VILLEDIEU-LES-POËLES, SA COMMANDERIE, SA BOURGEOISIE, SES MÉTIERS

PREMIÈRE PARTIE. — L'ANCIEN RÉGIME

 

CHAPITRE PREMIER. — LES ORIGINES.

 

 

La tradition primitive. — Le nom de Villedieu. — Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. — Leur établissement à Villedieu sous Henri Ier roi d'Angleterre. — Les religieuses de Saint-Désir de Lisieux et leurs possessions de Saultchevreuil. — Fondations en faveur de la Commanderie : Richard de Grisey. — Les Moulins d'Agneaulx. — Les biens des Templiers de Valcanville. — Fiefs de la Commanderie en dehors de Villedieu.

 

Lorsque le train de Paris à Granville a franchi les collines qui servent de limites à la vallée ravissante de la Vire, le voyageur ne tarde pas à découvrir à droite de nouveaux horizons non moins dignes de captiver ses regards. La petite rivière de Sienne, sortie de la forêt de Saint-Sever, coule devant lui au fond d'une vallée encaissée par de riants coteaux, où le feuillage des grands arbres s'unit harmonieusement aux couleurs variées des moissons et des pâturages. Bientôt il aperçoit la tour d'une église, près de laquelle se dessinent de nombreuses habitations qui semblent tomber doucement des hauteurs environnantes : c'est la petite ville de Villedieu-les-Poëles, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Avranches.

Peu de localités en Basse-Normandie ont acquis une célébrité capable de rivaliser avec le renom de Villedieu.

L'industrie de ses Poëliers n'a pas été la seule cause de cette popularité : les privilèges nombreux dont jouissaient ses habitants sous le gouvernement des Chevaliers de Malte étaient bien faits pour exciter l'envie des populations d'alentour. Les hommes célèbres qui lui doivent leur origine, l'organisation si chrétienne et si charitable de ses corporations, sont des titres qui devraient désigner cette ville à l'imitation encore plus qu'à l'admiration de ses voisins.

La tradition[1] l'apporte que Villedieu portait avant le XIe siècle le nom de Siennêtre, de la rivière de Sienne qui la traverse. Un château, appelé Boucan dans d'anciens titres de la commune[2], était situé près de l'emplacement actuel de l'église. Quelques maisons, servant d'hôtelleries aux voyageurs composaient sans doute toute la bourgade.

Le nom actuel de Villedieu se retrouve fréquemment en France donné à des localités où les Frères Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem avaient installé une de leurs Commanderies : ils trouvaient très naturel de désigner ainsi les maisons dont ils ne devaient se servir que pour la gloire de Dieu, comme les chrétiens du Moyen Age appelaient Maison-Dieu ou Hôtel-Dieu la demeure réservée aux pauvres.

L'ordre des Frères Hospitaliers, né en Terre-Sainte à l'époque voisine des Croisades, peut-être même, suivant l'opinion aujourd'hui plus commune, à la suite de la première Croisade, avait pour but de veiller sur les pèlerins qui se rendaient aux Lieux Saints, de les héberger, et de les défendre au besoin contre les infidèles. La nécessité de remplir ce rôle de défenseurs des chrétiens en l'absence des croisés d'Occident, fit prendre à ces religieux des habitudes militaires : ils furent à la fois chevaliers et religieux. Leur règle, consacrée par l'autorité du souverain Pontife Pascal II, en 1113[3], et de ses quatre successeurs, reconnaît plusieurs classes parmi eux : les chevaliers, les prêtres ou chapelains, et les frères servants. Les premiers seuls, avec les servants d'armes, aidés par des chevaliers non religieux désignés sous le non de donnés ou donats, s'occupaient des affaires militaires ; les autres restaient dans les attributions exclusives d'hospitaliers.

La reconnaissance des rois et des seigneurs d'Occident pour les services rendus à la chrétienté par un Ordre d'ailleurs composé de leurs meilleurs sujets ou de leurs proches parents, les amena à lui donner, pour assurer la permanence de ses bienfaits, des biens considérables dans leurs propres domaines. Les rois d'Angleterre et ducs de Normandie furent des premiers à faire en sa faveur des fondations enrichies des privilèges les plus étendus.

Parmi les établissements les plus anciens, la Commanderie de Villedieu lès Saultchevreuil peut figurer au premier rang[4]. Guillaume, moine de Jumièges, écrivain du XIIe siècle, attribue son origine à la libéralité du roi Henri Ier d'Angleterre.

Après avoir parlé (au 8e livre, chap. 32) de la mort de ce monarque arrivée en 1135, il rapporte quelques-unes des fondations religieuses dont on lui fut redevable[5] : L'Hôpital de Jérusalem reçut lui, dans le territoire d'Avranches, une terre où ces serviteurs du Christ bâtirent un bourg appelé Villedieu, muni avec une royale magnificence de grands privilèges.

L'établissement d'une maison de l'Hôpital à Villedieu est certainement antérieure à 1147, puisqu'il cette date nous voyons les Frères recevoir l'autorisation[6] de tenir un marché le mardi, à condition que l'abbesse et les religieuses de Notre-Dame de Lisieux jouiront de la moitié des droits, et qu'elles partageront également avec les Hospitaliers les droits du marché de Saultchevreuil au sujet desquels ils étaient en discord.

Pour expliquer la portée de cette décision, il importe de rapporter ici une partie de la Charte de fondation de l'Abbaye de Notre-Dame de Lisieux : Guillaume Ier, comte — il ne signe pas encore roi d'Angleterre — confirme les donations de Hugues, évêque de Lisieux, et de sa mère Lesceline aux religieuses, et entre autres celle[7] de la terre de Saultchevreuil, du bourg et du marché, de l'église avec ses décimes, du moulin avec le bois ; de même il concède la paroisse de cette même église depuis le partage de la rivière jusqu'aux limites de la Leuga, outre les dîmes des fruits ; de plus une terre de deux acres en propriété, et tout le bourg depuis la division du pont ; ainsi que tous les revenus qui en proviennent ; une vigne et un petit bois, avec les dîmes de tous les moulins de toute la Leuga[8], une ancienne vigne enfin, avec le bois adjacent au-dessus.

Cette Charte, antérieure à la conquête de l'Angleterre, et cependant postérieure au commencement de l'épiscopat de Hugues de Lisieux (1050) doit être de 1060 ou environ.

La Charte de 1147 fut confirmée par une autre[9] de Henri II, roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Aquitaine (Caen 1172), qui s'en rapporte au témoignage de la lettre de son père Geoffroy Plantagenet.

Deux siècles plus tard, de nouvelles difficultés entre les deux communautés amèneront Philippe VI, roi de France et de Navarre, comte d'Evreux, a donner un mandement[10], ou lettres royaux (13 février 1338), en vertu duquel il accordait à l'abbesse et couvent de N.-D. de Lisieux le droit, dont elles jouissaient précédemment, de percevoir la moitié des coutumes de Villedieu et de Sault-chevreuil en commun avec les Hospitaliers dudit lieu. — Il ajoute que, s'il arrivait que ces derniers s'y opposassent, ils seraient tenus envers les moniales au paiement d'une somme d'argent double de celle desdites coutumes qu'ils auraient retenue injustement.

Nous trouverons plus loin un procès assez long entre les mêmes religieux au XVIe siècle. Le dossier, qui fait parti du fonds non encore catalogué de l'Abbaye de Saint-Désir de Lisieux, nous a d'ailleurs été d'une grande utilité pour les renseignements qu'il contient sur la situation de la Commanderie à cette époque.

Les Archives Nationales conservent les titres des possessions des différentes Commanderies du Grand Prieuré de France. Voici l'indication de ceux qui concernent la Commanderie de Villedieu de Saultchevreuil (S. 5057).

Le premier, daté de 1185, dans la Chapelle de Saint-Blaise, à Villedieu de Saultchevreuil (de Saltu Capreoli), est un acte par lequel RICHARD DE GRISEY (de Griseio), donné de l'Hôpital, pour le salut de son âme et de tous ses ancêtres, abandonne à l'Hôpital de Jérusalem tous ses châteaux (castella) avec ses terres d'acquêts ou d'héritages présents ou à venir, à condition que, sa vie durant, il tiendra toutes ces terres de l'Hôpital au cens de 5 sols par an. — Fait par le conseil et avec l'assistance de frère ANSEL DE CORBEIL, prieur de France et de Normandie, entre les mains de frère Bernard, gardien aumônier du Saint-Hôpital de Jérusalem à Villedieu.

Nous voyons par cette pièce l'organisation de l'Hôpital à cette époque. Déjà un Prieur est chargé du gouvernement général d'une province de l'Ordre, et chaque maison est placée sous la direction d'un gardien ou aumônier qui prendra plus tard le titre de Commandeur. C'est une faveur pour certains prêtres ou fidèles que d'être admis parmi les Hospitaliers, et tout au moins d'être reçus comme pensionnaires dans une de leurs maisons sous le nom de Donné.

Le même Richard de Grisey, quelques années après, sollicitait la première de ces faveurs après avoir joui de la seconde : en renouvelant la donation précédente de tous ses biens à l'Hôpital, il y ajoute celle de son âme et de son corps, à condition que, donné des Frères, il deviendra lui-même frère quand il leur plaira.

Une troisième pièce, datée par erreur de 1123, et qui est sans doute de 1193, à en juger par les noms des témoins identiques à ceux qui sont cités dans les autres actes de cette époque, est une confirmation de la donation par le frère Grisey de toutes ses acquisitions postérieures à sa première fondation. En voici l'énumération : Un manoir situé près de Coutances, qu'il tenait de Hugues de Saint-Planchers, avec toutes ses dépendances ; toute la terre de Nicorps, que Richard le Barbe et Gilles de Sap tenaient de lui au cens de 18 quartiers de froment ; le domaine de Maldoit tenu de Gillot de Coutances pour 6 quartiers de froment, 6 pains et 6 chapons par an ; un autre domaine à Corce (Gorges ?) ; une terre à la Croix-Gaudin tenue par Bocher Crespin pour 6 boisseaux de froment par an ; et un tènement à Maldoit, qui lui |rapportait 20 quartiers d'avoine et 2 sols tournois.

Certaines autres fondations de la même époque n'étaient peut-être pas aussi désintéressées, comme on pourra en juger par les extraits suivants :

Vers 1190 (pas de date).— Moi, BELIN BACON, je confirme, pour le salut de mon âme et de mes ancêtres, aux pauvres du Saint-Hôpital de Jérusalem une donation d'un pré que JOURDAIN, fils DAUDE, tenait de moi par droit héréditaire, que ce dernier avait donné à Dieu et à la Maison de l'Hôpital de Jérusalem à sa mort pour son âme en perpétuelle aumône, dans toute son étendue, suivant le témoignage des bourgeois de Villedieu qui avaient été présents, à condition que la Maison de l'Hôpital rendrait à ses héritiers par an XII sols d'Anjou de rente à la Fête de Tous les Saints. Sa femme et ses héritiers ont concédé cette donation et ont juré de la ternir devant la porte du bienheureux Blaise. Le frère ETIENNE DE BLOIS, alors Précepteur en Normandie, compatissant à la pauvreté de la femme et des fils du même Jourdain, leur donna 40 sols d'Anjou et remit 15 sols et 8 deniers que lui devait le même Jourdain. Et à moi, BELIN BACON, le dit Etienne, de sa propre volonté, m'a accordé 20 sols par an sur les aumônes du Saint-Hôpital. Et pour que cette donation ne puisse désormais être enlevée par fraude, je l'ai revêtue de ma signature.

Témoins : GILBERT, chapelain, frère LAMBERT, GEOFFROY de AMBLIE, CLÉMENT et MICHEL de MONTAIGU.

— 1202 : JEAN de SUPSENA donne à la Maison et aux Frères de l'Hôpital de Jérusalem, 3 deniers de rente que les Frères lui rendaient chaque année pour le pré qui est le premier au-dessus de leur moulin. Approuvé par sa femme et ses enfants. — Juré sur le Saint Évangile, à l'autel du B. Biaise ; entre les mains du frère Étienne, qui donna au donateur 20 sols d'Anjou, 12 à sa femme, et autant à chaque enfant.

Témoins : FR. LAMBERT, GILBERT, prêtre, RANOULPHE de SAINTE CÉCILE, FÉRON CARPENTIER, GEOFFROY de AMBLIE, ROBERT D'AUBIGNY, RICHARD ROER, GLENE, LE MIGRE, GERONDI.

 

En 1197, par devant Gilles, évêque de Coutances, GILLES DE SMOITT chevalier, fait don à l'Hôpital, du consentement de ses deux fils, de la maison et de la terre de Simon Medietarius, libre de toute servitude, fieffée moyennant 6 quartiers de froment par an à la Saint-Michel, et 3 nummatas (du Mans) de pain, plus 3 gelines à Noël ; — ainsi que d'une autre terre qui rapportait 4 quartiers de froment, 3 nummatas de pain et 3 gelines. La pièce est revêtue du sceau de Gilles, évêque de Coutances.

Au mois d'avril 1293, trois pièces de terre sises à Sainte-Cécile rapportent à l'Hôpital 3 sous tournois de rente, 1 pain et une geline.

La même année, au mois d'octobre, nous trouvons des Lettres d'amortissement du roi Philippe le Bel, obtenues par Frère GUILLAUME DE GRISEY, prêtre de la maison de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem de Villedieu de Saultchevreuil, et NICOLAS BARDEL, Vicomte du même Hôpital au même lieu, au nom du Prieur, et des Frères dudit Hôpital, pour certaines acquisitions faites depuis 47 ans : — savoir une pièce de terre contenant des bois sis en la paroisse de Villedieu sur la Rivière, près la maison de l'Hôpital, d'une valeur de 108 sols tournois de rente annuelle, provenant de la vente de Robert Cor ton et de Philippe dit Bigot. 25 livres tourn. avaient été financées pour obtenir ces Lettres.

Un accord passé par-devant le Bailly de Coutances, le lundi avant la Saint-Clier 1328, entre le Chevalier D'AGNEAULX et frère GIEFFRAY DE PARIS, Commandeur de Villedieu de Saultchevreuil, atteste la possession par les Hospitaliers d'une rente de 12 quartiers de froment sur les moulins d'Agneaulx.

Lorsque le Concile de Vienne eut donné aux Hospitaliers les biens des Templiers qu'il Amenait de supprimer, Philippe le Bel fut obligé de remettre ces biens qu'il avait séquestrés aux mains de leurs nouveaux propriétaires[11]. Le Commandeur de Villedieu, PIERRE DE SOUCHAMP, fut délégué en 1313 pour prendre au nom de l'Ordre possession de ceux qui étaient situés dans le diocèse de Coutances à Valcanville et à Hémevez, ainsi que le prouve la pièce suivante[12].

A tous ceuls qui ces lettres verront... Pierres de Ver tenant le leu du Vicomte de Valoigñ saluz... Come nous aion eu mandemt de nos mestres le baillif de Cost(entin) et le vise de Val(ognes) de mettre en corporeil possession les Freires de lospital Saint Jehan de Ier(usa)lem de tous les biens meubles et non meubles qui as Templiers appartenoient et devoient appartenir en la baillie de Cost(entin) en temps que eus furent pns, sachent tous, selonc la teneur des diz mandemz, nous avon estei a Valcanville et Heimevez et avon mis en corporeil possession home releg(ieux) freire Pierre de Souchamp, comandeur de Viledeu de Sauchevreul, en non des frieres dudit hospital, de tous les dis biens qui as dis Templiers aptenoient et devoient aptenir es dites p(a)roisses et aillours p(ar) toute la visconte de Val en la présence des pns et des tenanz des dis lieus et de grant foison dautres bonnes gens, as quex pnes et tenans nous comendasmes q(ue) en point et en lestât q(ue) eus obeisseent as Templiers au devant de lour capcion q(u)eux obeisissent as dis freires dudit Hospital et a lour gent : les quex si acorderent et jureirent a leur poir foy et loiautei come homes doevent f(air)e a lours segnours. — Et avon connu q(ue) les manoirs de Valequanville et de Heimevez sont grandement damagiez et emperiez par faute de couverture, et que il faut as moulins de Valecan ville deux axeles et une roe et assez dautres mairiem[13] pour quoy les moutens des dis moulins ont estei mot damagiez en temps passei. Donne le juesdi avant Rouvesons[14] l'an de grâce mil CCCXIII.

Ces biens, et les autres possessions des Templiers de Coutances et environs[15] ne furent pas unis à la Commanderie de Villedieu : ils formèrent la Commanderie distincte de Valcanville, citée dans le Livre-Vert de 1373 (voir au Chapitre IV), et qui resta indépendante jusqu'à la Révolution.

Un certains nombre de fiefs situés dans les territoires de Trouville, Valcanville, Colomby, Golleville au Mesnil, Rugueville, Hémevez, le Hameau-Picard, Hauteville, Durville, Rigouville, Portbail et le Theil, et par conséquent voisins de la Commanderié de Valcanville, appartenaient dès 1400 à la Commanderie de Villedieu-lès-Saultchevreuil, et lui demeurèrent unis même après sa réunion à Villedieu-lès-Bailleul.

L'éloignement où ils se trouvaient donna l'idée de les vendre : mais le contrat passé avec François d'Aigremont ne fut pas ratifié par les dignitaires de l'Ordre, comme l'exigeaient les Bulles des Souverains Pontifes ; le remboursement du prix d'achat et des 151 livres de frais et loyaux coûts fut ordonné et exécuté en 1564. Quelques années plus tard, en 1613, un seigneur d'Aigremont prit en fief de la Commanderie de Villedieu-lès-Poëles, moyennant 30 livres de rente seigneuriale payables à la Saint-Michel en ladite Commanderie, tous les fiefs, ténements, terres, cens, haute-justice et sergenterie de Trouville, Colomby et Huberville, et autres lieux sis en la vicomté de Valognes.

Les terriers de Villedieu indiquent différents autres fiefs dépendant de la Commanderie, dont nous n'avons pu retrouver l'origine.

Les fiefs de l'Ulagrie et rue Morin situés aux Chéris (près Ducey), rapportaient, en 1373, 10 quartiers de froment et 14 demeaux d'avoine valant alors 6 francs[16]. L'église de la paroisse étant construite sur ces fiefs, le Commandeur en était seigneur honoraire. A la suite de difficultés survenues au XVIe siècle, ces terres furent fieffées d'abord pour 90 livres ; puis Charles Philippe de Bordes, écuyer, seigneur et patron de Chalandrey, etc. les prit à bail pour 130 l. de rente. Cette somme fut élevée à 200 l., en 1723, sous le Commandeur de VILLENEUVE-TRANS.

Le Livre-Vert de 1373[17] parle de possessions au Val Saint-Pair et villages environnants, avec 4 francs de revenu. Nous n'en trouvons plus de traces après le XVe siècle.

Le fief de la Chapelle-Cécelin ne rapportait guère que le produit des droits seigneuriaux.

Celui du Saint-Mauvieu (près Vire) valait 4 sols de rente avec ces mêmes droits en 1710.

Les 80 vergées de terre de Bazenville (près Bayeux), fieffés pour 70 livres en juin 1684, furent donnés à bail d'héritage à Jacques de la Rivière, seigneur de Crèvecœur, pour 100 l. de rente, le 22 juin 1710, par le Commandeur DE COMENGE.

 

 

 



[1] La tradition a été consignée au siècle dernier dans un ouvrage manuscrit dont plusieurs copies se trouvent en la possession des anciennes familles de Villedieu. Parmi les exemplaires qui nous ont été confiés pour notre travail, il en est un qui mérite une mention spéciale : il a été transcrit par M. l'abbé PIÉDOYE, né à Villedieu, ancien vicaire de la paroisse, devenu Curé de Chérencé-le-Héron. Le vénérable septuagénaire a ajouté, de 1853 à 1858, des notes précieuses à sa copie : il y compare l'état actuel de la ville à ce qu'il avait pu connaître dans son enfance ; son témoignage vient ainsi corroborer les descriptions et narrations de l'ancien manuscrit. Le volume de M. Piédoye porte en tête le visa de M. Garnier, Vicaire général, Curé de Saint-Gervais d'Avranches, en date du 26 septembre 1859.

Nous ferons à l'occasion des emprunts à cet ouvrage, en le désignant sous le nom de Manuscrit traditionnel ou Manuscrit de Villedieu. Tous les faits n'y sont pas d'une exactitude irréprochable : l'auteur lui-même nous en expose les raisons dans sa préface : les titres originaux et les anciens chartriers avaient été transportés à Paris au siège du Grand Prieuré de France ; on ne devait guère pouvoir prendre connaissance que des copies des registres terriers déposées a la Mairie de Villedieu. — Les Archives du Grand Prieuré, déposées depuis la Révolution aux Archives Nationales, ainsi que les autres documents officiels que nous avons pu consulter, nous permettront de rétablir autant que possible la vérité historique.

[2] Le terrier de 1587 (fol. 26) dit que le Pont du Moulin tenait au CHÂTEAU BOUCAN.

[3] D'après M. Delaville-Le-Roulx (Biblioth. de l'École des Charles, 1B87 : LES STATUTS DE L'ORDRE DE L'HÔPITAL), il ne s'agirait pour ces Pontifes que de la confirmation des donations et privilèges accordés à l'Hôpital : la règle n'aurait été définitivement approuvée que par Eugène III (1145-1153).

[4] Le terrier de 1741 prétend même que ce fut la première Commanderie établie en France. Nous aurons du moins l'occasion de montrer bientôt que les Chartes sur lesquelles s'appuyaient d'autres Commanderies pour se prétendre plus anciennes, sont en réalité d'une date postérieure à 1135.

[5] Hospitali etiam Hierusalem quamdam terram in pago Abrincatensi dédit, in qua illi servi Christi vicum quemdam, quem vocant Villam Dei, magnis privilegiis regia munificentia munitum ædificaverunt. — V. le texte dans le Recueil des Historiens de France (1781) : T. XII, p. 581. a.

[6] G., dux Normanie et com. And. Hugoni archiepo atque omnibus epis. comit... Ego dedi et concessi fratribus sancte domus Hospitaliis Jhlrm marchehum apud Villam Dei in die Martis, tali conditione q. abatissa et sanctimoniales Scte Marie Lexovian Ecclie medietatem illius fori habeant qnod apud Villam Dei erit, et similiter Fratres Scte domus Hospitalis apud Villam Dei existen medietatem ptm illius habeant quam abatissa et sanctimoniales habent in foro de Saltu Caprioli. Ita facta est coneordia inter fratres illius Hospitalis et sanctimoniales de foro unde prius discordia fuerat... Testes... Anno ab incarnatione Dni millésime centesimo quadragesimo septimo, in pascha predenti, carta data apud Mirrebellum.

La copie de cette Charte fait partie du fonds de l'abbaye de N.-D. de Saint-Désir de Lisieux conservé aux Archives du Calvados. Dans les différentes pièces d'un procès du XVIe siècle dont nous aurons à parler plus tard, les premiers mots avaient été traduits par erreur : GUILLAUME, duc de Normandie et comte d'Anjou. Il ne peut être question ici de Guillaume II, fils du conquérant de l'Angleterre, mais de Geoffroy Plantagenet, père du roi Henri II, et qui lui-même ne possédait la Normandie qu'en vertu de son mariage avec Mathilde, petite fille de Guillaume Ier et fille de Henri Ier. L'Archevêque Hugues, à qui cette Charte est adressée, n'est point l'évêque Hugues de Lisieux, mais Hugues III archevêque de Rouen. La date de 1147 se trouve ainsi pleinement justifiée. — Nous devons cette rectification à une communication bienveillante de M. Armand Bénet, archiviste du Calvados.

Nous avons nous-mêmes remarqué cette même erreur dans la traduction de chartes émanant de Geoffroy Plantagenet. Ainsi pour la première charte confirmative des possessions de la Commanderie de Villedieu de Bailleul (à laquelle fut rattachée plus tard celle de Villedieu de Saultchevreuil) le G. initial était couramment traduit par GUILLAUME, sans égard au titre de comte d'Anjou ajouté à celui de duc de Normandie. L'absence de date dans le texte avait permis de mettre en tète d'abord le chiffre de 1060 afin d'avoir la gloire de remonter à GUILLAUME LE CONQUÉRANT ; Puis on y avait substitué 1105 en se contentant de l'époque plus récente de GUILLAUME II : c'était encore une petite erreur, puisque ce dernier roi était mort en 1100. (V. Arch. Nat., M. 15, n°1).

[7] Voici le texte latin d'après la Neustria pia (p. 585) et le Gallia Christ. (T. XI, Instr., col. 203) : Terram quoque Sanchevrol, Burgum et Forum, Ecclesiam cum decimis, molendinum quoque cum sylva : Concedimus etiam Parœchiam ejusdem Ecclesiœ, a divisione fluminis usque ad fines Leugæ, prœter décimas frugum, terrain quoque duorum aratrorum in dominio, Burgum etiam totum a divisione pontis ; et omnes redditiones ex eo exeuntes ; septum vineæ ; et unarn sylvulam ; Décimas etiam omnium molendinorum totius Leugæ ; vineam quoque veterem, cum desuper adjacente sibi sylva.

[8] Le mot Leuga, d'après Du Cange, signifie un terrain vague susceptible de recevoir des constructions. — Ce terrain bâti correspondait sans doute à notre Bourg-l'Abbesse.

[9] Mémoires des Antiq. de Normandie. T. VII, p. 247. 3, et T. XIV, p. 351. — Voici les passages importants de cette Charte, apportée, comme la première, comme pièce à conviction dans le procès du XVIe siècle (n° 17) : ... Confirmasse monialibus S. Mariæ de Lexovio, quod habeant medietatem fori Villadei in omnibus acquisitionibus et in nundinis quas eis concessi, — et quod suum proprium servitorem ibidem habeant, qui recipiat quod suum provenerit, sicut conventio fuit inter hospilal et ipsas, et sicut carta patrismeï, quam indebabent, testatur... Apud Cadom. 1172. — Copie donnée sous le grand scel de la Sénéchaussée de Lisieux le 25 juin 1377.

[10] Mémoires des Antiq. de Normandie, T. VII. p. 247. 18 ; et T. XIV, p. 351.

[11] On peut voir les difficultés apportées par Philippe le Bel et ses successeurs dans MANNIER : Les Commanderies du Grand Prieuré de France. Introduction.

[12] Arch. Nat., S. 5057.

[13] Mairiem, pièces de bois, charpentes.

[14] Rouvesons, les Rogations.

[15] La Charte de donation de ces dernières possessions aux Templiers par Richard, évêque de Coutances, se trouve parmi les papiers de la Commanderie de Villedieu de Bailleul. (Arch. Nat., §. 5049, n° 43).

[16] V. Chapitre IV.

[17] V. Chapitre IV.