HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE PREMIER. — TEMPS DE CARTHAGE ANTÉRIEURS À ANNIBAL.

CHAPITRE IV. — LA LIBYE.

 

 

Les émigrés tyriens venaient d'asseoir leurs premiers établissements sur les rivages d'une région qui ne leur était pas complètement inconnue, car, à diverses époques antérieures, elle avait offert asile à d'autres colonies phéniciennes[1]. Bientôt le périple ordonné par le roi Necao (vers la fin du VIIe siècle) et exécuté par des marins de Tyr[2], leur apporta quelques notions nouvelles sur le continent où ils avaient pris pied. Ils surent de bonne heure tout ce que nous savons aujourd'hui de cette immense et impénétrable Afrique, fort peu de choses, en somme, et rien de bien précis[3].

L'Afrique est une grande presqu'île triangulaire[4], que baignent la mer des Indes et le golfe Arabique, l'océan Atlantique et la Méditerranée. Défendu, à l'est et à l'ouest, par des côtes aux effluves mortelles, ce continent sans découpures ne se prête guère aux investigations de la science, et c'est uniquement par induction qu'on peut en dresser la charpente orographique. On suppose qu'il comprend deux vastes plateaux composés de terrasses contiguës, étagées les unes au-dessus des autres, et constituant des chaînes plus remarquables par leur épaisseur que par l'altitude de leurs cimes.

Le plateau du sud, de forme triangulaire, a pour contreforts deux cours de hauteurs parallèles aux côtes, et qui vont se nouer au cap de Bonne-Espérance. Depuis plus de deux mille ans, on soupçonnait que cette longue terrasse en forme de coin était arrosée, vers son centre de figure, par des étendues d'eau considérables, et ces hypothèses n'étaient pas vaines. Les explorations récentes de Burton et de Speke (1857) ont constaté l'existence des grands lacs équatoriaux.

Le plateau du nord, qui seul doit être l'objet de la présente étude, est un énorme massif à base elliptique, ouvert au nord-est par la vallée du Nil, au sud-ouest par celle du Niger ; bordé au nord par la chaîne de l'Atlas, au sud par les monts Kong et Kamr. La zone médiane n'est plus semée de lacs, mais présente d'immenses espaces frappés de stérilité, des océans de sable, où surgissent çà et là, comme des îles verdoyantes, ces oasis (ou-h'achich) qui font parfois comparer le continent africain à une peau de panthère[5].

On divise habituellement ce plateau en six régions distinctes : les bassins du Nil, du Niger, de la Sénégambie, du lac Tchad, dont nous n'aurons guère à parler ; le S'ah'râ avec la côte tripolitaine, que le peuple carthaginois parcourut en tous sens ; enfin le versant septentrional de l'Atlas, scène principale de ses opérations commerciales et militaires[6].

Il convient, en conséquence, de donner tout spécialement une description de cette Afrique Mineure, si souvent éclairée par les lueurs intermittentes de la civilisation, tandis que le reste du continent africain a toujours été le domaine d'une immuable et honteuse barbarie. Dieu veuille ne point éclipser en Algérie la lumière venue de France !

On désigne sous le nom d'Atlas le massif montagneux qui, de la Tunisie au Maroc, décrit un arc de cercle dont la convexité regarde le nord. Le versant septentrional n'a pas plus de 240 kilomètres de largeur, et les plus grands empâtements sont aux extrémités de l'arc de cercle, au Maroc et en Tunisie. C'est en Algérie que se rencontrent les plus faibles épaisseurs. Le massif se compose de trois chaînes parallèles, qui s'étagent par gradins à partir de la côte, et que séparent de larges plateaux. Chacune de ces énormes gibbosités du sol présente de larges brèches, livrant passage à des cours d'eau torrentueux, et cette disposition lui donne l'aspect, non d'une chaîne continue, mais d'un ensemble de groupes isolés les uns des autres.

Les crêtes du petit Atlas n'ont que 320 kilomètres de développement, et la distance qui les sépare de la côte ne dépasse pas 60 kilomètres. Ce premier pâté de montagnes baigne son pied dans la mer, entre Bougie et Mostaganem, et se limite, au sud, aux vallées de l'oued Sah'el (la Summam) et du Cheliff. De tortueuses vallées, des gorges profondes, de rapides torrents, des pitons nettement détachés, un pénible enchevêtrement de formes, lui donnent une physionomie des plus houleuses. Les mouvements les plus prononcés du petit Atlas se dessinent à ses deux extrémités, au Djerdjera[7] et au Dahrâ[8].

Au sud du Cheliff et de l'oued Sah'el, qui s'opposent leurs vallées, se développent d'autres hauteurs, toujours parallèles à la côte, et qui, derrière le petit Atlas, forment le bourrelet méditerranéen. Ce rideau de montagnes, assez improprement nommé moyen Atlas, a sa crête tendue du cap Bon, qui forme le golfe de Tunis, à l'est, au cap Ger, sur l'Océan. L'altitude moyenne de cette crête est de i500 mètres ; quelques cimes dépassent 3000 mètres. Les points les plus remarquables sont, en Tunisie : le Sar'ouan, le Barkou, le Silk, le Djefara, le Mechila ; en Algérie : Tebessa, Aïn el-Beîd'a, l'Agrioun, le Bou-T'àleb, Aumale, Boghar, Tnîet el-Had, Tiaret, Sa’ïda, Daya, Sebdou ; au Maroc : le Tendera, Ir'illel-Abhari, le Magran, le Miltsiu.

Enfin, au troisième plan, derrière ce qu'on appelle le petit et le moyen Atlas, se dresse une chaîne intérieure qui, par sa masse imposante, a naturellement droit au nom de grand Atlas, si tant est que cette dénomination doive encore prévaloir. Sa crête, qui se dirige du golfe de Qàbes, en Tunisie, au mont Miltsin, en Maroc, dessine plus particulièrement, en Tunisie : l'Auktar et l'Henmara ; en Algérie : le massif de l'Aurès, celui du djebel el-A'mour, Géryville, le djebel Ksan ; au Maroc : le Maïs, le Mallog, le Sakerou.

Le grand Atlas[9] pousse à ses deux extrémités de longues ramifications. A l'ouest, il descend jusqu'à la hauteur des Canaries, qui le prolongent en mer et semblent les parafouilles de sa base ; à l'est, il se répand par masses confuses sur toute la côte tripolitaine, et ses derniers contreforts se soudent aux falaises du Fezzan.

En résumé, le système orographique de l'Afrique septentrionale se compose de deux massifs : l'un, dit du littoral ou méditerranéen, a pour avant-scène le petit Atlas et pour crête une courbe ondulée qui, sous le nom de moyen Atlas, suit en Algérie la ligne de ceinture du Tell ; l'autre, dit massif intérieur ou grand Atlas, dessine sa crête parallèlement à celle du massif méditerranéen, à 160 ou 200 kilomètres en arrière.

Entre les deux chaînes s'étend une zone de landes, dite région des hauts plateaux et présentant sa plus grande largeur en Algérie. Là les eaux des deux versants parallèles n'ont aucun écoulement, et ne peuvent que se réunir en grandes flaques, qui ont reçu le nom de Sebkha ou Cht'out' (pluriel de chot't'). Les plus importants de ces lacs salés sont, en Tunisie : ceux de Kairoan, de Sidi-el-Heni et de T'râra ; en Algérie : ceux d'Es-Sa'ïda, d'Ech-Cherguî, d'EI- R'arbî ; au Maroc : celui de Tir'j. Les plateaux principaux sont : les Sbach, le Hodna, le Zarès, le Sersou, tous en Algérie.

Le revers méridional du massif intérieur est également occupé par une suite de cht'out' et de gour[10], quelques massifs de montagnes, des cours d'eau qui se perdent dans les sables, des dunes et des bouquets de palmiers. C'est la région des oasis ou le S'ah'râ[11], que parcourent en tous sens des populations nomades. De misérables qs'our[12], bâtis là seulement où la vie sédentaire est possible, rompent çà et là, sur la piste du dromadaire, la monotonie de ces immenses solitudes.

La région saharienne peut se limiter à une ligne passant par R’damés, El-Golea, Timimoun, El-Harib et Tekna. Le chot't' le plus considérable (Chot't' el-Kebîr) se trouve en Tunisie ; c'est le lac Triton des anciens. Les oasis les plus importantes sont celles du Souf, de l'oued R'îr, de l'ouâd Temàcin, d'Ouargla, des Baï-Mzàb, des Oulâd-Sidi-Cheik[13], en Algérie ; celle de Ktaoua, au Maroc.

Tel est, rapidement esquissé, le tableau de cette Afrique septentrionale, désignée par les anciens sous des dénominations diverses, dont la plus usitée fut celle de Libye[14].

Varron tire de λέψ, vent du sud-est, l'origine du mot Libye ; d'autres le font venir de l'arabe lub, soif. Hérodote prétendait que c'était le nom d'une femme indigène, de l'antiquité la plus reculée ; enfin les derniers étymologistes admettent pour racine le phénicien lebya, lionne. Mais la Libye ne saurait être pour nous que le pays des fils de Laabim, fils de Mesraïm, fils de Cham[15].

Hérodote divisait le continent africain en trois régions distinctes : la Libye habitée, correspondant au Tell du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, y compris les parties les plus septentrionales de Tripoli et de Barca ; la Libye peuplée d'animaux, pays des dattes, ou Gétulie, représentée par le S'ah'rà des mêmes contrées ; enfin la Libye déserte, ou l'ensemble des espaces immenses parcourus par ces peuples nomades que l'on appelle, fort improprement, Touareg[16].

Il n'entre point dans le cadre de cet exposé de discuter la valeur des hypothèses diverses émises sur les conditions exceptionnelles faites parles révolutions du globe à cette Libye, qu'environnent, d'une part, la Méditerranée et l'Océan, et, de l'autre, une mer de sables semée de rochers de sel. Faisons observer seulement que, à l'époque où n'étaient ouverts ni les détroits de Gibraltar et de Messine[17], ni le canal de Malte, la Libye tenait à l'Europe ; que, durant cet âge géologique, une mer intérieure mettait vraisemblablement en communication l'Océan et le bassin oriental de la Méditerranée ; que cette mer s'ouvrait, d'une part, aux Syrtes, et, de l'autre, en cette partie du continent africain comprise entre les latitudes des Canaries et des îles du Cap-Vert ; que les déserts sont apparus à la suite d'un soulèvement, sans doute contemporain de celui des Pyrénées ; que, à cette époque, enfin, répondent les ruptures de Gibraltar, de Messine et du canal de Malte.

La Grèce, dont les traditions primitives rappelaient l'activité des volcans pyrénéens, ainsi que l'ouverture de Gibraltar, remontant, suivant les rapsodes, au temps de l'Hercule phénicien, la Grèce avait encore d'autres légendes. La Méropide de Théopompe, le récit saïtique recueilli par Solon et que Platon répandit sous le nom d'Atlantide, témoignent de l'existence d'une grande terre d'Occident, qui se serait engloutie sous les eaux, à l'aurore des temps historiques. Ce fait admis, il faudrait lui donner pour contemporains et le soulèvement des Pyrénées et celui des déserts du continent africain[18].

Cependant les émigrés tyriens s'attachèrent plus spécialement à connaître la région où ils venaient de planter leurs tentes. Les lieux ont peu changé depuis vingt-cinq siècles, et une rapide exploration du territoire tunisien nous permettra de reproduire les conclusions alors formulées par les colons.

La chaîne ci-dessus décrite sous le nom de moyen Atlas coupe diagonalement le territoire tunisien du nord-est au sud-ouest. Cette ossature très-simple court, sans grands méandres, du cap Bon jusqu'à Tebessa. Les reliefs les plus considérables sont ceux du Sar'ouan, dont l'altitude est de 4o14 mètres, et du Mechila, qui s'élance à 4.448 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée.

Le grand Atlas tunisien est à peu près parallèle à la côte septentrionale. Il passe par Qâbes, à 34 degrés de latitude nord, et ne s'est élevé que de 4o minutes sur le parallèle de Qàbes lorsqu'il entre en territoire algérien.

Les côtes tunisiennes sont d'ailleurs bordées d'une suite de hauteurs, qui, sous le nom de monts d'Afrique, dessinent un feston continu de Guelma à Bizerte. Le bourrelet se prononce de nouveau aux environs de Souse, et descend dès lors droit au sud, non sans subir toutefois la déviation due à la conque du golfe de Qàbes. Cette chaîne littorale est assez importante pour que ses différentes sections aient reçu des noms distincts, parmi lesquels ceux de Felch, d'Ard, de Douïra, de djebel Dahar. Ses crêtes encadrent la Régence, suivant un angle droit ayant pour sommet le cap Bon et pour bissectrice le moyen Atlas, qui marie ses contreforts aux ramifications des montagnes de la côte.

Le système orographique de la Tunisie est empreint d'un cachet particulier. Les reliefs y sont essentiellement mamelonnés, frangés de pitons ; et à cette disposition du terrain correspond une représentation graphique bien caractérisée : tout profil accuse la forme dite en scie[19] ; tout plan, la forme en chapelet. D'autre part, la multitude des cols y rend les communications faciles, et, bien que le pays soit accidenté, les opérations militaires peuvent s'y conduire presque aussi franchement qu'en pays découvert.

Le bassin de la Medjerda[20] est compris entre le bourrelet de la côte septentrionale et le moyen Atlas. Ce cours d'eau prend ses sources aux environs de Souk-Ahras[21], et coule du sud-ouest au nord-est, suivant une direction générale à peu près parallèle à la chaîne de l'intérieur. Il débouche dans la mer à Porto-Farino, non loin de l'ancienne Utique. Ses affluents sont : l'oued Soudjeras, l'oued el- Boull, l'oued es-Serrat, la Chiliana, dont le confluent est à peu de distance de Testoura, et un grand nombre de petits ruisseaux torrentueux. Comme la plupart des rivières d'Afrique, la Medjerda est elle-même un torrent dont les crues sont terribles. Les eaux, alors chargées de débris de roches et de végétaux de toute espèce, en ralentissent singulièrement le cours inférieur. Les alluvions, emportées à la côte, déplacent fréquemment le lit et créent, à l'embouchure, des barres dont la position est également variable. C'est la Medjerda qui a ensablé les ports d'Utique et de Carthage.

A l'ouest de la Medjerda, la rivière la plus importante est l'oued Zaïn, ou Berber (l'ancienne Tusca), qui prend sa source sur le revers nord du bourrelet méditerranéen, près de Bagga (l'ancienne Vacca), et sert de limite entre l'Algérie et la Régence.

A l'est, on remarque l'oued Miliana, que l'on nomme encore Bahir't el-Mournouk. C'est l'ancienne Catada, qui, sortie du moyen Atlas, coule parallèlement à la Medjerda, et débouche dans le golfe de Tunis, sous R'adès, l'ancienne Adis, célèbre par la victoire de Regulus.

La petite presqu'île qui se termine à la pointe du cap Bon est arrosée, sur chaque versant, par un grand nombre de petits cours d'eau qui descendent droit à la mer. Le plus considérable de tous est celui qui se jette dans la baie de Kelibia (l'ancienne Clvpea). On croit reconnaître dans ce torrent la rivière où faillit se noyer Masinissa poursuivi par Bocchar[22].

Entre les deux Atlas et le bourrelet de la côte orientale, s'étend la région des Cht'out', qui présente un aspect semblable à celui de la région des hauts plateaux de l'Algérie. Cinq rivières principales descendent du revers méridional du moyen Allas, coulent de l'ouest à l'est, et, formant éventail, ont pour commun récepteur le chot't' Sidi-el-Heni.

Les deux seules qui aient des noms certains sont l'oued Seroud, qui passe près de Spaylah (l'ancienne Suffetula), et l'oued Fekka, près de Kasrin.

Le S'ah'râ tunisien se fait remarquer surtout par son Chot't' el-Kebïr (le palus Tritonis des anciens) ; c'est un grand marais qui mesure, de l'est à l'ouest, plus de 80 kilomètres de long ; sa largeur, du nord au sud, est au moins de 24 kilomètres. Il est semé de petites îles et de files de palmiers, qui servent de poteaux indicateurs. Ces alignements d'arbres sont indispensables aux caravanes qui ont à traverser le lac. Sans ces repères, elles risqueraient, à chaque pas, d'être englouties sous des sables mouvants, de s'engouffrer dans les fondrières du vaste abîme.

Naturellement, les colons tyriens commencèrent par remonter la Medjerda, pour en reconnaître tout le bassin. C'est une suite de magnifiques vallées qui durent, tout d'abord, les séduire, et ils donnèrent aussitôt à cette contrée le nom d'Afrique, manifestant ainsi leur intention bien arrêtée de s'y établir à demeure[23].

Cette Afrique proprement dite, qui fut aussi appelée, on ne sait trop pourquoi, Zeugitane, et que le bey de Tunis nomme aujourd'hui son quartier d'été[24], cette Afrique est un pays fertile ; cependant on y rencontre des cantons où le sol, montagneux et coupé de rochers, de sables ou de marécages, se refuse à toute espèce de culture.

La région des Cht'out', dite aussi Bysacène, du nom de la ville de Bysacium (Begny), et qu'on nomme aujourd'hui le quartier d'hiver de la Régence, la région des flaques, est loin d'être aussi belle que l'ont dit les anciens. Les parties situées le long des côtes sont en général sèches et sablonneuses, là même où les terres sont réputées les meilleures ; l'intérieur du pays ne vaut guère mieux que le rivage. Tout le revers méridional du moyen Atlas est couvert de chênes verts, de térébinthes et de zenboudj (oliviers sauvages) ; cette zone forestière, courant de Zoungar (l'ancienne Zacchara) à Haidra, rompt seule la monotonie d'un sol frappé de stérilité.

Mais d'autres circonstances topographiques rachetaient, aux yeux des Carthaginois, les difficultés de mise en culture de la Bysacène. Ce qu'ils admirèrent du premier coup d'œil, ce fut cette pléiade d'îles formant, au pourtour de leur nouvelle patrie, comme une ceinture de satellites maritimes. Ces stations étaient, en effet, précieuses pour une marine qui, loin de pouvoir s'aventurer au large, devait toujours, et nécessairement, serrer la côte en cabotant d'escale en escale. De plus, la disposition générale en était très-heureuse.

En première ligne, le long du littoral tunisien, se rangent le rocher de Tabarque (Ta-Baraka ou Ta-Bahr-ka), la Galite[25] et le Galiton[26], les Sorelle, les Fratelli, le Chien, Pila, l'île Plane (Korsoura), les Djouamer[27], Monastir, les Kouriat[28] le groupe des Kerkeney[29], Surkenis ou l'île des Frissols, enfin Gerbey, l'ancienne île des Lotophages[30] ;

En seconde ligne : Pantellerie[31], Linosa, le Lampion, Lampedouse[32] ;

En troisième ligne enfin, le groupe des îles Maltaises[33], la Sicile, la Sardaigne.

Tel était le magnifique champ maritime ouvert à l'ambition des émigrés tyriens.

Leur cœur s'ouvrait d'ailleurs aux plus belles espérances à l'aspect des populations indigènes, qui leur faisaient un chaleureux accueil[34], et qu'ils voyaient, à leur grand étonnement, sorties des ténèbres de la barbarie. A cette époque, ils en étaient témoins, les premières lueurs de la civilisation venaient de poindre à l'horizon de l'Afrique septentrionale. Si l'on y rencontrait encore des peuples à l'état nomade, distribués par tribus et par clans, il s'y trouvait aussi des villes[35], qu'habitaient des nations soumises aux lois d'une organisation politique avancée, et constituées en Etats monarchiques[36].

Quelles étaient ces populations africaines avec lesquelles les Carthaginois se trouvaient en contact ? Une courte discussion ethnologique n'est point ici hors de propos.

On sait que l'espèce humaine se partage en plusieurs grands rameaux. Le plus intéressant de tous, celui qui semble le prototype de l'espèce, est sans contredit le rameau caucasique ou la race blanche. Celle-ci se sous-divise, à son tour, en trois branches distinctes, constituant les familles Japhétique (ou indo-européenne), Sémitique et Chamitique. Une grande supériorité morale semble avoir acquis au sang indo-européen le droit et l'honneur de représenter l'humanité perfectible.

On peut, sans courir grande chance d'erreur, admettre que les Libyens se rattachent aux Phéniciens par les liens d'une étroite parenté. Ce sont, en effet, des descendants de Laabim, petit-fils de Cham[37], qui, à l'aurore des temps historiques, se répandent sur le sol africain, pendant que leurs germains, fils de Chanaan, fils de Cham, couvrent les rivages de la Syrie.

Les races humaines paraissent assujetties à des lois de mélanges dont le principe et l'organisme échappent le plus souvent à l'analyse, mais qui n'en ont pas moins une réalité incontestable. En particulier, la race blanche a procédé plus d'une fois, durant le cours des siècles, à la fusion de ses trois éléments constitutifs, et l'étude de l'Afrique est surtout intéressante en ce qu'elle est toujours la scène des événements qui amènent d'intimes croisements entre les enfants de Cham, de Sem et de Japhet.

Les Chamites de Libye, considérés comme autochtones, ont donc souvent ouvert leurs veines au sang sémitique d'Arabie, de Syrie ou d'Asie Mineure ; mais ils y ont surtout laissé couler à flots le sang indo-européen ; enfin des courants chamiliques, marchant d'orient en occident, sont venus, par intervalles, rafraîchir la sève des Libyens primitifs.

Les traditions les plus anciennes mentionnent les invasions chananéennes, conséquence immédiate des conquêtes de Josué (vers 1450 avant Jésus-Christ), puis celle des Arabes sabéens, des Amalécites, des habitants de la Palestine. Les Senhadja, les Kelama, les Lamta, les Haouara, les Masmouda, les Laouta, devraient être considérés comme la descendance des Sabéens du Yémen ; les Zenata seraient de la famille des Amalécites ; les Djaloulia, de celle des Philistins. Il convient d'observer, enfin, qu'on trouve au Maroc des Juifs dont l'établissement en Afrique paraît être de beaucoup antérieur à l'ère chrétienne. Ces populations diverses, mélangées aux Libyens dits autochtones, auraient, suivant les historiens arabes, formé la souche des Gétules (Eg-Toula, les enfants du pays).

Comme les conquêtes de Josué, les exploits de l'Hercule tyrien modifièrent profondément les conditions ethnographiques de l'Afrique septentrionale.

Quand Hercule, dit Salluste[38], selon les traditions africaines, eut péri en Espagne, son armée, composée de nations diverses, sans chef, en proie à des ambitieux qui s'en disputaient le commandement, ne tarda pas à se débander. Une partie, s'étant embarquée, passa en Afrique. C'étaient des Mèdes et des Arméniens, qui s'établirent sur le littoral de la Méditerranée, et des Perses, qui s'enfoncèrent plus loin vers l'Océan...

Les Perses, peu à peu, se mêlèrent aux Gétules par des mariages, et comme souvent, tâtant le pays, ils étaient allés de place en place, eux-mêmes se donnèrent le nom de Numides.

Quant aux Mèdes et aux Arméniens, ils s'unirent aux Libyens, plus rapprochés de la mer d'Afrique, tandis que les Gétules étaient plus au midi, non loin des ardeurs du tropique... Les Libyens corrompirent peu à peu leur nom, et, au lieu de Mèdes, les appelèrent Maures, en langue barbare... La puissance des Perses fut longue à se développer... Plus tard, à cause de leur multitude, ils se séparèrent de leur souche, et s'étendirent, sous le nom de Numides, dans les cantons voisins de Carthage, qui s'appelèrent dès lors Numidie. Puis, s'aidant les uns les autres, ils subjuguèrent par les armes ou par la crainte les peuples limitrophes... En définitive, la plage inférieure de l'Afrique tomba, pour la majeure partie, en la possession des Numides, et tous les vaincus n'eurent désormais d'autre nationalité et d'autre dénomination que celles de leurs maîtres.

Les éléments introduits par l'Hercule de Salluste étaient, pour la plupart, indo-européens[39] Unis à ceux qui les avaient précédés en Afrique, ils formèrent une nation puissante, qui ne craignit point de tenir tète à l'Egypte[40]. L'histoire de l'énergique résistance qu'ils opposèrent à Sésostris est gravée, depuis trente siècles, sur la muraille du temple de Karnak.

En résumé, la Libye a pour premiers occupants ou aborigènes des fils de Laabim, petit-fils de Cham. Ce peuplement est d'abord modifié par les émigrations chananéennes et sémitiques, qui commencent au temps de Josué, et l'on assiste à la formation des nations gétules ; il subit, en second lieu, des altérations plus profondes, apportées par l'invasion des Indo-Européens, compagnons d'Hercule, et l'on voit, à la suite des Libyens primitifs, se dessiner les groupes des Numides et des Maures. Ces trois nations occupent nettement le littoral, et les Gétules, relégués au second plan, n'ont plus désormais pour patrie que l'immensité des solitudes sahariennes.

Quelles furent les autres révolutions ethnographiques de la Libye jusqu'à l'heure de la fondation de Carthage ? Il serait difficile d'en écrire l'histoire, mais nous savons le nom des habitants du pays, au temps de l'arrivée des compagnons d'Elissa. Justin parle des Africains, des Maxitains de cette époque[41]. Virgile, qui ne paraît pas avoir suffisamment étudié la question, cite confusément les Libyens, les Numides, les Massyliens, les Maures, les Gétules[42]. Il fait d'Iarbas[43] un prince gélule. Mais nous suivrons de préférence la version de Justin, corroborée de celle d'Eustathe. Le commentateur dit expressément que cet Iarbas régnait sur les Nomades et les Maziques[44]. Ces Maxitains, Maziques ou Massyliens, doivent être considérés comme les plus anciens habitants de la Libye[45]. C'est à propos de la fondation de Carthage qu'il en est pour la première fois fait mention dans les textes ; mais la science égyptologique vient de leur restituer une haute antiquité. Parmi les peuples de Libye auxquels on donne improprement le nom générique de Tamehou, et que MM. de Rougé et Alfred Maury rattachent à la famille indo-européenne, on distingue les Rebu ou Lebu (Libyens) et les Maschuasch ou Masuas, dans lesquels M. Brugsch reconnaît les Maxyes d'Hérodote[46]. Ce peuple mazique, ou plus exactement amazir', était donc maître de l'Afrique septentrionale au temps du roi Sésostris. Mais il est permis de supposer qu'il en occupait déjà le sol durant l'âge antéhistorique. Ce qui le prouve, ce sont ces monuments extraordinaires qu'on rencontre en Algérie, principalement dans la province de Constantine, et qui, suivant le docteur Judas et le colonel Carette, présentent des analogies frappantes avec les dolmens, les menhirs et les cromlechs de la Bretagne[47].

Il est vraisemblable que, à une époque perdue dans la nuit des âges, des Galls, suivant la loi qui dirige du nord au sud les courants ethnologiques, sont descendus de la région armoricaine pour se réfugier en Libye. Ces flux indo-européens, dont l'invasion des Vandales au Ve siècle de notre ère est le plus récent épisode, devaient fréquemment se produire, eu un temps où n'existaient ni Gibraltar, ni le détroit de Messine, ni le canal de Malte ; où, par conséquent, les envahisseurs ne rencontraient sous leurs pas aucune solution de continuité.

Il est encore un autre témoignage de la réalité de ces migrations : c'est l'analogie qu'on observe entre la langue tamazir't et l'idiome breton ; entre le costume national des Imazir'en et celui des Armoricains.

Enfin l'onomatologie topographique apporte aussi son contingent de preuves. Qu'on jette les yeux sur une carte de la Bretagne ou de l'Irlande, en laissant dans l'ombre tous les noms de lieux qui n'ont pas une physionomie purement gaélique. Qu'on la mette en regard d'une carte d'Afrique, également débarrassée de toutes dénominations étrangères, principalement d'une épaisse couche de vocables arabes, et l'on sera frappé du prodigieux nombre d'identités que l'on rencontrera ; et l'on ne pourra compter combien de fois se présentera, en Afrique, cette préfixe Mak ou Maç, laquelle est, comme on sait, la caractéristique des dénominations irlandaises[48]

En résumé, cet antique peuple amazir’, qui, du temps de Sésostris, était répandu sur le sol africain, du Nil à l'Océan et du Soudan à la Méditerranée ; ce peuple, qui vit encore aujourd'hui, représenté par nos Kabyles[49] et les Touareg du S'ah'râ[50], était, il faut le reconnaître, de race indo-européenne, de sang gallique. Pour nous Français, rien de plus facile que de ramener à bien ces enfants de Japhet, sortis de notre sphère d'activité morale. Ces Kabyles sont réellement nos frères, et nous pouvons leur tendre les bras.

 

 

 



[1] Utique, la grande Leptis (Lebeda), etc. Peut-être Tunis est-il également antérieur à Carthage.

[2] Cette circumnavigation est attestée par Hérodote (IV, XLII).

[3] Les Grecs ne furent pas mieux renseignés à ce sujet. Agathemère, Geographiæ informatio. — Aujourd'hui, les Sociétés de géographie de France, d'Angleterre et d'Allemagne, ont sérieusement pris à cœur l'œuvre de la reconnaissance exacte de l'Afrique. Abordé de toutes parts, parcouru en tous sens par les Barth et les Livingstone, ce mystérieux continent se laisse enfin entamer par la science.

[4] Eustathe, Comment.

Denys le Périégète assignait à l'Afrique la forme d'un trapèze. — Voyez les Commentaires d'Eustathe (collect. des Petits Géographes grecs, p. 247, éd. Müller).

[5] Denys le Périégète, dans la collection des Petits Géographes grecs, éd. Müller.

[6] Les Arabes divisent l'Afrique septentrionale en partie occidentale (El-Mor'-reb), de l'Océan au Fezzan, et en partie orientale, du Fezzan à l'Egypte. Le Fezzan est un double trait d'union ; c'est l'étoile des communications qui relient l'est à l'ouest, et la rote septentrionale au Soudan.

[7] Le mons Ferratus des Latins, qu'on appelle aujourd'hui massif de la grande Kabylie.

[8] Nom probablement tiré du grec Δύρις. Strabon, XVI, IV.

[9] Nommé aussi, au Maroc, Idrar-n-Deren ; c'est bien le Δύρις de Strabon (XVI, IV).

[10] Les gour (pluriel de gàra), larges plateaux tailles à pic au milieu des plaines du S'ah'râ, et dont la hauteur varie de 20 à 50 mètres. Ce sont les îles d'une mer de sable. On les appelle aussi hammada, à cause de la forme qu'ils affectent : ils semblent, en effet, uniformément bâtis sur le modèle d'une màïda, petite table arabe, ronde et basse.

[11] Le S'ah'râ est, à proprement parler, le pays des dattes, par opposition au Tell, région des céréales. On l'appelle aussi Blàd el-Djcrid, pays des palmiers. Le djerid est la branche de palmier sèche et dépouillée de feuilles.

[12] Un qs'eur (au pluriel qs'our) est un village fortifié, construit en terre cuite au soleil (t'ïn), pourvu d'eau et entouré de palmiers. C'est la place de dépôt, le magasin des nomades. (Voyez Trumelet, Les Français dans le désert, p. 232 et suiv.)

[13] Cette orthographe est celle que l'usage a consacrée ; le vrai nom de la tribu est : Oulàd-Sidi-ech-Chîkh-ech-Cherâga.

[14] Le continent africain fut successivement appelé : Olympie, terre des dieux ; Occanie, plage de l'Océan ; Eskhatie, extrémité du monde ; Koryphe, haute terre ; Hespérie, région du couchant ; Ortygie, pays des cailles ; Ophiase, pays des serpents ; Képhénie, pays des guêpes ; Ammonide, Ethiopie, Cyrène, Aérie, Ethérie, etc., et enfin Libye.

[15] Genèse, X, 6 et 13.

[16] Les Touareg, ainsi nommés par les Arabes, sont, tout comme les Kabyles, des Imazir'en. Tel est leur vrai nom national.

[17] Virgile (Enéide, III, v. 141) mentionne la rupture de l'isthme qui unissait la Sicile à l'Italie.

[18] Les géographes arabes donnent à l'Afrique septentrionale le nom d'ile du Mor'reb. Ali-Bey (Voyages) considère la région saharienne comme le lit d'une mer desséchée.

[19] En espagnol sierra. Les Arabes donnent le nom de menchàr aux chaînes de montagnes dont le profil est ainsi dentelé.

[20] Μακάρα, la rivière des Makes ; c'est l'ancienne Bagrada (Bahr-adhar).

[21] Souk-Ahras est l'ancienne Tagaste, ville natale de saint Augustin.

[22] Tite-Live, XXIX, XXXII.

[23] Afriqâh, en langue punique, signifie établissement, colonie. C'était le nom même de Carthage, la colonie par excellence (Suidas.) Et l'interprétation de Suidas parait plus satisfaisante que l'étymologie de Servius, lequel tire Afrique du grec Φρίκη précédé de l'α privatif, ou du latin aprica. Aujourd'hui encore, toute la portion du territoire tunisien qu'arrose la Medjerda est désignée sous le nom de Friqiah par les indigènes, qui conservent ainsi, avec une légère altération, celui d'Africa propria donné par les Romains. Le nom d'Afrique propre ne s'appliqua point toujours au même territoire. Sous la domination romaine, la contrée ainsi désignée comprenait la Zeugitane, la Proconsulaire, la Bysacène et la Tripolitaine.

[24] Le quartier d’été de la Régence comprend tout le pays situé au-dessus du parallèle du golfe de Hammamet. (Voyez sur ces provinces le chapitre II du Livre II.)

[25] La Galite, dite aussi Galacte, offre un bon mouillage et une aiguade. La côte en est très-poissonneuse. Silius Italicus, Punique, XIV.

On a trouvé à la Galite un grand nombre de médailles carthaginoises.

[26] C'est le rocher connu des anciens sous le nom d'insula Pulmaria.

[27] Les Djouamer, dites aussi Zimbres, sont les Ægimures de l'antiquité. On leur donnait le nom d'autels. Virgile, Enéide, I.

On prétend, ajoute Servius, qu'il y avait là une île qui s'affaissa subitement, et à la place de laquelle seraient restés ces rochers, où les prêtres de Carthage viennent faire leurs cérémonies religieuses ; d'autres les ont appelés autels de Neptune.

Ægimure a donné son nom à la victoire navale et au désastre de M. Fabius Buteo (245). — Vers la fin de la deuxième guerre punique, Scipion fut poussé vers ces rochers, où, l'année suivante (203), se brisèrent 200 transports de Cn. Octavius.

[28] Les Kouriat sont aussi dites Coniglieri, les îles des Lapins.

[29] Les Kerkeney, alias Kerkina, Kerkeni, Cercina, forment un groupe de quatre îles. En 217, le consul Cn. Servilius Geminus leur fit payer une contribution de guerre de 10 talents (environ 58.000 francs). — Annibal y fit escale en 195.

[30] Gerbey, l'île des Lotophages, était alors appelée Meninx. Elle est située tout près du continent, par le travers d'un petit golfe semi-circulaire, dont elle ferme l'entrée, ne laissant, de chaque côté, qu'une passe étroite et difficile. — En 253, les consuls Cn. Servilius Cœpio et C. Sempronius Blæsus y échappèrent à un grand désastre. — En 217, au début de la deuxième guerre punique, Gerbey fut ravagée par la flotte de Cn. Servilius Geminus, forte de 120 voiles.

[31] Pantellerie est l'ancienne Cosura. On y a recueilli une grande quantité de fragments puniques.

[32] Lampedouse est l'ancienne Lopudasa. Au temps de Scylax, tous les habitants étaient Carthaginois.

[33] Le groupe des Maltaises comprend : Malte, le Gozzo et le Cumin. Malte, l'ancienne Hypérie, fut occupée par les Phéniciens 1500 ans avant Jésus-Christ. Les Grecs les en expulsèrent en 736, et les Carthaginois la reprirent à ceux-ci en 528.

[34] Justin, XVIII, V.

[35] Virgile, Énéide, IV.

[36] Virgile, Énéide, I et IV.

[37] Les fils de Cham sont : Chus, Mesraïm, Phuth et Chanaan. — Mesraïm engendra... Laabim. (Genèse, IX, 6 et 13.)

[38] Guerre de Jugurtha.

[39] Strabon confirme le fait, XVII, III. Lucain, Pharsale.

Nous ne faisons que suivre ici l'opinion d'Isidore de Séville, qui admet toutes les conséquences de la version de Salluste.

[40] La science égyptologique fournit quelques données inattendues touchant les populations primitives de la Libye. A l'ouest de l'Egypte, dit M. Alfred Maury (Revue des Deux-Mondes, 1er septembre 1867), se trouvaient des peuples auxquels les peintures donnent des traits qui rappellent ceux des Européens : des yeux ordinairement bleus, des cheveux bruns, blonds et quelquefois roux...  Sous Seti Ier, Meremphtah, Ramsès II, ces nations libyennes se mesurèrent avec les armées des Pharaons. La plus redoutable des attaques qu'ils dirigèrent contre l'Egypte eut lieu sous le fils et successeur du grand Sésostris (vers 1150 avant Jésus-Christ). Les textes les comprennent sous le nom générique de Tahennou ou Tamehou. Il y aurait lieu d'admettre que les Tamehou appartenaient à notre race. Ces peuples d'ailleurs ne sont pas représentés comme des sauvages sans civilisation et sans culture.

Il faut observer ici que le mot Tamehou ou Tahennou de M. Maury doit s'écrire Ta-n-ou. Ce n'est pas un nom national, mais un surnom injurieux donné par l'ennemi. Ta-n-ou signifie proprement femelle de peuple, nation inférieure.

[41] Justin, XVIII, VI.

[42] Virgile, Enéide, IV, passim.

[43] Une tribu des Ierbès existe encore en Algérie. On la rencontre sur la plage, route de Philippeville à Bône.

[44] Eustathe, Comm., 195.

[45] Eustathe, Comm., 187.

[46] M. Alfred Maury, De l'Exposition égyptienne. (Revue des Deux-Mondes, livraison du 1er septembre 1867.)

[47] Voyez les modèles de ces constructions singulières au musée impérial de Saint-Germain. — La Société de climatologie algérienne vient de récompenser (concours de 1868) les Fouilles des dol-men de Roknia, du général Faidherbe, et l'Etude comparée des monuments mégalithiques de la Bretagne et de l’Algérie, de l'intendant Galles.

[48] Mettez, par exemple, en regard les noms de Mak aït Snassen (Masinissa) et de Mac-Mahon.

[49] C'est pour nous conformer à l'usage que nous écrivons Kabyle. Le mot k'ebail rendrait mieux la vraie prononciation. Quelques auteurs, adoptant l'orthographe conventionnelle admise par la commission scientifique de l'Algérie, écrivent Qabil.

[50] La nation tamazir't a presque oublié son nom. Les divers groupes dont elle se compose s'appellent : Kabyles, Chaouia, Chelouh, Beraber, Zenatia, Bnï-Mzàb, Touareg, etc.