VILLEDIEU-LES-POËLES, SA COMMANDERIE, SA BOURGEOISIE, SES MÉTIERS

PREMIÈRE PARTIE. — L'ANCIEN RÉGIME

 

CHAPITRE X. — LES MISSIONS. - LES CONFRÉRIES.

 

 

MISSIONS des Capucins, des Eudistes, des Jésuites. — Le Bienheureux Grignon de Montfort. — Érections de Croix.

CONFRÉRIES DE MÉTIERS : Sainte-Anne, Saint-Hubert, Sainte-Barbe, Saint-Éloi, Saint-Jean-Baptiste.

CONFRÉRIES PIEUSES : de Saint-Nicolas et autres anciennes Confréries, de la Sainte-Trinité, de Sainte-Foy, du Saint-Sacrement. — Le Grand-Sacre. — Principaux offices de l'Église de Villedieu en 1672. — Tiers-Ordres de Saint-Dominique et de Saint-François.

 

Le zèle des habitants de Villedieu pour leurs intérêts spirituels ne se manifestait pas seulement par le soin qu'ils prenaient de la conservation et de l'ornementation de leur église. Leur propre sanctification devait avant tout réclamer leurs efforts les plus sérieux et les plus durables. C'est surtout sous l'administration du Commandeur d'ELBÈNE et de son successeur, le Commandeur DE CAILLEMER, que se produisit une véritable rénovation religieuse.

Il est bon de remarquer qu'il n'y a point là un fait isolé à cette époque. De tous côtés en France nous voyons alors la Réforme apportée dans l'Église par le Concile de Trente produire ses heureux effets. Les ruines des guerres de religion sont réparées ; des congrégations, en harmonie avec les besoins du siècle se multiplient, tandis que les abus disparaissent ; des missions ramènent partout le peuple à la pratique de ses devoirs.

Villedieu reçut ainsi la parole divine de plusieurs des nouvelles congrégations de missionnaires. En 1649[1] et 1690 les Capucins, en 1659 les Eudistes, en 1679 les Jésuites se succédèrent dans le bourg. Nous n'avons de détails que sur la Mission de 1659 : la citation suivante, extraite des Annales des PP. Eudistes[2], nous montrera les fruits merveilleux qui furent alors opérés dans le pays :

La mission de Vasteville étant achevée, le P. Eudes retourna à Caen, où plusieurs affaires le demandaient, et de là, il écrivit à M. du Pont, Supérieur du Séminaire de Coutances, pour envoyer M. Yon à Villedieu y prendre les mesures nécessaires pour la mission que M. de Renty, mort dix ans auparavant, avait recommandée à Madame son épouse. Il lui ordonnait en particulier de savoir de M. le Curé du lieu s'il trouverait bon qu'on la fit, et de savoir de lui si M. de Caillemer, commandeur de Villedieu, y avait quelque autorité sur le spirituel, afin d'avoir son consentement. Ayant appris par la réponse qu'il en était ainsi, il lui écrivit avec sa politesse et son humilité ordinaires pour lui marquer le dessein de la mission et le prier de concourir de son autorité au bien que les habitants en devaient attendre.

Il avait obtenu les pouvoirs ordinaires de M. de Lesseville, qui en est l'évêque diocésain, quoiqu'il n'y fasse aucune visite, l'Ordre de Malte y ayant un officiai qui y exerce toute la juridiction contentieuse, et s'étant maintenu en cette possession toutes les fois que ces prélats ont voulu l'attaquer. M. de Caillemer reçut avec plaisir les offres qu'on lui faisait, et envoya son mandement écrit de sa propre main en date du 15 Septembre de cette année 1659. Il commence ainsi :

Nous, frère Jean Caillemer, prêtre, religieux de l'Ordre de St Jean de Jérusalem, Docteur en sainte théologie de la Sapience de Rome, Prieur ecclésiastique de Saint-Jean en l'Ysle-lès-Corbeil, commandeur de Villedieu-lès-Bailleul, Villedieu-sous-Sault-Chevreuil et autres dépendances, conseiller du Roi en ses conseils d'État et privé, à nos très chers et bien aimés les Official, Curé et autres, nos officiers de Villedieu-les-Sault-Chevreuil, salut en N.-S.

Étant averti que le R. P. Jean Eudes et ses autres vertueux compagnons se disposent pour aller exercer les fonctions de leur mission dans l'église paroissiale de notre bourg de Villedieu-les-Sault-Chevreuil, pour lequel effet ils ont demandé notre consentement, permission et aveu, et considérant les grands biens spirituels qui en peuvent résulter à la gloire de Dieu et aux âmes soumises à notre juridiction spirituelle et temporelle.... Nous vous ordonnons par ces présentes de coopérer, chacun selon l'exigence de vos charges, à l'exécution de leur bon dessein, afin que Dieu en soit glorifié, les peuples édifiés, la doctrine chrétienne enseignée aux enfants et autres qui ne la savent pas, les vices extirpés, la vertu et la véritable dévotion sans illusion et hypocrisie introduite dans les cœurs des fidèles.

A ces causes, nous vous enjoignons à vous, notre dit Officiai, de recevoir authentiquement les présentes et de faire en sorte que, par une due publication et par des exhortations particulières, nos dits sujets pratiquent en ce rencontre ce que saint Paul recommande aux Corinthiens (II Cor., VI) : Adjuvantes autem exhortamur ne in vacuum gratiam Dei recipiatis. La grâce que la souveraine bonté leur offre, par la charité de ces vertueux ouvriers, est sans doute l'une des plus évidentes que l'on puisse attendre du Ciel, puisqu'il s'agit de recevoir et les instructions nécessaires au salut par les mystères de la foi, et, par une vraie réconciliation avec la divine Majesté, dans le bon usage des Sacrements, les trésors inestimables de l'indulgence plénière. Nous vous exhortons donc, en vertu de ce nôtre mandement, qui sera publiquement lu au prône de la grand' messe, d'avertir vos paroissiens que l'exercice de la mission commencera le 21 du présent mois de septembre.

Il marque ensuite les exercices ordinaires qu'on fait dans les missions, et il ajoute : — Et afin que les peuples connaissent mieux le prix de cette grâce que le Ciel leur offre peut-être pour la dernière fois, nous voulons que l'ouverture de la mission se fasse par une procession solennelle que vous ordonnerez à heure compétente, selon que vous aviserez bien être avec les dits RR. Pères Missionnaires ; et, parce que une des plus grandes utilités que les âmes doivent prétendre du travail des dits RR. Pères, est de se réconcilier véritablement avec Dieu par la pratique des Sacrements, et que, pour y parvenir, le plus grand secours vient des confesseurs : pour ce, craignant que les dits RR. Pères Missionnaires ne puissent suffire au grand nombre des pénitents, nous vous ordonnons de leur donner[3], selon ce qu'ils vous en requerront, des prêtres doctes, capables et vertueux pour les assister en l'administration des dits Sacrements, qu'à cet effet vous examinerez et, selon leur avis, trouverez propres à ce très important ministère.

Nous vous ordonnons enfin d'employer vos soins à ce que les dits RR. Pères Missionnaires ne reçoivent aucun mécontentement dans le cours de leur mission ; mais encore que, de la part de tous les habitants de notre dit bourg, et autres externes qui y pourront venir, on leur rende tous les respects qui sont dus à des hommes apostoliques, qui portent la grâce et l'Évangile gratis à qui les veulent recevoir, et qui donnent leurs peines, leurs travaux et leurs vies pour le service de Dieu et des âmes à qui la divine bonté a destiné sa gloire. Enjoignons pareillement à tous nos officiers, tant de la juridiction temporelle et séculière, que de la spirituelle et ecclésiastique, d'y tenir la main, pour mériter plus avantageusement, par leur zèle envers Dieu et par leur obéissance, les bénédictions du Ciel que nous demandons humblement à sa Souveraine Majesté pour tous ceux qu'elle a soumis à notre gouvernement.

Donné à Ste-Marie-du-Mont, le 15 de Septembre 1659.

C'est la substance de ce mandement, qui apparemment fut le seul qui fut publié à Villedieu et dans ses dépendances, et que j'ai cru devoir rapporter pour faire voir ce que l'Ordre de Malte a coutume de faire dans les lieux qui sont soumis à sa juridiction. Mais il est bon de remarquer que, dans l'usage présent, M. l'Évêque de Coutances est le seul qui approuve les confesseurs de ce lieu, sans que l'Official du Commandeur y ait aucune part ; et que, pour les prédicateurs, on n'en reçoit aucun externe à Villedieu que de l'agrément du Commandeur ou de son Official.

M. de Caillemer eut tout sujet de se louer des fruits de cette mission qui dura jusqu'à la Toussaint, et à laquelle on accourut de trois et quatre lieues. Le P. Eudes remarque, dans une lettre qu'il adressa à M. Blouet à Paris, le 30 octobre, que ce qui y manquait, c'étaient les confesseurs qui n'étaient pas plus de douze, au lieu qu'il en eût fallu trois fois autant. Nous voici, dit-il encore, plus pressés de monde qu'à Vasleville ; nous avons quatorze confesseurs ; mais il est certain que cinquante ne suffiraient pas. C'est une chose qui crève le cœur de pitié de voir une grande quantité de pauvres gens, qui viennent de trois et quatre lieues, nonobstant les mauvais chemins, qui demandent avec larmes qu'on les entende en confession, et qui sont les six et huit jours sans pouvoir être entendus, tant la presse est grande, et qui couchent la nuit sous le portail et sous les halles du temps qu'il fait. Rogemus Dominun messis ut mittat operarios in messem suam.

 

Il est juste de rapprocher de cette mission des disciples du P. Eudes le récit du court séjour fait à Villedieu, en 1714, par un des missionnaires les plus populaires de la fin du XVIIe et du commencement du XVIIIe siècle, le Bienheureux GRIGNON DE MONTFORT.

En quittant Rennes, — dit Clorivière[4], — M. de Montfort prit la route d'Avranches. Il partit le douzième jourd' Aoust et arriva le quatorzième dans cette ville, où le Seigneur voulait lui faire mettre en pratique les leçons qu'il venait de donner aux autres, sur la grande science de la Croix. Il était tard à son arrivée, ce qui fit que, le soir même, il ne put pas aller saluer Monseigneur l'Évêque et lui offrir ses services. Il y fut de bonne heure le lendemain, se fit annoncer, et fut admis dans l'appartement de sa Grandeur ; mais peut-être personne ne fut jamais si mal reçu. Le prélat n'eut aucun égard aux certificats des évêques de Nantes et de la Rochelle que lui présenta M. de Montfort, et il lui dit pour toute réponse qu'il ne lui permettait pas de prêcher dans son diocèse ; qu'il lui défendait même d'y dire la messe, et que le plus grand service qu'il pût lui rendre, c'était d'en sortir au plus tôt. Il se peut faire que les calomnies que les jansénistes et les ennemis de la religion faisaient courir sur M. de Montfort, fussent parvenues aux oreilles des prélats. Quoiqu'il en soit, l'homme de Dieu, qui regardait toujours Jésus-Christ dans la personne des évêques, reçut cette sentence comme si elle fût émanée de la bouche de son divin Maître, et sortit du palais épiscopal avec la même tranquillité qu'il y était entré, sans qu'on pût apercevoir en lui la plus légère altération.

L'unique chose en cette circonstance, qui l'eut affligé bien sensiblement, c'eût été de ne pouvoir pas célébrer la sainte messe, dans un jour aussi solennel que celui de l'Assomption de la Très Sainte Vierge ; c'est pourquoi, après avoir remercié le Seigneur de la croix qu'il venait de lui accorder, sans perdre un temps précieux en réflexions inutiles, il prit le parti de louer un cheval, et d'aller en poste — chose que peut-être il n'avait jamais fait de sa vie, — afin d'arriver assez à temps dans le diocèse de Coutances, pour y offrir le Saint-Sacrifice.

Villedieu fut la première paroisse de ce diocèse qu'il rencontra sur son chemin. Il y arriva avant midi. M. le curé qui le vit arriver si tard, à cheval, et en assez mauvais équipage, eut d'abord quelque peine à lui permettre de célébrer dans son église mais le saint prêtre lui fit tant d'instances, et lui-même reconnut dans l'entretien qu'il eut avec lui des preuves si frappantes de science et de piété, que non seulement il le lui permit, mais qu'il l'engagea même à dire à son peuple des paroles d'édification. C'est ce que fit le missionnaire, et Dieu bénit tellement son travail, que, dans le court espace de temps qu'il fut à Villedieu, il mit plusieurs personnes dans le chemin du Ciel, et y établit la pratique du Saint-Rosaire, sa dévotion de prédilection. Après avoir évangélisé en passant Villedieu, le saint voyageur partit pour Saint-Lô.

 

La mission prêchée par les Capucins en 1690 avec la permission et les libéralités de Me Jean Foubert, official et curé de Villedieu, fut clôturée par l'érection d'une Croix de bois sur la place du bas des balles vers l'église. Elle tomba vingt ans après ; des difficultés entre les habitants empêchèrent de la remplacer comme on en avait eu le désir. Le piédestal existait encore au siècle dernier.

D'autres Croix ou Calvaires avaient déjà été érigés, ou le furent plus tard, dans le bourg, grâce à des libéralités particulières. Au haut du bourg, en 1655, Jean Huard-la-Croix en avait donné une. Au haut des halles, on voyait un puits[5] couvert d'une plate-forme appuyée sur quatre pilliers de pierre de taille (granit) sur laquelle s'élevait une Croix de la même pierre, don de Jacques Gastey, fondateur de l'hôpital de ce lieu ; elle fut placée en 1702 en la place d'une autre, de la libéralité de M. l'Hermitte, que l'on transporta sur le piédestal de la Croix-Cercel donnée par Raymond Cercel. Cette dernière fut plantée en 1713 sur un autre piédestal proche la Chapelle St-Etienne.

La religion ne présidait pas seulement chez nos ancêtres à tous les actes importants de la vie ; elle était même appelée à consacrer toute association industrielle et tout contrat d'un caractère officiel. Nous avons indiqué déjà l'existence d'une Confrérie parmi les membres de la corporation des Poëliers. Tous les autres corps de métiers avaient aussi à Villedieu leur Confrérie particulière ; chacune possédait une des Chapelles de l'église paroissiale, dont elle avait l'entretien, avec ses fêtes, ses cérémonies spéciales, son administration distincte. Le Règlement donné aux églises de sa Commanderie par le Commandeur de Comenge en 1710[6] établit les règles suivantes pour ces différentes confréries, règles qui s'appliquaient également aux confréries pieuses, dont nous aurons bientôt à parler :

A. 26. — Il ne se fera dans nos églises aucunes Associations ou Sociétés pieuses de quelque nature qu'elles puissent être, que du consentement de notre Curé, et dont il ne soit le chef et le supérieur : le tout suivant l'art. 8 du statut du Commandeur de Caillemer, pour ne pas nourrir dans nos églises des personnes inutiles, ni fomenter des schismes et des divisions, voulant que nos Curés y soient toujours les maîtres et les supérieurs.

A. 23. —Dans les églises où il y aura des Confréries, les Maires (maieurs) seront élus dans une Assemblée de Paroisse comme nous l'avons dit dans le précédent article[7], et rendront leurs comptes de la même manière que les trésoriers.

A. 24. — Les prêtres chapelains de chaque Confréries seront élus dans le même ordre dans l'assemblée de ceux à qui il convient d'en faire le choix, toujours en présence du Curé, et de son consentement : laquelle élection, ainsi que les précédentes, sera rédigée par écrit et signée.

 

La Confrérie des poëliers, la plus ancienne de toutes, était sous le vocable de Sainte-Anne. Chaque semaine, nous dit le Manuscrit de Villedieu, deux chapelains célèbrent la messe[8] à leur chapelle, l'un les jours de fêtes, et l'autre les dimanches. Si ces artisans échappent au danger imminent auquel ils sont exposés journellement au milieu des feux, à qui en attribuer la cause, si ce n'est à l'aïeule de Jésus-Christ ? — Et l'auteur raconte deux miracles arrivés de son temps par l'intercession de sainte Anne, tous deux reconnus authentiques par des procès-verbaux déposés au greffe de l'officialité de Villedieu. Le premier, du 11 août 1707, est la guérison d'une femme aveugle depuis quatre ans, le second, du 31 juillet 1713, est le redressement d'une jeune fille qui avait perdu l'usage de ses jambes.

Les dinandiers, ou chaudronniers, distincts des fabricants de poëles[9] étaient sous le patronage de saint Hubert. Le Souverain Pontife Innocent X accorda à leur Confrérie plusieurs indulgences, le 20 juin 1654. — Sainte Barbe était la patronne des Fondeurs, saint Éloi des Maréchaux, saint Jean des Parcheminiers.

Aujourd'hui encore ces diverses Confréries continuent à célébrer leurs fêtes.

La notice suivante, que nous devons à la bienveillance de M. Lavalley, président du Bureau de la Fabrique paroissiale, nous montrera la ténacité des anciennes traditions à Villedieu.

On ignore la date de la fondation de la Confrérie de Sainte-Anne ; mais elle semble remonter à plusieurs siècles, peut-être même à l'installation des Poëliers à Villedieu ; car à diverses époques et dans des documents très anciens. On parle de la Confrérie, du Chapelain de Sainte-Anne.

Cette fête se célébrait solennellement le 26 juillet. Au commencement du siècle, vers 1807, on disait encore, la veille, les premières vêpres et les matines, puis, le jour, les laudes, les petites heures ; une procession solennelle se faisait dans les principales rues de la ville, le malin avant la grand'messe : on y chantait les litanies des saints, et après chaque invocation on répondait : Sancta Anna, ora pronobis. La grand'messe se disait ensuite avec sermon, et le soir les vêpres étaient suivies du salut du Saint-Sacrement.

Le lendemain, messe solennelle de Requiem pour les confrères décédés.

La fête était chômée par presque tous les habitants. Peu à peu l'industrie de la poëlerie a diminué, et elle a fini par disparaître, et avec elle les poëliers ont également disparu.

Néanmoins la fête de Sainte-Anne continue d'être célébrée le 26 juillet de chaque année. Plusieurs personnes, et notamment, M. L'Abbé Lebedel, ancien Doyen de Villedieu, M. L'abbé Lanos, ancien vicaire de Villedieu, actuellement curé de La Lande d'Airou, M. Alphonse Briens, ancien maître poëlier, et autres, ont successivement fondé à perpétuité, la grand'messe, les vêpres, le salut, la messe de Requiem du lendemain ; mais il n'y a plus de Confrères. La Procession continue cependant d'être faite avant la grand'messe, et est suivie de quelques âmes pieuses.

La Fête des Poëliers portait le nom de Sainte-Anne d'Airain pour la distinguer de la Sainte-Anne de Bois que fêtent les Menuisiers le lundi d'après la Sainte-Anne d'Airain. Il y a également grand'messe, vêpres et salut le jour, mais pas de procession ; le lendemain, également messe de Requiem pour les confrères défunts.

Le lendemain de la Sainte-Anne d'Airain, les Dentellières — sans toutefois faire de fête religieuse — chômaient pour fêter la Petite Fille, c'est-à-dire la Sainte Vierge qui était la petite fille de Sainte Anne.

Les Fondeurs fêtent sainte Barbe, le 4 décembre : mêmes offices que pour Sainte-Anne de Bois.

Les Chaudronniers fêtent saint Hubert. Autrefois cette fête se célébrait le il novembre ; aujourd'hui les chaudronniers font leur fête le lundi dans l'octave de l'Ascension ; et ce, depuis 1830 ou 1833. Mêmes offices que pour Sainte Barbe.

Les Tanneurs, Mégissiers, Parcheminiers ont pour patron Saint Jean-Baptiste et célèbrent leur fête le 24 juin. Avant la réunion d'une partie de la Commune de Saultchevreuil du Tronchet à Villedieu, cette fête Saint-Jean se faisait à Saultchevreuil, parce que la plupart des tanneurs et mégissiers habitaient le Bourg l'Abbesse qui faisait partie de Saultchevreuil.

Cette fête a un caractère distinctif. Après les vêpres, les membres de la Confrérie, un cierge à la main, précédés du Cierge et de leur bannière, vont processionnellement sur la place du Champ de foire, où est planté un arbre (ordinairement un bouleau orné d'un bouquet) entouré au pied dé bourrées, paille et fascines. En se rendant de l'église à ce petit bûcher, on chante le Benedictus. Arrivé à ce bûcher, l'officiant allume le feu avec un cierge, et l'on chante l'hymne de saint Jean-Baptiste Ut queant laxis. — En revenant à l'église, on chante le Te Deum.

Enfin une dernière Confrérie, celle de Saint-Eloi, qui comprenait autrefois les Maréchaux, Orfèvres, Forgerons, Serruriers, etc., est aujourd'hui la confrérie de tous les corps de métiers qui n'avaient pas de confrérie : coiffeurs, cordonniers, peintres, clercs de notaire, etc. Elle se fête de la même manière que les autres au mois de juillet.

A toutes ces confréries, on distribue à la grand'messe des morceaux de pain bénit à tous les assistants.

Après la messe on se réunit dans une auberge pour manger la Fallue : ce sont de grands gâteaux que l'on divise par morceaux entre tous les confrères présents, et que l'on mange en buvant quelques verres de cidre.

Chaque année, par rang d'ancienneté, chacune de ces confréries nomme deux majors ou gardes, qui recueillent les cotisations, font faire le pain bénit, quêtent à l'Église, en un mot président à la Fête, et portent les cierges à la procession du Saint-Sacrement qui se fait au salut à l'intérieur de l'église.

Après la fête religieuse, les familles se réunissent et font une petite fête, soit chez eux, soit à la campagne — sur l'herbe suivant l'expression consacrée — suivant l'époque de l'année.

Le registre paroissial[10], dont je me suis servi pour ces notes, ne donne pas d'autres détails ; j'y ai ajouté mes souvenirs personnels et ceux que je tiens de mes ancêtres.

Ce registre paroissial parle encore d'une confrérie qui n'existe plus, celle des Prêtres, sous le patronage de saint Charles Borromée. Tous les prêtres se cotisaient pour les frais de cette fête et pour un dîner pris en commun.

L'année de la cherté du pain (1812), dit le Registre, ils versèrent leur cotisation dans le sein des pauvres, et l'agape cléricale fut abolie, ainsi que la fête qui en était l'occasion.

 

A côté de ces confréries spéciales pour les différentes corporations, l'Église de Villedieu avait des confréries pieuses ouvertes à tous ses paroissiens.

La plus ancienne en date était celle de Saint-Nicolas : elle remontait au XIIIe siècle d'après la tradition. On célébrait le 9 mai, la fête, aujourd'hui oubliée dans nos contrées, de la Translation des Reliques de son saint Patron à Bari en Italie. Les comptes de la Fabrique mentionnent les titres de rentes qui lui appartenaient.

Nous trouvons également mentionnées dans les registres de la Fabrique les confréries du Saint-Rosaire, du Saint-Scapulaire, de S.-Honoré, de S.-Roch et de S.-Sébastien, qui tous les ans remettaient une certaine somme au trésorier de l'Église. Nous n'avons aucune autre indication à leur sujet.

En 1647, le 4 mai, fut donné par Frère Louis, docteur ès Décrets, Général et Grand Ministre de tout l'Ordre de la Sainte-Trinité et Rédemption des Captifs[11], un Décret pour l'érection à Villedieu de la Confrérie de la Sainte-Trinité. Le prêtre JEAN LOYSEL, qui avait sollicité cette faveur, était chargé de l'érection. Le passage suivant du décret indique le but et les avantages de la Confrérie : Nous vous accordons par les présentes, et sous l'assentiment des Supérieurs, le pouvoir d'ériger et d'établir la sainte Confrérie de notre Ordre pour la Rédemption des Captifs, dans l'église paroissiale de la R. V. Marie de la Commanderie de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem de Villedieu nullius diœcesis, — d'y associer et aggréger tous fidèles du Christ de l'un et l'autre sexe, en inscrivant leurs noms sur un registre à ce destiné, de bénir les scapulaires ornés de la croix rouge et bleue, et de leur conférer les Absolutions ou Bénédictions privilégiées, et les autres Indulgences et grâces concédées avec munificence à notre Ordre de la T. S. Trinité par le Saint-Siège... — de les leur communiquer en notre nom et place, d'après l'intention du même Saint-Siège aux fêtes et temps prescrits ;comme aussi de recueillir les aumônes données par eux pour la Rédemption des Captifs, et d'en rendre compte seulement au Procureur général de notre Ordre pour ladite Rédemption demeurant ici avec Nous, afin qu'elles soient plus fidèlement employées à l'œuvre de la Rédemption.

L'Official de Villedieu, BATAILLE, contresigne ce décret le 2 janvier 1650, et en permet l'exécution, du consentement du Curé, dans l'église paroissiale.

Sous l'administration du nouveau Commandeur, Jean DE CAILLEMER, le 1er Décembre 1655, le nouveau Général de l'Ordre, Fr. Pierre MERCIER, à la sollicitation de Me FOUBERT, permettait au chapelain de la Confrérie, M. Jean LOYSEL, de consacrer la moitié des aumônes qu'il recevait à l'entretien et ornement de la chapelle de la Trinité dans l'église paroissiale. De plus il autorisait une procession chaque mois dans l'église et le cimetière, sous le bon plaisir de Philippe RATAILLE, Official, et de Frère Jean DURAND, Curé.

Cette procession, fixée au quatrième dimanche du mois, et les autres exercices de la Confrérie furent assurés par les libéralités de Jean Loysel. Déjà il avait fait édifier la Chapelle de la Confrérie du temps du Commandeur d'Elbène entre deux des portes du bas de l'église. Par contrat passé le 15 juin 1657 avec les Curé, trésorier et bourgeois de Villedieu, il donnait après sa mort 21 livres 5 sols tournois de rente foncière, savoir...9 livres pour 12 messes, qui se diront tous les quatriesmes dimanches des mois... autres 4 livres pour 12 processions., qui se feront les dits jours après vespres ; 40 sols pour le clerc custos qui fera sonner lesdites messes et processions ; 100 sols tournois pour le thrésor et fabrique de ladite église, parce que ledit thrésor entretiendra ladite chappelle de linge comme les autres chappelles où il y a Confrairie ; et pour les 25 sols restant, il entend qu'ils soient donnés et délivrés avec les aumosnes des frères et sœurs pour le rachapt des pauvres captifs. Et oultre a donné à ladite Chappelle son calice et pintons d'argent doré, avec tous les ornements de ladite chappelle, pour estre participant aux prières qui se feront en icelle, et désirant estre inhumé et enterré dans icelle chappelle.

L'existence d'une Confrérie pieuse sous le patronage de SAINTE FOY nous est révélée par la copie imprimée d'une Bulle d'Innocent X accordant à ses membres, à la date du 21 septembre 1653, avec diverses indulgences partielles, une indulgence plénière le jour de leur admission, à l'article de la mort, outre semblablement aux Confrères vrayment pénitens, confessez et repeus de la Sacrée Communion qui visiteront tous les ans dévotement l'église (paroissiale), la Chappelle de ladite Confrairie ou l'Oratoire le jour et feste de Saincte-Foy, qui a coustume d'estre célébrée le sixiesme d'Octobre, depuis les premières Vespres jusques au soleil couché.

Les autres fêtes de cette Confrérie, également indiquées dans la Bulle, étaient les jours du Saint-Sacrement, de Sainte-Anne, de Saint-Nicolas et de la Toussaint.

L'exemplaire imprimé, approuvé par l'official Bataille, porte de plus cette mention : En outre les Indulgences cy-dessus, Sa Saincteté a octroyé par une autre Bulle pour le temps de 7 ans aux confrères de la susdite Confrairie un autel privilégié pour la délivrance des âmes du Purgatoire, auquel tous prêtres, tant séculiers que réguliers peuvent célébrer, tant l'Octave des Morts que tous les lundys de l'année.

Le titre, employé uniquement dans l'exemplaire que nous venons de citer, de Confrérie du Très-Adorable Sacrement de l'Autel érigé à perpétuité dans le Bourg de Villedieu sous l'invocation de Sainte-Foy, doit-il nous faire présumer que cette confrérie se confondit ensuite avec celle du Saint-Sacrement dont nous avons maintenant à parler ? Nous n'avons aucune donnée qui nous permette de l'affirmer. C'est à l'époque même où les Indulgences indiquées plus haut furent publiées à l'église de Villedieu que se firent les premières démarches pour obtenir l'érection canonique de la Confrérie affiliée à la Confrérie primaire instituée à Rome en 1539 par le pape Paul III.

On conserve aux Archives paroissiales les documents relatifs à cette érection. C'est d'abord, le 1er août 1654, la requête présentée par Me Étienne Angeran, prêtre, et autres bourgeois à l'Official, Me Philippe Bataille, curé de Saint Pierre du Tronchet, pour qu'il leur soit permis de demander aux Religieux de l'ordre de Saint-Dominique du Mesnil-Garnier d'établir à Villedieu cette confrérie. Les Frères-Prêcheurs avaient en effet reçu du Saint-Siège le droit d'ériger partout la confrérie du Saint-Sacrement.

La permission de l'official ayant été accordé le 3 août 1654 et celle du Curé, frère Durand, le 12 août, une demande fut adressée le 20 Septembre au P. Pénon, Prieur du Mesnil-Garnier, qui autorisa l'érection le 28 du même mois. Un de ses religieux, le P. Urbain, vint présider à l'établissement canonique le 27 mai 1655.

Le 5 Septembre 1657,une bulle du Pape Alexandre VII, publié avec l'autorisation de l'official Bataille, alors Curé de l'Orbehaye, accordait une indulgence plénière aux nouveaux confrères le jour de leur admission.

Le Registre de la Confrérie contient tous ces documents, avec les règles et usages, ainsi que les noms des agrégés jusqu'à notre époque.

Les Statuts particuliers, approuvés et reçus par l'Assemblée le 23 juin 1658, furent confirmés par l'Official Bataille le 28 juin suivant, puis par le Commandeur de Caillemer le 23 Mars 1659, et ensuite par les évêques de Coutances, DE LESSEVILLE, le 25 avril 1661, et DE LOMÉNIE DE BRIENNE, le 16 juin 1670.

La dévotion au Saint-Sacrement allait devenir la dévotion toute particulière des habitants de Villedieu par l'établissement de la procession toujours célèbre du Grand-Sacre.

Les statuts de la Confrérie primaire approuvés par Paul III portent que les Confrères feront une procession tous les ans, avec la permission de l'Ordinaire, le premier vendredi après l'Octave de la Fête-Dieu. Les Directeur, Majors et Confrères de Villedieu demandèrent, le 3 février 1662, à leur Ordinaire, le Commandeur de Caillemer, alors présent au Manoir seigneurial, de les autoriser à faire une procession, la plus solennelle qui leur serait possible, en l'honneur du Saint Sacrement le dimanche dans l'Octave de la Fête-Dieu pour la plus grande commodité du peuple de ce bourg. — La permission fut accordée dès le surlendemain.

Le jour indiqué pour la procession ne parut sans doute pas favorable : le 24 Mai suivant, une nouvelle requête était adressée à l'évêque de Coutances, Eustache de Lesseville. Nous n'avons pas le texte de cette requête ; la réponse du prélat, en date du même jour, ne devrait nous laisser soupçonner d'autre motif de ce recours à son autorité pour une paroisse sur laquelle il n'avait aucune juridiction, que le désir de le voir exhorter ses diocésains, les curés voisins avec leur clergé et peuple à se joindre aux confrères et autres paroissiens de Villedieu pour la procession fixée, cette fois, au prochain dimanche d'après l'Octave de la Fête-Dieu, à l'issue des vêpres. Une indulgence de 40 jours était accordée à tous les fidèles de son diocèse qui s'y rendraient, et à tous ceux et celles qui s'acquitteraient de l'Adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement à leur tour, jour et heure qu'ils s'y seront volontairement obligez.

Un nouveau mandement du même évêque, du 9 mars 1665, confirmait la permission et autorisation qu'il avait accordées en 1662. Dans l'une et l'autre pièce, le prélat n'hésitait pas d'ailleurs à qualifier le bourg de Villedieu de paroisse de notre Diocèse.

Il fut imité en cela par son successeur François DE LOMÉNIE DE BRIENNE, lorsque, le 10 juin 1670, il accorda la confirmation de ladite Confrérie avec les Indulgences y accordées : — mandant aux Curés, Vicaires, Prêtres et peuples circonvoisins, qui sont de notre Diocèse, d'assister, à la manière accoutumée, à la Procession générale du Saint-Sacrement.

Il est vrai que cette confirmation était sollicitée au nom des Curé, Vicaire, Prestres, Bourgeois, Habitans, Confrères et associés à la Confrérie du Très Saint et Auguste Sacrement de l'Autel érigée en l'Église paroissiale du Bourg de Ville-Dieu lez Sauchevreul de notre Diocèse. Déjà, sans doute, le besoin d'échapper le plus possible à la juridiction spirituelle aussi bien que temporelle du Commandeur se faisait sentir aux vassaux de l'Ordre de Malte ; le XVIIIe siècle nous montrera les efforts successifs qu'ils feront dans ce but, jusqu'au jour où la Révolution, par la suppression de leurs derniers privilèges, les soumettra complètement au droit commun.

La PROCESSION DU GRAND-SACRE, comme on l'appelait, fut toujours célébrée à Villedieu avec la plus grande magnificence. Une lettre du mois de Juin 1767, citée dans le Journal d'un Touriste en Basse-Normandie, — publié par CAZIN à Vire en 1863, — nous en donnera une idée.

La description qu'on va lire offre un intérêt particulier par suite de cette circonstance que les processions avaient dû être interrompues depuis quatre ans à cause des maladies et de la misère des temps.

Je vous dirai d'abord qu'il y avait trois grands reposoirs, pour lesquels nous avons toutes travaillé pendant un mois, ce qui était bien amusant, parce qu'on riait et qu'on causait beaucoup.

Le plus beau reposoir était un Calvaire ; on y montait par une longue rampe couverte de sable, bordée de mousse et garnie d'arbres et de fleurs. En haut était un temple avec des colonnes où devait être Pilate qui devait condamner Jésus ; à côté était une croix où devait se faire le crucifiement ; mais cela n'a pas eu lieu à cause que Messieurs les commissaires — chargés de l'organisation de la fête — et M. le Curé on dit que ça ressemblerait trop à une parade de la foire.

Le second reposoir était un autel auprès d'un ermitage, au milieu d'un bois et de rochers d'où coulait une nappe d'eau dans un bassin où il y avait des canards. Malheureusement la provision d'eau n'était pas assez forte ; et quand la procession est arrivée, il n'y en avait plus. Dans une grotte on voyait un ermite qui a sonné sa cloche pendant la cérémonie ; autour de lui étaient des oiseaux et des animaux de toute espèce..., empaillés.

Le troisième reposoir était plus brillant. Il y avait considérablement de chandeliers, de chaises, de croix, de cœurs d'or et d'argent ; de magnifiques dentelles recouvraient tout l'autel.

Mon oncle disait à mon mari qui lui faisait admirer tout cela : On aurait de la peine à croire que Villedieu est dans la misère en voyant toutes ces richesses. A quoi mon mari répliqua ; Si elles sont là, c'est que nous ne trouvons pas à qui les vendre ; c'est que la misère est générale.

PAROISSE DE VILLEDIEU LES POELES

ORDRE ET MARCHE DU CORTÈGE AU SACRE DE LA PRÉSENTE ANNÉE 1767[12]

Deux Hallebardiers, avec casques et hallebardes :

Les deux clocheteux de la paroisse ;

Les Clocheteux des paroisses voisines venues avec leur clergé ;

Les pauvres de l'Hospice, chacun avec une aune de serge sur les épaules ;

Un suisse, avec justaucorps et haut-de-chausses rouges et une lance garnie de rubans (Perotte, dit le Beau, le plus grand du bourg) ;

Quatre violons ;

Les enfants des écoles ;

La Confrérie des Tanneurs, Mégissiers et Parcheminiers ;

La Confrérie des Poëliers et Batteurs de cuivre :

La Confrérie des Doreurs, Argenteurs, Étameurs ;

La Confrérie des Fondeurs ;

Chaque Confrérie escortant la statue de son Patron ;

Ces Confréries avec leurs Bannières, et chaque membre portant un cierge avec écusson ;

Huit Dentellières, en robes blanches et ceintures bleues, portant la statue de la Vierge couverte d'un grand voile de dentelle ;

Les Musiciens venus d'Avranches et de Vire ;

Les prêtres étrangers, les porte-chapes et les chantres sur deux rangs ;

Deux serpents ;

Au milieu, la Passion, précédée de saint Michel, avec un casque et une épée d'or ;

Notre-Seigneur portant sa Croix (le petit Béatrix) aidé par Simon (le petit Loyer Maisonneuve) ;

La Vierge (la petite Laurent) ;

Trois Compagnes de la Vierge (les petites Enguerrand, Viel et Besnou) :

Saint Jean avec son mouton (le petit Villain) ;

Six satellites avec casques d'or et lances ;

Un Ange avec des ailes conduisant Tobie (Cadet et le petit Vigla) ;

D'autres petits Anges avec des ailes et des couronnes de fleurs ;

Le Maître des Cérémonies (l'abbé Villain) ;

Les Thuriféraires au nombre de vingt ;

Le Dais porté par six Diacres ;

Les cordons seront portés par MM. le Syndic, le Procureur de Mgr le Commandeur, le Bailli et le Lieutenant, chacun une torche à la main ;

Derrière, le Trésorier et les Membres de la Fabrique, les notables habitants et les Officiers du Roy ;

Et quatre Hallebardiers pour arrêter la foule ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il en aurait bien fallu davantage ; car il y avait tant de monde, que la procession avait du mal à avancer.

C'était bien beau quand la rampe du Calvaire fut couverte de tous les prêtres et de tous les anges, et que les trompettes des musiciens jouèrent des fanfares, et les violons un air bien touchant au moment de la bénédiction.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Voici ce qu'on dit qui a été consommé pour la nourriture de tout ce monde, le dimanche et le lundi : 20 tonneaux de cidre, 40 veaux, 50 moutons, 200 canards et volailles, sans compter les provisions que les paysans des environs avaient apportées.

La Révolution ne devait interrompre ces cérémonies que pour quelques années ; aujourd'hui, comme au siècle précédent, le Grand-Sacre est la fête par excellence de Villedieu ; et toujours on y accourt de loin se joindre aux habitants et aux processions des paroisses voisines.

Un livre, autrefois très répandu à Villedieu, imprimé avec la permission de l'évêque de Coutances Loménie de Brienne, en date du 10 décembre 1672, la Confrérie du Très-Saint-Sacrement de l'Autel establie à Ville-Dieu, dans le diocèse de Coutances, peut donner une idée de la dévotion des habitants du bourg à cette époque. Nous nous contenterons de citer ici l'énumération des fêtes, réunions et exercices pieux recommandés aux Confrères du Saint-Sacrement[13].

Le Premier Jeudi de chaque mois. Messe solennelle et salut du Saint-Sacrement.

Le cinquième dimanche du mois appartient à la Confrérie.

Assistance aux solennités de l'Octave du Saint-Sacrement.

Le vendredi d'après l'Octave, service solennel avec trois messes hautes, fondé par M. Estienne Angeran, prêtre, pour les Confrères défunts, etc.

Le dimanche suivant, Messe du Saint-Sacrement exposé, avec Procession générale.

Le dimanche suivant, élection de deux nouveaux Majors, les anciens rendent leurs comptes ; choix d'un nouveau chapelain, s'il y a lieu.

Dévotions en diverses fêtes, et le ving-cinquième jour de chaque mois.

Adoration à certaines heures — et spécialement les jours gras.

Outre les exercices privés, on recommande aux confrères l'assistance aux Stations, Messes solennelles, Processions et Saluts du Saint-Sacrement.

Il y avait alors (1672) :

23 ou 24 stations.

44 ou 45 messes hautes, dont 23 ou 24 solennelles, du Saint-Sacrement.

60 saluts réglés au moins, outre les extraordinaires que chacun faisait chanter à sa dévotion.

7 ou 8 Processions du Saint-Sacrement.

Ordre... de la Station : La veille..., à l'issue des Complies, le Clergé chante le R. Homo quidam... — ce qui suppose que tous les jours le Clergé chantait au moins une partie de l'office.

Le 6 décembre, messe fondée par Gilles Le Monnier la Porte, au nom de défunte Colasse Le Pontois, sa première femme.

Le premier jeudi de Janvier, messe solennelle fondée par Gilles Vigla, Brurie.

14 Janvier, fête du Saint Nom de Jésus. Messe et salut fondés par feu François Engerran Mazurie et Suzanne Le Maistre, sa femme.

28 Janvier, solennité de Jésus, ou Feste des Grandeurs de Jésus. — Messe et salut fondés par vivants M. Thomas Danjou les Landes et Louise Sauvé, sa femme.

Salut de la Purification fondé par Antoine de Grimouville, escuyer, sieur de Villiers.

Premier jeudi de février, messe fondée par feu Jean Huard la Croix et Marie Mancel, sa femme.

Lundi de la Quinquagésime, messe fondée par Jacqueline Pitel.

Salut fondé par Jean Gilbert Laumondière.

Le mardi de la Quinquagésime, messe fondée par ledit Gilbert.

Premier Jeudi de mars. Messe fondée par ledit François Engerran Mazurie.

25 mars, salut fondé par M. Nicolas Gilbert, docteur médecin.

Fêle des cinq Plaies. — Messe et salut fondés par Jean Oblin.

Fête de la Compassion ou N.-D de Pitié fondée par feu Jean Huard la Croix et Marie Mancel sa femme. Salut fondé par Guillerine Huet et Pierre Potrel.

Dimanche des Rameaux. Salut fondé par Jeanne Phelipote.

Premier Jeudi d'avril. — Messe solennelle fondée par M. Pierre le Blanc, sieur des Monts, bailly de ce lieu, décédé.

Premier Jeudi de May. Messe fondée par feu François Engerran Mazurie.

3 mai — Invention de la Sainte Croix : — la fête n'est plus chômée — Messe solennelle (à 5 heures à cause de la foire) et salut par Maître Jean Sevaux Le Rocher.

9 mai — Translation de Saint-Nicolas (la confrérie de Saint-Nicolas existe depuis plus de 400 ans et fait chanter en ce jour 3 messes solennelles.)

Salut fondé par Gilles le Monnier la Porte, ut suprà.

25 mai. Messe et Litanies fondées par M. Nic. Gilbert de M.

Veille de la Fête-Dieu. Salut fondé par M. Pierre Le Blanc, sieur des Monts, bailly de ce lieu, décédé.

Lundi et mardi de la Fête-Dieu, on dit la Messe du Saint-Sacrement au lieu de la Messe des Trépassés, et celle de Saint-Roch et de Saint-Sébastien.

Seconde fête-Dieu. Procession générale.

(On ne suppose que 3 reposoirs.)

24 Juin, salut fondé par feu Jean Huard LaCroix.

29 Juin. Messe fondée par feu Gilles Dolley.

Premier Jeudi de juillet. — Messe fondée par feu François Engerran Mazurie.

26 Juillet. Sainte Anne, tutélaire de ce bourg, — Salut à l'autel de sainte Anne, par les confrères de Sainte-Anne.

Premier Jeudi d'août. Messe fondée par feu Guillemine Huet et Pierre Potrel.

6 août. Transfiguration. Messe fondée par feu Jean Gilbert. Salut fondé par défunte Jaqueline Pitel.

L'Assomption est titulaire de l'Église de ce lieu.

(La Confrérie du Rosaire a été établie plus anciennement que celle du Saint-Sacrement).

Octave. Messe et salut fondés par Maître Jean de Sevaux le Rocher.

Premier Jeudi de septembre, messe fondée par François Quentin Daginière et Maria Mallet.

8 septembre, salut fondé par les mêmes.

14 septembre. Messe solennelle de la Confrérie. Salut fondé par Guill. Huet et Pierre Potrel.

17 septembre. Grandeurs de la Très Sainte Vierge. — Messe et salut fondés par M. Nicolas Gilbert des Monts.

2 octobre. Saints Anges gardiens. — Messe solennelle. — Salut fondé par Engerran Mazurie.

Premier Jeudi d'octobre. Messe fondée par feu M. Desmonts, bailly.

Premier dimanche d'octobre. Solennité du Rosaire de la Sainte Vierge, où beaucoup de personnes communient.

25 octobre. Messe solennelle et Litanies du Saint Enfant Jésus, fondée par M. Nicolas Gilbert, Docteur.

Premier Jeudi de Novembre. — Messe fondée par feu Jean Huard la Croix.

(époque de la fête Saint-Hubert.)

21 novembre. Salut du Très-Saint-Sacrement.

Le vingt-cinquième jour de chaque mois, exercices comme dans la congrégation de l'Oratoire.

L'Idéal des confrères du Saint-Sacrement devait être de tendre à reproduire des fondations aussi complètes et nombreuses que dans plusieurs paroisses de la Ville de Paris.

 

Les Dominicains[14] du Mesnil-Garnier, appelés à Villedieu pour l'érection de la Confrérie du Saint-Sacrement, devaient bientôt y recruter des adeptes pour leur Tiers-Ordre. Les Registres de la Confrérie de Saint-Dominique, conservés au Presbytère, donnent la liste des frères et sœurs reçus dans la Fraternité. Les premiers furent admis dès 1688 ; cependant l'approbation de cet établissement ne fut donnée qu'en 1699 à l'occasion de l'élection du P. Jacques comme Provincial : Nous approuvons lestablissement de notre tiers ordre qui a este fait au bourg de Villedieu, et nous enjoignons au R. Prieur du Mesnil-Garnier de travailler avec soin à le conserver, à le maintenir et à laccroistre.

Le Majeur ou Maire de cette Confrérie avait le titre, usité dans le Tiers-Ordre, de Prieur, avec un Sous-Prieur pour le suppléer. Le registre de comptabilité nous fait connaître les noms de quelques-uns de ces prieurs. En 1784, DOMINIQUE BADIN est élu pour remplacer JEAN HAVARD, décédé. Le 16 octobre 1791, JEAN BAPTISTE HAVARD est élu, et donne bientôt sa démission, remplacé par GILLES FOUDERT. Les dernières recettes de la Confrérie sont de 1793, époque à laquelle s'arrêtent les Registres.

A côté du Tiers-Ordre de Saint Dominique se voyait le Tiers-Ordre de Saint-François érigé en 1686, où s'enrôlent, — nous dit le Manuscrit de Villedieu, — des laïques et des ecclésiastiques du lieu, dont ils sont élus prieurs tour à tour. On était admis à cette société par les Capucins d'Avranches, qui la transportèrent dans ce bourg à ce sujet, du consentement de M. le Curé.

 

 

 



[1] En reconnaissance de la mission prêchée pendant le carême de 1649, les Capucins de Vire furent priés d'accepter, de la part du Curé, prêtres et principaux bourgeois, un petit chaudron et une couverture à four et pâtes, d'une valeur de 8 l. 42 s., ainsi que deux chandeliers d'autel estimés 10 livres. (Compte paroissial de 1643-4).

[2] L. V. Ch. VI, n° 30.

[3] Cf. ce que nous avons dit au Chapitre II sur la juridiction spirituelle du Commandeur et de son Officiai. La Bulle de Paul V du 1er Juin 1560 reconnaissait aux Chapelains de l'Ordre de Malle le droit de confesser tous les membres et sujets de l'Ordre.

Il paraîtrait, par la coutume ici mentionnée, que les prêtres étrangers à l'Ordre demandaient les pouvoirs à l'évêque de Coutances : peut-être y a-t-il là simplement une marque de déférence les prétentions du prélat. Le Commandeur semble bien ne pas douter de son pouvoir d'Ordinaire.

[4] Le P. CLORIVIÈRE S. J., auteur d'une Vie du Bienheureux.

[5] M. Piédoye ajoute à ce passage du Manuscrit traditionnel la note suivante : Ce puits existe encore. A la Croix, la Révolution de 89 y substitua une pyramide en bois. Sous Napoléon Ier un aigle sur une colonne de granit provenant de l'abbaye de la Bloutière (la remplaça) ; enfin, une pompe avec imitation de la colonne Vendôme.

[6] Terrier de 1710.

[7] Voir au chapitre précédent l'art. 22 du même Règlement.

[8] Encore aujourd'hui (1853) appelée Messe Sainte-Anne, ajoute M. Piédoye.

[9] Voir la distinction de ces deux métiers au Chapitre XIII.

[10] Le Registre paroissial renferme l'histoire religieuse de Villedieu depuis la Révolution, composée par différents Curés ou ecclésiastiques d'après leurs souvenirs personnels ou les relations des témoins oculaires. Nous aurons à le citer plus d'une fois dans notre seconde partie.

[11] On sait que cet Ordre, fondé en 1209 par les saints Félix de Valois et Jean de Matha, se vouait à la délivrance des Chrétiens captifs des mahométans. Lorsque les ressources manquaient aux religieux pour racheter les prisonniers, leurs vœux les obligeaient à prendre eux-mêmes la place des malheureux qu'ils désiraient sauver.

[12] Six Commissaires avaient été désignés pour organiser la cérémonie ; ce qu'ils avaient réglé fut exécuté ponctuellement : c'étaient MM. De la Hague, Havard, Gautier, Laurent, Pitel et Lemonnier du Gage.

[13] Nous devons l'analyse de ce livre à M. l'abbé Mauviel, Supérieur du Grand Séminaire de Nantes, qui a bien voulu d'ailleurs nous aider de ses judicieux conseils dans tout notre travail.

[14] Déjà, en 1625, les Pères du Mesnil-Garnier, prédicateurs de l'Avent à Villedieu, sont logés à l'Hôtel du Dauphin (Compte de 1625-6).