du haut d'un agger, ouvrage analogue au cavalier de tranchée moderne, l'agger n'était ordinairement qu'un remblai de terre prise sur place ; quand la terre manquait, et qu'il fallait cheminer sur le roc, on formait l'ouvrage de troncs d'arbres superposés par boutisses et panneresses, et les joints étaient garnis de broussailles ou de gazon[15]. Les bas-reliefs de la colonne Trajane représentent un agger de bois.

Les anciens distinguaient trois espèces d'abris mobiles : les mantelets, les tortues et les criophores.

Le mantelet était une claie ou grand bouclier d'osier, ou encore un masque fait d'épais madriers, que l'assaillant maintenait devant lui pour faire obstacle aux traits de l'assiégé. C'était une espèce de demi-cylindre vertical, présentant sa convexité à l'ennemi, formé de claies recouvertes de peaux, et muni de trois roues, une à l'avant, deux à l'arrière. Ce chariot, qu'on poussait devant soi, fut en usage dès la plus haute antiquité[16].

La tortue était un hangar en charpente, recouvert de peaux et porté par un châssis roulant ; les roues obéissaient à un système assez compliqué de leviers et de cordages. Cette machine, qu'on poussait partout où il était utile de protéger les travailleurs, servait soit au nivellement du terrain sur lequel devaient cheminer les tours mobiles, soit au comblement des fossés. Elle permettait d'approcher, à couvert, du pied des murailles et d'en saper les fondements. On remarquait dans les tortues une grande variété de disposition, et chacune de ces machines ingénieuses portait un nom de quadrupède, dû sans doute à la manière dont elle opérait ses mouvements. C'étaient : le vulpes, l'œricius, la talpa, le caltus (gattus, catus, gate, caltuz, cataye, kas, cathouse, chat[17]), le mascalus, qu'ont décrit César[18] et Végèce[19]. Cette tortue, dit le père Daniel, était bâtie sur quatre poutres couchées en carré, et, sur les quatre angles, on élevait quatre autres poutres, une à chacun, qui soutenaient le toit, lequel était un dos d'âne, fait d'une forte charpente, couvert de lattes et puis de briques. On mettait des cuirs crus par-dessus, contre le feu et contre les pierres qu'on jetait de la place. — La machine de siège appelée testudo, dit aussi l'Empereur[20], était ordinairement une galerie montée sur des roues faites en bois de fort équarrissage, et couverte d'un solide blindage. On la poussait contre le mur de la place assiégée. Elle protégeait les travailleurs chargés soit de combler le fossé, soit de miner la muraille, soit de faire mouvoir le bélier.

Les criophores, ou machines bélières, étaient des édifices roulants, comprenant autant d'étages qu'il en fallait pour dominer, non-seulement les murs, mais aussi les tours de la place assiégée. Au rez-de-chaussée étaient placés les engins démolisseurs ; aux étages supérieurs, les soldats et tous les engins névrobalistiques[21]. Les criophores de l'antiquité s'appelaient tours mobiles, tortues bélières, hélépoles, etc. Quelques-unes de ces machines d'approches avaient des dimensions considérables ; on en cite de 45 mètres de hauteur, qu'on faisait mouvoir à l'aide de cordages, après avoir aplani le chemin qu'elles devaient parcourir. La plus célèbre des hélépoles est celle que Démétrius Poliorcète fit construire pour le siège de Rhodes (304 av. J. C). Au moyen âge, on les nommait cancer[22], truie[23], mouton[24], lauditz, baffraiz, beffroi[25], bastille, bastillon, bastide, tour ambulatoire, lagurium, chat fortifié (catus castellatus). Les chats en particulier (chas-chateilz, chas-chastiaux, chats-faux, chaffaux, eschaffaux) se construisaient généralement en bois vert, coupé sur place, ce qui les rendait moins vulnérables aux projectiles incendiaires. On les appelait alors tours de fust[26], castels de fust[27], etc. Ces tours, dit Végèce[28], ont quelquefois 30 pieds en carré, et quelquefois elles ont en largeur 40 ou 50 pieds. Elles sont si hautes qu'elles surpassent les murailles et même les tours de pierre. Cette machine a plusieurs escaliers. Dans l'étage du bas, il y a un bélier pour rompre le mur ; à l'étage du milieu, elle a un pont fait de deux poutres, et entouré de claies, qu'on abat tout d'un coup, entre la tour et la muraille, et sur lequel les assaillants passent dans la ville et se saisissent des remparts ; sur les plus hauts étages sont des soldats qui ont de longs bâtons ferrés, et des archers pour tirer sans cesse sur les assiégés.

Les engins démolisseurs dont on faisait usage étaient : le bélier, la tarière, le corbeau, la falx muralis. Le bélier était une forte poutre, armée de fer, à laquelle on imprimait un mouvement de va-et-vient horizontal, pour battre la muraille ennemie. A l'origine, elle était mue à bras, et poussée contre l'obstacle par une troupe d'hommes agissant avec ensemble. Le premier perfectionnement fut la suspension du bélier à une poutre horizontale ; on couvrit ensuite ce bâti de charpente ; la poutre fut suspendue, par des chaînes bélières, à la toiture des tortues. Quand le poids était trop fort, on la faisait rouler sur des chapelets de galets portés par un plancher solide, ou reposant immédiatement sur le sol[29]. Quelques béliers avaient des dimensions considérables : Vitruve attribue aux plus grands jusqu'à 60 mètres de longueur, et l'on sait qu'ils pesaient plus de 250 tonnes[30]. Ils pouvaient fournir jusqu'à 200 chocs à l'heure, c'est-à-dire plus de 3 par minute. Cet engin redoutable fut connu, de toute antiquité, des peuples de l'Asie, et la prophétie d'Ezéchiel[31] en fait mention. Les Grecs le nommaient κριός, κριοδόχη, νίκων, c'est-à-dire vainqueur des places assiégées, partout et toujours[32] ; les Latins l'appelèrent equus[33], aries ou trabs aretaria ; le moyen âge, tref, carcamuse[34], fauteau, foutouer, mouton, bosson[35], etc.

La tarière (terebra, taretrus, τέρετρον) ne différait du bélier que par les armatures de la poutre mise en mouvement. Cette pièce de bois présentait, non plus une tête pesante, mais une pointe métallique acérée, destinée à mordre les joints, à ébranler, à détacher les pierres de taille[36].

Lorsque le bélier et la tarière avaient suffisamment désagrégé la maçonnerie des murailles, on en achevait la démolition par le moyen du corbeau à griffes, ou corbeau démolisseur (corvus demolitor). On donnait généralement le nom de corbeau à une grande perche suspendue par son centre de gravité, armée de crocs, de pinces, etc. et qui pouvait saisir, enlever, arracher les matériaux. La falx muralis était une tête de bélier armée d'une pointe et d'un crochet pour détacher les pierres[37]

Pour ouvrir une brèche, les mineurs de l'antiquité[38] se logeaient sous les fondations de la muraille, les déchaussaient, c'est-à-dire enlevaient la terre sur laquelle elles étaient assises, puis les soutenaient au moyen d'étançons. Après avoir ainsi déblayé et étançonné une certaine longueur de l'enceinte, ils remplissaient le vide de menus bois, enduits de matières inflammables et rapidement combustibles ; ils y mettaient le feu et se retiraient. Les étançons consumés, le mur cédait à son propre poids et s'écroulait. La place était ouverte[39] !

A ces moyens d'attaque la défense opposait des sorties et les projectiles de son artillerie névrobalistique. Lorsque l'assiégeant battait enfin en brèche, les défenseurs abaissaient devant leurs murs des matelas de jonc ou de paille, pour amortir les coups du bélier ; ils détournaient ou renversaient le terrible engin au moyen de divers corbeaux, mains de fer et crochets analogues à celui qui portait au moyen âge le nom de loup ou louve. Cet instrument était un fer courbe à tres fors dens aguz[40], une double mâchoire de fer, qui saisissait la tête du bélier et l'empêchait de battre. Les assiégés laissaient aussi tomber sur le bélier des corps pesants, tels que disques d'airain, meules de grand diamètre, qui avaient pour effet de le désorganiser, souvent même de le briser. Ils disposaient en même temps sur les remparts des machines dites catapultes, balistes[41], scorpions, lançant des pierres, des traits, toute sorte de compositions incendiaires.

Considérées au point de vue de la nature du projectile, les machines névrobalistiques de l'antiquité se distinguent en lithoboles et oxybèles. Elles se classent en monancônes et en ditones[42], pour ce qui touche aux différences essentielles de leurs dispositions organiques.

Les machines à deux tons étaient le plus ordinairement en usage, et l'artillerie antique en connaissait deux variétés : les euthytones et les palintones. Celte dernière classification n'est point, ainsi que le veulent certains commentateurs, commandée par la diversité des formes de la trajectoire, mais se rapporte à deux modes d'action de la corde archère. Les euthytones sont à tension directe ; la tension se fait à revers dans les palintones.

Le mode de fonctionnement des machines névrobalistiques est, à première vue, intelligible, et nous n'avons point à en donner ici la théorie. Qu'il nous suffise d'indiquer au lecteur la collection de modèles de ces appareils restitués par M. le commandant De Reffye[43].

Les salles du musée de Saint-Germain montrent au visiteur, au rez-de-chaussée :

1° Une catapulte oxybèle, ditone et euthytone, dont les τόνοι sont en nerfs filés et tordus. Exécuté d'après les proportions mentionnées par les ingénieurs antiques, Héron et Philon, cet engin donne au projectile une portée de 180 à 200 mètres. Le musée de Mayence possède une catapulte semblable, don de l'Empereur des Français.

2° Une catapulte de même genre, mais de grand module, et n'ayant pas, sur son pied, moins de 2m,80 de hauteur. Quelques-unes de ces machines avaient ainsi jusqu'à 6 mètres.

3° Une catapulte propre à lancer la flèche ou la pierre, à volonté, exécutée d'après un relief de la colonne Trajane. Montée sur un chariot, cette machine de campagne peut lancer à 300 mètres une flèche d'un kilogramme, et ce projectile pourrait, dans ces conditions, traverser de part en part une vigne, deux ou trois épaisseurs de clayonnage, un cheval, etc.

4° Un onagre lithobole et monancône, restitué d'après le texte d'Ammien Marcellin, et lançant à 250 mètres des pierres de 2 kilog. 500gr.

On peut aussi voir aux étages du musée de petits modèles de catapulte, de ballista romana et d'onagre sur chariot. Enfin, les reliefs de la colonne Trajane, dont le moulage se trouve aussi à Saint-Germain, représentent plusieurs catapultes de campagne traînées par des chevaux, et en batterie sur des remparts ou des aggeres.

En terminant, nous émettons le vœu que, pour compléter celte belle collection, S. M. l'Empereur daigne faire étudier et restituer quelques modèles de machines d'approches et d'engins démolisseurs. Tous les documents poliorcétiques se trouveraient ainsi réunis, et cette vivification des textes grecs et latins serait de nature à aider aux progrès de la science.

 

 

 



[1] Polybe, IX, fragm. XLI : siège d'Echine par Philippe ; XVI, fragm. XXIX-XXXIV : siège d'Abydos, aussi par Philippe ; VIII, fragm. V-IX : siége de Syracuse par Marcellus. — Le lecteur fera sagement de n'accepter que sous bénéfice d'inventaire les conclusions du chevalier Folard (Histoire de Polybe de dom Thuillier, avec un Commentaire de M. de Folard, Amsterdam, 1753).

[2] Josèphe, Guerre des Juifs, IV, V : siège de Gamala par Vespasien.

[3] Imprimerie impériale, Paris, 1867.

[4] La période alexandrine se limite aux siècles d'Alexandre et d'Auguste.

[5] Tite-Live, XXXVIII : siège d'Ambracie (189 av. J. C).

[6] Quinte-Curce, IV : siège de Tyr (334 av. J.C.).

[7] Jules César, De Bello civili : siège de Marseille.

[8] Vitruve, X. — Cet auteur a traduit ou analysé les Grecs. Son texte n'est souvent qu'un calque de celui d'Athénée.

[9] Le père Daniel, Histoire de la milice française.

[10] Œuvres et Histoire de Jules César, passim.

[11] Les vineæ étaient de petites baraques construites en charpentes légères et revêtues de claies ou de peaux d'animaux. (Végèce, l. IV, c. XV.) — Dans un siège régulier, les vineæ étaient construites hors de la portée des traits, puis on les poussait, les unes derrière les autres, vers le mur de la place attaquée ; c'est ce qu'on appelait agere vineas. Elles formaient ainsi de longues galeries couvertes, qui, tantôt placées perpendiculairement au mur, et tantôt parallèlement, remplissaient le même office que les boyaux de communications et les parallèles dans les sièges modernes. (Histoire de Jules César, t. II, p. 105, notes.)

[12] Pline, Hist. nat., XIV, III. — On peut voir au musée de Saint-Germain différents exemples de l'emploi des vignes, et particulièrement les travaux d'approches de Jules César devant Uxellodunum (Puy d'Ussolu).

[13] Histoire de la milice française, passim.

[14] Les vignes en usage au moyen âge se nommaient tauditz ou taudis. — Ensuite de quoi la dite Jeanne la Pucelle prit un coursier et un bâton à la main, puis mit en besogne chevaliers, écuyers et autres gens de tous états, pour apporter fagots, huis, tables et autres choses nécessaires à faire taudis et approches contre la dite ville Ces taudis étaient ce qu'on appelait des galeries pour mener le canon à couvert jusqu'au bord du fossé. (Le père Daniel, Hist. de la milice française, t. I, l. VIII.)

Cet engin [la vigne] fait on de bons ays et de merrien fort, afin que pierre d'engin ne le puisse brisier, et le cueuvre l'en de cuir cru, que feu n'i puisse prendre ; et cet engin est de huit pieds de lé, et seize de long, et de tel hauteu que plusieurs hommes y puit entrer, et le doit l'en garder et mener jusques aux murs, et ceuls qui sont dedans foyssent les murs du chastel, et est moult proulfitable quand on le peut approchier des murs. (Christine de Pisan, Le Livre des fais et bonnes meurs du situe roy Charle, c. XXXV.)

[15] La terrasse (agger) était un remblai fait avec des matériaux quelconques, dans le but d'établir soit des plates-formes pour dominer les remparts d'une ville assiégée, soit des viaducs pour amener les tours et les machines contre les murs, lorsque les abords de la place offraient des pentes trop difficiles à franchir. Ces terrasses servaient aussi parfois à combler le fossé. Le plus souvent les aggeres étaient faits de troncs d'arbres entrecroisés et empilés comme le sont les bois d'un bûcher. (Histoire de Jules César, I. III, c. V, t. II, p. 105.)

[16] Le pluteus était encore employé par les Normands lors du siège de Paris en 886, ainsi que le témoigne ce passage du moine Abbon :

Mille struunt etiam celsis tentoria rebus,

Tergoribus collo demptis tergoque juvencum

Bis binos tressisve viros clypeare valebant,

Quæ pluteos calamus vocitat cratesque Latinus.

On se servit aussi, durant tout le cours du moyen âge, de grands boucliers clayonnés et curyés (recouverts de cuir), qu'on faisait porter et tenir debout, de la même manière qu'on dresse aujourd'hui des cibles dans les écoles de tir. Les travailleurs et les arbalétriers s'abritaient derrière ces espèces de parapets mobiles. On distinguait l'oryx, le taillevas, la targe, le pavois. Un certain nombre de pavois juxtaposés comme des gabions formaient une pavoisade (l'analogue de la gabionnade moderne), alias pavesade, pavessade, pavesage. Les valets d'armée chargés du transport et de la pose des pavois s'appelaient pavoisiers ou pavesieux. Aujourd'hui encore, on se sert parfois d'un mantelet (à l'épreuve des balles), qu'on roule en tête de sape comme le gabion farci.

[17] Guillaume Guiart, Siège de Boves par Philippe-Auguste.

Li mineur pas ne sommeillent,

Un chat bon et fort appareillent.

[18] De Bello Gallico, II, X.

[19] De re militari, IV, XVI.

[20] Histoire de Jules César, l. III, c. VIII, t. II, p. 210.

[21] Les criophores sont des machines à la fois défensives et offensives, tandis que les autres abris n'ont que des propriétés défensives.

[22] Fuit cancer instrumentum ; in eo erat trabs magna ; solus cancer quingentos homines occupabat. (Chronique de Colmar, de l'an 1300.)

[23] La truie pouvait contenir cent hommes : C'estoyt, nous dit Rabelais, un engin mirificque, dedans la quadrature duquel pouoyent aisément combattre et demourer deux cens hommes et plus...

[24] A ce propoz de prendre chasteaulx, comment par aucuns engins fais de merrien, que l'on peut mener iusques aux murs, l'en peut prendre le lieu assailli : l'en fait un engin de merrien, que l'on appelle mouton ; il est comme une maison faite de merrien, qui est couverte de cuirs crus, afin que feu ni puisse prendre, et, devant, cette maison a un grand tref (trabs), lequel a le bout couvert de fer, et le lieve l'en à chayennes et à chordes, par quoy ceulz qui sont dedans la maison puent embatre le tref iusques aux murs, et le reirait on en airiere, quand on veult, en manière de mouton qui se recule, quand ilveut ferir, et pour ce est il appelez mouton. (Christine de Pisan, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charle.)

[25] Froissart nous donne la description de deux beffrois construits par les Anglais au siège de la Réole : Les Angloys qui seoient devant cette place, et qui y furent neuf semaines, avoient fait charpenter deux beffrois de gros merriens, à trois étages, et seant chacun beffroi sur quatre roëlles, et estoient ces beffrois au lez devers la ville, tout couverts de cuir bouilli... et avoient en chacun cent archers. Si menesrent les Angloys à force d'hommes ces deux beffrois jusques aux murs de la ville ; car en tandis qu'on les avoit ouvrez et faits, ils avoient emplis les fossez si avant que pour conduire ces beffrois à leur ayse. Si commencèrent ceux qui estoient en ces étages à traire à ceux qui se tenoient en défense, si rudement que nul ne s'osoit montrer aux défenses, s'ils n'estoient trez-bien armez et paveschez.

[26] Guillaume Guiart, Siège de Boves par Philippe-Auguste.

Li Roys faict tours de fust lever.

Là met sergeants qui toujours traient.

[27] Ogier l'Ardenois, Poème du XIIe siècle.

De l'ost a fait venir les carpentier,

Un grand castel de fust fist comenchier

Sur quatre roes lever et batiller....

[28] Traduction du père Daniel, Hist. de la milice française, t. I, l. VII.

[29] Vitruve, X, XIII et passim.

[30] Lors du siège de Carthage par les consuls Manlius et Censorinus, en 146, il fallut 6.000 hommes pour mettre en mouvement le bélier romain. (Voyez Appien, De Rebus Punicis, XCVIII.)

[31] Ezéchiel, IV, 23 ; XXVI, 9. — Septimius Florens et Vitruve attribuent néanmoins l'invention du bélier aux Carthaginois.

[32] L'usage du bélier ne se perdit point lors de l'invention de la poudre, et l'on peut encore aujourd'hui s'en servir en maintes circonstances. — Une nuit de l'hiver de 1524 à 1525, le marquis de Peschière employa de grosses poutres bélières pour ouvrir en trois endroits le mur d'enceinte du parc du château de Mirabel, dans lequel François Ier avait enfermé son parc et ses bagages. Chacune des poutres était manœuvrée par une compagnie entière, et les brèches, de cent brasses chacune, ne purent être achevées qu'au jour. (Napoléon III, Œuvres, t. IV, p. 185.)

[33] Pline, Hist. nat., VII, LVII.

[34] Arietes carcamutas vulgo resonatos. (Abbon, Siège de Paris par les Normands.)

[35] Poème provençal : Siège de Beaucaire par Simon de Montfort.

A la santa Pasca es los bossus tendutz,

Ques be loues e ferratz, e adreitz, e agutz,

Tant fer, e trenca, e briza que lo murs es fondutz.

[36] Vitruve, X, VII et XIII.

[37] Végèce, IV, XIV. — Voyez aussi Hist. de J. César, l. III, c. VI, t. II, p. 128.

[38] Les Grecs donnaient au soldat mineur le nom de μεταλλικός ou μεταλλεύς ; les Latins, celui de cuniculutor ou cunicularius ; Tite-Live l'appelle aussi munitor. Guillaume le Breton, l'auteur de la Philippide, a fait de ce mot minator, et Philippe Mouske, minour. En France, les mineurs furent tour à tour appelés francs-taupins, pionniers, vastardeurs, hurons, etc.

[39] Les choses se passaient encore ainsi au moyen âge. (Voyez dans la Philippide de Guillaume le Breton, l. VII, le récit de la ruine d'une tour de Château-Gaillard.) Duguesclin usait aussi, à l'occasion, des procédés antiques, témoin ce récit de la prise du château de Meulan :

Bertran du Glaiequin fist fort la tour assaillir ;

Mais assaut ne les fit de rien nulle esbabir.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adonc fist une mine, et les mineurs fouir ;

Et les faisoit garder c'on ne les puit honnir ;

Et les mineurs pensèrent de la mine fornir :

La terre font porter et la mine tenir,

Si que cil de la tour ne les porent veir.

Tant minerent adonc, ce sachiez sans faillir.

Que par desouhz les murs pueent bien avenir.

Desoubz le fondement font la terre ravir,

A fors eschanteillon la tirent soustenir ;

Grans, baux, fors et pesans y ont fait establir.

Dont vinrent li mineur, sans point de l’alentir,

Et dirent à Bertran : Quand vous aurez desir,

Sire, nous vous ferons cette tour-ci cheir.

Or tost, ce dit Bertran, il me vient a plaisir ;

Car puisque cil dedans ne veulent obeir,

Il est bien de raison c'on les fasse morir.

Les mineurs ont bouté à force et à bandon

Le feu dedans la mine ; a lors division.

Li bois fut très bien oint de graisse de bacon,

En l'eurre qu'il fut ars, si con dit la chançon,

Cheit la haulte tour....

(Chronique manuscrite de Dugueslin.)

[40] Christine de Pisan, ouvrage cité.

[41] La catapulte, la baliste et la fronde sont de l'invention des Syro-Phéniciens. (Pline, Hist. nat., VII, LVII.) — Strabon rapporte aussi que les Phéniciens importèrent la fronde aux îles Baléares.

[42] Ditones, c'est-à-dire à deux tons. Le ton (τόνοι) est l'écheveau de nerfs filés ou de cordes de boyau dont la torsion imprime une force de détente aux bras et, par suite, à la corde archère.

[43] C'est à l'extrême obligeance de M. le commandant De Reffye, officier d'ordonnance de l'Empereur, que nous devons la majeure partie de ces documents.