HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE PREMIER. — TEMPS DE CARTHAGE ANTÉRIEURS À ANNIBAL.

CHAPITRE X. — FONDATION DE CARTHAGÈNE.

 

 

L'abandon que Carthage avait fait de la Sicile, après la malheureuse journée des Ægates, avait profondément affligé le grand Amilcar ; mais il s'était résigné cependant au sacrifice que la triste issue de la guerre imposait à son pays. La perte de la Sardaigne, au contraire, laissait en son cœur des souvenirs pleins d'amertume et un sentiment de rage difficile à concentrer. Il ne pouvait pardonner à Rome ni ses perfidies, ni sa rapacité, et ne cherchait que l'occasion de l'en punir1. Malheureusement, Carthage n'était pas alors en état de reprendre les armes. Avant de songer à une revanche, elle avait à refaire ses finances, et surtout à réorganiser une machine gouvernementale usée par des excès de tout genre. Durant la guerre de Libye, Amilcar avait, plus d'une fois, critiqué la politique de la γερουσία, et l'on se rappelle ses conflits avec Hannon le Riche, l'un des membres influents de ce sombre conseil. Depuis l'extermination des mercenaires, il ne cessait de battre en brèche le parti d'Hannon, qu'il considérait comme le vrai fléau de l'Etat. Or il n'est point d'inimitiés plus profondes que celles qui se déclarent entre les gens de progrès et ces hommes immobilisés dans l'entêtement de leur culte pour les choses du passé. Les haines se déchaînèrent avec furie dans la ville ; la calomnie tint le premier rôle dans les menées des ennemis d'Amilcar, et le grand général put voir combien il est dangereux de s'en prendre à des abus invétérés, souvent même d'exprimer de simples désirs de réformes. Le parti d'Hannon, alors tout-puissant, résolut, sans plus de scrupule, de perdre l'homme illustre qui venait de sauver son pays. Il ne fut pas difficile de peser sur la γερουσία. Les pentarques de la justice étaient gens dévoués au parti ; on leur intima l'ordre de décréter d'accusation celui qui troublait ainsi le repos du gouvernement.

Aussitôt les grands juges se mirent à l'œuvre, et commencèrent l'instruction d'un procès. On reprochait à Amilcar les fautes qu'il avait, dit-on, commises alors qu'il commandait en Sicile[1] ; on le rendait responsable de la guerre de Libye et de la perte de la Sardaigne[2] ; on le disait l'auteur de tous les maux qui venaient de fondre à la fois sur Carthage[3]. Fort de sa bonne conscience, le Bou-Baraka était calme ; mais il n'en courait pas moins des dangers sérieux. Malgré l'absurdité des crimes dont on le chargeait, il allait être mis en jugement, et devait aviser à sauver sa tête. Une résolution énergique le tira de cette situation cruelle.

Il y avait alors à Carthage un syssite[4] réunissant les hommes les plus éclairés de l'aristocratie carthaginoise, et qui frappait tous les échos de la ville du bruit de ses séances tumultueuses. Présidé par le jeune Asdrubal le Beau, ce club s'ouvrait aux patriotes, aux amis du bien public, à tous ceux qui voulaient voir le gouvernement tenir haut et ferme le drapeau national, abolir d'odieux privilèges, et consulter avec équité l'intérêt des populations. En réalité, Asdrubal était le chef d'un parti démocratique[5] qui faisait à la γερουσία une opposition violente. C'était un économiste intelligent et un brillant orateur ; et chacun savait à Carthage que la parole de ce jeune homme était toute au service des idées d'Amilcar.

Amilcar, jusqu'alors, était resté dans l'ombre, se bornant à diriger de loin le parti qui se formait, à encourager des aspirations qu'on nommerait aujourd'hui libérales, mais se gardant bien de fronder ouvertement le sanhédrin. Dès qu'il se vit menacé de la croix, il prit une tout autre attitude, et se campa fièrement pour regarder en face et le front haut les pentarques, devenus l'instrument de ses ennemis politiques. Maltraité par les satisfaits, qui vivaient de la détresse du peuple, le grand général fit hardiment sa déclaration de principes, donna sa fille en mariage à Asdrubal, et se mit, en son lieu et place, à la tête de l'opposition[6]. Le nom du Bou-Baraka servit, dès lors, de mot de ralliement à tous les mécontents, et le syssite d'Asdrubal fut le club du parti célèbre que les Romains ont appelé la faction Barcine.

Soutenu par les premiers citoyens de Carthage[7], que séduisait la sagesse de ses vues politiques, adoré des masses populaires, auxquelles il promettait d'importantes réformes, Amilcar devenait inviolable, et la γερουσία n'osa point donner suite au procès qu'elle lui avait maladroitement intenté. L'accusation tomba d'elle-même, et le parti d'Hannon, qui avait ourdi la trame, n'eut que la honte de l'insuccès.

Un autre triomphe attendait Amilcar. Le gouvernement préparait alors une grande expédition, destinée à réprimer un mouvement chez les Imazir'en ; les armements étaient terminés, et les colonnes prêtes à partir au premier ordre ; mais il restait à pourvoir au commandement de cette armée d'Afrique. La γερουσία avait sans doute arrêté son choix sur quelque haute nullité du parti d'Hannon ; il lui fut néanmoins impossible de faire prévaloir ses décisions. Le peuple en foule s'assembla au forum, et d'une voix unanime appela le Bou-Baraka à la tête des troupes[8]. Cette élection produisit dans la machine de l'Etat une commotion violente. L'autorité des pentarques, jusqu'alors incontestée, eut à subir un choc qui fit tomber de leurs mains séniles les insignes d'un pouvoir qu'ils devaient à l'intrigue. Le saisissement fut grand aussi dans tous les vieux syssites. Le nom seul d'Amilcar y répandit une terreur égale à celle dont le nom de Marius devait, plus tard, frapper les rues de Rome hantées par l'aristocratie.

Conformément à l'expression des vœux populaires, laquelle n'était d'ailleurs qu'une manifestation de ses vues personnelles, le général en chef dirigea immédiatement ses forces sur les points stratégiques qu'il était indispensable d'occuper. Il quittait Carthage sans inquiétude, et même avec joie : son gendre Asdrubal devait y suivre assidûment les progrès du jeune parti démocratique, pendant que lui-même, aidé de son autre gendre, N'H'arâraoua, allait se créer des alliances au cœur de la nation tamazir't. L'expédition entreprise était une visite amicale plutôt qu'une incursion hostile, et, en opérant ainsi, Amilcar rendait de grands services à l'Etat[9]. Il explora le pays des Mak'-Selaïm et des Mak'-Seg-Selaïm[10], sut s'y faire aimer, et y recruter, grâce à ses largesses[11], d'excellentes troupes d'infanterie et de cavalerie légère. Admirons encore ici le talent d'Amilcar : ne pratique pas qui veut la générosité.

Ayant ainsi reconstitué l'armée carthaginoise, le général en chef se sentait en mesure d'entreprendre une guerre sérieuse. Rome était toujours son objectif ; Home attirait invinciblement ses regards ; mais, avant d'en venir aux prises avec cette puissance indomptable, il convenait, suivant lui, de l'envelopper de toutes parts, de bien viser partout au défaut de ses défenses. De là la nécessité de prendre pied sur le continent européen, et d'y établir une base d'opérations solide. Amilcar, à cet effet, jeta les yeux sur l'Espagne.

Ce projet de descente s'était, d'ailleurs, tout naturellement offert à son esprit, pendant qu'il envisageait avec effroi la triste situation du trésor. Refaire au plus tôt les finances de la République ; parer à cette disette de métaux monnayés, qui avait amené la révolte des mercenaires : tel était le but à atteindre. Or les mines de la péninsule, cette Californie de l'antiquité, présentaient d'assez puissants filons pour permettre de prévenir à jamais toutes les crises. Il suffisait d'y organiser une bonne exploitation.

Telles sont les raisons vraies qui décidèrent Amilcar à franchir le détroit. Mais le sort des meilleures intentions est d'être travesties par la passion ou, qui pis est, par l'ignorance. L'expédition d'Espagne fut loin d'être bien comprise à Carthage. On prétendit qu'en partant ainsi pour l'Espagne, Amilcar, réduit aux expédients, n'avait cherché qu'un moyen de s'éloigner de la ville[12], d'échapper aux persécutions du parti qui l'inquiétait au sujet des affaires de Sicile[13], d'obtenir par la corruption des partisans dévoués[14], de s'illustrer enfin par de nouveaux services rendus à son pays[15]. Le grand général, nous le savons, était dévoré de l'amour du bien public, et Appien a raison d'affirmer qu'il brûlait du désir d'être encore utile à ses compatriotes ; mais il ne partait pas en fugitif, d'une ville où son parti, dirigé par le sage Asdrubal, exerçait alors une influence incontestable.

Le Grec Appien dit encore[16] qu'Amilcar se jeta sur la péninsule sans avoir, au préalable, obtenu l'agrément de son gouvernement à cet égard, et le grave Heeren répète ce dire[17]. Mais il est difficile de croire que le réorganisateur de l'armée se soit ainsi embarqué à l'insu de la γερουσία. Celle-ci, à peu près perdue dans l'opinion publique, mais ne se résignant pas encore à sa chute, n'avait aucun intérêt à retenir à Carthage le chef avoué de l'opposition Barcine. Quant au peuple, qui, de longue date, connaissait les richesses de l'Espagne, et comptait sur les libéralités du généreux Bou-Baraka, il ne songeait guère à s'opposer à son départ.

D'autres auteurs, enfin, exposent que, épris du pouvoir pour le pouvoir lui-même, et voulant à tout prix dominer quelque part, Amilcar avait essayé de se créer dans la péninsule une grande monarchie indépendante. Il est possible, en effet, qu'il ait rêvé la transplantation de la partie saine et intelligente de l'aristocratie carthaginoise, dans l'hypothèse où il eût fallu renoncer à porter remède aux désordres de l'Etat. L'émigration en masse est un des traits caractéristiques du génie phénicien, et l'on peut admettre qu'Amilcar conçut l'idée de faire une nouvelle Carthage dans l'extrême occident de l'Europe, comme Elissa avait fait une autre Tyr sur le rivage de l'Afrique septentrionale. Quant aux reproches d'aspirations à la tyrannie, ils ne sauraient vraiment être pris au sérieux. Rien n'eût été plus facile au grand Amilcar et à son fils Annibal que de se faire couronner rois d'Espagne. S'ils ne l'ont fait ni l'un ni l'autre, c'est qu'ils ne l'ont pas voulu. Ces deux géants de l'histoire ne songeaient qu'au salut de leur patrie !

Mais, pour l'intelligence du récit qui va suivre, il est, dès à présent, indispensable d'esquisser la physionomie de cette Espagne, où le jeune Annibal a voulu suivre son père.

L'Ibérie tirait son nom de celui d'un grand fleuve, l'Aber (Iberus, Èbre)[18]. Strabon, qui comparait la forme générale du Péloponnèse à celle d'une feuille de platane, dit que l'Espagne ressemble, en plan, à une peau de bœuf étendue de l'occident vers l'orient[19]. Le système orographique de ce pays se compose d'un large plateau central, que défendent, au nord et au sud, deux énormes murailles de montagnes presque abruptes au-dessus de l'Océan et de la Méditerranée ; que soutiennent, à l'est et à l'ouest, deux versants descendant, par gradins successifs, jusqu'aux plaines baignées par ces deux mers. De cette disposition de la charpente générale résultent un incroyable chaos de thalwegs et de croupes, un inextricable enchevêtrement de vallées profondes et de sierras à dents aiguës. L'œil ne découvre là que sombres escarpements, plaines dénudées, rivières torrentueuses aux gués souvent impraticables, gorges perfides, où quelques hommes résolus peuvent toujours facilement arrêter une armée. Peuplée de montagnards fiers et sauvages, dépourvue de routes, couverte de bois et de broussailles, l'Espagne était, surtout alors, éminemment propre à la guerre défensive. Elle offrait aux soldats d'Amilcar un camp d'instruction précieux, et devait servir à former les vaillants compagnons d'Annibal[20].

A l'aurore des temps historiques, la péninsule est habitée par des peuples connus sous le nom générique d'Ibères. Mais, dès l'an 1600 avant l'ère chrétienne, la race gallique se trouve en possession de plus de la moitié de ce vaste territoire[21]. Presqu'en même temps, vers l'an 1500, l'Hercule phénicien conduisait ses bandes d'aventuriers dans la Bétique, et la race chananéenne se mêlait aux Ibères et aux Gaulois[22].

Après la ruine de Troie (1270)[23], qui troubla si profondément la paix du monde ancien, et rompit l'équilibre politique du bassin de la Méditerranée, l'Espagne fut envahie par une foule de colons grecs et de réfugiés de l'Asie Mineure[24]. Vaincus et vainqueurs, se rencontrant sur un terrain neutre, y vécurent en bonne intelligence, et laissèrent, tant à l'intérieur que sur les côtes, des traces nombreuses de leur belle civilisation.

Vers l'an 600 avant Jésus-Christ, les Massaliotes, qui venaient de déverser le trop-plein de leur population dans les colonies du golfe du Lion (Agde, Roses, etc.), descendirent encore plus au sud sur la côte orientale de l'Espagne, pour y déposer des essaims de leur ville florissante. Enfin, vers la même époque, les Carthaginois fondèrent aussi dans la péninsule leurs premiers établissements commerciaux.

Ces colonisations successives, et comme superposées, avaient pour raison d'être la fertilité exceptionnelle et les richesses d'un sol privilégié[25] ; mais l'âpre caractère des indigènes créait parfois aux colons des difficultés sérieuses. Les Ibères, au temps d'Amilcar, étaient encore à demi sauvages. Ils couchaient sur la terre nue, et montraient une prédilection particulière pour certains produits ammoniacaux. Les femmes mêmes recherchaient, pour s'y baigner, l'ούρον qui avait longtemps séjourné dans les citernes. Elles s'en servaient aussi pour se nettoyer les dents.

L'esprit de ces peuples était empreint d'un grand sentiment de fierté[26]. Ils étaient excessivement rusés, audacieux, enclins à la maraude et à la piraterie. Entreprenants quand il s'agissait de brigandages, ils ne se sentaient nullement portés à l'héroïsme désintéressé. Les mœurs étaient féroces. Les mères tuaient leurs enfants pour les empêcher de tomber vivants aux mains de l'ennemi. Dans une place emportée d'assaut, le fils recevait de son père, pris et enchaîné, l'ordre d'égorger tous ses parents[27]. Mais, à côté de ces duretés antiques, on est heureux de pouvoir admirer la belle coutume des dévouements. Les Ibères, dit M. Amédée Thierry[28], s'attachaient à la personne d'un chef pour la vie et pour la mort ; ils lui appartenaient irrévocablement, à lui et à sa fortune. Tant qu'il était riche, puissant, heureux, ils jouissaient comme lui et avec lui de toutes les prospérités de la vie ; le sort lui devenait-il contraire, ils en partageaient tous les revers ; si le chef périssait de mort violente, ils s'arrachaient eux-mêmes le jour. A cet effet, les Espagnols portaient toujours sur eux un poison subtil, dont ils se servaient sans hésiter, car ils considéraient comme une honte de survivre à ceux auxquels ils s'étaient dévoués[29].

La plupart des peuplades ibériennes n'avaient aucune notion de la divinité. Les Celtibères adoraient un Grand Être innomé, dont le culte réclamait, les nuits de pleine lune, de longues danses devant les huttes. Les Lusitaniens immolaient à Mars des chevaux, des boucs, des prisonniers de guerre ; comme les Grecs, ils lui offraient souvent des hécatombes. Race aux allures essentiellement guerrières[30], les Espagnols disaient que l'homme qui se promène est un insensé. Suivant eux, l'homme vraiment digne de son nom d'homme devait ou dormir sous la tente, ou combattre. Ils se servaient du bouclier échancré dit πέλτη ; leurs armes offensives étaient le javelot, le glaive et la fronde. Toujours armés à la légère, ils combattaient également bien à pied et à cheval. Leurs chevaux étaient admirablement dressés à gravir les pentes les plus roides, et à fléchir le genou au simple commandement. Deux guerriers montaient le même cheval : pendant l'action, l'un des deux combattait à pied. L'infanterie espagnole jouissait à tous égards d'une réputation méritée : un esprit vif permettait à ces robustes fantassins de saisir et d'imiter très-heureusement la manière de leurs ennemis ; l'habitude qu'ils avaient d'exploiter les mines leur donnait une adresse remarquable dans tous les travaux souterrains afférents à l'attaque et à la défense des places[31].

Les hommes s'habillaient d'une saie, vêtement court fait de laine grossière, et à longs poils ; mais les femmes portaient toujours des habits élégants. Elles se paraient de singulières coiffures : les unes fixaient au sommet de leur tête un corbeau aux ailes déployées, et sur ces ailes posaient un voile, qui leur tenait lieu d'ombrelle ; les autres s'enveloppaient l'occiput d'un petit tambour, qui cachait les oreilles ; les plus coquettes s'épilaient pour avoir un beau front, ou se plantaient sur le crâne une colonnette d'un pied de haut, autour de laquelle elles enroulaient une forêt de cheveux.

Mais ces futilités n'empêchaient point la femme espagnole de prendre part à toutes les fatigues de son mari. Elle était aussi brave que lui, aussi laborieuse, aussi bien rompue aux rudes travaux de la terre. Aussitôt après un accouchement, elle faisait coucher celui dont elle était la compagne, afin d'avoir la gloire de lui servir un repas.

Ces actes de courage, très-communs en Espagne, n'étaient pas nécessairement dictés par l'amour-propre. Une Espagnole, dit Posidonius[32], qui travaillait aux champs, en compagnie d'une troupe de ses compatriotes, se sent un jour prise des douleurs de l'enfantement. Sans mot dire, elle se retire à l'écart, dans un bois voisin, se délivre elle-même, dépose son enfant sur un lit de feuilles, à l'abri d'un épais taillis, et vient tranquillement reprendre son ouvrage. Mais sa pâleur et les cris du nouveau-né la trahissent ; on veut qu'elle se retire. Elle prend alors son enfant, le baigne dans une source d'eau vive, l'essuie avec amour et l'emporte dans un lambeau d'étoffe.

Tel était le peuple dur, sobre, patient, laborieux et farouche que les Carthaginois se proposaient de soumettre.

Les avides Carthaginois, dit Appien[33], n'étaient nullement en droit de troubler le repos de la péninsule ; aucun casus belli ne pouvait raisonnablement surgir entre eux et les Espagnols. Suivant d'autres versions, la peuplade des Celtici, établie entre l'oued el-Ana et l'Océan, ne cessait de harceler les colonies carthaginoises. Ses violences s'étaient surtout manifestées durant le cours de la première guerre punique, alors que tous les comptoirs et factoreries étaient momentanément privés de l'appui de la métropole. La guerre terminée, le gouvernement aurait reconnu l'urgence d'infliger un châtiment exemplaire à ces turbulents Celtici.

Quoi qu'il en soit, il est constant qu'Amilcar franchit le détroit de Gadès[34], et opéra d'abord dans l'Alentejo. Ce pays avait alors pour chefs deux frères, dont l'un, du nom d'Istolat, était d'une intrépidité extraordinaire. Les deux frères furent tués dès la première rencontre, et, de leur armée presque détruite, il ne se sauva que 3.000 hommes, lesquels mirent bas les armes et se laissèrent incorporer dans les rangs du vainqueur.

Un parent de ces deux chefs, Indortès, entreprit de les venger. Il sut opposer aux Carthaginois une armée de 50.000 hommes ; mais ces forces considérables ne l'empêchèrent point d'être complètement battu. Faisant toujours mouvoir les mêmes ressorts, ceux de la clémence et de la terreur, Amilcar rendit la liberté sans conditions aux 10.000 prisonniers qu'il avait faits. Moins généreux envers le malheureux Indortès, il le fit mutiler et mettre en croix[35] : crime odieux, que peut seule expliquer la férocité des mœurs antiques ! Ces mœurs hélas ! n'étaient pas encore près de s'adoucir. Homme de son temps, Jules César, le moins inhumain des conquérants, osera plus tard faire couper les mains à des milliers de Gaulois, coupables d'avoir défendu leur indépendance. Ce sont là des forfaits que l'histoire doit flétrir.

Maître de l'Alentejo, le Bou-Baraka monta le long de la côte occidentale, et soumit, l'une après l'autre, toutes les peuplades qui occupaient alors le Portugal et la Galice espagnole[36]. Ses heureuses expéditions le couvrirent de gloire[37].

Cependant ces succès ne lui faisaient point perdre de vue le but principal de l'entreprise, et il donnait une extension considérable aux travaux d'exploitation des mines. On avait l'habitude, à Carthage, de parler avec emphase de la richesse des anciens Phéniciens, de répéter, par exemple, qu'ils confectionnaient en argent massif les ancres de leurs navires ; mais on ne croyait guère à ces discours, qui semblaient empruntés aux récits de la fable. Grâce à l'habile administration d'Amilcar, la légende devint de l'histoire contemporaine, et les officiers de l'année d'Espagne purent bientôt enfermer leurs vins dans des fûts et des amphores d'argent[38].

Alléché par ces débuts de la conquête, le peuple carthaginois convoita la péninsule entière[39], et le général en chef reçut l'ordre de s'étendre en tous sens. Mais il n'était pas facile de dominer le pays ; partout, l'ennemi opposait aux Carthaginois une résistance désespérée, que favorisait singulièrement l'âpreté des lieux. Amilcar n'avançait que pied à pied, combattant et négociant tour à tour. Il mit ainsi neuf années[40] à soumettre les parties centrale et orientale de la péninsule.

Enfin il parvint au littoral qui regarde l'Italie, et, par delà les îles de Corse, de Sardaigne et de Sicile, dont elle s'était fait comme une contre-garde, il put prendre sur Rome ses premières vues de revers. Parvenu à la hauteur des Baléares, il emporta d'assaut la ville grecque d'Ηλίκη (Ilicis) ; mais cette place ne lui paraissant pas capable d'une résistance suffisante, il l'abandonna pour créer, un peu plus au nord, une base d'opérations solide. A cet effet, il arrêta son choix sur un rocher blanc d'un grand relief, qui commandait au loin la plaine environnante. Il en dérasa la crête et y assit son camp. Cette blanche acropole[41] n'était pas éloignée de Sagonte[42].

C'est là que doit se clore la carrière du grand Amilcar. C'est là qu'Annibal doit, plus tard, ouvrir la sienne, pour reprendre et continuer l'œuvre interrompue de son glorieux père.

Les auteurs ne s'accordent point sur les circonstances de la mort d'Amilcar. Les uns disent que, forcé de battre en retraite devant des forces supérieures, il se noya en passant une rivière à la nage ; Tite-Live laisse entendre qu'il périt assassiné[43] ; Appien et Silius Italicus[44] alarment expressément que le grand Carthaginois est bravement tombé les armes à la main. Cette version est assurément très-plausible. Amilcar, dit Appien[45], avait vu se liguer contre lui la majeure partie des chefs indigènes, et succomba dans la lutte qu'il eut à soutenir contre eux.

Un jour qu'il entamait une affaire qui paraissait devoir être assez chaude, il vit, non sans étonnement, les Espagnols pousser devant eux des bœufs attelés à des chariots chargés de bois secs[46], et s'avancer en bon ordre, défilés par ce retranchement mobile. Les Carthaginois, qui ne saisissaient point l'intention de l'ennemi, ne purent d'abord s'empêcher de rire de leurs précautions étranges. Mais tout à coup la scène changea ; ils virent les chariots s'enflammer sur toute la ligne, et se précipiter sur eux au galop des bœufs saisis d'épouvante. L'infanterie d'Amilcar fut bientôt rompue. Lui-même, entouré par les Espagnols, périt avec toute la noblesse carthaginoise qui formait sa garde d'honneur[47].

Ainsi finit, près de Sagonte[48], le père et le maître du grand Annibal. Carthage reçut la nouvelle de sa mort en même temps qu'elle apprit l'écroulement du fameux colosse de Rhodes (227). La République sentait alors toute l'importance de la conquête de l'Espagne. Aussi s'empressa-t-elle d'y faire passer des troupes, dont le commandement fut donné à Asdrubal le Beau[49]. Le gendre d'Amilcar reçut le titre de gouverneur général de la péninsule[50].

Asdrubal se trouvait en Espagne lors du désastre qui avait coûté la vie à son beau-père. Il était venu l'y rejoindre, en qualité de hiérarque, et rendait, depuis quelques années, d'importants services à l'État. Dès le premier jour, il s'était révélé comme militaire intelligent et plein d'entrain ; chargé d'une mission chez les Imazir'en, il l'avait remplie avec un tact et une sûreté de vues qui lui avaient mérité les éloges de tous les hommes politiques.

Nommé général en chef des forces de terre et de mer en Espagne, il signala son entrée en charge par une grande victoire remportée sur le chef indigène Orisson. La défaite de cet Ibère décida immédiatement de la soumission d'un grand nombre de tribus hostiles. Dès qu'il eut ainsi rétabli le calme à l'intérieur, Asdrubal s'attacha à la réalisation d'un grand projet, qui, peut-être, avait depuis longtemps germé dans l'esprit d'Amilcar, celui de la création de Carthagène[51].

Cette place était destinée à devenir non-seulement le chef-lieu du pays des Contestans[52], mais-encore, et surtout, la base de toutes les opérations, le principal entrepôt de la métropole en Espagne. D'heureuses conditions topographiques avaient conduit Asdrubal vers un point de la côte exceptionnellement propre à l'assiette d'un grand établissement maritime, et la nouvelle ville devait tirer de sa situation même l'importance qu'on en attendait[53].

Carthagène, dit Polybe[54], est située vers le milieu de la côte d'Espagne, dans un golfe tourné du côté du vent d'Afrique. Ce golfe a environ 20 stades (3 kilom. 700 m.) de profondeur sur 10 (1 kilom. 850 m.) de largeur à son entrée. Il forme une espèce de port, parce qu'à l'entrée s'élève une île qui, de chaque côté, ne laisse qu'une passe étroite. Elle fait, en même temps, office de brise-lames, ce qui donne à tout le golfe une parfaite tranquillité, sauf le cas où les vents d'Afrique soufflent des deux côtés. Ce port est abrité par le continent de tous les autres vents du large.

Au fond du golfe, s'avance en promontoire une montagne sur laquelle est assise la ville, qui, à l'est et au sud, est défendue par un étang s'étendant vers le nord, de sorte que, depuis l'étang jusqu'à la mer, il ne reste qu'une langue de 2 stades (370 m.) reliant la ville au continent.

Cet isthme étroit se trouvait coupé par un canal maritime creusé de main d'homme. D'autre part, à l'extrémité opposée de la place, l'étang était en communication directe avec la mer, par un de ces méats connus, dans le bas Languedoc, sous le nom de graus[55]. La ville, ainsi isolée, n'était reliée au continent que par le pont du canal, praticable aux voitures. Malheureusement, l'étang n'était qu'un blanc d'eau, le plus souvent guéable, et toujours à sec lors du reflux du soir. Quant à la ville, bâtie dans une sorte d'entonnoir, elle était protégée par cinq grandes collines, deux très-hautes et abruptes, les trois autres rocailleuses et d'un accès difficile. L'enceinte fortifiée présentait un développement total d'environ 3 kilomètres et demi.

La place renfermait le trésor, les bagages, les munitions, les vivres, tout le matériel de l'armée. Les magasins en étaient immenses ; les arsenaux, au temps d'Annibal, occupaient constamment jusqu'à 2.000 ouvriers d'art[56]. Quant au port, destiné à recevoir les approvisionnements expédiés d'Afrique, il pouvait abriter une flotte considérable. Les convois partant de Carthage suivaient la grande route du littoral jusqu'à Arzew (Arsenaria), et, de ce port d'embarquement à Carthagène, la traversée n'était pas plus longue que celle de Carthage à Lilybée.

Homme politique habile, sage administrateur, bon militaire, Asdrubal était un gouverneur général d'une haute valeur. Il entretenait d'excellents rapports avec les chefs indigènes[57], se conciliait l'esprit des populations, et son influence en Espagne était considérable. Ses talents, dit Appien[58], valurent à Carthage la soumission d'un grand nombre de peuples, et la République fut bientôt maîtresse de la péninsule jusqu'à la ligne de l'Ebre.

Ces conquêtes pacifiques étaient bien faites pour inquiéter les Romains. La fondation de Carthagène et l'extension du territoire punique en Espagne leur démontraient clairement qu'Asdrubal était bien le continuateur d'Amilcar, qui, s'il eût vécu, n'eût pas manqué de porter la guerre en Italie[59].

Les grandes conquêtes qu'Asdrubal avait déjà faites, dit Polybe[60], et le degré de puissance auquel il était parvenu firent prendre aux Romains la résolution de songer à tout ce qui se passait en Espagne. Ils se trouvèrent coupables de s'être endormis sur l'accroissement de la domination des Carthaginois, et se promirent de réparer cette faute.

Ils n'osèrent pourtant, alors, ni leur dicter des lois trop dures, ni armer contre eux. Ils avaient assez à faire de se tenir en garde contre les Gaulois, dont ils étaient menacés, et qui pouvaient les attaquer au premier jour. Il leur sembla qu'il était préférable d'user de douceur envers Asdrubal. Ils lui envoyèrent donc des ambassadeurs et, sans faire mention du reste de l'Espagne, exigèrent, en transigeant, qu'il ne portât point la guerre au delà de l'Ebre.

Dans ce traité, précipitamment consenti entre le gouvernement de Rome et Asdrubal, considéré comme plénipotentiaire de celui de Carthage, il fut expressément stipulé, dit aussi Appien[61], que l'Ebre serait la limite de l'empire carthaginois en Espagne ; que les Carthaginois ne pourraient porter la guerre au delà de ce fleuve ; que les Sagontins, et les autres Grecs établis dans la péninsule, y conserveraient leur indépendance et leur autonomie.

Ces conditions, acceptées par Asdrubal, pouvaient momentanément assurer la tranquillité des Romains, mais non les délivrer de toutes craintes pour l'avenir. La descente des Carthaginois en Italie leur apparaissait comme un danger impossible à conjurer désormais, comme un fait déjà presque accompli ; ils sentaient leur existence politique sérieusement compromise.

La mort d'Asdrubal vint un instant calmer leurs angoisses. On dit qu'Asdrubal avait fait mettre en croix un chef indigène du nom de Tagus. Un Celte, esclave de Tagus, voulut venger son maître[62]. Il s'attacha, durant plusieurs années, aux pas du gouverneur, épiant l'occasion favorable. Enfin sonna l'heure impatiemment attendue. Pendant un sacrifice offert aux dieux de Carthage, et au pied des autels[63], Asdrubal le Beau fut immolé par le Gaulois.

Quelques auteurs imputent le meurtre d'Asdrubal aux terreurs du gouvernement de Rome, et cette accusation n'est pas trop absurde ; le sénat romain était bien capable de se défaire des gens qui gênaient sa politique. Le crime, si tant est qu'il ait été commis, ne devait pas, cette fois, dissiper bien longtemps les alarmes des fils de Quirinus.

Le sang d'Asdrubal allait susciter un vengeur.

 

 

 



[1] Appien, Hannibal, II.

[2] Diodore de Sicile, II.

[3] Appien, Hisp., IV.

[4] Voyez le livre II : Carthage au temps d'Annibal.

[5] Δημοκοπικώτατος. (Appien, Hisp., IV.)

[6] Appien, Hisp., IV. — Diodore de Sicile, II.

[7] Τούς πολιτευομένους. (Appien, Hisp., IV.)

[8] Appien, Hannibal, II.

[9] Appien, Hannibal, II.

[10] Massyliens et Massésyliens. Nous avons restitue à ces peuples leurs véritables noms, et exposé ailleurs les raisons étymologiques de cette restitution. (Voyez le chapitre II du livre II : Carthage au temps d'Annibal.)

[11] Appien, Hannibal, II.

[12] Appien, Hisp., V.

[13] Appien, Hannibal, II.

[14] Appien, Hisp., V.

[15] Appien, Hisp., V.

[16] Appien, Hannibal, II.

[17] Il entreprit l'expédition à l'insu du gouvernement, et le succès peut seul le justifier. (Heeren, Manuel.)

[18] Aber (gaël), havre, au pluriel iberes. Les embouchures de fleuves étaient pour les anciens d'excellents lieux de refuge ou havres, et l'Espagne était, par excellence, le pays des grands fleuves. La racine aber ou iberen se retrouve dans une multitude de dénominations espagnoles, telles que : Cantabre (Xent-aber), Celtibère (Kelt-iberen), etc. Les Grecs donnaient aussi à l'Ibérie le nom d'Hispanie. (Appien, Hisp., I.)

[19] Strabon, I, II, Prolég.

[20] Hispania... quam ulla pars terrarum bello reparando aptior, locorum hominumque ingeniis. (Tite-Live, XXVIII, XII.) — Impediebant autem et asperitas viarum et angustiæ saltibus crebris, ut pleraque Hispaniæ sunt inclusæ. (Tite-Live, XXVIII, I.) — Augustiæ et internata virgulta dirimebant... Confragosa loca et obsiti tegebant colles. (Tite-Live, XXVIII, II.)

[21] M. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, l. I, c. I.

[22] Appien, Hisp., II.

[23] Le siège de Troie, suivant Grote, n'a peut-être jamais eu lieu. Nous entendons ici par guerre de Troie le grand mouvement hellénique du XIIIe siècle.

[24] Appien, Hisp., II.

[25] Appien, Hisp., III. — Voyez, sur la fertilité de la péninsule à cette époque, Polybe, XXXIV, VIII et IX.

[26] Denys le Périégète, Orbis descriptio, Petits Géographes grecs, éd. Müller, t. II, p. 117.

[27] Voyez la fin des défenseurs d'Astapa, dans Tite-Live, XXVIII, XXII et XXIII.

[28] Histoire des Gaulois, l. IV, c. III.

[29] Valère Maxime, II, VI, 11.

[30] Florus, II, VI.

[31] Voyez le livre III, c. IV : l'Armée d'Italie.

[32] Dans Strabon, III, et Diodore de Sicile, IV, XX.

[33] Appien, Hisp., V.

[34] Silius Italicus, Puniques, I.

[35] Diodore de Sicile, XXV.

[36] Polybe, II. - Diodore de Sicile, XXV. - C. Nepos, Amilcar. - Appien, Hisp., V.

[37] Appien, Hannibal, II.

[38] Strabon, Chrestom. Petits Géogr. grecs, t. II, p. 541. — Voyez aussi Polybe, XXXIV, V, dans Athénée, I, XIV.

[39] Appien, Hannibal, II.

[40] Tite-Live, XXI, II.

[41] ... Castrum Album... (Tite-Live, XXIV, XLI.) — ... Άκρα λευκή... (Diodore de Sicile, églog. du livre XXV.)

[42] Voyez la carte de l'Espagne ancienne de Justus Perthus, de Gotha.

[43] Tite-Live, XXI, V.

[44] Occubuit sævo Tyrius certamine ductor. (Silius Italicus, Puniques, I.)

[45] Appien, Hisp., V.

[46] Frontin (Stratag., II, IV, 17) rapporte que les chariots étaient chargés de suif, de soufre et de résine.

[47] Appien, Hisp., V.

[48] Tite-Live, XXIV, XLI. — Diodore Sic., églog. du livre XXV. — Nous ne saurions admettre avec quelques auteurs qu'Amilcar périt en combattant les Vettones. Ce peuple, qui occupait les deux rives du cours inférieur du Tage, était depuis longtemps soumis ; et, d'ailleurs, les Carthaginois opéraient alors sur la côte orientale de la péninsule.

[49] Asdrubal (Hadhra-Baal, altesse de Baal) n'est pas un nom patronymique, et l'histoire de Carthage présente huit généraux de ce nom, savoir :

Asdrubal, fils de Magon, mort en Sardaigne (489) ;

Asdrubal, fils d'Hannon, battu devant Palerme (255) ;

Asdrubal le Beau, gendre du Bou-Baraka ;

Asdrubal le Chauve, général en Sardaigne (215) ;

Asdrubal, fils d'Amilcar et frère à Annibal le Grand ;

Asdrubal, fils de Giscon, battu par Scipion (208 et 203) ;

Asdrubal Hædus, député à Rome après Zama (201) ;

Asdrubal, le dernier défenseur de Carthage (146).

[50] Appien, Hisp., VI.

[51] Carthago Nova, alias Carthago Sparta. — Les environs de Carthagène sont, aujourd'hui encore, renommés pour leurs sparteries, cordages, câbles de navires, etc.

[52] Cette région s'étendait du Xucar (Sucro) au cap Palus (Scombraria), situé entre les golfes Massiénien et Illicien.

[53] Polybe, II, XIII.

[54] Polybe X, X.

[55] Gradus, pas.

[56] Polybe, X, VIII et X, passim.

[57] Diodore rapporte que, à la mort de la fille d'Amilcar, il épousa la fille d'un chef espagnol.

[58] Appien, Hisp., VI.

[59] Tite-Live, XXI, II.

[60] Polybe, II, XIII.

[61] Appien, Hisp., VII.

[62] Tite-Live, XXI, II. — Sil. Italicus, Puniq., I.

[63] Appien (Hisp., VIII, et Hannibal, II) dit qu'Asdrubal fut assassiné par le Gaulois, non pas au pied des autels, mais à la chasse.