HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE QUATRIÈME. — LES PYRÉNÉES ET LE RHÔNE.

CHAPITRE II. — MARCHE D'ANNIBAL DES PYRÉNÉES AU RHÔNE.

 

 

Nous avons exposé plus haut (l. III, c. IV) que le Roussillon et le Languedoc avaient été jadis au pouvoir de trois grands peuples : les Bébrykes, les Elésykes et les Sordes ; mais que, de l'an A00 à l'an 281 avant notre ère, ces deux régions avaient subi l'invasion des Volkes Tectosages (Tet-ou-seg[1]) et des Arécomikes (Ara-d'eg-ou-Mikes[2]). Les Bébrykes et les Elésykes avaient été anéantis sous les pas du vainqueur ; les Sordes, supportant mieux les violences de la tourmente ethnologique, étaient seuls parvenus à sauver leur indépendance. Mais, dit M. Amédée Thierry[3], réduits à un petit nombre au milieu de cette ruine presque totale de leur race, ils déchurent rapidement. Leurs villes d'Illiberris et de Ruscino[4] n'offrirent bientôt plus qu'une ombre de ce qu'elles avaient été jadis[5]. Au temps d'Annibal, leur territoire n'excédait vraisemblablement pas les limites de notre département des Pyrénées-Orientales. A leur suite, et jusqu'à l'Hérault, habitaient des Tectosages ; au delà de l'Hérault, et jusqu'au Rhône, des Arécomikes.

Quelle allait être l'attitude de ces peuples en présence des Carthaginois ? Devaient-ils, ainsi que les montagnards des Albères, s'attacher à leurs pas, les harceler, leur disputer le passage ? Annibal, dit Tite-Live[6], s'était bien à l'avance assuré des bonnes dispositions des Gaulois ; mais il ne pouvait pas trop compter sur eux, tant cette race est indomptable et farouche. Cependant il savait aussi qu'on pouvait les séduire[7], et fondait grand espoir sur l'habileté de ses mechasbes. Il se disait que, ayant refusé de prêter l'oreille aux ouvertures des Romains[8], les Sordes s'étaient sans doute réservé d'accueillir avec empressement les propositions d'un général que précédait son renom d'opulence. Pendant que, livré à ces perplexités inévitables, Annibal pourvoyait à la sûreté de l'armée, en organisant solidement les défenses de son camp d'Elne, les Gaulois, également agités, couraient bruyamment aux armes et s'assemblaient en tumulte à Ruskino. Malgré les belles promesses des Carthaginois, ils ne pouvaient s'empêcher de trembler à leur approche, de penser tout haut que ces soldats irrésistibles allaient peut-être les réduire en esclavage, ainsi qu'ils avaient fait des habitants de la Catalogne.

Dès qu'il eut connaissance de ces rumeurs, Annibal, dit Tite-Live[9], redoutant plus la perte de temps que la guerre, fit connaître aux chefs gaulois qu'il désirait avoir un entretien avec eux. Il les invita à s'approcher d'Elne, afin que la proximité des camps rendît l'entrevue plus facile ; offrant, en même temps, de s'avancer lui-même jusqu'à Ruskino, si telle était leur convenance. Il dit qu'il serait heureux de les recevoir sous sa tente, tout comme il se rendrait auprès d'eux sans la moindre hésitation ; qu'il venait comme l'hôte et non comme l'ennemi de la Gaule ; que, si les populations gauloises ne l'y forçaient, il ne tirerait point l'épée avant d'être arrivé en Italie. Ces pourparlers eurent d'abord lieu par correspondance ; mais bientôt, plus confiants, les chefs des Sordes arrivèrent au camp carthaginois. Là s'ouvrirent des conférences régulières. Les guerriers gaulois y assistèrent en armes suivant leur coutume[10] ; mais cet appareil militaire n'avait rien de menaçant. Séduits par les paroles et les présents d'Annibal, ils lui permirent de traverser le pays, de défiler en paix sous les murs de Ruskino[11].

Suivant M. Amédée Thierry[12], les négociations d'Elne aboutirent à un traité d'alliance, célèbre par la singularité d'une de ses clauses. On y stipulait que les plaintes des indigènes contre les Carthaginois seraient portées, soit devant Annibal, soit devant ses lieutenants en Espagne ; mais que les réclamations des Carthaginois contre les indigènes seraient jugées sans appel par les femmes de ces derniers. Cette disposition n'avait rien qui pût surprendre Annibal[13] ; car, ainsi que les femmes germaines, les Gauloises, moins emportées que leurs époux, étaient entourées de leur respect, et souvent invoquées comme des puissances sacrées animées de l'esprit de sagesse. Il ne refusa donc point de reconnaître cette autorité féminine, si nouvelle pour les Carthaginois, et quelques femmes à demi sauvages, siégeant au bord du Tet, prononcèrent en dernier ressort sur les demandes et les plaintes de celui qui allait ébranler Rome et changer peut-être la fortune du monde. Il paraît, au reste, qu'il n'eut qu'à se féliciter des arrêts de ce singulier tribunal.

L'heureuse issue des conférences d'Elne permettait aux Carthaginois de poursuivre leur route vers l'Italie. Annibal s'empressa de quitter Ruskino et d'entrer chez les Tectosages. Pénétrant ensuite au cœur du pays des Arécomikes, gagnant les uns, intimidant les autres, marchant toujours avec une étonnante rapidité, il arriva sur la rive droite du Rhône.

Voilà tout ce que Polybe et Tite-Live[14] rapportent de celle belle marche des Pyrénées jusqu'au grand fleuve, avant-fossé du rempart des Alpes. Et, malheureusement, on ne rencontre ailleurs aucun fragment de nature à dissiper l'obscurité dont s'enveloppe, depuis plus de deux mille ans, l'histoire des étapes du Languedoc. Il semble que la plupart des travaux du fils d'Amilcar n'aient été entrepris et menés à glorieuse fin que pour frapper l'imagination des peuples, sous forme de légendes et de récits mystérieux. Nous ne croyons pas, cependant, qu'il soit absolument impossible de restituer le tracé de cette section de l'itinéraire ; d'obtenir, tout au moins, pour la plupart des points de passage, des lieux géométriques d'une étendue restreinte. Etant donné le point de départ de Ruskino, il convient tout d'abord de déterminer le point d'arrivée sur la rive droite du Rhône. Les deux extrémités de la ligne une fois fixées, il deviendra plus facile d'en jalonner toute l'étendue.

Comme tous les éléments de la route d'Annibal, le passage du Rhône a donné lieu à de longues discussions, et l'on constate un écart considérable entre les opinions extrêmes. En effet, il n'y a pas moins de 140 kilomètres de Loriol à Arles, intervalle qui mesure la divergence maximum des opinions. On peut d'ailleurs répartir en trois classes les écrivains qui ont soumis la question à un examen sérieux. Les uns proposent pour solution un point pris en amont d'Orange ; les autres, entre Avignon et Arles ; les derniers, enfin, entre Orange et Avignon.

L'Anglais Withaker[15] choisit Loriol ; le général Rogniat[16], Montélimart ; le marquis de Saint-Simon[17], Saint-Paul des Trois-Châteaux ; dom Vaissète et Claude Vic[18] placent la scène entre Orange et Saint-Esprit ; Napoléon Ier, à la hauteur d'Orange[19] (Ara-ouachchioun[20]) ; de Marca[21] et de Mandajors[22] se prononcent pour Tarascon (Ta-ras-kouk[23]) ; Pierre Quiqueran de Beaujeu[24], Doujat[25], le père Fabre[26] et Raimond de Soliers[27] insistent hardiment pour les environs d'Arles (Ara-léat[28]).

Mais l'autorité semble acquise à la pléiade des chercheurs qui, après mûres réflexions, ont limité à Avignon, d'une part, à Orange, de l'autre, le lieu géométrique du point cherché. De Mandajors, qui, avec de Marca, avait d'abord opiné pour Tarascon, a fini par adopter ces dernières limites[29]. Honoré Bouche[30] et Rollin[31] disent expressément que le passage s'effectua un peu au-dessus d'Avignon ; de Cambis-Velleron[32] fait camper les Carthaginois à Villeneuve-lez-Avignon, et M. Imbert-Desgranges[33] veut qu'ils aient franchi le grand fleuve une demi-lieue environ au-dessus de ladite ville d'Avignon. Folard[34] s'arrête entre Avignon et le confluent de la Sorgue ; le père Du Puy[35] et Fortia d'Urban[36] prétendent que l'opération eut lieu immédiatement au-dessous de Roquemaure[37], en face du château de Lers. On convient, disait Letronne[38], que le passage du Rhône est un peu au-dessus de Roquemaure, à neuf ou dix mille toises (de 17 kilom. 541 m. à 19 kilo m. 490 m.) au nord d'Avignon. M. Amédée Thierry[39] adopte franchement cette opinion, que le point doit être cherché en amont de Roquemaure, entre cette localité et Caderousse. De Lavalette dit aussi[40] : dans le voisinage de Montfaucon. Enfin, pour clore cette longue discussion, il convient de mentionner les conclusions de Martin de Bagnols[41], qui, précisant les faits, estime qu'Annibal a opéré son passage une lieue au-dessus de Roquemaure, au point connu sous le nom de l'Ardoise[42] et situé presque en face de Caderousse.

C'est à cette opinion que nous avons cru devoir définitivement nous rallier. Qu'on cherche, en effet, à déterminer directement le point dont il s'agit, et l'on peut, tout d'abord, dire avec Napoléon Ier qu'Annibal passa au-dessus de l'embouchure de la Durance, parce qu'il ne voulait pas se diriger sur le Var ; il passa au-dessous de l'embouchure de l'Ardèche[43], parce que là commence cette chaîne de montagnes presque à pic qui domine la rive droite du Rhône[44]. Voilà donc déjà d'excellentes limites déduites de la configuration des lieux et du but de l'expédition, bien arrêté dans l'esprit d'Annibal. Mais ces limites rationnelles peuvent se resserrer encore, si l'on observe que le point cherché doit satisfaire à certaines conditions qu'impose le texte de Polybe[45]. Suivant le grand historien, le camp d'Annibal sur le Rhône était à 1600 stades (296 kilom.[46]) d'Ampurias, et, de plus, à égale distance de la mer et de l'embouchure de l'Isère, distance de 600 stades (111 kilom.) ou de quatre journées de marche. Là où s'opéra le passage, le fleuve n'avait qu'un seul lit, et enfin, à 200 stades (37 kilom.) en amont de ce point, se trouvait une petite île, celle que rencontra le détachement d'Hannon, fils de Bomilcar.

Suivant de Lavalette[47], la première de ces conditions exige que les Carthaginois se soient arrêtés entre Avignon et Orange. Les autres circonstances mentionnées veulent aussi impérieusement que le passage ne se soit effectué ni au-dessus du territoire de Montfaucon, ni au-dessous de celui de Roquemaure. Ces raisons sont péremptoires, et l'on peut en conclure en toute sûreté qu'Hannon est passé à Saint-Esprit ; Annibal, à l'Ardoise (Ara-thoudezza). C'est par l'Ardoise, dit Martin de Bagnols[48], que les Volces, habitants de la rive gauche, communiquaient avec ceux de la rive droite... Si cet ancien passage est aujourd'hui peu fréquenté, c'est en partie à la construction du pont Saint-Esprit et à celui d'Avignon qu'il faut attribuer sa désertion. Mais, dans ces temps reculés, l'Ardoise était le point de réunion des bateaux ou canots qui servaient aux communications des deux rives. Annibal dut préférer ce passage, plus connu et, dès lors, moins dangereux. S'il fût descendu plus bas, il se serait engagé dans la plaine marécageuse de Roquemaure, qui, à la moindre inondation, est couverte d'eau. Si, au contraire, il eût voulu tenter le passage en remontant vers Chusclan, il rencontrait l'embouchure de la Cèze, qui rendait cette opération doublement périlleuse, et il fallait ensuite longer les rochers de Saint-Etienne et côtoyer les bords limoneux du fleuve jusqu'au Saint-Esprit. Il trouvait donc à l'Ardoise tous les avantages qu'il pouvait désirer : des bords aisés et exempts d'embuscades, une plaine immense en débarquant, et, par conséquent, l'avantage de pouvoir développer sa cavalerie en abordant à la rive opposée.

Le problème à résoudre en ce chapitre peut donc s'énoncer ainsi : étant donnés le point de départ, Ruskino, et le point d'arrivée, Roquemaure, tracer l'itinéraire des Pyrénées au Rhône.

Ici encore Polybe nous fournit les seuls documents dont nous puissions disposer. Parlant en termes généraux du long chemin que les Carthaginois ont dû suivre depuis Ampurias jusqu'au passage du grand fleuve, il expose que, à l'heure où il écrit, cette route est entièrement toisée ; qu'elle est garnie de bornes milliaires ; que les Romains ont déterminé ces repères avec un soin extrême[49]. Puis, mettant en marche les colonnes carthaginoises, il ajoute qu'elles se dirigèrent vers le Rhône[50], en laissant toujours à leur droite la Méditerranée[51].

Telle est la regrettable concision du texte de Polybe touchant cette partie de la route d'Annibal. Mais cette concision même peut s'interpréter en un sens qui permettra de dégager l'inconnue. Le jeune général marche sur Roquemaure, ayant toujours à sa droite la Méditerranée, suivant une direction générale qui ne s'écarte pas sensiblement de la route construite par les Romains, et livrée à la circulation dès le temps de Polybe[52]. Le grand historien sait que cette route est bien connue, que tous les voyageurs la prennent ; il entend dire peut-être qu'il l'a suivie lui-même pour se rendre en Espagne, et ne suppose point qu'Annibal ait eu l'idée d'en choisir une autre.

Quel est donc le tracé de cette voie romaine ainsi mentionnée par Polybe ? On peut affirmer qu'elle empruntait elle-même plus d'une section à la route phénicienne ouverte du XIIe au IXe siècle avant notre ère, laquelle passait, suivant M. Amédée Thierry[53], par les Pyrénées orientales et longeait le littoral de la Méditerranée Les Massaliotes y posèrent des bornes milliaires, à l'usage des armées romaines qui se rendaient en Espagne.... Les Romains remirent cette route à neuf et en firent les deux voies Aurélia et Domitia.

En résumé, la chaussée que devait restaurer Domitius Ænobardus était déjà pratiquée au temps de Polybe, peut-être même au temps d'Annibal. En admettant cette dernière hypothèse, on ne méconnaîtra point que le jeune général ait dû suivre la route empierrée qui s'offrait à lui. Si les grands travaux massaliotes n'étaient encore alors qu'à l'état de projets, on pensera qu'il a très-certainement pris la vieille voie phénicienne, et retrouvé, sur tout son trajet, des traces de ses glorieux ancêtres. Pour obtenir, par suite, l'itinéraire des Carthaginois, de Perpignan à Nîmes, il suffit de se reporter au tracé de la via Domitia[54]. Si l'on ne parvient pas ainsi à la vérité, on en approchera du moins beaucoup.

Partie de Ruskino (Castel-Roussillon, à 4 kilomètres nord-est de Perpignan), l'armée, après avoir passé la Gly (Vernodubrum), se dirigea sur Saint-Hippolyte (Combusta) et, de là, sur Salces (Salsulis). Prenant alors à l'ouest de l'étang de Leucate, elle s'engagea dans la passe étroite qui borde le pied des montagnes, et que suivent la route moderne et le chemin de fer. A sa sortie de cette passe, la colonne rencontra le passage du Riou (Ad Vicesimum)[55], et, laissant l'étang de la Palme assez à l'est, elle s'avança droit sur Sijean. On côtoya ensuite le bord occidental de l'étang de Bages et de Sijean, par Peyriac-de-mer et Bages[56], et l'on arriva sans obstacle à Narbonne.

Là s'ouvraient pour Annibal des perspectives nouvelles. Roquemaure, son objectif, se trouvait démasqué, et l'on pouvait marcher au but par le chemin le plus court, sans qu'il y eût à prévoir des difficultés sérieuses. Le hardi soldat qui avait franchi l'Ebre et qui s'avançait intrépidement vers le Rhône ne pouvait se laisser arrêter par le cours de l'Aude, de l'Orb, de l'Hérault, du Gardon. Que sur une carte du midi de la France on tire une ligne droite de Narbonne à Roquemaure, et cette ligne représentera assez exactement l'itinéraire des colonnes carthaginoises.

Narbonne (Narbo[57]) alors était déjà une ville importante. On n'y fit toutefois qu'une très-courte halte, et l'on pressa le pas vers Béziers (Beterræ[58]), en suivant à peu près la ligne que jalonnent les poteaux télégraphiques du chemin de fer du Midi. Il fallut seulement remonter un peu vers le nord et décrire une enveloppée de la voie ferrée, afin d'éviter les marais de l'Aude (Atax[59]), qui ne coulait pas alors dans son lit d'aujourd'hui et festonnait de ses méandres l'étang actuel de Capestang (Caput stagni). On passa par Pont-Serme (Pons Septimus), et, dès lors, jusqu'à l'Orb, le chemin ne présentait plus aucun pas difficile.

Bientôt l'Orb (Orobis) fut franchi sous les murs de Béziers, ville déjà célèbre par l'étendue de son commerce. Elèves des Phéniciens et des Grecs, qui avaient occupé avant eux le midi de la France, les Volkes[60] cultivaient la vigne sur le flanc des coteaux biterrois, et le vin blanc qu'ils y récoltaient jouissait d'une réputation méritée[61]. Le jeune général, selon toute vraisemblance, s'était facilement ménagé l'alliance de ces riches négociants ; en prodiguant l'or, il put défiler sans encombre sous les hauts remparts de leur place.

On prétend que les mercenaires à la solde de la République ne pouvaient jamais boire de vin, et que toute infraction à ce règlement sévère était immédiatement punie de mort. Il est à croire cependant qu'Annibal savait rationner ses soldats et leur faisait prendre, en temps opportun, le vin indispensable à l'entretien de leurs forces. Il était convaincu qu'un général peut opérer des prodiges quand il dispose de troupes bien vêtues, bien nourries et régulièrement restaurées par des distributions de cordial[62]. Nous estimons, en conséquence, que les services administratifs de l'armée carthaginoise commandèrent à Béziers leurs approvisionnements de vinaigre[63] et de vin.

De Béziers, l'armée marcha droit sur Saint-Thibery (Cessero, Araura[64]), où elle passa l'Hérault (Arauris[65]). C'est là que, suivant la tradition, Annibal fut informé des menées secrètes des Agathois. Ceux-ci venaient de faire connaître à Marseille l'arrivée d'Annibal chez les Volkes, et Marseille en avait porté la nouvelle à Rome[66]. Se tournant vers la ville d'Agde (Agatha), dont il apercevait les noirs édifices, le jeune général l'aurait, d'une voix menaçante, flétrie du nom de Νεκρόπολις. La légende latine s'est emparée de ce mot énergique, qu'elle a traduit par : Urbs nigra, spelunca latronum ![67]

Sur la rive gauche de l'Hérault, quelques traces de la route d'Annibal sont encore visibles aujourd'hui, principalement dans le canton de Florensac. L'ensemble de ces fragments porte, dans le pays, le nom de chemin de la Reine Juliette[68]. De Saint-Thibery à Mèze (Mesua[69]) l'armée carthaginoise n'avait à franchir aucun obstacle sérieux : aussi arriva-t-elle rapidement sur l'étang de Thau[70], dont elle côtoya le bord septentrional jusqu'à Balaruc[71]. De là, passant au nord de la Gardiole et de la route impériale n° 87, elle traversa les territoires de Loupian[72], Poussan, Montbazin (Forum Domitii[73]), Cournon-le-Sec et Cournon-Terral.

Ici encore la tradition place une anecdote que le ton du style historique ne permettrait point de rapporter, si, en l'absence de documents précis, il n'était important de tenir compte des légendes, même les plus douteuses, tous droits de critique réservés. Ces récits, d'une authenticité contestable, font voir au moins combien le souvenir d'Annibal s'est profondément implanté dans l'esprit des populations. L'armée carthaginoise, épuisée de fatigue, était arrivée à Cournon-Terral, et les soldats insistaient, dit-on, pour y prendre un long repos, pour y faire au moins une grande halte. — Eh ! pourquoi pas ? aurait ironiquement répondu le jeune général, impatient d'arriver au but (cur non ? d'où la dénomination du village de Cournon), et les colonnes d'Annibal auraient aussitôt dû se remettre en marche.

Elles passèrent le ruisseau du Coulazzou sur le pont de la Cordelot, traversèrent le territoire des communes de Fabrègues, Saussan, Juvignac, et entrèrent sur celui de Montpellier.

Là se trouvait la sixième station de la voie romaine, et l'on croit en reconnaître des vestiges sur un mamelon voisin du Lez, un peu au-dessus de Castelnau (Sextantio[74]). On y fit halte, et l'on poursuivit par le territoire des communes de Vendargues et de Castries. La Carte de France au 80.000e indique le tracé de cette voie romaine, qui touche aux limites des communes de Saint-Brès et de Valergues, et continue par Verargues, Saturargues et Villetelle, sous le nom de chemin de la Monnaie (camine de la Mounède, cami Moulares, via Moneta)[75].

Passant ensuite le Vidourle à Saint-Ambroix (Ambrussum), et s'arrêtant à Huchau (Icabo[76]), l'armée carthaginoise alla prendre gîte à Nîmes (Nemausus)[77].

A Nîmes s'arrêtait la vieille voie phénicienne qui servit plus tard d'assiette à la via Domitia, et le général carthaginois avait à se frayer une route. Il est probable qu'il ne s'écarta guère de celle de Nîmes à Remoulins, par Besouce et Saint-Bonnet. A Remoulins il passa le Gardon, et, inclinant un peu à l'est, il piqua droit sur Rochefort, par le pied des hauteurs d'Estezargues et de la Crompe.

Annibal contourna ensuite la base du plateau de la forêt de Malmont, laissa Tavel à sa gauche et défila lestement entre Aqueria et la forêt de Clary. Enfin, du point où s'élève aujourd'hui la chapelle de Saint-Agricol, il put montrer le camp de Roquemaure à ses soldats.

Il était sur le Rhône !

S'il est quelque chose de certain dans l'histoire de l'expédition d'Annibal, c'est ce fait qu'il suivit, de Perpignan à Nîmes, l'itinéraire que nous venons de retracer. Si les Carthaginois étaient passés seulement derrière le premier rideau des hauteurs qui courent au fond des plaines du Languedoc, Polybe aurait-il dit qu'ils laissèrent toujours à droite la Méditerranée ? On ne saurait imaginer une autre route que celle qui vient d'être décrite, et, cependant, Withaker a eu la hardiesse de proposer un tracé par les Cévennes. Emporté par un besoin de merveilleux dont le génie britannique ne sent que bien rarement l'aiguillon, cet esprit inventeur conduit Annibal de Perpignan à Carcassonne, de Carcassonne à Lodève, de Lodève au Vigan, et du Vigan, enfin, à Loriol. Pour s'expliquer une erreur aussi étrange, on a besoin, dit de Lavalette[78], de se souvenir que l'auteur écrivait son livre à Ruan-Langhorne, dans le comté de Cornwall. Non-seulement Withaker n'avait pas vu les lieux, mais il s'était forgé, dans le silence du cabinet, une très-fausse idée des moyens de l'expédition. Il crut qu'Annibal avait dû dérober sa marche et passer par les Cévennes, afin de n'éveiller ni les soupçons des Romains, ni ceux des colonies grecques du littoral. Rien n'est plus contraire au vrai sens des opérations du grand capitaine. Il a, dit Napoléon[79], traversé le bas Languedoc non loin de la mer... Sa marche a été celle d'un voyageur... il a pris la route la plus courte...

 

 

 



[1] Tet-ou-seg, nation en deçà du Tet. Le Tet servait, en effet, de limite territoriale aux Volkes Tectosages.

[2] Ara-d'eg-ou-Mikes, nation des Mikes (synonyme de Makes) dans la rivière. Les Volkes Arécomikes, comme nous le verrons, étaient à cheval sur le Rhône. Nous proposons avec confiance ces étymologies phénico-thimazirin ; celles de Άρης κώμη (Martis regio) et Ar-κώμη (maris regio), que prône l'Histoire générale du Languedoc (t. I, p. 51), nous paraissent absolument inadmissibles.

[3] Histoire des Gaulois, t. I, p. 438.

[4] Rus-kino, le cap formant le port de la contrée, d'où l'on a tiré le nom de Roussillon. Cette ville avait été bâtie par les Phéniciens. Détruite par les Normands au IXe siècle de notre ère, elle fut remplacée par le Castrum Roscinonense, dont il ne reste plus aujourd'hui que quelques masures et une tour-vigie. C'est à ces ruines qu'on donne le nom de Castel-Roussillon. (Voyez l'Histoire générale du Languedoc, t. I, p. 53.)

[5] Pline, Hist. nat., III, V.

[6] Tite-Live, XXI, XX.

[7] Tite-Live, XXI, XX. — Annibal savait fort bien à quoi s'en tenir à cet égard, car il y avait longtemps que ses agents tâtaient le pays. (Tite-Live, XXI, XXIII.) — Ce qu'il redoutait, c'était la mobilité d'esprit des Gaulois.

[8] Les députés de Rome avaient demandé aux Gaulois de ne point livrer passage aux Carthaginois qui approchaient de leur territoire ; mais les Gaulois, dit Tite-Live (XXI, XX), n'avaient répondu à cette demande que par un immense éclat de rire. S'attirer à eux-mêmes les maux d'une guerre qui menaçait l'Italie ; exposer leurs champs à la dévastation pour en préserver ceux de l'étranger ! Comment osait-on leur faire de telles propositions ? Ils répondirent aux députés que, n'ayant reçu aucun service des Romains, aucune offense des Carthaginois, ils ne pouvaient embrasser ni la cause de Carthage ni celle de Rome.

[9] Tite-Live, XXI, XXIV.

[10] Tite-Live, XXI, XX.

[11] Tite-Live, XXI, XXIV.

[12] Histoire des Gaulois, t. I, p. 318 et 435.

[13] Voyez, sur les coutumes gynécocratiques des Imazir'en et des Égyptiens : M. Brasseur de Bourbourg, Sources de l'histoire du Mexique, p. 74-75 ; — le baron d'Eckstein, Les Cares ou Cariens, deuxième partie, p. 197 ; — et l'appendice G, Notice ethnographique.

[14] Polybe, III, XLI. —Tite-Live, XXI, XXVI.

[15] The course of Hannibal, Londres, 1794.

[16] Considérations sur l'art de la guerre.

[17] Histoire de la guerre des Alpes en 1744, Amsterdam, 1770.

[18] Histoire générale du Languedoc, t. I, p. 600, note 5.

[19] Notes sur les Considérations du général Rogniat, publiées par Montholon.

[20] Ara-ouachchioun, d'où les Latins mit tiré Arausio, mot à mot les cornes de la rivière. — En effet, l'Eygues et la Cèze confluent au Rhône en ce point, l'un vis-à-vis de l'autre. — Orange devint, plus tard, le quartier général de la deuxième légion romaine. (Pline, Hist. nat., III, V.)

[21] Hispania.

[22] Histoire de l'Académie des inscriptions, t. III, p. 95 et suiv.

[23] Ta-ras-kouk, mot à mot femelle de cap en forme de conque, c'est-à-dire sinus décrit par un fleuve. La préfixe ta implique ici une idée d'infériorité, pour faire opposition au promontoire mâle, celui que battent les lames de la mer.

[24] De laudibus Provinciæ, 1550.

[25] Notes sur Tite-Live.

[26] Panégyrique de la ville d'Arles, 1743.

[27] Cité par de Cambis-Velleron, Annales manuscrites d'Avignon, t. I.

[28] Ara-léat, l'île de la rivière. Arles est, en effet, située au sommet du delta du Rhône. — Cette ville devint ultérieurement le quartier général de la sixième légion romaine. (Pline, Hist. nat., III, V.)

[29] En 1711, de Mandajors avait exprimé son opinion primesautière, qu'il modifia en 1725. Sa dernière pensée est consignée dans l'Histoire critique de la Gaule narbonnaise, 3e dissertation, Paris, 1733.

[30] Histoire de Provence, 1644.

[31] Histoire ancienne, t. I, p. 394.

[32] Annales manuscrites à Avignon, note 1 du premier volume. Suivant de Cambis, les Carthaginois auraient franchi le Rhône au-dessus de l'île de la Barthelasse.

[33] Mémoire inséré dans les Notes sur Tite-Live (t. I de l'édition Nisard), Paris, 1839.

[34] Commentaire sur l'Histoire de Polybe, t. IV.

[35] Carte du Comtat Venaissin, Avignon, 1697.

[36] Antiquités et monuments du département de Vaucluse, Paris, 1808.

[37] Roquemaure, sur la rive droite du Rhône, occupe l'extrémité du contrefort du mont Mezenc.

[38] Journal des Savants, janvier 1819.

[39] Histoire des Gaulois, t. I, p. 319.

[40] Recherches sur l'histoire du passage d'Annibal d'Espagne en Italie, p. 43.

[41] Notice des travaux de l'Académie du Gard, année 1811, t. II, p. 153 et suiv.

[42] Transcription française d'Ara-thoudezza, mot à mot castration de la rivière, domination, gué, passage de la rivière.

[43] Ardèche, Ara-d'eg-ichch, la corne dans la rivière, c'est-à-dire l'affluent du Rhône.

[44] Notes sur les Considérations du général Rogniat, publiées par Montholon.

[45] Polybe, III, XXXIX, XLII, XLIX.

[46] Nous avons adopté, pour la valeur du stade olympique, le nombre rond 185 mètres.

[47] Recherches sur l'histoire du passage d'Annibal d'Espagne en Italie, p. 40-42, Montpellier, 1838.

[48] Notice des travaux de l'Académie du Gard, 1811.

[49] Polybe, III, XXXIX.

[50] Polybe, III, XXXV.

[51] Polybe, III, XII.

[52] Polybe est né l'an 206 avant l'ère chrétienne, soit douze ans après le passage d'Annibal par les Gaules.

[53] Histoire des Gaulois, l. I, c. I.

[54] Voyez ce tracé de la via Domitia sur la Carte de la Gaule depuis les temps les plus reculés jusqu'à la conquête romaine, Imprimerie impériale, Paris, 1869.

[55] C'est à tort que Daudé de Lavalette place la station de Ad Vicesimum aux Cabanes de la Palme.

[56] Ici la route moderne ne s'écarte pas sensiblement de la via Domitia ; mais le chemin de fer et le canal de Narbonne à la Nouvelle (la Robine) suivent, au contraire, le bord oriental de l'étang de Bages et de Sijean. Ces deux voies de communication sont, en d'autres termes, établies sur l'isthme qui sépare l'étang précité de celui de Gruissan. — Les Latins donnaient le nom de Rubrensis lacus à l'ensemble des étangs de Gruissan, de Sijean et de Bages.

[57] Narbonne, que dom Vaissète et Claude Vic (Histoire générale du Languedoc, t. I, p. 54) représentent comme une ville déjà fort importante à cette époque, paraît avoir été fondée par les gens d'Ax (Ath-Ax), et fut longtemps connue sous le nom de colonia Atacinorum. Elle était la marine, le port de la ville d'Ax ; la colonie romaine de Narbo Martius ne fut créée que l'an 118 avant l'ère chrétienne, cent ans précisément après le passage d'Annibal (218). M. Amédée Thierry tire le nom de Narbonne des deux mots celtiques juxtaposés : nar (eau), bo (habitation). Mais nous préférons l'étymologie topologique de N-ara-b-ouadda, mot à mot en bas de la rivière (sous-entendu : la ville). Narbonne se trouvait alors, en effet, à l'embouchure d'un bras de l'Aude. (Histoire du Languedoc, loco cit.)

[58] Beterræ, alias Bitterrœæ, Bæterræ. Nous ne voyons là que des transcriptions latines de l'amazir' B-ath-thara, des enfants de la vigne (sous-entendu : la ville). Ici l'onomatologie s'est inspirée, non des circonstances topographiques proprement dites, mais du mode d'exploitation du pays. La viticulture, en effet, fut en honneur à Béziers dès l'antiquité la plus reculée. — Sous la domination romaine, Béziers devint le quartier général de la septième légion. (Pline, Hist. nat., III, V.)

[59] Ar-ath-Ax, la rivière des enfants d'Ax. L'Aude, en effet, prend sa source aux environs de la ville d'Ax. On écrit aussi Ar-Ax, la rivière d'Ax, et At-Ax, des enfants d'Ax (sous-entendu : la rivière). Les Latins disaient Atax.

[60] Voyez, sur le mot Volkes et ses variantes, M. Amédée Thierry (Histoire des Gaulois, t. I, introduction, p. 30 et 40). — Strabon écrit Ούολκαί, et cette forme parait la meilleure de celles qu'on a proposées. Passant du grec à l'amazir', c'est-à-dire refaisant inversement la traduction de Strabon, nous lirons Ou-ol-ki, soit : nation des Oll. La racine ol se retrouve dans une foule de noms de lieux en Allemagne, en France, en Espagne, en Afrique : Olmutz, Ollioules, Olargues, Olonzac, Toul, Toulon, Toulouse, Olot, Iol (Cherchell), etc.

[61] Pline, Hist. nat., XIV, VI.

Les gens de Béziers avaient l'habitude d'asperger de poussière le tronc, les liges et le fruit de la vigne, pour en accélérer la maturation ; si, malgré cette précaution, la maturité restait incomplète, on corrigeait l'acidité de la liqueur par une infusion de poix-résine. C’était d'ordinaire par la fumée que les Biterrois concentraient le vin, et ce procédé le gâtait souvent. Ils le falsifiaient au moyen de divers ingrédients, tels que l’aloès, employé pour donner du ton, de la couleur et une légère amertume. On leur attribue l'invention des futailles, ou vases de bois cerclés, propres au transport et à la conservation du vin. (Voyez M. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. I, p. 458.)

[62] C'était aussi la conviction de Napoléon Ier. Tâchez, écrivait-il à M. de Talleyrand, de me faire expédier par jour deux mille pintes d'eau-de-vie. Aujourd'hui le sort de l'Europe et les plus grands calculs dépendent des subsistances. Battre les Russes, si j'ai du pain, est un enfantillage. L'importance de ce dont je vous charge là est plus considérable que toutes les négociations du monde. Du biscuit et de l'eau-de-vie, c'est tout ce qu'il nous faut. Ces 300.000 rations de biscuit et ces 18 ou 20.000 pintes d'eau-de-vie qui peuvent nous arriver dans quelques jours, voilà ce qui déjouera toutes les combinaisons des puissances. (Dépêche de Napoléon Ier A M. de Talleyrand, Osterode, 12 mars 1807.)

[63] Dans l'antiquité, les soldats portaient du vinaigre dans leurs bidons. (Voyez l'édit de Piscennius cité par M. Rey, Dissertation sur l'emploi du vinaigre à la guerre, Paris, 1818.)

[64] Cessero, fondée par des Grecs de Rhodes, fut successivement la capitale d'un petit État tectosage et l'un des plus importants comptoirs massaliotes. — Le nom d'Araura (Ara-ou-ara) exprime nettement la position de la ville au confluent de deux cours d'eau. — Celui de Tiberi (Ta-iberi) signifie havres de fleuve, et sert à désigner un saint personnage martyrisé en ce lieu, l'an 305 de notre ère.

[65] Arauris, transcription latine de Ara-ou-ir'ill, rivière de la crête. L'Hérault prend effectivement sa source à la crête des Cévennes (Ki-benn).

[66] Ceux d'Agde donnèrent aussitôt avis à ceux de Marseille de la ligue d'Annibal avec les Celtes. Les Marseillais, qui étaient excellents politiques, afin d'obliger les Romains, dont ils appréhendaient la puissance, les avertirent de ce passage... (Andoque, Histoire du Languedoc.)

Agde contribua à sauver Rome, dont la perte aurait changé la face du monde. (Jordan, Histoire de la ville d'Agde.)

[67] Voyez Jordan, Histoire de la ville d'Agde, Montpellier, 1824. Agde fut fondée par des Phocéens de Marseille. L'îlot de Brescou (Bahr-ras-kouk, le cap en mer, par opposition à Ta-ras-kouk, le cap femelle, le point de rebroussement d'un fleuve) lui servait de poste-vigie ; elle avait pour rade l'emplacement actuel des salins de Luno (El-ou-no, le port du pays).

[68] Via Julia. —Voyez le tracé du chemin de la Reine Juliette, Carte de France au 80.000e, feuille de Montpellier, n° 233.

[69] Mesua, transcription latine de Massuoua, Mak-aoua, la ville des Makes.

[70] Stagnam Tauri, alias stagna Volcarum. Suivant d'antiques traditions, le nom de Thau ne serait autre que celui d'une cité considérable, Taoua, dont l'emplacement devrait se rapporter à la portion d'étang sise au nord de Cette, et qu'un tremblement de terre aurait jadis submergée. — L'emploi du scaphandre permettrait facilement de voir ce qu'il y a de fondé dans ces dires de pécheurs ; peut-être retrouverait-on là un Herculanum gallique.

[71] Bahr-el-konk, mot à mot la conque de la mer ; l'étang de Thau dessine en effet deux anses arrondies, l'une à Balaruc-le-Vieux, l'autre à Balaruc-les-Bains.

[72] Voyez Vestiges de voie romaine (Carte de France au 80.000e, feuille de Montpellier, n° 235).

[73] Montbazin (Forum Domitii). On prétend (Histoire da Languedoc, t. I, p. 41) que Forum Domitii occupait l'emplacement de Frontignan (Forum stagni). Montbazin était vraisemblablement le marché auquel Frontignan servait de port.

[74] Sexta statio, d'où Sexstatio (Itinéraire d'Antonin) et Sostantio (Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem), et, par corruption, Substantio.

[75] Ainsi nommé à cause du grand nombre de médailles, de pièces de monnaie qu'on y a trouvées.

[76] Icabo, transcription latine de Ichch-b-ouadda, la corne d'en bas. Huchau est effectivement bâtie sur la rive droite de la Vistre, et, ce cours d'eau, tributaire direct de la Méditerranée, est, pour la région du midi de la France, ce que les anciens appelaient une corne. C'est à tort que Daudé de Lavalette (Recherches sur le passage d'Annibal, p. 37) voit à Huchau l'emplacement de l'ancien Ambrussum.

[77] Nîmes, Nemausus Arecomicorum, capitale des Volkes Arécomikes, fut fondée, dit-on, par l'Hercule phénicien, près d'une fontaine ou ruisseau du même nom. (Histoire générale du Languedoc, t. I, p. 58.) On peut voir dans Nemausus la transcription latine de N-ma-oua, c'est-à-dire du peuple en possession de l'eau (sous-entendu : la ville).

[78] Recherches sur l'histoire du passage d’Annibal, p. 37 et 38.

[79] Notes sur les Considérations du général Rogniat, passim.