VILLEDIEU-LES-POËLES, SA COMMANDERIE, SA BOURGEOISIE, SES MÉTIERS

PREMIÈRE PARTIE. — L'ANCIEN RÉGIME

 

CHAPITRE V. — DÉVELOPPEMENT DES STATUTS DES POËLIERS.

 

 

Nouveaux articles rédigés (1406). — Consultation des Poëliers de Rouen : ils ajoutent un article. — Approbation de Charles VI (1407). — Addition de plusieurs articles confirmée par le Roi (juillet 1408). — Dispersion des Poëliers à la suite des guerres ; centralisation du métier : Gardes et Assemblées générales ; Règlements généraux approuvés par Charles VII (1434), confirmés par Louis XI (1481). — Assemblée de Châtellerault (1490).

 

La paix dont on jouissait en Normandie, loin des intrigues de cour qui allaient déchaîner, à brève échéance, de nouveaux malheurs sur la France, permit de réparer un peu les ruines de la guerre. Les Poëliers de Villedieu s'étaient trouvés en rapport avec les Poëliers des autres villes, soit par raison de commerce, soit peut-être-par l'obligation de chercher quelque temps un refuge contre les maux qui les menaçaient. Ils mirent à profit les observations qu'ils avaient pu faire sur les différences de Règlements qu'ils avaient rencontrées. De plus, il leur sembla qu'une union entre les Poëliers des diverses villes du Royaume, avec l'appui moral que lui donnerait l'approbation royale, serait une garantie contre le retour de semblables désastres.

Leurs premiers Statuts n'avaient reçu que la sanction de la Justice de la Commanderie. Il fallait, pour arriver à leurs fins, en obtenir la confirmation du monarque, tout en soumettant à son approbation les articles additionnels dont ils sentaient la nécessité. En conséquence, le mardi 4 mars 1406 (vieux style, soit 1407), ils se réunirent[1] au nombre de trente-quatre devant le Bailly de Villedieu, Raoul Roillart, pour lui demander de consigner par écrit, avec les premiers Statuts, les nouvelles Ordonnances qu'ils désiraient y ajouter pour le bien, honneur et prouffit dudit Mestier, et aussi de la chose publique, et pour eschever[2] plusieurs maulx et fraudes qui pourroient estre faictes et commises... s'il plaist au Roy nostre Sire, à Monsieur le Grant Prieur de France de la Sainte Maison de l'Hospital de Saint-Jehan de Jérusalem et à Monsieur le Commandeur dudit lieu de Villedieu, leur octroyer et confermer.

Deux délégués, Colin de Rennes — Raynes — et Rogier Leroy, se chargèrent de porter le tout au Bailly de Rouen, Jean Davy, sieur de Saint-Péravy — Chevalier, Conseiller du Roy — et de le prier de consulter les Gardes, Maîtres et Ouvriers de cette ville sur la teneur du projet. Leur avis fut entièrement favorable : ils avaient eux-mêmes à peu près les mêmes Statuts ; ils se contentèrent de demander l'addition d'un article dont ils avaient accoutumé à user à Rouen :

C'est assavoir que nul ne puisse fondre forge sur forge.

Les Lettres du Bailly de Villedieu, ainsi confirmées par celui de Rouen le 18 avril 1407, purent être présentées au Roi Charles VI, qui les loua, ratifia, approuva et confirma de sa grâce spéciale au mois d'avril après Pâques de la même année, par Lettres datées de Paris et revêtues de son sceau.

Les nouveaux articles avaient pour but, tout en rendant possible l'établissement des Poëliers dans toutes les villes marchandes du royaume, de réprimer les fraudes par l'obligation de se soumettre partout aux mêmes règlements sous la surveillance des Gardes jurés auprès des tribunaux. La garantie contre la concurrence étrangère et la protection des familles des anciens Poëliers se trouvent de plus en plus assurées :

Premièrement. Que pour ce que audit Mestier appartient ta cognoissance de fondre, battre et recuire tout airain quelconque, par quoy les Maistres et Ouvriers dudit métier peuvent avoir greigneure[3] cognoissance sur le faict du monnoyer que aultres, et ont, en leurs mestiers plusieurs outils nécessaires pour icellui fait, par quoi est ordonné que ledit mestier ne soit faict ne mené, fors seullement às bonnes villes accoustumées et merchendes et où il s'assemble foires et Marchés, sur peine de vingt livres d'amende à lever par la justice toutes foys qu'ils seront trouvés faisans le contraire, qui en fera telle courtoisie au Trésor de leur frairie comme il lui plaira pour convertir ès usaiges dont en la copie dessus transcripte est faicte mencion.

II. Item. Que ne pourront faire ne ouvrer dudit Mestier en aucune ville qu'il ne y ait quatre Gardes de la nation du Mestier, c'est assavoir deux Maistres et deux Varlets jurez par devant la justice du lieu, tant pour dénoncer à la justice les fraudes et malices qu'ils pourroient appercevoir audi Mestier ou en l'euvre d'icellui, que pour faire et accomplir les autres points contenus en leurs ordonnances, comme il est accoustumé en ladite ville de Villedieu et aussi en la ville de Rouen.

II. Item. Que aucun ne soit mis à apprendre à ouvrer du martel à une main audit Mestier, jusques à ce qu'il ait duement enseigné[4] par devers la Justice de la ville, en la présence des Gardes, que il soit de la droicte ligne audit Mestier, né en loyal mariage, sous peine de dix livres tournois d'amende a lever sur le Maistre qui seroit trouvé faisant le contraire.

III. Item. Que nul ne soit reçu ne souffert estre Maistres dudit Mestier, s'il n'est natif du Royaume de France, de la propre ligne dudit Mestier, c'est assavoir fils de Maistre, ou fils de fils ou de propre fille de Maistre, et qu'il ne soit suspectionné d'aucun mauvais vice ou reproche et aussi qu'il ait ouvré audit Mestier par l'espace de dix ans ou plus, pour ce que en plus bref temps aucun ne peut apprendre ledit Mestier pour ouvrer de Maistrise souffisant.

V. Item. Que aucun ne soit receu à estre Maistre dudit Mestier jusques à ce qu'il ne soit aagé de vingt-deux ans ou plus.

VI. Item. Aucun qui eust ou ait cause d'estre Maistre audit Mestier par la manière dessus dite, n'eust ou n'ait pas la puissance, ou n'eust veu ne voye mye son prouffit à prendre ou lever Maistrise audit Mestier, les enfants mâles qui istront ou sont issus proprement de lui ou de sa propre fille auront ainsi grant liberté audit Mestier comme s'il avait esté Maistre.

VII. Item. Que s'aucun vient pour être Maistre de nouvel audit Mestier, se il est filz de Maistre, il paiera cent solz tournois audit Trésor de leur Mestier pour et au lieu de xl solz contenus esdites lettres ; et se il n'est fils de Maistre, il paiera dix livres tournois pour et au lieu de lx solz déclairés en icelles, lesquels seront convertis par les gardes aux usaiges accoustumés par leurs dites Lettres.

VIII Item. Que aucune vieille œuvre ne soit réparée ne mise en état de neufve, ne aucun ouvraige ne soit faict de la dite vieille œuvre sans refondre en aucun ouvrouer de batterie où l'on fera fonte et ouvraige neuf pour lors, sous peine de cent solz tournois d'amende pour chascune foys qu'il sera trouvé en faucte à lever par la justice, qui en fera telle courtoisie audit trésor comme il lui plaira.

IX. Que aucun ouvrage neuf dudit Mestier ne soit aucunement vendu en détail, sinon aux foires et aux marchiez ou ès villes coutumières et marchandes, ou ès lieux où les vendeurs soient demourans résidans sous peine de dix livres tournois d'amende à lever pour chascune foiz sur chascun vendeur qui sera trouvé faisant le contraire.

Lesquelles choses dessusdites et chacune d'icelles lesdits Maistres dudit Mestier de Paeslerie, tant pour eux que pour leurs prédécesseurs[5] Ouvriers dudit Mestier, pour le bien, prouffit et utilité d'icellui se sont consentiz et accordez de tenir, entretenir et accomplir les choses dessus dites et chascune d'icelles sans enfreindre, sous la cauption et obligation de tous leurs biens, meubles et héritaiges.

 

La perfection n'était pas encore obtenue. Dès l'année suivante, une nouvelle rédaction est proposée par les Poëliers. Le 16 juillet 1408, ils la consignent en présence du Vicomte de Villedieu, Roger Faucon, et chargent de nouveaux procureurs d'aller en demander confirmation à la Cour. La réponse ne se fait pas attendre : le 26 juillet, des Lettres royaux déférent à leurs instances. Nous donnerons la missive de Roger Faucon qui fut présentée au Roi et transcrite dans les Lettres d'approbation :

A tous ceux qui ces Lettres verront ou orront, ROGER FAUCON, Viconte de Villedieu de Saulchevreul, Salut.

Savoir faisons que, audit lieu de Villedieu, devant nous furent présents en leurs personnes : C'est assavoir COLIN DE RENNES, ROBIN VITRON, JEHAN DAVY l'esné, JEHAN DAVY le jeune, JEHAN CERCEL, GUILLAUME SAUVAIGE, ROBIN VITRON, BERTHELIN LE MOR cadet, JOSEPH COLIN DE CERVILLE, FRANCHIN DAVID, JAQUET DE FESCAMP, DENYS NAVET, GUILLAUME DE RUCOURT, JEHAN LEROY, JEHAN LE PAESLIER l'esné, THOMAS LE PAESLIER, GUILLAUME PICAULT, PERROT CERCEL, RAOUL CERCEL, GUILLAUME GAULTIER, JACQUET LE PAESLIER, ROBIN BLOUET, GUILLAUME DE FESCAMP, ROBIN DE CERVILLE, THOMAS JACQUEMIN, THOMAS LE POTIER, JEHAN PICAULT, DENYS PICAULT, JEHAN, LE PAESLIER le jeune, JAQUET JOSEPH, COLIN CHAMPAIGNE, ROBIN CHAMPAIGNE, ROGIER LEROY, JEHAN MOCTEREUL, tous Maistres et Ouvriers au Mestier, art et science du Mestier et euvre de Paeslerie, lesquels, de leur bonne voulenté franches, sans aucunes contrainctes, par bonne et meure delibéracion et adviz, et d'un commun assentement et voulenté, firent, ordonnèrent, constituèrent, commisrent, adviserent et establyrent leurs Procureurs généraux et certains Messagiers especiaulx, c'est assavoir AUDRY THOMAS, JEHAN et GAUTIER dicts du GRIPPON, eulx et chacun d'eulx portans ces Lettres pour requérir au Roy nostre Sire, à sa Court et en son noble Conseil et où Mestier sera, correction et adjoustement en certaines Lettres par eulx obtenues de la Court du Roy, nostre Sire, sur le fait des Ordonnances dudit Mestier, c'est assavoir, en ung article contenu esdites qui contient que on n'ouvrera point en nul tems audit Mestier de martel de nuys, que d'abondant, il y soit mist et adjousté, sinon en temps qu'ils fondent leurs forges, qu'ils pourront férir du martel pour caller la forme de leurs dites paesles et ouvraiges, quand ils fondront leurs forges, car icelles fonteurs, puisqu'ils sont encommencés, ils se font la nuyt comme le jour, et convient tauler la forme de leurs dites paesles et ouvraiges, ainsi qu'ils les fondent les ungs après les aultres pour remectre les tailleures et rogneures à leurs fontes, et convient qu'ils fassent leurs dites fontes puisqu'ils sont encommencées, la nuyt comme le jour ; car s'il estoit ainsy qu'ils cessassent la nuyt, leur foyer et fournaise reffroydiroit tellement que leur forge seroit perdue, et seroit à leur très grand dommage et préjudice et du bien publicque.

Item. En ung autre article qui contient que nul ne puisse fondre forge sur forge, que pour ce mot fondre soit mis ce mot ouvrer pour correction ; et, avec ce, qu'il soit mis et adjousté esdites Lettres qu'ils ne pourront ouvrer de la forge et fonte dernière fondu jusques à ce que l'autre forge précédente soit faicte et accomplie de martel, au moins jusques auprès d'un cent de livres d'ouvraiges dudit Mestier.

Item. Aussi que en leurs dictes Lectres soit mis et adjousté la teneur de la procuracion passée par lesdits Maistres de Paeslerie qu'ilz firent pour requérir les Lectres données du Roy, nostre Sire, afin qu'il soyt mémoire perpétuelle de ce que fust à leur requeste et pourchaz[6].

Et donnèrent et octroyèrent lesditz constituanz pouoir et autorité à leursdilz Procureurs et à cbascun d'eulx pour faire et besongner sur ce que dit est, ainsi comme ils feroient ou pourraient faire se presens y estaient en leurs personnes. Et quant à toutes les choses dessusdictes et chascune d'elles, lesdits constituans ont obligé et obligent tous les biens dudit Mestier à eulx appartenans en ladite ville et tous leurs biens meubles et héritaiges présens et advenirs ou quels qu'ilz soient.

Ce fut fait en la présence de GUILLAUME ROGER et de GIEFFROY LE GRAS, donnés pour tesmoings de ce, soubz le Grant Scel aux causes de ladite Vicomté, le seizième jour de Juillet, l'An de Grâce mil CCCC et huit.

Ainsi signé : R. CERCELGratis.

 

Il serait, intéressant de rapprocher de ces Statuts de 1407 et 1408 confirmés aux Poëliers de Villedieu, les Règlements approuvés pour les Poëliers de Rouen le 23 avril 1408[7], et pour les Chaudronniers de Paris le 12 octobre 1420[8]. Les mêmes dispositions générales s'y retrouvent ; les rédacteurs ont dû certainement s'inspirer les uns des autres, et l'on comprend le désir des Maîtres de Villedieu de voir affirmer dans leur dernière demande que ce fust à leur requeste et pourchaz que ces Statuts leur furent accordés.

Cependant, la défaite d'Azincourt (1415) ne tarda pas à ramener les Anglais en Normandie : ils ne devaient l'évacuer définitivement qu'en 1450. Les émigrations se produisirent nombreuses vers les parties du royaume restées fidèles à Charles VII. Les Poëliers ainsi dispersés s'adressèrent au monarque pour obtenir l'approbation des nouveaux Règlements.

Les Statuts précédemment approuvés leur permettraient déjà de s'établir en toute sécurité, par toute la France, et de fonder dans leurs nouvelles résidences des Confréries jouissant des mêmes avantages, que celle de Villedieu. Ce qu'ils cherchent maintenant, c'est l'union de toutes ces corporations séparées dans un seul Corps reconnu par le Roi, avec une réglementation et des privilèges uniformes.

La protection royale demandée pour cette tentative de centralisation devait nécessairement entraîner le paiement d'un subside aux finances si malheureuses de Charles VII. Les privilèges purent s'augmenter, mais l'indépendance se trouva amoindrie. La rédaction des Lettres d'approbation données à Poitiers le 22 novembre 1434, laisse voir le peu de confiance que le monarque avait encore à cet époque dans le succès de sa cause, malgré la protection divine dont la mission de Jeanne d'Arc avait dû lui fournir un gage si précieux. Elles étaient accordées, disait-il, à l'occasion du défaut de certains articles dont l'omission se faisait sentir dans les Règlements précédents, mais aussi à l'occasion de la dispersion et de la désagrégation desdits Maîtres et Ouvriers survenues à la suite des guerres et des dissensions qui se poursuivaient dans les diverses parties de notre royaume et obédience, se poursuivent de jour en jour, et vraisemblablement semblent devoir se poursuivre à l'avenir. Voici la teneur du nouveau Règlement :

I. A esté advisé et accordé par lesdits Maistres et Ouvriers dudit Mestier de Paeslerie que icellui Mestier de Paeslerie sera prins et tenu comme corps et collège licite et approuvé et les Maistres, Ouvriers et autres gens d'icellui Mestier pourront faire et avoir Bourse commune pour faire la poursuite et conduite des besongnes et négoces nécessaires et pronffitables pour faict dudit Mestier.

II. Item. Que tant par les Maistres et Ouvriers dudit Mestier de Paeslerie, lesquels souloient demourer et résider audit lieu de la Villedieu de Saulchevrel, comme par ceulz des bonnes villes de nostre Royaume et obéyssance, ou la plus grant et saine partie d'iceulx sera eslu un Garde général, lequel, après qu'il aura esté présenté par lesdits Maistres aux Officiers royaulx plus prochains de l'habitation et domicilie dudit Garde ainsy eslu, et qu'il aura fait le serment en leurs mains de bien et loyalement exercer ledit office de Visiteur, aura la visitacion sur les gens d'icellui Mestier, et pourra faire corriger et punir les deffaulx, vices et mauvaisetez commises audit Mestier par les plus prouchains juges des lieux ; et se feront lesdites visites dudit Garde sur la Bourse Commune et aux despens d'icelle.

III. Item. Et seront les Maistres dudit Meslier tous tenus d'eulx présenter et comparoir en personnes à l'assemblée par ledit Général Visiteur chacun an ordonnée par devant lui, à la peine de dix livres tournois, moictié à appliquer au Roy, et moictié à la Bourse commune dudit Mestier ; lesquelles dix livres se lèveront sur chaque Maistre défaillant à ladite Assemblée, s'il n'y a sur ce excusation légitime, auquel cas il sera tenu d'envoyer procureur souffisant, fondé du pouvoir de traicter, accorder les Ordonnances et Statuts, délibérer et conclure à ladite Assemblée.

IV. Item. Que des deffaulx et abus commis audit Mestier auront la congnaissance les plus prouchains juges des lieux où auront esté commis iceulx deffaulx et abus.

V. Item. Que ledit Garde Général pourra commectre lieutenant à chascun pays, Duchié et Comté ou Province dir Royaume, lesquels Lieuxtenants auront puissance et faculté de visiter sur les Maistres et Ouvriers dudit Mestier et sur leurs marchandises, et aussi sur les marchans estant ès villes, pays et provinces où ils seront commis ; et pour faire ladite Visitation audit Mestier ledit Garde ou ses lieutenans prendront sur chascun Maistre dudit Mestier tenant batterie 20 solz pour chacun an, et sur chascun marchant vendant paesles portans à cheval 10 solz tournois et sur chascun marchant portant a col 5 solz tournois.

VI. Item. Que le Varlet qui vouldra ouvrer de marteau à une main ne le puisse faire sinon que premièrement il ait dument enseigné et monstré en la présence de la plus grant et saine partie des Maistres qui sont demourans en la ville où il voudra exercer ledit mestier qu'il soit de droicte ligne et né en loyal mariage, et que cellui qui fera le contraire encourra les peines de dix livres à appliquer comme dessus, de laquelle amende le Maistre de la batterie où il aura apprins et ouvré dudit marteau paiera les deux parts et ledit varlet la tierce partie.

VII. Item. Que aucun Maistre ne pourra ouvrer sur la forge nouvelle fondue jusques à ce que la forge précédente soit preste de martel, jusques à cent livres de paesles près la forge ensuivant, à la peine de dix livres à appliquer comme dessus.

VIII. Item. Que tout ouvrage soit fait de compte, de poix, de mesure et de façon, c'est assavoir au poix de marc où l'on pèse l'argent et à la mesure où l'on a accoustumé de faire le bon ouvrage de paeslerie, et de la façon ; et que si aucun est trouvé portant marchandise et ouvraige de paeslerie qui ne soit bien et duement apréciée de poix, de mesure et de façon comme dit est dessus, il l'amendera à l'ordonnance de justice.

IX. Item. Que l'ouvraige fait ès bonnes villes de ce Royaume et qui sera exposé en vente par les Maistres et marchants audit Mestier, soit vendu et délivré avant celui qui viendra hors ledit Royaume et que, se aucun venoit faire à l'encontre, qu'il encoure les peines de dix livres à appliquer comme dessus.

X. Item. Que nul ne soit mis en office de fondre ne de souder sinon qu'il soit filz de Maistre, ou filz de filz de Mais-ire ou fille de Maistre, et que la maistrisc lui soit deue et lui appartienne, a la peine de dix livres à appliquer comme dit est dessus.

XI. Item, A été advisé que nul Maistre ne puisse accompaigner[9] avec lui à exercer le fait de maistrise, sinon le père et le fils, et le frère avecques le frère en l'âge de xxj ans, et conditions déclairées plus à plain ès articles ci-dessus ditz, contenus ès lettres dessusdites insérées, et sans fraude ne malice y trouver, à la peine de dix livres tournois à lever sur cellui qui sera trouvé faisant le contraire, à appliquer comme dessus.

XII. Item. Que en toutes et chascune les amendes et forfaitures qui, par le moyen et pourchaz dudit Garde général et de ses Lieuxtenans, viendront et ystront[10] des abus et infractions des Ordonnances dessusdites, tant anciennes que nouvelles, lesdits Maistres et Ouvriers prendront et auront pour mettre en leur Trésor ou Bourse commune la moictié, actendu que, comme dit est, la visitacion doit être faicte à leurs dépens ; et, au regard de Vautre moitié, elle viendra au prouffit du Roy.

 

Les Lettres de Charles VII furent confirmées ainsi que les précédentes, par Louis XI, à Plessiz-du-Parc, le 2 septembre 1481.

Les Articles concernant les Assemblées générales et les fonctions de Gardes du Métier furent observés fidèlement : une copie du 24 septembre 1686, conservée à la Mairie de Villedieu[11] nous donne le récit d'une de ces Assemblées tenue à Châtellerault le 23 juillet 1490. Nous la reproduirons dans l'appendice. Certains développements pourront intéresser les connaisseurs ès science et art de paeslerie. Quelques Articles nouvellement adoptés nous montreront la tendance persévérante à soulager, à l'aide de la Bourse commune, les misères que la prévoyance la mieux calculée ne saurait conjurer. Citons la clause suivante comme exemple :

A été ordonné et apointé que chacun desdits Maîtres paira, par chacune semaine, deux deniers tournois au profit de ladite Confrairie, comme ils ont accoutumé, pour en estre distribué, ainsv qu'il a esté autrefois ordonné et dit par lesdits Statuts, c'est à sçavoir pour marier les pauvres femmes vefves, et pour nourrir les pauvres orphelines de la nation dudit Mestier. Et, semblablement, chacun Valet et Compagnon baillera, à la fin de chacune semaine, deux deniers à son Maître pour appliquer comme dessus.

La nécessité de réunir divers documents concernant les Poëliers ne nous a permis que d'indiquer simplement les événements malheureux au milieu desquels plusieurs de ces pièces ont été élaborées. Avant de revenir sur la seconde période de la guerre de Cent Ans, citons ces quelques vers extraits d'un poème intitulé : De Miseriis guerre Anglorum et utilitatibus pacis eorum. — Des misères de la Guerre des Anglais, et des avantages de la paix avec eux. Cet ouvrage est conservé parmi les Manuscrits latins de la Bibliothèque Nationale (N° 10. 923) ; nous en devons l'indication à la bienveillance de M. Léopold Delisle.

Larceroli cuprum dabit Anglia, Francia ferrum.

Lamina perigneum solidabit enea stannum ;

Istud Villadei, cornubia destinat illud

Mons Pamâdus, ubi mineralia tot preciosa

Argenti, plumbi, stanni, fodiuntur, et auri.

(L'Angleterre donnera le cuivre de Larcerol, et la France le fer. La lame d'airain consolidera l'étain embrasé ; Villedieu destine le premier métal, le second est réservé par le mont Pamadus de Cornouailles, où sont extraits tant de minéraux précieux d'argent, de plomb, d'étain et d'or).

A la date de 1476, où ils furent écrits, ces vers pouvaient célébrer la concorde entre les deux nations ; mais c'était grâce à l'or, autant qu'à l'astuce, dont Louis XI avait fait usage pour amener, l'année précédente, le roi d'Angleterre Edouard IV à signer le traité de Picquigny. Ces armes n'avaient pas suffi à Charles VII pour bouter les Anglais hors de France.

 

 

 



[1] On trouvera leurs noms dans les Lettres publiées in-extenso dans l'Appendice.

[2] Éviter.

[3] Plus grande.

[4] Montré, fait connaître.

[5] Ou plutôt successeurs.

[6] Sollicitation.

[7] Voir Ordonnances des Rois de France, T. IX, p. 313.

[8] Ordonnances des Rois de France, T. XIX, p. 434, ainsi que les Confirmations successives par Charles VIII, en septembre 1484 (Ibid.) et par Louis XII, en avril 1514 (T. XXI).

[9] S'associer, se mettre en société.

[10] Sortiront, seront issus.

[11] HH. 2.